HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

MEILLEUR ÉTAT DES AFFAIRES

CHAPITRE SIXIÈME. — SUR LES AUTRES FRONTS.

 

 

Le cardinal, qui entendait conquérir Dunkerque, avait compté pour cela sur le prince d'Orange, que devaient soutenir quatre mille hommes commandés par le marquis de La Meilleraye. Empêché par le mauvais temps, le prince se contenta d'attaquer Breda, qui avait appartenu à ses ancêtres.

Cependant le cardinal de La Valette assiégeait Landrecies[1].

 

Landrecies, La Capelle, Maubeuge.

Par malheur l'argent, nerf de la guerre, manquait : Je ne sais, mandait Richelieu à Louis XIII, le 4 juin 1637, quelle pièce coudre au manque d'argent qui arrivera pour les équipages, qui ne subsistent point par discours, ni par assignations non présentes. Pour cette fois, M. de Noyers et moi avons fait trouver quatre-vingt mille francs sur notre crédit ; mais cela ne fournira que pour un mois[2]. Il y avait alors plus d'une année que Louis XIII, pour subvenir aux dépenses avait porté un édit qui créait et vendait de nouvelles charges de procureurs. Le Parlement s'était opposé à l'exécution de l'édit, sous prétexte que ces créations nuisaient au bien public ; mais ils ne laissoient au Roi, disent les Mémoires de Richelieu, aucun autre moyen de subvenir de leur part aux nécessités présentes et pressantes de son État[3]. Louis XIII avait cru faire quelque impression sur ces fronts d'airain ; il avait mandé les parlementaires à Fontainebleau le 28 mai, au château de Madrid le 31 juillet et il avait exigé les ratifications pour le 7 août. A cette date, rien n'était prêt[4]. Ce lundi 10 août, le premier président eut l'audace de déclarer au Roi : Il y a de certaines règles, par-dessus lesquelles il est impossible de passer. La brièveté du temps est cause que les remontrances n'ont pas été délibérées et il faut un mois pour les rédiger, — Messieurs, répliqua Louis XIII, je trouve très mauvais qu'après avoir arrêté vos remontrances il y a si longtemps et le temps que je vous ai donné pour me les apporter, vous ne m'ayez point obéi. Allez ! vous êtes des insolents, retirez-vous ! Puis craignant que les parlementaires ne prissent cet ordre pour un congé, il ajouta aussitôt : J'aviserai présentement ce que j'aurai à faire ; ne vous en allez point. Quant au cardinal, présent à cette scène orageuse, il témoignait, par son maintien, qu'il fallait éviter la colère du Roi et soufflait aux parlementaires : Messieurs, Messieurs, retirez-vous ! Revenus au bout d'un quart d'heure, ces Messieurs essuyèrent les reproches de Molé, puis les menaces, de Louis XIII. Le Roi déclara qu'il voulait que l'édit fût vérifié le mercredi 12. Tout finit par un compromis. Le Parlement obéit et le Roi diminua le nombre des nouveaux offices[5].

Cependant le cardinal avait pu écrire, dès le 26 juin, à Louis de Béthune, comte de Charost, ce billet que n'eut pas désavoué Henri IV : Brave Charost, vous aurez su par M. d'Ayguebère ce en quoi il est question que chacun fasse de son mieux, il n'y faudra rien oublier de ce qui sera possible. M. le Cardinal de La Valette est attaché au siège de Landrecies ; il a pris Cateau-Cambrésis eu trois jours ; il y avoit deux cents Espagnols en garnison, outre celle du pays et des habitants. Il n'y a que' cinq cents hommes de garnison dans Landrecies outre les habitants, qui sont en petit nombre, et une compagnie de cavalerie. Voilà ce qui se passe de deçà. Assurez-vous toujours de l'affection de celui qui est et sera toujours le meilleur ami du cadet de Béthune et votre très affectionné à vous servir[6].

Richelieu n'avait pas tardé à recevoir de La Valette lui-même les meilleures nouvelles[7]. Le 22, Landrecies, écrasée sous les bombes, dévorée par les incendies, que les habitants ne réussissaient pas à éteindre, avait encore à redouter une mine que La Valette avait fait préparer avec un soin minutieux. Avant de l'allumer, La Valette envoie un tambour sommer la ville d'ouvrir ses portes. Le tambour pénètre dans la place, annonce que la mine va jouer ; il offre d'admettre quelqu'un de la part du gouverneur pour en visiter toutes les particularités : Le gouverneur, lui dit-on, repose ; il ne faut pas l'éveiller pour si peu de chose. Ce n'est pas une affaire de si petite conséquence que vous vous imaginez, reprend le tambour. Et lorsque le gouverneur a consenti enfin à l'écouter, il reçoit cette réponse : Je sais bien qu'on prétend de faire jouer la mine ; mais j'y ai donné bon ordre, afin qu'il n'en arrivât pas de malheur à mes bastions. Au reste, dites au cardinal de La Valette qu'il a affaire à un Espagnol et à un homme de guerre. Je ne rendrai jamais la ville, tant que j'aurai le moyen de résister. Ce gouverneur était le comte d'Hénin. Sa rodomontade, selon l'expression du Mercure, fut trouvée gentille, mais elle était impuissante.

La mine fit explosion, entre midi et une heure, avec un horrible nuage de fumée et de poussière et une si épouvantable grêle de pierres et de briques, que quelques-uns qui étoient éloignés de huit cents pas en furent enveloppés et frappés, et de deux cents mousquetaires, commandés pour border la tranchée lorsque la mine auroit produit son effet, et pour faire feu sur la brèche afin d'empêcher les ennemis de la réparer, les uns furent atterrés es autres tués[8]. A travers le nuage de poussière, on finit par distinguer les ruines d'un bastion quasi tout emporté, puis, lorsque le nuage se fut dissipé, sur la brèche large de quarante pas, le gouverneur apparut, l'épée à la main, avec quelques-uns de ses soldats. Ce brave n'eut point à subir l'assaut ; le cardinal de La Valette, ne voulant ni le sac ni la destruction de la ville, se contenta de loger des troupes sur le bastion, sous une pluie de pierres et de grenades. Les habitants travaillèrent avec ardeur à élever un retranchement derrière la brèche. Travail inutile que ne manquerait pas de détruire une nouvelle mine à laquelle travaillaient avec non moins d'activité les assiégeants. Le gouverneur le comprit mieux que personne. Le soir même il demandait à parlementer. Le lendemain 23, la capitulation était signée et, le 26, le gouverneur sortait à la tête de sa garnison qui, avec armes et bagages, enseignes déployées, mèche allumée et balle en bouche, fut escortée jusqu'à Valenciennes par les troupes du Roi[9].

La satisfaction que le cardinal duc ressentit de ce succès éclate dans le post-scriptum de la lettre de Incitations qu'il adressa, le 26 juillet, au cardinal de La Valette : Des avis de Bruxelles nous font connoître que les Espagnols nous méprisent de telle sorte qu'outre l'avantage que nous apporte la prise de Landrecies, j'en ai une joie particulière pour leur faire voir que nous sommes plus capables de leur faire mal qu'ils ne croient et disent hautement[10]. Louis XIII partagea la joie du cardinal. Cependant il n'était pas satisfait : il brûlait d'acquérir de la gloire à son tour en forçant lui-même une place.

Ce désir était si vif que, le 31juillet, Richelieu dut écrire au cardinal de La Valette : Sa Majesté a quelque pensée que, tandis que vous avancerez dans le pays des ennemis selon vos projets, elle pourroit, à l'abri de votre armée, faire une espèce de blocus autour de La Capelle, par le moyen duquel il y a apparence qu'en peu de temps on la feroit tomber entre ses mains. Devant que de s'embarquer dans ce dessein, Sa Majesté désire que vous fassiez, avec une partie de cavalerie, visiter tous les environs de la place par quelque personne entendue. Si on peut, sans détourner aucune de vos troupes, avec trois mille hommes et mille chevaux, faire tomber ladite place, ce petit progrès, joint à ceux que vous ferez, termineroit assez heureusement cette campagne[11].

Mais en son for intérieur, il n'approuvait pas cette promenade militaire du Roi. Louis XIII, de son côté, sentait la désapprobation de son ministre, et d'autant plus que celui-ci ne la dissimulait nullement. Le Roi n'oubliait pas qu'en 1635 le cardinal avait voulu le détourner de son voyage de Lorraine ; il se demandait si son ministre était jaloux de lui et, comme disait Son Éminence, les soupçons étoient en campagne[12]. Richelieu n'en réussit pas moins, cette fois encore, à imposer sa volonté à son maître : J'ai trop de confiance en vous, écrivit-il de Chaillot le 3 août au cardinal de La Valette, pour vous dissimuler que, depuis quelques jours, j'ai été avec 31 (le Roi) au même état que j'étois à la Victoire[13], et pour pareil sujet, du voyage qu'il vouloit faire à l'armée. Pour le présent, l'affaire a abouti à ce point qu'au lieu d'aller en personne pour travailler au dessein d'incommoder Capelle, comme je vous l'avois écrit, ce qui n'est pas digne d'un grand roi, il envoiera le sieur de Bussy, revenu d'Ehrenbreitstein[14], avec mille chevaux et ce qu'il pourra ramasser de la-nouvelle infanterie qui nous arrive[15]. Richelieu était satisfait : Le cardinal infant, expliquait-il au cardinal de La Valette, tient ses affaires irréparables, si les Français, usant de leur victoire, s'avancent dans le cœur du pays. Il ajoute qu'il n'y a que Dieu qui y puisse remédier[16].

Bruxelles finissait par croire à quelque conjuration suspecte de la reine Marie de Médicis. On dut faire une enquête qui n'aboutit à rien ; la Reine commanda qu'on menât les enquêteurs partout : ils allèrent jusques aux caves y visiter les tonneaux, les perçant pour voir s'il n'y avait point de poudre ; mais ils n'y trouvèrent que de quoi boire[17].

Le cardinal de La Valette venait de s'emparer de Maubeuge.

Quant à Louis XIII, MM. de Chavigny et de Noyers lui avaient persuadé, non sans peine, que le cardinal duc avoit mieux aimé s'exposer à lui déplaire que de ne pas lui témoigner, au risque de perdre ses bonnes grâces, le zèle qu'il avoit pour sa gloire[18]. Le Roi semblait consolé de sa déception, le succès facile qu'il avait escompté lui paraissait peu glorieux, puisque le cardinal de La Valette avait dédaigné de se le réserver à lui-même. Maintenant il attendait les événements, le siège d'Avesnes, que La Valette devait entreprendre, tandis que Bussy-Lameth resterait en observation près de La Capelle et le duc de Caudale dans Maubeuge. Que devint-il, lorsqu'il apprit que tous les ordres concertés en sa présence étaient changés ? Ce n'était plus Avesnes que le cardinal de La Valette venait d'investir le 31 août, c'était cette place de La Capelle, contre laquelle le Roi avait tant désiré de marcher en personne. Qui donc avait eu cette audace ?

Richelieu ne put que constater l'extrême fâcherie de son maître et travailler de son mieux à l'apaiser au plus vite. Il ne la celait point, le 8 septembre, à La Valette : Le Roi jette tout, déclarait-il, sur M. de La Meilleraye et, par contrecoup, sur moi, disant que c'est lui qui a fait résoudre cette affaire, directement contre ses ordres. Je vous prie de ne vous fâcher point de cette mauvaise rencontre qui me touche plus qu'à personne. On n'a pas oublié de représenter les difficultés qui se sont rencontrées sur les lieux, au siège d'Avesnes ; que vous avez pris la résolution du siège que vous faites avec Mous les principaux officiers ; mais tout cela est maintenant suspect en ma bouche. C'est ce qui fait que je vous prie d'écrire à M. de Noyers une lettre qui porte nettement et distinctement comme cette résolution s'est prise[19]. Bien plus, craignant que la lettre demandée ne suffit pas à dissiper les soupçons, Richelieu jugeait nécessaire un procès-verbal signé par M. de La Meilleraye, le cardinal de La Valette et tous les principaux officiers de l'armée, afin que le Roi fût confirmé dans la vérité, qu'il ne s'étoit pu mieux faire pour son service[20].

