HISTOIRE DU CARDINAL DE RICHELIEU

 

LA FRANCE EN 1614

CHAPITRE TROISIÈME. — L'ORDRE SOCIAL. - LES CLASSES.

 

 

II. — La Bourgeoisie de robe.

La noblesse française était héréditaire ; mais ce n'était pas une caste fermée. Elle ouvrait sans cesse ses rangs aux parvenus du tiers état. Du haut en bas du corps social, un mouvement continuel élevait lentement les classes inférieures vers celles qui détenaient le privilège. La royauté présidait au fonctionnement du système et en tenait la clef.

Le rouage principal de ce mécanisme résidait dans l'existence d'une classe moyenne, issue du peuple, mais distincte de lui : c'était la bourgeoisie de robe. Comme une écluse ouverte sur les nappes profondes d'en bas, elle les portait, après un stage plus ou moins long, vers les régions supérieures. Sa destinée a été de servir d'intermédiaire, et elle a disparu en même temps que les forces qui se heurtaient ou se combinaient en elle.

Son point de départ est dans les villes qui, communes à charte ou villes à établissements, s'étaient enrichies de bonne heure et soustraites à la rigueur du droit féodal. Le roi avait partout favorisé ses progrès. Vers la fin du Moyen âge, un grand nombre d'habitants des villes recoururent à un procédé qui, par une fiction extrêmement simple, les plaçait directement sous la juridiction royale. Selon le mot en usage à cette époque, ils s'avouaient bourgeois du roi ; c'est-à-dire que, sans entrer dans une association locale particulière, ils se réclamaient directement de l'autorité du prince et déterminaient leur qualité de bourgeois, par un acte spécial et purement individuel[1].

Comme protecteur des communes à chartes, connue initiateur des municipalités prévôtales, comme suzerain direct des habitants des villes qui se réclament de lui, le roi est le patron né de la bourgeoisie française. Le régent Charles affirmait dans son ordonnance de 1358, le droit exclusif du roi de créer des consulats et municipalités libres. Et Louis XI déclarait, en termes catégoriques, dans l'ordonnance de qu'au roi seul, et pour le tout, appartient le droit de bourgeoisie.

A partir du seizième siècle, la bourgeoisie, multipliée dans les villes. apparait comme une classe particulière ayant sa physionomie distincte. ses droits, ses traditions, ses privilèges. De même que la noblesse se consacre spécialement à la guerre. la bourgeoisie réclame le monopole de la justice et de l'administration. Ces gens d'humeur grave et de mine replète, vêtus de long, le chaperon pendant sur l'épaule et les fourrures douillettes bouffant sur la poitrine, se glissent partout. Ils s'approchent du roi et portent jusqu'à son oreille leurs conseils muets. Ils sont toujours là officieux, empressés. soumis. tandis que le chevalier bruyant et d'armure retentissante, se fiche, tape du poing et quitte la place, en faisant claquer les portes.

Les bourgeois ont sauté du comptoir dans les fonctions municipales. Puis, dans les assemblées provinciales et générales. ils se sont connus. concertés. Ils ont traité ensemble des intérêts de la province et du pays. Leur horizon s'est élargi. Ils accaparent, sous le nom heureux de tiers État, qui ne les sépare pas de la niasse populaire, toute la puissance obscure d'une démocratie qui s'ignore encore. Dans les conseils, dans les tribunaux, dans les parlements, ils s'emparent de toute l'action publique. Partout leur robe, noire ou rouge, s'étale en larges nappes qui couvrent les parquets, les prétoires et montent aux hauts bancs. En province, tandis que le petit clan de la noblesse, relégué dans quelque quartier éloigné, aux jardins silencieux, est veuf des hommes mûrs qui sont à la cour et à l'armée, la bourgeoisie nombreuse, active turbulente, déborde dans les quartiers populeux. parade d ;iii les cérémonies publiques, tire le chapeau des têtes, gravit orgueilleusement les degrés de l'hôtel de ville, et là elle trouve. dans toutes les salles, des sièges fleurdelysés où elle s'assoit, d'où elle délibère, perçoit, commande au nom du roi.

Ce ne sont pas seulement les magistrats et les officiers du roi, c'est, derrière eux, la cohue infinie des serviteurs de dame basoche ; tous ces hommes noirs, partis l'estomac creux et la Louche bien fendue, sont en route pour la fortune, pour les distinctions. pour les honneurs. Depuis le premier président du Parlement jusqu'au dernier des clercs de procureur. ils sont liés par une franc-maçonnerie instinctive. L'intérêt commun les rapproche étroitement et leur arrache, sans cesse, l'effort soutenu qui pousse en avant toute la machine.

