HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

LE ROYAUME EN GRAND PÉRIL

CHAPITRE PREMIER. — D'ABORD, SOURIRES DE LA FORTUNE.

 

 

Cette guerre était la suite des griefs accumulés depuis le lointain des âges. Le cardinal les avait fait relever et publier par le sieur Balthasard et, depuis 1626, chacun pouvait se procurer chez Claude Morel, imprimeur ordinaire du Roi, rue Saint-Jacques, — à la Fontaine, — le Traité des Usurpations des Rois d'Espagne sur la Couronne de France depuis Charles VIII. Ce vade-mecum de cent trois pages commençait par un éloge lyrique de la paix, bien incomparable, lien de la société humaine, délices de la nature, nourrice des lois, de l'ordre et de la police. Mais, dès la sixième ligne, le porte-parole de Richelieu se tournait vers la guerre qui, avec toutes ses calamités, est beaucoup plus désirable aux âmes généreuses qu'une paix mendiée avec désavantage.

Ce sont les idées qu'un homme d'épée, le poète tragique Schelandre, avait exprimées en ces vers où, dans la harangue du vieux Tielbaze, l'on sent déjà quelque chose du génie de Corneille :

Moi qui suis né guerrier, nourri le fer au poing,

Toujours la gloire au cœur et en l'esprit le soin

Qui or me fait chômer, faut-il qu'une vieillesse

En une oisive paix languissante m'oppresse !

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La guerre est ici-bas de noblesse la mère ;

Indigne de régner qui n'en fait ordinaire ;

La guerre est un beau jeu dont l'honneur est le prix,

Qui endurcit les corps, aiguise les esprits...[1]

Le cardinal, s'adressant au Roi lui-même, déplorait que les descendants de Charles le Grand n'eussent pas réglé plus tôt leurs affaires avec l'Espagne. S'ils l'eussent fait, l'Italie, l'Allemagne, la Pologne, la Slavonie, la Hongrie et toutes les Gaules, autrefois tributaires de votre Couronne, Sire, viendroient encore rendre aux pieds de Votre Majesté les hommages de leur servitude. Et cette grandeur superbe de l'Espagne, qui combat aujourd'hui pour le sceptre de toute l'Europe, combattroit seulement avec les autres provinces de votre Empire Pour l'honneur de l'obéissance.

Rien n'embarrassait l'ingénieux Balthasard, quand il s'agissait de démonter les plus belles pièces de la maison d'Autriche-Espagne : usurpation, lés royaumes de Sicile et de Naples, longtemps disputés entre les maisons d'Anjou et d'Aragon, auxquelles celles de France et de Castille avoient succédé ; usurpation, ce beau duché de Milan, qui valoit un grand royaume et qui auroit dû revenir aux hoirs de Valentine, femme de Louis, duc d'Orléans, fils de Charles V ; usurpation, le comté de Flandre, composé du Brabant et de l'Artois et, durant sept cents ans, rangé sous la suzeraineté des rois de France. Et que dire du Roussillon, engagé par le roi d'Aragon au roi Louis XI pour la somme de trois cent mille écus et inconsidérément rendu par le roi Charles VIII, impatient de conquérir le royaume de Naples, en échange d'une promesse de neutralité, qui ne fut pas tenue ! Que dire de la Navarre dont le pape Jules II avait disposé sans droit en faveur de l'Espagne ! Considérez, Sire, s'il vous plaît, disait en finissant le sieur Balthasard, quel progrès ont fait les Espagnols sur vos alliés, pendant votre bas-lige, qu'ils devoient respecter. Y a-t-il prince en Allemagne qui ne gémisse sous leur oppression ? Y aucune province où ils n'aient empiété quelque place d'importance ? N'ont-ils pas occupé en cinq ou six ans les duchés de Berg et de Juliers, le comté de La Marck, la plupart du duché de Clèves, du landgraviat de Hessen, des Ligues Grises, le haut et le bas Palatinat, — avec la Valteline, le sujet des armes qui brillent par toute l'Europe ? — À quoi tendent tant d'intelligences, de menées, de pratiques, d'armées en campagne, de sièges de villes, sinon pour avancer le dessein, qu'ils ont conçu de longue date, d'engloutir votre Couronne ?[2]

En un Discours sur le commencement, progrès et destin de l'ancienne Monarchie française, l'auteur des Usurpations d'Espagne rappelait à Louis XIII que Charlemagne seigneurioit toute l'Europe et que, par là ses successeurs les rois de France avaient des droits sur l'Empire : Par là Sire, vous voyez que l'Empire vous appartient privativement à tous autres princes et que, la Couronne Impériale ayant été unie à celle de France du consentement des Romains et de toute l'Italie, de laquelle le nom d'Empire a tiré son origine, elle n'en a pu être séparée et moins transférée en Germanie, qui n'avoit rien de commun avec l'Empire.

Mais le vrai grief instant était le comté de Bourgogne, qui, sous Charles le Chauve, avait été partie de la duché et qui, depuis l'empereur Henri III, constituait un fief impérial ; c'était Cambrai, dont Hugues Capet avait reçu l'hommage et qui, avec ses appartenances étoit retourné plusieurs fois à ses anciens seigneurs, sous Philippe de Valois, Louis XI et Henri III. Le Hainaut était aussi de droit royal, car il ne se trouvoit point de traité par lequel nos Rois eussent renoncé à cette province. Le duché de Luxembourg appartenait avec plus juste titre à la maison de France qu'à celle d'Espagne, ne fût-ce que par l'acquisition qu'en avait faite le duc d'Orléans, du temps de Charles VI. Quant à Gênes, Pierre Frégose, en 1498, en avait, au nom de la Seigneurie qui craignoit de tomber en la sujétion des ducs de Milan, cédé la souveraineté au roi de France et à ses successeurs sous la seule condition de maintenir ladite Seigneurie en ses privilèges et franchises[3].

C'était, au fond, une question de prépondérance en Europe qui se posait entre les deux Couronnes, au lendemain du règne de ce sombre Philippe II que l'on avait vu, de l'Escurial, manier à son gré les cours et les peuples[4], cependant que les mines d'Amérique le ravitaillaient en or, comme elles le tirent pour ses successeurs (48.733.824 pesos de 1631 à 1635). Les trésors des Andes, ayant franchi les mers, étaient enfouis à Séville, à la Casa de Contratacion dans l'Arca verde (l'Arche verte), le coffre aux serrures savantes dont le contador, le fuetor et le tesaurero détenaient chacun une clef[5].

Heureusement pour Louis XIII et Richelieu, Philippe IV n'avait ni l'intelligence ni la force de travail de Philippe II. En 1626, cinq ans avant le début de la guerre, le comte-duc l'avait supplié de diriger lui-même les affaires d'État. Cette supplique se terminait ainsi : Le mal est grand : nous avons perdu la considération : le trésor a été entièrement épuisé : les ministres, à qui on a appris à ne se point préoccuper de l'application des lois ou à les appliquer sans rigueur, sont tombés dans la vénalité et l'indolence c'est là une des grandes causes des maux qui affligent le pays et qui portent atteinte à la justice. Je vous en prie, Sire, prenez l'œuvre en vos propres mains : faites disparaître jusqu'au nom même de favori (privado). Pour moi, je continuerai de presser Votre Majesté de prendre sur ses épaules le fardeau que Dieu même vous a imposé, de le porter et de travailler, si vous le voulez bien, sans vous épuiser, mais non pas sans peine[6].

A ce mémoire du 4 septembre 1626, qui n'avait ni la finesse psychologique, ni la profondeur de l'examen de conscience impitoyablement détaillé que Richelieu devait présenter à Louis XIII, le 13 janvier 1629, Philippe IV avait répondu par quelques lieues d'une bonne volonté touchante et Olivarès avait lu au verso du document, que lui rendait son maître : Comte, j'ai résolu, pour Dieu, pour moi-même et pour vous de faire ce que vous me demandez. Connaissant, comme je les connais, votre zèle et votre affection, il ne peut y avoir de vous à moi aucune hardiesse. Je le ferai donc, Comte ; et je vous renvoie ce papier, avec cette réponse, pour que vous le conserviez comme un héritage de famille, que vos descendants apprennent comment on parle aux rois quand il s'agit de leur gloire, et qu'ils sachent quel ancêtre ils avaient en vous. J'aimerais à le laisser dans mes archives pour apprendre à mes enfants, si Dieu m'en accorde, et aux rois comment ils doivent se soumettre à ce qui est juste et sage[7].

Les bonnes intentions de Philippe IV n'étaient pas demeurées complètement impuissantes. Il remédiait comme il pouvait à la crise du vellon, monnaie d'argent alimentée par les mines du Potosi et additionnée d'un alliage de cuivre. Avant lui, Philippe II avait résisté à la tentation d'augmenter la proportion du cuivre, qu'il combattait, dit M. J. Earl Hamilton, avec une aussi infatigable ardeur que la religion de Luther ou de Mahomet[8]. Mais sous Philippe III, le vellon avait tourné au cuivre tout court.

Philippe IV, avec l'aide des banquiers italiens, qui avaient plus d'une fois tiré les Habsbourg de l'abime des difficultés financières, prit, à partir de 1627, d'énergiques mesures de déflation[9]. Elles n'étaient pas loin de battre leur plein, au moment où la France s'apprêtait à déclarer la guerre à l'Espagne. Par malheur, depuis quelques années, l'apport des galions s'était sensiblement ralenti[10]. Et il fallait entretenir des armées sur les théâtres de guerre dispersés aux quatre coins de l'Europe !

On était obligé de se mettre sur le pied de guerre.

Le 19 mai 1635, don Fernand d'Autriche, archevêque de Tolède, était dans son palais de Bruxelles. Cardinal laïque, le vainqueur de Nordlingen avait endossé le sévère costume de cour de son pays et il avait imposé cette même tenue à son entourage[11]. Maître dans les Belgiques au nom de son frère Philippe IV, il étalait une fierté sans bornes.

Mais voilà que soudain, une vive perplexité se lit sur le visage du Habsbourg, dans ces grands veux à fleur de tête que sépare un nez long et gros. Le jeune cardinal vient d'apprendre l'arrivée d'un Français, en costume du moyen âge : Jean Gratiolet, héraut d'armes de France sous le titre d'Alençon, a paru devant la porte de Hal, vers neuf heures du matin. Revêtu de sa cotte violette aux armes de France et de Navarre, coiffé d'une toque, tenant à la main son bâton de héraut et précédé de Jean Elissavide, trompette ordinaire du Roi, il demande audience. Les douze coups de midi sonnent aux horloges de la ville et don Fernand vient seulement d'envoyer la réponse. Elle est portée par le sergent-major de Bruxelles, accompagné de Toison d'or, roi des hérauts des Pays-Bas : Jean Gratiolet est invité à se rendre chez le sergent-major, qui loge place du Sablon et à quitter son costume de héraut avant de franchir la porte de Bruxelles.

Le cardinal infant réunit en tuile son conseil : que faire ? Doit-il accorder l'audience ? S'il ne veut point écouter la déclaration de guerre qu'il prévoit, il paraîtra pusillanime. François Ier, un siècle plus tôt, n'a pas manqué de recevoir le héraut que lui envoyait. Charles-Quint. Refuser un cartel, n'est-ce pas s'avouer vaincu d'avance ? Ainsi parlaient une partie des conseillers. Les autres objectaient que l'audience avait plus d'inconvénients que d'avantages : la déclaration pouvait être semée de termes offensants auxquels il serait malaisé, sans doute, d'improviser une noble réponse[12].

