HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

LES CINQ DERNIÈRES ANNÉES (suite)

CHAPITRE DIXIÈME. — TURIN. - ARRAS. - LA HOLLANDE. - L'ALLEMAGNE. - LA CATALOGNE. - LE PORTUGAL.

 

 

En attendant la campagne.

Dans les premiers jours de l'année 1640, le prince Casimir, frère du roi de Pologne Ladislas, commençait à s'ennuyer fort au château de Vincennes. Il avait été arrêté, au mois de mai 1639, à Saint-Tropez, où il venait de débarquer et, le 25 août suivant, le cardinal l'avait ainsi recommandé à Chavigny : Je ne crois pas qu'il y ait rien à faire en l'affaire du prince Casimir, qu'à représenter à son secrétaire, quand il vous parlera, le tort qu'il a eu de venir passer en France et en reconnaître la côte, allant servir en Espagne ; et cependant le bien garder [1]. Richelieu avait ajouté le 30 : Il y a ici un envoyé de Pologne qui s'en va trouver le Roi sur la détention du prince Casimir, lequel ne vous déplaira pas, étant assez gaillard de sa nature. Vous l'écouterez ; ensuite, il lui faudra donner bona verba et demeurer in deliberatis quant à la détention du prince Casimir[2].

Trouvant que cet in deliberatis se prolongeait outre mesure, le roi de Pologne avait envoyé un ambassadeur extraordinaire pour hâter la délivrance du prisonnier. Elle lui fut accordée, mais le prince Casimir dut promettre de ne rien faire contre les intérêts de la France, tant que la guerre durerait, et le roi Ladislas dut assurer que, lors de la prochaine diète, lui-même, quelques sénateurs et l'assemblée tout entière garantiraient l'exécution de la promesse[3] : Je suis bien aise que l'affaire du prince Casimir soit terminée, mandait Richelieu à Chavigny le 26 février 1640. On ne sauroit à mon avis, s'exempter de le traiter. Soit qu'il demeure à l'hôtel des Ambassadeurs (rue de Tournon), soit qu'on le loge à l'hôtel de Schomberg, il faut faire les choses honorablement : s'il demeure à l'hôtel des Ambassadeurs, il est besoin de lui faire promptement bien meubler un appartement et le traiter par présents, ses officiers et ceux de l'ambassadeur étant suffisants pour le servir ; s'il va à l'hôtel de Schomberg (rue de Bussy), il faudra le traiter par les officiers du Roi, ce qui sera un peu plus incommode. Quand il partira d'ici, j'estime à propos que Sa Majesté lui donne une épée de trois ou quatre mille écus. Pour cet effet, Lopez en a une. Il y en a d'autres dans Paris[4].

Avant de quitter le Royaume, le prince se rendit au château de Saint-Germain, où il dîna avec le Roi. Le Père Griffet observe à ce propos : Monsieur ayant déclaré qu'il ne pouvait ni lui rendre la première visite ni lui donner la droite chez lui, parce que la couronne de Pologne est élective, Casimir aima mieux s'abstenir de l'aller voir que de renoncer à ses prétentions. Il eut plus de complaisance pour celles du cardinal, qui refusa de lui donner la droite chez lui, sans que ce prince parût s'en offenser, tant cet homme le portait haut, dit le marquis de Montglat, et tant il était redouté des étrangers[5]. Quelques jours plus tard, Chavigny écrivait au baron d'Avaugour, qui s'en allait représenter le Roi en Pologne : Toutes choses ont été ajustées avec M. l'Ambassadeur de Pologne Gosienski. Le prince Casimir et lui, sont partis pour retourner en Pologne. Le prince s'en va fort content du bon traitement qu'on lui a fait depuis qu'il est sorti du château de Vincennes. Il a été régalé de forts beaux présents et particulièrement d'un diamant de grand prix que le Roi tira de son doigt et lui donna[6]. Les instructions rédigées pour M. d'Avaugour montrent combien Richelieu craignait que le roi de Pologne ne subit l'influence de la maison d'Autriche ; l'ambassadeur (levait parler discrètement au Roi de l'entrevue que Sa Majesté Polonaise venait d'avoir avec le prétendu Empereur, il devait représenter le danger d'une alliance avec cette maison d'Autriche qui n'avoit d'autre pensée que de s'insinuer dans le royaume de Pologne afin d'en faire comme de ceux d'Hongrie et de Bohême[7].

Le prince Casimir n'était pas seul à peu goûter le séjour de Vincennes. Le prince palatin avait trouvé que le château ressemblait beaucoup plus à une prison qu'à une maison royale. Il y était toujours enfermé au mois de janvier 1640, malgré les efforts qu'avait déployés la diplomatie anglaise pour l'en tirer. Au commencement du mois de décembre 1639, le jeune Windebank, fils d'un secrétaire d'État britannique, était venu à Paris demander mue le prince fût mis en liberté, M. de Bellièvre, ambassadeur de France à Londres, l'avait annoncé comme un diplomate peu redoutable : Ce n'est pas, avait-il écrit à Chavigny le 2 décembre, l'éloquence, la suffisance ni la vivacité de l'esprit de celui qui vous est envoyé qui obtiendra de vous ce qu'il prétend[8]. Reçu le 17 par le Roi, le 20 par le cardinal, Windebank écrivit à son père le 23 : Le cardinal m'a traité avec infinis respects. Plus clairvoyant, Leicester, ambassadeur d'Angleterre, expliquait le même jour au même père : Le cardinal a parlé à M. Windebank du traité de ligue offensive et défensive... C'est leur but de se servir du motif de la liberté du prince pour faire consentir le roi d'Angleterre à la ligue. Et bientôt Richelieu, ayant décacheté une lettre que le secrétaire d'État Windebank adressait à son fils, pouvait lire dans la traduction qui lui fut présentée : La France a intention de se servir de la liberté du prince Électeur pour établir une plus étroite conjonction entre l'Angleterre et la France, mais, s'ils ont dessein de retenir le prince Électeur jusqu'à ce que Sa Majesté descende si bas au-dessous de lui-même, le pauvre prince sera en pauvre état, mais ce à quoi ils s'attendent leur manquera certainement[9].

Le 1er janvier 1640, le cardinal résolut de permettre au jeune Windebank de voir le Palatin en présence de M. de Chavigny, à condition que l'envoyé anglais voulût bien ne parler que français durant cette visite[10]. Sachant que le roi d'Angleterre ne voulait pas entendre parler de ligue offensive et défensive, il avait trouvé trois moyens de rendre la liberté au Palatin. Le premier était que Sa Majesté voulût bien mettre le prince à même de lever dei troupes pour agir de son chef vers la Westphalie, comme il avait commencé. Le Palatin, de son côté, donnerait assurance qu'il n'avoit point eu dessein de débaucher l'armée du Roi en Allemagne et que pour rien au monde il ne voudrait penser à une telle chose. Le second moyen exigeait toujours du Palatin la même assurance, mais il ne comportait que cette déclaration de Charles Ier : Le roi de la Grande-Bretagne ne donneroit point de troupes aux ennemis ni permission d'en lever dans son État et il fermeroit les yeux à celles que Sa Majesté (Très Chrétienne) y voudroit lever ci-après, pour être employées tant en Allemagne qu'ailleurs, pour l'avantage de la cause commune et le particulier du prince son neveu. Le troisième moyen ne comportait plus que l'assurance demandée au Palatin[11]. Celui-ci ne sortit de Vincennes à la fin du mois de mars 1640, qu'après l'avoir signée.

Il avait fallu pour obtenir sa mise en liberté, l'insistance de Grotius, ministre de Suède qui, sur l'ordre de la reine Christine, était venu dire à Louis XIII, au cours d'une audience obtenue à grand peine : Sire, il ne m'appartient pas d'entrer dans les raisons qui ont conduit votre Majesté dans ses résolutions, mais s'il m'est permis de dire ce que je pense à un si grand Roi, sans manquer au respect que je lui dois, il me paraît que le meilleur remède que l'on puisse apporter à ces sortes de maux, c'est de les oublier et d'empêcher qu'il n'en arrive de semblables à l'avenir. Je pourrois ajouter que si M. l'Électeur est tombé dans quelque faute, elle doit vous paraître d'autant plus excusable qu'il n'est ni assez avancé en tige pour avoir acquis une grande expérience des affaires du inonde, ni assez puissant pour avoir à son service les gens les plus capables de lui donner les meilleurs conseils[12].

Le prince palatin, qui avait dû, avant de quitter Vincennes, assurer, par un écrit signé de sa main, qu'il ne sortirait point du Royaume sans la permission du Roi et qu'il n'entreprendroit rien contre les intérêts de Sa Majesté, fut conduit par Chavigny à l'ambassade d'Angleterre. Il y vécut dans la retraite jusqu'au départ du prince Casimir. Il fut alors installé à l'hôtel des Ambassadeurs, servi aux frais du Roi, par quatre-vingts domestiques et reçut quinze cents francs chaque jour pour ses dépenses personnelles. L'audience que le Roi lui accorda le 3 avril, le dîner qui suivit semblaient lui prouver que tout ressentiment était oublié. Étant allé visiter ensuite le cardinal à Rueil, il lui laissa prendre la droite et dit à son entourage qu'il ne devoit rien à M. de Richelieu comme cardinal, mais qu'il ne disputait aucun honneur au plus grand homme de son siècle[13]. Quatre mois plus tard, le grand homme lui permit enfin de partir : il n'y avait plus, en effet, aucune raison de retenir ce Palatin, puisque le roi d'Angleterre était bien résolu de ne jamais s'allier à la Suède pour le rétablir dans le Palatinat.

 

Au secours de Casal.

Le 14 avril de cette année 1640, Richelieu écrivit à M. d'Estrades, ambassadeur du Roi près MM. les États de Hollande : Vous direz, s'il vous plaît, à M. le Prince d'Orange que l'armée de M. de La Meilleraye sera de plus de vingt mille hommes de pied effectifs et sept mille chevaux, et qu'outre cette armée MM. de Chaulnes et de Châtillon en commanderont une autre qui regardera la Flandre, qui sera de plus de quinze mille hommes de pied et quatre mille cinq cents chevaux. Outre cela, M. du Hallier nitra quinze cents chevaux et sept mille hommes de pied en Lorraine, du côté du Luxembourg, et le marquis de Villeroy autant en Bourgogne. Voilà l'état de notre campagne, pour ce qui est de la France, à l'égard des côtes de deçà, où je ne comprends point la Guyenne et le Languedoc, qui ont pour faire une armée de quinze mille hommes de pied et de trois mille chevaux. Pour œ qui est des pays étrangers, les recrues arrêtées, payées et assurées, pour le cours de cette année en Italie, viennent à plus de trente mille hommes, sans compter huit à neuf mille hommes de pied et douze cents chevaux, que M. de Bordeaux aura en Provence, avec une armée navale de vingt-deux galères et de cinquante vaisseaux destinés pour le secours de l'Italie. Je ne vous dirai rien de l'armée de M. de Longueville et de l'union de Mme la Landgrave[14], parce que vous en savez autant que nous, et seulement dois-je vous faire savoir qu'on lui envoie quatre mille hommes de pied et mille chevaux de recrues. Je vous avoue qu'en vous écrivant ce que je fais, j'ai de la peine à le croire, mais cependant c'est chose si véritable que je puis vous assurer que le tout sera effectif et qu'outre ce que dessus, le marquis de Brézé (Armand de Maillé), assisté de bons tuteurs pour apprendre son métier, sera en la mer océane avec vingt-quatre bons vaisseaux de guerre et dix brûlots[15].

