HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

L'ORDRE DANS LA MAISON

CHAPITRE PREMIER. — RICHELIEU LÉGISLATEUR.

 

 

L'œuvre de Richelieu dans l'ordre législatif n'est pas de première importance ; il ne peut être question de la comparer à celle d'un Colbert, moins encore à celle d'un Bonaparte ; cependant elle n'est pas non plus entièrement négligeable.

 

Le droit coutumier et la législation royale.

Le temps où parut le cardinal n'imposait pas au pouvoir royal un devoir urgent de refonte de la société et il convient d'ajouter que la fonction législative de ce pouvoir n'était pas alors ce qu'elle devint par la suite. La Royauté en était encore à rechercher, en cette matière, une autorité qu'elle ne devait jamais obtenir complètement. Le peuple faisait ses lois civiles lui-même et n'obéissait qu'à celles qui avaient reçu la sanction de l'usage par une adhésion lente, mais seule décisive, l'acceptation de la coutume. Même quand il s'agissait des lois édictées conformément aux vœux exprimés par les États généraux, il était passé en proverbe de dire : Après huit jours, non valables.

Les hommes éminents qui furent les rédacteurs de la Coutume de Paris, les Christophe de Thou, les Claude Anjorrant, les Jacques Viole, exposent en termes d'une grande clarté cet état de choses, aux heures justement où le futur cardinal allait prendre contact avec ce qu'on peut appeler la constitution du Royaume. Ils distinguent la législation émanant de la volonté populaire de celle qui vient de l'autorité du Prince : Or, comme il est deux sortes de lois, lisons-nous dans la Coutume de Paris, l'une qui est baillée par le Prince souverain, à laquelle le peuple est tenu d'obéir par l'ordonnance de Dieu et par l'ancienne loi dite Royale ; l'autre qui est faite par le consentement du peuple, que l'on nomme Coutume, introduite par un long usage, sourdement pratiqué parce qu'il a été trouvé bon, il est certain, Sire, que cette dernière espèce appelée Coutume est beaucoup plus douce que l'autre... L'édit ou ordonnance est commandé par puissance et quelquefois contre le gré des sujets ; mais, dit l'un de nos anciens, la Coutume est une mère douce à laquelle est due toute révérence.

Si l'on voulait essayer de préciser les conditions de l'évolution des mœurs sociales sous l'ancien régime, c'est dans le recueil des Coutumes qu'il faudrait les chercher. Le peuple, au fond, n'obéit qu'à ce long usage, sourdement pratiqué parce qu'il a été trouvé bon.

Il est même frappant que ce soit par le biais de la rédaction des Coutumes que l'autorité royale se glissa, en quelque sorte, dans la confection de la loi française. Cette ingérence fut longtemps plutôt de coordination que de prescription. Elle remonte au règne de Charles VII, c'est-à-dire à la fin de la guerre de Cent ans : Ce qui premièrement a été établi par l'ordonnance du roi Charles septième surnommé le Victorieux, votre prédécesseur, lequel, après avoir chassé les Anglois de son royaume, ayant acquis quelque repos, auroit ordonné que toutes les Coutumes de ses provinces seroient rédigées par écrit : auparavant laquelle Ordonnance ce n'étoit que confusion et pure injustice...

La mainmise de l'autorité royale fut alors reconnue par les peuples en raison du désordre profond qui avait suivi la guerre de Cent ans et du besoin, universellement ressenti, d'une autorité plus forte et mieux réglée. Il n'est pas étonnant, — les mêmes causes produisant les mêmes effets, — qu'à la fin du XVIe siècle, après les guerres de Religion, qui furent comme une seconde guerre de Cent ans, la France ait recouru aux mêmes remèdes pour guérir les mêmes maux, et qu'on ait

confié au Roi l'autorité nécessaire pour pourvoir, par une sorte de dictature, à la guérison des misères indicibles dont on avait souffert. La France se mettait, d'un mouvement spontané, dans les mains de la dynastie qui avait sauvé le pays de l'invasion et du démembrement.

Peu après les États généraux de 1614, l'orateur du Tiers, Savaron, âme fière, esprit libéral, dans son Traité de la Souveraineté du Roy et de son Royaume, ne conçoit point pour la France, une autre méthode de gouvernement. Reprenant la thèse des légistes de l'école de Toulouse, si ardemment absolutiste, il écrit : Le Prince est une autorité, un dieu corporel ; ses fidèles ne peuvent reconnaître autre seigneurie que celle de leur souverain Seigneur et sont dispensés de toute autre obéissance. Les progrès de l'autorité royale en matière législative sont expliqués, à ce moment même, par un autre légiste, le président Lebret, dans son Traité de la Souveraineté du Roy publié en 1632 : Quand les peuples, dit-il, jouissoient de la puissance souveraine, c'étoient eux seulement qui avoient, dans leur République, l'autorité de faire des lois. Mais depuis que Dieu a établi des Rois sur eux, ils ont été privés de ce droit de souveraineté et l'on n'a plus observé que les commandements et les édits des princes.

C'est donc en un juste équilibre entre les droits du peuple, inscrits dans les coutumes, et la souveraineté royale, ayant obtenu l'autorité de régler et coordonner les lois, que se trouve la faculté législative au début du règne de Louis XIII. Il ne s'agit ni de puissance absolue d'une part ni d'assentiment populaire de l'autre. Un jurisconsulte, s'adressant un peu plus tard au jeune roi Louis XIV, Omer Talon, lui disait, avec une grande noblesse d'expression des choses parfaitement justes : Vous êtes, Sire, notre souverain Seigneur. La puissance de Votre Majesté vient d'en Haut. Elle ne doit compte de ses actions après Dieu qu'à sa conscience. Mais il importe à sa gloire que nous soyons des hommes libres et non des esclaves. Votre Majesté a le titre auguste de roi des Français, c'est-à-dire qu'elle a le commandement sur des hommes de cœur et non sur des forçats qui obéissent par contrainte et maudissent tous les jours l'autorité qu'ils respectent[1].

Richelieu, nourri de ces maximes, eut pour rôle historique de les appliquer. Né serviteur de la Royauté, il n'avait pas à se créer un système gouvernemental ; le système existait. Comme Lebret, comme Savaron, comme les légistes, il voyait dans la puissance royale une émanation de la puissance divine, nécessaire comme l'ordre social lui-même. Mais il savait que cette puissance était soumise au droit et au juste.

Nous avons vu comment il avait saisi l'occasion de la publication du livre de Sanctarelli pour affirmer l'indépendance de la couronne de France à l'égard de toute puissance en terre et pour tirer de la thèse gallicane tout ce qui pouvait, dans le droit comme dans la pratique, affirmer l'absolutisme des Rois. Rappelons les paroles prononcées solennellement par lui dans l'assemblée de 1626 : Il n'y a que Dieu seul qui puisse être juge des actes des Rois ; aussi les Rois ne pèchent qu'envers lui.

Ceci dit, la coutume avait gardé sinon sa faculté créatrice, du moins sa vertu d'application. On la suivait, c'est l'expression consacrée. Aussi personne n'aurait eu l'idée de chercher dans une refonte quelconque du droit civil coutumier certaines transformations ou corrections qui eussent risqué de mettre en péril la pacification nationale si péniblement rétablie.

L'ensemble de ces considérations nous permet de délimiter et d'encadrer, en quelque sorte, dans les conditions sociales de son temps, l'œuvre législative de Richelieu : résultant de nécessités immédiates, elle fut surtout d'actualité, de pratique, de réglementation. Œuvre politique par excellence, œuvre de coordination, de centralisation. C'est, en quelque sorte, de la loi debout, de l'action écrite.

