HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

LES CINQ DERNIÈRES ANNÉES (suite)

CHAPITRE HUITIÈME. — LE NONCE DU PAPE.

 

 

Dans la lettre du 14 décembre 1639, où Louis XIII se plaignait des dames et de leurs cabales, on lit cette phrase : Je crois qu'on peut attendre du nonce toutes les extravagances que peut faire un fou ; s'il me fait parler de sa part, celui qui me parlera n'en sera pas bon marchand[1]. Ce diplomate se nommait Scoti. II remplaçait le nonce Bolognetti et, manquement voulu aux usages, le Pape, avant de l'envoyer, n'avait informé de ses intentions ni le Roi ni l'ambassadeur de France. Urbain VIII ne pardonnait pas à Louis XIII d'avoir choisi pour représentant le maréchal d'Estrées, dont la raideur et le caractère altier lui étaient peu agréables et qui, naguère ambassadeur en Suisse sous le nom de marquis de Cœuvres, l'avait profondément froissé par un zèle extrême à défendre les intérêts de la politique française. Scoti était tout dévoué aux intérêts espagnols.

 Non content de ces représailles diplomatiques, le Saint-Père refusait de dire une messe pour le cardinal de La Valette récemment décédé, il refusait de laisser la congrégation du Saint-Office célébrer, à la Minerve, un service funèbre pour le même cardinal, qui avait été l'un des membres de cette congrégation ; il refusait d'accorder à Mazarin le chapeau demandé par le Roi. A ces griefs s'en ajoutaient d'autres plus graves, d'abord cinq esclaves turcs échappés de l'ambassade d'Espagne, réfugiés au couvent des Minimes français de la Trinité du Mont qui avait le droit d'asile et... enlevés de force par trois cents soldats du Pape, qui les avaient mis en lieu sûr. Autre affront pour l'ambassadeur de France : un certain Biasone, domestique du chevalier de R ouvrai, écuyer lui-même du maréchal d'Estrées, ayant ouvert un tripot malgré la défense du Pape, dont il était sujet, avait été arrêté, jugé et condamné aux galères. Avec l'aide de trois domestiques de l'ambassade, l'écuyer avait arraché Biasone à trente ou quarante sbires, qui l'emmenaient. L'aventure avait eu un dénouement tragique dont le maréchal venait d'envoyer à Saint-Germain, par l'un de ses secrétaires, les sanglants détails : Rouvrai arquebusé le 28 octobre par des bravi qui l'attendaient à sept heures du soir derrière une haie, décapitèrent le cadavre et reçurent, disait-on, six dents écus du cardinal François Barberini pour prix de leur forfait ; la tête exposée deux heures durant par le bourreau, qui en faisait ainsi les honneurs aux passants : Voici la tête de l'écuyer de l'ambassadeur de France ; le hideux trophée jeté enfin près du pont Saint-Ange dans le cloaque où l'on jetait les têtes des condamnés à mort. Et cela sous la protection de la garde corse, sous les regards d'une foule nombreuse.

Lorsque Louis XIII eut connaissance de l'assassinat et des scènes qui avaient suivi, il prescrivit à son ambassadeur de ne paraître ni à l'audience du Pape ni à celle du cardinal neveu. Chavigny eut ordre de remettre au nonce un écrit interdisant à celui-ci de paraître à l'audience du Roi. Venu à Paris d'abord en qualité de nonce extraordinaire et sous prétexte de travailler au rétablissement de la paix, Scoti aurait toutefois, la permission d'envoyer à Chavigny son auditeur, s'il avait à proposer quelque chose qui fût relatif à ce rétablissement si désiré. L'écrit était daté du 8 décembre. Quelle ne fut pas la surprise du nonce en voyant arriver, le matin du 9, M. de Ramefort, cousin de Chavigny ! Le nonce, qui était logé à l'hôtel de Cluny, n'oubliait pas que le secrétaire d'État ne lui avait jamais rendu la visite qu'il lui avait faite cinq mois plus tôt et Ramefort venait lui dire que le même Chavigny aurait volontiers une conférence avec lui. Chavigny était prêt à se présenter chez le nonce, mais à condition que le représentant du Saint-Père voulût bien lui donner la main (c'est-à-dire la droite), honneur que plusieurs des nonces qui l'avaient précédé n'avaient jamais refusé à M. de Villeroy. Scoti fut moins accommodant que ceux dont on lui citait l'exemple : il allégua qu'il était obligé de s'en tenir à l'usage de ses derniers prédécesseurs, qui ne don-noient la main qu'aux seuls princes du sang. Et comme il se plaignait que l'on ne prêtât nulle attention à son secrétaire, quand celui-ci allait chez M. de Chavigny demander des passeports, il reçut de M. de Ramefort le conseil de porter ses plaintes à M. de Chavigny lui-même. S'il consentait à se trouver à quatre heures de l'après-midi ; au couvent des Cordeliers, à quelques pas de son hôtel[2], il pourrait s'y rencontrer avec le secrétaire d'État.

