LA VIE PRIVÉE ET LA VIE PUBLIQUE DES GRECS

 

CHAPITRE XI. — LES IMPÔTS.

 

 

SOMMAIRE. — 1. Le système des impôts en Grèce. — 2. L’impôt sur le capital. — 3. Impôts indirects à Athènes. — 4. Recettes diverses. — 5. Exemption d’impôt à Cyzique. — 6. Souscription nationale. — 7. Emprunts d’États. — 8. Expédients financiers. — 9. Les liturgies. —10. La chorégie. — 11. Libéralités des citoyens envers l’État.

 

1. — LE SYSTÈME DES IMPÔTS EN GRÈCE.

Le système des impôts n’était pas conçu en Grèce comme chez nous.

A l’origine, il semble bien que la principale ressource des États fût la Mme, c’est-à-dire une taxe égale au dixième des récoltes de chaque individu. C’était là un impôt sur le revenu, mais supporté seulement par les propriétaires du sol, et on conçoit qu’il en fût ainsi à une époque où la richesse venait presque tout entière de la terre.

Cet impôt cessa d’être perçu à Athènes vers l’année 500 av. J.-C. Comme le commerce commençait déjà à se développer, on le remplaça par des droits de douane, par des taxes sur les ventes„ sans compter les redevances assez élevées que l’on retirait des mines d’argent du Laurion. De plus, un autre usage s’introduisit. L’État prit l’habitude de rejeter sur les riches certaines dépenses qui lui incombaient. Fallait-il, par exemple, armer un navire, ou célébrer une fête, c’était un citoyen qui en faisait les frais ; c’est là ce qu’on appelait les liturgies.

Pendant la guerre du Péloponnèse, tout cela fut insuffisant. Alors on songea de nouveau à taxer directement les propriétaires ; mais on ne se contenta pas de frapper les possesseurs du sol ; on atteignit aussi le capital sous toutes ses formes, et cet impôt fut désigné sous le nom d’eisphora. Toutefois il n’eut pas un caractère permanent ; ce fut essentiellement un impôt de guerre, et il n’y a point d’exemple qu’il ait été levé en temps de paix.

Tels sont les changements que subit le système fiscal des Athéniens et de la plupart des États grecs. Entre eux, on ne remarque à cet égard que des différences de détail.

 

2. — L’IMPÔT SUR LE CAPITAL.

Pour déterminer le capital de chacun, on s’en rapportait aux déclarations individuelles. Celles-ci, naturellement, n’étaient pas toujours véridiques. Beaucoup de citoyens dissimulaient une partie de leur fortune, et la chose était facile, sinon pour les biens fonciers, dont la valeur était connue, du moins pour les biens mobiliers. Toutefois si l’on réfléchit à la puissance énorme qu’avait l’État dans l’antiquité, et au dévouement extraordinaire des citoyens pour l’intérêt public, on se convaincra que les fraudes étaient peut-être moindres qu’elles ne le seraient chez nous. L’amour de la patrie, la vanité, le désir de renchérir sur les générosités d’autrui, le goût de la popularité, tout se réunissait pour persuader à un Athénien qu’il devait se soumettre bravement à toutes les exigences de l’État, et même lui fournir plus qu’il ne demandait. On était moralement tenu de dépasser ici la mesure de ses obligations, et l’on savait presque mauvais gré à ceux qui faisaient simplement le nécessaire.

L’impôt sur le capital n’était pas proportionnel, mais progressif ; ce qui veut dire que la proportion entre l’impôt et le capital du contribuable variait suivant les classes. Voici comment on s’y prenait.

Les citoyens de la première classe (pentacosiomédimnes) étaient ceux qui possédaient au minimum un capital de 6.000 drachmes ou 1 talent. Pour eux, on taxait la totalité du capital.

Ceux de la seconde classe (chevaliers) avaient un capital de 3.600 à 6.000 dr., et on n’en taxait que les 5/6.

Ceux, de la troisième (zeugites) avaient un capital de 1.800 à 3.600 dr., et on n’en taxait que les 5/9.