L'honneur et la gloire de cette innombrable armée. répandue par tout le royaume, c'est le parlement de Paris. Nous avons dit son autorité et sa puissance connue cour judiciaire. connue institution politique, et le reflet d'orgueil que son éclat répandait sur la bourgeoisie du royaume. Avoir son fils au Parlement, donner sa fille à un conseiller, tel était le rêve de tout marchand enrichi[2]. Par ce corps surtout, la classe touchait à l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire à la jouissance du privilège. Du Parlement ou des familles parlementaires, sortaient les hommes qui. soit dans les conseils, soit dans les emplois publics, s'offraient à la faveur royale. Maitres des requêtes, conseillers d'État, commissaires extraordinaires, intendants, ils étaient, dans l'administration, ce que leurs frères étaient dans la justice, les véritables détenteurs de l'autorité du prince. Parmi eux, au sommet de l'échelle roturière, était choisi le personnage, égal des plus grands seigneurs du royaume, œil, oreille et main du roi, le chancelier, garde des sceaux, l'un des grands officiers de la couronne.

Peut-on s'étonner que la bourgeoisie de robe, naturellement vaniteuse et gonflée de son importance, se soit quelquefois lassée des liens d'origine qui la rattachaient aux masses populaires et qu'elle ait songé à constituer un quatrième ordre, un quatrième État ? Montaigne, observateur attentif des travers de ses contemporains, parle de ces prétentions de la bourgeoisie avec une pénétrante ironie : Quoi de plus farouche, dit-il, que de voir cette marchandise (de la justice) en si grand crédit qu'il se fasse en une police, un quatrième état de gens maniant les procès, pour le joindre aux trois anciens de l'église, de la noblesse et du peuple, lequel état ayant la charge des lois et souveraine autorité des biens et des vies, fasse un corps à part de celui de la noblesse ?[3]...

Dans l'ordre social comme dans l'ordre politique, la bourgeoisie avait toutes les convoitises d'honneurs, d'exemptions et de distinctions ; son existence n'était qu'une poussée formidable vers le privilège.

Bès le Moyen âge, la royauté avait eu l'œil ouvert sur ces aspirations. Par un coup de maitre, qui eut encore pour auteur cet étonnant Philippe le Bel, elle avait institué l'anoblissement et s'était réservé le droit de l'accorder. Elle tenait donc l'écluse par les deux portes, à l'entrée par le droit de bourgeoisie, fi la sortie par l'anoblissement. Le roi, dit solennellement Loyseau, dans son traité des Seigneuries, est le distributeur ordonné de Dieu, de l'honneur solide de ce monde, selon ce passage d'Esther : Honorabilis quem voluit rex honorari, et le dire de Pline en son panégyrique : Cesar nobiles efficit et conservat ; et ces anoblissements purgent le sang et la postérité de l'anobli de toute tache de roture[4]. À partir de Philippe le Bel, le système fonctionne régulièrement ; c'est à peine s'il provoque, parfois, les réclamations intéressées du corps des nobles. L'anoblissement individuel ou anoblissement par lettres fut accordé, soit pour services exceptionnels rendus au pays on à la cause monarchique, soit tout simplement acquis à prix d'argent[5].

Mais ce procédé donnait des résultats trop lents pour satisfaire les aspirations d'une classe ambitieuse et entreprenante. On vit s'établir bient6t un système d'anoblissement par niasses, opérant pour ainsi dire de lui-même, sans que la royauté eût à intervenir directement, c'est celui qui résultait de l'exercice de certaines charges, états on offices.

Tout homme qui participait à la marche des services publics recevait, par ce simple fait, une sorte d'investiture lui donnant nue aptitude soit immédiate, soit indirecte à obtenir le privilège. Dans les fonctions civiles comme à l'armée, l'officier du roi revêtait cette aptitude en même temps que le costume ou l'épée. Comme toutes ces charges étaient vénales, il suffisait donc d'être riche, pour être en passe de la noblesse[6].

Non seulement la royauté vend les offices déjà existants, mais elle eu crée sans cesse de nouveaux. Elle épuise l'imagination des donneurs d'avis à inventer des fonctions publiques qui s'adjugent au plus offrant. Depuis les plus hautes charges de l'État jusqu'aux emplois baroques de coureur de rôts et de gouverneur des serins de la Cour[7], tout s'offre, tout s'achète. Les sommes encaissées par le trésor du fait de la vénalité des offices, montent à des centaines de millions, à des milliards peut-être. C'était la rente ou la caisse d'épargne de ce temps-là une sorte d'emprunt à fonds perdus ou de monti, analogues à ceux qui existaient en Italie, dont le principe revient toujours à drainer, par un procédé de créance non remboursable, les sommes que la pénurie ou l'avidité du contribuable ne veut pas se laisser arracher par la voie de l'impôt. La fraction aisée du pays, en achetant le privilège, concourt aux dépenses publiques et elle s'attache de plus en plus au pouvoir royal qui l'exonère et qui la flatte[8].

