HISTOIRE DE LA GRÈCE

QUINZIÈME VOLUME

CHAPITRE III — DEPUIS LA MORT DE PÉLOPIDAS JUSQU’À LA BATAILLE DE MANTINEIA (suite).

 

 

Quelque étonnant que soit ce récit, nous ne pouvons douter qu’il ne soit littéralement vrai, puisqu’il contredit les sympathies du témoin qui raconte. La force seule d’une preuve irrécusable aurait pu forcer Xénophon à rapporter une scène aussi pénible pour lui que l’armée lacédæmonienne défaite, en pleine fuite et sauvée seulement de la destruction par la blessure qui enleva le général thêbain avant le temps. Qu’Épaminondas ne laissât pas de successeur qui l’égalât ou qui approchât de lui, maintenant que Pélopidas n’était plus, — que l’armée qu’il commandait fût incapable d’exécuter de nouveaux mouvements ou d’achever une campagne non terminée, — c’est ce que nous pouvons facilement concevoir. Mais que sur le champ de bataille même, quand on a déjà passé par le moment d’une lutte dangereuse et douteuse, et quand le sang est excité et que le soldat n’a plus qu’à recueillir sa récompense à la poursuite d’un ennemi qu’il voit fuir devant lui, — qu’à cet instant critique d’impatience exubérante, où Épaminondas, n’eût-il pas été blessé, aurait eu de la peine à contenir l’ardeur excessive de ses soldats, ils aient été immédiatement paralysés et désarmés en apprenant sa chute, c’est ce que nous n’aurions pas pu croire, si nous ne le trouvions attesté par un témoin à la fois contemporain et hostile. Jamais peut-être des soldats n’ont donné à leur général une preuve aussi frappante d’un sentiment dévoué et absorbant. Toutes les espérances de cette armée, composée d’éléments si divers, étaient concentrées dans Épaminondas ; toute confiance des soldats dans un succès, toute leur sécurité contre une défaite, avaient leur source dans l’idée qu’ils agissaient sous ses ordres ; tout leur pouvoir, même celui d’abattre un ennemi défait ; parut disparaître quand ces ordres cessèrent. Nous ne devons pas, il est vrai, parler d’une pareille conduite avec éloge. Thèbes et les cités alliées eurent bien lieu de se plaindre de leurs soldats, pour un grave abandon du devoir militaire et pour un désappointement capital au sujet d’un triomphe bien mérité, — quels que puissent être nos sentiments quant au motif. Assurément l’homme qui dut être le plus affligé, et dont les derniers moments doivent avoir été empoisonnés s’il vécut assez pour l’apprendre, — ce fut Épaminondas lui-même. Mais si nous considérons le fait simplement comme une marque et une mesure de l’ascendant qu’il exerçait sur l’esprit de ses soldats, nous verrons qu’il est presque sans exemple dans l’histoire. J’ai raconté ailleurs la grande douleur que témoignèrent lez Thébains et leurs alliés en Thessalia devant le cadavre de Pélopidas[1] sur la colline de Kynoskephalæ. Mais tous les témoignages directs et réfléchis d’attachement à l’égard d’un chef mort ou mourant (et sans doute ils furent abondants sur le champ de bataille de Mantineia) sont au-dessous de cette suspension d’armes involontaire à l’heure tentante de- la victoire.

Que la victoire réelle et les honneurs de la journée appartinssent à Épaminondas et aux Thêbains, c’est ce que nous apprend le témoignage décisif de Xénophon. Mais compte les vaincus, qu’on laissa se retirer sans les poursuivre, n’étaient séparés des murs de Mantineia que par une faible distance, et que peut-être ils se rallièrent même avant d’arriver à la ville. — et comme la cavalerie athénienne avait taillé en pièces quelques troupes légères qui s’écartaient, — ils prétendirent aussi avoir remporté une victoire. On éleva des trophées des deux côtés. Néanmoins les Thêbains étaient maîtres du champ de bataille ; de sorte que les Lacédæmoniens, après quelque hésitation, furent forcés d’envoyer un héraut solliciter la trêve nécessaire pour l’enterrement des soldats tués, et d’accorder dans le même dessein ceux des corps thêbains qu’ils avaient en leur possession[2]. C’était un aveu sous-entendu de défaite.