Sans passion, le ministre considère l'ensemble de la situation du pays et les ressorts de la machine gouvernementale ; il simplifie et il renforce. Agent du pouvoir royal, il se sert de la forme de l'ordonnance, qui implique à la fois ordre et obéissance : mais, si l'obéissance se dérobe à l'ordre, ce sera l'action elle-même qui envahira le prétoire et dont la force deviendra loi.

Son génie constructeur tend, selon les aspirations instinctives d'un peuple en état de croissance, à assurer à ce peuple un développement plus égal et plus achevé. Mais cette transformation ne s'accomplira pas sans souffrances. Reconnaissons que la manière du cardinal, peut-être parce qu'elle est fille d'une nécessité urgente et qu'elle s'exerce sur un mal profond et enraciné, a quelque chose d'âpre, de dur, de sanglant, jusqu'à en être cruelle. Le prêtre, le légiste, petit-fils de l'avocat La Porte, l'irréconciliable adversaire des désordres de la Ligue va, dans l'usage de l'autorité, jusqu'au bout de sa volonté et au delà des formes de la justice parlementaire. Il sait que la France, selon son génie propre, n'a pas peur des exécutions rigoureuses quand sa passion ou sa conviction peut les croire nécessaires. Et c'est pourquoi, logique avec lui-même et avec son temps, au même moment où il tranche dans l'action, il inaugure sans hésitation l'appel à cette puissance qui deviendra, avant peu, la reine des gouvernements, la maîtresse des maîtres, l'opinion.

 

Les idées du cardinal.

Dès le début de l'année 1625, à peine La Vieuville a-t-il été éliminé, que Richelieu, secondé, d'après les documents de son cabinet, par Miron, évêque d'Angers, rédige ou fait rédiger un certain nombre de Règlements pour les affaires du Royaume, destinés à être soumis à l'examen du Roi. Ces projets sont jetés un peu pêle-mêle et comme du bout de la plume sur le papier. Ce sont, le plus souvent, des indications rapides ou de simples têtes de chapitre. Les morceaux les plus intéressants et les plus achevés visent les affaires religieuses, les impôts, les affaires de la mer, qui déjà sont au premier rang dans les préoccupations du cardinal, les conseils royaux et leurs attributions, les duels, les chambres de justice (visant surtout La Vieuville et les financiers), certaines mesures somptuaires, les précautions à prendre contre la trop grande quantité de collèges. A propos de cette pléthore, il fait cette remarque juste dans tous les temps : Les plus pauvres faisant étudier leurs enfants, il se trouve peu de gens qui se mettent au trafic et à la guerre, qui est ce qui entretient les États ; il suffirait d'entretenir les écoles supérieures avec de bons professeurs et de multiplier les petites écoles pour la première instruction de la jeunesse.

Ce projet de réformes générales n'eut pas de suite immédiate. Sur plusieurs points, les idées qui y sont indiquées se modifièrent à l'épreuve. Cependant il n'est, pas sans intérêt de reconnaître, dans ces esquisses, les vues du ministre en ce qui concerne la réglementation du gouvernement et des mœurs politiques, et, ainsi que l'observe l'éditeur de ces pages, il est curieux de comparer ces projets de gouvernement avec le gouvernement lui-même et le programme avec les actes[2].

Il n'est pas sans intérêt non plus de signaler l'analogie et même, parfois, l'identité absolue qui existe entre certains passages de ces règlements et les idées de Fancan, qui avait été, dans l'opposition, la plume de l'évêque. Richelieu n'a pas rompu encore avec le singulier frère d'armes de ses premiers combats ; il ne s'est pas dégagé de l'espèce d'envoûtement qui ne se dissipera que par l'internement de Fancan à la Bastille[3].

 

L'Assemblée des notables de 1626.

A la fin de l'année 1626, Richelieu, ayant déjà obtenu les succès dont il était si fier dans l'affaire de la Valteline, dans la conclusion du mariage d'Angleterre et dans la négociation avec l'Espagne, mais inquiet, d'autre part, do la première opposition qu'il rencontrait à la Cour et dans les provinces, résolut de se mettre en rapport avec l'opinion.

Déjà dans une circonstance grave, lors de l'affaire des libelles et du livre de Sanctarelli, il avait réuni autour du Roi ce que l'on pourrait appeler un haut conseil consultatif. Cette fois il recourt à la forme traditionnelle de l'Assemblée des notables ; et c'est à elle qu'il s'adresse pour obtenir l'appui qui lui est nécessaire tant pour sa politique intérieure que pour sa politique extérieure. Il prépare dans le silence du cabinet les modalités du contact qu'il cherche à établir entre le pouvoir royal et les représentants de l'élite sociale. Ses papiers nous ont conservé le détail de cette minutieuse préparation ; en plus, nous avons le compte-rendu des séances de l'assemblée et le texte du discours qu'il prononça en laissant l'exposé des points secondaires au garde des Sceaux Marillac et au maréchal de Schomberg ; et nous avons enfin, le procès-verbal des délibérations et les conclusions votées par les notables[4].

Le cardinal a exprimé sa pensée dans ce passage de son discours : Les affaires sont maintenant, grâces à Dieu, en assez bon état ; mais on n'oserait se promettre qu'elles y demeurent toujours... Il faut par nécessité ou laisser ce Royaume exposé aux entreprises et aux mauvais desseins de ceux qui en méditent tous les jours l'abaissement et la ruine, ou trouver quelques expédients assurés pour l'en garantir. L'intention du Roi est do le régler en sorte que son règne égale et surpasse les meilleurs du passé et serve d'exemple et de règle à ceux de l'avenir... Il n'est pas besoin de faire entendre à cette célèbre compagnie les grandes dépenses qui ont été causées par ces signalées actions, parce que chacun sait qu'en matière d'État les grands effets no sont pas souvent à peu de frais... Reste donc à augmenter les recettes, non par nouvelles impositions, que les peuples ne sauroient plus porter, mais par moyens innocents qui donnent lieu au Roi de continuer ce qu'il a commencé à pratiquer cette année par la diminution des tailles. Quand il sera question de résister à quelque entreprise étrangère, à quelque rébellion intestine, si Dieu en permet encore pour nos péchés, quand il sera question d'exécuter quelque dessein utile et glorieux pour l'État, on n'en perdra point l'occasion faute d'argent ; il ne faudra plus avoir recours à des moyens extraordinaires ; il ne faudra plus courtiser les partisans pour avoir de bons avis d'eux et mettre la main dans leur bourse, bien que souvent elle ne soit pleine que des deniers du Roi. On ne verra plus les cours souveraines occupées à vérifier des édita nouveaux. Les Rois ne paraîtront plus dans leurs lits de justice... Enfin toutes choses seront en l'état auquel dès longtemps elles sont désirées des gens de bien... On dira volontiers, et peut-être le penserai-je moi-même, qu'il est aisé de se proposer de si bons desseins, que cela est chose agréable d'en parler, mais que l'exécution en est difficile... Sa Majesté, Messieurs, vous a assemblés expressément pour les chercher, les trouver, les examiner, et les résoudre avec vous, assurant qu'elle fera promptement et religieusement exécuter ce qu'Elle arrêtera sur les avis que vous lui donnerez pour la restauration de cet État.

Les matières soumises aux délibérations de l'assemblée se rapportent principalement, comme on l'a compris, au moyen de se procurer sans retard les ressources nécessaires aux grandes entreprises qui s'imposeront sous peu au pouvoir royal.

L'argent fut toujours le souci angoissant, le ver rongeur du cardinal. De solution satisfaisante, il ne s'en trouva jamais. Les classes privilégiées de l'ancien régime avaient traditionnellement, en ce qui concernait la participation aux dépenses publiques, un parti pris de grand refus, qui devait les conduire, ainsi que le régime lui-même, à leur perte. Le cardinal dut en venir, sur cette question vitale des nécessités financières et des besoins de la trésorerie, à une pratique d'ailleurs usuelle, à savoir de confondre ses propres ressources avec celles de l'État et de se faire le banquier et le trésorier du Royaume. Il est vrai que ce n'est pas sa fortune qui devait y perdre.