La royauté poussa encore plus loin l'habile exploitation des convoitises bourgeoises ; par une invention admirable qui dérive de la première, mais qui la perfectionne, elle sut se faire un revenu plus stable en s'assurant une fidélité plus grande. A cc point de vue, le comble de la politique financière de la royauté, sous l'ancien régime, fut l'établissement du droit annuel, autrement dit — du nom de son inventeur — la Paulette. Ce fut à Henri IV que le contrôleur Paulet soumit son invention, et ce fut ce prince qui l'essaya en 1604. Comme le fait observer un des plus ardents défenseurs de cette mesure, elle ne fut pas prise à la légère : Ce prince était le plus habile homme de son royaume, et, étant instruit par une longue expérience, pénétroit toujours plus avant dans les affaires et en prévoyoit plus loin les inconvénients. Or, cette affaire fut résolue dans le Conseil du roi qui lors, étoit autant rempli qu'il fut jamais de personnages illustres et ornés d'une si grande suffisance qu'a peine étoit-il possible qu'ils fussent trompés en la connoissance des choses. En effet, la Paulette réussit aussi bien qu'avait réussi la vénalité des charges et, de provisoire, elle devint perpétuelle[9].

Son objet était de rendre héréditaires les offices de judicature, sous la simple condition du paiement, par le détenteur, à l'État, d'une rente annuelle montant à environ 1/60e de la valeur. Par là, la possession des offices fut changée en pleine propriété. Les magistrats détinrent leurs charges comme un bien patrimonial. Ils les léguèrent, les vendirent, les louèrent, en firent trafic, comme bon leur semblait.

Voilà certes, un abus insigne. Il est inutile de rappeler les plaintes qu'il souleva. L'opinion, avec son équité naturelle. ne pouvait s'habituer à voir l'autorité publique et l'exercice de la justice mis ainsi sur le marché comme valeurs de bourse. Elle protesta, toujours[10]. L'abus, cependant, persista, et il ne disparut qu'à la révolution. C'est qu'en effet, il était une conséquence logique du régime. Puisque le privilège de la noblesse était héréditaire, pourquoi pas celui de la robe ? De même que la bravoure se transmettait du père aux enfants chez les gentilshommes, pourquoi pas les aptitudes judiciaires et administratives chez les fonctionnaires et les magistrats ? Puisque toute la constitution du royaume reposait sur le privilège, pourquoi marchander à ces bourgeois si riches et si dévoués, ce qu'on ne croyait pas pouvoir refuser à la noblesse[11] ?

Ces avantages considérables, que l'exercice de la justice et des charges administratives conférait à la robe, la rapprochaient de la noblesse et la distinguaient du reste du peuple. Dans les anciennes provinces de la France, l'adage était le suivant : Le conseiller est noble, ses petits-fils gentilshommes. Dans les ressorts de création plus moderne, la noblesse était acquise héréditairement à une famille par la seule admission de son chef dans le parlement de la province ; cela s'appelait noblesse de premier degré. Les chambres des comptes et cours des aides, les bureaux des trésoreries de France s'étaient assuré les mêmes privilèges que les parlements.

En plus de ces situations exceptionnelles qui arrachaient, pour ainsi dire, à la classe un certain nombre de ses membres et qui les projetaient dans la classe supérieure, les bourgeois jouissaient d'autres privilèges. Les parlementaires bénéficiaient du droit de franc-fief. La magistrature n'était pas soumise à la taille ou aux aides, mais seulement à la capitation. En Bretagne, les membres du parlement, exempts des affouages, avaient tous entrée aux États de la province dans l'ordre de la, noblesse, étant réputés nobles en raison de leurs charges. Il est vrai que les immunités des conseillers étaient personnelles et non réelles ; mais souvent ils possédaient des domaines seigneuriaux et titrés dont ils prenaient les noms. Les magistrats étaient dispensés de tout service militaire, c'est-A-dire du service de ban et d'arrière-ban. Ils ne supportaient pas la charge des logements de guerre[12]. La multitude des gens de loi jouissaient à des degrés différents, d'avantages analogues : membres des bailliages, des sénéchaussées, des présidiaux, officiers des élections, des tables de marbre, des greniers ii sel, des grueries, juges et fonctionnaires des villes, tous se précipitaient, d'une course haletante, vers l'exonération honorifique, et nous voyons, dans les procès-verbaux des répartitions des tailles, que les asséeurs et collecteurs de l'impôt passaient, sans frapper, devant la porte de tout homme qui pouvait arborer, en manière d'épouvantail pour les agents du fisc, la toge et le bonnet carré[13]. Il n'est pas de ville, de bourgade reculée qui n'ait ses tribunaux, son grenier à sel, son bailliage, son échevinage et, sur le cours, il faut tirer le chapeau à madame la baillive et à madame l'élue.