Richelieu connaissait l'humeur du maître[21] et les remèdes qui lui convenaient. Il constata bientôt avec plaisir que la fâcherie du Roi était passée. Le 14 septembre, Louis XIII lui parlait sans nulle acrimonie de la ville assiégée, qui, prévoyait-il, ne tiendroit pas plus de huit jours[22]. Le 22, en effet, La Capelle se rendit ; le gouverneur espagnol, qui n'avait pas attendu l'arrivée de Farinée de secours commandée par le cardinal infant eut, sur l'ordre du même cardinal, la tête tranchée à Valenciennes. Richelieu félicitait ainsi le vainqueur : J'ai d'autant plus de joie de la reddition de La Capelle, dont M. de Cinq-Mars nous vient d'apporter la nouvelle, que ce bon succès vous facilitera sans doute les moyens d'en avoir encore de plus grands, maintenant que vos forces sont plus libres et que vous n'êtes plus attaché à aucun siège[23].

Le nouveau succès qu'obtint le cardinal de La Valette fut la délivrance de Maubeuge, contre laquelle s'était tourné le cardinal infant avec des troupes nombreuses et trente pièces de canon. Le cardinal infant n'attendit point La Valette. Un de ses lieutenants qui, demeuré au pont sur la Sambre, avait essayé de s'opposer à la jonction de l'armée de Caudale et des vainqueurs de La Capelle, fut contraint de se retirer à son tour. Le cardinal infant n'avait pas été plus heureux, lorsqu'il avait voulu débloquer Breda. Les assiégés, n'espérant plus aucun secours, capitulèrent le 7 octobre.

Le cardinal de La Valette, qui craignait le voisinage des troupes d'Espagne, jugea plus à propos d'évacuer Maubeuge, après en avoir fait raser les fortifications. Il n'entreprit plus rien de considérable en cette fin de campagne, ce qui déçut quelque peu Louis XIII. Le Roi, désormais au plus tendre avec son ministre, lui mandait le 12 octobre 1637 : On faisoit hier courir le bruit que le cardinal de La Valette avoit gagné un grand combat : je me suis bien douté qu'il n'en étoit rien, puisque vous ne lue mandiez rien... Je suis plus que jamais résolu à bien vivre et reconnoître les grâces que le bon Dieu nous fait tous les jours ; j'espère qu'il nous donnera bientôt la paix ; je ne souhaitois le gain d'un grand combat que pour cet effet ; je crois que nous sommes bien d'accord tous deux en cette pensée et serons toujours' en toutes autres[24].

 

En Allemagne.

Le Roi et son ministre avaient une telle communauté de pensée, quand il s'agissait de la grandeur du Royaume, que la lettre écrite par le Roi au ministre le 12 octobre 1637 ressemble fort à celle que le ministre avait écrite au Roi le 10 mars de la même aimée : Les lettres de Cologne portent aujourd'hui qu'il y a neuf mille morts sur la place et-tout le canon et le bagage pris. Je prie Dieu de tout mon cœur que cela puisse faciliter la paix, que je souhaite plus que ma vie[25]. Il s'agissait alors de la victoire remportée par le maréchal Banner sur les Impériaux en Saxe. Comme le disent les Mémoires du cardinal, toutes les armes de la maison d'Autriche ayant été en 1636 employées contre la France, les Suédois avoient eu plus de facilité non seulement de se maintenir, mais de faire des progrès en Allemagne. On avait vu Francfort-sur-l'Oder pillée par un autre Suédois illustre, le général Wrangel, la marche de Brandebourg ravagée, les généraux Gnœutz et Hasfeld chassés du landgraviat de liesse par le landgrave et Balmer, au mois de décembre 1636. Balmer était allé hiverner dans la Thuringe-et s'était emparé de la ville d'Erfurt, qui eu est la capitale. Puis, ménageant le temps, qui est trésor de guerre, et ne voulant pas laisser passer l'hiver inutilement, il étoit parti d'Erfurt le 10 janvier 1637 et s'en étoit allé attaquer le duc de Saxe dans le cœur de son pays[26]. Le duc de Saxe ne se sentant pas en sûreté à Torgau et se retirant à Dresde, Banner passant l'Elbe sur la glace, prenant Torgau le 15 janvier, essayant de prendre Leipzig, puis revenant près de Torgau, s'enfermant dans sen camp retranché, offrant vainement la bataille aux généraux de l'Empereur, qui s'étaient avancés contre lui, mais s'efforçant de les défaire séparément en maints combats ; tels étaient les événements qui avaient précédé la victoire dont se réjouissait Richelieu.

A la fin de juin, affamé dans son camp par les généraux de l'Empereur, Banner sut gagner Neustadt sur la Baltique et rejoindre Wrangel par une retraite qui ne parut point l'ouvrage d'un petit capitaine. Cette retraite, lisons-nous dans les Mémoires du cardinal, est à comparer aux plus glorieuses dont l'histoire fasse mention, car le maréchal passa cinquante lieues d'Allemagne et traversa plusieurs grandes rivières avec quatorze mille hommes, quatre-vingt-dix canons et tout son bagage, devant une armée de soixante mille hommes sans avoir perdu que quelques fuyards et peu de malades, qui ne purent suivre [27]. Cependant le 3 juillet 1637, Richelieu mandait au cardinal de La Valette : Les nouvelles d'Allemagne portent que Piccolomini étoit encore, il y a six jours, à Worms, attendant le secours de Gallas[28].

 

En Luxembourg.

Tandis que Banner, vainement poursuivi par Gallas, arrivait à Neustadt, sur les bords de la Baltique, le lie juillet 1637, le maréchal de Châtillon se mettait en devoir d'enlever aux Espagnols des places dans le Luxembourg : Il avoit, remarquent les Mémoires du cardinal, loisir de faire tous ces sièges à son aise par la grande diversion (du prince d'Orange et du cardinal de La Valette), que le Roi donnoit en même temps aux forces de Flandre et de Piccolomini, qui étoient les seules qui se pouvoient opposer aux siennes[29]. Richelieu, plein d'ardeur, écrivait au maréchal le 3 août : Aussitôt que j'ai reçu votre lettre, par laquelle vous témoignez pouvoir faire quelque chose de considérable dans le Luxembourg : et même d'y prendre Damvillers ou Montmédy, pourvu qu'on vous envoyât trois cents chevaux d'artillerie, le Roi a trouvé bon que l'on fit partir aussitôt ce nombre de chevaux, qu'il avoit fait lever pour aller en personne à l'armée, et Sa Majesté s'en prive pour vous donner plus de moyen d'accomplir ce que vous proposez. Nulle dépense ne paraissait trop lourde au cardinal : Pour ce qui est des vingt mille écus, disait-il, j'y ferai pourvoir à votre contentement, à condition que vous ferez ce que vous projetez. Ne vous mettez point en peiné de votre perte de cinquante mille livres, j'en ai parlé à M. de Bullion et e m'en tirerai au grand contentement de Madame votre femme, qui ne s'endort pas en vos affaires[30].

Le Roi et son ministre, les yeux fixés sur la carte, ne s'endorment pas non plus : La pensée du Roi, mande Richelieu au Maréchal le 8 août, est que vous pourriez peut-être prendre aussi aisément Thionville que Montmédy et Damvillers et que cette place est de bien plus grande conséquence et donneroit de très grands avantages pour l'année qui vient ; il n'y a personne dedans qu'une garnison fort faible, cc qui fait juger que, si M. le Maréchal faisant semblant d'assiéger Montmédy, envoyoit investir Thionville par une partie de sa cavalerie, il pourroit apparemment en avoir bon marché[31]. Mais Châtillon, qui vient de prendre, à cinq lieues de Sedan, la petite place d'Yvoy (aujourd'hui Carignan), préfère assiéger Damvillers, ce qui lui permettra de couvrir la Champagne et le Barrois. Au lieu que, s'il alloit à Thionville, les ennemis, s'ils étoient bien conseillés, pourroient entrer en France[32].

Vers le milieu de septembre, Châtillon perd sa conquête d'Yvoy, que les ennemis surprennent par escalade, trouvant toute la garnison endormie[33]. C'est seulement à la fin d'octobre que le maréchal s'empare de Damvillers. Il reçoit, le 31, les félicitations de Richelieu ; mais, par une lettre de Noyers arrivée la veille, il sait que le cardinal n'a pas oublié l'accident d'Yvoy. On insiste de Paris pour qu'il soit réparé, mais en vain. Le maréchal ne voulut point revenir sur la résolution qu'il avait prise et dont il avait fait part le 25 octobre au secrétaire d'État : Les chevaux sont tellement ruinés que, s'il nous restoit encore temps pour faire le siège d'une bicoque, ils n'y pourvoient pas fournir en l'état où ils sont. Sa Majesté se contentera donc, s'il lui plaît, du service que je lui ai rendu cette année pour ce qui est des sièges[34]. Les gens n'étaient pas moins las que les bêtes. Ils ont une si grande impatience de gagner les quartiers d'hiver, assurait Châtillon, qu'il n'est pas croyable[35]. Et le maréchal, qui leur administrait de vertes semonces, n'était pas le moins pressé de tous.

 

En Franche-Comté.

Cette lassitude des sièges, les troupes du duc de Longueville, prince de Neufchâtel, l'avaient éprouvée en Franche-Comté, dès le milieu du mois d'août 1638. Il y avait alors de nombreuses semaines que leur chef marchait de conquête en conquête, emportant d'assaut la forteresse de Saint-Amour, enlevant l'épée à la main ou contraignant à se rendre les châteaux de Chevreaux, de Courlaon, de Crèvecœur, de Chilly, de l'Étoile, Savigny, de Château-Châlon[36] ; le juillet le cardinal avait mandé au Roi : M. de Longueville a pris Lons-le-Saunier, qui a souffert qu'on fit brèche. Le gouverneur qui étoit dedans, se voyant extraordinairement pressé, a mis le feu dans la ville, qui était pleine d'abondance de toutes choses. Plus de deux cents habitants ont été brûlés par ce malheureux homme. Il s'est retiré au château et aussitôt a envoyé demander à traiter, ce qui lui a été refusé[37]. Le 13 août, le cardinal, tout en comblant de louanges le vainqueur, l'avait autorisé, si son armée était trop fatiguée, à en user comme il le jugerait à propos. Il l'avait toutefois mis en garde contre les conquêtes vaines : Il est de la prudence du souverain de Neufchâtel, lui avait-il expliqué, de former si bien son dessein en la Franche-Comté, qu'il ne s'occupe point à prendre des lieux qui n'apportent grand avantage au service du Roi... C'est à Votre Altesse à Choisir les lieux que vous voulez et pouvez garder, et ruiner les autres[38].

 Treize jours plus tard, aidé des troupes du comte de Guébriant qui venait de la Valteline, il s'était emparé, entre Lons-le-Saunier et Châlons-sur-Saône, de la place de Bletterans sur la Seille ; mais lorsque le cardinal lui avait commandé de mettre le siège devant Salins, le prince s'était heurté aux représentations de ses Lieutenants harassés et il avait dû ramener ses troupes en Francs dans leurs quartiers d'hiver. Richelieu déplorait alors que le duc de Rohan ne fût pas venu, au lieu du comte de Guébriant, commander en Bourgogne les troupes qu'il avait ramenées de la Valteline[39].

 

En Valteline.