L'organisation financière de la France sous Richelieu sera l'objet d'une étude à part. Mais il convient d'indiquer la pensée qui, dès lors, a germé dans l'esprit du ministre abordant à peine l'exercice du pouvoir : c'est à savoir que les finances de l'État dépendent de la politique et que les ressources viennent à ceux qui ont l'autorité pour les réclamer, pour les exiger.

On voit apparaître comme un premier dessein de certaines mesures de centralisation par lesquelles on tâte, pour ainsi dire, le sentiment et la fidélité des élites. Le gentilhomme qu'est Richelieu tend à se dégager de l'autorité que la robe a su prendre dans les Conseils, comme s'il pressentait le rôle que les parlementaires devaient jouer aux dernières heures de l'ancien régime. En cela, sa politique se distingue nettement de celles qui avaient eu la faveur de certains rois de France et en particulier de Louis XI : L'on demande, dit le cardinal, s'il n'est pas à propos que le Roi choisisse de sages gentilshommes pour les faire servir par quartiers dans ses Conseils parmi plusieurs de robe longue qui y sont.

En satisfaisant la noblesse moyenne, en la dégageant de l'influence, de l'autorité des grands, et en l'attachant plus étroitement aux destinées de la Royauté, on abolirait les dernières survivances du système féodal ; nul ne s'élèverait dans les provinces contre l'autorité royale.

On demande à l'assemblée s'il n'est pas à propos d'établir une chambre des Grands jours pour aller, par ce Royaume, recevoir les plaintes des sujets du Roi.

Tout ce qui peut être ou devenir un danger de rébellion ou de connivence avec l'étranger est signalé au patriotisme des notables ; on leur rappelle l'inquiétude du parti protestant,

les prétentions des grands féodaux, des gouverneurs de province, à demi indépendants, installés qu'ils sont pour la plupart sur les frontières : l'assemblée verra s'il ne doit pas être défendu à tous sujets du Roi de conférer avec les ambassadeurs des princes étrangers sans sa permission, etc.

Les matières de finances, le rachat du domaine, le régalement des tailles font l'objet de propositions renouvelées et qui tendent toutes, du moins en paroles, à éviter la foule du pauvre peuple. Le gouvernement entend mettre les représentants des classes privilégiées en face de leurs responsabilités : Si vous pouvez, leur dit-il, trouver quelque invention de décharger le peuple et d'augmenter le revenu de l'État sans un fonds extraordinaire ou si vous estimez à propos de laisser les affaires ainsi qu'elles sont, on ne demande rien ; mais, si le premier est impossible et que le second ne se doive pas, c'est à vous de chercher les moyens proportionnés au bien de ce Royaume.

Sur ce ton d'ironie voilée, mais d'autant plus piquante, les notables sont mis au pied du mur. On les jugera à leurs œuvres ; mais, s'ils se désintéressent de la prospérité et de la sécurité du Royaume, on saura se passer d'eux. Pour lui apporter ce double bienfait sécurité, prospérité, le ministre ne reculera pas.

Toute à la défense de ses privilèges, l'assemblée était vouée à l'échec, et ce ne fut que par une adhésion, en quelque sorte platonique, qu'elle accorda son attention soupçonneuse à quelques-unes des idées qui lui étaient soumises et où l'on voyait apparaître un premier germe de ces projets d'unification et de nivellement des classes que la nécessité d'État devait mil& par la suite dans l'esprit du cardinal.

D'autres initiatives, trouvant un terrain plus favorable, commencent à se préciser, mais avec quelle prudence encore ! Il y auroit, observe Richelieu, beaucoup de places à raser dans le Royaume, auxquelles maintenant, il ne faut pas toucher... bien que ce rasement, l'interdiction des amas d'armes, des levées, et des armements soient nécessaires au repos de l'État...

N'est-il pas frappant de voir surgir dès cette époque, dans l'esprit du prélat, les grandes préoccupations économiques, commerciales, le souci du bien-être et du travail populaire, qui seront d'actualité tant qu'il y aura des sociétés humaines et des peuples à gouverner : Le Roi désire que l'assemblée recherche quelque. moyen sir et effectif pour le régalement des tailles, que le ; pauvres, qui en portent la plus grande charge, soient soulagés. Le Roi désire que l'assemblée lui donne avis des moyens qu'il y a d'établir un ordre pour que les grains soient à un prix si raisonnable que le peuple puisse vivre, dans les grandes incommodités qu'il a souffertes... et, en marge, ce mot où l'on sent toute la jeunesse douloureuse de l'enfant élevé en province au temps de ces grandes misères, remonter au cœur du ministre : Les soldats et les sergents sont les fléaux du pauvre peuple ; les uns (les soldats) et les autres (les sergents) c'est-à-dire les agents et fonctionnaires locaux les persécutent toujours... Ce qui fait qu'on estime à propos de supprimer une partie des officiers dont le grand nombre ne sert qu'à ruiner le peuple...

Observons que les mesures à caractère spécialement politique et administratif réclamées par le cardinal sont loin d'être, pour lui, l'objet ultime de l'œuvre gouvernementale. D'une démarche puissante de son esprit investigateur, le prélat se tourne vers les véritables supports de la prospérité publique : le commerce, l'agriculture, la marine, les colonies. Le mémoire rédigé pour être soumis à l'assemblée des notables s'accompagne, dans les archives du cardinal, d'un morceau exposant les points de vue les plus nouveaux et les plus féconds en matière économique (comme nous dirions aujourd'hui). Ce morceau se retrouve dans les Mémoires et y occupe plus de cinquante pages ; c'est dire son importance et le prix qu'y attachait le ministre. Nous reviendrons sur ces idées si originales et qui ont été, ou peu s'en faut, négligées par l'histoire. Pour ces vastes desseins, Richelieu, nouvellement arrivé aux affaires, s'en remettait à l'avenir ; l'assemblée des notables ne parait pas avoir été saisie de cette partie du mémoire ; elle se dispersa en ne laissant qu'une sorte d'adhésion générale au gouvernement du ministre, à la personne plus qu'aux idées. On l'approuvait et on le craignait un peu.

Il est un point cependant sur lequel Richelieu n'avait pas cru devoir attendre et au sujet duquel il avait présumé l'assentiment de l'opinion ; il s'agit de la répression des duels.

 

L'Édit contre les duels (février 1826, enregistré au Parlement le 24 mars).

Richelieu avait souffert, plus qu'on ne peut le croire, de la mort de son frère, le marquis de Richelieu, tué en duel par Thémines, fils du maréchal, le 8 juillet 1619. Il avait ressenti cruellement le mal que ces rencontres sanglantes faisaient aux familles, au corps de la noblesse, à la France[5]. Il écrit lui-même dans ses Mémoires : Je ne saurois représenter l'état dans lequel me mit cet accident et l'extrême affliction que j'en reçus, qui fut telle qu'elle surpasse la portée de ma plume et quo, dès lors, j'eusse quitté la partie, si je n'eusse autant considéré les intérêts de la Reine que les miens m'étoient indifférents. Et, dans ses carnets intimes, cette douleur s'exhale en ces paroles sincères et simples : Jamais, je ne reçus une plus grande affliction que par la perte de ce personnage. Ma propre perte ne m'eût pas causé plus de déplaisir.