Ne s'explique-t-on pas maintenant cette furieuse ambition des charges et des fonctions publiques, tant reprochée à nos Français et qui est restée comme un pli du caractère national ? Ne voit-on pas les causes de ce dédain pour les métiers de roture, pour l'industrie et le commerce ? L'intérêt particulier a, pendant des siècles, conspiré avec la vanité naturelle à la race, pour précipiter tout le monde vers cette course aux honneurs qui était en même temps la course au privilège.

La plainte incessante des publicistes du seizième et du dix-septième siècles vise le nombre excessif des officiers : Seyssel disait déjà de son temps, qu'il y avait plus d'officiers en France que dans tout le remanent de la chrétienté. Loyseau ajoute que depuis cinquante ans, on en a érigé plus de cinquante mille, et que dans les villes chaque honnête homme a son office, comme chaque moine dans les cloîtres. Il dit encore que moitié des habitants des villes sont officiers, de sorte que la marchandise est délaissée et le labour laissé aux paysans[14]. Voici quelques faits précis : au dix-septième siècle, il v avait à Paris cinq cent soixante sergents, tandis qu'au Paris actuel suffisent cent cinquante huissiers. En 1606, il y avait deux cent quatre-vingt-treize procureurs au Parlement et trois cent quatre-vingts en 1627[15] ; dans un bourg de trois milles âmes, on comptait, outre le bailli, le prévôt, le lieutenant et le procureur fiscal, six notaires, quatre sergents, douze procureurs et quatre greffiers ; il n'est pas question de leurs clercs et de tous les gens qui vivaient autour de cette basoche. Une petite paroisse du Nivernais renfermait six procureurs et six notaires. En Auvergne, on compte par châtellenie jusqu'à douze notaires nommés par le seigneur. L'auteur qui cite ces chiffres ajoute : Ces abus durèrent jusqu'en 1789. On est surpris du nombre d'avocats au parlement que l'on rencontre dans les petites localités et dans les assemblées électorales et législatives. Au début du dix-huitième siècle, on compte deux cents officiers, à Châtellerault. En 1617, il y avait à Loudun dix-huit huissiers, dix-huit procureurs, vingt avocats et huit notaires[16].

Tout cela était l'objet d'un trafic continuel une charge de conseiller au parlement se vendait plus de 100.000 livres ; en province, on trouvait des charges de conseiller qui valaient 60.000 livres ; un office de conseiller au présidial coûtait 13.500 livres. line charge de seigneur conseiller à la cour des aides se payait 23.000 livres, celle de chevalier trésorier général des généralités ne s'acquérait pas à moins de 30.000. Ou pouvait être conseiller d'élections pour 8.000 livres[17].

Les fils des médecins, des chirurgiens, des pharmaciens, des marchands n'ont pas d'autre rêve que de se décrasser rapidement du métier paternel et d'acheter une charge. S'ils n'ont pas d'argent, ils trouvent, à l'emprunter. Car, que faut-il, en somme, pour remplir l'office une fois qu'on en est titulaire ? Beaucoup d'assurance et un peu de latin.

Le latin suffit à tout, mène à tout : de là l'élan, trop peu remarqué, des classes pauvres de la nation vers les études que lions appelons aujourd'hui classiques. Nous voyons, dans les plaidoyers d'Antoine Lemaistre qu'un serrurier de Paris, pauvre, mal logé, n'ayant que deux chambres pour toute sa famille composée de cinq personnes, se tue à travailler pour soutenir son fils aux études.

Celui-ci est élève en philosophie, au moment où, par malheur, il engrosse une fille, sa parente, qu'on faisait coucher dans le même lit que lui, faute de place[18]. Que prétendait-ou faire de ce fils de serrurier ? Un homme de robe assurément. Ils se comptent par milliers ceux qui ont les mêmes visées. Dès qu'un paysan, un artisan a pu amasser un petit pécule, il met son fils au collège. L'usage des fondations de bourses était très répandu. Aussi les étudiants pauvres foisonnaient. Il n'est pas un contemporain qui ne signale le mal, et qui n'en dévoile l'origine. Voici d'abord les universités : La trop grande fréquence des collèges occasionne de quitter le commerce, l'exercice de l'agriculture et autres arts nécessaires à la vie et à la société politique pour se précipiter aux écoles sous l'espérance que chacun a d'accroitre et augmenter sa condition en portant une robe plus longue que d'ordinaire[19]. Le clergé se plaint, è son tour, de cet abus qui surcharge l'État de trop de gens de lettres, affaiblit la milice, détruit le commerce et les arts, dépeuple l'agriculture, remplit le palais d'ignorance, charge les princes et leurs États d'inventions pernicieuses, diminue les tailles, oppresse l'Église de simonie, l'État d'officiers supernuméraires, les finances de gages, pensions et dons ; bref, pervertit tout bon ordre[20].

Je veux croire, dit l'Avis donné à Messieurs de l'Assemblée du clergé, en 1627, que l'intention de ceux qui nous ont donné ce nombre effréné de collèges était bonne, mais l'expérience nous a fait voir que les effets en sont pernicieux. Premièrement, ils ont fait quantité de lettrés, peu de savants, et puis la facilité a fait que les moindres artisans et les plus pauvres laboureurs ont envoyé leurs enfants à ces écoles où on montre gratuitement, ce qui a tout ruiné. Quiconque a mis le nez dans les livres, dès l'heure s'est rendu incapable de toute vocation. Si, dans un bourg, quelqu'un a appris à écrire trois mots de latin, soudain, il ne paye plus la taille ; il est procureur, syndic, ou tabellion, ou sergent, et par ce moyen ruine ses voisins et chasse ses co-héritiers.

Richelieu, enfin, signale aussi ces maux. Il y consacre tout un chapitre de son Testament politique : il se plaint de ce grand nombre de collèges indifféremment établis en tous lieux ; il constate ce peu de disposition naturelle qu'ont aux lettres beaucoup de ceux que leurs parents font étudier à cause de la commodité qu'ils en trouvent, et il affirme qu'il vaudrait mieux, dans un État bien réglé, que ces enfants fussent dressés par des maîtres ès arts mécaniques, réduisant tous les collèges des villes qui ne sont pas métropolitaines, à deux ou trois classes, suffisantes pour tirer la jeunesse d'une ignorance grossière, nuisible à ceux-mêmes qui destinent leur vie aux armes ou qui la veulent employer au trafic[21].

Les statistiques dressées par les historiens de l'Instruction publique, permettent d'affirmer, en effet, que le nombre des enfants apprenant le latin était peut-être, toute proportion gardée, trois fois supérieur sous l'ancien régime à ce qu'il est aujourd'hui. Ce sont non seulement des fils de bourgeois, mais aussi des fils de laboureurs, d'artisans, de marchands, de messagers, d'hôteliers, qui suivent, au nombre de 900, les cours du collège du Mans, tandis que, non loin de là 500 élèves, sortis des mêmes rangs, étudient au collège de Ceaulcé, paroisse rurale du Passais normand, et que, non loin de là encore, 2.000 élèves reçoivent les leçons des Jésuites de la Flèche[22].

Le latin conduisait à tout ; on se rua vers l'étude du latin. D'innombrables ambitions et d'admirables courages se trempèrent au feu de cette convoitise de science. Partis du fond de leurs provinces, des fils de paysans ou d'humbles robins viennent dans les universités et là vivant de privations, dormant sur la paille, ils supportent les plus dures misères pour devenir bacheliers, maitres ès arts, pour sortir du rang, pour approcher de cette arche sainte du privilège vers laquelle gravite toute la nation. Le fils du serrurier de Lemaistre se multiplie et s'appelle Légion[23].

Parmi ces soldats, combien de héros ! Ramus, fils d'un pauvre cultivateur de la Picardie, vient à Paris. A douze ans, il est domestique d'un jeune étudiant ; il consacre ses nuits au travail et devient ainsi la gloire des études françaises au seizième siècle. Il titi est à peu près de même de son contemporain, Guillaume Postel. Le fameux jésuite Auger, né de pauvres laboureurs, dans un village de Champagne, demande l'aumône en chemin pour aller à Lyon faire ses études ; il sert à la cuisine dans un couvent de l'Ordre, dont il deviendra un des membres les plus influents. Le grand adversaire des Jésuites, Bicher, quitte la charrue à dix-huit ans ; comme Ramus, il est domestique dans un collège de la montagne Sainte-Geneviève ; là il dérobe les premières leçons que la charité d'un prêtre lui permet d'écouter et qui feront de lui la lumière du Gallicanisme.

Voilà des noms illustres. Mais tous ne réussissent pas. Pour un vainqueur, combien renoncent A la lutte et retombent, les reins brisés, l'âme ulcérée de la défaite. Ceux-là forment, dans les bas-fonds de la bourgeoisie, une lie épaisse et trouble. Avocats sans causes, poètes crottés, abbés de ruelle ou de. carrefour, Bridoison ou Bladius, ils remplissent la cour et la ville de leur inutilité bavarde ou de leur dégoûtante mendicité. Ils refluent sur la campagne : coiffés de la perruque du bailli seigneurial, chaussant les lunettes du magister ou brandissant la lancette de Sganarelle, ils répètent gravement les six mots de latin dont le collège a farci leur pauvre cervelle. Leur vanité grotesque excite la verve des satyriques, jusqu'au jour où leurs passions inassouvies et leurs rancunes accumulées fourniront une force d'explosion imprévue aux futures révolutions.

Tout ce qui appartient à la bourgeoisie, tout ce qui aspire à en faire partie, prend, dans les collèges, la teinture de latin et de connaissances littéraires, nécessaires pour faire figure sous la robe. Il est vrai que cette instruction, appliquée presque exclusivement à la minutieuse préoccupation de la forme, est courte ; elle attarde le raisonnement parmi les aspérités de la scolastique et bride l'imagination par l'usage exclusif d'une langue morte et par l'imitation des anciens[24]. Ce n'en est pas moins elle qui forme le goût du public et qui prépare le génie du siècle.

C'est la férule du pédant de collège qui martèle, à coups répétés, la dialectique aiguisée, le bon sens solide, l'analyse psychologique pénétrante qui sont les instruments intellectuels de notre âge classique. Le remaniement perpétuel des idées générales, le développement ingénieux des lieux communs, donnent aux esprits la finesse, l'acuité, le sens de la mesure et du nombre, la décence. Ceux qui, par la force du génie, se dégageront des lisières où leur jeunesse a été enlacée, garderont, de cette première contrainte, la vigueur et la souplesse caractéristiques des générations qui vont illustrer le dix-septième siècle français.

Quant à la masse de la bourgeoisie, elle sort, de cette préparation, polie, lustrée, châtiée. A l'âge des passions, ces beaux fils sont prudents, réglés et timorés. Ils pèsent l'avenir, calculent au moment d'agir, et le fils de Diafoirus, avant de baiser Elvire, consulte son père. Ces collégiens, devenus grands, se mêlent ù la société, aux conversations, aux cercles. Ils imitent les gens du bel air et avant d'entrer, sur le palier, frisent leurs moustaches : J'estais en une fort honnête compagnie, l'autre jour, où il arriva un jeune muguet, vêtu à l'advantage ; avec l'habit de satin découpé, le manteau doublé de panne de soie, le chapeau de castor et le bas de soie, lequel se mit à cajoler, une heure entière, et usoit de toutes sortes de compliments. Après qu'il fut sorti, je m'enquestois qui il estoit... L'on me dit qu'il estoit fils d'un chirurgien... Molière n'a qu'à venir : les modèles sont prêts pour les Précieuses ridicules et pour le Bourgeois gentilhomme.

Cependant, quand l'âge mûr arrive, les défauts s'atténuent et les mérites de la race et de la classe l'emportent. La figure du bourgeois français, laborieux, économe et probe apparait, à travers sa vanité cossue[25]. Jamais, en somme, on ne l'a vue sous un jour plus favorable que dans les premières années du dix-septième siècle.

L'heure n'était pas si éloignée où l'habitant des villes avait payé de sa personne pour défendre son foyer, ses murailles ou son pays. Durant les guerres de la Ligue, il avait dit, plus d'une fois, décrocher l'arquebuse, sangler la cuirasse et, le pot en tête, veiller sur les remparts. Cela n'en a pas fait un matamore, mais, cependant, lui a relevé le cœur. Au sein des assemblées locales ou générales, il a, plus d'une fois, délibéré de la paix et de la guerre ; dans les moments critiques, on s'était disputé son concours ; ce gascon de Henri IV l'avait appelé mon compère. Les chefs de la classe, les Brisson, les Harlay, les Lemaistre avaient tenu entre leurs mains le sort du pays. Les uns étaient morts, victimes de leur versatilité ; les autres avaient acquis, par leur courage, un renom immortel. La bourgeoisie tout entière s'était attristée de ces malheurs ou enorgueillie de ces vertus. Tous, ils ont le sentiment clair, précis de la place qu'ils tiennent dans la nation. Langues déliées et plumes agiles, ils ont, — le plus souvent avec la précaution de l'anonymat, — exprimé leur opinion sur les faits et sur les gens. Dans les luttes politiques, la voix perçante de la bourgeoisie s'est élevée et s'est fait écouter.

La thèse qu'elle soutient est toujours la même. Elle demande l'ordre, la paix, la règle ; par horreur des troubles et des aventures, elle tend sans cesse à fortifier la puissance de l'État. Cependant, avec ses principes de méthode et d'économie, la bourgeoisie tient aussi à la bonne gestion des intérêts publics, à un contrôle exact. Que ce contrôle soit entre ses mains, entre les mains du Parlement, et elle se déclarera satisfaite. C'est là que se bornent ses aspirations libérales.

Soucieuse avant tout de ses intérêts particuliers, elle les défend habilement, âprement : habilement, parce qu'elle se met du côté des rois, tout en les morigénant, et qu'elle obtient d'eux, par souplesse et par loyal service, des privilèges sans cesse accrus qui la distinguent de la masse du peuple ; âprement, parce qu'elle poursuit, d'une dialectique infatigable, les ennemis de la royauté et qu'elle met tout son génie à détruire la puissance politique et l'autorité sociale de la noblesse.