Cependant en Italie, le comte d'Harcourt, sans attendre les trente mille recrues annoncées par le cardinal, attaquait le marquis de Leganès, qui assiégeait Casai. Turenne commandait la cavalerie, le comte de La Mothe-Houdancourt et le comte du Plessis-Praslin, les marquis de Ville et de Pianezza commandaient les trois corps de l'infanterie, dont l'un était savoyard. Dès 6 mai, Richelieu put écrire à Mazarin, dont il francisait, dans sa joie, le sobriquet italien[16] : Colmard, la France a gagné une bataille en Italie, trois mille hommes sont demeurés sur la place, quatre canons et la moitié du bagage des ennemis sont ès mains des victorieux. Casal n'est pas seulement délivré, mais il voit l'orgueil de ceux qui le vouloient perdre sous ses pieds et, après les avoir vus remuer beaucoup de terre pour sa ruine, il en remue à son tour pour les faire jouir du dernier office qui se rend aux chrétiens bien qu'ennemis. Le Dieu des batailles a fait ces merveilles[17].

Richelieu avait ajouté ce post-scriptum : Je ne vous soumis dire la satisfaction que j'ai de M. le Comte d'Harcourt et de tous ceux qui servent en l'armée d'Italie. Satisfaction qui ne cessait de croître, tandis que le vainqueur de Casai s'efforçait de reprendre Turin aux Espagnols : Il ne me reste, écrivait Richelieu le 26 juillet 1640, qu'à exhorter la bravoure de M. le Comte d'Harcourt à conserver sa personne dans la continuation des actions héroïques qui, le rendant célèbre dans l'Italie et la chrétienté, font qu'en l'estimant, autant que sa vertu m'y convie je l'aime comme un autre moi-même[18].

C'est au comte d'Harcourt que Richelieu adressait ces lignes enthousiastes. Ce fameux cadet de la maison de Lorraine, connu sous le sobriquet de Cadet la Perle, parce qu'il portait toujours une grosse perle en pendant d'oreille, se trouvait alors resserré entre les murailles de Turin, qu'il avait entourées d'une circonvallation et le marquis de Leganès, accouru pour délivrer la ville. L'armée de Leganès comptait douze mille hommes de pied et quatre mille chevaux, la garnison de Turin, que commandait le prince Thomas de Savoie, était de quinze cents chevaux et de cinq mille hommes, infanterie que grossissaient quelques milliers de bourgeois armés. Mais un corps français occupait la citadelle. Se croyant sûr de la victoire Leganès avait mandé au prince Thomas d'inviter les dames de Turin à louer des fenêtres pour voir passer dans les rues Cadet la Perle, qui ne pouvait manquer d'être pris. Cette rodomontade n'avait pas empêché Leganès d'être repoussé le 11 juillet et de perdre quatre mille hommes à l'assaut des retranchements du comte d'Harcourt. Le lendemain, Turenne avait amené au camp six mille fantassins et quelque huit cents cavaliers. Bientôt le marquis de Villeroy et le comte de Tonnerre le suivirent à la tête de nouveaux renforts. Leganès recevait également de nouveaux contingents.

Il n'entreprit que d'arrêter tous les convois de vivres, réduisant ainsi les assiégeants à une disette qui ne le cédait qu'à celle des assiégés. Ceux-ci, mal ravitaillés par les bombes sans fusée, mais pleines de poudre et de farine que leur envoyait l'artillerie de Leganès, tentèrent une sortie le 14 septembre. Le marquis n'ayant point exécuté à l'heure convenue la diversion promise, la sortie échoua. Leganès, découragé, s'éloigna avec ses troupes.

 

Mazarin en Italie.

Ce même 14 septembre 1640, Mazarin, que Richelieu avait chargé de négocier la capitulation de la cité piémontaise, recevait ces instructions : Le Roi veut que M. Mazarin sache et fasse savoir à M. le Comte d'Harcourt que, si le prince Thomas ne veut faire un traité dans des conditions convenables, on fasse toute sorte d'efforts imaginables et possibles pour prendre sa personne et la ville tout ensemble... Le moindre traité auquel on puisse recevoir le prince Thomas est de rendre purement et simplement Turin entre les mains du Roi et de se rendre à Coni sur la foi du traité secret qu'il aura passé d'entrer ouvertement dans trois mois au service du Roi[19].

Le 20 septembre, Mazarin, ambassadeur extraordinaire du .Roi près Madame, n'était pas encore arrivé au camp et, depuis la veille, le comte d'Harcourt, qui n'était pas averti de son départ, avait signé la capitulation. II était convenu que M. le Prince Thomas de Savoie remettrait la ville de Turin au Roi entre les mains du comte d'Harcourt, lieutenant général de l'armée de Sa Majesté, laquelle voulait établir dans ladite ville la régence de Madame dans la souveraineté de M. le Duc de Savoie. Les autres articles de la capitulation réglaient notamment la sortie de la garnison fixée au 22 septembre, la sortie de ceux des bourgeois qui voudraient partir et qui seraient libres d'aller où bon leur semblerait, pourvu qu'ils ne prétendissent point entrer dans les places tenues par les troupes du Roi sans le consentement des gouverneurs. Les princesses de Savoie, qui étaient demeurées à Turin durant le siège, pourraient y continuer leur séjour, y recevoir le paiement de leurs apanages, y laisser leurs domestiques, meubles, hardes et bijoux, dont la sûreté leur était garantie. Elles préférèrent partir avec le prince Thomas. Ce n'est que le 24 septembre que le temps, affreux les 22 et 23, permit le départ des cinq mille hommes d'infanterie et des deux mille cavaliers de la garnison. Le prince partit avec les clefs du saint suaire de Turin. Il se rendait à Yvrée. Croisant sur la route le comte d'Harcourt, à cheval comme lui, il se contenta de le saluer sans mettre pied à terre[20].

Tandis que le vainqueur et le vaincu échangeaient un bref compliment, Louis XIII, à Saint-Germain, mandait au cardinal ce même 24 septembre : Vous saurez par Vaucocourt, qui est à ma sœur, la reddition de Turin, il faut bien remercier le bon Dieu des grâces qu'il lui plaît de nous faire et les bien reconnaître[21]. A Rueil, le ministre regrettait que le prince Thomas n'eût pas été fait prisonnier et contraint d'accepter les conditions du Roi. Mais il faisait écrire à Mazarin par Chavigny : Il ne faut pas témoigner que Son Éminence n'ait pas approuvé la capitulation, car elle ne veut faire aucun reproche à M. d'Harcourt, qui, après tout, a pris Turin et secouru Casal. Son Éminence espère que vous réparerez un peu cela et croit que vous êtes capable de faire des merveilles[22].

Un des moyens de réparer un peu l'erreur commise était de n'omettre aucun moyen raisonnable pour attacher le prince Thomas au service du Roi[23]. Richelieu ne se lassait point de le répéter. Il ajoutait que l'arrestation du comte Philippe d'Aglié, le mauvais génie de Christine, était nécessaire. On devait y procéder aussitôt que la duchesse de Savoie serait arrivée à Turin : En même temps qu'on aura fait arrêter le personnage, expliquait le cardinal le 13 octobre, lesdits Sieurs Comte d'Harcourt et Mazarin iront trouver Madame, pour lui en dire les raisons, toutes avantageuses pour son service, puisqu'elles vont à lui assurer plus aisément ses États et rejeter sur le' prisonnier le blâme de sa mauvaise conduite passée. Après cela, on priera Madame, de la part du Roi, d'établir un bon conseil, en quoi on tâchera de lui faire choisir ceux que le Roi peut désirer[24]. Richelieu n'estimait pas que la mission confiée à Mazarin fût sans danger, car, le 11 novembre, il écrivait à son ambassadeur extraordinaire : Souvenez-vous de vous faire escorter, lorsque, après avoir fait toutes vos affaires, vous reviendrez par le Dauphiné, ainsi que M. de Chavigny vous l'a mandé. Je crois bien qu'on n'entreprendra pas grande chose contre une si misérable personne que la vôtre, mais, puisqu'elle m'est chère, elle est assez précieuse pour être conservée avec soin[25].

Six jours plus tard, un carrosse de-velours noir brodé d'or entrait dans Turin. Il ramenait Christine à son palais. Acclamée par le peuple, Madame reçut une lettre de compliment et les clefs du saint suaire, que le comte Pallavicino lui avait apportées au nom du prince Thomas, et le comte de Mussan la félicita au nom du cardinal de Savoie, qui se trouvait à Nice. Ce cardinal paraissait être sur le point de s'accommoder avec la France. L'approbation donnée par le Roi à son mariage avec la princesse de Savoie, sa nièce, l'octroi de quelques terres considérables et de deux galères armées et équipées à mettre dans le port de Villefranche, le paiement d'une pension égale à celle que lui payaient les Espagnols et qui était de cinquante mille écus, le paiement d'une somme qui ne serait pas inférieure à la pension et servirait à acquitter quelques dettes, la remise d'une des places occupées par les Français en Piémont, place d'où il travaillerait à la soumission des peuples révoltés contre la maison de Savoie, le rétablissement des pensions du prince Thomas, telles étaient les demandes que le cardinal Maurice faisait présenter à Mazarin. Mazarin n'en refusa aucune pourvu que le prince cardinal se réconciliât sincèrement avec le Roi et avec Madame[26].

Le prince Thomas, dont la femme, sœur du comte de Soissons, était à Madrid, ne voulait pas rompre avec les Espagnols sans avoir tiré sa famille d'Espagne. Il entendait, avant cette rupture, que les Français rendissent à Madame les places qu'ils occupaient en Savoie, à condition que les Espagnols fissent de même.

Cet article des places, Richelieu pensait qu'il fallait le coucher avec grande délicatesse : deux choses y sont à considérer, expliquait-il, la première de le coucher en termes qui ne donnent point d'ombrage aux princes, et le second, qu'ils soient tels qu'ils ne nous embarquent pas insensiblement à une chose du tout avantageuse aux Espagnols et préjudiciable à la France... Quant à moi qui ai pour maxime de dire franchement ce qu'on veut faire et ne vouloir que la raison... je crois qu'on peut accorder la restitution des places, disant que, lorsqu'on les restituera, on aura tout l'égard qui sera requis à la sûreté d'icelles, entendant, comme vous le proposez, obliger par ces paroles Madame à y mettre des troupes françaises payées par le Roi. Et pensant, comme le portent vos lettres, qu'en tel cas il faudroit s'ouvrir le chemin de Casai et par après penser au duché de Milan et non au reste des places tenues dans le Piémont, je ne vois pas de difficulté à dire que le Roi ne fera jamais la paix sans la restitution des places, qu'il n'accordera pas une trêve longue sans que le prince Thomas ait sa femme et ses enfants[27].

Le cardinal avait ajouté : Après tout, si vous voulez savoir franchement ce que je pense de toute votre négociation, je vous avoue que, ne la tenant pas désespérée, je n'en ai pas grande espérance[28]. Un mois environ plus tard, le 21 novembre 1640, Richelieu pouvait écrire à Mazarin : Je ne saurois vous dire le contentement que j'ai reçu de ce que l'accommodement de M. le Prince Thomas a réussi. Je crois que Dieu a permis que vous ayez fait voir, par cet échantillon, ce que vous pouvez faire aux plus grands et plus importants traités auxquels vous êtes destiné... Il ne me reste qu'à vous dire que j'ai en vérité impatience de voir le segnor Colmardo, tant pour l'amour de sa personne que parce que je désire fort qu'après avoir fait ces exploits en Italie, il vienne prendre part à nos réjouissances de carême-prenant. Et comme la lettre se terminait ainsi : Il s'assurera cependant qu'en tout temps et en tous lieux, je serai toujours, non inutilement son serviteur[29], Mazarin disait : Son Éminence m'a fait l'honneur de m'écrire une lettre capable de me ressusciter si j'eusse été mort [30].