Cet événement imprévu avait provoqué en lui de profondes méditations, dont l'expression se retrouve dans le Testament politique, et le cardinal était arrivé à cette conclusion qu'il appartenait à l'État de mettre un frein à un si détestable abus. A l'exemple de saint Louis, les rois de France avaient pris nettement position contre tous les genres d'ordalie ou de jugement de Dieu, dont le duel privé était, en somme, une sorte de survivance. En 1602 et 1609, Henri IV avait rendu contre le duel deux ordonnances condamnant les champions à un bannissement de trois ans, et en cas de récidive, à la peine de mort. Mais ces ordonnances avaient eu peu d'efficacité, les tribunaux ayant hésité à les appliquer en raison de leur sévérité même. Richelieu rapporte dans ses Mémoires que la manière de la mort du Roi avait été quasi attribuée à punition de Dieu pour avoir toléré les duels[6].

Dès que Louis XIII avait exercé en personne le pouvoir, les édits contre les duels avaient été renouvelés en quelque sorte automatiquement. Même, avec cette sévérité inhérente à son caractère, Louis XIII, le Juste, avait refusé de faire grâce au baron de Guémadeuc qui, ayant provoqué M. de Navel, l'avait tué[7]. Devenu ministre, Richelieu constatait que l'extrême sévérité des mesures répressives les rendait inapplicables. Et c'est dans cet esprit qu'il inspira au Roi le nouvel édit de février 1626. La mesure comportait une sorte d'amnistie pour les faits antérieurs, sans néanmoins que la modération des peines ci-après exprimées se pût étendre à ceux qui, contrevenant à cet édit, auraient tué. (Article I.) De même, la peine de mort était maintenue contre ceux qui appelaient pour la deuxième fois. On visait ceux qui seraient qualifiés aujourd'hui de professionnels du duel. Le Roi prend même des précautions contre sa propre indulgence. Or, parce que ce n'est rien de faire des lois, si on ne les fait religieusement observer, nous déclarons solennellement devant Dieu et devant les hommes que nous n'accorderons jamais aucunes lettres pour remettre les peines du présent édit ; avons fait jurer aux secrétaires de nos commandements de n'en signer, à notre chancelier de n'en sceller aucune. (Article 13.)

Dans l'ensemble, l'édit, en maintenant la vigueur des textes précédents, laissait à la religion des tribunaux d'infliger plus grandes peines selon qu'ils jugeoient en leur conscience. (Article I.) Mais, de toute évidence, ces prescriptions, plus nuancées et même assez libérales dans leur sévérité, ne pouvaient avoir de force que si elles étaient en fait appliquées[8].

Comme on le sait, un cas mémorable devait mettre bientôt à l'épreuve la fermeté du Roi et celle du cardinal. Il s'agit de la rencontre de Montmorency-Bouteville[9] et de son second des Chapelles[10], avec le marquis de Beuvron et le témoin de celui-ci, à Paris en pleine place Royale. Bouteville était un duelliste avéré. Par manière de bravade contre l'Édit royal, il avait institué chez lui une sorte d'académie des duellistes, et vingt et une fois déjà il avait violé les ordonnances en appelant et en se battant. Condamné à l'exil, il était revenu de Bruxelles pour se battre avec Beuvron[11]. Un des seconds de Beuvron, Bussy d'Amboise[12], avait été tué par des Chapelles. Beuvron s'enfuit en Angleterre. Bouteville et des Chapelles furent arrêtés, emprisonnés et condamnés par le Parlement de Paris à la peine de mort. Le cri de Grâce, Grâce ! s'éleva de toute la Cour vers le Roi. Les Montmorency surent faire valoir les services, le courage, la fidélité de leur parent.

Il appartenait au Roi de se prononcer sur l'avis de son ministre. A lire l'exposé, d'ailleurs ému et émouvant, que le cardinal a inséré dans ses Mémoires, on peut croire qu'il se sentit porté dans une certaine mesure vers l'indulgence, puisqu'il conseille la condamnation à la prison perpétuelle. Mais, à y regarder de près, le ton général de la note, faisant préjuger sans doute de l'avis exprimé verbalement, donne une impression quelque peu différente. Selon les propres paroles du cardinal dans l'exposé, paroles reprises par les Mémoires, il s'agissait de savoir si on couperait la gorge aux duels ou aux édits : Il n'y a point de doute que les deux hommes n'aient mérité la mort, dit encore l'exposé, et il est difficile de les sauver sans autoriser en effet ce qu'on défend par ordonnance, sans ouvrir la porte aux duels, augmenter le mal par l'impunité et rendre votre autorité et la justice pleines de mépris.

Ces paroles adressées à Louis XIII touchaient au vif la conscience royale. Le Roi se prononça et il opposa dès lors une obstination froide aux supplications de la maison de Montmorency, de même qu'un jour il devait résister aux mêmes supplications, alors qu'il s'agissait du chef même de la famille. Il dit à la princesse de Condé : Leur perte m'est aussi sensible qu'à vous, mais ma conscience me défend de leur pardonner. D'autre part, Richelieu écrit : Le Roi a été plus fâché que je ne puis vous dire d'en venir à cette extrémité à son endroit (il s'agit de Bouteville) ; mais les rechutes si fréquentes auxquelles il s'était porté volontairement en une chose qui combattait directement son autorité, ont fait qu'il a cru être obligé en conscience devant Dieu et devant les hommes de laisser libre cours à la justice. En publiant cette lettre, M. Avenel ajoute : Qui ne serait ému en songeant que, cinq ans plus tard, Richelieu devait en écrire de semblables au sujet du duc de Montmorency, à qui celle-ci était adressée[13].

Relatant les faits dans ses Mémoires, Richelieu vante, sur un ton qui sent son homme d'épée, le beau courage avec lequel ces braves subirent leur peine : Jamais on ne vit plus de constance, moins d'étonnement, plus de force d'esprit, plus de cœur en ces deux gentilshommes... Il y eut cette différence entre eux : Bouteville parut triste pour les fautes qu'il avait commises, et l'autre joyeux pour l'espérance qu'il avait d'être bientôt en paradis, où toute joie abonde.

A la suite de ce drame, l'opinion se répandit que Richelieu, par sa volonté implacable, avait failli mécontenter le Roi et la Cour jusqu'à risquer sa situation. Rubens écrit, le 1er juillet 1627, à Pierre Dupuy, garde de la bibliothèque du Roi : Certainement, le Roi s'est montré rigoureux exécuteur de la justice en faisant tomber la tête de ce pauvre Bouteville et celle de des Chapelles. Il a désormais fermé la porte de l'espérance du pardon pour tous ceux qui commettent le même crime. Je crains bien, cependant, que M. le cardinal n'ait ainsi augmenté contre lui-même la jalousie et la haine non seulement des parents, mais encore de presque toute la noblesse du Royaume.

Ce sentiment se répandit, en effet ; mais la situation du cardinal n'en fut nullement ébranlée. La France avait besoin d'un gouvernement fort pour que l'ordre social Mt rétabli ; seulement l'attitude à l'égard de Bouteville et de des Chapelles accrédita le reproche de sévérité qui suivra désormais Richelieu devant l'opinion et dans l'histoire et qui, en toute justice, devrait s'appliquer tout autant à Louis XIII. S'il était nécessaire d'établir, qu'en cette matière, comme en tant d'autres, le Roi faisait preuve à la fois d'initiative et de fermeté, il suffirait de citer la lettre du 17 novembre 1634, où le Roi signale à son ministre que d'Aubigny, le frère de Villequier, a été tué en duel par un mousquetaire nommé Pommerais, qui avait pour second Beaufrançois, lequel est allé chercher Pommerais à Paris, où il se faisait panser de la v... — et l'a fait lever du lit et l'a mené derrière Montfaucon, où ils se sont battus deux contre deux à épées et poignards. Il faut que le procureur fasse son devoir. Et Louis XIII insiste sur ce point : J'entends que la justice en soit faite[14].