Enfin ceux de la quatrième (thètes) jouissaient d’une immunité absolue.

En 378 av. J.-C. on adopta un autre système. Les citoyens furent toujours groupés en catégories, mais le mode de classement changea. En tête se trouvèrent les plus riches, dont le chiffre de fortuné nous échappe. Au-dessous venaient ceux dont l’avoir égalait au moins 3 talents (17.682 fr.). Il y avait enfin la grande masse des Athéniens, d’où se détachaient peut-être, pour former un dernier groupe, les pauvres qui n’avaient pas 2000 drachmes (1.960 fr.).

L’impôt resta progressif, et nous savons que dans la première classe on taxait le cinquième du capital brut. Mais nous ignorons si la proportion était la même pour les classes suivantes. En tout cas, il est fort probable que, si on avait moins de 2000 dr., on ne payait rien.

L’eisphora était directement perçue par l’État. Après 378, les plus riches furent obligés d’en faire l’avance au Trésor, sauf à recouvrer ensuite les sommes dues par les autres contribuables. La cité trouvait là le double avantage d’encaisser immédiatement le produit intégral de l’impôt, et d’éviter les frais et les ennuis de la perception.

D’après P. Guiraud, Revue des Deux Mondes, n° du 15 octobre 1888.

 

3. — IMPÔTS INDIRECTS À ATHÈNES.

Droit de douane. — Il était perçu sur toutes les marchandises qui entraient en Attique ou qui en sortaient. On l’appelait le cinquantième, parce que le taux était de 2 pour 100.

Droit de port. — Böckh conjecture qu’il était égal au centième de la cargaison du navire.

Droit sur les ventes. —Il fut habituellement de 1 pour 100 ; mais cette règle n’était pas absolue. Une inscription du Ve siècle nous fait voir que, dans un cas déterminé, il fut perçu 1 obole pour des objets valant de 1 à 4 drachmes (c’est-à-dire entre le 6e et le 24e), 3 oboles de 5 à 50 drachmes (entre le 6e et le 100e), et 1 drachme de 50 à 100 drachmes.

Octroi. — Il était désigné par le mot διαπύλιον, parce qu’il était prélevé sur les objets qui traversaient les portes de la ville.

Droits de place. — Ils étaient payés par les marchands qui s’installaient sur l’agora, et déterminés d’après la quantité et la nature des objets mis en vente.

La perception de ces diverses taxes était affermée par l’État à des particuliers, qui parfois se formaient en société.

Il est inutile de mentionner deux autres taxes (le 20e et le 10e), qui furent créées par les Athéniens d’une façon tout à fait accidentelle pendant la guerre du Péloponnèse.

D’après Gilbert, Handbuch der griechischen Staatsalterthümer, t. I, pp. 331-334.

 

4. — RECETTES DIVERSES.

Capitation. —Les métèques payaient à Athènes 12 drachmes par an pour les hommes, et 6 drachmes pour les femmes. Les affranchis étaient assujettis à la même taxe.

Domaine. — Les mines faisaient partie du domaine public. Pour les exploiter, on versait au Trésor une somme fixe, plus une redevance annuelle égale au 24e du rendement. L’État avait aussi des maisons et des terres qu’il mettait en location. Il possédait surtout de vastes pâturages, du moins dans certaines contrées de la Grèce ; chacun était libre d’y envoyer ses troupeaux, mais à condition d’acquitter une taxe de tant par tête de bétail.

Recettes judiciaires. — Les plaideurs étaient obligés dans tout procès de consigner une certaine somme d’argent qui, de toute façon, était acquise à l’État. Il y avait, en outre, les amendes qui atteignaient parfois un chiffre élevé. Il faut y rattacher la confiscation, dont les tribunaux abusaient à Athènes et partout, et qui formaient un article important du budget des recettes. Quand le Sénat a des fonds suffisants pour les dépenses publiques, dit Lysias, il ne fait de tort à personne ; mais, si le Trésor est à sec, il est bien forcé d’accueillir les dénonciations et de confisquer quelques fortunes privées. (Contre Nicomaque, 12.)

 

5. — EXEMPTION D’IMPÔTS À CYZIQUE[1].

La plus enviée des récompenses nationales était l’exemption de tel ou tel impôt, mais on ne la prodiguait pas. En voici un exemple :

La cité donne à Médicès et aux enfants d’Æsépos, et à leurs descendants l’exemption des impôts et le droit de manger au prytanée. Exception est faite des droits à payer pour usage du chantier public des constructions navales et du poids public, des droits pour la vente des chevaux et des esclaves, et du droit du quart[2]. Pour tout le reste, ils jouiront d’une immunité absolue. Le peuple s’est engagé par serment à respecter cette faveur.

Röhl, Inscriptiones Græcæ antiquissimæ, 491.

 

6. — SOUSCRIPTION NATIONALE.

Les dons volontaires des citoyens étaient assez fréquents. Parfois même l’État ouvrait une souscription nationale, comme l’atteste l’inscription suivante, qui date du Ille siècle :

Le peuple a décidé :

Afin que des fonds soient réunis et que le trésorier militaire ait de quoi distribuer l’argent nécessaire pour que pendant le reste de l’année les récoltes soient cueillies avec sécurité..., ceux des citoyens et des autres habitants qui voudront donner de l’argent pour la sûreté de la ville et la garde du territoire, le déclareront au Conseil ou se feront inscrire chez les stratèges d’ici au mois de Munychion. Personne ne pourra donner plus de 200 drachmes, ni moins de 50. Ceux qui auront donné seront couronnés, loués et honorés par le peuple, chacun suivant son mérite. Le secrétaire du peuple inscrira ce décret et les noms des souscripteurs sur une stèle de pierre, qu’il placera sur l’agora, pour bien montrer à tous le zèle des bienfaiteurs du peuple....

Liste de ceux qui ont donné pour la sûreté de la ville et la garde du territoire, conformément au décret du peuple.

Suit une longue série de noms, presque tous avec une souscription de 200 drachmes.

Corpus inscript. Atticar., t. II, 334.

 

7. — EMPRUNTS D’ÉTATS.

Quand un État avait besoin de contracter un emprunt, il s’adressait à un temple, ou, plus rarement, à un particulier.

1° Fonds prêtés par Athéna au peuple athénien.

Les trésoriers Androclès et ses collègues ont remis aux hellénotames N. et ses collègues, aux stratèges Hippocratès et ses collègues, à telle date, 20 talents. L’intérêt de cette somme a été : 5636 drachmes.

Second versement, à telle date : 50 talents. Intérêt de cette somme : 2 tal., 1970 dr.

Troisième versement, à telle date : 28 tal., 5078 dr. Intérêt : 1 tal., 1.719 dr., 2 oboles.

Quatrième versement, à telle date : 44 tal., ½. Intérêt : 1 tal., 4.662 dr., 1 ob.

Cinquième versement, à telle date : 100 tal. Intérêt : 3 tal. 5940 dr.

Sixième versement, à telle date : 18 tal., 3.562 dr. Intérêt : 4.172 dr, 2 ob. ½.

Total des fonds prêtés pendant la magistrature d’Androclès : 261 talents, 5640 dr. (1.546.000 fr.).

Total des intérêts produits par les fonds prêtés pendant la magistrature d’Androclès : 11 tal., 99 dr., 1 obole (65.000 fr. environ).

Corpus inscript. Atticar., t. I, 273.

2° Fonds prêtés par une femme à la ville d’Orchomène.

Nicaréta, de Thespies, assistée de Dexippos, son mari, a prêté à Caphisodoros, Philomélos, Athanadoros, Polycritos (représentants d’Orchomène) et à leurs cautions (suivent 10 noms), 18.833 drachmes d’argent, sans intérêt, somme versée à Thespies. Le terme du prêt est la fête des Pamboiotia, en telle année.

Que les emprunteurs ou les cautions rendent à Nicaréta l’argent prêté, à la fête des Pamboiotia, dans les trois jours avant le sacrifice ; sinon, ils seront poursuivis conformément à la loi. Nicaréta aura le droit d’exercer les poursuites tant contre les emprunteurs que contre leurs cautions, contre un seul isolément, ou contre plusieurs, ou contre tous à la fois, et aussi sur leurs biens, et elle usera de ce droit à sa guise. Le contrat aura son effet, même s’il est présenté par un autre, au nom de Nicaréta.

Témoins : Sept Thespiens.

Le contrat est déposé chez Fiphiadas.

Inscriptions juridiques grecques, I, p. 283.

 

8. — EXPÉDIENTS FINANCIERS.

Voici ce que firent les gens de Lampsaque. Comme la farine valait quatre drachmes le médimne, ils ordonnèrent aux marchands de la vendre six drachmes. Ils portèrent le prix de l’huile de trois drachmes le chous à quatre drachmes et demie ; de même pour le vin et les autres denrées. L’excédent sur le prix ordinaire dut être abandonné à l’État.

Les Lacédémoniens, ayant besoin de fournir des subsides aux Samiens, décidèrent qu’eux-mêmes, leurs esclaves et leurs bestiaux jeûneraient pendant une journée entière ; la somme qu’on économisa ainsi fut remise aux Samiens.

Les Chiotes avaient une loi qui prescrivait que les contrats de prêt fussent enregistrés par un magistrat public. Dans un moment de détresse, ils décrétèrent que les dettes des particuliers seraient remboursées non aux créanciers, mais à l’Etat, et que l’État se chargeait d’en payer à ceux-ci les intérêts sur les revenus qu’il en retirait lui-même.

Les Clazoméniens manquaient de blé et n’avaient pas d’argent. Ils décidèrent que ceux qui avaient de l’huile la prêteraient à l’État avec intérêt. C’est là un des principaux produits du pays. Puis ils louèrent les barques de leurs débiteurs, pour les envoyer dans les contrées d’où ils tiraient le blé, et ils leur donnèrent en gage la valeur de l’huile.

Les Éphésiens défendirent un jour aux femmes de porter de l’or, et leur ordonnèrent de prêter à l’État celui qu’elles possédaient.

Pseudo-Aristote, Économiques, II, 7, 9, 12, 16, 19.

 

9. — LES LITURGIES.

Ce n’est pas seulement par des contributions pécuniaires que l’État pourvoyait à ses besoins, c’est aussi à l’aide de diverses prestations appelées liturgies, qui, sans enrichir le Trésor, lui épargnaient au moins des dépenses.

Parmi les liturgies ordinaires, qui revenaient chaque année, la plus importante était la Chorégie, c’est-à-dire la formation d’un chœur destiné à figurer dans les représentations dramatiques. Il y avait encore la Gymnasiarchie. Celui qui en était chargé faisait exercer des lutteurs dans les gymnases en vue de certaines fêtes, les entretenait pendant tout le temps que durait cette préparation, disposait enfin d’une façon, convenable l’emplacement du combat. A la Lampadarchie incombait l’organisation des concours où l’on courait à pied ou à cheval avec des torches allumées ; Lysias cite un individu qui dépensa de ce chef 1.200 drachmes (1.176 fr.). L’Archithéorie consistait à aller représenter l’État dans quelque solennité étrangère ; les frais étaient supportés en partie par le Trésor, en partie par le chef de la mission. On cite en outre la liturgie instituée pour subvenir aux frais des courses de chars et des régates, celle qui avait pour objet d’offrir un repas à tous les membres d’une même tribu (Estiasis), etc.

On n’était assujetti à ces obligations que si l’on possédait au moins 5 talents. Les orphelines non mariées en étaient dispensées ; les jeunes garçons orphelins jouissaient de la même faveur une année encore après leur majorité. Nul n’était tenu d’accomplir deux liturgies par an, ni d’accomplir la même deux ans de suite.