Pleine d'envie pour celle-ci et pleine de dédain pour le peuple, la bourgeoisie, forte de son travail, de son économie et de sa probité, joue un rôle important dans l'État par ses défauts autant que par ses mérites. Son élasticité fait tampon entre les ambitions des grands et les convoitises des petits. Elle cherche toujours, dans les luttes sociales, un bénéfice qui ne serait qu'égoïste, s'il ne s'étendait, à son insu, au delà d'elle-même. Le progrès s'accomplit par elle, sais qu'elle le comprenne. Classe privilégiée, elle travaille à détruire le privilège, quand elle n'en profite pas. Malgré tout, par son nom, par ses origines, par ses affinités, elle resté peuple, et, dans sa course aux distinctions, elle entraine vers l'égalité le tiers état tout entier, — le tiers état qui fait sa force et dont sa vanité ne peut renier.

 

 

 



[1] Outre les ouvrages de LUCHAIRE et de GIRY que j'ai souvent cités, voir les deux traités de BRÉQUIGNY : Recherches sur les Communes et Recherches sur les Bourgeoisies, 1777, in-f°, et dans le t. XII du Recueil des Ordonnances. J'ai aussi tenu grand compte, dans tout ce chapitre, de l'Histoire du tiers État, d'AUGUSTIN THIERRY.

[2] Dans le Tarif ou évaluation des parties sortables pour faire facilement un mariage du Roman bourgeois, on lit : Pour la fille qui a depuis vingt-cinq mil jusqu'a cinquante mil escus (de dot), un conseiller au Parlement ou un maistre des comptes : ... pour celle qui a depuis cent mil jusqu'à deux cent mil escus, un president au mortier, vray marquis, surintendant, duc et pair. Éd. P. Jannet, 1868, in-12° (t. I, p. 32).

[3] Essais, liv. I. ch. XXII, édit. Charpentier (t. I, p. 1.18). — la question : Pourquoi ceux de la justice ne font pas un estat à part ? fut débattue fréquemment au seizième siècle. Elle fait l'objet d'un chapitre du livre : États de la France et de leur puissance, traduit de l'italien, de MATHIEU ZAMPINI (Paris, Thierry 1588, in-8°, f° 4). L'auteur, en réponse à cette question, ne voit guère d'autre raison plausible à donner que l'antique coutume. — Cette prétention du Parlement dura, d'ailleurs, jusqu'à la fin de l'ancien régime. En 1716, le Mémoire adresse au duc d'Orléans contre les prétentions des pairs se termine par cette phrase : Ce sont ces gens-là (les Pairs) qui, oubliant qu'ils font partie du Parlement osent comprendre dans le tiers état, cette compagnie qui est la plus auguste du royaume. Recueil A-Z (A. p. 218.)

[4] LOYSEAU, Traité des Ordres, ch. V, éd. 1620 (p. 73).

[5] Le roturier riche pouvait aussi s'anoblir par l'achat d'une terre noble. Un pâtissier de Paris, par exemple, devenait gentilhomme en achetant une ferme que le propriétaire noble érigeait et mettait en fief. Ce n'était pas très régulier ; mais au bout de quelques générations, le point de départ était oublié et les généalogistes savaient bien retrouver de vieux titres perdus pour les nouvelles familles nobles. (V. CRÈVECŒUR, Montbrun-Souscarrière, dans Mém. Soc. Hist. de Paris (t. XVI (1889) p. 66).

[6] On chercherait en vain l'origine de la vénalité des offices. Elle existait à peine. Sous les premiers Capétiens, les prévôts et baillis prenaient leurs charges à ferme. On cite un texte de saint Thomas d'Aquin, qui fut consulté par la duchesse de Brabant pour savoir si elle pouvait vendre les offices de judicature. Il apaisa ses scrupules. (V. LOYSEAU, Traité des Offices, ch. VII, n° 21, p. 651.) Dans les États à peine organises, la vénalité ou la corruption sont des maux presque inévitables et les politiques, tout en les déplorant, s'efforcent seulement d'en restreindre l'excès.

[7] V. MONIER, Hist. des Français de divers États, 1839, in-8° (t. VII, p. 13).

[8] Loyseau dit quelque part : que la vente des offices est une taille purement volontaire mise sur l'ambition des plus riches. Ai-je besoin de rappeler que la royauté n'était pas sans se préoccuper, parfois de la multiplication excessive des privilèges. De là, les nombreuses recherches contre les anoblis de fraîche date qui se renouvellent pendant les deux derniers siècles de l'ancien régime : prescription de 1597 pour le retranchement des privilèges et exemptions de taille ; — de 1598 pour la révocation de tous affranchissements de tailles et lettres de noblesse accordées depuis vingt ans ; — de 1600, sur l'assiette de perception des tailles ; — Règlement de juin 1614, réduisant le nombre des privilégies en matière de tailles, etc., etc.