Le mal fut-il entièrement guéri par la nouvelle mesure ? Richelieu l'affirme dans ses Mémoires[15]. L'effet a montré, écrit-il, combien, d'une part, la modération de la peine et de l'autre l'inflexible fermeté à n'en exempter aucun ont été profitables, vu que, depuis ce temps, cette fureur qui était si ardente s'est ralentie et qu'il ne s'est plus quasi entendu parler de duels[16]. Cependant Louis XIV et même Louis XV durent renouveler, avec une persistance qui indique la survivance du mal, les mesures de répression. Bossuet célèbre les résultats obtenus par Louis XV comme la merveille du siècle. Étaient-ils si merveilleux ? Les lois ont rarement la force de corriger brusquement l'erreur des mœurs.

Mais l'édit de 1626 contient une prescription qui devait peu à peu avoir une haute influence sur les mœurs : il s'agit de l'évocation, devant le Tribunal des maréchaux de France, des offenses ou dissentiments pouvant porter atteinte à l'honneur et donner lieu à rencontre. L'article 15 porte : Au cas où l'une ou l'autre des parties ne voudrait y déférer (aux tentatives de conciliation) ils seront renvoyés par devant nos très chers et bien-aimés cousins le connétable et les maréchaux de France, auxquels nous donnons de nouveau toute autorité de décider et juger absolument des différends de cette nature sur le point d'honneur, etc.

Cette disposition, qui confiait à une autorité si respectée, le Tribunal des maréchaux, l'arbitrage et la décision de l'honneur, était de celles que l'honneur lui-même pouvait accepter. Gagnant lentement une réelle efficacité, elle devait diminuer le nombre des duels et même elle finit par déshabituer les Français du port de l'épée[17]. Le régime royal devait guérir ainsi la France d'un mal que lui avait légué la féodalité.

 

L'ordonnance de 1629 pour la réformation du Royaume, dite le Code Michau.

En janvier 1629, fut publiée la grande ordonnance connue sous le nom de Code Michau parce qu'elle fut rédigée par le chancelier Michel de Marillac, qui, ayant représenté le gouvernement royal devant l'assemblée des notables, avait été chargé de rédiger les décisions soumises à cette assemblée. Il n'est pas douteux que cet acte législatif considérable n'ait été publié avec l'assentiment et même sur la volonté du cardinal. Nous y retrouvons, en effet, nombre des idées qui avaient été formulées déjà dans les Avis pour le Roi et qui furent reprises par la suite dans le Testament Politique.

Des raisons diverses expliquent le discrédit dans lequel tomba rapidement le Code Michau. Le Parlement de Paris montra une hostilité violente de prime saut, quoique l'ordonnance lui eût été lue et quoique elle eût été publiée en présence du Roi séant en son lit de justice ; il tint en suspens l'enregistrement. Les Mémoires, en relatant le fait, non sans quelque minutie, disent les causes de l'attitude prise par les membres de la Cour de justice : Ils firent refus de mettre dessus le registré, non tant pour la promptitude extraordinaire dont l'on avait usé à passer cette affaire (ceci parait bien un blâme à l'adresse du garde des Sceaux, Marillac) ni pour l'intérêt qu'avoient l'Église, le public, et eux aussi en leur particulier en aucunes desdites ordonnances, que pour cc que les passer ainsi semblait choquer leur prétendue souveraine autorité, passant comme une loi fondamentale du Royaume que toutes les publications faites par le Roi même présent, ne valent sinon autant qu'ils les approuvent par après, ce qui est soumettre entièrement l'autorité du Roi à la leur[18].

Cette prétention du Parlement, en provoquant un conflit dont les détails ne peuvent être exposés ici, donna le temps à d'autres oppositions de se produire ; et la plus grave de toutes fut celle du cardinal lui-même, en raison du dissentiment qui ne tarda pas à se produire entre lui et le garde des Sceaux. Marillac se déclarait de plus en plus favorable aux partisans de la Reine mère, de Monsieur, en un mot de la politique espagnole et devint ainsi l'adversaire déclaré de Richelieu.

Un libelle publié sous l'inspiration du cardinal, Les Entretiens des Champs Élysées, met en évidence cet état d'esprit : (L'entretien a lieu entre les ombres) : Comment, dit l'avocat Arnaud, n'avez-vous point su le discours que nous faisait M. des Landes[19], de l'entrée du chancelier au Parlement avec le Roi pour présenter ce ridicule code et obliger la Cour à le recevoir ? Il commença sa harangue par la maladie du Roi, les secours donnés en Ré et la continua par la défaite de l'armée anglaise... Ne sont-ce pas preuves pertinentes pour l'autorité de son code ? Et, reconnaissant trop tard son impertinence pour la moquerie qu'il aperçut qu'on faisait de lui, il usa de menaces par infinité d'exemples hors de propos, pour faire peur, etc.

D'un tel homme ainsi dépeint on ne voulait plus rien reconnaître de bon. Le ministre tant raillé avait été un collègue et un ami ; mais, maintenant, on jetait par dessus bord le politicien qui se mêlait de ce qui ne le regardait pas, l'orateur maladroit, le rédacteur d'un code ridicule, mal venu, qui, aussitôt paru, fut ainsi désavoué, rejeté.

Pourtant, dans son ensemble, cette ordonnance royale, se référant aux sentiments de l'assemblée des notables, n'en reste pas moins comme le premier essai de codification des lois intéressant l'ordre public qui ait été tenté en France avant Colbert. Richelieu lui-même reconnaît dans ses Mémoires qu'il était bon ; il ajoute que, malgré l'opposition du Parlement, l'édit fut néanmoins observé en toutes occasions. Si, par suite de la crise politique qui le sépara des Marillac, il n'en revendiqua pas hautement la paternité, il ne négligea pas d'en appliquer les principes et même de donner à ces principes, sous une autre forme, une nouvelle vigueur[20].

Une analyse rapide fera connaître combien l'acte législatif est d'importance et combien ses prescriptions principales sont conformes aux vues du cardinal.

L'ordonnance n'aborde aucune question de législation civile ; elle n'empiète en rien sur le domaine de la Coutume. C'est une œuvre de haute administration, une œuvre de discipline et de concentration des forces sociales. S'appliquant aux difficultés du moment, elle s'en tient à ce que le langage du temps appelle la police.

Qui eut songé alors à une réforme, ne fût-ce que partielle de la société ? La Royauté abaissait les pouvoirs intermédiaires,

limitait les revendications du privilège, mais elle n'avait nul dessein de prendre position contre un régime d'où était né ce qui faisait sa force. Le temps n'était pas éloigné où Henri IV se proclamait lui-même le premier gentilhomme de son royaume. Richelieu, nous venons de le voir, n'oubliait pas qu'il appartenait au corps de la noblesse moyenne, à cette élite vigoureuse franchement ralliée à la Royauté et parmi laquelle il aimait à choisir ses gens de main. Sa préoccupation, en ce qui concernait l'ordre social, était toute de discipline et de correction, rien de plus[21].

Ainsi que les avant-projets laissés par Richelieu dans ses papiers, le Code Michau donne la première place et la plus importante aux règlements relatifs à l'ordre religieux et ecclésiastique (quarante et un articles). C'est une matière que nous traiterons à part. Signalons les prescriptions relatives à l'entretènement et nourriture des pauvres (article 42), ainsi qu'à l'enseignement (six articles), surtout celles qui se rapportent à la presse et aux publications soit françaises soit étrangères. Les vues de l'ordonnance à ce sujet s'inspirent de la doctrine du commandement unique, j'allais dire de l'état de siège, nécessaire à un pays menacé de toutes parts ; mais, ce qui est frappant, elles sont inspirées également par le souci de l'opinion publique, l'un des premiers du cardinal.