Mazarin avait encore à faire une chose si importante, qu'il tardoit, à Richelieu de la voir accomplie au contentement de Sa Majesté et à l'avantage de Madame sa sœur[31]. Elle le fut le 31 décembre 1640. Le soir de ce jour, le comte d'Harcourt, Mazarin et M. de La Court, l'ambassadeur ordinaire, se rendirent au palais. Ils trouvèrent Madame ajustant la princesse sa fille pour le bal qui se devoit donner, à quelque temps de là, dans l'appartement du comte Philippe. Ils commencèrent sans nul doute par lui présenter une lettre du Roi. Voici ce qu'y lut Christine : Ma sœur vous avez pu si clairement remarquer, par les conseils et assistances que je vous ai donnés jusques ici, mon affection particulière envers vous... Mon Cousin le Comte d'Harcourt et le sieur Mazarin vous représenteront les raisons qui m'ont porté à leur donner les ordres, desquels ils vous feront part, qu'il auroit été à désirer qu'on eût pu exécuter plus tôt... Je vous prie donc d'ajouter autant de créance à ce qu'ils vous diront de ma part comme si c'étoit à moi-même, qui serai toute ma vie votre bien bon frère[32]. Madame apprit alors que le comte Philippe venait d'être arrêté chez le marquis de Montpezat, avec qui il soupait fort gaiement. Elle éclata en pleurs, supplia, se jeta à genoux. Elle n'obtint que ces explications : le Roi a voulu seulement ôter au comte Philippe la principale part qu'il prenoit aux affaires sans avoir la prudence et l'expérience nécessaires pour les bien conduire, et ôter à la noblesse et au peuple le prétexte de ne pas rendre l'obéissance qui était due à Son Altesse. Voyant l'inutilité de sa douleur, Madame se contenta de répliquer aux envoyés du Roi que le comte Philippe n'était impopulaire qu'en raison de son dévouement à la France : On le sacrifiait, et elle aussi, aux princes de Savoie[33].

Le prisonnier fut amené à Paris, où l'on attendait le prince Thomas : Quand le prince viendra ici, avait écrit le cardinal, il y sera très bien reçu et je m'assure qu'il avouera que le procédé des Espagnols n'a rien qui puisse être comparé à celui des Français[34].

 

Le siège d'Arras et les conseils de Richelieu.

On lit dans une lettre du cardinal datée du 19 juin 1640 : Turin et Arras doivent être l'objet qu'on doit avoir devant les yeux pendant cette campagne. Il ne faut rien oublier pour avoir bonne fin de ces deux affaires, dont les commencements sont fort beaux[35].

C'est le maréchal de Châtillon qui avait eu l'idée d'assiéger Arras, il avait dépêché Puységur à Soissons pour soumettre son dessein au Roi et au cardinal : J'ai le même dessein que M. de Châtillon, avait répondu Richelieu, mais j'appréhende le grand nombre d'habitants qui se trouvent dans la ville et qui sont plus ennemis des Français que tous les Espagnols ensemble. Je crains encore que l'on ne leur ait donné une forte garnison pour les défendre. Puységur affirma que la garnison d'Arras ne comptait pas plus de deux mille cinq cents hommes de troupes réglées, le maréchal le savait. II entendait faire une démonstration sur Aire et Béthune, ce qui obligerait Arras à se dégarnir pour envoyer des secours à ces deux places.

Les Paroles de Puységur ne laissèrent pas d'impressionner Richelieu. Lorsque le Roi tint conseil dans le cabinet de l'évêché, avec le cardinal et M. de Noyers, Puységur demeura dans la chambre voisine, près de la porte, mais, au bout d'un quart d'heure, il fut appelé par M. de Noyers et introduit dans le cabinet : Nous venions de résoudre le siège d'Arras, lui dit Louis XIII, il faut tenir la chose secrète, n'en parlez à personne, dites seulement à M. de Châtillon d'en faire de même. Je vais dépêcher un courrier au maréchal de La Meilleraye, afin qu'il prenne le temps qu'il faut pour s'y rendre par le côté de deçà l'Escarpe. Le maréchal de Châtillon saura ainsi le jour qu'il lui faudra passer la Somme pour entrer dans le pays ennemi et donner jalousie aux autres places. Et moi j'irai à Amiens et je ferai venir les troupes que du Hallier commande vers la frontière de Champagne[36].

Le maréchal de Châtillon, secondé par le maréchal de Chaulnes, exécuta la démonstration qu'il avait proposée. Arras aussitôt se dégarnit au profit d'Aire et de Béthune. Cependant le maréchal de La Meilleraye s'avançait à la tête de seize régiments d'infanterie et de quatre mille chevaux. Il parut bientôt sous les murs d'Arras, où la garnison n'était plus que de quinze cents hommes et de quatre cents chevaux, et les deux autres maréchaux reparurent avec lui : à présent vingt-trois mille fantassins et neuf mille cavaliers encerclaient la place. Ils s'enfermèrent dans des retranchements, coupés de forts et de redoutes et défendus par des fossés larges de dix-huit pieds, profonds de douze[37]. Le 1er juillet, Richelieu félicitait ainsi le maréchal de Châtillon : Je ne vous témoigne pas par ces lignes la joie que j'ai de voir que les Français, qu'on n'avait pas jusques ici tenus autrement propres à si bien remuer la terre, aient au moins égalé les Hollandais en cette occasion, qui n'en firent jamais une telle étendue en si peu de temps[38]. Il est vrai que, dans une autre lettre datée du même jour, le cardinal reprochait aux maréchaux de n'avoir envoyé à Doullens, dont M. de Saint-Preuil était gouverneur, que mille chevaux et six cents hommes de pied, pour escorter un grand convoi qui devait partir dans les derniers jours de juin : J'avoue, disait-il, que, si ces Messieurs n'ont une révélation par laquelle Dieu leur donne assurance que ledit convoi ne sera point attaqué des ennemis, je ne sais quelle raison peuvent avoir de hasarder une affaire si importante avec si peu de sûreté[39].

C'est alors que le cardinal infant crut le moment venu d'attaquer les troupes du Roi, pour les obliger à lever le siège. La Meilleraye proposa de sortir des lignes, afin de prévenir la marche des ennemis. Châtillon ne goûta point cette proposition : si les troupes espagnoles voyaient le camp dégarni, elles profiteraient de l'occasion pour introduire un secours dans la ville et si, après ce coup de main, elles réussissaient à rentrer dans leurs lignes sans avoir été attaquées, la prise d'Arras deviendrait impossible. La Meilleraye dit alors : Monsieur, vous êtes d'un avis et moi d'un autre. On doit suivre la pluralité des voix : il faut faire opiner M. de Chaulnes et MM. les Maréchaux de camp. — Pour M. de Chaulnes, reprit Châtillon, je suis assuré qu'il sera de-votre avis et que tous ces Messieurs seront de même, parce qu'ils n'oseroient être d'un sentiment contraire à celui qui est en faveur. Mais pour moi je ne partirai point, je vous le répète, sans un ordre exprès du Roi.

On résolut de demander l'avis du cardinal, qui était à Doullens. Fabert partit, monté sur un excellent coureur et ne tarda pas à apporter ce billet dont le style tranchant diffère quelque peu du style ordinaire de Richelieu : Je ne suis point homme de guerre. Il est vrai que j'ai beaucoup lu, mais je n'y ai pas trouvé que l'on soit sorti des lignes pour combattre les ennemis, après avoir demeuré dix-huit jours entiers à les faire. Lorsque le Roi vous a donné à tous trois le commandement de ses armées, il vous a cru capables et il lui importe fort peu que vous sortiez ou que vous ne sortiez pas, mais vous répondrez de vos têtes, si vous ne prenez point la ville d'Arras[40].

Bien qu'il eût déclaré qu'il n'était pas homme de guerre, Richelieu n'épargna point les conseils les jours suivants : Il faudroit être aveugle, écrivit-il le 14 juillet, pour ne voir pas que, si les ennemis eussent eu le dessein d'attaquer la circonvallation, ils l'eussent fait d'abord. Et maintenant ils n'y peuvent plus penser sans faire une extravagance incroyable, laquelle ne convient ni à l'humeur espagnole ni à l'état présent des Pays-Bas, qui seroient perdus, s'ils avoient perdu un combat général... Le dessein des ennemis ne peut être maintenant que de traverser les convois... donc le principal but que MM. les Généraux doivent avoir de leur côté et nous du nôtre, est de faire passer un grand convoi par le moyen duquel la prise d'Arras soit assurée. Le cardinal entrait dans les moindres détails, il ajoutait le 17 : La nuit du mercredi au jeudi, M. de La Meilleraye doit sortir du camp avec trois mille cinq cents chevaux, ainsi que s'il voulait venir à Miraumont et cependant il tournera droit vers Vaux, sur le chemin de Péronne ; en même temps nous ferons partir un faux convoi de Doullens, qui ira jusque sur la montagne ; par ce moyen les ennemis ne penseront qu'à ce qui partira de Doullens et de Corbie[41]. Tant de soins ne pouvaient demeurer inutiles. Le 2 août 1640, Bouthillier reçut de Richelieu cette lettre aussi brève que triomphante : Ce billet est pour vous dire que, par la grâce de Dieu, l'armée de M. du Hallier, composée de dix-neuf mille hommes effectifs, est arrivée au camp avec quinze cents chariots de vivres et de munitions. Elle a passé à la barbe des ennemis, qui n'ont osé entreprendre de l'attaquer. J'ose vous dire maintenant que je tiens la prise d'Arras assurée[42].

Le cardinal se hâtait trop de triompher. Il était vrai que l'armée de du Hallier avait pu faire sa jonction avec les troupes que La Meilleraye avait conduites à sa rencontre. C'est à Beaufort, à trois lieues des lignes françaises, que cette jonction s'était opérée. Aussitôt un courrier avait été dépêché au Roi, tandis que les deux armées se mettaient en marche vers le camp. Le maréchal de La Meilleraye, dit la Gazette, fit faire halte et grand déjeuner de campagne, où tous les chefs et les princes firent une rude charge, témoignant qu'ils avoient plus d'une faim, la principale néanmoins étant celle de combattre. Pour laquelle apaiser aussi en son lieu, voici un cavalier qui apporte avis à toute bride, de la part du maréchal de Châtillon, que les ennemis attaquoient nos lignes... A cette nouvelle notre armée vola plutôt qu'elle ne courut[43].