C'est à la fin de mars 1637 que Richelieu avait appris l'accident arrivé en Valteline au duc de Rohan. Le 2.9, le cardinal mande au Roi : Les mauvaises nouvelles des Grisons ont été confirmées par un courrier. Les perfides Grisons se sont accordés avec les Impériaux et les Espagnols et la dernière lettre de M. Meliand (ambassadeur du Roi en Suisse) porte qu'on devoit assiéger M. de Rohan dans le fort de France. Si on eût fourni l'argent pour l'accord qu'il falloit à temps, les gens de M. de Rohan (et parmi eux son secrétaire Prioleau) croient que cela ne fait arrivé. Je m'en vais à Paris pour faire résoudre M. de Bullion pour empêcher qu'il n'en arrive autant en Suisse. Il y a longtemps que je crains de pareils événements pour les places, faute de fonds pour payer leurs garnisons et les fortifier. Je n'oublierai rien de ce que je pourrai pour, persuader MM. des Finances de ne mesurer pas tordes les affaires à une même aune. Je reviendrai ce soir, si je puis[40]. Comble de disgrâce, en effet, M. de Bullion, retenu par une indisposition à Paris, ne peut se rendre à Rueil : Si son indisposition dure, écrit le cardinal au Roi le 30 mars, il me faudra aller de deux jours l'un à Paris. J'y fus hier dîner pour le voir. Nous finies en trois ou quatre Lettres avec lui tout ce qu'on peut faire, à l'heure présente, au malheur de l'affaire de la Valteline. Prioleau part ce matin avec deux cent mille francs pour M. de Rohan et deux cent mille pour les Suisses, lesquels nous avons fait fournir comptant à M. Lumagne (banquier italien). Il n'y a pas moyen de les tirer payables que dans la fin de la semaine qui vient[41].

Que s'était-il passé ? Les Espagnols, ne parvenant pas à déloger de la Valteline le dite de Rohan, avaient conçu l'idée ingénieuse de soulever contre lui ces males Grisons qui l'avaient appelé à leur secours. Ils leur avaient remontré que, si le duc de Rohan était venu pour leur rendre la Valteline, leur bien, injustement détenue par l'Espagne, il ne l'avait pas remise entre leurs mains. Rohan avait toléré les réclamations des Grisons, ses coreligionnaires. Une convention s'était ébauchée entre les Grisons, les Valtelins, vassaux des Grisons. Elle rendait la Valteline à ses anciens possesseurs. Le Roi, en ayant examiné les articles, ne les avait pas tous approuvés, ce qui avait fort irrité le peuple. D'autre part, les troupes du pays étaient exaspérées du paiement inexact de leur solde. Et quand le duc de Rohan réclamait l'argent nécessaire, on lui reprochait d'avoir gaspillé celui qu'on lui avait envoyé. A la suite d'tine expédition qu'il avait poussée en Italie, il était tombé malade et meute il avait passé pour mort. Sou absence avait permis à un  Suisse, qui avait des intelligences avec l'Espagne, le colonel Genatz, de faire négocier à Insprück un traité entre les Grisons et l'Empereur. Complot dont la révolte des troupes grisonnes, lasses d'attendre leur solde, aggravait le danger. Rohan n'avait pas craint de laisser les troupes françaises en Valteline et de venir seul à Coire au milieu des conjurés et des rebelles. En dépit des représentations de l'ambassadeur de France, il avait réparti entre les soldats grisons une somme d'argent arrivée de France, mais il n'avait pu gagner les députés des ligues grisonnes, qui activaient leurs négociations à Insprück. Que pouvait le duc de Rohan, sinon réclamer de l'argent à la Cour ? L'argent n'était pas venu. Et une armée espagnole s'avançait sur le lac de Côme. Le duc de Rohan, qui n'avait point d'armée à Coire, s'était réfugié dans un fort bâti non loin de la ville, sur le bord du Rhin, le Fort de France, que commandait le marquis de Saint-Simon, frère aîné du favori de Louis XIII, à la tête de deux cents hommes.

Un jour qu'il en revenait par hasard, disent les Mémoires du cardinal, il rencontre sur son chemin un de ses valets de pied qui lui porte avis que les Grisons étoient en armes, qu'ils avoient été en son logis et, ayant déjà passé Coire, s'en venoient droit au fort. Cela l'oblige à tourner bride et à s'y jeter. Il y fait venir le régiment de Schmidt, qui étoit en garde au Steig, composé de huit à neuf cents hommes effectifs. Bientôt les Grisons atteignent Malaus ; ils ne sont plus qu'a une demi-heure de marche ; ils ont envoyé saisir le pont du Rhin et menacent d'une armée allemande, qui doit venir à leur assistance avec canon et toutes choses nécessaires du côté du Tyrol[42].

Malgré les offres des habitants de quatre villages et d'une vallée voisine, qui eussent volontiers pris les armes contre les mutins, le duc de Rohan avait mandé les députés des Ligues et conclu avec eux, le 26 mars 1637, un traité par lequel, il s'obligeoit de remettre aux Grisons la Valteline et les deux comtés de Chiavienne et de Bormio, avec les forts qui y avoient été construits. Il s'engageait à en faire sortir les troupes françaises, en sorte qu'elles seroient entièrement hors de leur pays dans le 5 de mai, auquel jour il remettroit le Fort de France auxdits Grisons. Il promettait d'exécuter tout cela, ponctuellement, nonobstant tous ordres contraires qui lui pussent venir de la Cour, et que pendant ce temps il resteroit dans la ville de Coire avec le sieur de Saint-Simon et toute sa cour.

Dès le lendemain, Rohan avait dépêché M. de Vérigny auprès du baron de Lègues, maréchal de camp, demeuré en Valteline à la tête des troupes françaises. Vérigny avait ordre de commander à Lègues de se conformer aux clauses du traité. Prioleau et ses quatre cent mille livres venaient à peine de quitter Paris, que Vérigny arrivait en Valteline. Stupeur du maréchal de camp : était-il possible de s'imaginer que le duc de Rohan fût en sa liberté, lorsqu'il avait signé un traité pareil ? M. de Rohan était trop généreux et trop bon serviteur du Roi pour y avoir apporté son consentement. Sans nul doute, il avait voulu amuser les Grisons et avoir loisir de se tirer de leurs mains pour leur faire connoître, avant longtemps, que Dieu n'autorise jamais les trahisons et les perfidies.

Lègues se sentait très fort sur son terrain ; il le montra et ne manqua point de communiquer à son interlocuteur des lettres de M. de La l'huilerie, ambassadeur de France à Venise, qui assuraient que la République promettait vivres et secours. M. de Rohan n'avait qu'à revenir en Valteline ; s'il tenait à son honteux traité, qu'il l'exécutait lui-même.

À Coire, le duc de Rohan rejeta toutes ces choses comme frivoles et, en Valteline, M. de Lègues vit arriver, vers le 10 avril, un nouvel envoyé, M. de Saint-Simon, qui était chargé de l'ôter de son doute. Saint-Simon exposa l'objet de sa mission : certes il dit été à désirer que les Grisons eussent requis plus civilement, et en autre forme qu'ils n'avoient fait, leur rétablissement dans la Valteline : néanmoins, sachant que la volonté de Sa Majesté n'étoit autre que de les remettre en possession de ce qui leur appartenoit, M. de Rohan avoit volontiers condescendu au traité dont il envoyait copie, lequel il le prioit faire exécuter ponctuellement. Aucun service ne pouvait être plus agréable à Sa Majesté, qui se déchargerait ainsi d'une dépense immense pour le présent et pour l'avenir et fortifieroit ses autres armées de celle-ci, qui ne lui servoit plus de rien en ce pays, depuis que le passage du Saint-Gothard étoit libre aux Espagnols et aux Allemands. Si le duc de Rohan n'était point venu lui-même on Valteline pour exécuter le traité, c'était qu'il avait cru être plus nécessaire à Coire pour pourvoir au passage des troupes de Sa Majesté jusqu'en France... Il étoit libre d'aller où lui plairoit et il n'avoit désiré demeurer à Coire que pour donner ordre aux affaires.

Quelles honteuses affaires ! songeait M. de Lègues. Il ne refusa point toutefois d'obéir, si le duc de Rohan faisoit voir par écrit au sieur de Gaillan, major de son régiment, — qu'il lui envoyoit exprès pour ce sujet avec ledit Saint-Simon, — que l'intention du Roi fût conforme à ce qu'il lui commandoit. Sa résolution était si ferme que l'arrivée de M. de Vérigny, qui lui apportait un nouvel ordre du duc de Rohan, ne put l'ébranler : Rohan lui enjoignait de commencer l'évacuation dès le 15 avril ; mais M. de Lègues tenait maintenant pour suspect tout ce qui venoit de sa part.

Cependant, le 30 mars, le Roi avait écrit à M. de Rohan que, s'il n'y avait plus moyen de remédier à l'état des affaires, il fallait traiter en sorte que l'on pût ramener les troupes par la Suisse : le duc les conduirait lui-même par le chemin ordinaire des étapes qui seraient préparées par l'ordre de M. Meliand, ambassadeur de France. Revenu auprès de M. de Rohan, M. de Gaillan s'en retourne auprès de M. de Lègues. Il apporte la copie de cette lettre, il apporte aussi des nouvelles qui me sont point rassurantes : Gallas est près de Lindau ; il y a d'autres troupes allemandes dans le Tyrol ; il reste Lien un moyen de périr honorablement, mais non pas de conserver l'armée et l'alliance avec les Grisons dont, par ce moyen, la maison d'Autriche se rendra maîtresse, ayant occasion d'y entrer à main armée. Il faut que l'évacuation commence le 19 sans aucune faute, sans quoi M. de Rohan verra sa liberté et sa vie en compromis, parce qu'il s'est engagé de foi et de parole. Les Mémoires du cardinal assurent que Rohan se garda bien de montrer à M. de Gaillan deux lettres qu'il avait reçues, l'une du Roi pour lui Rohan, l'autre de M. de Noyers pour M. de Lègues. Il se doutait bien, en effet, par ce que le Roi lui mandoit, que Sa Majesté convioit M. de Lègues de faire tout ce qu'un homme d'honneur et de sa valeur et expérience pouvoit pour les armes de son maître.

Lègues obéit donc à Rohan, la mort dans l'âme ; mais lorsqu'il eut remis ses forts aux Grisons et qu'il se trouva hors de la Valteline avec une partie de ses troupes, on lui remit une lettre de Noyers : cette lettre, retenue à bon escient, l'exhortoit à faire toutes les résistances possibles pour maintenir les armes du Roi en ce pays-là et ne souffrir point qu'elles perdissent en un moment la gloire et la réputation qu'elles avoient acquises par tant de combats[43].

La conduite du chic de Rohan parait beaucoup moins blâmable dans la correspondance de Richelieu que dans les Mémoires, si l'on en juge par cette lettre que le Roi, stylé par le cardinal, écrivit à M. Meliand le 28 avril 1637 : La révolte des Grisons nous a extrêmement surpris. Il semble qu'il y ait peu de remède à apporter à un tel désordre. Néanmoins nous avons pensé à tous ceux que nous avons cru le pouvoir pratiquer, pour commencer à vous donner moyen de retenir les Suisses dans le respect qu'ils doivent au Roi. J'ai fait résoudre que l'on vous envoierait deux cent initie livres, que vous distribuerez eh la manière que vous jugerez le plus à propos. Nous faisons partir après-demain le sieur Prioleau, qui, outre deux cent trente-huit mille livres déjà payées aux Grisons, porte encore cent mille livres[44].