Le nonce fut exact au rendez-vous. Chavigny, arrivé après lui, s'excusa de né lui avoir pas rendu sa visite plus tôt : les voyages de la Cour l'avaient  empêché de remplir ce devoir. Puis il rappela que le Saint-Siège n'avait guère à se louer des Espagnols, qui l'avaient menacé d'un concile national et l'avaient accablé des plus irrévérencieuses protestations ; la France au contraire s'était toujours montrée pleine de respect pour le Pape, qui ne cessait de la maltraiter, témoin la messe et le service refusés au cardinal de La Valette, l'affaire de La Trinité du Mont et l'assassinat de M. de Rouvrai.

Ce discours n'embarrassa point Scoti : les outrages des Espagnols, il était vrai que le Saint-Père les avait reçus, mais uniquement pour avoir observé à l'égard de la France une stricte neutralité ; si le service avait été refusé au cardinal, c'était parce que le Sacré-Collège n'avait coutume d'en faire célébrer que pour les cardinaux qui mouraient à Rome ; quant à l'assassinat de M. de Rouvrai, il ne pouvait être imputé au cardinal Barberini que par d'infâmes calomniateurs ; le nonce avait l'honneur de connaître fort bien ce prince de l'Église, qui était un ange de pureté et un modèle d'intégrité et d'innocence. Pourquoi M. le Cardinal de Richelieu s'en tenait-il à la version de M. le Maréchal d'Estrées et ne voulait-il pas admettre les justifications orales et écrites du Père Valerio, visiteur des Carmes déchaussés ? Le nonce trouvait l'affaire des esclaves turcs fort simple. Il en avait averti le cardinal de Richelieu. Une congrégation de cardinaux s'en occupait, l'ambassadeur du Roi pouvait lui exposer lui-même son point de vue. Pourquoi le Saint-Siège n'aurait-il pas supprimé un droit d'asile qu'il avait accordé ? Le Pape n'avait-il pas, dans ses États, les prérogatives d'un souverain ? Était-il possible qu'il laissât Rome devenir le champ clos des sanglantes disputes des Français et des Espagnols,

L'autorité du Pape, Chavigny ne la discuta point, il se contenta de demander pourquoi la Franco seule avait à en souffrir, il ajouta que l'argument invoqué par le nonce pouvait justifier tous les abus de pouvoir des souverains absolus.

Scoti alors à son tour attaqua. Il parla de certain concile national au moyen duquel quatre ou cinq évêques de France songeaient à chagriner le Pape : heureusement, il savait bien que la plus grande partie de l'épiscopat français se rangeait du côté de Sa Sainteté.

Chavigny répondit que l'on pourrait soupçonner que le nonce n'était si bien informé des dispositions des évêques du Royaume que parce qu'il voulait exciter du trouble dans l'État ; il nia, d'ailleurs, que la proposition d'un concile national eût été faite. Enfin ? pour ne pas s'éterniser en contestations, il en vint à l'objet de son entrevue : il était chargé de remettre au nonce un écrit de la part du Roi. Le diplomate pontifical répondit qu'il ne pouvait le recevoir, le Roi n'avait-il pas un ambassadeur à Rome, qui le remettrait fort bien. — Quoi ! Monsieur, s'écria le secrétaire d'État, vous ne voulez pas recevoir cet écrit ?Non, Monsieur, je ne le dois pas, et je me repens même d'avoir pris celui qui me fut présenté à Dijon pour m'interdire l'audience du Roi en qualité de nonce ordinaire, après que, quatre jours auparavant, le Roi et M. le Cardinal n'avoient fait aucune difficulté de recevoir les brefs qui me donnoient cette qualité.