Les mesures édictées sont les suivantes : interdiction aux libraires de faire paraître des livres ou libelles anonymes, interdiction de vendre des livres imprimés hors de France, sans autorisation de la police, etc. Cependant, voici une mesure d'adroite tolérance, où l'homme de plume, j'allais dire l'homme de lettres, se révèle : Remettons néanmoins à la discrétion de nos dits chancelier et garde des Sceaux de dispenser de ces règles ceux qu'ils croiront devoir faire, soit par le mérite et dignité des auteurs ou autres considérations.

Mérite et dignité des auteurs ! Comme cette parole annonce le Grand Siècle ! Et comme elle caractérise ce pouvoir tempéré par l'honneur, qui était, selon Montesquieu, le principe même de la Monarchie française !

Près de cent articles (53-130) sont consacrés aux choses de la justice, aux tribunaux, aux Parlements, à la procédure devant les diverses juridictions. Nous reviendrons sur certaines de ces mesures, celles qui concernent les remontrances des Parlements, les privilèges de la robe, l'organisation des Conseils ; mais il convient de souligner, dans ce large développement technique, œuvre des clercs rédacteurs, deux articles qui apparaissent comme une première esquisse de l'une des institutions les plus intéressantes de l'ancien régime, l'institution des intendants des armées ét intendants des provinces. Article 58 : Les maîtres des Requêtes de notre hôtel visiteront les provinces suivant le département qui sera fait, par chacun an, par nos chanceliers ou gardes des Sceaux, et se transporteront tant en nos cours de Parlements qu'en sièges des bailliages et autres ; recevront toutes plaintes de nos sujets sur foules et incommodités qu'ils reçoivent, même en l'administration de la justice, etc., etc. — Article 81 : Que nul ne puisse être employé ès charges d'intendants de la justice ou finances que nous députons en nos armées ou provinces, qui soit domestique, conseil ou employé aux affaires ou proche parent des généraux desdites armées ou gouverneurs desdites provinces. » Prendre une telle mesure, c'est briser net la clientèle des grands, maîtres dans les diverses parties de la France, et introduire sur tous les détenteurs de l'autorité souveraine, qu'il s'agisse des gouverneurs ou qu'il s'agisse des Parlements, un contrôle ne relevant que du Roi.

L'une des fonctions du pouvoir royal, longtemps chère aux masses populaires et qui ne tournera à l'abus que par l'abaissement des mœurs, retient l'attention du législateur de 1629 : il s'agit de la mission du Roi comme père de son peuple, gardien de la morale publique et particulière. Les articles 132 à 169 interdisent des donations aux concubines, promulguent des lois somptuaires, sur les vêtements, bijoux, parures, banquets, festins de noces, réglementent les académies et brelans, les dettes de jeux, puis statuent sur la corruption des mineurs, la débauche, le rapt, l'usure, etc.

L'article 156 est ainsi conçu : Ordonnons que dorénavant nulle femme mariée ou non mariée, ni aucun homme âgé de cinquante ans ne pourront être constitués ni retenus prisonniers pour le paiement d'ancienne dette civile.

Et tout à coup, à la suite d'un détail dans une réglementation de procédure — ce sont de ces fautes commises par le clerc de la basoche et qui nuisent si gravement aux inspirations du législateur —, voici que se découvre la haute pensée sociale qui est le principe même de l'ordonnance : il s'agit de consacrer l'unité nationale sous l'autorité unique et suprême du Roi. Le langage est différent, le ton est autre, la plume a changé de main. — Article 170 : Sont interdites les fréquentes rébellions et la facilité des soulèvements et entreprises particulières d'autorité privée, prises et lèvements d'armes, soit sous prétextes publics ou querelles et intérêts particuliers, honteuses à notre État et trop préjudiciables au repos de notre peuple, à notre autorité, et à la justice.

Les prescriptions relatives à l'ordre public se poursuivent en un détail pressant d'articles, comme une litanie d'ordres réitérés et frappants : Défendons à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu'ils soient, d'arrêter ou enrôler des soldats ou gens de guerre à cheval ou à pied, sous quelque prétexte que ce puisse être... avoir aucun amas d'armes... faire amas de poudre... faire fondre canons ou autres pièces... faire fortifier les villes, châteaux... convoquer assemblées publiques ou secrètes... sortir hors notre Royaume sans notre permission... faire imprimer ou répandre écrits diffamatoires et convicieux... former intelligence avec nos ennemis... etc., etc.

Les sanctions visent la fortune des contrevenants, leurs charges, leur liberté, leur prestige moral et celui de leur famille. Plus loin, par un calcul politique de longue portée, inspiré non par un esprit de domination, mais par une sage utilisation de toutes les forces sociales, on voit s'affirmer une politique d'égards et d'honneur en faveur de la noblesse fidèle et dévouée à l'œuvre royale. L'article 189 décrète : Désirant témoigner à notre Noblesse le ressentiment que nous avons des bons et fidèles services que de tout temps elle a rendus à notre couronne... favoriser et gratifier tous ceux dudit ordre, autant qu'il nous est possible, nous voulons et entendons que notre dite noblesse soit conservée et maintenue en tous les anciens honneurs, droits, franchises et immunités dont elle a accoutumé de jouir... Cette considération des mérites de la Noblesse et des ménagements à son égard va si loin que l'adhésion royale consacre l'un des vœux de cet ordre aux États de 1614 réclamant (contre le Parlement) la suspension de la vénalité des offices, — point sur lequel l'opinion de Richelieu changera d'ailleurs, dans l'avenir (voir le Testament Politique). Les mesures favorables à la noblesse de province se développeront jusqu'à réserver aux seigneurs le droit exclusif de la chasse, faveur qui deviendra l'un des griefs les plus forts du travailleur des campagnes contre la Royauté et qui contribuera, plus que nul autre peut-être, à la désaffection populaire au temps de la grande Révolution. Le Roi gentilhomme et chasseur abandonnait, sans en apercevoir, peut-être, les conséquences lointaines, son rôle d'arbitre dans la rivalité entre les essarts ou terre arable et la forêt[22]. Protéger la chasse noble en son privilège, c'était maintenir une sorte de droit seigneurial sur le travail rustique, c'était blesser le paysan non seulement en son labeur, mais en son espoir lointain d'acquérir, avec tous ses droits, la propriété rurale. Les pouvoirs publics n'auront jamais assez de souci de la dignité du sujet : ils ne devraient jamais oublier que l'obéissance est volontaire.

L'hommage rendu à la Noblesse est aussi un honneur rendu à l'armée et à son, élément-base, le soldat. Instrument de l'indépendance et de l'unité nationale,' de l'ordre et de la justice à l'intérieur, le soldat est entouré de soins nouveaux, d'un bien-être auquel il n'était certes pas habitué ; mais aussi on lui interdit de vivre sur le pays et on s'oppose aux déplorables violences qui prolongent, jusque dans la paix, les misères de la guerre. On l'encadre dans la nation selon des règles nouvelles qui, à la fois, l'élèvent et le contraignent : soldes, logements, étapes, congés, invalidités, pensions, titres, récompenses, distinctions, tout est réglementé. Certaines mesures que la tradition historique attribue à Louvois, trouvent ici leur origine : Pour récompenser les pauvres capitaines et soldats estropiés à notre service... nous voulons, déclare le Roi, qu'il soit fait état de toutes les abbayes et prieurés de notre Royaume... pour, sur lesdits bénéfices, recevoir pensions de religieux lais... que le soldat, par ses services puisse monter aux charges et offices des compagnies de degré en degré jusque à celle du capitaine et plus avant s'il s'en rend digne, et les officiers par conséquent... qu'à la suite des armées soient entretenus des hôpitaux pour secourir les soldats en leurs blessures et maladies.