Depuis le 7 avril, M. d'Estampes, maître des Requêtes, et le comte de Guébriant, maréchal de camp, dépêchés par le Roi, se trouvaient à Coire. Le duc de Rohan les reçut dans son cabinet et justifia son procédé. Les deux envoyés déclarèrent que Sa Majesté ne désiroit rien tant que de voir rétablir les choses en Valteline, mais que, si l'on ne le pouvait, elle aimoit, mieux sauver ses troupes du naufrage que de les perdre. Rohan tenta vainement de regagner le colonel Genatz, les conjurés, l'assemblée les Grisons. Avec M. de Lègues, dont les plaintes étaient vives, il eut quelque temps le dessein de pétarder les portes de Coire et de s'emparer de la ville au moyen des troupes arrivées de Valteline. On eût ensuite réoccupé les forts de la même Valteline, où il n'y avait encore personne. Mais Rohan ne tenait nullement à s'engager. Il ne tenait pas non plus à servir en Piémont, où le Roi voulait l'envoyer, parce qu'il y serait avec le duc de Créqui. Il ne tenait pas davantage à servir en Franche-Comté, auprès dm duc de Longueville ; il faisait représenter à la Cour, par la duchesse de Rohan, qu'il ne s'y considérerait pas comme en sûreté, à cause de Monsieur le Prince, gouverneur de Bourgogne, qui était son ennemi[45].

Le 5 mai 1637, les troupes quittèrent le pays des Grisons. Tandis que M. de Lègues en conduisait une partie en Piémont et que M. de Guébriant emmenait le reste en Franche-Comté, le duc de Rohan gagnait Genève. Il feignit d'y être malade et finit par obtenir du Roi la permission d'aller à Venise. Aux yeux de Richelieu, sa maladie, même si elle n'était pas feinte, ne pouvait excuser sa conduite : sa conscience qui le jugeoit, disent les Mémoires du cardinal. D'alléguer qu'on lui avoit mandé de Paris qu'on le vouloit arrêter, c'étoit un dire, lequel, s'il étoit public, n'étoit pas vrai ; s'il étoit secret, il ne l'avoit pu savoir[46].

Cet ordre, secret alors, ne l'est plus aujourd'hui. Il était ainsi libellé : Instruction pour le sieur d'Estampes, que le Roi veut être tenue secrète, pour arrêter M. le Duc de Rohan, faite à Crosne, le 29 juin 1637. Le sieur d'Estampes ira en diligence trouver M. de Rohan et servira dans l'armée qu'il commandera. Si ledit duc n'a pas encore rejoint M. de Longueville, il l'attendra sur le chemin qu'il devra prendre. Le sieur d'Estampes le fera arrêter. En quoi il se conduira avec sa prudence ordinaire et la fidélité qu'on se promet de lui. On estime qu'il est nécessaire d'apporter un grand secret dans la conduite de cette affaire. Cela est remis à la discrétion du sieur d'Estampes, qui saura en outre que Sa Majesté a une particulière confiance en MM. de Thianges et de Guébriant, et que Monsieur le Prince exécutera fidèlement les ordres du Roi, tant par l'affection a à son service que par la haine qu'il porte audit sieur duc[47]. Ce qui n'empêche pas le cardinal de dire dans ses Mémoires : Après toutes ces fautes, celle que le duc de Rohan commit de ne vouloir pas aller en Bourgogne v commander les troupes qu'il avoit ramenées de la Valteline ne fut pas d'un petit préjudice au service du Roi... Le duc de Longueville eût eu espérance d'être secouru du duc de Weimar, qui étoit lié d'amitié avec le duc de Rohan, tant par leur secte commune que pour ce qu'ils s'étoient vus devant Constance, lorsque le maréchal de Horn l'assiégea et ledit Weimar faisoit beaucoup d'estime de lui[48]. En un mot, malgré ses hauts mérites militaires, le parent de Soubise n'inspirait pas confiance.

 

Sur le Rhin.

Le 2 juillet 1637, le Roi écrivait au cardinal : Je crois que vous aurez su par le sieur de Rothau, qui est au duc de Weimar, la défaite qu'il a faite d'une partie des troupes du duc Charles. Tout commence bien de tous côtés, de quoi il faut bien louer Dieu. Ledit Rothau apporte aussi la prise de Champlitte[49]. — Champlitte à quatre-vingts lieues de Paris, à cinq de Gray. Le duc de Weimar s'apprêtait alors à exécuter le dessein, longuement étudié à Paris, de gagner brusquement le Rhin pour porter la guerre en Allemagne.

A peine résolu, ce dessein, que le Roi appelait un dessein de grande gloire et réputation[50], était exécuté. Le 29 août, la Gazelle, inspirée par le cardinal, imprimait : Le duc de Weimar a commencé de passer le Rhin le 6 de ce mois[51]. Bientôt le prince écrivait au cardinal de La Valette : Je me suis vu obligé, pour obéir aux commandements du Roi et me rendre aux abords du Rhin, d'entreprendre dans le Comté et dans l'Alsace, pour les traverser et y trouver la subsistance de mes troupes, quantité de sièges sur les châteaux et places fortes où il y avoit des ennemis, dans une partie desquels j'ai mis garnison de mes gens, particulièrement dans Ensisheim, qui s'est trouvé beaucoup meilleur et plus important que je n'avois cru, que je pris d'assaut y a maintenant un mois. Au même temps, sachant que les ennemis étoient déjà arrivés pour m'empêcher le passage du Rhin, je l'entrepris pourtant à trois lieues au-dessus de Strasbourg, qui me réussit grâce à Dieu... avec des petits bateaux... que je fis porter de Benfeld et quelques autres plus grands que je pris sur le Rhin, comme ils remontoient vers Bâle... Et Bernard de Saxe-Weimar montrait au cardinal de La Valette les premières troupes passées élevant de si bons retranchements en vingt-quatre heures, que, les ennemis étant venus à trois diverses fois, l'une entre autres avec toutes leurs forces de cavalerie, infanterie et dragons, ils avoient été repoussés avec perte de huit cents hommes, M. de Manicamp et tous les Français qu'il avoit amenés de ses garnisons y ayant fait des merveilles. Le cardinal, à qui tant de merveilles causaient une joie extraordinaire, ne s'en laissait pas éblouir : Il reste maintenant, Monsieur, déclarait-il au vainqueur, d'assurer de telle sorte votre passage, que les ennemis ne vous le puissent empêcher et d'employer utilement le temps et les forces que vous avez, afin que votre entrée dans l'Allemagne ne soit pas inutile au bien de la cause commune[52].

C'est à Millau- que Bernard de Saxe-Weimar avait traversé le Rhin. En cet endroit, deux lies boisées divisaient le fleuve en plusieurs bras. Le prince enleva les forts de Kappel et de Wittenweier occupés par les Impériaux, et s'y établit solidement, faisant communiquer les deux rives par un pont de bateaux, dont les extrémités furent défendues par des ouvrages. Ce sont ces bateaux qu'il renvoya sur la rive gauche lors d'un combat sanglant, livré sur la rive droite, où ses troupes défirent celles de Jean de Werth ; car le Rhin qu'il falloit boire ou mourir étoit, nous disent les Mémoires du cardinal, un bon sergent pour empêcher de reculer ceux qui eussent manqué de courage. Jean de Werth, à la suite de cet échec, se tint resserré, attendant les nouveaux renforts qui lui arrivaient tous les jours[53]. Le duc de Weimar, pour l'attirer, s'en alla mettre le siège devant la petite ville de Kentzingen et, le 16 septembre 1637, une lettre datée de Paris racontait en ces termes la réussite de la manœuvre : Jean de Werth, se voyant secouru de soixante-quatre compagnies de Croates d'Isolani, l'est venu attaquer. Il s'est saisi d'une montagne et s'est mis en bataille dans la plaine. Son Altesse a fait de même. Un fossé non guéable étoit entre eux deux ; les ennemis l'on t passé sur uni pont, au milieu des deux camps. Son Altesse, voyant tous les Croates passés et quatre régiments de cavalerie, les charge de telle sorte, qu'ils sont tous sans résistance renversés dans le fossé, le pont étant trop petit pour leur retraite. Il est demeuré cinq cents morts, sans les prisonniers, et Jean de Werth a été retiré d'un fossé par les siens. La nuit survient lors et Son Altesse, pour tromper les ennemis, passe le ruisseau une lieue au-dessous, les poursuit à la pointe du jour et obtient un grand avantage sur leur arrière-garde. Le lendemain elle défit trois cents cavaliers par un parti des siens, qui les tuèrent tous, parce qu'Isolani ne veut point de quartier[54].

De si beaux succès apportaient au cardinal un extrême contentement[55], mais Richelieu n'ignorait pas que les renforts et l'argent manquaient au vainqueur. Que répondre au prince, qui avait dépêché à Paris M. de Truchsess, son chambellan ? Que lui envoyer sinon de bonnes paroles par le chambellan, qui de plus sera porteur d'une belle lettre : Monsieur, vous saurez particulièrement par le sieur Truchsess, qui s'en retourne trouver Votre Altesse, le désir extrême qu'a le Roi de vous fortifier et les ordres que Sa Majesté a donnés à cette fin. Je vous supplie de croire qu'en cette occasion et en toute autre où il ira de votre contentement, ce m'en sera un singulier de vous servir[56]. Bernard ne se paie point de cette monnaie. Truchsess à peine parti, arrive M. de Manicamp, gouverneur de Colmar, chargé de dépeindre à la Cour l'exaspération du duc de Weimar. Les discours de Manicamp obtiennent du Roi et du cardinal la promesse de six cent mille livres et de cinq mille cinq cents hommes : c'est Manicamp lui-même qui les conduira. L'ordre est donné ; cependant rien ne part. Weimar, n'ayant plus assez de troupes pour demeurer dans les retranchements, laisse la garde du camp de Wittenweier à quelques troupes françaises, reliasse le Rhin et se retire entre Strasbourg et Colmar. Jean de Werth n'a pas plus tôt appris cette retraite qu'il attaque le camp ; mais il se heurte à Bernard, qui, revenu en toute hâte, lui inflige un nouvel échec.

M. de Bretteville, envoyé auprès du cardinal, est plus heureux que M. de Manicamp. Trois mille hommes et cinq mille chevaux se mettent en route. D'autres renforts se préparent ; mais, lorsque les trois mille trois cents hommes, rassemblés à Lunéville par Crusy de Marcillac, évêque de Mende, apprennent qu'ils vont combattre en Allemagne, c'est à grand peine qu'ils se laissent conduire à Saverne, où Bernard les reçoit avec plus de mauvaise humeur que de reconnaissance. Et les deux mille deux cents hommes que le comte de Grancey a l'ordre d'amener de Bourgogne sont réduits à quatorze cents, pour l'unique raison que Grancey n'aime guère Weimar.

Et toujours peu d'argent, peu de vivres. La lettre suivante adressée de Colmar à M. du Fresne, lieutenant du marquis de Feuquières, par M. de Courval, laisse à penser cc que doivent être les souffrances des officiers et des soldats : Mon cher Monsieur, écrivait Courval avec une belle humeur digne du légendaire Cyrano de Bergerac, un faisan, deux canards et deux perdrix, que le hibou rapporta de la chasse hier au soir, sont les onguents dont nous faisons présentement des emplâtres pour mettre sur nos estomacs demain matin, le chagrin, la mélancolie et l'horrible misère que nous souffrons les ayant débiffés, de sorte que, sans le secours de ce médicament, ils ne seroient plus capables d'aucune de leurs fonctions[57].

Le duc de Weimar déclare à l'évêque de Mende qu'il ne pourra plus supporter longtemps la dépense que nécessite l'entretien du peut de Rhinau[58]. Chaque jour l'incline à renoncer à l'expédition qu'il projetait sur la rive droite du Rhin. Chaque jour rend ses doléances plus amères : il se plaint que le long séjour qu'il lui a fallu faire au bord du fleuve dans l'attente d'un grand secours a ruiné ses troupes et lui a fait perdre la plus grande partie des chevaux de son artillerie et de ses reîtres ; il ne cache pas qu'il va chercher un lieu plus propre à remettre son armée et pour la remonter[59].