La Triérarchie était une liturgie extraordinaire, la plus onéreuse de toutes ; elle imposait l’obligation d’équiper un navire de guerre.

Si un individu prétendait qu’on l’avait indûment chargé d’une liturgie, et que son voisin avait été épargné à tort, il pouvait sommer ce dernier de prendre sa place. Celui-ci refusait souvent ; dans ce cas, le tribunal prononçait la confiscation provisoire des biens de l’un et de l’autre ; il en faisait dresser l’inventaire, et il soumettait le plus riche à la liturgie. C’est là ce qu’on appelait l’άντίδοσις.

Schömann, Antiquités grecques, trad. Galuski, t. I, pp. 523 et suiv. ; Lécrivain, Revue historique, t. XL, pp. 276 et suiv.

 

10. — LA CHORÉGIE.

Le chorège devait organiser et faire instruire à ses frais un des chœurs qui prenaient part aux concours de certaines fêtes, comme les Dionysies et les Panathénées. C’était là une fonction très honorable. Mais elle exigeait de si grandes dépenses qu’elle ne pouvait être remplie que par les riches. Ceux-ci, d’ailleurs, mettaient leur point d’honneur à ne reculer devant aucun sacrifice. Ils étaient stimulés, d’un côté, par l’exemple de leurs devanciers ou de leurs rivaux et l’espoir d’obtenir le prix du concours, de l’autre, par le désir d’éviter les sarcasmes de leurs concitoyens et les reproches des magistrats.

Chaque tribu fournissait pour chaque fête un chorège. Généralement, il était désigné d’avance par l’autorité compétente ; mais parfois il se proposait lui-même. Tout d’abord il avait à se procurer un individu capable de former un chœur. Pour cela, il se réunissait avec ses neuf collègues sous la présidence de l’archonte, et tous les dix tiraient au sort le rang dans lequel ils pourraient choisir le didascalos ou instructeur ; au temps de Démosthène, on procédait de même pour le joueur de flûte. Il fallait ensuite chercher des choristes, exclusivement parmi les citoyens. Si le chorège n’avait pas le temps de suivre les répétitions, il se déchargeait de ce soin sur des personnes de confiance ; mais il était responsable de tout. Il donnait un local propre aux exercices, le plus souvent dans sa maison ; il nourrissait et payait les choristes ; il faisait fabriquer pour eux et pour lui de beaux costumes, des couronnes, des masques, à moins qu’il ne préférât les louer. Le jour de la fête, il conduisait en grande pompe son chœur au lieu du concours, et il assistait aux exercices. Pendant toute la cérémonie, il avait un caractère sacré ; l’outrager, c’était outrager l’État et le dieu même que l’on fêtait.

Après le concours, on classait tous les chorèges. Le premier était couronné ; mais ce n’était pas lui que l’on considérait comme le vainqueur, c’était sa tribu. Aux grandes Panathénées, on décernait en prix à un chœur de danseurs une génisse ; aux Dionysies, un chœur de chant obtenait un trépied. Le chorège était tenu de consacrer ce trépied au dieu avec une inscription rappelant son nom, son succès, la nature de son chœur, sa tribu, le didascalos et le joueur de flûte qui l’avaient assisté.

Un chœur tragique était plus dispendieux qu’un chœur comique. D’après Lysias, un riche citoyen dépensa pour un chœur de tragédie 3.000 drachmes ; un chœur de danseurs lui revint à 800 drachmes ; il eut à payer aux Panathénées 5.000 drachmes pour l’organisation de son chœur et la consécration du trépied donné en prix. En somme, dans l’espace de neuf ans, sept chorégies lui coûtèrent environ 13.000 francs. Pour diminuer le poids de cette liturgie, on autorisa, vers 406, deux citoyens à s’en acquitter à frais communs ; plus tard même, l’État en vint à se charger parfois de toute la dépense.

Cette institution n’est point particulière à Athènes ; elle se retrouve à Siphnos, à Égine, à Mytilène, à Thèbes, à Orchomène, à Céos ; mais nous ignorons si elle avait partout le même caractère.