Le combat finit avec le jour : les ennemis n'avaient pu empêcher le convoi d'arriver au camp. Aussi, dès le S août, le maréchal de Châtillon put mander à Richelieu : Ceux d'Arras viennent de faire la chamade à la brèche de la mine de M. le Maréchal de La Meilleraye. Nous sommes après à lier la capitulation. Nouvelle dont le cardinal fit ses compliments à son neveu : Je ne saurois vous dire la satisfaction qu'a le Roi de la prise d'Arras et le contentement que j'ai en mon particulier de ce que vous avez fait paraitre ce que vous valez. J'ai toujours attendu ce bon succès et de la bénédiction de Dieu et du soin et du courage de ceux qui y ont servi[44]. La capitulation alors n'était pas encore signée. Le cardinal en ignorait même les articles. Elle accordait à la garnison les honneurs de la guerre. Les Espagnols devaient être menés à Douai par le chemin le plus court. Ils pourraient emporter quatre canons et un mortier. Quant aux habitants, ils reçurent les promesses suivantes : Dans la ville, cité, faubourgs et banlieue d'Arras, la foi catholique apostolique et romaine seroit seule maintenue et conservée. On essaierait d'obtenir du Roi que jamais ni les gouverneurs de la ville ni les officiers ni les soldats de la garnison ne fussent d'une autre religion. On laisserait dans Arras le saint cierge et toutes les reliques. Nulle atteinte ne serait portée aux privilèges des ecclésiastiques ou des séculiers. Le Roi prendrait le mont de piété sous sa protection, il ratifierait tous les articles de la capitulation dans quatre jours[45].

Louis XIII et Richelieu désiraient conquérir les cœurs de leurs nouveaux sujets. Le 17 septembre 1640, le Roi écrivait à son ministre : J'ai été bien aise d'apprendre ce que le Père Dinet vous a rapporté de l'affection des habitants d'Arras à la France[46].

Le gouvernement de la ville fut donné à M. de Saint-Preuil, qui fut averti d'en traiter les bourgeois avec police et douceur et, au mois de décembre, Richelieu fit écrire à Rome par Chavigny pour empêcher que la nomination du cardinal infant à l'évêché d'Arras ne fût reçue[47].

 

Encore M. le Grand.

Parmi les gentilshommes qui se distinguèrent au siège d'Arras, il en était un dont Louis XIII et Richelieu, pour des raisons bien différentes, se montraient de plus en plus occupés, c'était Cinq-Mars. M. le Cardinal, disent les Mémoires du vicomte de Fontrailles, voyant M. le Grand mieux établi qu'il ne l'eût désiré, se résolut d'attendre que cette affection du Roi reçût quelque diminution d'elle-même. Sa Majesté étant à Amiens, M. le Grand qui désiroit avec une extrême passion de faire paraître son courage et qui étoit pleinement informé en quel état il étoit auprès de M. le Cardinal, se proposa de demander au Roi le commandement des troupes qui devoient conduire les convois que l'on envoyoit à Arras. Sa Majesté le lui accorda dès les premières ouvertures, sans en donner part à Son Éminence, qui l'ayant su, la fut trouver à l'instant pour la faire changer. Il était fort imprudent en effet de confier à l'inexpérience d'un jeune homme de vingt ans une entreprise d'où dépendait le succès du siège. Mais, continue Fontrailles, le ministre rencontra son maître ferme et inébranlable, persistant à vouloir que son favori eût cet emploi, qui lui étoit extrêmement glorieux. Enfin M. le Cardinal, s'apercevant que le Roi ne se relâcheroit point, il s'adressa à M. le Grand, qui dans la crainte de n'être pas soutenu aima mieux se relâcher de lui-même que d'y être contraint par force, et ainsi il se désista de sa prétention, et pour satisfaire le Roi, le commandement des volontaires, des gendarmes et chevau-légers de la garde lui fut donné[48].

Après le combat du 2 août, Cinq-Mars put lire dans un récit officiel : Le grand écuyer étant accouru des premiers à la tête des volontaires, eut un cheval tué sous lui, ensuite il se présenta pour donner avec l'infanterie à l'attaque du fort de Rantzau, mais les généraux n'y voulurent jamais consentir ni exposer son courage à un si grand péril[49]. Par malheur Cinq-Mars fut bientôt informé des commentaires oraux dont le cardinal assaisonnait la belle relation imprimée : si l'on en croyait Son Éminence, le héros de la charge avait fort goûté la décision par laquelle les généraux mettaient désormais sa précieuse personne à l'abri du danger. Il était, au moment de l'attaque du fort de Rantzau, à peine remis de la frayeur que lui avait causée la mort de son cheval. En un mot, son maintien à la guerre n'était point celui qu'il se vantait d'y avoir, quand il était à la Cour. Ces blessures d'amour-propre lui laissèrent une si profonde plaie dans le cœur, qu'il n'en guérit jamais[50]. Et une telle humiliation lui était infligée, alors que Henri Arnauld, abbé de Saint-Nicolas, écrivait : Il y a eu brouillerie entre le Roi et M. le Grand, qui a été mal reçu à son retour de ce que, pendant son voyage, il n'a point écrit à Sa Majesté[51]. Louis XIII et son favori avaient cependant pris de fortes résolutions quelques mois plus tôt, comme le prouve ce ridicule certificat : Aujourd'hui, neuvième mai 1640, le Roi étant à Soissons, Sa Majesté a eu agréable de promettre à M. le Grand que, de toute cette campagne, elle n'aura aucune colère contre lui, et que, s'il arrivoit que ledit Sieur le Grand lui en donnât quelque léger sujet, la plainte en sera faite par Sa Majesté à M. le Cardinal sans aigreur, afin que, par l'avis de Son Éminence, ledit Sieur le Grand se corrige de tout ce qui pourroit déplaire au Roi et qu'ainsi toutes ses créatures trouvent leur repos dans celui de Sa Majesté. Ce qui a été promis réciproquement par le Roi et M. le Grand en présence de Son Éminence. Louis. Et en marge : Effiat de Cinq-Mars[52].

Bien que Louis XIII, poussé peut-être par son favori, eût témoigné vers le 13 août, de très mauvaises humeurs contre le cardinal, celui-ci demeurait toujours le confident des joies et des mélancolies de son maître, qui lui écrivit le 6 septembre : L'intelligence est très grande entre M. le Grand et moi ; il y a eu quelques brouillards, mais ils sont maintenant dissipés[53]. Le futur Louis XIV ne semblait point partager le goût de son père pour le favori. Louis XIII mandait à Richelieu le 7 septembre 1640 : Je suis arrivé aujourd'hui en ce lieu (Saint-Germain), où j'ai trouvé la Reine et mon fils en très bonne santé. Mon fils est extrêmement opiniâtre ; je ne suis nullement résolu de lui souffrir ces mauvaises humeurs. C'était le grand écuyer qui était cause de tout le mal, ainsi que le baron de Brassac[54] l'expliquait, le 10 septembre au cardinal. Le Roi était entré dans la chambre de son fils. Cinq-Mars ayant voulu caresser ce Dauphin de deux ans, l'enfant s'était mis à crier. Louis XIII aussitôt avait paru fort courroucé et, rencontrant Anne d'Autriche, tandis qu'il regagnait sa chambre, il s'était arrêté et lui avait dit avec un visage fort plein de passion : Mon fils ne peut souffrir ma vue ; c'est une étrange nourriture (éducation) que la sienne, Mais j'y mettrai ordre. Atterrée, tremblant que le Roi ne lui enlevât le Dauphin, elle avait écrit à Richelieu, dont elle implorait les bons offices. Heureusement lorsque M. Legras, son secrétaire, envoya sa lettre à Chavigny le 13, il put dire au secrétaire d'État : La Reine a été aucunement consolée, ce matin, par les caresses que Mgr le Dauphin a faites au Roi, l'ayant embrassé vingt fois, l'appelant papa et couru après lui pour lui embrasser les jambes, enfin la tristesse s'est changée en joie[55].

Joie de courte durée pour Louis XIII. Le 11 octobre 1640, le Roi mandait au cardinal en post-scriptum d'une lettre consacrée aux affaires : Je ne vous en parlerai pas davantage, seulement vous prierai-je de m'excuser, si elle n'est pas faite de trop bon sens, étant tout hors de moi depuis hier une heure après midi qu'il plut à M. le Grand me quereller et me faire la mine. Grâce à Dieu j'ai des témoins et (il) ne sauroit rien nier. S'il n'eût reçu la lettre de M. de Noyers qu'il a été obligé de m'apporter, il ne m'eût pas encore vu, ne l'ayant point fait depuis hier trois heures après midi qu'il a fait toujours bande à part, ce que je crois qu'il continuera encore. M. de Noyers sait si, avant-hier au soir, je ne lui témoignai pas toute la tendresse et l'amitié qu'il se peut. Tant plus on témoigne l'aimer et le flatter, tant plus il se hausse et s'emporte. Je crois qu'il écrira quelque chose à M. de Noyers sur ses promptitudes, je vous prie n'y avoir point de foi que vous ne m'ayez entendu en sa présence et devant Gordes[56] qui a tout entendu. Je n'ai point dormi de rage... Je ne puis plus supporter ses hauteurs, car elles sont venues à trop haut point[57].

Voilà ce que le Roi avait mandé à son ministre à neuf heures du matin et voici ce qu'il lui mandait du château de Monceau, à neuf heures du soir : Je vous écris ce billet, parce que j'ai peur que vous soyez en peine de moi sur ce que je vous ai écrit ce matin. Dès aussitôt que M. le Grand a voulu revenir il a été très bien reçu de moi, et sommes à cette heure bien ensemble[58]. Mais le 22 novembre 1640, Louis XIII alors au château de Livry, adressait de nouvelles plaintes à Richelieu : J'ai eu patience jusques à cette heure, avant que vous vouloir écrire pour voir si les mauvaises humeurs de M. le Grand ne passeroient point... Voyant que, depuis que j'ai passé à Rueil, elles durent toujours, quoique j'aie été deux fois à sa chambre pour le prier que, si j'avois fait ou dit quelque chose qui le pût fâcher, de le vouloir bien oublier, il dit que je ne l'aime point, parce que, quand il me demande quelque chose contre la justice ou contre les formes, je le lui refuse, et veut de plus que je lui die ce que je ferai dans quatre, cinq ou six jours, ce que je ne sais pas moi-même une heure devant que je le fasse, voilà les raisons qu'il a de se plaindre de moi. Avec la maladie de mon fils, voilà de quoi me tenir bien gaillard, et sans la chasse, où je suis le plus longtemps que je puis, — parce que, quand je suis au logis, j'ai toujours cet homme devant moi avec sa morgue, — je passerois bien mon temps. Je ne puis plus souffrir ses hauteurs, il croit tout au-dessous de lui et qu'il n'a que faire de personne. Je suis bien marri de vous importuner, mais n'ayant que vous seul en qui j'aie confiance entière, je ne puis à qui dire mes déplaisirs qu'à vous[59].