La reddition de la forteresse de Hanau, signée le 31 août 1637 par le chevalier Ramsay, qui en était gouverneur, contribuait pour beaucoup au découragement du duc de Weimar. Au milieu d'octobre les Weimariens partirent. Ils laissoient, constatent les Mémoires du cardinal, la garde des forts et du pont au sieur de Manicamp. Le sieur du hallier donna au sieur de Manicamp les hommes-qui lui furent demandés, subsistance de pain pour six semaines et vingt mille livres pour continuer les travaux qui étoient commencés[60]. Cependant le cardinal prescrivait au comte d'Avaux, ambassadeur du Roi en Allemagne, de colorer ainsi aux yeux de nos alliés ce départ peu reluisant : Le duc de Weimar a été obligé de faire un tour vers la frontière du comté de Bourgogne la plus proche de l'Alsace, en un lieu nommé Franche-Montagne, pour refaire ses troupes et, après quelques jours de rafraîchissement, il doit repasser le Rhin. Expédition pour laquelle, devait assurer d'Avaux, le Roi faisait envoyer au duc de Weimar par le marquis de Feuquières quatre mille fantassins et deux mille chevaux, qui n'étaient en quelque sorte que l'avant-garde d'une nouvelle armée.

Loin de repasser le Rhin, le duc de Weimar perdit le camp de Rhinau, que Jean de Werth attaqua le 1er novembre : le général de l'Empereur avait trois mille cinq cents hommes sur la rive gauche du Rhin, dix-sept cents sur la rive droite et, sur le fleuve lui-même, il en comptait deux cents armés de deux canons qui, dans une demi-douzaine de navires, s'avançaient au fil de l'eau[61]. Manicamp, expliquent les Mémoires, était absent en raison de quelque maladie, et ceux qu'il avait amenés ne défendirent pas le pont et les forts avec telle résolution qu'il eût fait[62].

Le duc de Weimar était alors aux environs de Bâle. Jean de Werth entra dans la seigneurie de Rotelen, d'où il pouvoit faire passer ses troupes à Rheinfelden, qui n'étoit qu'à trois lieues des premiers quartiers du duc de Weimar. En même temps le duc Charles de Lorraine se jetoit dans la Franche-Montagne, dont il occupait les passes. Le prince allemand se trouvait resserré dans un petit pays où il y avoit peu de subsistances, car les habitants avaient emporté en Suisse, le plus loin possible des frontières, tout ce qu'ils avaient pu, et les cantons catholiques le harcelaient de leurs réclamations, lui mandoient assez insolemment que, s'il ne se retiroit, ils le feroient retirer[63]. Rien n'était plus juste que leur mécontentement. Bernard levait des contributions dans l'évêché de Bâle et exploitait sans aucun droit les mines du pays. Bernard se plaignit au Roi, qui répondit, le 6 décembre 1637, en l'avertissant des ordres donnés à Méliand pour arranger les choses avec les Suisses[64].

Les cantons protestants eux-mêmes se plaignaient[65]. Où établir des quartiers d'hiver pour des gens de guerre si cruels aux populations ? Ni en France ni sur les confins de la France, l'expérience des deux hivers passés ayant donné une telle haine et animosité aux sujets de Sa Majesté contre ses troupes, qu'il n'y avoit pas moyen de les y faire retourner[66].

Bernard se disait hors d'état de recommencer la campagne avant d'avoir remonté ses soldats ; cependant il était bien résolu à se remettre aux champs dès que la belle saison serait revenue ; il comptait entreprendre alors le siège de Rheinfelden ou se saisir de quelque autre passage sur le Rhin, plus commode et de plus facile garde que celui de Rhinau, avec l'espérance d'aller jusque dans les pays patrimoniaux de ]a maison d'Autriche et pousser les armes du Roi jusque dans le camp de l'Allemagne[67]. En attendant, il s'arrangea pour demeurer dans les Franches-Montagnes. Louis XIII écrivit à Richelieu : Je suis très aise que le duc de Weimar ait pris ses quartiers d'hiver dans le comté de Bourgogne[68].

 

En Languedoc.

Cinq mois plus tôt, le 2 juillet 1637, Louis XIII, dans la lettre même où il exprimait au cardinal la joie que lui causait la prise de Champlitte, ajoutait : Je ne doute nullement que les Espagnols ne veuillent entreprendre quelque chose vers le Languedoc[69]. Le cardinal était dans le même sentiment. Dès le surlendemain, il mandait à M. de Sourdis, alors en Provence : Nous avons avis certains que les Espagnols préparent une armée de terre pou entrer dans le Languedoc, qui doit être commandée par Cerbellon, qui est déjà passé d'Italie en Espagne, et même qu'ils se veulent servir de leur année navale. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre celle du Roi en état de les bien frotter, comme vous avez bien commencé. Pour cet effet, on envoie deux cent mille livres comptant aux galères, afin que l'on en mette le plus grand nombre qui se pollua en mer avec l'armée navale. Si les chiourmes étoient assez fortes, l'intention du Roi seroit qu'elles y allassent toutes. Ce sera à vous autres, Messieurs, d'avoir de si bons avis que vous jugiez où vous pouvez rencontrer l'armée ennemie[70].

Cette menace d'une descente en Languedoc, depuis trois ans formulée par les Espagnols, allait donc se réaliser. Le comté de Roussillon appartenant à l'Espagne, la place forte de Leucate, située à neuf lieues au sud de Narbonne, à neuf lieues et demie au nord de Perpignan, ne pouvait manquer d'être assiégée par les Espagnols. Il y avait beau temps, d'ailleurs, que les galères d'Espagne, qui longeaient la côte, avaient accoutumé de la saluer de quelques boulets de leurs pierriers : Leucate, d'après le Mercure françois, est une montagne sur le bord de la mer et à l'extrémité de la France, du côté qu'elle confronte avec la plaine de Roussillon. Avancée dans la mer, elle semble une pièce détachée de la France par son étang ; mais la France et l'Espagne la tiennent chacune par un bout : le sommet de la montagne tient à la France par une langue de terre entre deux étangs ; le bas, entre le midi et le couchant, communique avec l'Espagne par une plage qui est entre la nier et l'étang de Leucate.

Vers la fin du mois d'août 1637, M. de Barry, gouverneur de Leucate, attendait l'attaque imminente des Espagnols. La forteresse était constituée par un donjon, grosse tour ronde entourée d'un boulevard antique et munie jadis, par François Ier, de quatre petits bastions. C'est la sentinelle de l'un de ces petits bastions qui, le 29, sur les quatre heures du matin, entendit quantité de mousquetades et de tambours battant la diane vers la petite ville espagnole de Salces. M. de Barry, aussitôt averti, descendit à la courtine et il inspecta l'horizon : les fumées des corps de garde des troupes ennemies montaient dans le ciel du côté du Malpas, qui est le passage par où l'on vient de Roussillon en Languedoc.

Cinq jours plus tard, ces troupes, commandées par le comte Cerbellon, assiégeaient Leucate ; dix-sept mille travailleurs creusaient des retranchements dans la montagne pour fortifier le camp espagnol et n'étaient pas sans étonner les Français, qui, selon la remarque toujours juste du Mercure, donnent tout à la valeur et au courage, aimant mieux conquérir la terre par force que la remuer avec travail. Tandis que le duc d'Halluin, gouverneur de Languedoc, organisait les secours ; le comte Cerbellon crut devoir attaquer la fidélité du sieur de Barry avec des pistoles d'Espagne[71].

Un commerçant suspect, nommé Rouch, sera l'émissaire. Le gouverneur français, pour se renseigner et tâter le terrain, envoie un tambour vers les retranchements espagnols.

On lui offre à boire à la table de Cerbellon, qui commande le camp ennemi.

Après cette beuverie et quelques pourparlers, Rouch est introduit dans la forteresse. Il offre à M. de Barry, de la part dn roi d'Espagne, cinquante Mille écus comptant et une pension de six mille pour rendre Leucate. Barry, outré de colère, se contient et le dialogue s'engage entre le gouverneur et le marchand : — Les Espagnols sont forts. En persévérant dans votre refus, vous aurez affaire à des gens qui ne vous épargneront pas. Vous pouvez leur dire qu'ils se heurteront à un soldat qui est ambitieux et pli se réjouit d'autant plus de leurs grands efforts, qu'il aura plus de gloire à les vaincre[72]. Rouch a son compte, qui n'est pas celui d'un marchand.

Deux jours plus tard, un autre dialogue, celui des artilleries. Dialogue fort inégal, car les assiégés ont peu de canons, et ce sont des bombes d'un pied de diamètre qui éclatent sur la forteresse.

 

Cependant de Béziers, le 8 septembre, le duc d'Halluin conjurait Sourdis d'accourir de Provence avec les galères et de débarquer sur la plage de Leucate : Puisque vous avez pris possession de chasser les ennemis des îles... je vous demande... secours... et vous êtes obligé à me le donner. Que si, avec trois ou quatre mille hommes, vous débarquez du côté de la mer et que nous donnassions au retranchement de l'autre, à mesure que vous approcheriez desdits retranchements par le dos, nous donnerions par devant, et ainsi nous les forcerions... Que si vous ne pouviez passer jusqu'à la place à cause de leur cavalerie, en vous fortifiant sur le bord du Graver, nous les tenons enfermés dans leurs retranchements : ils seroient resserrés dans une demi-lieue d'étendue sans aucun moyen de passer leur appétit ; à cela il n'est question d'autre chose que de diligence[73].

Mais comment rendre diligent M. de Pont-Courlay, général des galères ? Comment décider le comte d'Harcourt à donner les petits vaisseaux et les brûlots indispensables ? L'un demande que l'on mette de l'argent entre les mains de son trésorier ; il fait remarquer que la côte de Languedoc est furieuse : on ne saurait s'en approcher sans danger de périr, jamais les galères de France n'y ont été. L'autre allègue qu'il doit réserver les vaisseaux pour l'expédition de Final, qui doit secourir le duc de Savoie. A la fin du mois de septembre, Sourdis reçoit cette lettre du cardinal, qui est datée du 18 : On a envoyé l'ordre à M. le Comte d'Harcourt de vous envoyer tout autant de petits vaisseaux et de brûlots de l'armée navale qu'il on pourra aller dans les côtes du Languedoc et que vous jugerez en avoir besoin, comme aussi à M. de Pont-Courlay les six galères que vous avez demandées, ne doutant point qu'avec cela et les barques et tartanes que vous avez amenées avec vous, vous n'incommodiez extrêmement les Espagnols et dans leurs desseins du Languedoc et dans leurs ports[74].

Arrivé à Béziers depuis le 10 Septembre, Sourdis parcourt la lettre du cardinal qui lui accorde les navires, et finalement se heurte à ce post-scriptum qui les lui refuse : Je viens de recevoir une lettre de M. le Général des Galères, par laquelle il me mande qu'il n'y a pas un port assuré dans toute la côte de Languedoc pour les galères, ainsi que les pilotes l'ont certifié et signé, et que néanmoins il envoyoit M. de Baillebaud sur les lieux pour en savoir plus particulièrement la vérité de votre présence ; et cependant qu'il fera préparer les galères pour s'acheminer en Languedoc, si c'est chose nécessaire et possible[75].

Sourdis n'est nullement surpris. Le pilote Réal, qui l'accompagnait, lui a déjà déclaré que le port d'Agde ne peut mettre à l'abri de la tempête ni galères, ni vaisseaux, ni tartanes. Sourdis n'ignore pas la raison puissante qui empêche les officiers des galères de quitter Marseille : trafiquant des services de leurs galériens, ces Messieurs ont su transformer leurs galères en métairies. Pour délivrer Leucate, le duc d'Halluin devra se contenter des troupes de terre.

Sous le martellement continu des pièces espagnoles, les ruines des fortifications de Leucate se sont amoncelées. L'assaut final serait ordonné, si le régiment du marquis de Pobar ne prétendait disputer à celui du comte-duc l'honneur d'y monter avant qui que ce fût[76]. C'est le mot de Corneille :

L'occasion leur plaît, mais chacun veut pour soi

L'honneur du premier coup que j'ai choisi pour moi.