Suit un véritable code militaire (articles 212-244), remarquable instauration de discipline nationale, qui se développera par une persévérante volonté de la royauté. L'armée doit être à la disposition de la nation, prête à défendre sa cause, mais elle ne doit pas peser trop lourdement sur ses épaules. Premières esquisses, premiers essais lointains de la limitation des armements. On s'élève du particulier au national en attendant l'international. Chose extraordinaire, nous trouvons, dans les papiers de Richelieu, la preuve que, s'inspirant d'une pensée qui n'est pas sans rapport avec celle de Sully, il avait entrevu le règlement des difficultés européennes par voie d'arbitrage[23].

L'ordonnance de 1629 aborde enfin (article 344) cette matière des finances qui fut le grand souci, le perpétuel tourment de Richelieu et du pouvoir sous l'ancien régime. L'ordre, la sécurité, le progrès, le pays les réclame, oui ; mais payer pour les obtenir, non. Éternelle lutte entre l'État et le contribuable. — Article 344 : Afin que les deniers de nos tailles et les autres levées tant ordinaires qu'extraordinaires soient plus promptement reçus qu'ils n'ont été par le passé et que nos sujets contribuables aient plus de facilité de les payer, afin de satisfaire la conservation et entretènement de notre État, nous ordonnons, etc. Suivent vingt-cinq ou trente articles consacrés à mettre sur pied cette extraordinaire machine fiscale de l'ancien régime qui n'arrivera jamais à bien fonctionner, et qui, par une singulière complication de délégation, d'exemptions, d'arbitraire et de faveur, de lésinerie et de gaspillage, d'exigence et de tolérance, de maladresse et de générosité, se trouva toujours contraire aux intérêts généraux et aux intérêts particuliers. Le privilège fut toujours l'obstacle ; chaque ordre, cantonné dans sa cellule, replié dans son inertie, sourd aux nécessités publiques, combat obstinément selon l'intérêt corporatif le plus mesquin. Ne voulant rien entendre, rien céder, la Noblesse se prétend exemptée par le service militaire, le Clergé par les prières, la Robe par la chicane ; nul des trois ne pliera jusqu'à la nuit du Is août. L'autorité impétueuse d'un Richelieu, le génie économique d'un Colbert, la sagesse d'un Vauban, les efforts désespérés d'un Machault ou d'un Turgot ne pourront amener les détenteurs du privilège à accepter leur part des charges sociales et à alléger d'une façon quelque peu raisonnable celle qui pèse sur le peuple.

Pour Richelieu, contraint par la nécessité, il finira par descendre dans l'arène, résolu à se servir de l'autorité souveraine pour engager la lutte. Homme d'action, il agira. Prenant en mains un organisme auquel le pouvoir royal a déjà recouru aux époques de trouble, les chevauchées des maîtres des Requêtes de l'hôtel, il développera et consacrera cette institution des intendants adjoints aux armées ou envoyés en qualité de missi dominici dans les provinces, par laquelle il jettera dans le sol national les puissantes assises de la centralisation moderne[24].

Sa devise sera désormais : Plus d'États dans l'État. Cette politique et cette création portaient atteinte à trop d'intérêts particuliers, à trop de situations établies, pour qu'elles ne provoquassent pas une opposition acharnée, qui devait aller jusqu'à l'émeute et à la guerre civile. Nous allons suivre le cardinal dans cette lutte qui, par son succès, incomplet malheureusement, devait lui permettre d'aborder avec les ressources nécessaires sa grande œuvre extérieure, l'abaissement de la maison d'Autriche et l'arrondissement du Royaume à l'abri de solides frontières. Nous en tenant, pour le moment, aux prescriptions de l'ordonnance de 1629, nous tracerons d'après elles, comme une première esquisse de cette entreprise de discipline et d'unification qui devait être celle du grand ministre à l'intérieur. Il prend d'abord à partie les grands pillards seigneuriaux et leur enlève les délégations de la suzeraineté qu'ils ont arrachées à la munificence ou à la faiblesse du pouvoir. — Article 409 : Ayant reçu plusieurs plaintes que, outre les grandes charges que notre pauvre peuple supporte à notre grand regret pour le soutien de notre État, il est encore surchargé en ce qu'aucuns, sous le prétexte de leurs charges ou de puissance qu'ils ont dans les provinces, font plusieurs levées de deniers ou autres contributions, de leur autorité privée, au grand préjudice de nos sujets, attentant contre notre autorité, défendons, enjoignons, etc., etc. Suivent les prescriptions qui tendent à l'abaissement des pouvoirs intermédiaires, principal objet, comme l'a proclamé la Constituante, de la mission historique du cardinal.

C'est par cette raison profonde que s'explique l'ardente passion de Richelieu contre les grands, passion dont l'expression revient comme un leitmotiv dans les manifestations de sa pensée politique. Des paroles on passera aux actes ; on traquera impitoyablement les particularismes qui cherchent à gagner au détriment de la cause publique et qui, pour se défendre, vont jusqu'à diviser le Royaume en cherchant l'appui de l'étranger[25].

Cependant, protégé par ces mesures, dont l'application finira par devenir draconienne, le peuple travaillera, profitera ; il paiera, non pour satisfaire des hérédités usurpées ou périmées, mais pour subvenir aux besoins de l'État.

On le voit, l'attention du ministre est toujours tournée vers le peuple, il applique son énergique volonté au développement de l'activité laborieuse du pays. Entre Sully et Colbert, il apparaît comme un remarquable administrateur de l'économie sociale. Grand centralisateur politique, il n'hésite pas, pour développer l'effort industriel, à recourir aux corporations et aux libertés municipales (articles 412 et suivants), il réglemente et encourage les associations entre marchands, l'apprentissage, la culture des céréales, la traite des grains, l'organisation des greniers et magasins, les tarifs, les moyens de transport. L'ordonnance édicte les mesures nécessaires pour fixer sur le territoire français les industries fructueuses ; elle donne des facilités d'exportation qu'elle suscite en quelque sorte. — Exhortons, dit l'article 421, nos sujets qui en ont le moyen et l'industrie de se lier et unir ensemble pour former de bonnes et fortes compagnies et sociétés de trafic, navigation et marchandise en la manière qu'ils verront bon être. Promettons de les protéger et défendre, les accroître de privilèges et faveurs spéciales et les maintenir en toutes manières qu'ils désireront pour la bonne conduite et succès de leur commerce, même les faire assister de nos vaisseaux de guerre pour escorter et assurer leurs voyages.

Ainsi apparaît en sa grandeur divinatrice le génie du Ministre de la Mer, constructeur, colonisateur, se proposant, après avoir achevé la France, de jeter les fondements de la plus grande France. Voilà chez le prélat amiral, cette volonté de création qui autorise tant de vivacité, d'exigence, de rigueur : on secoue la routine, on fouaille l'inertie, les paresses, les indécisions, on poussera par les épaules ce peuple qui comprend si on lui explique, et qui marche, mais à condition que l'on prenne la tête du mouvement. Richelieu, le premier des Français, lui révèlera le problème de la mer, qui, trop souvent, au cours de son histoire, l'a laissé indifférent.

Le petit-fils de Guyon Le Roy, le cardinal qui a pris La Rochelle, se fera attribuer à lui-même, au prix de difficultés inouïes, la charge de grand-maître de la navigation, chargé des affaires du commerce (octobre 1626)[26]. Profitant de la publication de l'ordonnance il s'explique, non sans quelque fierté : Et, pour apporter ci-après un ordre et un règlement au fait desdits voyages, commerce et navigation, après avoir fait rapporter en notre Conseil les règlements anciens faits sur le même sujet, oui les plus expérimentés matelots, officiers de la marine (les Launay Razilly) et marchands trafiquant sur nier, de l'avis de notre Conseil et de notre cher et bien-aimé cousin le Cardinal de Richelieu, grand maitre général et surintendant de la navigation et commerce de France, nous avons statué et ordonné, statuons et ordonnons que dorénavant et à toujours, il sera par nous et nos successeurs, Rois, entretenu cinquante vaisseaux du port de quatre à cinq cents tonneaux, armés et équipés en guerre, etc., etc. (Article 430.)