Cinq-Mars paraissait incorrigible. Qu'ils vinssent de Louis XIII ou de Richelieu, les reproches ne réussissaient qu'à l'aigrir, comme le prouve cette lettre, datée de Saint-Germain, que le Roi écrivit au cardinal le 5 janvier 1641, à quatre heures du soir : Je suis bien marri de vous importuner sur les mauvaises humeurs de M. le Grand. A son retour de Rueil, il m'a baillé le paquet que vous lui avez donné ; je l'ai ouvert et l'ai lu. Je lui ai dit : Monsieur le Cardinal me mande que vous lui avez témoigné avoir grande envie de me complaire en toutes choses, et cependant vous ne le faites pas sur un chapitre de quoi je l'ai prié de vous parler ? qui est sur votre paresse. Il m'a répondu que vous lui en aviez parlé, mais que, pour ce chapitre, là, il ne se pouvoit changer et qu'il ne feroit pas mieux que ce qu'il avoit fait. Ce discours m'a fâché. Je lui ai dit : Un homme de votre condition qui doit songer à se rendre digne de commander des armées, et qui m'avez témoigné avoir ce dessein-là, la paresse y est du tout contraire. Il M'a répondu brusquement qu'il n'avait jamais eu cette pensée ni n'y avoir point prétendu. Je lui ai répondu que si et n'ai pas voulu enfoncer ce discours. Vous savez bien ce qu'il en est. J'ai repris ensuite le discours sur la paresse, lui disant que ce vice rendoit un homme incapable de toutes bonnes choses et qu'il n'étoit bon qu'à ceux du Marais, où il avoit été nourri, qui étoient du tout adonnés à leurs plaisirs, et que s'il vouloit continuer cette vie, il falloit qu'il y retournât. Il Ida répondu arrogamment qu'il étoit tout prêt... Ensuite de cela je lui ai dit que, m'ayant les obligations qu'il m'a, il ne devoit pas me parler de la façon. Il m'a répondu son discours ordinaire, qu'il n'avoit que faire de mon bien, qu'il étoit tout prêt à me le rendre et qu'il s'en passeroit fort bien et seroit aussi content d'être Cinq-Mars que M. le Grand et que, pour changer de façon de vivre, il ne pouvoit vivre autrement. Et ensuite est venu, toujours me picotant, jusque dans la cour du château, où je lui ai dit qu'étant en l'humeur où il étoit, il me feroit plaisir de ne me point voir. Il m'a témoigné qu'il le feroit volontiers. Je ne l'ai point vu depuis. Tout ce que dessus a été en présence de Gordes (capitaine des gardes). Et Louis XIII prenait le peine d'ajouter en post-scriptum : J'ai montré à Gordes ce mémoire avant que vous l'envoyer, qui m'a dit n'avoir rien lu que de véritable[60].

Nouvelle lettre du Roi le lendemain 6 janvier, à huit heures du matin : M. le Grand s'avisa hier au soir de dire à Montespan de me demander si je trouvois bon qu'il me vînt voir ; depuis, l'humeur lui changea et manda audit Montespan qu'il n'y pouvoit venir, parce qu'il se trouvoit mal. Je vous prie faire voir mes cieux mémoires à MM. de Noyers, comte de Guiche, de Senneterre, Bautru et Saint-Aoust, qui sont ses amis, afin qu'on voie qui a tort de nous deux et si je ne lui ai pas parlé pour son bien et pour son honneur[61]. Enfin le 8 janvier : Depuis la querelle que nous avons eue, M. le Grand et moi, le 5 de ce mois, gémissait Louis XIII, je n'ai ouï aucune nouvelle de sa part, et il attend toujours que je l'aille rechercher, ce à quoi je ne suis point résolu, m'ayant traité comme il a fait. Je dis hier à de ses amis que je trouvois bien étrange qu'il ne me fit point parler pour se raccommoder avec moi, afin que, eux lui rapportant, cela le portât à le faire. Tout cela, n'a servi à rien, et se tient toujours dans son opiniâtreté et sa hauteur. Je vous donne avis de ceci, afin que, s'il vous faisoit entendre par ses amis la chose autrement, vous sachiez qu'il vous trompe de toutes les belles paroles qu'il vous dit ou vous fait dire, et qu'il n'en fait rien[62]. Et le Roi s'en allait à la chasse.

 

Les lenteurs du prince d'Orange.

Il n'avait pas que la chasse pour le divertir de ses ennuis. Les affaires ne lui laissaient guère de répit et revenaient sans cesse dans les lettres qu'il adressait au cardinal : Il est très à propos, écrivait-il le 4 septembre 1640, d'envoyer M. de La Tuilerie diligemment en Hollande, pour empêcher le prince d'Orange de se mettre en garnison[63]. Louis XIII et Richelieu s'inquiétaient de voir le prince beaucoup plus pressé de terminer la campagne qu'il n'avait été de la commencer. S'il rentrait dans ses quartiers d'hiver et si le cardinal infant joignait son armée à celle du comte de Fontaine, ce seraient les troupes du Roi qui auraient à supporter tout l'effort de l'ennemi. M. de La Tuilerie emportait des instructions fort précises : Empêcher la trêve, mais ne pas le faire connaître de delà, ni témoigner que nous appréhendions que MM. les États ni M. le Prince d'Orange soient capables de prendre une telle résolution. Insister sur le désir de la paix. Tâcher de pénétrer la pensée du prince, qui est fort couvert, et celle des membres des États bien disposés pour la France. Avoir un soin particulier de bien vivre avec la princesse d'Orange. et d'assurer le prince de l'affection de Son Éminence. Le cardinal ne manquera pas de lui faire payer le quatrième quartier, si ce n'était que ledit prince ne prît tout à fait le contrepied des affaires de France[64].

Cet allié peu sûr promit bientôt de ne pas mettre ses troupes dans leurs quartiers d'hiver avant le mois de novembre et, le 11 octobre 1640, Louis XIII mandait à Richelieu : Je suis bien aise que les Hollandais aient battu les Espagnols au fort de la Croix. Je prie Dieu que cela leur mette un peu le cœur au ventre[65]. Le prince d'Orange n'en échoua pas moins devant la ville de Gueldre. Ne pouvant plus tenir contre les pluies, contre l'envahissement des eaux que ne retenaient plus les écluses détruites, se sentant découragé par la marche d'une armée de dix mille hommes qui accourait sous les ordres de don Philippe de Silva, d'Andrea Cantelmi et du comte de Fontaine, il se retira vers Genep[66].

 

L'inaction du maréchal Banner.

Le 11 octobre, Louis XIII disait aussi à Richelieu : Les affaires d'Allemagne vont très bien, à ce que je vois par vos lettres. Vous m'avez fait grand plaisir de me mander que vos armées trouvent quantité de fourrages où elles sont. Je vous avoue que j'en étois en peine[67]. Le duc de Longueville, épuisé par une fièvre continue, avait dû céder au comte de Guébriant le commandement de l'armée d'Allemagne. Banner, maréchal de Suède, ne voulait pas admettre que les officiers weimariens fussent nommés par le Roi ou par les généraux du Roi. Guébriant sut déjouer ses intrigues. Il parla avec tant d'énergie aux officiers weimariens, réunis en conseil, qu'il leur en imposa : Messieurs, dit-il notamment au duc de Wurtemberg, quel rang prenez-vous ? Si c'est celui de colonel, comme vous l'êtes dans l'armée du Roi, vous parlerez à votre tour ; si c'est comme prince que vous êtes ici, vous n'avez rien à faire dans cette assemblée[68].

Ce 11 octobre où Louis XIII écrivait à Richelieu, il y avait plus d'une semaine qu'une poignée de Suédois, cramponnés à la méchante bicoque d'Höxter sur le Wéser, s'étaient rendus à Piccolomini, après quatre jours de siège et huit assauts. La capitulation était à peine signée, que l'armée du Roi parut en vue des murailles en ruines, dont la séparait le fleuve. Jointe à celle de Banner, l'armée du Roi gardait tous les gués. Le général de l'Empereur, ne trouvant ni vivres ni fourrages, ne tarda guère à se mettre en marche avec ses troupes vers Munster et Paderborn.

La chute d'Höxter était imputable à l'inertie du maréchal suédois. Celui-ci avait perdu, le 2 juin, sa deuxième femme, la comtesse de Nassau, qui le suivait dans ses campagnes. Il pleurait en elle son bon génie, la meilleure partie de lui-même, toute sa conduite et son esprit. C'étaient les expressions dont il se servait pour exhaler son désespoir. La maréchale avait été enterrée en grande pompe à Erfurt le 13 juin 1640 et aussitôt le veuf inconsolable était devenu amoureux de Jeanne de Bade Dourlach, qui assistait aux funérailles. Puis il avait épousé cette princesse au bout de trois mois de fiançailles, que les troupes de l'Empereur avaient su mettre à profit pour balancer la puissance de la Suède.

 

La Catalogne.

Richelieu n'était pas encore sorti de ce mauvais air d'Amiens, comme disait Louis XIII, lorsqu'il fit expédier à du Plessis-Besançon, sergent de bataille, un pouvoir daté du 9 août 1640. Traiter au nom du Roi avec les députés des États, peuples et pays de Catalogne, munis d'une commission suffisante pour l'établissement de la République qu'ils prétendaient former sous la protection de Sa Majesté, dont la ville de Barcelone seroit la capitale, pour leur donner à cet effet toute l'assistance dont ils auroient besoin, convenir de la sûreté des armées qu'on enverroit à leur secours et de tout ce qui eoncernoit l'accomplissement de leur dessein, et en passer par tous les traités qu'ils jugeroient à propos, dans la meilleure forme qu'il se pourroit, promettant Sa Majesté foi et parole de Roi d'avoir pour agréable et de tenir ferme et stable tout ce qu'il auroit arrêté ou négocié en son nom sur ce sujet, sans y contrevenir en aucune manière, telles étaient les mesures que du Plessis-Besançon était autorisé à prendre[69]. Je vous renvoie le papier touchant l'affaire des Catalans, écrivait Louis XIII au cardinal le 2 septembre... Je crois que c'est une affaire de quoi nous pouvons tirer grand avantage, tant pour l'embarras que cela donnera au roi d'Espagne dans son pays que 'pour la crainte que nous pouvions avoir du côté de Leucate et de toute cette frontière, qui sera à couvert par ce moyen et même cela l'empêchera de songer à nous attaquer du côté de Bayonne, s'il en avait envie, étant empêché de ce côté-là[70]. Il y avait alors deux mois que la Catalogne avait dépêché deux députés à Pézenas, où se trouvait Monsieur le Prince, afin d'implorer l'appui du Roi[71].

Qui donc poussait ainsi les Catalans à se mettre sous la protection de Louis XIII ? Ce n'était point Richelieu. Ne dit-il pas au Roi dans son Testament politique : La révolte des Catalans arriva sans que Votre Majesté y ait contribué aucune chose. Les Catalans se révoltaient, parce que le roi d'Espagne, comte de Barcelone, ne respectait pas leurs privilèges. Leur indignation était d'autant plus justifiée que lors de l'avènement de Philippe IV en 1621, Sa Majesté Catholique avait accordé à leur député, qui venait la saluer, les mêmes prérogatives qu'au nonce du Pape et aux ambassadeurs des têtes couronnées[72]. C'était la campagne de 1639 qui avait exaspéré leur mécontentement. Voyant que les troupes qui assiégeaient Salces, manquaient de fourrage et de vivres, le comte duc avait commandé au comte de Santa-Coloma, vice-roi de Catalogne, de recourir, faute de chariots et d'attelages, à des porteuses, à qui l'on ne donna pas la moindre rémunération : Ne souffrez pas, avait dit Olivarès, qu'il y ait un seul homme dans la province, capable de travailler, qui n'aille à la guerre, ni aucune femme qui ne serve à porter sur ses épaules de la paille et du foin et tout ce qui sera nécessaire pour la cavalerie et pour l'armée. C'est en cela que consiste le salut de tous. Il n'est pas temps de prier, mais de commander et de se faire obéir. Les Catalans sont naturellement légers, tantôt ils veulent et tantôt ils ne veulent pas. Faites-leur entendre que le salut du peuple et de l'armée doit être préféré à toutes les lois et à tous les privilèges. Ayez soin que les soldats soient bien logés et qu'ils aient de bons lits, et si l'on en manque, prenez hardiment ceux des gentilshommes les plus qualifiés de la province : il vaut mieux les réduire à coucher sur la terre que de laisser souffrir les soldats... ne dissimulez pas la moindre faute, quand même on crieroit contre Votre Seigneurie jusqu'à la vouloir lapider. Choquez hardiment tout le monde. Je consens que l'on m'impute ce que vous ferez, pourvu que nous restions avec honneur en Espagne et que nous ne soyons pas méprisés des Français[73].