Le prince fut de l'avis des conseillers prudents et, à sept heures du soir, Jean Gratiolet, à qui l'on avait envoyé deux autres hérauts d'armes, Hainaut et Gueldres, se morfondait au logis de la place du Sablon. Mais ayant vu soudain le sergent-major, enfin revenu du palais, s'enfuir aussitôt qu'il avait tiré sa déclaration de sa pochette pour lui eu donner lecture, il monte à cheval, ainsi que les deux autres hérauts. Devant le logis du sergent-major, sur cette place du Sablon où la foule s'amasse, il prend la parole : Le papier que je tiens en mes mains, dit-il, est la déclaration que je devois faire de la part du Roi, mon maître, au cardinal infant d'Espagne. Et il la jette aux pieds des trois hérauts : Que personne ne touche à ce papier, commandent au peuple les hérauts Toison d'Or, Hainaut et Gueldre.

Si le peuple l'avait ramassé voici ce qu'il aurait pu lire : Le héraut d'armes de France au titre d'Alençon, soussigné, certifie à tous qu'il appartiendra, être venu au Pays-Bas pour trouver le cardinal infant d'Espagne de la part du Roi son maître, son unique et souverain seigneur, pour lui dire que, puisqu'il n'a pas voulu rendre la liberté à Monsieur l'Archevêque de Trèves, Électeur de l'Empire, qui s'étoit mis sous sa protection, lorsqu'il ne la pouvoit recevoir de l'Empereur ni d'aucun prince, que contre la dignité de l'Empire et le droit des gens, vous retenez prisonnier un prince souverain qui n'avoit point de guerre contre vous, Sa Majesté vous déclare qu'elle est résolue de tirer raison par les armes de cette offense, qui intéresse tous les princes de la chrétienté[13].

Mais déjà éperonnant son cheval, Gratiolet a fendu la foule. Il va quitter la place du Sablon et s'engager dans la Grande Rue, lorsque, se retournant, il aperçoit un carrosse plein de dames qui débouche sur la place. Portant sur son costume, par devant et par derrière, les armes de France et de Navarre, tenant d'une main ses rênes et de l'autre le bedon fleurdelisé surmonté de la couronne fermée, il salue de la tête le carrosse, d'où partent de joyeux éclats de voix : ce sont Marie de Médicis et ses filles d'honneur qui ne peuvent s'empêcher de rire en voyant la gravité avec laquelle il remplit sa mission[14].

Gratiolet l'acheva le surlendemain, au village de Rouilly, fort près de la frontière de France. A cent pas de l'église, sur le grand chemin d'Avesnes à La Capelle, du côté d'Estreux-le-Cauchy, il planta un poteau, puis y attacha cette déclaration que personne ne voulait recevoir. Il appela ensuite un paysan qui sortait de l'église et il lui expliqua ce qu'il venait de faire. Le paysan, à sa demande, s'en fut chercher le mayeur, qui écouta l'explication son tour et s'achemina vers le poteau, tandis qu'Ellissavide soufflait dans sa trompette et qu'il constatait, lui Jean Gratiolet, héraut d'armes de France sous le titre d'Alençon, que tout s'était passé selon les règles.

Le 25 mai suivant, Richelieu écrit au Roi :

Il plaira au Roi commander, cette après-diner, de faire une dépêche à Paris et à toutes les autres villes du Royaume, pour chanter le Te Deum de la bataille en laquelle il a plu à Dieu lui donner la victoire.

De Château-Thierry où se trouve le Roi, le cardinal est venu passer dans la petite ville de Condé ce 27 mai, jour de la Pentecôte. Il ajoute les détails : cinq mille morts, quinze cents blessés dans l'armée ennemie, six cents prisonniers, seize pièces de canon ; dans l'armée du Roi, cent morts ou blessés.

Je crois que Sa Majesté doit, dès après diner, faire chanter le Te Deum aux Cordeliers de Château-Thierry. Pour moi, je remets à rendre ce devoir à Dieu après demain, ayant été contraint de mite faire saigner du pied à minuit, ajoute-t-il[15].

L'affaire dont le cardinal rendait compte ainsi à Bouthillier en une note qui allait être portée à Château-Thierry (trois lieues de Condé), c'était la bataille d'Avein gagnée au pays de Liège, le 22 mai 1635, par les maréchaux de Châtillon et de Brézé sur le prince Thomas de Savoie. Les lecteurs de la Gazette en avaient trouvé, dans le numéro du 26, un bref récit envoyé par le Père Joseph. De mémoire d'homme, disait le gazetier, l'épouvante ne s'est point vue si grande par toutes les contrées du Pays-Bas de la domination d'Espagne[16].

Il y avait de quoi, la jonction de l'armée royale et de l'armée du prince d'Orange était désormais possible, elle eut lieu le 30 mai, entre Maëstricht et Vanloo. Le cardinal infant avait rassemblé quelques troupes inférieures en nombre ocelles des ennemis et il attendait, incertain, derrière la Nethe. Jamais le Roi et M. le Cardinal ne l'auront plus belle, mandait Riolan, médecin de la Reine mère ; et il brossait un petit tableau des angoisses de l'infortunée princesse, qui ne manqua point de divertir Son Éminence. Il la montrait ciblant en particulier le vendredi 25 mai, avant-veille de la Pentecôte, servie par ses filles d'honneur, dont l'une, Mlle de Maintenon, crut devoir représenter à sa maîtresse, qui se lamentait : Ceux de Bruxelles ont grand’peur que Votre Majesté sorte hors la ville pour aller ailleurs : sa présence pourroit conserver la ville. — Ils ne la respecteront, répondit la Reine. Le médecin prit alors la parole : — Ils en useront, dit-il, comme à la défense des Ponts-de-Cé. — On me prendra prisonnière, s'écria avec colère la Florentine, pour me mener en triomphe en France et m'enfermer dans un château[17].

Ce n'était point à quoi songeait le cardinal. Il écrivait à Charnacé, son porte-parole auprès de Châtillon et de Brézé : Je vous prie de recommander à MM. les Maréchaux d'avoir tant de soin, que l'on ne puisse pas dire que l'on se gouverne à la française, c'est-à-dire dans une entière négligence. La bonne harmonie entre les maréchaux, — dont le plus jeune avait traité le plus vieux avec quelque désinvolture le jour de la bataille d'Avein, — lui tenait à cœur : Je crains un peu, avouait-il, que cette affaire soit le commencement de quelque division et jalousie entre les personnes que je désire grandement qui demeurent unies. Il faut prendre garde à éviter ce mal, qui en causerait beaucoup d'autres. Il faut aussi éviter, ajoutait-il, que nos gens ne se gouvernent un peu moins modestement, après cette victoire, qu'il n'est à désirer avec l'armée de MM. les États[18].

Une semaine était à peine écoulée et. Richelieu apprenait, par des lettres interceptées, que la mésintelligence de Châtillon et de Brézé réjouissait fort les ennemis qui n'en n'espéraient pas peu d'avantage[19]. Il n'en demeurait, pas moins optimiste et ne cachait pas ses sentiments à Charnacé : Je prie Dieu tous les jours, déclarait-il, que vos prédictions, qui portoient que les progrès de la Flandre iroient plus vite que je ne pouvois penser, soient plus véritables que les miennes, qui vont un peu plus lentement[20].

Il lui fallait, avant la' fin de l'été, un succès décisif, assurant les communications avec la Hollande, rendant aisé le ravitaillement des troupes et la conquête de la Flandre, qui terminerait la guerre.

Une juste guerre, disait la déclaration que, sur l'ordre du Roi le Parlement avait enregistrée le 18 juin. Avant de se plaindre que l'Espagne eût destiné de tout temps la Flandre pour sa place d'armes, afin de tenir la France en perpétuelle jalousie et d'être avec des troupes aguerries, toujours à même de la surprendre si elle se reposait sur la sûreté publique, ou de la consommer pendant la paix en des dépenses égales à celles de la guerre, le Roi développait la longue suite de ses griefs. Il rappelait tous les efforts inutiles que les Espagnols avoient faits pour démembrer sa Couronne, les desseins qu'ils avoient formés pour l'attaquer à force ouverte. Il ne pouvoit sans défaillir à son État et à lui-même différer davantage de les prévenir chez eux plutôt que de les attendre dans son Royaume. Ni l'alliance de sa sœur Élisabeth avec le roi Philippe IV, ni les bons offices maintes fois prodigués n'avaient pu apaiser l'Espagne, arrêter le cours de soit ambition démesurée, les effets de sa mauvaise volonté : la Valteline envahie, les Grisons, clients de la Fraisée, attaqués en pleine paix ; le traité de tronçon demeuré lettre inerte ; le duc de Savoie victime des entreprises espagnoles tandis qu'il était l'allié du Roi ; le duc de Mantoue opprimé parce qu'il était né Français et que son État convenait miraculeusement pour agrandir celui de Milan ; le duc de Lorraine cinq fois armé contre la France à l'instigation de l'Espagne. Le Roi n'oubliait ni les traités conclus avec les religionnaires de son Royaume pour y former un corps perpétuel de rébellion, ni les continuelles pratiques pour semer des divisions jusque dans la famille royale, ni le dessein d'armer la France contre elle-même par un traité dont l'original, signé des ambassadeurs espagnols, était heureusement tombé entre ses mains.

Aussi, concluait Louis XIII : Nous croirions être en quelque façon complices des maux que nos peuples en pourroient souffrir, si, par une juste prévoyance, nous n'employions de bonne heure les plus puissants remèdes qui soient eu notre pouvoir pour les en garantir et si même nous n'exposions — comme nous avons déjà fait tant de fois et sommes encore résolu de faire de bon cœur — notre propre personne pour les défendre[21].

A cette déclaration, au manifeste qui suivit et qui était de la façon Servien, les Espagnols ne manqueront pas de répondre par un Manifeste pour la Maison d'Autriche. Ils proclamaient notamment avec une mordante ironie : Vous verrez que nous aurons rendu le cardinal de Richelieu insolent, ingrat et violent envers la Reine, sa bienfaitrice. Ces trois crimes lui ont fait perdre les bonnes grâces de cette grande princesse, qu'il devoit préférer à sa propre vie, s'il eût été vertueux et s'il estimoit moins la fortune que l'honneur... Si le Roi Catholique a reçu la Reine sa belle-mère, qui cherchoit la liberté qu'on lui avoit ôtée, s'il lui rendit l'honneur et assistance dus à son rang et à leur alliance si Monsieur le Duc d'Orléans, ne pouvant plus être traité en Lorraine avec sûreté, est contraint à demander la protection du Roi Catholique, si la même grâce est accordée à Madame la Duchesse d'Orléans pour sa personne et pour son mariage, peut-on accuser un grand monarque de semer et de fomenter la division dans la maison royale de France, parce qu'il ne veut pas livrer à un serviteur furieux des personnes si proches et qui doivent être extrêmement chères à Sa Majesté Très Chrétienne ?

Non contents de dépeindre Richelieu comme un perturbateur de la maison royale, les Espagnols l'accusaient d'être un mauvais serviteur de l'Église : Le roi de France, disaient-ils, est louable d'avoir ôté aux huguenots leurs villes de sûreté et les moyens de se révolter contre lui. Mais, dans toutes les déclarations publiées durant le pouvoir absolu d'un cardinal, on proteste que Sa Majesté n'en veut point à la religion protestante. Aussi n'y a-t-on pas touché. Si l'Église recouvre sa liberté dans quelques villes de France, elle l'a perdue en plus de vingt mille paroisses d'Allemagne et des Pays-Bas par les intrigues et l'assistance du cardinal de Richelieu. Le prêche ne s'était jamais fait à Verdun, à Nancy, à Pont-à-Mousson et en plusieurs endroits de la Lorraine, les ministres y montent maintenant en chaire. Quelle instance le cardinal a-t-il faite à ses bous amis les Hollandais pour conserver seulement une église aux catholiques de Bois-le-Duc et pour maintenir le traité de Maëstricht ? Les calvinistes y occupent une église l'une après l'autre, les processions y sont défendues et le Saint-Sacrement ne s'y porte qu'en secret contre les articles de la capitulation[22].