Suivent les mesures concernant la préparation du personnel, des équipages, des canonniers, des charpentiers, l'entretien des ports et havres, les pêches, les voyages au long cours, les droits de bris et naufrage, droits que Richelieu réclamera avec une exigence inlassable et qui aideront grandement aux dépenses dont il assumait la charge. La création d'un puissant système colonial est visée avec une clairvoyance admirable, comme étant de nature à ouvrir un champ nouveau à l'activité industrielle et commerciale de la nation. En lisant l'article 452, on croirait entendre, en avance de deux cent cinquante ans, la parole d'un Jules Ferry. — Article 452. Et pour convier nos sujets, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de s'adonner au commerce et trafic par mer et faire connaître que notre intention est de relever et faire honorer ceux qui s'y occupent : nous ordonnons que tous gentilshommes qui, par eux ou par personnes interposées, entreront en part en société dans les vaisseaux, denrées et marchandises d'iceux, ne dérogeront point à noblesse... Et ceux qui ne seront nobles, après avoir entretenu cinq ans un vaisseau de deux à trois cents tonneaux, jouiront des privilèges de noblesse... Voulons en outre que les marchands grossiers (en gros) qui tiennent magasins sans vendre en détail et autres marchands, qui auront été échevins, consuls et gardes de leur corps, puissent prendre la qualité de nobles et tenir rang et séances en toutes assemblées publiques et particulières... etc. etc.

Magnifique application à l'élite française de ce même principe de l'honneur, dégagé par Montesquieu. Rendre à la Noblesse son utilité nationale ; l'unir aux autres parties de la nation dans le travail, l'activité, l'esprit d'entreprise et de risque ; rassembler cette énergie mieux dirigée en toutes assemblées publiques et particulières (mesure qui fait songer au recrutement des pairies britanniques) ; refouler le privilège vaniteux et stérile ; fondre en une seule toutes les forces sociales et les amener à respirer d'un même souffle en les appliquant à une œuvre de développement infini : tels sont les desseins que l'on découvre à la lecture attentive des froids articles d'une ordonnance tombée en oubli. Le prélat ministre rajeunissait, si j'ose dire, la France des croisades, en lui livrant ce nouveau champ d'expansion qu'un lointain avenir devait ressaisir et cultiver[27].

 

 

 



[1] Cité par Caillet, Administration sous Richelieu, t. I, p. 17.

[2] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. II, p. 159-183.

[3] Voir Geley, Fancan et la politique de Richelieu, p. 278 et suivantes. Cf. Zur Geschichte Richelieu unbekannte papiers Fancans, Leipzig, Teubner, p. 32 et 59.

[4] Voir l'ouvrage, devenu rarissime et que ne parait pu avoir connu M. Avenel : L'Assemblée des Notables tenue à Paris ès années 1626-1627 (par Ardier, trésorier et greffier de l'Assemblée). Paris, Besongne 1652, in-4°.

[5] Sur ce duel et sur les conséquences de la mort du marquis de Richelieu, voir ci-dessus, t. II, p. 298.

[6] En 1607, Loménie ayant recherché combien il avait péri de gentilshommes en duel depuis l'avènement du Roi (Henri IV) il s'en trouva, de compte fait, quatre mille. Voir Read, Daniel Chamier, p. 69.

[7] Voir sur celle affaire Guémadeuc, Batiffol, Le Roi Louis XIII à vingt ans, p. 176, Une lettre personnelle du Roi sur les duels, écrite en juillet 1624, lettre véritablement émouvante, est publiée dans les Mémoires de Mathieu Molé, t. I, p. 325.

[8] Le Parlement présenta au Roi ses remontrances habituelles au sujet de l'Édit de 1621. On passa outre au moyen des lettres de jussion. Richelieu, dans ses Mémoires (année 1625), s'explique avec une sage modération sur la partie de l'édit qui, en adoucissant les peines, permettait aux tribunaux de les appliquer. C'est à ce sujet qu'il écrit visant ces grandes cours de justice, qu'elles sont bennes à faire observer une règle écrite, mais non à la faire.

[9] François de Montmorency, comte de Luxe, seigneur de Belleville (1600-1627).

[10] François de Rosmadec, comte des Chapelles († 1627).

[11] Guy d'Harcourt, marquis de Beuvron († 1628).

[12] Henri de Clermont-Gallerande, seigneur de Bussy d'Amboise († 1627).

[13] Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. II, p. 478, 24 juin 1627.

[14] Lettre faisant partie de la collection d'autographes L. A. Barbet, maintenant aux Affaires étrangères.

[15] Mémoires, t. V, p. 265-274.

[16] On trouve, dans la correspondance même de Richelieu, la preuve que la mode des duels n'avait pas disparu. Voir les détails sur le duel de MM. d'Huinières et de Lancosme que pour éviter l'application des Edits, on qualifia de simple rencontre. Richelieu fit emprisonner les deux duellistes à Vincennes et il écrit dans sa lettre du 25 juin 1636 : La connaissance qu'on aura de cette procédure arrêtera le cours de cette malheureuse coutume ; au moins ne saurait-on faire autre chose que de les prendre quand on pourra et les poursuivre quand on ne pourra les attraper. Corresp. Voir t. V, p. 493. — Voir aussi le récit que fait Bussy-Rabutin, dans ses Mémoires, de son duel avec un certain Buoc en 1638 ; les deux combattants étaient accompagnés chacun de quatre témoins qui devaient se battre en même temps. Buoc fut blessé à mort par Bussy-Rabutin. Édit. 1698, in-4°, t. I, p. 28.

[17] Voir Le Maréchalat de France, par G. Le Barrois d'Orgeval, 2 vol. in 8°. Guilard, 1932 ; préface de G. Hanotaux, t. I, p. 423 et suivantes.

[18] Mémoires, année 1629.

[19] Conseiller au Parlement de Paris.

[20] Pour les difficultés relatives à l'enregistrement du Code Michau, voir les Mémoires de Molé, t. II, p. 3, note, et se référer aux Mémoires de Richelieu, début de 1629.

[21] Voir, ci-dessous, le chapitre consacré aux idées d'unification et de concentration qui inspireront toujours et partout la politique du cardinal.

[22] Voir La France en 1614, dans le premier volume de L'Histoire de Richelieu.

[23] Sur la formule : armement, sécurité, arbitrage, naissante alors dans l'esprit de Richelieu et proposée par lui, voir Avenel, t. I, p. 286. — Pour ce qui concerne les réformes dans le commandement militaire, voir, ci-dessous, le chapitre Richelieu et l'armée.

[24] Voir ci-dessous les chapitres consacrés à l'administration des intendants répartis dans les provinces.

[25] Nous avons déjà signalé le peu de confiance qu'avait Richelieu en Lesdiguières. Il soupçonnait le connétable, le comte d'Auvergne et tant d'autres d'être les pensionnés de l'Espagne. Voir Lettres de Richelieu, t. I, p. 314.

[26] Voir Avenel, Lettres du Cardinal de Richelieu, t. I, p. 291.

[27] Richelieu ne put réaliser les grands desseins qu'il avait conçus pour le développement de la puissance navale de la France. Son œuvre n'en fut pas moins considérable. — Voir ci-dessous les chapitres : Richelieu et la Marine ; Le Commerce ; les Colonies.