Salces, reprise le 6 janvier 1640, avait rendu libres les troupes qui l'assiégeaient : dix-sept régiments de mille hommes, composés de Napolitains, de Modénois, de Wallons et d'Irlandais, sans compter quatre mille cavaliers, les nations, comme on disait depuis le temps de Charles-Quint. Les nations étaient méprisées, mais redoutables à cause de leur indiscipline. Les régiments catalans, qui avaient reçu l'ordre de déposer leurs armes à Perpignan et de se disperser dans leurs foyers, voyaient sans plus de plaisir que le reste de la population catalane, les nations prendre avec armes et bagages, leurs quartiers d'hiver en Catalogne.

Olivarès trouvait les Catalans trop riches. Ce fut le moment qu'il choisit pour les contraindre, par des garnisaires, à payer les impôts exorbitants dont il les accabla. Il prescrivit, en outre, à M. de Santa Coloma la levée de six mille hommes à répartir en trois régiments destinés à l'Italie. Or les Catalans prétendaient que le roi d'Espagne n'avait pas le droit de les forcer à servir en dehors de leurs frontières.

Claris, chanoine de l'église cathédrale d'Urgel, député du Clergé au tribunal souverain de la province, défendoit aux peuples de contribuer aux logements de gens de guerre. Il fut arrêté ainsi que le député de la Noblesse François Tamarit, dont l'opposition au gouvernement n'était pas moins vive. Le gouverneur les fit arrêter, mais n'osa les transférer à la citadelle de Perpignan, comme l'avait ordonné le roi d'Espagne, de peur de violer trop ouvertement les privilèges de la province.

Cependant les nations ne manquaient point de profaner et d'incendier les églises des villages qui refusaient de payer les contributions. Le village, d'ailleurs, lui-même n'était pas épargné par les flammes. Au bourg de Rio de Arenas, l'église fut consumée, les saintes hosties carbonisées. L'évêque de Girone excommunia les sacrilèges et instruisit leur procès. De naïves cantilènes signalaient à la vengeance des paysans les troupes scélérates qui coupaient les moissons vertes pour les donner aux chevaux, prélevaient des armes, tuaient, volaient et se livraient aux violences sur les femmes[74].

Une immense jacquerie souleva la campagne contre les nations, que leurs chefs furent réduits à emmener en Roussillon, — par terre et non sur les galères du Roi Catholique, afin de continuer les atrocités.

 

L'escopette est braquée au coin de tout buisson.

Dans Barcelone même, de petits groupes de paysans armés pénètrent le 22 mai, forment bientôt une armée de trois mille hommes qui, marchant derrière une bannière énorme, sur laquelle est représentée le Christ en croix, ne cessent de crier : Vive l'Église ! Vive le Roi et mort au mauvais gouvernement ! La clameur des paysans retentit sous les fenêtres du palais, que vient de quitter le vice-roi pour se réfugier à l'arsenal, elle 'retentit devant la prison. Les séditieux en ouvrent les portes, mettent en liberté les prisonniers et, parmi eux, Tamarit, dont le loyalisme est tel qu'il ne consent à sortir que sur l'ordre du vice-roi épouvanté. Celui-ci ne doit pas rendre responsable de cette tempête populaire, l'infernal cardinal[75]. C'est l'expression de certains écrivains espagnols qui, sans preuves, accusent Richelieu. La sédition est née des crimes atroces des soldats du roi d'Espagne.

Celle qui éclata le 7 juin 1640, fut autrement grave. La veille, Santa Coloma venait d'écrire à Juan de Arce, l'un des chefs des nations, qui était sur le point d'atteindre Perpignan avec ses troupes. Le vice-roi reprochait à Juan d'avoir perdu la Catalogne, il lui commandait d'arrêter les capitaines responsables et d'arquebuser les soldats criminels. Justice tardive. Cependant Barcelone pavoisée se préparait à la fête du lendemain, à la Fête-Dieu, à la procession traditionnelle du Saint-Sacrement. Ses rues étaient encombrées d'une foule, au milieu de laquelle se reconnaissaient les segadors, enveloppés de leurs longues capes. C'étaient les montagnards venus se louer aux propriétaires pour la saison prochaine. Portant sur une épaule un paquet de hardes et leur faux, sur l'autre leur espingole, ils remplissaient la place du Marché, que coupait la Rambla ou promenade de l'ancien rempart. Ils formaient une armée toute prête pour la sédition.

A la députation de Catalogne, Santa Coloma avait fait porter en grande pompe une lettre du Roi, qui témoignait d'intentions conciliatrices, auxquelles nul ne croyait, et un courrier de Leucate avait remis, dans le plus grand secret, une lettre annonçant que les envoyés chargés de s'entendre avec Monsieur le Prince approchaient de Pézenas.

Ce 7 juin, un minuscule incident précipita la catastrophe, tandis qu'on célébrait l'office à la cathédrale. Une querelle s'élève sur les marches de Sainte-Marie-de-la-Mer entre le valet d'un alguazil et un segador : celui-ci est grièvement blessé de plusieurs coups de poignard, ses camarades de la place du Marché accourent, allument un bûcher devant la porte du vice-roi. En vain le prieur du couvent de Saint-François, qui est tout voisin, sort tenant l'ostensoir et présente le Saint-Sacrement aux émeutiers, qui l'espingole au poing lui répondent par les cris de Vive la Sainte Mère Église ! Vive le Roi ! Mort aux traîtres ! Soudain un coup de feu parti d'une fenêtre du Palais frappe un segador en pleine poitrine. La fureur de la foule redouble. La maison d'un conseiller royal, les écuries 'de M. de Fernandina, général des galères, deviennent la proie des flammes et le vice-roi se réfugie à l'arsenal, tandis qu'une galère, qui l'attend, navigue avec lenteur le long du rivage. Mais un conseiller de Catalogne a été tué devant la maison de M. de Fernandina. L'injure est irrémissible. Les segadors assiègent maintenant l'arsenal. Ils réussissent à pénétrer dans une tour, forcent un canonnier à tirer sur la galère. L'artilleur met à. dessein une charge trop faible dans sa pièce, pointe mal et manque le navire, qui s'éloigne à force de rames dans la direction de Gênes. Alors le vice-roi se décide à quitter son refuge. Il sort de l'arsenal par une porte de derrière, fuit à travers les rochers sur les pentes de Montjuich, descend vers le bord de la mer, où doit venir le prendre une barque. Poursuivi, couché en joue, il perd brusquement l'équilibre et tome à pic sur des rocs en contre-bas. Relevé par un de ses fidèles qui, de son bras, cherche à l'abriter des moùsquetades, conduit jusqu'à une grotte à que'lques pas de la mer il est rejoint par ses poursuivants à longues capes et meurt transpercé de six coups de dague. La cour de Madrid, à la nouvelle de cet événement, crut prudent de se montrer clémente. Elle commença par confier la vice-royauté de Catalogne au duc de Ségorbe et de Cardona, seigneur fort populaire, qui, malgré une santé délabrée, accepta cette charge par dévouement. Les Catalans demandaient la punition des criminels des nations, excommuniés par l'évêque de Girone. Il obtint du comte duc des ordres pour châtier les coupables, qui s'étaient retirés en Roussillon. Avec une suite nombreuse, il prit le chemin de Perpignan, mais fut rejoint papi' des ordres contraires. En vain il dépêcha à Madrid son fils le marquis de Povar. L'envoyé fut mal reçu par Philippe IV. Les nouvelles qu'il rapporta à Perpignan accablèrent son père, qui s'y trouvait de plus en plus souffrant. Le 17 juillet 1640, le vice-roi fit appeler à la maison du procureur où il était descendu, le représentant du Principat de Barcelone et il lui dit : A la volonté de Dieu ! En ce qui me concerne, j'ai toujours désiré et tâché de réaliser la paix et la tranquillité du Principat. J'ai écrit au Roi qu'il falloit le libérer des gens de guerre, que j'ai offert de conduire moi-même... J'ai garanti à Sa Majesté qu'elle ne perdroit pas un soldat en route, mais j'attends toujours la réponse de Madrid. Le 22 juillet 1640, Cardona, découragé, expirait[76].

 

Le marquis de Brézé devant Cadix.

Ce même jour, sur la côte de l'Atlantique, au large de Cadix, la flotte du Ponant, que commandait Armand de Maillé, marquis de Brézé et qui était composée de vingt et un navires de guerres défaisait la flotte espagnole qui était sur le point de cingler ver. la Nouvelle-Espagne et dont les dix galions étaient fort redoutables, Le combat reprit le lendemain, l'amiral ennemi s'enfonça dans la mer avec deux galions : Le soleil ayant dissipé les brumes, lisons-nous dans une relation contemporaine, on vit les ennemis entrer dans la baie de Cadix, ce qui obligea M. le Marquis à tenir conseil, auquel il insistait fort de donner dans cette baie pour les achever de ruiner, mais l'exécution en ayant été jugée impossible, on se contenta de demeurer en leur présence et à leur vue, comme maître de la mer où s'étoit donnée la bataille. Cependant M. le Marquis commanda aux capitaines qui avoient des prisonniers... que, s'il y avoit entre eux quelqu'un de condition, il lui fût amené. L'on reconnut seulement le neveu du duc de Maquede, qui se trouvait dépouillé, pour ce qu'il s'étoit mis tout nu pour se sauver à la nage. M. le Marquis lui donna un de ses habits et un baudrier fort riche et, après avoir usé envers lui des compliments favorables, non tant à la condition présente qu'à celle de son extraction, le renvoya avec les autres prisonniers... qu'il congédia, le chargeant de convier son oncle, qui est amiral d'Espagne, à faire provoquer par cet exemple, meilleur traitement que par le passé aux Français qui pourroient tomber entre ses mains[77].

Le cardinal estima que la victoire eût été plus grande, si quelques-uns de ceux qui avaient le commandement en cette année, étonnés de la grandeur des vaisseaux qu'ils avoient à combattre, n'eussent plutôt agi selon la portée de ceux qu'ils commandaient que selon la grandeur du courage qu'ils devaient avoir en servant le Roi. Richelieu n'en était pas moins sensible à la gloire qu'avait acquise son neveu : Trois considérations, déclare-t-il dans son Testament politique, rendent cette victoire signalée. La première que, bien que cette flotte eût été diverses fois attaquée des Anglais et des Hollandais, elle avoit toujours été victorieuse... à raison de quoi elle portoit le nom de Vierge. La seconde est le prix de quatre vaisseaux perdus, estimés avec leur charge près de deux millions d'or. La troisième, qu'interrompre et faire différer le partement d'une telle flotte, c'est la mettre au hasard de se perdre en repartant à contre temps[78].

 

La Hermandad.

Bien que remportée sur une côte fort éloignée de la leur, la victoire du marquis de Brézé, ne pouvait manquer d'encourager les Catalans dans leur révolte. Le comte duc leur donna pour vice-roi l'évêque de Barcelone, en qui ils avaient grande confiance. Mais que pouvait un prélat qui demandait à la cour de Rome la dispense dont il avait besoin pour prononcer des arrêts de mort et qui ne la recevait pas, le comte duc feignant d'appuyer sa demande, mais conjurant en secret le Saint-Père de ne point l'accueillir ? Voilà pourquoi les Catalans, qui n'attendaient plus rien de la mauvaise foi du Roi Catholique, s'étaient tournés vers le Roi Très Chrétien.