Les chirurgiens en examinant la blessure d’Épaminondas, dans laquelle était encore le fer de la lance, déclarèrent qu’il mourrait aussitôt qu’on l’en extrairait. Il demanda d’abord si son bouclier était sauvé ; et son porte-bouclier, répondant par l’affirmative, le produisit devant ses yeux. Puis il s’informa de l’issue de la bataille, et apprit que son armée était victorieuse[3]. Il demanda ensuite à voir Iolaidas et Daiphantos, qu’il avait l’intention de désigner pour lui succéder dans le commandement ; mais il reçut la triste réponse qu’ils avaient été tués tous deux[4]. Alors (dit-il) vous devez faire la paix avec l’ennemi. Il ordonna qu’on retirât le fer de lance, et l’hémorragie ne tarda pas à causer sa mort.

De ces trois questions attribuées ici au chef mourant, la troisième est la plus grave et la plus significative. La mort de ces deux autres citoyens, les seuls hommes. de l’armée auxquels Épaminondas pût se fier, montre combien aggravée et irréparable était la perte que faisait Thèbes, non à la vérité quant au nombre, mais quant à la qualité. Non seulement Épaminondas lui-même, mais les deux seuls hommes propres dans une certaine mesure à le remplacer, périrent sur le même champ de bataille ; et Pélopidas était tombé l’année précédente. Il faut se rappeler cette accumulation de pertes individuelles, quand nous en arrivons à signaler la suspension totale de gloire et de dignité thêbaines, après cette victoire si chèrement achetée. Elle fournit une preuve frappante de l’extrême ardeur avec laquelle leurs chefs s’exposaient, aussi bien que la valeureuse résistance qui leur était opposée.

La mort d’Épaminondas répandit clans le camp lacédæmonien une joie proportionnée à la douleur des Thêbains. On attribua à plus d’un guerrier l’honneur d’avoir frappé le coup. Pour les Mantineiens, c’était leur citoyen Machæriôn ; pour les Athéniens, Gryllos, fils de Xénophon ; pour les Spartiates, leur compatriote Antikratês[5]. A Sparte, on rendait des honneurs distingués, même du temps de Plutarque, a la postérité d’Antikratês, qui, croyait-on, avait délivré la cité de son plus formidable ennemi. Ces marques sont un précieux témoignage, de la part de témoins au-dessus de tout soupçon, pour la mémoire d’Épaminondas.

Comment la nouvelle de sa mort fut-elle reçue à Thèbes, c’est ce qui ne nous est pas dit d’une manière positive. Mais il n’y a pas lieu de douter que la douleur, qui paralysa tellement les soldats victorieux sur le champ de bataille de Mantineia, n’ait été ressentie avec une égale force et avec un effet non moins accablant, dans le palais du sénat et sur la place du marché de Thèbes. La cité, les soldats citoyens et les alliés durent être également pénétrés de la triste conviction qu’il fallait exécuter l’injonction faite par Épaminondas au moment de sa mort. En conséquence, on ouvrit des négociations et on conclut la paix, probablement tout de suite, avant que l’armée quittât le Péloponnèse. Les Thêbains et leurs alliés arkadiens n’exigèrent rien de plus que la reconnaissance du statu quo, on laissait toutes les choses dans l’état où elles étaient, sans changement ni mesure réactionnaire ; on admettait toutefois Megalopolis, avec la constitution panarkadienne qui y était attachée, — et l’on admettait également Messênê comme cité indépendante. Sparte protesta hautement et péremptoirement contre ce dernier article. Mais aucun de ses alliés ne partagea ses sentiments. Quelques-uns, a vrai dire, étaient décidément contre elle, à un degré tel, que nous voyons le maintien de Messênê indépendante contre Sparte prendre place peu après comme un principe admis dans la politique étrangère athénienne[6]. Ni les Athéniens, ni les Eleiens, ni les Arkadiens ne désiraient voir Sparte fortifiée. Aucun n’avait intérêt à prolonger la guerre, avec des perspectives douteuses pour tous ; tandis que tous désiraient voir partir les armées considérables qui se trouvaient à ce moment en Arkadia. Conséquemment la paix fut jurée à ces conditions. L’autonomie de Messênê fut garantie par tous, excepté par les Spartiates, qui seuls restèrent en dehors, demeurant sans amis ni auxiliaires, dans l’espoir de jours meilleurs, plutôt que de se soumettre à ce qu’ils considéraient comme une intolérable dégradation[7].