Chavigny savait son écrit par cœur, il commença de le réciter : Le Roi, étant contraint par l'injurieux procédé avec lequel son ambassadeur est traité à Rome, — si excessif qu'on n'a point craint de violer le droit des gens, — d'en témoigner le ressentiment qu'il en doit avoir, en lui ordonnant de n'aller plus en l'audience de Sa Sainteté et de M. le Cardinal Barberini jusqu'à ce que Sa Majesté ait été satisfaite d'une telle injure et de celle qui a été faite à la mémoire de feu M. le Cardinal de La Valette, désire aussi que M. le Nonce Scoti s'abstienne de la sienne.

A ces mots, le nonce interrompit le secrétaire d'État : il comprenait à présent combien la France était loin de vouloir la paix, c'était la seule question dont il fut autorisé à entretenir Sa Majesté et on lui ôtait tout moyen de la traiter avec le Roi.

Chavigny observa qu'on ne l'avait pas laissé achever ce qu'il avait à dire ; son écrit portait que toutes et quantes fois que ledit Sieur Nonce auroit à faire quelque proposition qui pût avancer effectivement le repos de la chrétienté, il la fit faire à lui Chavigny par son auditeur.

Le nonce répondit que toute proposition serait vaine ; il y avait trois ans que la France amusoit M. le Légat à Cologne, sans y avoir voulu envoyer ses plénipotentiaires, quoique ceux des rois de Hongrie et d'Espagne s'y trouvassent déjà. Et comme Chavigny assurait que le Roi étoit prêt à faire partir les siens, pourvu que l'on accordât les passeports qu'il avoit demandés pour ses alliés, Scoti observa qu'un nonce ne pouvait se mêler des affaires des puissances hérétiques. Justiniani, ambassadeur de la République de Venise à La Haye, s'était chargé de l'affaire des passeports. Les Hollandais, — Scoti le savait par le Vénitien, — n'avaient nulle hâte de mettre en route leurs plénipotentiaires, et ils ne cachaient point que, s'ils montraient si peu d'empressement, c'était pour se conformer au désir du Roi et du cardinal.

Chavigny ne voulut point lire une copie de la lettre de Justiniani que le nonce avait dans sa poche. Le secrétaire d'État ne tenait pas à se laisser convaincre. Il dit seulement que le Roi ne pouvoit traiter sans ses alliés et il était sur le point de s'en aller, lorsque le nonce reprit : Après avoir parlé beaucoup, je désire en trois paroles, vous faire connaître que je sais que des intérêts particuliers sont cause de la mauvaise intelligence qui est entre le Pape et le Roi et que le refus des bulles du généralat de Cîteaux fait que le châtiment du crime de Rouvrai passe pour une affaire d'État, quoiqu'il ne touche en aucune façon la réputation du Roi. Encore que je ne sois plus admis en l'audience de Sa Majesté, je trouverai bien moyen de lui faire entendre comme les choses se passent. — Le grand mérite et la réputation de M. le Cardinal, répliqua Chavigny, lui ont acquis beaucoup d'ennemis fort considérables, qui ont plutôt servi à augmenter sa réputation qu'à la diminuer. Son Éminence ne s'est laissée porter à accepter le généralat de Cîteaux que pour le bien de l'Église et l'avantage particulier de cet ordre. M. Bolognetti pourroit témoigner qu'elle ne lui en a jamais parlé. Il ne s'est fait aucune instance sur ce sujet qu'au nom de Sa Majesté. Je crois M. le Cardinal Barberini trop sage pour vous avoir ordonné de parler de la sorte. C'est au Roi à juger si la mort de Rouvrai le touche ou non, il n'y a pas apparence que Sa Majesté voulût affecter d'avoir reçu une injure, si cela n'étoit en effet : Si vous étiez bien informé de la façon qu'on vit avec le Roi, vous sauriez qu'on lui rend un compte exact de toutes ses affaires. Il ne sera pas besoin que vous preniez le soin de l'en avertir. Je vous promets de lui faire savoir mot pour mot ce que vous m'avez dit.