A ces perfides accusations, Richelieu fit une réponse immédiate : Les Vérités françaises opposée aux calomnies espagnoles ou réfutation des impostures contenues en la Déclaration imprimée à Bruxelles sous le nom du Cardinal Infant. Par un gentilhomme de Picardie. Ce gentilhomme, qui se nommait Charles-Barthélémy de Beinville, disculpait ainsi le cardinal : Comme le Roi donne sa principale confidence au cardinal duc de Richelieu, c'est aussi sur lui que s'épand plus largement la fureur de nos ennemis et des âmes espagnolisées. Qui ne s'étonnera d'une si injuste passion ? Ne devroient-ils pas se contenter de l'avoir autrefois appelé le cardinal de la Rochelle ? d'avoir fait tous leurs efforts pour donner de mauvaises impressions de lui au dernier légat que Paris a vu ? N'est-ce pas assez d'avoir irrité les plus modérés dans toutes les provinces par l'appréhension que l'on leur donnoit de voir dans peu de mois un patriarche au lieu d'un archevêque à Paris ou à Lyon et un schisme dans tout le Royaume ? Peu de gens ignorent ce que je dis, Ronie même s'en est émue et a cru que les Gaulois se disposoient à repasser les monts pour aller fouler aux pieds la dignité du Saint-Siège et la gloire de son nouvel Empire... Je sais bien ce qui entretient les émissaires d'Espagne dans leur humeur sombre et ce qui les fait regarder d'un œil de jalousie les meilleures actions du grand cardinal de Richelieu : les affaires du Roi prospèrent tout autrement qu'elles n'ont fait sous les gouvernements passés, sa- réputation est plus générale et son autorité appuyée sur de plus solides fondements ; ce n'est pas ce que désirent les pensionnaires de nos ennemis ; le Conseil de conscience ne le peut souffrir ; la maison d'Autriche court fortune dans ce changement[23].

Tandis que se poursuivait cette guerre de plume, le prince d'Orange et les maréchaux vexaient de s'emparer de Tirlemont, que leurs soldats malgré les ordres contraires mirent à sac. Les atrocités de Tirlemont firent plus pour maintenir les Belges dans l'obéissance de l'Espagne que tous les manifestes espagnols. La jalousie des chefs, les difficultés du ravitaillement paralysaient l'armée française. Elle parut à une lieue et demie de Bruxelles, que défendait le cardinal infant, retranché derrière le canal longeant la route d'Anvers ; elle ne réussit qu'à épouvanter les Bruxellois. Voyant que les Espagnols se refusaient à sortir de leurs lignes, les maréchaux n'osèrent demeurer en un poste où ils craignaient de ne pouvoir nourrir leurs troupes : ils obtinrent que le prince d'Orange s'en allât avec eux assiéger Louvain.

Arrivés sous les murs de Louvain, le 25 juin, ils n'y trouvèrent pas plus de vivres que sous les murs de Bruxelles. Les Impériaux de Piccolontini accourus arrêtaient tous les convois : il fallut lever le siège.

Un mois plus tard, le 3 août, des soldats espagnols, portés dans huit cents barques, abordaient nuitamment à une île du Waal, escaladaient les murailles croulantes du fort de Schenick, en massacraient la garnison hollandaise. Ce fort couvrait les Pays-Bas. Le prince d'Orange ne pensa plus qu'à les défendre. Cependant, Chatillon, brouillé avec Brézé, était rappelé par le cardinal : Richelieu l'envoyait en Picardie auprès du maréchal de Chaulnes, pour s'opposer aux incursions des ennemis. Quant à Brézé, il soupçonnait le prince d'Orange de négocier séparément avec l'Espagne. On était loin du succès qu'on avait espéré en Flandre. Le 16 octobre, Brézé reçut des instructions commençant ainsi : Le Roi a déjà fait savoir à Monsieur le Maréchal de Brézé, par sa dépêche du 18e du mois passé, combien il importe de résoudre de bonne heure, avec Monsieur le Prince d'Orange, les desseins que l'on peut faire l'année prochaine, puisque celle-ci s'est passée entièrement sans rien faire[24].

Les autres armées avaient-elles fait davantage ? L'armée d'Allemagne était commandée par le cardinal de La Valette, ayant sous lui le marquis de Feuquières, maréchal de camp, et à ses côtés le duc Bernard de Saxe-Weimar avec ses Suédois et ses Allemands.

L'armée de Lorraine était commandée par le duc d'Angoulême et le maréchal de La Force, avant sous eux notamment, outre quantité de belle noblesse volontaire[25], le marquis de Sourdis et le duc de Saint-Simon.

L'armée d'Italie était commandée par le duc de Créqui, secondé par les ducs de Savoie et de Parme.

L'armée de la Valteline avait à sa tête le duc de Rohan qu'appuyaient les Grisons et les Vénitiens.

Dès le 5 juillet 1635, apprenant que les régiments de Saint-Farjeu et Vineuil et quelque cavalerie venaient d'être enlevés dans leurs quartiers, le ministre avait écrit à Bouthillier : Les nouvelles d'Allemagne sont très mauvaises[26]. Ce qui était plus grave, c'était le traité que l'Empereur et l'Électeur de Saxe avaient signé à Prague, cinq semaines auparavant. Ce traité autorisait la religion protestante dans l'Empire, sauf dans les États héréditaires de la maison d'Autriche. L'Électeur conservait pendant cinquante ans la jouissance des biens enlevés à l'Église romaine ; au bout de ce demi-siècle une décision judiciaire interviendrait. Il gardait trois places dans l'archevêché de Magdebourg et pouvait en confier l'administration à son fils. L'Empire offrait une compensation à la Suède, si elle souscrivait au traité. Quant aux autres princes, catholiques ou protestants, ils recouvraient tous leurs biens.

Si les Suédois avaient été indignés d'une telle palinodie, l'Électeur de Brandebourg, alléché par l'offre de la Poméranie, avait signé comme celui de Saxe ; puis Guillaume de Saxe-Weimar, frère de Bernard, puis les princes d'Anhalt, puis Georges, duc de Lunebourg, puis Francfort-sur-le-Mein, puis Nuremberg, puis Ulm, puis les princes de l'Empire et les villes impériales, excepté le landgrave de Hesse et quelques autres principautés qui surent résister à la tentation. Les Suédois et les débris de la Ligue protestante ne pouvaient plus compter que sur l'armée du cardinal de La Valette (dix-huit mille hommes lie pied et six mille chevaux), dans les rangs de laquelle Turenne servait en qualité de maréchal de camp et que devaient grossir les troupes du duc de Weimar. L'Éminence française et l'Altesse luthérienne se joignirent à Fesme sur la rive gauche du Rhin. Le prince ne refusa nul honneur au cardinal, qui lui laissa la part la plus importante dans le commandement et le plaisir de rêver à la belle principauté qu'il allait sans doute se tailler en Allemagne avec l'aide de la France.

Les deux chefs allèrent de succès en succès. Le 28 juillet, c'est la ville de Deux-Ponts, assiégée depuis le 22 par le comte de Gallas et délivrée par eux quelques heures avant le moment fixé pour la capitulation ; le 13 août, c'est Bingen, au bord du Rhin, qui capitule entre leurs mains. Le comte de Mansfeld, qui pressait Mayence, s'enfuit à leur approche. Les deux généraux traversent le fleuve, entrent dans la ville, où la disette commençait à se faire sentir, et mille sacs de blé fournis par Bingen ravitaillent Mayence. Bonheur que le Père Joseph, dans sa chambre de Rueil, comparait à celui du cardinal infant et qui lui faisait écrire, le tir août, au cardinal de La Valette : Je ne puis dire autre chose sinon qu'il semble que les cardinaux ont, cette année, quelque bonheur fatal pour arrêter les progrès des grands capitaines[27].

Mais de. Worms, Gallas, pour affamer les envahisseurs, ravage les dernières oasis d'un pays déjà tant de fois ravagé. Bientôt la cavalerie en est réduite aux feuilles d'arbres et de vignes, les hommes ne mangent plus de pain que tous les quatre jours, et ce pain coûte un écu la livre. Nourries de choux, de raves et autres racines qu'elles vont ramasser dans les champs et les villages déserts, les troupes françaises, — moins résistantes que les suédoises, — semblent prêtes à la révolte. Turenne vend sa vaisselle d'argent pour leur procurer de la nourriture ; rien ne les apaise.

On dut battre en retraite devant Gallas, qui suivait à la tête de trente mille hommes. Le Rhin fut repassé les 15 et 16 septembre, sur un pont de bateaux, en très bon ordre, les bagages ayant marché devant et la cavalerie ensuite, l'infanterie demeurant cependant en bataille dans un grand retranchement où toutes les troupes de l'Empereur ne les eussent pu forcer[28]. Impossible de revenir par Mayence, où le duc Bernard avoit des blés et des farines : Gallas venait de s'en emparer. Impossible de gagner Hambourg, Deux-Ponts, Sarrebruck et Saint-Avold, où le cardinal et le prince avaient entassé les vivres. Sept jours durant, l'armée défila dans une région montagneuse, ne mangeant guère que les poires, les pommes qu'elle rencontrait sur le chemin, souvent les racines et l'herbe même, dormant à peine, de peur d'être surprise par l'ennemi. Il fallut brûler le bagage, enterrer presque tout le canon, qui retardait la marche. Enfin l'on atteignit Vaudrevange ; le 26 l'on n'était plus qu'à une journée de Metz et l'on venait de passer la Sarre, lorsque parurent quinze régiments dépêchés par Gallas. Ils fondirent sur l'arrière-garde, mais furent mis en déroute ; cinq cents Croates restèrent sur le terrain et sept étendards furent ramenés par l'armée victorieuse.

Le 28, La Valette et Bernard s'en allèrent camper aux environs de Metz, l'un à Vic, l'autre à Pont-à-Mousson, où les troupes, remarquent les Mémoires, n'eurent plus à souffrir pour l'abondance des vivres que le cardinal avoit eu soin d'y faire porter. La Valette put y méditer certain mémoire que Richelieu lui avait envoyé, lorsqu'il s'apprêtait à marcher sur Mayence : Ce qui donne le plus de peine, c'est de savoir comment les troupes vivront au delà du Rhin, en cas qu'elles le passent... Il est bien difficile de porter de Metz tous les blés dont le sieur Cardinal peut avoir besoin : on manque de charrettes et il n'y a pas moyen de lui en envoyer autant qu'il sonhaiteroit. Les blés ne pouvant même être conduits que jusques à Sarrebruck, c'est au sieur Cardinal d'engager le duc Weimar à trouver une invention de les venir prendre là ou de voir s'il est possible d'en acheter aux environs du Rhin ; l'argent ne manquera pas[29].

Richelieu n'en voulait point au cardinal de La Valette, qui n'avait pas tiré de cette expédition tous les fruits qu'on en pouvait espérer. Il se réjouissait d'avoir fait connaître à Gallas le courage de nos soldats, l'ayant battu en toutes les rencontres et l'étant allé chercher jusqu'aux portes de Francfort[30]. Le général de l'Empereur ne disait-il pas : qu'il n'eût jamais pu croire véritable la miraculeuse retraite qui avait terminé la campagne s'il en n'eût été témoin[31].

En Lorraine comme en Flandre, la guerre avait débuté par des succès. Le marquis de Sourdis, qui commandait sept mille hommes de pied et huit cents chevaux, avait emporté sans artillerie, dès les premiers jours du mois de juin 1635, la place de Châtillon-sur-Saône (deux lieues à l'est de Bouchonne) et, suivant les lois atroces de la guerre d'alors, pendu plus de deux cents Lorrains, les deux tiers de la garnison. Cette victoire comblait- d'aise le cardinal : La Gazette, s'empressa-t-il d'écrire au vainqueur, fera son devoir ou Renaudot sera privé des pensions dont il a joui jusqu'à présent[32].

Tandis que M. de Sourdis remettait si cruellement dans l'obéissance du Roi Châtillon-sur-Saône, M. du Hallier s'emparait de Bruyères et de Wissenbach, rendant libre la route de Nancy à Colmar, et M. de Bellefonds enlevait les places de Darnley, Fontenoy, Veuilly, Monthureux, La Marche, Châtenoy, assurant les communications entre Chaumont et la région de Montjoyc, près de Montbéliard. Le maréchal de La Force, en ce même Montjoye et dans le même temps, battait les troupes du duc Charles. Le Duc sans Lorraine, comme eût dit Henri IV, laissa plusieurs centaines de prisonniers entre les mains du vainqueur et repassa le Rhin précipitamment. Déjà quelques jours plus tôt., à Melisey, non loin de Lure, le maréchal avait eu l'avantage sur le prince qui, étant parti des environs de Belfort avec toute son année, prenait le chemin de Champagney et tirait sur Luxeuil, connue s'il eût voulu lui gagner le derrière et se jeter entre lui et la Lorraine, et Richelieu avait stimulé ainsi le zèle du vieux guerrier : Si vous êtes assez heureux pour les chasser au delà du Rhin ou les battre encore, on ne sauroit rien ajouter à votre gloire[33]. Le cardinal ne cachait pas sa joie à Bouthillier : J'ai été bien aise de voir, lui écrivait-il de Bois-le-Vicomte, le 16 juin 1635, l'étonnement du comte d'Olivarès. Il sera bien plus grand quand il saura la bataille de Flandre, la retraite du duc Charles, non sans déroute, et la perte de l'armée navale de Provence, que les lettres que vous m'avez envoyées du sieur de Sabran disent bien autre que ne le portoit le premier avis[34].

Mais bientôt un incident vient troubler cette joie. Le cardinal apprend, le 15 juin, par des lettres de Chavigny, que ses gendarmes ont commis une faute dont le Roi se montre offensé. La fâcheuse affaire ! Aussitôt il use de l'arme qu'il tient toujours prête et dont l'effet est sûr, la menace de se démission. Tout en écrivant au Roi qu'il s'en remet à lui sur le fait de ses gendarmes pour en faire tout ce qu'il lui plaira, il ne cache pas que son mal de Bordeaux lui est revenu pour la troisième fois[35], et lui occasionne de cruelles souffrances. Sous sa dictée, Chavigny écrit au Roi : Jusques à cette heure, les chirurgiens ont défendu de rien dire à Monseigneur le Cardinal, qui lui pût donner peine à l'esprit. Il n'y a rien qui puisse phis servir à sa guérison que de savoir que Votre Majesté est en bonne santé et qu'elle se divertit[36].

Se divertir ? Quelque dix jours plus tôt, de Château-Thierry, le Roi avait mandé à Richelieu : Ne pouvant plus compatir avec Saint-Simon et étant en perpétuelle picoterie avec lui, je lui ai conseillé d'aller à l'armée pour passer sa mauvaise humeur contre mes ennemis et se rendre capable de me servir à la guerre : il vous va trouver pour vous dire adieu. Je vous prie de ne le point détourner de ce dessein et, de le laisser aller à ce voyage. Pour moi, je vous avoue que je suis dans un tel ennui, que les jours me durent des mois ; je fais ce que je puis pour me divertir, mais je n'en puis venir à bout[37].

Et si Louis XIII est plus heureux à Monceaux, il ne le sera pas longtemps. Il n'y a pas vingt-quatre heures que Chavigny a expédié au Roi le bulletin de santé qui doit le rassurer et déjà Richelieu, par politique et peut-être par rancune, ne se refuse pas le malin plaisir d'inquiéter son maître : Je supplie très humblement Votre Majesté, lui écrit-il le 16 juin, de croire que je ne tiendrai jamais ma vie chère que pour l'employer pour son service. Mais je crois qu'elle lui sera dorénavant fort inutile, parce que, pour ne lui dissimuler pas, les voyages, même en litière, seront au delà de ma portée, l'expérience de trois maladies m'ayant fait connaître que le débordement de mon sang vient des travaux de mon malheureux esprit et de l'ébranlement du plus faible et plus délicat corps qui soit au monde. Si j'ai passé jusques à présent pour un bon diamant, je me considère maintenant comme un diamant d'Alençon, qui (à proprement parler) n'est pas plus fort que du verre[38].

Richelieu a su aiguillonner le Roi, il a su retourner le fer dans la plaie et Louis XIII ne tient plus en place, il ne peut durer plus longtemps sans voir son cousin le cardinal. L'égarement de son esprit l'oblige à changer le dessein qu'il avait d'aller droit à Fontainebleau, le contraint de prendre le chemin de Rueil. Le 18 juin, il annonce à Chavigny : Je serai demain à midi au port de Neuilly, où vous me renvoierez ce porteur, afin que je sache si la santé de mondit cousin sera en état que je le puisse voir sans lui donner incommodité[39]. Et il annonce à Richelieu lui-même : Étant en impatience de vous voir, j'ai pris résolution d'aller demain à Rueil, où je serai à deux heures après-midi pour vous témoigner la joie que j'ai de votre meilleure disposition et vous assurer toujours de la continuation de mon affection qui durera jusques à la mort[40].

Mais nouvelles humeurs du Roi ! A Fontainebleau, le 3 juillet au soir, il revient de la chasse son ventre bouffe. Par bonheur, après le lavement, une lettre le soulage, — une lettre que le cardinal a écrite de Rueil. Émerveillé de l'effet produit par ce remède magique, Bouthillier invite Richelieu dès le lendemain à écrire encore : Je crois, explique-t-il, qu'un gentilhomme envoyé exprès, avec trois lignes d'une des mains ordinaires, sera fort à propos, comme vous les saurez trop mieux dire. Louis XIII, ce même jour, quitte Fontainebleau pour aller à Fleury en la meilleure humeur du monde et avec plus de tendresse pour vous, affirme Chavigny à Richelieu qu'il n'en a jamais eu[41]. Quinze jours plus tard, à Saint-Germain, Louis XIII n'est pas moins bien disposé pour le cardinal, qui peut constater lui-même les attentions de son maître : J'attends mon frère à dîner, lui mande le Roi le 17 juillet ; je lui ai fait préparer sou logement à votre appartement, parce que les peintres sont dans celui de la Reine et le mien. Je ne l'eusse pas fait sans que vous me dites l'autre jour que vous le trouviez bon[42].

Telles sont les sautes d'humeur qui flagellent le grand ministre au travail sur son lit de douleur.

Et puis, nouvelles fatigues quand il faut se divertir. Le 23 août 1635, à six lieues à l'est du Bois de Vincennes, le château de Noisy[43] était en fête. Le comte de Nogent venait d'y traiter splendidement le Roi, le cardinal et tous les  ministres. Le Conseil d'État s'était tenu après le dîner. Une collation magnifique avait suivi le Conseil. Elle s'achevait. Voici le départ : Son Éminence prend congé de Sa Majesté, qui lui témoigne, par de très grandes caresses et embrassades réitérées, combien sa personne et ses services lui sont agréables[44]. Puis ils se mettent en route l'un et l'autre : le Roi va s'acheminer vers Lagny pour se rendre à Monceaux, d'où il compte se rendre en Champagne et en Lorraine ; le ministre, empêché par ses infirmités de suivre son maître, va gagner Conflans et de là sa maison de Rueil.

Richelieu n'avait pas à se plaindre. Louis XIII lui donnait le pouvoir de commander en son absence, en la ville de Paris, Ile-de-France, Picardie et Normandie et pays voisins. Le cardinal pouvait notamment commander aux lieutenants généraux, assembler le Conseil, y appeler ceux qu'il jugerait à propos. Les conseillers et secrétaires d'État devaient lui obéir tant en ce qui regardait les finances qu'en toutes autres rencontres et Louis XIII promettait, en foi et parole de Roi, de confirmer et approuver tout ce qui par sondit cousin aurait été ainsi fait et arrêté[45]. Malgré tout, Richelieu était loin d'être content. Il ne se consolait pas d'être obligé de laisser le Roi s'en aller sans lui en Lorraine. A quoi lui servirait ce papier, si quelque favori glissait d'odieux propos à l'oreille du maître ? Il se sentait toujours à la merci d'une calomnie ingénieuse.

Ce voyage militaire, comme il l'avait combattu ! C'était parce que les affaires n'allaient pas à son gré en Lorraine que Louis XIII voulait stimuler par sa présence le zèle des chefs et des soldats. Il voyait les incursions du duc Charles recommencer dans leur Duché, une partie de la Lorraine payait encore contribution au souverain dépossédé, bien que le prince, après le combat de Melisey, mit repassé le Rhin. La Force ne l'avait pas poursuivi longtemps pour l'impossibilité qu'il y a, expliquait-il, de faire subsister l'armée de deçà ce qui nous contraindra de nous rapprocher de Remiremont[46]. La Force campait entré Lunéville et Épinal : J'appréhende fort l'âge de M. de La Force[47] (soixante-dix-sept ans), avait dit le cardinal au Roi six semaines plus tût. Et il est certain que le maréchal était accablé par la perte de sa femme, Charlotte de Biron, qui venait de mourir à Metz, où elle l'avait suivi de loin malgré ses soixante-quatorze ans : Le pauvre mari, jugez sa douleur, écrira La Force dans ses Mémoires, et quel regret il devoit avoir de cette séparation après avoir demeuré cinquante-huit ans ensemble. Mais le cardinal. ne pouvait se passer de lui en Lorraine et, au lieu de lui accorder le congé qu'il demandait, il s'était contenté d'envoyer le duc d'Angoulême pour le soulager et commander sou armée conjointement avec lui[48].

Si la présence du prince de Condé, qui, depuis quelque temps, tenait dans le Duché la place du Roi, avait été jugée nécessaire, combien serait plus efficace la présence du Roi lui-même. Mais Richelieu avait tout d'abord trouvé mille objections ; à Rueil, il avait fait souvenir le Roi de sa santé, de son humeur et de tout le reste[49] et Louis XIII ne reconnaissait plus son cardinal, qui, en 1628, l'avait obligé à se morfondre sous les murailles de La Rochelle. Devinant les raisons secrètes du ministre, il avait déclaré que rien ne le détournerait d'aller commander son armée. Et Richelieu avait cédé, voilà pourquoi les adieux de Noisy avaient été si tendres, l'un avait à se faire pardonner sa mauvaise humeur, l'autre sa ferme insistance.

Le 27 août, Louis XIII réclame les cartes de Lorraine et de Franche-Comté : Pour celle du cours du Rhin, écrit-il à Richelieu, j'en ai une très bonne que vous m'avez donnée il y a trois ans[50]. Le cardinal apprend bientôt que le maître s'impatiente, parce que cent chevaux qui doivent traîner l'artillerie ne sont pas encore à Châlons, parce qu'on lui retarde son voyage, parce qu'on le lui tourne à honte et à déplaisir[51]. Et le samedi ter septembre, à trois heures de l'après-midi, Bouthillier se hâte d'avertir Richelieu : Je crois qu'il est bon que Votre Éminence sache tout. Si elle me permet de lui dire mon sentiment de ceci, j'estime qu'il y entre de la peine que peut avoir le Roi que vous ne soyez pas près de lui, car, du reste, je ne vois que même affection et plus grande, s'il se pouvoit, que jamais[52].

Mais une Mite d'humeur est toujours à craindre. Elle se produit le jour même : Louis XIII écrit au cardinal deux lettres quelque peu blessantes[53]. Heureusement le ministre sait comment s'y prendre avec son maître. Son calme, son bon sens, sa souplesse, la hauteur d'âme que laisse paraître sa réponse, apaisent le prince qui lui fait porter un billet de raccommodement. Je suis au désespoir de la promptitude que j'ai eue à vous écrire le billet sur le sujet de mon voyage, je vous prie de le vouloir brûler et oublier en même ce temps qu'il contenoit[54]. Et Richelieu de remercier : Si Sa Majesté m'avait offensé, ce qu'elle ne fit jamais par sa bonté, les termes de sa lettre sont si obligeants, que la satisfaction, si on peut user de ce mot en parlant d'un grand Roi, surpassent de beaucoup l'offense[55].

Le 6 septembre au matin, avant que Louis XIII ait dit un seul mot, Bouthillier a lu sur son visage le mécontentement que lui cause la proposition faite par le cardinal de donner le pouvoir de général d'armée, depuis Rocroi et la Champagne jusqu'à Toul, au comte de Soissons. Avoir Monsieur le Comte pour lieutenant, c'est ce que le Roi a toujours appréhendé. Son Éminence le sait bien, c'est se moquer vraiment. M. le Cardinal, conclut-il, n'a approuvé mon voyage en aucun temps et il veut me réduire à ne faire pas... Mais le Roi change de visage, une chaleur brillante envahit tout son corps, son esprit s'agite, les larmes jaillissent et il se plaint, il se plaint. Le cardinal n'ignore pas combien il l'aime, pourquoi ne lui a-t-il pas dit franchement son sentiment sur ce malheureux voyage : Je l'eusse suivi religieusement, gémit-il, comme j'ai toujours fait, ayant perpétuellement dit à tout le monde, lorsque je faisois quelque chose de bien, que je suivois ses bons conseils[56].

II faut reconnaître que Louis XIII s'irritait avec raison du dénuement des troupes et du désordre qui était partout. Le Roi ne se disait point que Richelieu avait trouvé le Cerne désordre, cinq ans plus tôt, dans l'armée qu'il commandait en Italie, défaut d'une administration naissante qui n'avait que des organes rudimentaires, incapables d'exécuter ponctuellement les ordres que donnait et redonnait le ministre[57]. Il préférait soupçonner la mauvaise volonté du cardinal, qui, appréhendant que le Roi ne s'irritât d'un tel spectacle, avait blâmé son voyage.

Le 9 septembre 1625, au moment où Louis XIII quittait enfin Monceaux, théâtre de scènes si pénibles, Richelieu lut sans plaisir ce billet royal d'une sécheresse trop éloquente : Je suis très fâché de vous écrire qu'il n'y a, à Saint-Dizier, ni trésorier ni munitionnaire et que toutes les troupes sont sur le point de se débander. Pour moi, sans cela, je n'y oserois aller à cause des cricries et des plaintes que j'aurois de tous côtés, à quoi je ne pourrois remédier[58]. Le Roi n'était pas plus satisfait le 15 à Châlons : Le courrier qui vous portera cette dépêche a la langue bonne. Si vous voulez l'écouter il vous dira force nouvelles[59]. Le Roi, en effet, n'avait trouvé ni argent, ni troupes, ni vivres[60]. Richelieu, qui prenait alors le bon air sur les hauteurs de Charonne, s'excuse ainsi le 16 septembre : Sa Majesté est trop bonne et trop juste pour me rendre responsable des défauts d'autrui, et a trop d'expérience pour ne considérer pas que jamais aux grandes affaires les effets ne répondent à point nominé à tous les ordres qui ont été donnés ; il n'y a que Dieu qui le puisse faire. Eneoro sa bonté est-elle telle que, laissant agir les hommes selon leurs infirmités, il souffre la différence qu'il y a entre leurs exécutions et leurs volontés. Le Roi sait bien que je me suis toujours inquiété des retardements des trésoriers et munitionnaires et que j'ai dit plusieurs fois publiquement dans ses conseils que ce n'étoit rien de mettre des armées sur pied, si on ne donnoit ordre de les faire payer à temps et si on ne pourvoyoit sérieusement aux vivres[61].

Deux jours auparavant, le cardinal avait rédigé un mémoire des plus clairs pour M. de Chavigny, allant au voyage du Roi : La première fin de ce voyage, expliquait le mémoire, doit être de faire défaire ou chasser M. de Lorraine et faire conduire quantité de blés à Nancy. La seconde est de faire châtier avec grand exemple tous ceux qui sont révoltés dans les méchantes places de la Lorraine et ensuite raser les lieux où ils se retirent maintenant. Pendant que MM. d'Angoulême et de La Force vont au duc Charles, il faut faire passer de Nancy le plus de blés qu'on pourra, et Vaubecourt doit travailler à réduire Saint-Mihiel et autres lieux, s'il n'est point nécessaire à MM. d'Angoulême et de La Force, comme on ne le croit pas, tant sur le rapport du sieur de Castelnau (deuxième fils de La Force) que parce que tant de troupes auroient peine à vivre ensemble. Le Roi doit aller maintenant droit à Saint-Dizier. Y étant, ou le duc Charles sera défait ou chassé ou il subsistera comme il est. S'il n'est point défait ou chassé, Sa Majesté apprendra sur les lieux ce qu'il pourra faire pour donner plus de moyens à MM. d'Angoulême et de La Force de venir à leurs fins. Si le duc Charles est défait ou lâche pied et que Saint-Mihiel ne soit point encore rendu, Sa Majesté pourra s'avancer jusque-là et faire pendre sans rémission les chefs qui seront dedans et enchaîner tous les soldats pour les galères. Saint-Mihiel rendu, soit par la présence du Roi ou auparavant, Sa Majesté doit laisser des troupes à M. de Vaubecourt pour raser le reste des petits châteaux et châtier les Lorrains soulevés de ce côté-là sous le nom de Leymont[62].

Détacher Vaubecourt, ne laisser auprès du Roi, avec les troupes d'infanterie, que douze ou quinze cents chevaux ! Louis XIII déclare qu'il ne pourra rien entreprendre, lui le Roi, contre quatre mille chevaux qui sont dans la Lorraine[63]. Vaubecourt, à peine parti, mande qu'il revient et la joie-du Roi éclate. Aussitôt, écrit Chavigny au cardinal, on a fait vingt fois les gestes des bras et des jambes que sait Votre Éminence[64].

La présence de ce loyal Vaubecourt n'expose pas Louis XIII aux mêmes dangers que celle d'un autre gentilhomme, Adrien de Montluc, comte de Cramail, fort-lié avec le comte de Soissons. C'est pourquoi Richelieu écrit à Chavigny, dont un mémoire vient de le mettre en garde contre Cramait : Si Monsieur le Comte et M. le Comte de Cramail sont capables de donner de mauvais conseils au Roi, on les peut laisser en Champagne tous deux pour s'opposer à Leymont avec les troupes destinées pour Monsieur le Cardinal de La Valette, et les Suisses de plus. Le Roi auroit avec lui Vaubecourt, Le Hallier et la Meilleraye[65].

Cramait est, en fait, un homme dangereux. Il donne des conseils dont le Roi ne tient aucun compte et qu'il dénonce au cardinal[66]. Richelieu ne songe qu'à envoyer le conseiller sur un autre théâtre de guerre : Si le Roi veut s'en défaire, il a beau prétexte, maintenant que la Prut-errée est attaquée, où Fon peut l'envoyer pour assister M. de Vitry. Et en vérité, insistait Richelieu ; je l'estimerais très à propos et nécessaire pour lui ôter le moyen de gâter l'esprit de Monsieur le Comte, qui, étant jeune, retiendroit ses impressions sa vie durant, au lieu que maintenant on peut penser qu'il est en état d'en faire quelque chose de bon[67]. Proposition qui plait extrêmement au Roi, davantage encore, n'en doutons pas, à Chavigny. Celui-ci écrit au cardinal le 29 septembre : Il est certain que le personnage est artificieux... Il est capable de tourner l'esprit de Monsieur le Comte comme il veut et de le porter à ce qui lui plaira[68]. On comprend, en lisant une telle lettre, que Chavigny ait demandé, le 21 septembre, à Richelieu la permission de mettre une grande S sur les lettres où il lui manderait quelque chose de secret et que Son Éminence ait répondu le 23 : Quand vous mettrez une S sur vos lettres, personne ne les lira. Quand je mettrai une croix sur les miennes, vous en ferez de même[69].

Ce Louis de Bourbon, comte de Soissons, qui était le cousin issu de germains de Louis XIII, craignait d'être éclipsé par la gloire naissante du Roi. Tandis que le maréchal de La Force contenait le duc Charles, qui était retranché dans son camp de Rambervillers, le comte de Soissons fit (le 28 septembre) les approches de Saint-Mihiel et reconnut que la place n'étoit pas fortifiée comme on disoit. Avec quinze cents chevaux et douze cents mousquetaires, il s'en alla à la rencontre de M. de Leymont, qui guettait le canon arrivant de Verdun (neuf lieues au nord de Saint-Mihiel), mais il ne trouva point l'ennemi. M. de Leymont et les troupes se tenaient à onze lieues des assiégeants, ils campaient dans les bois, sur la frontière du Luxembourg.

Comme cette expédition avait inquiété Louis XIII ! De Bar-le-Duc, Bouthillier mandait au cardinal le 28 septembre : Le Roi a si grande peur, si Monsieur le Comte fait quelque effet contre Leymont, qu'il en ait seul la gloire, que Sa Majesté m'a commandé d'écrire à Votre Éminence qu'il n'a entrepris le voyage qu‘il fait que sur ce qu'elle lui manda qu'il prit garde à la sûreté du canon qu'on amenoit de Verdun, et que Leymont pourvoit bien entreprendre sur le convoi qui le conduisoit, de sorte que, s'il fait quelque chose, Votre Éminence louera, s'il lui litait, la prévoyance du Roi, qui, je crois, lui en écrit[70]. Son Éminence fut égaleraient avisée que deux des valets de pied du Roi avaient attaqué seuls quinze ou vingt des ennemis, qui étaient embusqués derrière une haie, leur avaient tiré chacun un coup de fusil et, s'étant mêlés parmi eux l'épée à la main, les avaient chassés jusque dans Saint-Mihiel : C'est une nouvelle, disait Bouthillier au cardinal, que le Roi m'a recommandé expressément de faire savoir à Monseigneur. Elle allait permettre au cardinal d'être agréable au Roi[71].

Cependant le convoi de Verdun avait atteint le camp de Saint-Mihiel. Deux batteries furent dressées entre la porte du pont et la porte de Toul. M. de la Meilleraye, grand maître de l'artillerie, les commandait. A trois cents pas de là du côté du faubourg, une autre batterie était commandée par le comte de Cramail, que l'on avait renoncé à envoyer en Provence[72]. Le 28 septembre Louis XIII vint coucher au village de Kœurs, situé au bord de la Meuse, à deux lieues environ de Saint-Mihiel. Les trois batteries ouvrirent le feu le 29. Le mardi 2 octobre, deux brèches s'élargissaient dans les remparts et les troupes étaient sur le point de monter à l'assaut.

Le cardinal avait réglé lui-même les moindres détails de cet hallali : On ne dit rien des murailles, écrivait-il, parce qu'on sait bien que le Roi les a déjà condamnées. Les affaires présentes requièrent un exemple du tout extraordinaire, autrement les rébellions de la Lorraine seront si fréquentes qu'on n'en verra jamais la fin, et le Roi n'aura pas sitôt le dos tourné, qu'elles recommenceront. M. le Garde des Sceaux et vous êtes priés de tenir la main à ce qu'une fausse générosité des grands seigneurs, qui les pourroit porter à se rendre intercesseurs auprès du Roi, ne prévale auprès de Sa Majesté aux considérations si importantes à son service, comme sont celles qui requièrent la rigueur[73].

Les habitants avaient sans doute deviné les intentions du cardinal ; car, fort peu de temps avant l'heure marquée pour l'assaut, ils envoyèrent au Roi trois députés, qui lui dirent que la ville offroit de se rendre à composition. C'est à discrétion que la voulait avoir le Roi : officiers et soldats seraient prisonniers de guerre ; quant aux habitants, ils ne perdraient ni la vie ni leurs biens, sauf quinze notables que Sa Majesté se réservoit pour en faire ce qu'il lui plairoit. Elle se réservait également dix soldats. Il était bien entendu que les habitants auraient à se racheter au moyen d'une somme arbitrée par le Roi pour laquelle ils donneroient des otages qui demeureroient entre ses mains. Si ces conditions n'étoient point acceptées, Sa Majesté désiroit que l'on fit sortir les religieuses et les religieux par la porte du port, et ce dans deux heures, afin d'éviter la furie des soldats[74].

La demi-mansuétude du Roi avait ses raisons : la marche de Gallas, qui approchait de Metz ; aux environs de cette ville s'était retiré le cardinal de La. Valette, que Louis XIII voulait renforcer de six mille hommes et de douze cents chevaux ; ou avait le désir de conserver les blés et les chariots accumulés dans Saint-Mihiel, et qui, si la ville était prise d'assaut, disparaîtraient au milieu du pillage et de l'incendie ; de plus, la moitié de l'artillerie amenée de Verdun à grand peine, venait d'éclater : Des quatre canons que nous avions, mande Louis XIII à Richelieu, il s'en est éventré deux dès les premiers quarante coups, ce qui a été cause que je n'ai osé m'opiniâtrer à avoir tous les habitants à discrétion[75].

Mais Séguier, garde des sceaux, et les deux Bouthillier songeaient avec angoisse aux ordres du cardinal ; ils crurent devoir insinuer à Louis XIII que la capitulation ne serait point violée si l'on envoyait aux galères tous ces misérables.

Déjà l'on expédiait l'ordonnance, lorsque M. de La Ville-aux-Clercs entra dans le cabinet du Roi : A Dieu ne plaise que je sois de votre avis, déclara-t-il, car c'est là une injustice qui crie vengeance devant Dieu et devant les hommes. A l'autre bout de la chambre, Louis XIII a entendu ces paroles. Il proteste avec colère : Vous blâmez volontiers ce que les autres font et cela me paroit surprenant en ce que j'ai suivi l'avis de tous ceux de mon Conseil. — Sire, répond La Ville-aux-Clercs, ce sont là les avis de ceux qui portent la robe et qui savent bien qu'ils ne peuvent être exposés à une pareille disgrâce ; mais s'il plaisoit à Votre Majesté de me permettre d'aller prendre les voix de ceux de sou Conseil qui sont d'épée, je suis assuré qu'ils condamneroient tout ce qui a été arrêté, et vous feroient de très humbles supplications pour la révocation d'un tel ordre. Les pauvres malheureux qui sont prisonniers peuvent être échangés contre d'autres et gardés tant et aussi longtemps qu'il plaira à Votre Majesté, mais ils ne doivent être soumis à aucune peine afflictive, ni même être maltraités, puisqu'ils se sont rendus prisonniers de guerre[76].

Que pouvait l'éloquence de La Ville-aux-Clercs ? Les conseillers de Richelieu étaient implacables. Louis XIII, fort de leur avis, continua de faire expédier son ordonnance, qu'il dicta lui-même[77]. L'intervention du sous-secrétaire d'État ne fut cependant pas complètement inutile. Le Roi n'osa point aller contre l'opinion de tous messieurs les Chefs qui étoient près de lui et représentèrent, expliqua Bouthillier au cardinal, que si on en faisoit mourir, il ne falloit plus espérer que les ennemis fissent un autre traitement aux nôtres[78].

Le 6 octobre 1635, Chavigny s'excusait en ces termes auprès du cardinal : Ces Messieurs les chefs qui sont acquis au Roi ont tant crié aux oreilles de Sa Majesté, que nous n'avons pu empêcher qu'elle n'ait donné la vie aux dix de la garnison qu'elle s'étoit réservé. Ils sont été si malicieux que de dire que c'est manquer à la capitulation que d'envoyer les soldats aux galères. Néanmoins on ne lairra pas de les faire conduire jusqu'à Chatons et de les mettre sur l'eau pour les mener à Paris[79]. Louis XIII s'excusait comme Chavigny : Tous nos grands seigneurs, avait-il écrit le 2 octobre au cardinal, en lui annonçant la prise de Saint-Mihiel, ont bien crié contre moi de quoi je les traitois si durement[80]. Et quelques jours plus tard, il avait ajouté : Il seroit à propos qu'on fit savoir des nouvelles à Renaudot, pour l'empêcher de dire quelque sottise[81].

Le Roi eut la satisfaction d'être approuvé par son ministre. Richelieu répondit aussitôt : Ce qu'il a plu à Votre Majesté accorder par la capitulation est très judicieux, puisqu'il ne l'empêche point de retenir tous les chefs de guerre prisonniers et d'envoyer tous les soldats aux galères, de faire châtier quelques habitants des plus factieux, faire payer cent-mille écus à tous les autres et entretenir deux cents chariots six mois durant, selon que le gentilhomme de Votre Majesté nous a rapporté. Je la supplie au nom de Dieu de ne se relâcher point de ce premier dessein, qui est nécessaire à sa réputation et au bien de ses affaires, que, sans cette douce rigueur, on sera toujours à recommencer. J'ai envoyé un petit mémoire à Renaudot ; je veux croire qu'il ne m'aura pas prévenu. Connaissant comme je fais Votre Majesté, je me représente vivement l'impatience dans laquelle elle est déjà de faire un coup de maître, auprès du duc Charles. Je prie Dieu de tout mou cœur qu'il réussisse, afin que Votre Majesté puisse en revenir avec autant de gloire et de contentement que lui en souhaite, etc.[82]

Coup de maître, il s'agissait bien de cela. Louis XIII venait de se résoudre à regagner Saint-Dizier : Je ne sais, écrivait-il à Richelieu, le 4 octobre 1635, avec quel visage j'aborderoi Paris, ayant fait si peu de chose ; je cherche consolation partout, mais je ne la peux trouver qu'en Dieu et, après, en vous[83]. Dans une autre lettre, il laisse percer la crainte d'être desservi auprès de son ministre et il ajoute : Monsieur le Comte s'en va à Paris, qui nous doit tailler en pièces auprès de vous, M. de Bouthillier, Saint-Simon et moi, et ce sans aucun sujet, je vous prie de ne les vouloir croire et garder une oreille pour les absents[84].

Louis XIII n'avait pas tort de s'inquiéter, car, le même jour, Richelieu mandait à Chavigny : Je vous avoue que le dégoût qu'a pris Monsieur le Comte de n'avoir pas été appelé au Conseil où MM. le Cardinal de La Valette et de La Meilleraye, — qui ne sont pas de celui des affaires, — ont assisté, n'est pas sans fondement. J'estime que cela mérite quelque petite réparation, que le Roi peut faire par simples caresses, et vous en lui parlant de l'affaire comme étant arrivée par méprise[85].

Une des raisons qui motivaient la retraite du Roi était le mouvement que venait de faire l'armée du duc d'Angoulême et du maréchal de La Force. Durant de longs jours, les deux généraux étaient restés en observation dans leur poste de Baccarat, surveillant le duc Charles, qui était retranché dans Rambervilliers[86] ; mais apprenant que la cavalerie de Gallas s'était avancée jusqu'aux environs de Metz et craignant, qu'appuyée de celle du duc Charles, elle ne réussit à l'es empêcher de joindre l'armée du Roi et ne leur coupât les vivres[87], Angoulême et La Force avaient jugé raisonnable de se rapprocher de Lunéville et de Sa Majesté. Manœuvre qui leur avait attiré, de la part du cardinal, cette verte semonce : Étant votre ami et votre serviteur comme je suis, je ne puis que je ne vous témoigne le déplaisir que j'ai de la résolution que vous avez prise de vous retirer du poste de Baccarat, laquelle est trouvée si étrange par tout le monde, qu'il m'est impossible de la défendre, vu qu'elle est capable de porter un grand préjudice au service du Roi, qui, au même temps de votre retraite, vous envoyoit le renfort que vous aviez désiré, pour, serrant le duc Charles de l'autre côté, lui ôter tout à fait les vivres et le contraindre de quitter son camp[88].

A présent que Gallas et les Impériaux se rapprochaient, eux aussi, de l'armée royale, Chavigny estimait qu'on ne pouvait retenir davantage au camp de Kœurs le Roi, désespéré de cette marche de l'ennemi. Il ne manquait pas de gens pour dire à Louis XIII combien on s'étonnoit que Sa Majesté se fût avancée si légèrement[89]. De tels discours visaient indirectement le cardinal : Chavigny s'efforçait de combattre leur influence en répétant. C'est Votre Majesté seule qui a voulu entreprendre ce voyage ; Son Éminence n'y a consenti que pour ne pas passer dans son esprit pour personne qui voulût l'empêcher d'acquérir de la gloire[90]. Le Roi partit pour Saint-Dizier ; il devint bientôt difficile de l'y retenir. Selon l'énergique expression du même Chavigny, le débandement des troupes de l'arrière-ban le mettoit en cervelle[91]. Le 8 octobre 1635, malgré l'avis du cardinal[92] il quittait Saint-Dizier. Chavigny écrivait à Son Éminence : La mélancolie a été la plus forte et Sa Majesté prend résolution d'aller à Vitry. Il y a à souffrir beaucoup de peine avec une humeur comme celle du Roi, je' suis au désespoir de voir ses mélancolies et de ce qu'on n'y peut remédier, parce qu'aussitôt qu'il les a, ses bouffements de ventre le prennent et son visage change tout à coup. Il veut faire connaître devant le monde qu'il a du courage et qu'il veut aller contre les ennemis ; mais c'est d'unes façon qu'il n'y a personne qui ne connaisse ce qu'il en est[93].

Quelques jours plus tard, une lettre de consolation, sollicitée de Richelieu par Chavigny, tenta de donner la vie à Louis XII : Je conjure Votre Majesté au nom de Dieu, écrivit le cardinal, le 10 octobre, de ne s'affliger point et s'assurer que, quand elle reviendra deçà elle sera vue de Paris et de tout le monde, ainsi qu'elle l'a été par le passé, comme le meilleur maître qui puisse être. Nous avons déjà pensé à ce qu'il faut dire et écrire dans le Royaume et dans les pays étrangers sur votre retour : savoir est que Votre Majesté, s'étant avancée pour calmer la sédition de la Lorraine et pour amasser une puissante armée et par après en renforcer le cardinal de La Valette et MM. d'Angoulême et de La Force, a jugé à propos, pour le bien de son service, de revenir au centre de ses affaires, pour envoyer les ordres nécessaires en tous les autres endroits et préparer de nouvelles forces pour le printemps. Votre Majesté ne se mettra donc point en peine[94].