[9] V. L'Anti-Courtisan ou Défense du droit annuel, par C. D. P. Paris, 1617, pamphlet in-12° (p. 9).

[10] Voir tout le passage de LOYSEAU, cité ci-dessus, et aussi celui de MONTAIGNE : Qu'est-il de plus farouche que de voir une nation, où par légitime coutume, la charge de juger, de vendre et les jugements soient payés à purs deniers comptants et où légitimement la justice soit refusée à qui n'a de quoi payer. Essais, l. XXII (p. 148).

[11] On faisait, en outre, observer que si la nomination aux emplois était remise an bon plaisir du roi, elle se ferait uniquement par faveur et recommandation et qu'on rendrait ainsi aux favoris et aux grands une influence dont ils ne manqueraient pas d'abuser. C'est l'argument donné par RICHELIEU pour défendre la vénalité des offices, dont il avait été d'abord l'adversaire. Voir son Testament politique, ch. IV, Sect. I. Édit. Foncemagne (I, p. 197).

[12] V. BEAUNE, Droit coutumier François. Condition des personnes (p. 130).

[13] Voir, à chaque page de l'État des paroisses et communautés Baillage d'Autun en 1645, d'après le procès-verbal de la visite des feux, par GABRIEL DUMAY, Autun, 1876, in-8° (par exemple, p. 45). Les habitants de Chasseuil se plaignent que M. Denis, maire, avocat à Beaune, qui a pris une forge à conduire et à gouverner, s'exemptoit des tailles qu'on lui donnoit, quoique résident au dit lieu, etc. V. aussi (p. 46) le cas de François Anne, autre avocat, riche à trente mille livres, etc.

[14] Cet abus est aussi le sujet d'un plaidoyer de BRET : Non seulement les principales dignités ont été redoublées en ce royaume, mais les médiocres et intimes augmentées en tel nombre, que de cinq cents citoyens il y en a moitié d'officiers... Ce nombre excessif les rend comme inutiles et sans exercice... Plaidoyer (f° 22).

[15] Voir Jacques de Sainte-Beuve (p. 35).

[16] BABEAU, Village sous l'ancien régime (p. 208). LEGUÉ, Urbain Grandier, in-12° (p. 6). — Voir aussi toutes les doléances des États généraux rappelées dans l'ouvrage de PICOT. — Voir enfin, dans les archives municipales d'Angers : Requête au Roi pour modérer le nombre des officiers (B. B.-31 f° 291).

[17] Caquets de l'Accouchée (p. 118-123, etc.).

[18] V. l'analyse du plaidoyer de LEMAISTRE, dans OSCAR DE VALLÉE, Antoine Lemaistre et ses contemporains, 1858, in-8° (p. 152).

[19] Les Universités de France au Roy, Mercure françois (t. X, p. 432).

[20] Harangue des députés du Clergé, Mercure françois (t. III, p. 143).

[21] Testament politique, ch. des Lettres (t. I, p. 168). — Voici encore un passage de Saint-Cyran, l'ami de Richelieu ; il se plaint que la méthode d'éducation de son temps surcharge la République d'une infinité de gens oisifs qui se croient au-dessus de tout, depuis qu'ils savent un peu de latin, et penseraient être déshonorés, s'ils ne désertaient la profession paternelle. Cité par SAINTE-BEUVE, Port-Royal (I. III, p. 496).

[22] BELLÉE, Instruction publique dans la Sarthe, sous l'Ancien régime.

[23] Les ambassadeurs vénitiens n'ont pas manqué d'observer ce trait caractéristique de l'histoire de l'ancien régime. Voir tout le passage de la relation de Michel Suriano (1561) (t. I, p. 181-189). Le peuple possédant ces importants offices et ces charges très honorées, tout le Inonde vent envoyer aux études quelqu'un de sa famille... Voilà pourquoi le nombre des étudiants est plus grand en France que partout ailleurs. Paris, à lui seul, en renferme plus de quinze mille.

[24] On connaît le jugement porté par DECARTES sur les études de son temps, au début du Discours sur la méthode.

[25] L'épargne, l'économie sont les grands mots de toute la classe ; elle les répète sans cesse. On peut dire que, depuis des siècles, la bourgeoisie française ne pense qu'a cela : Commencez à ménager de bonne heure, afin que, lorsqu'il faudra entrer en dépense, vous le puissiez faire. Les charges du ménage vont toujours croissant, écrit Nicolas Pasquier à sa fille. Et à ses fils : Toute épargne eu matière de ménage est d'un revenu incroyable et bien loin par-dessus les autres revenus. Tenez-vous donc simples et probes. Un autre dit : Mesurez bien vos dépenses sur vos rentes. Soyez épargnans et ayez toujours de reste. Une maison qui emprunte pour sa dépense est perdue. V. DE RIBBE, Les familles et la société en France avant la Révolution (p. 410).