Passant à l'affaire du chapeau demandé pour Mazarin : Sa Sainteté, dit le nonce, ne presse point le Roi de faire des chevaliers du Saint-Esprit ; Sa Majesté ne le doit presser non plus de faire des cardinaux contre son gré. Et Chavigny comprit fort bien que le Pape ne feroit point M. Mazarin cardinal.

Après avoir montré au Sieur Nonce, raconte le secrétaire d'État, la différence qu'il y a entre le cardinalat et l'ordre du Saint-Esprit, je lui dis que Son Éminence savoit si bien le respect qu'elle devoit au Pape et ce à quoi le service du Roi l'obligeoit, ne feroit ni ne diroit rien à l'égard de l'un et de l'autre qui ne fût approuvé de tous les gens d'honneur et qui ne seroient point préoccupés, et que pour ce qui regardoit les intérêts de M. Mazarin, Sa Majesté les soutiendroit, suivant en cela l'exemple du roi d'Espagne, qui porte ceux de l'abbé Beretti avec la vigueur et fermeté que tout le monde sait. Et là-dessus nous nous séparâmes[3].

Cependant le Père Valerio avait eu une audience de Richelieu et il en avait demandé une autre à Louis XIII, que le ministre s'était hâté de styler ainsi : Le Père Valério dira au Roi que M. le Cardinal Barberini dénie que la tête de Rouvrai ait été exposée en qualité de celle de Cavallerizo dell'ambasciatore di Francia et qu'il n'avoit jamais promis d'aller voir Mme la Maréchale d'Estrées pour faire excuse de ce qui s'étoit passé à la Trinité du Mont. Sur quoi le Roi lui répondi-a, s'il lui plaît, que c'est une chose si publique qu'à la reconnaissance de la tête de Rouvrai, il a été qualifié et par les témoins et par les ministres de la justice cavallerizzo dell'ambasciatore di Francia, qu'il n'y a pas lieu d'en douter et que cette circonstance blesse tellement sa réputation qu'il ne peut s'imaginer que cela soit arrivé avec la participation du Pape. Ce qu'il ne croit pas de M. le cardinal Barberini, parce qu'autrement il en auroit fait faire déjà la satisfaction en châtiant ceux qui auroient commis un tel manquement à son insu. Le Roi devait ajouter qu'il savoit bien que M. le Cardinal Barberini s'étoit engagé à voir Mme la Maréchale d'Estrées, ainsi qu'il avoit fait l'ambassadrice d'Espagne en pareille rencontre, ce qui auroit accommodé l'affaire de la Trinité du Mont et auroit empêché le désordre qui étoit arrivé sur le fait de Rouvrai, ce que ledit cardinal Barberini auroit pu encore éviter, s'il eût fait faire la plainte à Sa Majesté de l'action de Rouvrai, à quoi elle eût aussitôt apporté le remède qui auroit été nécessaire. Louis XIII ne devait pas oublier non plus de dire au Père Valerio qu'il avoit commencé de témoigner son ressentiment en la personne de M. le Nonce, qui, par ses discours imprudents, l'avoit contraint d'aller plus loin qu'il n'avoit résolu[4].