Quelques semaines plus tard, du Plessis-Besançon avait, à Céret sur la frontière du Roussillon, une conférence avec don Raymond de Guymera, général des troupes catalanes. Mais le comte duc ne reste pas inactif. Tortose (cinquante lieues au sud-ouest de Barcelone) a envoyé un député à Madrid pour plaider la cause de la Catalogne. Le ministre le gagne. Tortose se donne au gouvernement de Madrid. Elle devient une place d'armes où s'assemblent les troupes du Roi Catholique, débouchant, les unes de la plaine de Valence et les autres des montagnes de l'Aragon. Cependant du Roussillon, accourt, le 22 septembre 1640, don Juan de Garay. Il paraît, avec huit mille hommes et six cents chevaux devant Millas, dont le seigneur lui apporte les clefs, puis, le 24 septembre, devant Ille, où, sur l'ordre de Richelieu, le maréchal de Schomberg et M. d'Espenan ont fait jeter deux cents hommes. Garnison composée de Français et de Catalans, chez laquelle le courage supplée au nombre. Dès que la brèche est suffisante, il donne l'assaut : trois fois repoussé et croyant qu'un secours français est en marche, il lève le siège. Puis s'apercevant de son erreur, il revient et recommence les opérations dans toutes les règles : rien n'y manque, ni les tranchées ni les batteries armées de canons de quarante livres de balles, qu'il a fait venir de Perpignan. La brèche est bientôt large de quinze toises. La place succomberait, si, tout à coup le 29, Schomberg et d'Espenan ne se présentaient à une demi-lieue des remparts, à la tête de quinze cents hommes de pied, trois compagnies de cavalerie et cent gentilshommes. Déjà ils ont occupé une hauteur. Ils introduisent dans la ville deux cents soldats, et les assiégés s'efforcent de réparer la brèche. Et lorsque don Juan de Garay ordonne l'assaut, lorsque ses troupes s'arrêtent à vingt-cinq pas des murailles, devant la mousquetade des assiégés, il constate avec effroi que les Français attaquent son camp et qu'il va être pris entre deux feux. Il ne lui restait plus qu'à battre en retraite. Ce qu'il s'empressa de faire, poursuivi, mais non rejoint. Malgré ce succès, Tortose refusa de revenir au parti de la Catalogne, qui, de son côté, ne voulut pas accepter la médiation que lui offrait l'Aragon, désireux de la réconcilier avec Madrid.

Elle n'accepta pas davantage le marquis de Los Velez, que le comte duc lui envoyait pour vice-roi et qui s'avançait à la tête d'une armée. Le marquis, prêtant à Tortose le serment de vice-roi puis entrant en Catalogne avec douze mâle hommes et quatre mille chevaux, brûlant Xerza et Cambrils, dont il tortura et massacra les habitants, d'Espenan poussant jusqu'à Tarragone, s'y enfermant, mais capitulant entre les mains- de Los Velez et stipulant qu'il pourra se retirer en Languedoc avec ses troupes, tels sont les événements qui amenèrent les Catalans à signer un traité avec le Roi Très Chrétien[79].

Le 3 janvier 1641, Louis XIII, avant de quitter Saint-Germain pour aller courre le loup en forêt des Alluets, au nord-ouest de Versailles, entre la Seine et la Mauldre, écrivait à Richelieu : Si la chasse dure trop longtemps, je me retirerai à Wideville (château situé au sud-ouest de la forêt des Alluets), sinon je reviendrai ici. Si je couche dehors, je reviendrai demain à telle heure que vous me manderez par ce porteur, afin que, si vous jugez à propos que je voie demain les Catalans, je le fasse, sinon je reviendrai au soir [80].

Ce même 3 janvier, à cinq heures du soir, les ambassadeurs du Principat arrivaient au château de Rueil, dans un carrosse aux armes de Richelieu qui était venu les prendre à Paris, à l'hôtel où ils étaient descendus le 26 décembre 1640. Le 16, d'Espenan et du Plessis-Besançon avaient mandé de Barcelone au cardinal : Nous n'avons perdu aucun temps ni omis aucune chose dont nous puissions être capables pour porter l'affaire où nous sommes employés aux points qui nous ont été prescrits par les instructions du Roi et par vos commandements. Le traité de la Hermandad a été signé seulement aujourd'hui, selon les derniers sentiments de Votre Éminence. Nous l'envoyons à M. de Noyers avec cette dépêche par le sieur du Vergier, vous assurant qu'encore que ce qui est contenu dedans soit assez important, ce n'est pourtant rien auprès de la suite qu'aura cette affaire[81].

Tandis que le carrosse amenait les ambassadeurs au pied des escaliers conduisant aux appartements de Son Éminence, privilège et prérogative accordés seulement aux rois et aux princes du sang, le cardinal avait fort présent à l'esprit ce qui avait été convenu à Barcelone et que le Père Griffet a résumé ainsi : Il y aurait une alliance perpétuelle entre le Roi et la principauté de Catalogne, le comte de Cerdagne et les places et lieux du Roussillon occupés par les Catalans. Le Roi leur donnerait un lieutenant général de l'artillerie, un lieutenant général de l'infanterie et des ingénieurs, avec six mille hommes de pied et' deux mille chevaux ; savoir trois mille hommes de pied et mille chevaux présentement, et le reste dans le mois de mars prochain ou même plus tôt, si la nécessité des affaires le demandoit. Sa Majesté leur fournirait les armes et les munitions de guerre dont ils auroient besoin, le tout en payant ponctuellement et par avance, de mois en mois, à raison de six réaux par jour pour chaque cavalier et de deux pour chaque fantassin. Les officiers de l'état-major seroient payés suivant un état particulier, qui avoit été dressé de concert avec les sieurs d'Espenan et du Plessis-Besançon. Le Roi s'engageoit à faire comprendre les Catalans dans le traité de la paix générale et au cas qu'il ne pût être conclu à leur satisfaction, de se réserver dans ledit traité la liberté de les assister[82].

Mais déjà le cardinal est dans l'antichambre. Bientôt les ambassadeurs sont assis avec lui dans son cabinet et sur des sièges égaux au sien. Ils ont remis leurs lettres à Son Éminence et ils lui dépeignent la cruelle oppression sous laquelle les a maintenus le gouvernement de Madrid. Puis le cardinal parla à son tour, en un castillan très pur, nous dit M. Charles Vassal-Reig, qui a donné un récit fort vivant de cette scène : Les dommages que la Catalogne subit du roi d'Espagne et de ses ministres préoccupent beaucoup Son Éminence. Les Catalans peuvent être certains que le Roi les protégera, aidera et favorisera pour leur permettre de devenir république indépendante et souveraine. C'est au titre d'ambassadeurs de cette République qu'il les reçoit et les prie de se couvrir. Sa Majesté n'entend tirer de cette faveur et de cette aide d'autre intérêt que celui de conserver les Catalans dans leurs lois et privilèges et de les libérer des oppressions. En ce qui le concerne, le cardinal s'engage à les appuyer comme s'il étoit catalan. Il s'enquiert des forces militaires de la Catalogne, et l'un des ambassadeurs lui répond fort à propos : Les plus grandes sont celles que vous voudrez bien nous envoyer de la part du Roi. Richelieu pressa les envoyés de faire de la Catalogne une république semblable à celle de Gênes. Ils répondirent qu'ils seraient heureux de se voir sous la protection du Roi, comme Gênes l'était sous la protection du roi d'Espagne : Il suffit, reprit le cardinal, que vous précisiez par écrit cette demande. — Pourrons-nous compter sur l'appui de l'armée de mer ?Certes, dès qu'elle aura achevé ses préparatifs et à condition de donner à un chevalier de Malte que je vous enverrai des renseignements sur les ports où pourra mouiller la flotte[83].

Ce fut le 7 janvier 1641 que Louis XIII reçut les ambassadeurs à Saint-Germain. M. Charles Vassal-Reig nous montre deux carrosses de la Cour allant chercher les ambassadeurs à leur hôtel. Dans l'un des deux carrosses, est assis le maréchal de La Force, qui va les présenter tout à l'heure au Roi. Louis XIII, dans sa chambre, les prie de se couvrir, il leur donne les mêmes assurances que son ministre et il ajoute qu'il ne fera pas de paix que n'y soit comprise la province de Catalogne. Les Catalans dînent ensuite avec le Roi, le maréchal et le capitaine des gardes, puis se recommandent à la reine Anne d'Autriche. La sœur de Philippe IV leur dit sans plaisir qu'elle se réjouissait des faveurs du Roi à l'égard de leur province. Cependant, lisons-nous dans la belle histoire de M. Charles Vassal-Reig, le Dauphin, assis sur un haut tabouret et maintenu par sa gouvernante, attendait, digne et distrait que les ambassadeurs vinssent à leur tour lui baiser les mains et le remercier des faveurs reçues de son père. Le futur Louis XIV n'avait à ce moment que deux ans et quatre mois. Sa gouvernante, prenant la parole, répondit que Son Altesse Royale se réjouissait fort des bienfaits du Roi envers la province. Elle les assurait qu'en toutes occasions Son Altesse agiroit de même.

Six jours plus tard, après une nouvelle audience où Richelieu leur annonça qu'ils recevraient un secours de mille hommes et de trois mille chevaux, Chavigny leur remit un exemplaire de la Hermandad rectifié et définitif.

 

Le Portugal.

C'était dans les premiers jours du mois de décembre 1640. Tout l'après-midi, Philippe IV s'était diverti à contempler des courses de taureaux splendides. Rentré au palais, il jouait avec quelques seigneurs sans connaître la nouvelle que les Madrilènes se répétaient les uns aux autres dans l'allée des Menteurs ou dans la Calle Mayor et que personne n'osait lui annoncer. Il ne parut point surpris, lorsque Olivares s'approcha de la table d'un air joyeux, mais ses partenaires n'entendirent pas sans étonnement le dialogue qui s'échangea entre lui et le comte duc : J'apporte de grandes nouvelles pour Votre Majesté. — Qu'y a-t-il ?Eh bien ! Sire, vous avez en un instant gagné un grand duché et d'immenses richesses. — Comment cela ?Sire, le duc de Bragance, devenu fou, s'est proclamé roi de Portugal, vous allez ainsi être obligé de lui confisquer toutes ses propriétés. — Que l'on trouve remède à cela[84]. Et le jeu reprit.

Le remède n'était pas facile à trouver, le Portugal, dont Philippe II s'était emparé en 1531, étant bien résolu de ne plus supporter la tyrannie de Philippe IV et d'Olivares, qui tendaient à transformer l'ancien Royaume en une province espagnole. Des conjurés, un matin, se rendant au palais de Lisbonne, pénétrant dans la salle des gardes, criant soudain : Liberté ! Liberté ! Vive don Juan IV, Roi de Portugal ! les gardes tués ou désarmés : Vasconcellos, ministre de Marguerite de Savoie, duchesse douairière de Mantoue, se cachant dans une armoire, où il est bientôt découvert et massacré ; le nouveau Roi accourant de la résidence où il vit en simple particulier, franchissant les trente lieues qui le séparent des conspirateurs ; la vice-reine se résignant, pour#, ne pas être massacrée elle aussi, à donner au marquis de Puebla, gouverneur du château, qui peut écraser la ville sous les bombes, l'ordre de remettre ,sa forteresse aux rebelles, il n'en fallut pas davantage, — en apparence du moins, — pour arracher à Philippe IV une de ses plus riches provinces.