C’est à ces conditions que les armées des deux côtés se retirèrent. Xénophon a raison quand il dit que ni l’une ni l’autre des parties ne gagna rien, ni cité, ni territoire, ni domination ; bien qu’avant la bataille, à considérer la grandeur des deux armées belligérantes, chacun se fût attendu à ce que les vainqueurs, quels qu’ils fussent, devinssent maîtres, et les vaincus, sujets. Mais son assertion : — qu’il y eut plus de trouble et plus de sujets de disputes, en Grèce, après la bataille qu’avant, — doit être interprétée, en partie comme l’inspiration d’un sentiment philo-laconien, qui regarde une paix que Sparte n’a pas acceptée comme n’en étant pas une, — en partie comme fondée sur la circonstance qu’on n’avait reconnu pour aucun État une hégémonie définie. Sparte avait joui jadis de cette hégémonie, et elle avait donné le honteux exemple d’en obtenir la confirmation du roi de Perse à la paix d’Antalkidas. Thèbes et Athènes avaient aspiré toutes deux à la même dignité, et toutes deux par les mêmes moyens, depuis la bataille de Leuktra ; ni l’une ni l’autre n’avaient réussi. La Grèce restait ainsi sans chef, et c’est dans cette mesure que l’affirmation de Xénophon est vraie. Mais il ne serait pas exact de supposer que la dernière expédition d’Épaminondas clans le Péloponnèse n’ait produit aucun résultat, — bien que sa mort prématurée l’ait frustrée de ses fruits brillants et avantageux. Avant qu’il s’y rendît, le parti thébain en Arkadia (Tegea, Megalopolis, etc.) était sur le point d’être écrasé par les Mantineiens et par leurs alliés. Son expédition, bien qu’elle aboutit a une victoire indécise, — rompit néanmoins la confédération formée pour soutenir Mantineia, en mettant Tegea et Megalopolis en état dé se maintenir contre leurs adversaires arkadiens, et en laissant ainsi intacte la frontière contre Sparte. Si donc noirs admettons l’affirmation de Xénophon, — que Thèbes ne gagna a la bataille ni cité, ni territoire, ni domination, — nous devons,(,n même temps ajouter qu’elle gagna la conservation de ses alliés arkadiens et de sa frontière anti-spartiate, y compris Messênê.

C’était un gain d’une importance considérable. Mais, clans le fait, il fut bien chèrement acheté par le sang de son premier héros, répandu sur le champ de bataille de Mantineia, pour ne point parler de ses deux seconds, que nous ne connaissons que par sa déclaration, Daiphantos et Iolaidas[8]. Il fut enterré sur le champ de bataille, et on éleva sur sa tombe une colonne monumentale.

Il y a à peine un caractère clans l’histoire grecque qui ait — été jugé avec autant d’unanimité qu’Épaminondas. Il a obtenu un tribut d’admiration sincère et cordial de la part de tous, — plein d’enthousiasme de la part de quelques-uns. Cicéron le déclare le premier homme de la Grèce[9]. Le jugement de Polybe, sans être résumé d’une manière aussi expressive dans une seule épithète, est exprimé en des termes qui ne sont guère moins significatifs et laudatifs. Et ce ne furent pas seulement les historiens ou les critiques qui se firent de lui cette idée. Les meilleurs hommes d’action, chez lesquels le soldat se combinait avec le patriote, tels que Timoleôn et Philopœmen[10], se proposèrent Épaminondas comme modèle à imiter.