Ni le Roi ni le cardinal ne s'arrêtèrent en si beau chemin. Le 11 décembre 1639, à l'hôtel de Cluny, les gens du nonce virent arriver, sur les quatre heures de l'après-midi, M. de Berlize, introducteur des ambassadeurs. Accompagné du sieur Le Gay, huissier du Conseil, il venait remettre au représentant du Saint-Père une lettre de Sa Majesté. On lui dit que le nonce était allé voir le cardinal de La Rochefoucauld. L'hôtel abbatial de Sainte-Geneviève, où logeait ce cardinal, n'était pas fort éloigné : le nonce ne tarderait pas à rentrer. Les deux visiteurs montèrent à la chambre haute. - A cinq heures et demie, le nonce parut enfin. Ils lui présentèrent la feuille signée du Roi, contresignée du secrétaire d'État, qu'il avait refusée l'avant-veille. Il ne l'accepta pas davantage cette fois et même à plusieurs reprises il la repoussa de la main : Monsieur, dit alors M. de Berlize, j'ai charge de la part du Roi de vous en faire la lecture en présence d'un officier de son Conseil. Et il remit la feuille à l'huissier. Mais déjà le nonce avait disparu dans une pièce voisine, dont la porte s'était aussitôt fermée. Il fut impossible d'obtenir que les domestiques du nonce remissent l'écrit à leur maître. Loin de consentir à recevoir cette feuille, les domestiques la jetèrent à l'introducteur des ambassadeurs, qui ne voulut point la reprendre. Berlize en fut réduit à remonter dans son carrosse. Il allait s'éloigner de l'hôtel de Cluny, lorsqu'un domestique accourut précipitamment, jeta le papier dans la voiture et s'esquiva dans la maison. Porte close. Ce fut en vain que Berlize y fit heurter, l'introducteur des ambassadeurs ne fut pas introduit[5].

Voilà pourquoi, dans la lettre qu'il écrivait à Richelieu en ce 14 décembre 1639, Louis XIII fulminait contre les extravagances du nonce. Le 16, le Roi défendit aux évêques et prélats qui étaient à Paris d'avoir aucune communication avec M. Scoti, nonce extraordinaire en ce Royaume. Et cela pour deux raisons. La première était que Sa Majesté ne l'ayant reçu qu'en cette qualité, il n'avoit aucune fonction ordinaire en vertu de laquelle il dût avoir communication avec eux. La seconde était l'audacieux propos que le nonce avait tenu à Chavigny : La plupart des évêques de France se trouveroient pour Sa Sainteté contre le Roi. Il faut, commandait le ministre, donner ordre au chevalier du guet, d'être plus au guet que jamais à la porte dudit Sieur Nonce et d'arrêter au sortir de son logis tous ceux qui iront à heure indue, c'est-à-dire depuis que la nuit sera fermée. Si par hasard il s'y rencontroit quelques-uns de ceux que vous savez, il y auroit plaisir à en recevoir des nouvelles le lendemain matin, après qu'ils auroient couché chez ledit chevalier du Guet. S'il y a lieu d'arrêter quelqu'un, il ne le doit pas faire proche du logis dudit Sieur Nonce, mais dans le retour de la rue de la Harpe ou de Saint-Jacques, afin que le bruit n'en aille pas, dès le soir, jusqu'au logis dudit Sieur Nonce[6].

En attendant, Richelieu se plaignait au cardinal Bagny de la conduite de M. Scoti, qu'il jugeait peu considérée et trop violente : Je veux croire que ce bon prélat a beaucoup de zèle, mais certainement il connaît si mal la France et défère si peu aux bonnes instructions que vous lui avez données, qu'assurément il lui sera plus préjudiciable qu'utile, s'il ne se modère. Et, repoussant avec dédain les imputations relatives au généralat de Cîteaux, le ministre déclarait : Je ne considère point, comme vous pouvez croire, ce qu'il lui plaît de dire à mon désavantage, tant parce que, quand il pourroit me porter préjudice, je l'oublierois de bon cœur pour l'amour de Dieu, que parce qu'étant comme je suis dans le monde, on sait bien qu'il n'y a point d'intérêt particulier, quelque grand qu'il puisse être, qui soit capable de me faire passer par dessus le moindre de l'État[7]. Noble langage qu'il devait avoir à la bouche jusque sur son lit de mort.

 

 

 



[1] Archives des Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII à Richelieu.

[2] Ce couvent était situé rue des Cordeliers, aujourd'hui rue de l'École de Médecine ; il n'en reste plus que le réfectoire, qui est devenu le musée de cette École.

[3] Voir la Relation de Chavigny dans les Mémoires d'Omer Talon, édition Petitot, 4e partie, pages 30-35. — Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 521-527. — Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, pages 241-244.

[4] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 638-639.

[5] Voir Aubery, Mémoires pour l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, édition de Cologne, tome IV, pages 345-346 et Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, tome III, page 246.

[6] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, pages 650 et 651-652, note.

[7] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, tome VI, page 645, note.