Cependant le duc d'Halluin, à la tête d'une grosse avant-garde, marche sur la montagne. En cet après-dîner du 27 septembre 1637, il n'a point l'intention d'attaquer les assiégeants ; il veut seulement, à la faveur de quelques escarmouches, reconnaître leurs retranchements. Du côté de l'étang, qu'il s'imaginait le plus faible, il contemple, non sans stupeur, la grandeur des fossés, la hauteur des remparts dont on a muni deux forts puissants et palissadés qui avancent dans l'eau sur un espace de cinquante pas, la quantité d'artillerie qui garnit tant de retranchements, la cavalerie qui s'est mise à l'abri derrière les fortifications et que nulle provocation. ne parvient à faire sortir. Le lendemain, une seconde reconnaissance confirma les révélations qu'avait apportées la première. Il pleuvait, la nuit tombait, et. le duc d'Halluin, retiré dans son camp, était en des désespoirs inconcevables des difficultés qui se rencontroient à son dessein. Fallait-il pénétrer en Roussillon, surprendre dans Perpignan le duc de Cardonne et couper de leurs bases les troupes qui assiégeaient Leucate ? Dans l'armée du Roi, c'était l'avis de plusieurs bons esprits. D'autres continuaient de songer aux divers moyens d'attaquer cette armée espagnole cachée, dans ces grandes fortifications qui faisoient paraître l'affaire presque impossible. M. d'Argencourt, maréchal de camp, était au nombre de ceux-ci. Il songea que l'on pouvait sans inconvénient attaquer l'ennemi sur la gauche et il communiqua son idée à M. de Varennes, lieutenant général. Tous deux se rendent auprès du duc d'Halluin et sont reçus comme porteurs de la meilleure nouvelle qui puisse arriver. A l'instant, raconte Sourdis, le conseil fut assemblé, l'affaire résolue, le commandement donné, les fascines, échelles, pontons, pics et pelles distribués ; la joie commença à paraître en toute l'armée et l'espérance de pouvoir témoigner, en la plus difficile action qu'on pouvoit entreprendre, l'excès de leur fidélité et de leur courage. La résolution fut prise de faire cinq attaques[77]. Cinq attaques sur les cinq bastions qu'étaient devenus les cinq promontoires du plateau de Leucate. Et ces cinq bastions communiquaient entre eux par une tranchée. Eu arrière, sur le plateau même, une autre tranchée reliait deux forts et constituait une puissante ligne de défense[78].

La nuit est presque complètement tombée. Quatre coups de canon, — c'est le signal, — et les cinq attaques se sont déclenchées. Il est bien difficile de garder l'ordre en montant, parce que la nature du rocher, qui est en beaucoup d'endroits escarpé, resserre les troupes dans les avenues, dont l'accès est plus aisé, mais où elles sont exposées au feu de six mille mousquets. Les pertes sont heureusement moindres qu'on ne pourrait croire, sans doute à cause du vent du nord, qui rabat sur les mousquetaires le feu et la fumée des mèches. Dix-huit canons ennemis font également rage. Les troupes du Roi n'en continuent pas moins de monter par la pente de la montagne, avec grand silence, sans que l'on entendît autre parole que celles qui encouragent à marcher et à avancer[79]. Parvenue au pied des retranchements, l'attaque de droite est repoussée. M. de Saint-Aunez, qui la commande, vient d'être blessé d'un coup de mousquet à la tête, il est percé de huit coups de pique et d'épée ; son lieutenant-colonel et quelques-uns de ses officiers sont tués ; tous ses corps d'infanterie lâchent pied. Échec dont nul ne s'étonne, car, depuis la seconde reconnaissance, on a toujours pensé que cette attaque serviroit plutôt de diversion que de voie pour emporter le retranchement. La lune s'est levée, elle est particulièrement brillante. On peut distinguer à sa lueur l'échec de l'attaque de droite, mais aussi le succès des quatre autres.

En tête de chacune de celles-ci, le régiment qui doit frayer passage à la cavalerie, dont il est suivi de fort près, a délogé à coups de pique et d'épée les ennemis, les a contraints d'abandonner leurs retranchements, de reculer sur le plateau jusqu'à leur seconde ligne vers les bataillons et les escadrons qui les soutiennent. Par les brèches, notre cavalerie a pénétré sur le plateau. L'espace de deux heures, les escadrons adverses se heurtent. Toute la cavalerie ennemie fut défaite par la nôtre, rapporte Sourdis, et la plupart de l'infanterie, à la réserve d'un bataillon du régiment du comte-duc. Huit ou dix fois enfoncé et rompu, ce bataillon mit à profit l'appui que lui don voit le canon du grand fort, pour se rallier huit ou dix fois ; mais il trouva toujours devant lui Halluin, qui avait rallié toute sa cavalerie pour le défaire. Cinq heures durant, ce bataillon ennemi rendit la victoire indécise. La lune s'était couchée depuis longtemps mais, à la faveur de son fort, il renaissoit à toute heure. Le feu de ses mousquets déchirait tout à coup les ténèbres, et une partie de notre cavalerie reculait. Bientôt sur le terrain, encombré de cadavres d'hommes et de chevaux il fut presque impossible de se mettre en bataille et les combattants, harassés de part et d'autre, s'arrêtèrent pour reprendre baleine. Tout se tut en attente du jour.

Durant ce silence, nous explique Sourdis, quelque particulier de l'armée se souvint qu'il y avoit quatre bataillons d'infanterie et deux escadrons de cavalerie, lesquels, n'ayant pu entrer à l'attaque du sieur de Saint-Aunez, étoient inutiles. Il les alla quérir et les amena au champ de bataille. Le bruit se répandit aussitôt que quatre mille hommes et quatre cents chevaux frais allaient arriver. Courant et grossissant de proche en proche, ce bruit atteignit les Espagnols. Il leur enleva tout courage. Le jour, qui parut enfin, éclaira de sa lumière grise une campagne, à travers laquelle les troupes d'Espagne se retiraient, un étang tout couvert de gens qui se sauvoient et qui se noyaient et, dans les diverses batteries, une profusion de canons abandonnés. A la tête de ses escadrons, Halluin marcha droit au camp évacué par la cavalerie du Roi Catholique.

Une semaine plus tard, Richelieu, enthousiasmé, mandait à Chavigny : Je vous dépêche ce courrier afin qu'à votre arrivée vous puissiez donner à M. le Cardinal de La Valette là nouvelle que nous venons de recevoir du bon succès qu'il a plu à Dieu donner aux armes du Roi en Languedoc, ce qui ne donnera pas peu d'envie à celles qu'il commande de faire quelque chose de considérable. Je ne parle pas pour lui, parce que je sais que sa juste ambition ne peut être plus grande qu'elle est, et j'en réponds comme de moi, qui me mets souvent au nombre des braves, quoique non si furieux que le bon Père Joseph ci-présent. Leucate est secourue après trente et un jours de siège.

Celui qui étoit dedans a fait des merveilles pour se défendre. Les retranchements des ennemis ont été forcés, quatre mille sont demeurés morts sur la place, cinq cents prisonniers, force chefs tués, quarante-cinq pièces de canon prises, quatre mortiers, toutes les munitions et tout le bagage, jusques au lit, à la casaque, au bâton et aux mules de Cerbellon, leur général ; douze drapeaux demeurés et quatre ou cinq cornettes. Enfin la bataille est absolument gagnée, et, de tous les ennemis, il ne s'en est pas retourné mille en Espagne, beaucoup s'étant noyés. M. d'Halluin a fait merveilles et est blessé[80].

Le duc d'Halluin, au dire même de Sourdis, avait été, à cette bataille, soldat, capitaine et général. Le 22 octobre 1637, Louis XIII était à la veille de lui donner la récompense de sa valeur : Vous savez, écrivait-il à Richelieu, ce que je vous ai déjà dit sur le sujet de M. d'Halluin, estimant qu'il étoit à propos de faire connoître par effet à tout le monde le gré que je lui sais de s'être conduit avec la chaleur qu'il a fait pour chasser les Espagnols du Languedoc. Je vous prie de me mander encore si vous ne trouvez rien à redire à ma pensée et, eu ce cas, faire tenir toutes les expéditions prèles par M. de Noyers, afin que je puisse envoyer un des miens les lui porter. Et la joie de Louis XIII éclatait dans la dernière phrase de la lettre : Je me porte bien aujourd'hui et vous puis assurer que je suis plus content de vous que je ne fus jamais[81]. Cette joie n'éclatait pas moins dans la lettre que le Roi écrivit de sa propre main au vainqueur de Leucate après lui avoir expédié ses provisions de maréchal de France : Vous avez su vous servir si à propos de votre épée, que je vous envoie un bâton, tant pour marque du contentement que j'en ai, qu'afin qu'une autre fois vous ayez à choisir les armes dont vous voudrez vous servir, si mes ennemis se présentent en lieu où vous puissiez de nouveau leur faire connoître ce que vous valez. Je n'accordai jamais grâce de meilleur cœur que je fais celle-ci, pour perpétuer en votre personne le nom du maréchal Schomberg, qui, m'ayant été fort agréable en celle du père, ne me le sera pas moins en celle du fils[82].

Tandis que Louis XIII invitait le duc d'Halluin à s'appeler désormais le maréchal de Schomberg, un autre maréchal venait d'être rappelé à la Cour. C'était Vitry. Le Roi l'attendait non sans impatience. Le 12 il avait, du château de Villeroy ; près de Corbeil, mandé au cardinal : Livry m'a dit que le maréchal de Sitry étoit passé à Lyon et qu'on disoit qu'il veno.it en poste. Si de hasard il vient avant que je sois à Versailles (qui sera le 15 au soir ou le 16 au matin), je vous prie me mander si j'exécuterai ce que nous avons résolu, ou bien si j'attendrai que je sois à Versailles ou Saint-Germain[83].

Quinze jours ne s'étaient pas écoulés et le marquis de Gesvres, capitaine des gardes, arrêtait au nom du Roi le maréchal de Vitry et le conduisait à la Bastille Retour des choses d'ici-bas, celui qui avait dit sa carrière à l'arrestation de Concini était arrêté en vertu de la même volonté royale.

 

En Guyenne.

Le Roi et le cardinal, qui venaient de voir avec tant d'inquiétude l'entreprise des Espagnols sur Leucate, ne songeaient pas sans ennui aux postes que les Espagnols occupaient depuis l'année précédente sur les frontières de Guyenne, le pays de Labourd, Saint-Jean-de-Luz et, en face de cette ville, le petit village de Socoa, défendu par un fort. Cet ennui s'était changé en une véritable inquiétude, lorsque, vers le début du mois de mai 1637, ils avaient appris qu'une horde de factieux s'était levée en Guyenne sous le nom de Croquants. Huit mille de ceux-ci formaient une armée disciplinée que commandait un gentilhomme de la province, M. de La Mothe-La Forêt. Ils s'étaient emparés de Bergerac et s'y étaient retranchés au faubourg de la Madeleine. Le cardinal désirait d'autant plus recevoir la nouvelle d'une victoire remportée par le duc de La Valette, fils du duc d'Épernon, que de mauvais bruits, nés à Sedan, repaire du dangereux duc de Bouillon, commençaient à circuler à la Cour : J'ai empêché jusques à présent, écrivait Richelieu à La Valette, le 30 mai 1637, que ces mauvais bruits ne soient allés jusques aux oreilles du Roi et je ne désire rien tant qu'ainsi qu'il est arrivé de bons événements en Provence, il en puisse arriver en Guyenne, afin que je les fasse valoir. Je vous conjure donc de faire quelque chose d'extraordinaire et vous assure que vos intérêts me seront plus chers qu'à vous-même[84]. Le 13 juin, Richelieu put écrire à Louis XIII : La défaite des Croquants — battus à La Sanvetat d'Eymet entre Marmande et Bergerac par le duc de La Valette et le comte de Maillé — est bien certaine. M. de La Valette a dépêché un courrier pour en apporter la confirmation. Il est demeuré quatorze cents hommes sur la place, outre quantité qui se sont retirés en leurs maisons. Le dit sieur de La Valette mande qu'il s'en va droit à Bergerac, où le reste de cette canaille s'est retiré en nombre de cinq ou six mille, avec du canon, et qu'il espère de les avoir bientôt réduits à la raison[85]. Il y avait alors huit jours que La Valette s'était avancé, à la tête de trois mille hommes et de quatre cents chevaux, vers la Madeleine, ce faubourg de Bergerac solidement occupé par les rebelles.