En réalité, on trouve, dans la révolution de Portugal, la main de Richelieu.- Dès le 2 février 1638, Louis XIII avait écrit au cardinal, — d'une plume quelque peu déçue : Je vois que la révolte de Portugal s'apaise fort et que les nouvelles de Lopez sont fausses[85]. Richelieu, de son côté, avait prescrit à M. de Sourdis archevêque de Bordeaux, commandant l'armée navale du Ponant : Si les Portugais se saisissent de quelques ports de mer ou, ayant quelque dessein à exécuter, envoient demander secours, il leur sera envoyé cinq ou six vaisseaux avec des forces à proportion du besoin qu'ils en auront ; et en cas qu'ils réussissent à quelque chose, le Roi ou M. le Cardinal en sera promptement averti, afin de pourvoir au secours qu'il sera nécessaire de donner auxdits Portugais[86]. Ces instructions étaient datées du 12 mai 1638. Le 18, le comte d'Avaux, ambassadeur du Roi, mandait de Hambourg à Chavigny : Un Cordelier français, travesti, qui dit avoir été en Angleterre pour passer en Portugal, et depuis renvoyé par Saint-Malo, est arrivé avant-hier au port de cette ville (Hambourg), d'où il cherche commodité pour rentrer en France. Il vient de Lisbonne, où il a tout vu et su, s'étant même introduit dans la maison de la duchesse de Mantoue, qui en est gouvernante, mais il dit n'avoir trouvé aucune disposition pour son dessein, comme il vous rapportera particulièrement de bouche[87].

Durant l'été de cette année 1638, les affaires de Portugal avaient continué d'intéresser fort le cardinal. Le sieur de Saint-Pé, s'embarquant pour l'ancien royaume que Richelieu rêvait de détacher de l'Espagne, avait reçu de Son Éminence ces instructions significatives : Le sieur de Saint-Pé se rendra au plus tôt près M. le Grand Prieur de Champagne, pour de là prendre tous bons expédients pour savoir des nouvelles certaines du Portugal. Pour cet effet, il prendra part dans quelque navire anglais qui ira à Lisbonne, et fera mettre dessus celui qu'il estime lui être confident ; lequel s'adressera au capitaine Georges d'Azevedo, lui rendra les lettres et distribuera les autres dont il sera chargé. Ledit envoyé rapportera réponse sur toutes sortes de propositions, afin qu'on puisse prendre là une résolution certaine. Premièrement il saura du chancelier et du capitaine d'Azevedo si les Portugais se veulent ouvertement révolter, au cas que les Français aillent, avec une armée navale, prendre tous les forts qui sont depuis la rivière de Lisbonne jusques à la Tour de Belem et les leur mettre entre les mains : auquel cas la France les laissera agir purement et simplement d'eux-mêmes, sans faire autre chose que de les assister dans ce commencement. Si ledit chancelier, d'Azevedo et autres à qui il fera cette proposition, lui témoignent désirer un plus grand secours, il leur demandera quelle assurance le pays de Portugal veut donner aux Français et aux Hollandais ou aux Français seuls, ainsi qu'ils estimeront plus à propos, si on les va secourir avec une armée de douze mille hommes de pied, cinq cents chevaux, cinq cents hommes avec selles, armes et pistolets pour se montrer étant dans leur pays, et une armée navale de cinquante vaisseaux : étant juste, en ce cas, que lesdits secourants aient quelque port et descente qui leur donne assurance de n'être pas maltraités. Il verra donc quel port on leur voudra donner. Il leur proposera ensuite la sincérité dé la France, si grande envers eux que, s'ils se veulent délivrer de la sujétion d'Espagne, elle ne prétend d'autre chose que la gloire de les secourir et sûreté avec eux de le pouvoir faire. Et pour leur en donner une plus particulière assurance, il leur dira qu'il ne doute 'pas que la France n'entende volontiers à leur donner un secours annuel et perpétuel, à cette condition qu'ils se tireront pour toujours de l'obéissance du roi d'Espagne. II ajoutera ensuite que, s'ils veulent chasser les Espagnols de toute l'Espagne, la France, voulant bien les assister, ne prétend aucune part aux conquêtes, ains consent qu'elles seront toujours entières pour celui qu'ils éliront leur roi et que si le duc de Bragance y veut entendre, la France le trouvera bon, sinon on leur envoiera un des héritiers de leurs derniers rois[88]. Le billet de Louis XIII, les instructions de Richelieu font suffisamment connaître que tout n'est pas exact dans cette assertion de Voltaire : Le ministère français, qui n'avait contribué en rien à cet événement, en retira sans peine le plus grand avantage qu'on puisse avoir contre son ennemi, celui de le voir attaqué par une puissance irréconciliable[89].

Au moment où la 'guerre, qui se prolongeait, entraînait sans cesse de nouvelles dépenses, Richelieu perdit l'un de ses deux surintendants des finances : M. de Bullion mourut dans la nuit du 22 au 23 décembre 1640. Le cardinal, qui lui trouvait l'âme fort désintéressée et qui lui faisait, au début de chaque année, un présent de cent mille francs, ne s'affligea pas outre mesure de cette mort. Un jour comme Son Éminence, qui s'était sentie très mal, se rétablissait lentement, l'un des Bautru était venu lui rapporter certaine conversation qu'il avait échangée avec le Roi. Aux compliments de Bautru à propos du rétablissement d'un ministre que jamais personne ne pourrait remplacer, si l'on avait le malheur de le voir mourir, Louis XIII avait répondu avec sérénité que la France n'étoit pas aussi dépourvue de bonnes têtes qu'il se l'imaginait. Et où sont-elles, ces bonnes têtes ? avait demandé Bautru. Je ne les connais pas [90]. Le Roi n'avait point caché que l'une d'elles était Bullion. Il n'en avait pas fallu davantage, assure-t-on, pour indisposer le ministre contre ce successeur éventuel.

Faut-il croire qu'un propos de Bullion, rapporté au Roi, ait envenimé la blessure de Son Éminence ? Le surintendant des finances aurait dit à Louis XIII qu'il y avoit trois gouffres où il ne voyoit goutte, la marine, l'artillerie et la maison du cardinal[91] ? Accusation des plus injustes, car la maison du cardinal, réglée avec un ordre admirable, ne coûtait pas, malgré son faste, cinq cent mille livres par an (494.476 livres 6 sols en 1639). Faut-il croire que Richelieu ait menacé Bullion de lui casser la tête à coups de pincettes, s'il refusait de signer un écrit par lequel il se reconnaissait coupable de plusieurs malversations, et qu'en prenant le papier, il ait dit : Le procès de Bullion est fait quand il me plaira[92] ? Quoi qu'il en soit, l'un des derniers jours du mois de décembre 1640 Richelieu avait résolu de se rendre à 'l'hôtel que le surintendant avait bâti, en 1631, rue Plâtrière, non loin de Saint-Eustache et dont la haute galerie offrait aux regards du visiteur, peintes sur ses murailles par Simon Vouet, les aventures d'Ulysse, mais ce n'étaient point ces peintures que le ministre tenait à examiner. Il ne dut pas être fâché, lorsqu'il lut dans un billet du Roi, ces quelques lignes : Je trouve très à propos que vous alliez à Paris pour retirer les papiers de M. de Bullion. Pendant que vous y serez, si le temps le permet, j'irai à Triel pour courre le loup[93].

 

 

 



[1] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 114.

[2] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 127.

[3] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 256.

[4] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, pages 812-813.

[5] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 258.

[6] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 813, note.

[7] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 813, note.

[8] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 665, note.

[9] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 666.

[10] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 667.

[11] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 668.

[12] Voir Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 258.259.

[13] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 260.

[14] La Landgrave de Hesse qui, moyennant un subside de cent cinquante mille reichsthalers, s'était engagée à unir ses troupes à celles du duc de Longueville.

[15] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 681-682.

[16] Colmardo.

[17] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 814.

[18] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VIII, page 365.

[19] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 820.

[20] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 264-265.

[21] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le cardinal de Richelieu, page 384.

[22] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, pages 821-822.

[23] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 823.

[24] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 824.

[25] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 831.

[26] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 297-298.

[27] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 833.

[28] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 833.

[29] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 839.

[30] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 839, note.

[31] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 839.

[32] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 842.

[33] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 841.

[34] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 839.

[35] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 701.

[36] Mémoires de Puységur, l'Édition Tamizey de Larroque, tome I, pages 236-237.

[37] Gazette de 1640, page 441.

[38] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 712.

[39] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 712.

[40] Voir Père Griffet, pages 270-271. Avenel dit qu'il n'a trouvé nulle part le manuscrit de ce billet, que Puységur cite dans ses Mémoires (Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 712-713).

[41] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 714.

[42] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 716-717.

[43] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 716-717, note.

[44] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 716-717.

[45] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 275.

[46] Affaires étrangères, Lettres du Roi Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[47] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VII, page 1047.

[48] Relation du Vicomte de Fontrailles, édition Michaud et Poujoulat, page 247.

[49] Père Griffet, Histoire du Cardinal de Richelieu, tome III, page 308.

[50] Relation du Vicomte de Fontrailles, édition Michaud et Poujoulat, page 247.

[51] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 718, note.

[52] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 647 et 646.

[53] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[54] M. et Mme de Brassac étaient chargés d'avertir le Cardinal de tout ce qui concernait la Reine et le Dauphin. Le Roi était appelé Alexandre, le Dauphin l'Œillet, Cinq-Mars, Scipion, le cardinal Marc-Antoine, la Reine Diane, Mme de Brassac Aminte, M. de Brassac, Jasmin.

[55] Avenel, Lettres du Cardinal Richelieu, tome VI, page 728, note.

[56] Guillaume de Siminane, marquis de Gordes, capitaine des gardes.

[57] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[58] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[59] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[60] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 647-648.

[61] Affaires étrangères, Lettre de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[62] Affaires étrangères, Lettre de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[63] Affaires étrangères, Lettre de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[64] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VIII, page 364.

[65] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[66] Voir Mémoires du Maréchal de Bassompierre, tome IV, page 338.

[67] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.

[68] Voir Vicomte de Noailles, Le Maréchal de Guébriant, page 161.

[69] Voir Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 285-286.

[70] Comte du Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, pages 374-375.

[71] Voir Charles Vassal-Reig, Richelieu et la Catalogne, pages 48-49.

[72] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 278.

[73] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 278.

[74] Charles Vassal-Reig, Richelieu et la Catalogne, page 28.

[75] Charles Vassal-Reig, Richelieu et la Catalogne, page 41.

[76] Voir Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 284.

[77] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, tome II, page 252.

[78] Testament Politique.

[79] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 286-290.

[80] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, page 394.

[81] Mémoires de du Plessis-Besançon, page 132.

[82] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 290-201.

[83] Charles Vassal-Reig, Richelieu et la Catalogne, pages 198-199.

[84] Voltaire, Essai sur les Mœurs, tome XIII, page 36. — Martin Hume, Philippe IV et la décadence de l'Espagne (traduction Bonnet et Condamin, page 270).

[85] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII à Richelieu.

[86] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, tome II, page 10.

[87] Voir Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 296.

[88] Aubery, Mémoires pour l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, tome III, pages 759-760.

[89] Voltaire, Siècle de Louis XIV, édition Rebelliau et Marion, page 13.

[90] Voir Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 302.

[91] Mémoires de Montglat, tome I, page 303.

[92] Voir Maximin Deloche, La Maison du Cardinal de Richelieu, pages 484-485.

[93] Archives des Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu.