HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

L'ORDRE DANS LA MAISON

CHAPITRE TROISIÈME. — RICHELIEU ET LES PARLEMENTS.

 

 

Autorité traditionnelle des corps judiciaires.

Nous avons dit à quel point Richelieu se préoccupa de rallier à son ministère, à sa fortune, à ses actes le sentiment du pays. La faveur du Roi n'était, il le savait, un appui ferme que si elle était soutenue par l'opinion.

Mais cette opinion, qui donc avait qualité pour la représenter, pour élever la voix en son nom ? Après les guerres de Religion et après la Ligue, il n'y avait plus, dans le Royaume, d'organisme jouissant pleinement d'une telle autorité. Les États généraux, s'étant laissé entraîner vers les partis hostiles à la dynastie et vers les complicités étrangères, avaient perdu leur antique prestige et la dernière assemblée des États, celle de 1614, avait abdiqué, par impuissance, entre les mains de la Royauté[1].

Dans les premiers temps de son ministère, Richelieu avait convoqué l'assemblée des notables et il avait recouru aussi à certaines réunions de personnages qualifiés ; mais, n'y ayant guère rencontré qu'esprit de corps, esprit de classe, et non cet esprit public qu'il cherchait, il n'avait pas renouvelé l'épreuve.

Par l'abondante publication de brochures, de libelles, de feuilles d'avis, par la périodicité du Mercure français (et bientôt par la Gazette de Théophraste Renaudot), ses écrivains — les hommes de l'Académie Gazétique comme disait Morgues, — répandaient et défendaient ses idées ; mais les libelles contraires, distribués à profusion par ses adversaires et par l'étranger, le combattaient avec acharnement, et la gravité des problèmes, l'autorité des raisons se perdaient dans le tumulte de polémiques passionnées et grossières.

 

Restait un corps constitué, le Parlement de Paris, qui réclamait, en vertu d'un antique usage, un certain contrôle sur les actes du pouvoir. Rien ne prêtait davantage à la discussion et à la confusion que cette position prise et soutenue avec un entêtement souvent blessant par la Cour de Justice, qui n'était en somme, qu'une section détachée du Conseil royal.

La revendication des parlementaires avait son origine dans la nécessité où se trouvait le gouvernement royal de donner une publicité officielle aux actes du pouvoir. Outre que la loi, et l'interprétation d'icelle dépend de l'autorité des juges, dit Omer Talon, défenseur ardent du parlementarisme renforcé, c'est le Parlement qui donne autorité aux lois nouvelles en les faisant inscrire dans les registres consacrés et en confiant à un corps judiciaire la mission de les appliquer[2]. D'où le Parlement concluait à un droit de critique sur les ordonnances et édits royaux. Le refus d'inscrire sur le registre ou un simple retard dans cette formalité était une sorte de veto. Dans cette forme solennelle, chère aux robins, les observations présentées par la Cour étaient qualifiées de remontrances. Les parlementaires se déclaraient ainsi les représentants du peuple en l'absence des États généraux ; ils se qualifiaient eux-mêmes : États généraux au petit pied.

Les régaliens, au contraire, prétendaient bloquer la Cour dans sa compétence judiciaire, n'acceptant, tout au plus, de sa part, que de très humbles avis présentés au Roi, à genoux, le Prince étant seul martre et juge en son Royaume et ne devant compte de ses actes qu'à Dieu et à sa conscience.

Les deux thèses opposées se sont rarement exprimées avec plus de force et de clarté qu'au moment où, en proclamant la majorité de Charles IX, le chancelier de L'Hôpital présenta à la Cour, pour qu'il fut enregistré, le quatrième Édit de pacification. On y avait introduit un certain principe de tolérance. Le Parlement de Paris avait refusé l'enregistrement. Il députa le président Christophe de Thou, Nicolas Prévôt, président des Enquêtes, et le conseiller Guillaume Viole pour représenter : qu'aucun édit ne devoit passer en aucun Parlement du Royaume sans avoir été préalablement vérifié à celui de Paris ; que l'édit sur la majorité du Roi portoit que les huguenots auroient liberté de conscience ; mais qu'en France il ne devoit y avoir qu'une religion ; que le même édit ordonnoit à tout le monde de déposer les armes, mais que la ville de Paris devoit être toujours armée parce qu'elle étoit la capitale et la forteresse du Royaume. Instruit par sa mère et par le chancelier, le Roi, quoique jeune encore, répondit : Je vous ordonne de ne pas agir avec un Roi majeur comme vous avez fait pendant sa minorité ; ne vous mêlez pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connoître ; souvenez-vous que votre compagnie n'est établie par les Rois que pour rendre la justice selon les ordonnances du souverain. Laissez au Roi et à son Conseil les affaires d'État ; défaites-vous de l'erreur de vous regarder comme les tuteurs des Rois, comme les défenseurs du Royaume et comme les défenseurs de Paris[3].

Henri IV, qui connaissait son droit, ses hommes et son terrain et qui savait quel ton il faut prendre pour se faire obéir, avait tranché dans le vif, alors que le Parlement tardait à enregistrer l'Édit de Nantes : La nécessité m'a fait faire cet édit. Je suis Roi et je parle en Roi. Je veux être obéi ; à la vérité, la justice est mon bras droit ; mais si la gangrène est au bras droit, le gauche doit le couper[4].

Henri IV tempérait de familiarité l'autorité pour ne point recourir à celle-ci. Il n'avait pas oublié qu'à l'heure où il s'était agi de choisir entre les ambitions très catholiques de l'Espagne et l'avènement de la dynastie des Bourbons, au temps où, dans le pays divisé et comme acharné à sa perte, le Paris de la Ligue avait pris position et où les États généraux avaient donné des mains à l'affreuse conjuration antinationale, c'était le Parlement de Paris qui, par son arrêt du 28 juin 1596, avait rétabli une situation quasi désespérée : Remontrances seront faites à M. le duc de Mayenne, de présent en cette ville, qu'aucun traité ne se fasse pour transférer la Couronne en la main de prince ou princesse étrangère et que les lois fondamentales de ce Royaume soient gardées... Dès à présent, ladite Cour a déclaré et déclare tous traités faits et à faire pour l'établissement de prince ou princesse étrangère nul et de nul effet et valeur, comme fait au préjudice de la Loi Salique et autres lois fondamentales du Royaume.....[5]

Et qui donc, quelle autorité obéie eût rendu un tel service, se fût prononcée avec autant de courage et d'efficacité, si ce n'est cette Cour représentant par excellence la principale des attributions souveraines, la justice ? Qui donc eût guéri, comme par miracle, l'étrange folie subversive dont était affligé le corps de la nation ?

Et, lorsque Henri IV fut assassiné et que, dans l'affreuse surprise, tout chancela à nouveau, le roi Louis, enfant, n'ayant auprès de lui que cette mère, inconnue des Français, la Florentine, à qui dut-on recourir encore pour maintenir l'ordre dynastique ? Les ministres d'expérience, Villeroy, le président Jeannin, assurés que la Couronne se soutenait d'elle-même, avaient proposé d'attester que la volonté du feu Roi était que la Reine mère fût déclarée Régente ; mais le chancelier Sillery, soutenu par l'opinion, se prononça pour le recours au Parlement de Paris : Le Parlement siégeait alors aux Augustins ; l'audience de relevée se tenait pour le jugement d'une affaire civile..... Le premier président de Harlay quitta son lit où il gisait malade, pour s'y faire porter. En peu d'instants les chambres furent réunies et l'avocat général Servin, revenant du Louvre, confirma la triste nouvelle. Sans désemparer, il demanda au nom de la Reine que le parlement pourvût, ainsi qu'il avait accoutumé, à la Régence et au gouvernement du Royaume. La chose était non seulement nécessaire, mais pressée et il n'y avait pas d'incertitude sur la personne qui devait être revêtue de cette autorité : les histoires et les registres du Parlement prouvaient que l'usage était de la remettre aux Reines, mères des rois mineurs[6]. Le duc d'Épernon, le duc de Guise, partisans déclarés de la Reine mère, firent une apparition destinée à exercer une pression muette et à enlever la décision. Sans tarder on achève l'arrêt par lequel la Cour déclarait la Reine régente du Roi en France pour avoir l'administration des affaires pendant le bas-âge du Roi son fils avec toute puissance et autorité. Il eût certes fallu vingt fois plus de temps pour juger le plus chétif procès[7].

 

Le droit d'enregistrement et le droit de remontrance.

Le Parlement se gonflait de ces grands services. Le premier président Le Jay les rappelait au Roi en 1633, au fort du ministère de Richelieu : Pendant la prison du roi Jean, du roi François Ier et dans les derniers troubles de la Ligue, disait-il, le Parlement a fortement défendu la Loi Salique contre la prétention des étrangers. Nous nous vantons, Sire, hardiment de cet honneur ; car notre gloire n'est pas nôtre ; elle est et dépend de vous[8].

Cette haute situation dans l'État, où des nécessités cruciales avaient porté le Parlement n'était pas le seul élément de sa grandeur. Il faut s'imaginer le prestige d'une classe qui, adossée à ce puissant principe social, la justice, se montrait digne séculairement d'en être l'interprète par ses mœurs, par ses traditions et, plus noblement encore, par cette habitude de plaider, auprès du pouvoir, la cause populaire.

Le corps savait entretenir la haute idée que le peuple se faisait de lui, non seulement par l'éloquence, qui était sa marchandise, mais par la montre soigneusement présentée de ses vertus légendaires. Le Maistre, avocat illustre, âme forte, janséniste en instance du cloître, quand il s'agissait d'un parlementaire et du chef de tous les parlementaires, le chancelier Séguier, tant discuté d'autre part, atteignait le lyrisme dans le chant qu'il lui consacrait : Je passerai sous silence sa parfaite intégrité dans l'administration de la justice, d'autant que cette vertu est si universelle et si ordinaire dans le Parlement, que ceux qui la conservent le plus ne méritent presque pas de louanges particulières... Il a voulu être le père des orphelins, l'appui de la faiblesse des veuves et le protecteur de la chasteté des vierges. Il a tâché d'établir des ports pour ceux qui feraient naufrage, de conduire les vaisseaux de sa charité sur les terres les plus stériles et de faire comme tomber une manne dans les déserts. Il a déclaré une guerre sainte à la nécessité de ses citoyens. Il s'est acquis l'admiration des sages, l'amour des peuples et les prières des affligés...[9]

Bossuet, fils d'un père parlementaire, ornait de cette louange convenue l'oraison funèbre de Michel Le Tellier : Ouvrez les yeux, Chrétiens, contemplez vos augustes tribunaux, où la justice rend ses oracles ; vous y verrez avec David, les Dieux de la terre qui meurent, à la vérité, comme des hommes, mais qui cependant doivent juger comme des Dieux, sans crainte, sans passion, sans intérêt, le Dieu des Dieux à leur tête, comme le chante le grand roi d'un ton sublime dans ce divin psaume : Dieu assiste, dit-il, à l'assemblée des Dieux et, au milieu, il juge les Dieux ! Ô juges ! quelle majesté de vos séances, quel président de vos assemblées ! mais aussi quel censeur de vos jugements ! Ajoutons que si Bossuet distribue si largement la louange au juste juge, il blâme non moins éloquemment le magistrat ambitieux ; car il n'a pas oublié la Fronde[10].

Avec ses qualités et ses défauts, l'ordre judiciaire était, à l'avènement de Richelieu, une puissance dans l'État et il s'établissait peu à peu comme une nouvelle aristocratie ; car c'est un fait de la politique que tout parti qui domine le pouvoir tend au privilège. La robe, seule mandataire autorisée de l'opinion publique, se poussait, empiétait, usurpait par ses nombreuses équipes, organisées sur toute la surface du Royaume. Son recrutement, puisant jusque dans les masses populaires, l'élevait d'un mouvement continu jusqu'au lit de la plus haute noblesse. Saint-Cyran se plaint que les méthodes d'éducation de son temps vident le pays de sa force active, surchargeant la République d'une infinité de gens oisifs qui se croient au-dessus de tout depuis qu'ils savent un peu de latin et qui penseraient être déshonorés s'ils ne quittoient la maison paternelle. Et Montaigne, allant au fond des choses : Qu'est-il de plus farouche que de voir une nation où, par légitime coutume, la charge de juger soit payée à purs derniers comptants et où légitimement la justice soit refusée à qui n'a de quoi la payer[11].

Le degré par lequel montait ce mal farouche, c'était la vénalité des charges, vénalité aggravée par l'hérédité dans les familles, conséquences de cette détestable paulette, créée par Henri IV pour recueillir de la robe quelque argent, toujours refusé par celle-ci. En dépit des critiques et de l'opposition de la Noblesse et du Clergé aux États de 1614, le mal s'était invétéré et les plus énergiques réformateurs, Richelieu lui-même, durent, malgré leur sentiment personnel, renoncer à y porter la main, crainte de toucher au fondement même du régime, l'hérédité[12].

La classe s'était accrue en se greffant sur la ramure des autres classes et en pompant la sève de la Noblesse et du Clergé par l'envahissement des justices seigneuriales et ecclésiastiques et enfin par le triomphe des doctrines gallicanes. Associée à la cause royale, elle la servait, mais dangereusement, en se réclamant de la cause populaire, avec laquelle elle avait eu l'habileté bourgeoise de confondre la sienne.

De cette position unique, et en jouant du retard dans les enregistrements, le Parlement bombardait pour ainsi dire le pouvoir à coups de remontrances. Par la critique et le dénigrement des hommes en charge, les jeunes Messieurs des Enquêtes s'ouvraient le chemin des grands emplois. Pas un édit, quelque peu important qui ne subit leurs foudres.

Le pouvoir royal avait gardé, il est vrai, la ressource du dernier mot, soit par l'envoi de lettres de jussion, soit par l'ordre formel d'enregistrer, prononcé de la bouche du souverain, soit par la cérémonie impérative du lit de justice. Mais cet état perpétuellement contentieux entre les deux pouvoirs affaiblissait l'un et l'autre, alourdissait gravement la marche des affaires et finalement compliquait les difficultés que la cause de l'unité rencontrait dans les dernières résistances des autonomies locales et de la féodalité.

 

Richelieu et le Parlement de Paris.

Comment Richelieu en userait-il dans ses relations avec les Parlements et en particulier avec le Parlement de Paris ? Engagerait-il la lutte contre lui, alors qu'il avait déjà tant d'adversaires sur les bras : la famille royale, la Cour, les grands, les protestants, et finalement les puissances du dehors ? Ou bien, se ressouvenant de ses origines maternelles, louvoierait-il et tâcherait-il de s'arranger tant bien que mal avec une opposition qui, en somme, n'était pas tout à fait irréductible, parce qu'elle n'était pas entièrement désintéressée.

Nous avons sous les yeux un document inédit, de la plus réelle importance, parce qu'il a été rédigé par un homme qui avait figuré parmi les ministres de Richelieu, et que cet homme l'écrivit en pleine disgrâce, mais sans avoir renoncé à toute ambition. Il s'agit d'un important Mémoire composé pour Louis XIII au cours de l'année 1633 et dont l'auteur anonyme s'adresse au Roi en ces termes : J'ai estimé que la charge de laquelle il a plu à Dieu que le Roi m'ait honoré et les devoirs de cette charge m'obligeoient de laisser par écrit à Sa Majesté ce que j'ai appris des actions de ses prédécesseurs... sur la condition de nos Rois et des Parlements établis tant à Paris qu'ès autres provinces du Royaume.

C'est donc un Traité des Parlements de France émanant d'un personnage considérable, qui en raison de sa charge, eut à exprimer son avis sur les rapports du Roi et des Parlements. Tout indique qu'il s'agit du garde des Sceaux, Châteauneuf, successeur de Marillac[13]. Le premier volume de ce mémoire historique et politique, puisé dans les archives du Parlement, traite, en général, de l'institution des Cours de justice, spécialement au point de vue de leurs prétentions d'ordre politique ; le second volume est consacré surtout aux procès politiques portés soit devant le Parlement, soit devant des commissions et aussi aux démêlés survenus entre le Grand Conseil et la Cour du Parlement sur ces divers sujets. L'auteur du mémoire se prononce toujours dans le sens des droits du Roi. Comme il est fait allusion à de nombreux faits du règne de Louis XIII : à la prise de La Rochelle, à la publication de l'ordonnance de 1629 (Code Michau), au procès du duc de Rohan, à l'affaire de Casal, au retour du Roi à Paris après la condamnation de Montmorency, la connaissance intime de ces actes du pouvoir confirme que l'auteur du mémoire est bien le garde des Sceaux, Châteauneuf.

Rappelons que Châteauneuf fut l'un des rares chefs de la magistrature qui n'aient pas appartenu à l'ordre parlementaire. Il eut, en qualité de garde des Sceaux, des démêlés fort vifs, sur les questions les plus diverses, avec la Cour du Parlement. Le Roi avait dû intervenir, en personne, pour lui assurer les égards qu'il réclamait en raison de sa charge[14] ; sans doute Châteauneuf avait-il conservé de ces démêlés quelque rancœur. Le but qu'il semble poursuivre en rédigeant cet exposé, préparé de longue main, où la politique et l'intérêt particulier se cachent sous le couvert de l'histoire, était d'entrer dans le sentiment du Roi, qu'il savait irrité par l'opposition tenace du Parlement. Châteauneuf se présente au prince comme un homme d'énergie, capable d'en finir avec des prétentions contraires à l'autorité royale. C'est une leçon et peut-être une justification, apparemment une candidature. Les ministres renversés ont de ces illusions[15].

D'après le mémoire, il y aurait lieu de restreindre les officiers de justice à ne se mêler que de la rendre aux sujets du Roi, qui est la seule fin de leur établissement, étant une chose importante ; que, si on laissait aller la bride à ces compagnies, on ne pourroit plus les retenir après dans les bornes de leur devoir ; il y auroit lieu aussi d'envoyer dans les provinces (des représentants de l'autorité souveraine) pour éviter les épines des Parlements, qui fomentent des difficultés sur toutes choses[16]. En un mot, la thèse royale est soutenue à fond et à plein. Or cette doctrine est en exacte conformité avec le sentiment de Louis XIII, qui la manifestait avec une ardeur croissante à ce même moment.

Dans une lettre à Richelieu, datée du li février 1633, le Roi écrivait : Je vous avoue que deux choses me piquent extraordinairement et m'empêchent quelquefois de dormir : l'insolence du Parlement et les moqueries que les personnes que vous savez font de moi, sans vous y oublier. Précisément nous avons vu déjà en faisant mention de cette lettre, que les personnes en question n'étaient autres que Madame de Chevreuse et Châteauneuf[17]. En fait, Louis XIII, au fort de ses querelles avec son frère, était ulcéré de la lenteur mise par le Parlement de Paris à enregistrer les édits. Le Roi, qui eut toujours une méfiance invincible à l'égard de son frère Gaston et de la cabale groupée autour de celui-ci, ne pouvait supporter ces retards calculés, où l'on avait le droit d'entrevoir et même de soupçonner quelque complicité. Châteauneuf, rival occulte de Richelieu, animé par cette duchesse de Chevreuse, amie de la Reine, semble avoir eu alors, pour tactique de s'offrir au Roi comme seul capable d'en finir avec l'opposition du Parlement et de devenir l'instrument de la volonté souveraine.

La question politique étant ainsi posée, que pensait et que faisait Richelieu ? Soit habileté, soit système, selon sa maxime qu'il fallait n'avancer dans les affaires difficiles qu'à pas de laine et de plomb, il se montrait plutôt enclin à procéder avec le Parlement dans un esprit de patience et de modération.

Pour bien apprécier sa conduite, il faut, d'ailleurs, distinguer les temps et les circonstances. Dans les premières années de son ministère, alors qu'il ne se sent pas entièrement assuré de la confiance royale, sa tendance est certainement de temporiser, d'apaiser les dissentiments, d'adoucir les humeurs du Roi : en 1626, à propos d'un édit de finances qui est en préparation et qui trouvera probablement quelque résistance au Parlement, le cardinal est d'avis qu'on ne se lance pas à la légère : A quoi le Roi doit prendre garde, écrit-il, parce que les Parlements s'y opposeront, et c'est chose à éviter de faire, en toutes rencontres, effort de sa puissance[18].

A lire les Mémoires de Mathieu Molé, procureur général du Parlement et, par conséquent, organe officiel du Roi auprès de la Cour, on constate que l'esprit qui domine alors est un esprit d'apaisement : Il ne faut pas tellement autoriser les Parlements, écrit le grand parlementaire, qu'ils désautorisent le Roi. Et d'autre part, Richelieu, au cours de cette délicate affaire de Sanctarelli, en 1625, va répétant qu'il ne faut pas donner tort au Parlement, qui, en beaucoup d'occasions, est nécessaire à la manutention de l'État[19]. Et l'on remarque que le cardinal, d'accord en cela avec Marillac, se porte caution pour Molé, fait augmenter les gages de Molé, etc. En 1626, le Parlement s'exaltant sur un conflit avec sa bête noire le Grand Conseil, recourt à l'une de ces mesures qui plus tard auront pour effet de déclencher la Fronde : il fait armer le peuple de Paris pour tenir la main à l'exécution de ce que la Cour avait ordonné ; il fait, en un mot, appel à l'émeute. Le roi, sur l'avis formel du ministre, traite encore l'affaire en douceur et il finira par se contenter d'une vague amende honorable[20].

 

Le Parlement de Paris dans l'affaire de Gaston et de la Reine mère.

Cependant, au fur et à mesure que la position du ministre se consolide et tandis que les mauvaises dispositions du Roi à l'égard du Parlement s'affirment, la manière du cardinal tend à se transformer. Il ne brusquera pas les choses, certes ; mais il va jouer la partie à sa façon : force et souplesse tout ensemble.

Nous sommes au dernier acte de la querelle de Gaston (août 1631). Tout ce qu'on a pu grouper d'adversaires contre Richelieu a donné : les Marillac ont succombé ; Gaston s'est marié en Lorraine ; la Reine mère, après avoir tenu bon à force de retardements, bouderies et purgations, s'est enfuie de Compiègne et a cherché un asile aux Pays-Bas ; la guerre civile et la guerre étrangère menacent. Le Roi a besoin de ses armées, de ses ressources, de l'opinion publique pour se consacrer au règlement de cette crise si grave, si pénible et, d'abord, pour écraser dans l'œuf la rébellion des grands en Provence, en Bourgogne, en Languedoc. Tout menace et tout presse. Et le Parlement qui oppose ses éternelles remontrances et procrastinations ! Il faut agir pourtant. Est-ce le Roi qui règne ou est-ce le Parlement ? Louis XIII est au comble de l'humeur, de l'impatience.

Dans son Conseil, les plus ardents se rangent à son avis : ils le poussent sur la pente où son tempérament à la fois timide et obstiné l'engage : briser la volonté des parlementaires et en finir avec eux par un coup d'éclat, fût-ce au prix d'un coup d'État. On lui souffle à l'oreille les paroles dures par lesquelles il fera connaître à ces éternels récalcitrants sa royale volonté et, même, on les écrit pour qu'il les ait toutes prêtes dans sa mémoire ou sous la main : Le Parlement cherche tous les jours à entreprendre sur l'autorité royale ; mais je lui rognerai les ongles de si près que je l'empêcherai bien. Vous êtes établis pour rendre la justice entre M. Pierre et M. Jacques, et non pour vous mêler des affaires d'État et du soulagement de mon peuple. Car j'en prends un plus grand soin que vous, etc., etc.

Ces paroles ne furent pas prononcées, du moins en cette circonstance ; elles se retrouveront quelque temps après, dans la mémoire du' Roi. Mais observons bien ceci : le manuscrit conservé dans les archives royales porte les corrections autographes de Châteauneuf, alors garde des Sceaux. Voilà ce qui importe.

Mais Richelieu que fait-il ? Certes, il ne songeait ni à recourir à un coup d'autorité ni à rompre ; car, le 13 mai 1631, c'est-à-dire au cours de cette même querelle, il remettait au Roi une note ainsi conçue : Il est des Rois comme des Dieux, qui ne se refusent jamais de pardonner et remettre les fautes à ceux qui s'en repentent. Si Messieurs du Parlement lui disent qu'ils sont venus pour reconnaître leurs torts... je crois que Votre Majesté pourroit user de son extraordinaire bonté et les dispenser de l'exécution de ce qu'elle résolut hier, étant beaucoup meilleur que les hommes reviennent en leur devoir d'eux-mêmes que par la force[21].

Cependant le Parlement s'est entêté. La querelle se prolonge. Le Roi ne s'apaise pas et il se sent en butte à l'ironie des entourages, qui plaisantent sa faiblesse et qui ne ménagent pas Richelieu. Celui-ci se rend compte qu'il est entre deux feux, qu'il faut se décider et mener à fond la partie assez mal engagée, en un mot parler ferme pour se faire obéir. Les propos édulcorés à la Molé ne sont plus de saison. Le cardinal prend donc la plume et, le 3 août 1631, il adresse au Parlement la lettre demeurée inédite et qui nous donne la clef de la procédure du ministre dans ces grandes affaires où les passes sont étroites et où il faut avancer, comme il le dit lui-même, la sonde à la main.

Monsieur, manda-t-il au premier président du Parlement, je vous dirai que ce n'est pas sans quelque peine que Sa Majesté a vu que son Parlement ait paru vouloir se faire des titres contre l'autorité royale et que cette compagnie, non contente de faire à son Roy des remontrances avant d'enregistrer ses ordonnances et ses édits, se soit arrogé le droit de disposer et d'ordonner contre la disposition précise et littérale de ses volontés ; il sembleroit même qu'il a porté ses entreprises jusqu'à prétendre que le Parlement pouvoit tout sans le Roy et le Roy ne pouvoit rien sans son Parlement. C'est sur de tels principes que cette compagnie a refusé d'enregistrer la déclaration du Roy, mais dois-je aussi vous avertir que Sa Majesté ne pourra se dispenser de reprendre et de consacrer les droits aussi sacrés que ceux-là Le 3 août 1631.

Armand, Card. DE RICHELIEU.

Cette fois, le ton est bien celui du commandement, et la menace même fait sentir sa pointe. Cependant, à regarder les choses de près, on voit bien que Richelieu négocie, là encore, selon sa formule : négocier toujours. Il négocie, donc ; mais ce qui est encore dans sa manière, le poing sur la table. Il a pris les devants, il a couvert le Roi, et il attend.

En ce mois d'août 1631, sa position à l'égard dû Parlement était des plus complexes : il pouvait craindre qu'une rupture déclarée ne nuisit gravement à la campagne intérieure de discipline et d'exécution qu'il poursuivait, et même à sa situation personnelle.

Vers le milieu de l'année 1631, de graves et nombreuses affaires étaient pendantes devant la Cour du Parlement. D'abord les complications mêmes qui amenaient la crise et qui tenaient tout en suspens : la fuite de la Reine mère, qui avait partie liée avec Gaston et les nécessités d'action et de dépenses que devait entrainer la guerre civile en perspective ; on attendait du Parlement l'enregistrement de l'aliénation des rentes au denier 16. Il fallait de l'argent à tout prix et les épines du Parlement formaient la caisse des contribuables.

Le lit de justice pour la sortie de la Reine mère du royaume est du 13 août : or, on trouve, dans les Archives du ministère des Affaires étrangères, une rédaction, de la main d'un des secrétaires de Richelieu, avec cette mention : Points de ce que le cardinal u dit à bâtons rompus sur le sujet de la vérification des édits par le Parlement. Lorsque les secours extraordinaires sont du tout nécessaires il ne faut pas les rendre difficiles. Et véritablement il vous importe beaucoup de faire connaître à tout le monde, en vous portant de vous-mêmes à la vérification qu'on désire, que le bien des affaires du Royaume, est un motif assez puissant en vous pour vous porter à une chose du tout nécessaire, comme l'autorité du Roi pour la faire réussir est absolue... Donc, sur ce point, le Parlement n'a d'autre issue que de se rallier à la volonté royale et d'obéir.

Il y avait d'autres affaires encore que Richelieu tenait à voir aboutir : il y avait l'un de ces actes royaux qui blessaient le Parlement à la prunelle de l'œil, mais qui, par contre, mettaient en cause tout le système de gouvernement que Richelieu entendait appliquer, à savoir le jugement par Commissaires des causes touchant l'ordre public. Précisément, une commission de justice venait d'être créée à l'Arsenal de Paris en vue de poursuivre les faux monnayeurs. A la répression énergique d'un tel mal, les finances du Royaume — le nerf de la guerre, — étaient grandement intéressées. Cette commission venait de se faire livrer deux faussaires qui, à bref délai, devaient être pendus en place de Grève. Le Parlement, ennemi déclaré de toute justice par commissaires, s'opposait au verdict et à l'exécution de la peine, qui devait avoir lieu, cependant, le 28 novembre 1631.

Un autre conflit d'une toute autre importance était aussi engagé ; c'était la suite du procès intenté contre le maréchal de Marillac. Le maréchal avait récusé les commissaires désignés, Moricq et Laffemas (cet affreux Laffemas !) et requis le Parlement d'évoquer la cause. Un arrêt de la Cour, rendu le 4 septembre, toutes chambres assemblées, interdisait aux Commissaires de passer outre à l'instruction du procès. Cet arrêt (qui n'a pas été retrouvé) irrita tellement le Roi, qu'il fit rendre par son Conseil un arrêt du 12 septembre cassant celui du Parlement du 4 septembre, interdisant à M. le Procureur général Molé l'exercice de sa charge, etc.[22]

Molé lui-même, qui, selon l'opinion des entourages, n'avait pas suffisamment défendu le point de vue royal, fut mandé par Louis XIII à Fontainebleau[23].

Richelieu tenait ferme, bien entendu : n'était-ce pas son propre système de justice d'État par commissaires qui était en cause[24] ?

Cependant on devait bien penser qu'entre le cardinal et Molé, les choses n'iraient pas jusqu'à une rupture déclarée. Richelieu avait une raison personnelle, et des plus fortes, pour ne pas laisser les choses s'envenimer. En effet, toujours à cette même date d'août 1631, une autre affaire encore était pendante devant le Parlement, et il y allait cette fois, non seulement du rang de Richelieu dans l'État, mais de sa sécurité en cas de disgrâce ou de mort soudaine de Louis XIII ; il s'agissait de l'enregistrement des Lettres royales créant les duchés-pairies de M. de La Valette, du cardinal de Richelieu et de M. de La Rochefoucauld. On s'imagine que les échauffés du Parlement comptaient bien se servir de cette arme : la chambre des Enquêtes, toujours intraitable, s'opposait à l'enregistrement, alors que la Grand'Chambre se montrait plutôt disposée à entériner. Précisons les dates : la lettre si sévère adressée par Richelieu au Parlement est du 3 août ; le 30 août, le Roi intervient pour réclamer une prompte solution en faveur des nouveaux ducs et pairs. Richelieu écrit au premier président pour expliquer que les affaires l'empêcheront d'aller présenter lui-même les lettres patentes au Parlement[25].

D'autre part, la Cour de justice rend, le 6 septembre, un arrêt sur le jugement des faux-monnayeurs et le Conseil royal casse cet arrêt le 12 septembre. Les plaies sont au vif ; on sent toute l'opportunité du voyage de Molé à Fontainebleau.

Que s'est-il passé là ? On ne le sait pas au juste. Le certain, c'est que, soudainement, les nuages se dissipent et que tout s'arrange. Si l'on en croit Omer Talon, qui, parlementaire enragé, était aux écoutes, mais .qui ne dit que ce qu'il peut ou ce qu'il veut dire, Molé fut bien reçu à Fontainebleau et, sans autre procédure judiciaire, sa présence et sa gravité naturelle dont il ne rabattit rien en ce rencontre, lui firent obtenir l'arrêt de décharge. Mais ce prétendu arrêt de décharge ne s'est pas retrouvé dans les archives du Parlement, ni ailleurs.

Croyons-en donc plutôt une autre version qu'un confident de la famille Molé, écrivant par la suite la vie du grand magistrat, nous transmet comme une tradition : Le magistrat répondit humblement au Roi qu'il n'avait rien fait que suivre le style de ses prédécesseurs en pareille occasion ; ce qui fâcha le Roi, qui lui dit de mauvaises paroles ; sur lesquelles il se jeta aux pieds de Sa Majesté en disant qu'il était bien malheureux d'avoir fâché un si bon maitre. M. Molé se retira.... mes le cardinal de Richelieu engagea le Roi à le faire revenir au Louvre, où Sa Majesté lui dit qu'en considération de ses services, elle lui pardonnait et le renvoyait à la fonction de sa charge[26].

C'est donc encore Richelieu qui arrange la chose. Richelieu n'avait pas manqué de se faire donner des arrhes. En effet, Molé avait, dès le 2 septembre, rouvert le débat devant le Parlement sur les duchés-pairies, et l'enregistrement était obtenu de la Cour, le jour même.

On voit que Richelieu, présent à tout, surveillant tout, ménageant tout, ordonnant tout, ne s'oubliant pas soi-même, savait manier avec une adresse incomparable la douche chaude et la douche froide. Tout compte fait, il reste maitre de la situation et il tient en main le Parlement, non sans surveiller l'intrigue qui tend à se servir de la querelle pour s'emparer de la faveur du Roi. Châteauneuf est bien malade.

Quant au règlement des affaires pendantes, si on a gagné du terrain, on n'est pas au but ; la principale difficulté, à savoir, la compétence judiciaire des commissaires de l'Arsenal n'est pas résolue. Et ici le Parlement fait ferme sur le terrain du droit : poussant sa pointe, il défend aux officiers de police de mettre à l'exécution les mandements desdits Commissaires, à peine de suspension de leurs charges, etc., etc. Le Roi répond du tac au tac : par arrêt de son Conseil, les commissaires sont maintenus dans leur autorité, avec ordre à toutes les autorités du Royaume d'exécuter leurs décisions ; les meneurs de la résistance parlementaire, les présidents Gayant et Barillon, les conseillers Melis, Tubert et Lainé sont interdits jusqu'à nouvel ordre dans l'exercice de leurs charges.

Le Parlement est convoqué à Metz, où le Roi est à la tête de ses troupes. Châteauneuf, toujours garde des Sceaux, a pris l'affaire en mains, dans la pensée, sans doute, de la mener rondement. A la Cour, certains des ministres, comme La Ville-aux-Clercs, sont inquiets des conséquences : Je ne suis pas satisfait de nous, écrit celui-ci à Molé[27]. Au Parlement, on n'est pas beaucoup plus fier ; les esprits sont divisés. Molé écrit à La Ville-aux-Clercs, toujours sous le sceau du secret : On se sert du nom du maître et de la puissance du ministre. Châteauneuf prend la plume des mains de La Ville-aux-Clercs et il adresse ce reproche à Molé, qui essaye encore d'arranger les choses : Pourquoi n'envoyez-vous pas au Roi la délibération du Parlement ? C'est ce qu'il attendait de vous et, au lieu d'y satisfaire, vous faites simplement la réponse que vous a faite le Parlement. C'est une mise en demeure de nature à décourager les conciliateurs.

Les délégués du Parlement sont donc convoqués à Metz, le 20 janvier. La séance est solennelle. Tout l'équilibre si péniblement établi dans le Royaume peut se rompre en cette heure décisive. Le Roi fait attendre la délégation et ne la reçoit quo le 30 janvier. Châteauneuf prend la parole et, sans commencer par Messieurs, comme il est d'usage, il dit : Sa Majesté, mal satisfaite de la Compagnie, veut que je vous dise qu'elle ne veut plus écouter vos remontrances, que vous ne sauriez plus faire, étant déchus de la dignité de ses conseillers et devenus parties, et ne peut souffrir que vous vous mêliez des affaires qui regardent son service. Cet État est monarchique ; toutes choses y dépendent de la volonté du Prince qui établit les juges comme il lui plaît et ordonne des levées selon la nécessité de l'État.

En s'exprimant de la sorte, le garde des Sceaux n'exagérait en rien la mauvaise humeur du Roi. Celui-ci adressait, en effet, le 12 février 1632, au cardinal de Richelieu, de Sainte-Menehould, la lettre suivante[28] : Mon Cousin, je vous accorderois volontiers ce que vous me demandez pour les cinq robes longues (preuve que Richelieu s'employait à adoucir les contacts) ; mais, outre qu'il y a plaisir à les voir un peu promener à la suite de ma Cour, plus on relâche avec telles gens, plus ils en abusent. Quand un de mes mousquetaires manque à l'exercice d'un quart d'heure, il entre en prison ; s'il désobéit à son capitaine lorsqu'il lui fait quelque commandement à sa charge, il est cassé ; et en tel cas peut-il désobéir, qu'il perd la vie. Et il sera dit que ces robes longues me désobéiront librement et hardiment et je demeurerai du côté du vent (terme de chasse) ; et ces seigneurs gagneront leur cause sous ombre qu'ils déjeunent le matin en leurs buvettes et sont trois heures assis sur mes fleurs de lys. Par arrêt à Sainte-Menehould, (sans doute rendu par le Conseil), il n'en sera pas ainsi, car il est ordonné que vous serez moins facile et moins capable d'avoir pitié desdits seigneurs après qu'ils se sont mis en peine d'avoir méprisé ce qu'ils doivent au maitre de la boutique, qui vous aime plus que jamais.

Voilà une épître qui sent assez son Henri IV. Et Louis XIII, en recevant la délégation des robes longues, redouble et reprend, peu s'en faut les termes de la minute que Châteauneuf avait mise au point l'année précédente : Je ne suis pas préparé à vous répondre ; mais je veux que vous sachiez que vous êtes les seuls qui entrepreniez contre l'autorité royale... Vous n'êtes établis que pour juger entre maitre Pierre et maitre Jean, et je vous réduirai au terme de votre devoir et, si vous continuez vos entreprises, je vous rognerai les ongles de si près qu'il vous en cuira.... Molé fait observer que Richelieu et le garde des Sceaux ont paru aussi étonnés que les autres ; et il ajoute que ce qui affaiblissait les paroles du Roi, c'est que celui-ci était entré en colère.

Peu à peu les sentiments et même les paroles s'adoucirent, évidemment par l'intervention de Richelieu. Molé ne prononça pas le discours où il se proposait de soutenir les droits du Parlement, Une nouvelle intervention très dure de Châteauneuf, accusant les téméraires entreprises du Parlement, n'eut pas de suite et le Roi finit par donner congé à la délégation, en envoyant simplement les interdits en leur maison des champs, se réservant d'ordonner leur rétablissement lorsque le Parlement aurait obéi et enregistré les édits. Le 2 mars, les interdits étaient rétablis dans leurs charges : l'esprit de transaction l'avait emporté.

Mais le mal renaissait de lui-même. Le 12 août, un lit de justice, consacré aux difficiles affaires de Monsieur, mit de nouveau les esprits en grand émoi. C'est encore Châteauneuf qui prend la parole. Il est vrai que les temps sont autres : le garde des Sceaux, chargé de dire au Parlement l'ordre de Sa Majesté, prononça le discours suivant : Messieurs, (il dit Messieurs, cette fois), c'est avec un déplaisir extrême que Sa Majesté se voit contrainte de venir pour la seconde fois en son Parlement pour un même sujet... Le Roi a voulu venir en cette compagnie comme au lieu le plus célèbre de son Royaume, tenir son lit de justice, y déclarer ses intentions et faire voir à chacun la bonté et la douceur dont il a usé envers Monsieur... Vous les apprendrez par la lecture de sa déclaration, que vous ferez entretenir et observer par tous ses sujets par le devoir de votre charge, ce que le Roi se promet de votre fidélité, obéissance et affection ordinaires à son service et au bien de son État[29].

Et ce fut une de ces accalmies par consentement silencieux et tacite reconduction, qui devinrent la règle dans les relations entre la Royauté et le Parlement sous Louis XIII. L'absolutisme royal empruntait sa force directement et sans intermédiaire au concours que lui apportait l'opinion. Tout est possible en politique avec le succès. Les masses, une fois lancées, ont la confiance prompte et le crédit facile.

Le Roi part, fin août, pour le Languedoc, où il va régler à la fois le conflit né dans la famille royale et la rébellion des grands. Montmorency est condamné à mort et décapité. Après cette facile victoire, Louis XIII rentre à Paris, vers le milieu de novembre. Richelieu est au pinacle.

Mais voilà que l'on retrouve encore, le 13 décembre 1632, pendante devant le Parlement, l'insoluble question des commissaires de justice[30]. Châteauneuf travaille comme s'il était décidé à jouer la partie à fond.

Quelques semaines se passent, livrées aux intrigues de la Chevreuse. Louis XIII est à la fois lassé et irrité, selon l'effet que produisent d'ordinaire sur lui tant d'infinies longueurs. Le 4 février 1633, il adresse à Richelieu la lettre que nous avons citée déjà et qui est le pivot autour duquel tout va tourner : Je vous avoue que deux choses me piquent extraordinairement et m'empêchent quelquefois de dormir : l'insolence du Parlement et les moqueries que ces personnes que vous savez font de moi, sans vous y oublier... Ces personnes sont, bien entendu, la duchesse de Chevreuse et Châteauneuf.

Ils ne ménagent pas Richelieu ; Richelieu ne les ménagera pas. Le lendemain, 5 février 1633, Châteauneuf est chassé, selon le mot d'Omer Talon, qui exprime la joie insigne de tout le monde parlementaire. L'ami de la Chevreuse aura, dans sa prison, le temps de mettre la dernière main à son lourd pensum contre les Parlements, qu'il préparait pour Louis XIII, que le Roi n'a probablement pas reçu, qu'il n'a pas lu et qu'il n'aurait pas lu, s'il lui eût été remis. La politique ne s'attarde pas aux bavardages rancuniers des ministres congédiés.

Quand, bientôt après, les grandes difficultés intérieures du Royaume se trouvaient en quelque sorte résolues par la nouvelle soumission de Monsieur, c'est devant le Parlement de Paris et en séance solennelle d'un lit de justice que Richelieu alla consacrer le triomphe de son système gouvernemental et fixer en des termes définitifs la situation sans précédent où ses succès portaient la Royauté. Son discours eut un immense retentissement : il affermissait à la fois l'autorité et la discipline consacrant l'équilibre national. La harangue prononcée le 17 janvier 1634 circula de main en main ; mais elle ne fut imprimée dans le Mercure François qu'en 1637, comme si le cardinal n'eût voulu lui donner la sanction de la publicité qu'après l'effet produit et le consentement universel assuré.

Le discours commence par un exposé des victoires du Roi sur l'adversaire du dedans et sur les ennemis du dehors ; il montre l'indulgence généreuse avec laquelle le Roi accueille Monsieur repentant ; il dit l'abaissement des grands ; il dit le souci qu'a le Roi d'attirer les bénédictions divines sur son peuple : Dieu est trop bon pour permettre que la France, qui a tant pâti, souffre et pâtisse davantage. Il ne reste plus qu'à soulager le peuple pour la délivrance de toutes ses misères. C'est un dessein que le Roi a toujours eu 'dans sa pensée et qu'il eût entièrement exécuté sans les traverses qu'on lui a données. Si elles cessent, je veux le croire, le mal dont elles sont la principale cause cessera aussi indubitablement, et, lors, nous serons au comble de nos joies. Mais, à cette tâche, il est nécessaire que tous s'emploient selon leur devoir, à la place qui leur est assignée. Le Roi sait que les desseins d'un nouvel embrasement sont formés, que diverses liaisons sont faites à ces fins, qu'on tâche déjà d'épandre les spécieux et faux prétextes de piété dont on s'est servi par le passé pour de funestes entreprises. Il voit, à son grand regret, que les personnes qui devroient avec plus de soins et pourroient plus facilement seconder le désir qu'il a d'empêcher ces malheurs, sont entre les mains de ceux qui les machinent ; il craint qu'un jour, par ce moyen, la roue de la fortune de la France ne descende plus en un moment qu'on ne le fait avec beaucoup de temps et de difficultés... Il souhaite ardemment de prévenir tous ces maux, mais il ne le peut seul ; il y a du travail pour tous ceux qui sont avec lui sur le vaisseau de cet État. Il n'oubliera rien de ce qu'il pourra par sa vigilance incomparable, par sa bonté et son autorité. Reste qu'un chacun fasse son devoir à mêmes fins.

L'avertissement est formel et l'ordre est clair : chacun à son devoir, chacun à sa place ; pas de conflit, pas de violence, pas de rupture, mais ordre et obéissance, confiance mutuelle et bonne volonté, Pour prendre en mains la cause du peuple, un seul suffit : le Roi.

La guerre allait éclater. Dès lors, la préoccupation des affaires du dehors prime les difficultés du dedans ; on se battra avec le concours de la France entière. Pas de divisions : de l'argent, des armées, du courage, de la discipline et des chefs. Les moyens sont subordonnés à l'urgence des exécutions.

La politique du pouvoir royal à l'égard du Parlement prend désormais, par la volonté du cardinal, un caractère plus stable et plus ferme. L'autorité royale doit s'exercer par ses actes ; elle ne se perdra pas en, paroles : pression constante et pénétrante ; un tour de vis de jour en jour. Les rapports se maintiendront désormais selon un rite tacitement convenu, et qui est le suivant : le Roi envoie au Parlement les édits délibérés en son Conseil ; le Parlement adresse ses remontrances au Roi ; le Roi le convoque auprès de sa personne et lui donne l'ordre d'enregistrer ; dans les grandes circonstances, il tient un lit de justice ; le Parlement déclare ou fait savoir qu'il obéira à des lettres de jussion ; on les lui envoie ; et il enregistre les édits ou ordonnances sans tirer à conséquence pour l'avenir. Cette façon d'agir est entrée dans les mœurs ; elle atténue les crises, si elle n'évite pas les chocs.

Indiquons quelques points de repère : 1635, opposition du Parlement à l'édit des contrôleurs ; arrestation de plusieurs membres du Parlement (4 janvier 1636) ; refus du Parlement d'enregistrer les quarante-deux édits créant de nouvelles charges ; extrêmes insolences commises par le Parlement, écrit Richelieu au Roi[31] ; défense d'assembler les Chambres ; le Roi mande le Parlement au Louvre et lui ordonne de voter les subsides. — 1637 : l'édit des procureurs (création d'offices), rendu en 1634, n'a pas été encore enregistré ; il faut de l'argent. Violente sortie du Roi : Je veux être obéi ; j'ai fait des grâces à mon Parlement. Je veux être obéi. Et le cardinal : Vous attendrez la grâce du Roi, qui veut être obéi. 1638, interdiction de la chambre des Requêtes, dont rien ne peut briser l'agaçant parti pris d'opposition ; cependant la lettre du Roi au Parlement sur la prise de Brisach montre à quel point on tient à associer, comme par le passé, la haute assemblée aux grands faits de l'histoire nationale. — 1640, les besoins du gouvernement augmentent ; pour obtenir des classes privilégiées les concours indispensables, on recourt aux procédures normales de la fiscalité royale ; au Parlement on crée seize offices, c'est-à-dire qu'on vend seize charges ; autant que les héréditaires n'auront pas ! le Parlement refuse d'enregistrer, etc. ; lettres de jussion, etc. ; on tranche dans le vif et une mesure royale du 20 août 1640 supprime, pour ainsi dire, cette insupportable chambre des Enquêtes et des Requêtes en la ramenant à la situation qui était la sienne en 1597. Les têtes chaudes du Parlement se déclarent en état de rébellion par une sorte de grève ; on ne les voit plus au Palais. Le cours de la justice est suspendu. Mais Richelieu ne perd de vue ni les intérêts de l'État ni ceux de sa propre politique ; il manœuvre : un libelle des plus violents ayant paru, dénonçant le projet d'un schisme qu'on lui attribue, le fameux Optati Galli de cavendo schismate, il recourt au Parlement et obtient une condamnation qui le remplit de joie.

Bientôt, ce sont les victoires sur les Espagnols, célébrées à grande pompe ; puis ce sont les heureuses naissances du Dauphin, du duc d'Anjou : Le Roi grandit de toute la grandeur de ses succès et de la certitude de l'hérédité royale. L'aube de Rocroi se lève.

Louis XIII a assuré l'ordre dans son Royaume, l'accroissement de sa puissance et l'avenir de sa race. Lui et Richelieu, talonnés par l'épuisement, la maladie, ont hâte de voir l'œuvre se couronner par la paix.

Mais ne voilà-t-il pas que le Parlement en revient à ergoter, à contrarier, à retarder les affaires ! Il rend un arrêt pour informer sur les désordres et dissipations des finances... Cette fois, c'est l'ingérence, le contrôle, la crise des réformes ouverte en pleine guerre ? Un lit de justice est convoqué. Le Roi ne se contente plus de parler. Il agit : interdiction à la Cour de Parlement de mettre à l'avenir en délibération telles et semblables déclarations ; défense de prendre à l'avenir connaissance, non seulement d'aucunes affaires semblables à celles ci-dessus, mais de toutes celles qui peuvent concerner l'État que nous réservons à notre personne seule et à nos successeurs rois ; nous réservant de prendre sur les affaires publiques les avis de notre Cour de Parlement lorsque nous le jugerons à propos pour le bien de notre service... leur enjoignons et commandons de faire publier et enregistrer nos édits sans en prendre aucune connaissance ni faire aucune délibération sur iceux, ni user de ces mots : nous ne devons ni ne pouvons, qui sont injurieux à l'autorité du Prince.

Enfin l'offensive : Ayant reçu de nombreuses plaintes que la discipline est de beaucoup relâchée dans nos Cours de Parlement, en attendant d'y pourvoir, nous voulons et ordonnons que les règlements portés par nos ordonnances sur le fait du procès des commissaires soient exécutés selon leur forme et teneur.

En particulier, la Grand'Chambre, qui devait servir d'exemple aux autres est l'objet d'un blâme sévère et de mesures visant sa propre constitution ; la charge du président Barillon aux Enquêtes et celles de quatre conseillers sont supprimées, les magistrats renvoyés[32]. Richelieu assiste au lit de justice, de même que le chancelier Séguier, son homme lige.

Est-ce une nouvelle ère qui s'ouvre ? Le président Le Jay meurt ; l'illustre procureur général Molé est nommé à sa place. Richelieu mourra le 4 décembre 1642 ; Louis XIII, le 11 mai 1643. Le Parlement va régler une fois de plus, du consentement unanime, les graves questions constitutionnelles que pose la minorité du jeune roi Louis XIV : le testament de Louis XIII, l'attribution de la Régence, etc. Anne d'Autriche lui devra sa facile mainmise sur le pouvoir.

La querelle va-t-elle s'apaiser dans les effusions qui suivent ces accords et par la rentrée en grâce de tous les mécontents ?... Eh bien ! non. Entre la Couronne et le Parlement, les rapports s'aigrissent plus que jamais et bientôt, par un entremêlement de fautes et de vivacités réciproques, ce sera la Fronde, la Fronde qu'à force de sagesse et de tact Richelieu avait su éviter.

La Fronde parlementaire réclamera l'abolition de la plupart des mesures de gouvernement prises par Richelieu : suppression des intendances et des commissaires extraordinaires ; régalement des tailles ramenées aux anciens taux ; vérification des édits et ordonnances par les Cours souveraines ; interdiction des rachats de rentes et des suppressions d'offices ; création d'une chambre de justice composée de membres des Cours souveraines et chargée de connaître les abus et malversations commises dans l'administration des finances du Roi[33]. Cette initiative déchaînera une reprise extraordinaire des revendications des princes, de la Noblesse, en un mot de ce qui reste de la féodalité[34].

C'est la guerre civile, alors que la lutte suprême est engagée contre la maison d'Autriche ; c'est comme une nouvelle Ligue, annihilant les forces de la France. La minorité de Louis XIV est une autre minorité de Lorris XIII : Paris en état d'émeute contre l'unité nationale ; la Reine Régente et son gouvernement fuyant en province ; la frontière franchie par les armées ennemies ; l'indépendance de la France en péril ; Monsieur le Prince souillant par de médiocres ambitions, qui rappellent trop les mauvaises années de son père, la gloire de Rocroi.

Le Parlement perdra finalement la partie si mal engagée. Mazarin rentrera à Paris triomphant et il passera au jeune Roi Louis XIV le fouet dont celui-ci saura se servir.

Et, pour mettre les choses à leur place dans l'histoire totale, comment ne pas rappeler encore que cette même Cour du Parlement, cette même classe des robins, en refusant de contribuer aux charges de l'État et en se dérobant au devoir national, jouera jusqu'à la fin, sur la carte biseautée d'un privilège usurpé, la partie décisive de l'existence du régime. Quand l'heure sera sonnée et que la nation elle-même, avertie de ses droits, en réclamera la jouissance, les échauffés du Parlement, en demandant la convocation des États généraux, provoqueront, non plus seulement une émeute, mais une révolution. Encore une fois, il a manqué alors à la Royauté et au Royaume un grand ministre ; dont l'autorité et le savoir-faire les eût maintenus peut-être dans la sagesse ou mis à la raison.

 

 

 



[1] Voir ci-dessus, Histoire du Cardinal de Richelieu, t. Ier, p. 365, et suivantes.

[2] Mémoires, édit. Michaud et Poujoulat, p. 7.

[3] Voltaire, Histoire du Parlement de Paris, édit. de Kehl, p. 113.

[4] Paroles reproduites par le garde des Sceaux Châteauneuf, dans son Mémoire sur le Parlement de France, resté inédit et qui fait partie des Archives de M. G. Hanotaux.

[5] Voir le texte complet de l'arrêt dans Châteauneuf, Op. cit., t. I, p. 100.

[6] Bazin, Histoire de France sous Louis XIII, t. I, p. 20-21.

[7] De cette intervention insolite du duc d'Épernon, il resta quelque rancune dans l'esprit des parlementaires et une querelle qui s'échauffa par la suite. Voir Récit de l'insulte faite au Parlement par M. d'Épernon, en 1614 dans Documents historiques extraits de la Bibliothèque royale, t. II, p. 499.

[8] Discours du premier président, dans Omer Talon. Mémoires, p. 21.

[9] Oscar de Vallée, Antoine Le Maistre, 1858, in-8°, p. 412.

[10] On trouverait des appréciations bien différentes sur les membres de la magistrature du Grand Siècle dans les Notes secrètes sur le personnel de tous les parlements et cours des Comptes du royaume, rédigées vers 1662, à l'usage soit de Fouquet soit de Colbert et publiées par Depping dans la Correspondance administrative sous Louis XIV. Collection des documents inédits, t. II, p. 33-132. — Mais il est indispensable de compléter cette lecture par la brochure rectificative : Portrait des membres du Parlement de Paris et des maires de Requêtes vers le milieu du XVIIe siècle, publié par Duleau, Paris, Dumoulin, 1883.

[11] Essais, Liv. Ier, chap. XXII. Sur la justice royale, les Parlements et l'autorité croissante de la bourgeoisie de robe, voir les deux chapitres du tome premier de l'Histoire du Cardinal de Richelieu, p. 283 et 451.

[12] Ce droit héréditaire de rendre la justice était devenu une propriété indiscutable. Tallemant cite ce mot du président Tambonneau : Et quoi ? Sera-t-il dit que Michau, fils de Michau et petit-fils de Michau et arrière-petit-fils de Michau, n'ait pas la charge de son bisaïeul ? Et l'on avait aussi un dicton, au Palais, pour la succession dans la grande famille de Mesmes : De Mesmes, toujours de Mesmes. Cité par Boppe, dans Correspondance du Comte d'Avaux, préface.

[13] Voici la note bibliographique du manuscrit inédit : Deux volumes in 4° veau, reliés aux armes de Th. Alex. du Bois de Flennes, dit le Bailli de Givry, manuscrit d'une très belle écriture de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle, 242 et 216 ff. écrits recto et verso. Traité des Parlements de France. Mémoires et commentaires sur l'Institution et pouvoir des Parlements de France. La copie de ce traité, qui ne parait pas avoir été imprimé, a été faite et reliée pour le célèbre capitaine, Thomas Alexandre du Bois de Fiennes, dit le bailli de Givry, mort de ses blessures en 1744. Ce bailli de Givry était, par les Morant du Mesnil Garnier, neveu du marquis de Châteauneuf, garde des Sceaux sous Louis XIII, disgracié, puis jeté en prison au mois de février 1633. Ce serait probablement par suite d'un héritage de famille que ce document serait venu entre ses mains. Les événements auxquels il est fait allusion en placent nécessairement la rédaction après 1633. — Archives de M. Gabriel Hanotaux.

[14] Voir op. cit., t. I, p. 219.

[15] Châteauneuf avait été écarté du pouvoir par la volonté propre de Louis XIII le 25 février 1633.

[16] Voir le Mémoire de Châteauneuf, t. I, p. 216.

[17] Voir Histoire du Cardinal de Richelieu, t. III, p. 413.

[18] Mémoires du cardinal de Richelieu, t. VII, p. 33.

[19] Mémoires de Mathieu Molé, t. I, p. 345, 355, 463, etc.

[20] Mémoires de Mathieu Molé, t. I, p. 359.

[21] Relire le chapitre du Testament politique, 2e partie, chap. VI, Une négociation continuelle ne contribue pas peu au bon succès des affaires. Lettres de Richelieu, t. VIII, p. 71. — Avenel relate tout l'incident sans bien dégager le rôle occulte de Châteauneuf dans cette circonstance dramatique. — Voir aussi, dans l'ouvrage de Marius Topin, Louis XIII et Richelieu, p. 156, une étude documentée sur Châteauneuf et Madame de Chevreuse.

[22] Voir l'arrêt du Conseil dans les Mémoires d'Omer Talon.

[23] Voir la lettre de Richelieu à Molé dans Lettres de Richelieu, t. IV, p. 204.

[24] On a vu, dans notre tome III, le récit du jugement de Marillac, qui eut lieu à Rueil dans la maison de cardinal et, il convient de le rappeler, sous la présidence de garde des Sceaux, Châteauneuf.

[25] Voir Lettres du Cardinal de Richelieu, t. IV, p. 193, et, en note, tout le détail de cette délicate affaire qui se termina au gré du ministre. — Voir, aux Affaires Étrangères ; tome 57, tiers du volume, copie de la pièce par laquelle il est donné à Richelieu rang et séance dans la Cour du Parlement.

[26] Récit de Claude Lepelletier, cité dans Barante, La vie de Mathieu Molé, 859, p. 37.

[27] Mémoires de Mathieu Molé, t. II, p. 129.

[28] Voir Documents d'histoire, publiés par le Père Griselle, 1913, p. 363 ; d'après Calendar of State Papers, vol. 28 A, pièce n° 94.

[29] Pour le détail de cette affaire, où les nuances sont de si grande importance, comme dans toutes les affaires d'Etat, se reporter, en particulier, aux Mémoires de Mathieu Molé, t. II, p. 130-135, et aux Mémoires d'Omer Talon, où se trouve le procès-verbal du lit de justice, édit. Michaud et Poujoulat, p. 12.

[30] Voir Omer Talon, Mémoires, p. 18.

[31] Voir Harangue du Cardinal de Richelieu au Parlement en 1634. Manuscrits de la Bibliothèque Mazarine, n° 1360.

Voir dans Avenel (t. V, p. 390), la lettre de Richelieu et le détail de cette grave affaire, prélude aux mesures prises par le Parlement, qui auraient pour effet de vider, en pleine guerre, les caisses de la trésorerie. — Au même moment, Richelieu écrit au Roi : Le cœur me saigne d'avoir su par le Sieur Boutard la misère avec laquelle l'armée de Flandres est tonte périe... Je proteste devant Dieu que je voudrais avoir donné de mon sang que cette pauvre armée n'eut point été réduite à l'extrémité où elle est, ce qui est de plus grande conséquence qu'on ne saurait imaginer pour les affaires du Roi, dont on méprise la puissance par la misère avec laquelle on voit périr ses troupes.

[32] Voir le texte de l'édit de Saint-Germain-en-Laye, de février 1641, dans Recueil des anciennes lois françaises, t. XVI, p. 529. Cet édit fut d'une importance capitale ; il décida die l'attitude de la Royauté à l'égard du Parlement. Louis XIV n'aura plus qu'à suivre. En voilà pour un siècle et demi.

[33] Voir Journal contenant ce qui s'est passé en la Cour du Parlement de Paris sur les affaires du temps, 1648-1649. Chez Alliot, 1649 in-4°, p. 12 et suivantes.

[34] Voir le rarissime ouvrage : Journal de l'assemblée de la Noblesse tenue à Paris en l'an 1651, sans nom d'éditeur, petit in-4°, in fine, le discours de l'évêque de Comminges, se réjouissant de la prochaine convocation des États généraux.