Richelieu apprit bientôt que les rebelles terrifiés avaient proposé au marquis de Duras, lieutenant du duc de La Valette, une entrevue avec leur général. Si on leur accordait une entière abolition du passé, ils déposeraient les armes. La Mothe-La Forêt était sorti du faubourg et s'était avancé à deux cents pas de ses retranchements pour conférer avec le marquis. Il lui avait déclaré que les communes du Périgord l'avaient choisi pour chef en le menaçant de le brûler dans sa maison avec sa femme et ses enfants, s'il essayait de se dérober à leur choix[86]. Allégation qui doit être exacte, car les Vendéens ne procédèrent pas très différemment en 1793. La Mothe-La Forêt s'était excusé de sa révolte en assurant le marquis de Duras qu'il n'avait autorisé aucun excès et qu'il était prêt à mettre bas les armes, quand il plairoit à Sa Majesté. Sans doute avait-il rappelé tout ce que les communes du Périgord avaient eu à souffrir des soldats royaux, — en dépit des sages règlements du Roi sur le logis des gens de guerre — le feu dans leurs hameaux, le rapt de leurs filles, le violement de leurs femmes à la vue des pauvres maris garrottés et mis à la torture, la perte de tout ce que ces harpies enlevoient de même que si cette province eût été à conquérir. Le marquis de Duras avait exigé avant toute chose le désarmement des Croquants et parlé de la bonté du Roi en laquelle il fallait espérer. La Mothe-La Forêt avait répondu qu'il ne lui fallait qu'une demi-heure pour convaincre ses troupes. Mais lorsqu'il était revenu à la Madeleine, un médecin du nom de Magot avait essayé d'ameuter les troupes contre leur général, qui, disait-il, ne parlait de soumission que parce qu'il était vendu au duc de La Valette. Avec cinq mille d'entre eux, Magot s'était aussitôt retranché dans la citadelle de Bergerac. Suivi d'un millier de ses fidèles, La Mothe-La Forêt l'y avait forcé et blessé de trois coups de pistolet. Ses hallebardiers l'avaient achevé. Le 7 juin, le duc de La Valette était entré dans la ville, que tous les Croquants avaient quittée la veille pour rentrer dans leurs foyers et, le 8, il avait marché sur Périgueux, qu'il avait bientôt pacifié.

C'était le marquis de Duras qui, sur l'ordre du duc de La Valette, avait porté ces bonnes nouvelles au Roi, tandis que le cardinal recevait d'un maréchal de camp de l'armée de Guyenne une lettre dont il s'empressa de soumettre le contenu à son maître : Espenan, mandait Richelieu à Louis XIII le 18 juin, propose d'accorder une abolition aux Croquants, — en en faisant au préalable pendre une douzaine des plus coupables et séditieux qui sont pris, — à condition qu'ils fourniront quatre mille hommes de pied effectifs, pour deux mois, avec lesquels Espenan écrit que, les troupes du Roi étant renforcées, on pourroit chasser les Espagnols de Saint-Jean-de-Luz et de Socoa. On estime cette proposition fort, bonne, s'ils la peuvent faire réussir[87]. Louis XIII répondit le jour même au cardinal : Je trouve très à propos la proposition d'Espenan pour les Croquants, pourvu qu'ils la puissent exécuter et que ce ne soit point un prétexte à ces marauds de se rassembler pour faire pis qu'ils n'ont fait par le passé[88]. Le Roi et son ministre, heureux de voir que la rébellion était apaisée et que les Croquants n'avaient point d'intelligence avec l'Espagne, renvoyèrent le marquis de Duras avec l'abolition qu'il avait demandée pour les coupables : Il vous dira, si particulièrement, écrivit Richelieu à La Valette le 22 juin, la satisfaction de Sa Majesté de votre conduite en cette occasion, le gré qu'elle lui sait de la façon avec laquelle vous y avez agi et l'honneur qu'elle lui a départi, l'ayant fait maréchal de camp dans ses armées, qu'il seroit superflu d'y ajouter aucune chose ; aussi me contenterai-je de vous dire que le voyage de M. de Beaupuis n'a pas été moins agréable à Sa Majesté que celui du dit sieur de Duras, en ce qu'il l'a confirmée en la croyance qu'elle a toujours eue de la sincérité de votre affection pour sa personne. Pour moi qui prends part à tout ce qui vous touche, j'en ai grande joie, voyant que c'est le seul et vrai moyen de démentir tous les beaux desseins que vous savez qui se font à Sedan. Je veux croire que vous serez aussi heureux contre les Espagnols que vous l'avez été contre les malheureux révoltés. Je ne doute pas que vous ne fassiez l'impossible à cet effet[89].

Le soir du même jour, le cardinal vit arriver à Rueil un courrier qui lui annonça que MM. de Menillet, Vrolik et de La Raide avoient heureusement exécuté le dessein pour lequel le Roi les avait envoyés en pays basque : à trois lieues par delà Saint-Sébastien, ils s'étaient saisis du port et de la forteresse de Guetaria : Ils y ont douze cents hommes, écrivit aussitôt Richelieu à Louis XIII, avec outils et pionniers pour s'y fortifier. Ils espèrent grandement incommoder les Espagnols, tant par les courses qu'ils feront dans le pays qu'en empêchant qu'ils apportent par tuer des vivres aux forts qu'ils ont en France. Je dépêche un des miens à M. de La Valette, pour lui faire connoître que la prise de ce poste lui donne beau lieu de presser les ennemis. Je l'en conjure autant qu'il m'est possible, l'assurant que je ferai valoir ses services auprès de Votre Majesté, si, ensuite de la défaite des Croquants, il peut chasser les Espagnols. Le courrier, qui vient d'Irun, a passé dans les forts des Espagnols, où il a reconnu tant de misère, qu'il ne doute pas que trois mille hommes ne les en chassent aisément. Je sais que telles gens se représentent quelquefois les choses faciles qui sont très difficiles à digérer, mais toujours est-il que la misère est très grande[90].

Non content de presser lui-même le duc de La Valette, Richelieu le faisait presser par le cardinal de La Valette, que pressaient de leur côté Chavigny et le Père Joseph : Je me réjouis avec vous de la défaite des Croquants, mandait Chavigny le 17 juin, M. le Duc de La Valette en ayant remporté tout l'honneur. S'il se veut tant soit peu aider, il est tout à fait remis avec Mgr le Cardinal. Au nom de Dieu, mandez-lui qu'il se conduise bien. Ce que je vous dis, je le sais de science certaine. L'Éminence grise n'était pas moins affirmative : Mgr le Duc de La Valette a très bien fait en l'affaire des Croquants. Son Éminence en est fort contente. Il sera bon que Votre Éminence le témoigne à mordit seigneur, ce qui ne peut produire qu'un bon effet[91].

Par malheur, le duc de La Valette, qui avait trempé l'année précédente dans le complot d'Amiens, était loin de montrer, à l'égard du cardinal, la souplesse de son frère.

A la fin du mois de septembre, 1637, Richelieu le conjurait encore de chasser les cinq mille Espagnols qui jouissaient d'un grand repos dans son gouvernement : Si j'avois assez de santé, ajoutait-il, je m'offrirois à aller vous servir de chasse-avant, pour contribuer quelque chose au service du Roi et à votre contentement tout ensemble[92]. Le duc de La Valette répondit qu'il n'avait pas assez de troupes. Le cardinal écrivit alors au duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, qu'ils étaient autorisés, lui et son fils le duc de La Valette, à lever sur la province toutes les impositions qui seraient nécessaires : A Dieu ne plaise, Sire, osa déclarer au Roi le gouverneur, que je fasse jamais aucune levée de deniers sur les sujets de Votre Majesté. Je la  supplie très humblement de m'en dispenser et de trouver bon qu'ayant eu jusques à présent les mains nettes, je conserve ma réputation et que je ne l'expose point aux clameurs de vos pauvres sujets, dont les nécessités ne me sont que trop connues[93].

Le Roi et le cardinal jugèrent que le due d'Épernon, afin d'accroitre sa puissance en Guyenne, voulait s'y rendre populaire à leurs dépens. Ils chargèrent le prince de Condé de prendre le commandement de ses armées dans ce gouvernement. Le cardinal, toutefois, ne désespérait pas de ramener le duc de La Valette dans la bonne voie. Il écrivit, le 10 octobre 1637, à M. d'Espenan : Sa Majesté ayant envoyé quérir Monsieur le Prince pour l'envoyer en Guyenne, l'intérêt que je prends à ceux de M. de La Valette fait que je serais très aise qu'il liât faire en sorte que Monsieur le Prince trouvât la plus grande partie de la besogne faite. Nous apprenons de tous côtés, et c'est chose véritable, que les ennemis y sont extrêmement faibles. Cette considération et l'exemple du Languedoc lui doit donner lieu de faire l’impossible[94].

Le cardinal de La Valette apprit, au bout de trois semaines, que le duc son frère n'avait pas fait l'impossible et qu'il avait peu de part à la retraite des Espagnols, qui était la bonne nouvelle du jour : Cette bonne nouvelle, lui écrivit M. de Noyers le 31 octobre, mérite bien ce courrier exprès. hier soir, M. de Hautmont l'apporta à Sa Majesté de la part de M. le Duc de La Valette, qui mande que, soit que la maladie, qui leur a tué huit mille hommes dans leurs forts, les y ait conviés, soit qu'ils aient désespéré de pouvoir soutenir davantage une si longue et si inutile dépense dans ces retranchements, ou que le bruit du commandement que le Roi avoit donné à maudit sieur le Duc de La Valette de rassembler ses troupes leur ait fait peur, les obligeant à prévenir cet effort, enfin ; le 25 à neuf heures du matin, ils mirent le feu à leurs huttes et se retirèrent en Espagne, ne laissant autre marque de leur séjour durant une année entière et révolue jour pour jour depuis leur entrée, que des restes d'une effroyable dépense. Ainsi voilà désormais la Guyenne paisible grâces à Dieu, et les armées du Roi, qu'il faillit de nécessité y tenir, en liberté d'être utilement employées ailleurs[95].

Ce qui importait au cardinal de La Valette, c'était de savoir si le ministre pardonnait l'obstination du duc à ne point se rendre à ses désirs : M. de Noyers se contenta de lui écrire : Je me serois réjoui avec vous, Monseigneur, de la retraite des Espagnols de la Guyenne, si M. le Duc de La Valette y eût eu autant de pari que je l'eusse souhaité : néanmoins cela a rompu le voyage de Monsieur le Prince, qui part demain à la pointe du jour, pour s'en retourner en Bourgogne. J'ai vu en ma présence Nix (le Roi), nonobstant cet heureux succès, vouloir toujours agir contre le parent de 22 (le duc d'Épernon), et Nestor (Richelieu) le détourner, me jurant que c'étoit la seule considération de 21 (le cardinal de La Valette), qu'il aimoit tendrement, qui l'empêchoit de prendre l'occasion de châtier des personnes qu'il n'avoit pas sujet d'aimer[96].