On a souvent fait remarquer, et la remarque se présente toutes les fois que nous parlons d’Épaminondas, et cependant on n’en sentira toute la force que quand nous en viendrons à suivre l’histoire subséquente, — que c’est avec lui que commencèrent et finirent la dignité et l’influence dominante de Thêbes. Sa vie politique active comprend une période de seize ans, depuis que Thêbes ressuscita en communauté libre, grâce à l’expulsion de l’harmoste lacédæmonien et de la garnison lacédæmonienne, et au renversement de l’oligarchie régnante, — jusqu’à la fatale journée de Mantineia (379-362 av. J.-C.). Son ascendant prononcé et sans pareil appartient aux dernières huit années, à partir de la victoire de Leuktra (371 av. J.-C.). Pendant toute cette période, tout ce que nous connaissons, ainsi que tout ce que nous pouvons raisonnablement deviner, vient pleinement à l’appui du jugement de Polybe et de Cicéron, qui avaient le moyen d’en savoir beaucoup plus. Et cela encore, — faut-il faire observer, — quoique Xénophon l’ait jugé d’après une règle sévère ; car le principal témoin contemporain qui reste est un témoin décidément hostile. Xénophon même, l’ami de Lacédæmone, ne trouve ni méfaits ni omissions à révéler dans l’ennemi mortel de Sparte ; — il ne le mentionne que pour consigner ce qui est honorable, — et il manifeste sa tendance à pervertir les faits, surtout en supprimant ses triomphes ou en glissant légèrement sur eux. L’homme dont l’éloquence défia Agésilas au congrès tenu immédiatement avant la bataille de Leuktra[11], — qui dans cette bataille dépouilla Sparte de sa gloire, et transféra la couronne à Thêbes ; — qui, peu de mois après, non seulement ravagea tout le territoire vierge de la Laconie, mais en retrancha la meilleure moitié pour rétablir Messène indépendante et élever la communauté arkadienne hostile de Megalopolis sur sa frontière, — l’auteur de ces fatals désastres inspire à Xénophon un chagrin et une antipathie si intolérables, que dans les, deux premiers cas il ne prononce pas le nom, et que dans le troisième il supprime l’acte accompli. Mais dans la dernière campagne précédant la bataille de Mantineia — qui ne fit pas éprouver à Sparte de perte positive, et où la mort d’Épaminondas adoucit toute prédisposition contre lui —, il n’y avait rien qui gênât si violemment la fidélité de l’historien. En conséquence, le dernier chapitre des Hellenica de Xénophon contient un panégyrique[12], ample et sans réserve, des mérites militaires du général thébain, de son esprit hardi d’entreprise, de sa prévoyance compréhensive, de son soin à éviter d’exposer ses soldats sans nécessité, de son excellente discipline, de sa tactique bien combinée, de sa fertilité de ressources agressives en frappant aux points faibles de l’ennemi, qui se contenté de suivre et de parer les coups (pour employer une comparaison de Démosthène)[13], comme un pugiliste inhabile, et n’y réussit que grâce à l’aide signalée du hasard. L’effort du génie stratégique, pour la première fois alors réfléchi et appliqué, consistant à faire porter une force irrésistible d’attaque sur un seul point de la ligne ennemie, tandis que le reste de son armée était relativement tenue en arrière jusqu’à ce que l’action eût été décidée ainsi, — cet effort, dis-je, est mentionné clairement par Xénophon, .en même temps que son effet triomphant, à la bataille de Mantineia ; bien qu’il glisse dans sa description sur cette combinaison exactement la même à Leuktra, comme si c’était une chose si banale qu’il n’était pas nécessaire de faire mention du chef qui l’avait créée. Comparez Épaminondas avec Agésilas : — combien le premier est supérieur, — même dans le récit de Xénophon, l’ardent panégyriste du second ! Comme on nous fait voir d’une manière évidente que rien, si ce n’est le coup fatal de lance à Mantineia, ne l’empêcha de recueillir le fruit d’une série de dispositions admirables, et de devenir l’arbitre du Péloponnèse, y compris Sparte elle-même !

Les mérites militaires seuls d’Épaminondas, eussent-ils simplement appartenu à un général de mercenaires, sans être combinés avec autre chose digne d’éloges à d’autres égards, — l’auraient désigné comme un homme d’un génie élevé et original, au-dessus de tout autre Grec, antérieur ou contemporain. Mais ce qui distingue particulièrement ce grand homme, c’est que nous ne soyons pas forcés d’emprunter à un côté de son caractère pour compenser ce qu’il aurait de défectueux par un autre côté[14]. Sa brillante capacité militaire ne fut jamais prostituée à des fins personnelles, ni à l’avarice, ni à l’ambition, ni à une vanité présomptueuse. Pauvre au commencement de sa vie, il ne laissa pas à la fin de quoi subvenir aux dépenses de ses funérailles, après avoir méprisé les nombreuses occasions de s’enrichir que lui fournissait sa position, aussi bien que les offres les plus magnifiques d’étrangers[15]. Il avait si peu d’ambition, par tempérament naturel, que ses amis l’accusaient d’apathie. Mais aussitôt que le péril auquel Thêbes était exposée le demanda, il déploya autant d’énergie pour la défendre que le plus ambitieux de ses citoyens, sans rien de cette exigence susceptible, si fréquente dans les hommes ambitieux, quant à la somme de glorification ou de déférence que lui devaient ses compatriotes. Et sa vanité personnelle était si faiblement excitée, même après le prodigieux succès obtenu à Leuktra, que nous le trouvons servant en Thessalia comme simple hoplite dans les rangs, et à Thèbes comme édile ou magistrat inférieur de police, sous le titre de Telearchos : illustre spécimen de cette capacité et de cette bonne volonté, tant pour exercer que peur subir le commandement, qui, selon la déclaration d’Aristote, forment en se combinant le trait caractéristique du citoyen digne de ce nom[16]. Il encourut une fois lé déplaisir de ses concitoyens, pour sa politique sage et modérée en Achaïa, qu’ils furent assez peu sensés pour annuler. Nouas ne pouvons douter aussi qu’il ne fût fréquemment attaqué par des censeurs et par des ennemis politiques, — condition de la supériorité dans tout État libre ; mais ni l’une ni l’autre de ces causes ne troublèrent le calme digne de sa marche politique. Comme il ne rechercha jamais la popularité par des moyens indignes, de même il supporta l’impopularité sans murmures, et sans renoncer par colère à un devoir patriotique[17].