D’après Krebs, Dictionnaire des antiquités, t. I, pp. 1117-1119.

 

11. — LIBÉRALITÉS DES CITOYENS ENVERS L’ÉTAT.

Nommé chorège pour une tragédie, dit un client de Lysias, je dépensai 50 mines (2.946 fr.). Trois mois après, pendant la fête des Thargélies, je remportai le prix avec un chœur d’hommes, et il m’en coûta 2000 dr. (1.960 fr.), plus 800 (784 fr.), sous l’archontat de Glaucippos, aux grandes Panathénées, pour un chœur de danseurs. Sous le même archonte, aux Dionysies, je fus vainqueur avec un chœur d’hommes, et je dépensai, avec l’offrande du trépied, 5000 dr. (4.900 fr.) ; j’ajoute, sous l’archontat de Dioclès, 300 dr. (294 fr.) aux petites Panathénées. Outre ces dépenses, outre les dangers que je courais journellement pour vous hors de l’Attique, je versai d’abord 30 mines (2.946 fr.), puis 4000 dr. (3.920 fr.) d’eisphora. Revenu à Athènes sous l’archontat d’Alexias, je fus aussitôt gymnasiarque dais la fête de Prométhée, et j’eus le prix avec une dépense de 12 mines (1.178 fr.). Plus tard, j’organisai un chœur d’enfants qui me coûta plus de 15 mines (1.475 fr.). Sous l’archontat d’Euclide, j’eus le prix avec un chœur comique, et je dépensai 16 mines (1.571 fr.), plus 7 mines (687 fr.) pour un chœur de danseurs dans les petites Panathénées. Je fus vainqueur aux régates du cap Sunion, et je dépensai 15 mines, sans parler de quelques autres liturgies qui me firent dépenser plus de 30 mines. Il est vrai que si je m’en étais tenu dans tout ceci aux prescriptions strictes de la loi, je n’aurais pas même dépensé le quart. (Lysias, XXI, 1-5).

On lit dans un plaidoyer d’Isée : Dicéogène, désigné dans sa tribu pour être chorège aux Dionysies, n’obtint au concours que la quatrième place ; pour le chœur tragique et le chœur de danse, il fut classé le dernier. Ce sont les seules liturgies que, contraint et forcé, il ait subies, et malgré ses revenus, voilà comme il a brillamment rempli ses fonctions de chorège. De plus, alors que tant de citoyens ont été désignés pour être triérarques, lui ne l’a jamais été, ni seul ni avec un associé, et cela, quand l’État en avait un si grand besoin.... Les citoyens ont dû acquitter des contributions considérables pour subvenir à la guerre et défendre la cité ; Dicéogène n’en a payé aucune. Une fois seulement, interpellé par un citoyen, il promit devant l’Assemblée de faire un don volontaire de 300 drachmes ; mais il ne tint pas son engagement, et il eut la honte de voir, pour ce fait, son nom affiché en public... Mes ancêtres, au contraire, ne se sont dérobés à aucune chorégie ; ils ont versé au Trésor en contributions pour la guerre de grosses sommes d’argent, et ils ont supporté en toute circonstance des triérarchies. Il y a des témoignages de ce qu’ils ont été, dans les temples, où, du superflu de leur fortune, ils consacraient des offrandes qui attestaient leurs mérites ; il y a dans le temple de Dionysos des trépieds qu’ils reçurent comme vainqueurs dans les chorégies ; il y en a dans le temple d’Apollon Pythien. Dans l’Acropole enfin, ils ont consacré sous forme d’offrandes une partie de leurs biens, et ils ont enrichi le lieu saint d’objets d’art en bronze et en pierre, fort nombreux, si l’on songe qu’ils étaient payés par la fortune d’un particulier.... (Isée, V, 36-42.)

 

 

 



[1] Décret du Ve siècle av. J.-C.

[2] On ignore ce qu’est ce droit.