Un gentilhomme du duc de La Valette vint au château de Grosbois le G novembre 1637 : Je lui ai dit, manda Louis XIII à Richelieu, qu'il dit à son maître que j'étois bien fâché que les Espagnols se fussent retirés sans avoir sur les doigts ; que M. d'Halluin, lequel n'y avoit pas tant apporté de façon, les avoit bien chassés de leurs retranchements et y avoit acquis un grand honneur ; que, si M. de La Valette eût voulu, il eût bien fait de même. Il m'a fait des réponses fort faibles et s'en est allé là-dessus[97]. Le cardinal, dans les Mémoires, partage le sentiment de son maître ; il écrit : Le duc de La Valette manda au Roi qu'il étoit sur le point d'aller attaquer les ennemis de force, quand ils se retirèrent ; mais ce lui fut un grand désavantage que leur fuite précipitée lui eût ravi la gloire de les y avoir forcés[98].

 

Le vœu de Louis XIII.

Dans sa lettre du 6 novembre, Louis XIII, annonçant à Richelieu quelques menus succès, avait commencé par cette phrase joyeuse : Il m'arrive toujours de bonnes nouvelles à Grosbois[99]. Ce qu'il pouvait admirer en cette fin de l'automne 1637, c'était le rétablissement des affaires

Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses promesses.

Ni le cardinal, d'ailleurs, ni le Roi ne cessaient de reconnaître les bienfaits du Ciel. Une année auparavant, presque jour pour jour, apprenant, après la prise de Corbie, la levée du siège de Saint-Jean-de-Losne, Richelieu s'était souvenu qu'une religieuse Calvairienne avait, à la suite d'une révélation du Christ, prédit ces deux événements si ardemment désirés. Le Père Joseph avait dressé procès-verbal de cette révélation. Ce n'est point la seule que transcrivit l'Éminence grise. Il en est une autre que Louis XIII n'oubliait point ; il la tenait d'Anne de Goulaine, en religion Mère Anne de Jésus Crucifié : Je fais des grâces, avait dit Notre-Seigneur, et après on ne s'en souvient plus quand j'ai garanti des périls. Quand cela est, je change mes grâces en punitions et je châtie les ingrats... Il faut que ton Roi ne soit de ce nombre... Je veux aussi qu'il fasse honorer ma Mère en son Royaume en la manière que je lui ferai connaître. Je rendrai son Royaume, par l'intercession de ma Mère, la plus heureuse patrie qui soit sous le ciel[100].

Le 24 novembre 1636, le Roi avait écrit au cardinal : Depuis la prise de Corbie, je me suis mis dans la dévotion beaucoup plus que devant, pour remercier Dieu des grâces que j'en reçus en cette occasion[101].

C'est, n'en doutons pas, sous l'influence de Richelieu et du Père Joseph que le Roi fit rédiger, vers la fin du mois de décembre 1637, la Déclaration pour la protection de la Vierge. Elle commence avec la majesté d'une oraison funèbre de Bossuet : Dieu, qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l'esprit qu'il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre État, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne sans y voir autant d'effets merveilleux de sa bonté que d'accidents qui nous pouvoient perdre. Lorsque nous sommes entrés au gouvernement de cette Couronne, la faiblesse de notre fige donna sujet à quelques mauvais esprits d'en troubler la tranquillité ; mais cette main divine soutint avec tant de force la justice de notre cause, que l'on vit en même temps la naissance et la fin de ces pernicieux desseins.

En divers autres temps, l'artifice des hommes et la malice du diable ayant fomenté et suscité des divisions non moins dangereuses pour notre Couronne que préjudiciables au repos de notre maison, il -lui a plu en détourner le mal avec autant de douceur que de justice. La rébellion de l'hérésie ayant aussi formé un parti dans l'État, qui n'avoit d'autre but que de partager notre autorité, il s'est servi de nous pour en abattre l'orgueil, a permis que nous ayons relevé ses saints autels en tous les lieux où la violence de cet injuste parti en avoit ôté les marques. Si nous avons entrepris la protection de nos alliés, il a donné des succès si heureux à nos armes, qu'à la vue de toute l'Europe, contre l'espérance de tout le inonde, nous les avons rétablis en la possession de leurs États, dont ils avoient été dépouillés.

Si les plus grandes forces des ennemis de cette Couronne se sont ralliées pour conspirer sa ruine, il a confondu leurs ambitieux desseins pour faire voir à toutes les nations que, comme sa Providence a fondé cet État, sa bonté le conserve et sa puissance le défend.

...Nous déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre Royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre Couronne et nos sujets, la suppliant de vouloir nous inspirer une si sainte conduite, et défendre avec tant de soin ce Royaume contre l'effort de nos ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre ou jouisse des douceurs de la paix, — que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, — il ne sorte point des voies de la grâce, qui conduisent à celles de la gloire. Louis XIII, eu outre, promettait de faim construire de nouveau le grand autel de l'église cathédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tiendroit entre les bras celle de son précieux Fils descendu de la croix. Il entendait y être représenté aux pieds et du Fils et de la Mère, comme leur offrant sa Couronne et son sceptre[102]. Il enjoignait ensuite à l'archevêque de Paris de faire faire tous les ans, le jour de l'Assomption, une commémoration de son vœu à la grand-messe qui se diroit en l'église cathédrale, et une procession dans la dite église après les vêpres. Cérémonies qui devaient être célébrées dans tout le diocèse de Paris et que tous les archevêques et évêques devaient célébrer à leur tour dans leurs diocèses respectifs : Nous exhortons, ajoutait Louis XIII, lesdits archevêques et évêques d'admonester tous nos peuples d'avoir une dévotion particulière à la Vierge, d'implorer en ce jour sa protection, afin que, sous une si puissante patronne, notre Royaume soit à couvert des entreprises de ses ennemis, qu'il jouisse longuement d'une bonne paix, que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés[103].

Louis XIII ne se contentait pas de rendre grâces au Ciel, il récompensait les chefs qui avaient été les instruments de la Providence. Quelques mois plus tôt, il avait, aux applaudissements de toute la France, érigé le marquisat de La Force et quelques seigneuries voisines en duché-pairie en faveur du vieux maréchal qu'aimaient les Parisiens.

A présent, il songeait à donner un éclatant témoignage de satisfaction au ministre qu'il considérait comme le plus grand serviteur que la France eût jamais eu. Le 1er janvier 1638, il érigea en duché-pairie les terres d'Aiguillon en faveur de Marie de Vignerod, marquise de Combalet, et de ses successeurs héritiers, tant males que femelles, tels que la nièce du cardinal les voudroit choisir. Faveur que rehaussait encore le début des lettres patentes : Les grands et signalés services que nous a rendus, à nous et à cette Couronne, notre cher et bien-aimé Cousin le Cardinal de Richelieu...

 

 

 



[1] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. III, p. 38.

[2] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 582.

[3] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. X, p. 188

[4] Extrait des Registres du Parlement, cité par M. Champollion-Figeac, dans les Mémoires de Mathieu Molé, t. II, p. 379, note.

[5] Voir Mathieu Molé, Mémoires, t. II, p. 380-381.

[6] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 595.

[7] Vicomte de Noailles, Le Cardinal de La Valette, p. 338.

[8] Mercure françois, t. XXI, p. 389.

[9] Mercure françois, t. XXI, p. 387, 394.

[10] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 1046.

[11] Aubery, Mémoires pour servir à l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 442-443.

[12] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 830.

[13] Richelieu n'était pas alors (août 1635) à l'abbaye de la Victoire, mais à Royaumont, à Conflans, à Rueil (voir Avenel).

[14] La forteresse d'Ehrenbreitstein sur la rive droite du Rhin, non loin de Cologne. Bussy-Lameth, bloqué, durant quinze mois, par Jean de Werth, l'avait rendue le 27 juin 1637.

[15] Aubery, Mémoires pour l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 442.

[16] Lettre du 8 août, Aubery, Mémoires pour servir à l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 455.

[17] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 497-498.

[18] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 497-498.

[19] Aubery, Mémoires pour servir à l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 481.

[20] Aubery, Mémoires pour servir à l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 477.

[21] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 831, note.

[22] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le cardinal de Richelieu, p. 321.

[23] Aubery, Mémoires pour servir à l'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 500-501.

[24] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 325.

[25] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 760.

[26] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 382.

[27] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 386.

[28] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 1040.

[29] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 480-481.

[30] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 1047.

[31] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 832.

[32] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 477.

[33] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 478.

[34] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 879-880, notes.

[35] Père Griffet, Histoire de Louis XIII, t. III, p. 74.

[36] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 799.

[37] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 1049.

[38] Vicomte de Noailles, Le Maréchal de Guébriant, p. 75.

[39] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 455-456.

[40] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 763-764.

[41] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 764.

[42] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 427-428.

[43] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 427 et 434.

[44] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. VIII, p. 311-312.

[45] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 438-445 et 449.

[46] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 455.

[47] Vicomte de Noailles, Le Maréchal de Guébriant, p. 60, et Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen-Weimar, par Bernhard Rose, t. II, p. 396, note 150.

[48] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 456.

[49] Le Roi Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 312.

[50] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 223 et 231, note.

[51] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 846, note.

[52] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 846.

[53] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 466-467

[54] Étienne Gallois, Lettres inédites de Feuquières, t. I, p. 191.

[55] Avenel, Lettres du cardinal de Richelieu, t. V, p. 1059.

[56] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 237.

[57] Étienne Gallois, Lettres inédites des Feuquières, t. I, p. 194-195.

[58] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 239-240, note.

[59] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 471.

[60] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 243, note.

[61] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 248.

[62] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 471.

[63] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 472.

[64] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 245.

[65] Vicomte de Noailles, Bernard de Saxe-Weimar, p. 246-247.

[66] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 474.

[67] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. IX, p. 474.

[68] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 332.

[69] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 312.

[70] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, t. I, p. 440.

[71] Mercure françois, t. XXI, p. 427 et suivantes.

[72] Mercure françois, t. XXI, p. 433-434.

[73] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, t. I, p. 488-489.

[74] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, t. I, p. 503.

[75] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, t. I, p. 501.

[76] Charles Vassal-Reig, La Guerre en Roussillon sous Louis XIII, p. 55.

[77] Eugène Sue, Correspondance de Sourdis, t. I, p. 508-510.

[78] Charles Vassal-Reig, La Guerre en Roussillon sous Louis XIII, p. 56.

[79] Mercure françois, t. XXI, p. 464-465.

[80] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 865-866.

[81] Comte de Beauchamp, Le Roi Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 328.

[82] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. III, p. 87.

[83] Comte de Beauchamp, Le Roi Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 325-326.

[84] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 780.

[85] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 786.

[86] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis IIII, t. III, p. 78-79.

[87] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 788.

[88] Affaires étrangères, Lettres de Louis XIII à Richelieu.

[89] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 792-793.

[90] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 794.

[91] Aubery, Histoire du Cardinal dur de Richelieu, t. III, p. 400-401 et 405.

[92] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 861.

[93] Levassor, Histoire de Louis XIII, t. V, p. 331-336.

[94] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 873.

[95] Aubery, Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 522-523.

[96] Aubery, Histoire du Cardinal Duc de Richelieu, t. III, p. 526.

[97] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 330.

[98] Mémoires du Cardinal de Richelieu, t. X, p. 188.

[99] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 320.

[100] Gustave Fagniez, Le Père Joseph et Richelieu, t. II, p. 215-216.

[101] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 282.

[102] Louis XIII n'eut pas le temps de faire construire l'autel, mais Philippe de Champaigne, dès 1638, peignit le tableau. Ce n'est que plus tard que l'autel fut érigé. Un groupe de Coustou, représentant la Vierge au pied de la Croix avec le Corps du Christ sur les genoux, remplaça le tableau qui décorait la première chapelle latérale du chœur. Quant à Louis XIII, une statue le représenta à la droite de l'autel, offrant sa Couronne à la Vierge. Voir la note d'Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 908-910.

[103] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 909.