Lorsque ces lignes sédatives parvinrent à Saint-Dizier, Louis XIII s'y trouvait encore. On dit pu croire qu'il consentait à y demeurer ; mais sa résolution apparente ne trompait nullement le regard exercé de Chavigny : Quelque mine que fasse le Roi, mandait le sous-secrétaire d'État au cardinal le 13 octobre, il a grande envie d'être auprès de Monseigneur, mais je ne fais pas semblant de le connoître, parce qu'il n'en parle pas ouvertement à cette heure. Néanmoins il m'a commandé ce matin d'écrire à Son Éminence pour savoir ce qu'il fera des troupes qu'il a et qui lui viennent encore, quand il s'en ira[95]. En dépit de deux médecines ordonnées par Bouvard, Louis XIII continuait d'éprouver, dès la moindre contrariété, les malaises physiques les plus pénibles.

Le marquis de Lenoncourt, les sieurs de Vigneul, Salins et Mauclerc, que le Roi avait envoyés à la Bastille, y arrivèrent sans encombre ; mais sur les mille soldats lorrains destinés aux galères de Toulon, qui manquaient de rameurs, sept cent cinquante s'évadèrent. Les soldats des gardes, qui veillaient sur eux, réprouvaient le châtiment cruel qui leur était infligé ; d'ailleurs il n'y avait de chaînes que pour cent cinquante et les gardes n'étaient pas insensibles à l'argent que pouvaient avoir conservé les futurs galériens : Le déplaisir qu'eut le Roi de ceux qui se sauvèrent, écrivit Chavigny à Richelieu, lui a donné une colique bilieuse cette nuit[96].

Le lendemain 14 octobre, Louis ZIII s'en allait à Vitry-le-François avec ses gardes, ses Suisses, gendarmes, chevau-légers et mousquetaires et, le 15, Chavigny se hâtait d'annoncer au cardinal qu'il s'y croyoit à présent inutile et qu'il faisoit état de s'en aller droit à Saint-Germain. Néanmoins, ajoutait Chavigny, si vous estimez qu'il soit nécessaire qu'il séjourne quelque temps à Châlons ou à Château-Thierry il le fera. Mais il n'y a eu moyen de le faire attendre que jusqu'à ce que la réponse de Votre Éminence arrive. C'est à Monseigneur, plus prudent que tous les hommes du monde, à la faire telle qu'il lui plaira, mais surtout il aura agréable que ce soit promptement, car il connoît les impatiences qui succèdent d'ordinaire aux mélancolies[97].

Le plus prudent de tous les hommes ne voulut pas s'y exposer même de loin ; il donna sur-le-champ l'exeat : Si Dieu, écrivit-il le 17 octobre, m'avoit donné autant de force comme j'ai de volonté de servir Votre Majesté, je m'offrirois à aller la servir en Champagne en son absence. Mais expérimentant tous les jouis qu'un chemin de quatre lieues, quoique en litière, et un travail de quatre heures de suite me changent en un instant en quelque bonne disposition que je sois, je ne saurois lui offrir que ma bonne volonté[98].

Le 22 octobre 1635, vers une heure de l'après-midi, le cardinal, dans sa maison de Rueil, attendait le Roi. Louis XIII, qui avait séjourné à Châlons le 18 (pour prendre médecine), couché à Baye chez M. de Lorme[99] le 19, à La Ferté-sous-Jouarre le 20, à Livry le 21, achevait alors de liner au pont de Neuilly. Richelieu savait qu'il allait arriver dans quelques moments, s'arrêter à Rueil, avant de rentrer à Saint-Germain. Dans quelques moments, le Roi et le ministre allaient agiter les questions les plus graves, causer de la jonction du duc Charles de Lorraine et de Gallas, qui était un fait accompli. Il y avait aussi l'affaire de Cramail[100], l'un de ces éternels intrigants qui, le pied dans les deux camps, donnaient tant de mal au cardinal. Pour celui-ci comme pour Bassompierre, un séjour salutaire serait la Bastille.

Voici Sa Majesté. On juge si Cramait fut épargné dans l'entretien qui suivit et dans ceux du lendemain et du surlendemain : Si, déclarait Richelieu, le prince dans l'État duquel il se trouve des esprits assez hardis pour médire de sa conduite, murmurer de son gouvernement, déchirer ceux qu'il emploie dans l'administration de ses affaires, ralentir ses desseins par tells procédures, ne les châtie sévèrement, il fait mal selon Dieu et, ôtant le moyen à ceux qui le servent fidèlement de le l'aire utilement, il s'expose à se perdre soi-même. Il faut, en telles occasions, pratiquer vertement ce que les préceptes de la politique font connaître être du tout nécessaire et ce que les maximes de la théologie enseignent être permis.

Au Conseil, le 24 octobre, le cardinal avait si bien endoctriné tout le monde, que Monsieur lui-même, assis non loin de Sa Majesté, criait haro sur le baudet : Il y a, expliquait l'incorrigible rebelle, ce bavard et léger Gaston, beaucoup de gens qui pensent avoir tout fait quand ils exposent leur vie pour Leurs Majestés et qui, servant. de leur épée comme on le peut désirer, usent de leur langue à leur mode en pestant et décriant les affaires qu'ils soutiennent au péril de leur vie[101]. Richelieu approuvait Monsieur.

Cramail était à la Bastille depuis quelque vingt-quatre heures. Comme Bassompierre, il allait y rester jusqu'à la mort de Richelieu. On gagnait ainsi la paix, bonne pour le ministre, bonne pour le Roi.

Cependant le cardinal de La Valette, le duc de Saxe-Weimar, le duc d'Angoulême et le maréchal de La Force, tenant conseil Nancy, avaient résolu de joindre leurs armes pour s'opposer à celles de Gallas et du duc Charles de Lorraine. Ces deux armées ennemies étaient campées non loin de Metz, entre le grand étang de Lindres et celui de La Garde, en un lieu éminent, fort avantageux, où elles avoient fait de grands retranchements, ayant leurs quartiers derrière au bourg de Maizières, fort proche de là[102]. Impossible de les forcer dans leurs lignes bastionnées, que défendaient de distance en distance des forts garnis de canons. Trois jours durant, les généraux du Roi offrirent la bataille ; ils allèrent meule jusqu'ales contraindre de quitter l'un de leurs logements, qui fut incendié : Inférieurs en nombre, Impériaux et Lorrains n'osèrent sortir.de leurs lignes et se mesurer avec les quarante mille hommes qui les bravaient. Ceux-ci durent bientôt se rapprocher de Vic et Moyenvic pour trouver du pain.

Le 12 novembre, le duc d'Angoulême fut rappelé par le Roi. Trois jours plus tard, le cardinal de La Valette avertit La Force que Gallas, affamé dans ses retranchements, avait décampé. Les ennemis épuisés s'emparèrent cependant des villes de Deux-Ponts et de Saverne et ils passèrent le Rhin sans qu'il fût possible de les poursuivre. Le duc Charles, de son côté, se retira au long des montagnes pour s'en aller vers la Franche-Comté.

Le maréchal de La Force passa la Moselle pour couper chemin au Duc, s'il prenoit sa marche vers Remiremont, comme le bruit en étoit. Aidé de Jean de Gassion, alors colonel, qui s'empara de Charmes et fit capituler Neufchâteau, il contraignit de se rendre Vézelize et, à la frontière du comté de Bourgogne, Vaudemont qui, sur sa montagne de rocher, se croyait imprenable. Après ce coup-là disent les Mémoires du vieux guerrier, tout le pays se trouva délivré jusqu'aux montagnes de l'Alsace, n'y restant plus de places ni troupes ennemies[103].

Seules y demeurèrent dans les limites de la Franche-Comté, à Toul et sur la Moselle, les troupes du maréchal de La Force, du cardinal de La Valette et du duc de Weimar, installées dans leurs quartiers d'hiver.

A Rueil, Richelieu, bien qu'on eût libéré la Lorraine, restait déçu tout comme Louis XIII à Saint-Germain. Ses Mémoires le disent : Ces deux grandes armées du Roi qui étoient capables de ruiner les Impériaux et les chasser honteusement au delà du Rhin ne firent autre chose que se tenir sur la défensive et les empêcher d'entrer dans la France ; la jalousie des chefs, fatale à la France, en fut une des principales causes. Le maréchal de La Force, vieilli dans les armées, croyoit mériter qu'on (Mt confier à lui seul le commandement de l'année, ne considérant pas que la religion qu'il professoit, qui est en mauvaise odeur, en ôtoit au Roi le moyen, afin que les Lorrains ne crussent pas qu'on voulût établir l'hérésie parmi eux. Il n'avoit pas moins de jalousie du cardinal de la Valette, qui commandoit une autre armée qu'il estimoit être traitée plus favorablement que la sienne. Il n'y avait pas plus d'intelligence entre les maréchaux de camp, lesquels commandant chacun à son jour, chacun d'eux craignoit que son compagnon en fit davantage en celui auquel il commandoit qu'il n'avait fait au sien. Et, passant en revue les défauts qui avaient compromis le succès de la campagne, n'oubliant ni l'indiscipline de la noblesse, ni l'insolence des gendarmes et chevau-légers du Roi, ni le vain tumulte de l'arrière-ban, qui ne demandoit qu'à combattre, mais dont le désir était si précipité qu'il ne voulait pas se donner la patience que l'on en pût prendre l'occasion, le cardinal concluait, non sans amertume : Tous ces manquements avoient leur première et originelle Cause dans l'aversion qui étoit encore dans les esprits à cause de la division de la Reine mère avec le Roi, qui avoit fait naître dans les cœurs de la plupart une haine secrète contre le gouvernement, de sorte qu'il y en avoit presque autant en notre armée qui eussent désiré que l'ennemi eût emporté l'avantage sur nous, qu'il y en avoit qui souhaitoient que le succès fût à la gloire du Roi[104].

On n'était pas plus heureux sur la Méditerranée. Le 13 septembre 1635, dès huit heures du matin, la flotte espagnole avait paru au large de Nice : vingt-deux galères et un brigantin doublant le cap Saint-Hospice, grossissant rapidement à l'horizon. Le marquis de Santa-Cruz, qui les commandait et qui avait pour seconds le duc de Ferrandina et le chevalier de Brancossio, cinglait-vers les îles de Lérins. M. de Chasteuil, chargé-de la défense du littoral par le maréchal de Vitry, gouverneur de Provence, les aperçut du haut de son donjon de Châteauneuf. Il fit alerter tous les villages, monta à cheval, accourut à Cannes, dont les habitants, qui déjà s'apprêtaient à fuir dans les montagnes, ne s'arrêtèrent qu'à sa voix. Par ses soins, au pied de la petite ville, le rivage se hérissa de, talus, des fossés se creusèrent que gai-mirent des mousquetaires. A fa pointe d'une langue de terre plate comme un radeau, le fort de la Croisette avançait sur la mer immobile ses bastions et ses tours vers le fort de l'île Sainte Marguerite.

Cependant, bien plus encore que M. de Chasteuil, Jean de Bénévent, sieur de Marignac, gouverneur de File Sainte-Marguerite, s'inquiétait des navires ennemis qui couvraient la mer. Déjà les troupes de débarquement s'aventuraient dans l'Ile. Un homme, dépêché par lui à la nage vers M. de Chasteuil, lui rapporta la promesse d'un secours qui devait arriver la nuit même, promesse. qui fut tenue. Trois cents hommes, pilotés par le patron Grégoire, firent voile vers l'île ; mais, à mi-route, un autre nageur les héla et leur apprit la capitulation du fort de Sainte-Marguerite, d'où M. de Marignac était sorti avec armes et bagages. Le lendemain c'était au sud de Sainte-Marguerite, Saint-Honorat, l'île des moines, qui était envahie par les troupes d'Espagne ; le 15 septembre, M. d'Uzech, commandant du fort Saint-Honorat, se rendait à son tour, malgré les insistances de l'Abbé, dom Honoré Clary d'Ubraye, mais n'obtenait pas des Espagnols, exaspérés sans doute de sa résistance, les honneurs de la guerre. Qu'eût-il pu l'aire avec cent hommes et des murailles qui n'étaient pas à l'épreuve du canon ?

Il n'en était pas de même, heureusement, des murailles du fort de la Croisette, à Cannes. Les Espagnols jugèrent vite la côte inabordable et renoncèrent à l'attaquer, mais ils s'établirent fortement dans les îles de Lérins. Les quelques moines demeurés dans l'abbaye de Saint-Honorat, — il y en eut jusqu'au 15 mai 1636, — virent les jardins et les parterres faire place à des fortifications, les chapelles de la Trinité, de Saint-Cyprien, de Saint-Michel, du Saint-Sauveur et de Saint-Capraise se remplir de terre, se transformer en bastions, tandis que d'autres bastions plus massifs et des fossés venaient ceinturer le tour du monastère. Au large des deux îles, une trentaine de galères, qui n'osaient toutefois s'aventurer dans l'étroit chenal, sous les calions du fort de la Croisette. Si les iles avaient été aussi bien fortifiées, lorsqu'elles étaient défendues par leurs commandants, que M. de Chasteuil avait fait emprisonner à Aix, mais où le Parlement les acquitta, elles n'eussent pas cessé d'appartenir au Roi Très Chrétien[105].

Tout cela ne m'étonne point, grâce à Dieu, écrivait le cardinal à Chavigny, le 21 septembre, pourvu que le Roi se porte bien et qu'il soit en bonne humeur[106]. Mais il veillait, il mandait à Servien, le 30 novembre, à trois heures du matin : Ayant vu les avis qui portent que les dix-huit galions d'Espagne viennent aux îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorat et qu'ils ont, outre leur infanterie, quatre ou cinq cents chevaux, il est certain que ce n'est qu'avec dessein de descendre en la grande terre[107].

En Valteline, l'ancien rebelle, le duc de Rohan, avait chassé les Impériaux et les Espagnols[108] ; en Italie, le duc de Créqui s'était emparé du fort milanais de Vilate, de Candia et de Sartiana, mais il avait échoué près d'Alexandrie, devant Valenza. Le duc de Savoie, qui ne voulait ni déplaire à Louis ni mécontenter, par trop Philippe IV, avait rejoint à contrecœur le maréchal sous les murs de la ville. Le 14 octobre 1635, il avait déclaré à M. d'Hémery, l'envoyé du cardinal : Si dans dix jours je n'ai des nouvelles de France, comme vous me le promettez, qui me feront voir quel soin on prend de ces affaires et quelles troupes on y destine, je sais le chemin par lequel je suis venu. Sur les observations à lui présentées par M. d'Hémery, le Duc avait renoncé à partir. La mésintelligence n'en régnait pas moins entre lui et le maréchal : impossibilité de s'entendre sur le jour où l'on attaquerait Valenza, impossibilité de savoir si le maréchal avait l'intention de prendre la place. Et cependant un parti de quatre cents Espagnols s'y était introduit... avec la connivence du duc de Savoie, insinuait Créqui, — à cause de la négligence de Créqui, répliquait le Savoyard[109]. Le 28 octobre, le maréchal levait le siège. Échec dei à son humeur altière, que Victor-Amédée ne pouvait souffrir, et à la suite duquel le cardinal se souvenait d'avoir écrit à l'incompatible Picard : Je vous prie de deux choses, l'une de conserver le zèle et l'ardeur que je sais que vous avez de faire quelque chose de bon et avantageux au service de Sa Majesté, l'autre de perdre un peu du feu que la Picardie met dans la tête de ceux qui naissent en sort climat[110].

La frontière du nord réservait au cardinal, pour l'année suivante, bien d'autres tourments.

 

 

 



[1] Jean de Schetandre, Tyr et Didon, Acte I, Ed. Harahgdi, p. 43.

[2] Traité des Usurpations des Rois d'Espagne sur la Couronne de France, p. 1-55.

[3] Balthasard, Discours sur le commencement, progrès et déclin de l'ancienne monarchie française, droits et prétentions des Rois Très Chrétiens sur l'Empire, p. 56-103.

[4] Hauser, La Prépondérance espagnole (1559-1560), p. 109.

[5] Earl J. Hamilton, American Treasure and the price Revolution in Spain, 1501-1650, p. 17-23.

Le peso valait, selon M. Hamilton, 450 maravédis (table I, p. 34).

[6] Martin Hume, La Cour de Philippe IV et la décadence de l'Espagne, p. 167-169, traduction Condamin et Bonnet.

[7] Martin Hume, p. 169-170.

[8] M. J. Earl Hamilton, American Treasure and the price Revolution in Spain, 1501-1650 (Harvard University press, 1934), p. 73.

[9] M. J. Earl Hamilton, American Treasure and the price Revolution in Spain, 1501-1650, p. 81 et suivantes.

[10] Voir les tables publiées par M. Hamilton à la page 42 de son livre. Durant la période 1621-1630 les importations d'argent se montèrent à 2.145.339.053 grammes d'argent et 3.889.760 grammes d'or ; durant la période 1631-1640 l'Espagne n'importa plus que 1.306.759.594 grammes d'argent et 1.240.400 grammes d'or.

[11] Gossart, L'Auberge des Princes, p. 50 et suivantes.

[12] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 575.

[13] Mercure françois, t. XX, 2e partie, n. 931.

[14] Gossart, L'Auberge des Princes.

[15] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 30-32.

[16] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, Notes, et Cazette de 1635, p. 289 et suivantes.

[17] Archives des Affaires étrangères, France 814, f° 101 et suivants. Quelques phrases publiées par Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 32, notes.

[18] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 35-36.

[19] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 48.

[20] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 73.

[21] Mercure françois, t. XX, 2e partie, p. 933-939.

[22] Levassor, Histoire de Louis XIII, t. IV, p. 719-721.

[23] Les Vérités françoises opposées aux calomnies espagnoles, t. I, p. 21-26.

[24] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 309.

[25] Mercure françois, t. XXI, p. 22.

[26] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 92.

[27] E. Charavay, Collection et lettres autographes et documents historiques sur le règne de Louis XIII, p. 86.

[28] Mémoires du Cardinal de Richelieu (éd. Petitot), t. VIII, p. 380.

[29] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 605.

[30] Mémoires du Cardinal de Richelieu, éd. Petitot, t. VIII, p. 386.

[31] Mémoires du Marquis de Montglat, t. I, p. 92.

[32] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 51.

[33] Mémoires du Duc de La Force, t. III, p. 122, 125, 126, 527.

[34] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 51, 52.

[35] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 58.

[36] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 56 et notes.

[37] Affaires étrangères, Collection Baret.

[38] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. VI, p. 54-55.

[39] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 59, notes.

[40] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 59, notes et p. 93.

[41] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 85-86, notes.

[42] Affaires étrangères, Louis XIII à Richelieu.

[43] Noisy-le-Grand, à quatre lieues au sud de Noisy-le-Sec.

[44] Gazette de 1635, p. 48.

[45] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 150-154.

[46] Relations envoyées par M. le Maréchal de La Force de ce qui se passa entre l'armée du Rhin et celle de M. de Lorraine, le 24 mai 1635. Archives des Affaires étrangères. Mémoires et documents, France 814, folios 89 et suivants.

[47] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 92.

[48] Mémoires du Duc de la Farce, Maréchal de France, t. III, p. 138 et 148.

[49] Bouthillier à Richelieu, 1er septembre 1635, Archives des Affaires étrangères, France 815, folio 150.

[50] Lettres de Louis XIII au cardinal de Richelieu, Archives des affaires étrangères.

[51] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 156, et Affaires étrangères, France 815, folio 137.

[52] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 156, et Affaires étrangères, France 815, folio 137.

[53] Voir ce qu'en dit Chavigny. Affaires étrangères, France 815, folio 157.

[54] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 611-612.

[55] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 614.

[56] Archives des Affaires étrangères, France 168, folios 168 et suivants. Quelques passages ont été publiés par Avenel, t. V, p. 159-160.

[57] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 16.

[58] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 161, note.

[59] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 199.

[60] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 199.

[61] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p, 231.

[62] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 213-214. François de Savigny, sieur de Leymont, beau-frère de Vaubecourt, était demeuré fidèle au duc Charles : Ayant tout le pays à sa dévotion, il avait assemblé douze cents Lorrains, qu'il avait jetés dans Saint-Mihiel, tandis que lui-même s'avançait en Luxembourg avec la cavalerie. Mémoires du Duc de La Force, Maréchal de France, t. III, p. 149.

[63] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 215-216.

[64] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 161.

[65] Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 246 et suivants. Publié en partie par Avenel, t. V, p. 252.

[66] Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 246 et suivants.

[67] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 260-261.

[68] Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 274 et suivants. Lettre publiée en partie par Avenel, t. V, p. 253, note.

[69] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 255.

[70] Affaires étrangères, France 815, folios 262 et suivants. Voir dans Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 203, la lettre du Roi sur Cramail, descendant de Montluc. Sur la conduite du comte de Soissons, qui devait mourir en combattant contre le cardinal à la Marfée, voir t. IV.

[71] Affaires étrangères, France 815, folios 262 et suivants. Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 203.

[72] Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 274 et suivants.

[73] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 618.

[74] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 273 note.

[75] Bouthillier à Richelieu. Archives des Affaires étrangères, France 81.5, folios 300 et suivants.

[76] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 616.

[77] Bouthillier à Chavigny, 8 octobre 1635. Archives des Affaires étrangères France 815, folios 300 et suivants.

[78] Affaires étrangères, France 815, folios 300 et suivants.

[79] Affaires étrangères, France 815, folios 303 et suivants.

[80] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 204.

[81] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 204.

[82] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 619.

[83] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 206. Sur les ennuis causés au Roi par la noblesse de l'arrière-ban et les bourgeois possesseurs de fiefs, voir notre t. IV.

[84] Comte de Beauchamp, Louis XIII d'après sa correspondance avec le Cardinal de Richelieu, p. 208.

[85] Voir la lettre de Chavigny aux Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 308 et suivants, et la réponse du ministre dans les Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 285 et les notes.

[86] La Force au Roi, 24 septembre 1636 (Archives de La Force).

[87] Archives de La Force, 2 octobre 1635. Lettre datée de Lunéville.

[88] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 946.

[89] Archives des Affaires étrangères, France 813, folios 332 et suivante.

[90] Archives des Affaires étrangères, France 813, folios 332 et suivants.

[91] Chavigny à Richelieu, 9 octobre 1635. Archives des Affaires étrangères, France 815, folios 324 et suivants.

[92] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 283.

[93] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 283, note 1.

[94] Père Griffet, Histoire du Règne de Louis XIII, t. II, p. 622.

[95] Chavigny à Richelieu, 13 octobre 1635. Archives des Affaires étrangères, France 813, folios 332 et suivants.

[96] Archives des Affaires étrangères. France 813, folios 332 et suivants.

[97] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 325, note 2.

[98] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 323-326.

[99] Père de Marion de Lorme.

[100] Voir Duc de La Force, Histoire et Portraits, deuxième série, p. 107-117.

[101] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 330-336.

[102] Mémoires du Duc de La Force, Maréchal de France, t. III, p. 159.

[103] Mémoires du Duc de la Force, Maréchal de France, t. II, p. 162-166.

[104] Mémoires du Cardinal de Richelieu, t. VIII, éd. Petitot, p. 422-425.

[105] Henry Moris, L'Abbaye de Lérins, p. 255-258.

[106] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 259.

[107] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 363.

[108] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 383.

[109] Gabriel de Mun, Richelieu et la Maison de Savoie, p. 81-88.

[110] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. V, p. 350, Picra cardia = Picardia.