La douceur de ses antipathies contre des adversaires politiques à l’intérieur ne se démentit pas ; et, ce qui est même plus remarquable, au milieu des précédents et de l’habitude du monde grec, son hostilité à l’égard des ennemis étrangers, des dissidents bœôtiens et des exilés thébains, fut uniformément exempte de vengeance réactionnaire. Nous avons présenté dans les pages qui précèdent des preuves suffisantes de cette rare réunion d’attributs dans le même individu ; d’un noble désintéressement, non seulement quant à des gains, fruit de la corruption, mais encore quant aux émotions plus séduisantes de l’ambition, combiné avec une juste mesure d’attachement à l’égard de partisans, et une douceur sans exemple à l’égard d’ennemis. Son amitié avec Pélopidas ne fut jamais troublée pendant les quinze années de leur carrière politique commune ; absence de jalousie signalée et honorable pour tous deux, bien que plus honorable pour Pélopidas, plus riche que son ami aussi bien qu’inférieur à lui. C’est à eux deux et à leur coopération harmonieuse que Thêbes dut sa splendeur et son ascendant éphémères. Cependant lorsque nous comparons l’un avec l’autre, nous remarquons dans Pélopidas l’absence non seulement du génie stratégique transcendant et de l’éloquence remarquable, mais même de la vigilance et de la prudence constantes, qui jamais n’abandonnèrent son ami. Si Pélopidas avait eu Épaminondas pour compagnon en Thessalia, il ne se serait sans doute pas fié à la bonne foi d’Alexandre de Pheræ, et il n’aurait pas connu son cachot ; il n’aurait pas non plus couru à une mort certaine, dans un transport de frénésie, à la vue de ce tyran détesté, dans la bataille subséquente.

Pour l’éloquence, Épaminondas aurait sans doute trouvé des supérieurs à Athènes ; mais à Thêbes, il n’eut ni égal, ni prédécesseur, ni successeur. Dans la nouvelle phase où Thêbes entra par l’expulsion des Lacédæmoniens hors de la Kadmeia, un pareil don ne le cédait en importance qu’aux grandes qualités stratégiques ; tandis que la combinaison de l’un et des autres fit de leur possesseur l’ambassadeur, le conseiller, l’orateur de son pays[18], ainsi que son ministre de la guerre et son commandant en chef. La honte de reconnaître Thêbes comme l’État dominant en Grèce, traduite dans les phrases courantes au sujet de la stupidité bœôtienne, dut être sensiblement mitigée, quand son représentant, dans un congrès assemblé laissa couler les flots d’une éloquence abondante à l’instar de l’Odysseus homérique, au lieu de faire entendre la parole bruyante, brève et précipitée de Menelaos[19]. La possession d’une pareille éloquence, au milieu de l’atmosphère peu inspiratrice de Thêbes, impliquait une force intellectuelle beaucoup plus grande que ne l’aurait indiqué un semblable talent à Athènes. Dans Épaminondas, elle fut constamment associée à la pensée et à l’action, — triple combinaison de pensée, de parole et d’action, qu’Isocrate et les autres sophistes athéniens[20] présentaient à leurs auditeurs comme le fond d’une vie civique méritoire et comme tout ce qui la constitue. A l’éducation corporelle et à la pratique militaire, commune à tous les Thêbains, Épaminondas ajoutait une ardeur intellectuelle et une discussion étendue avec les philosophes qui l’entouraient, qualités qui lui étaient particulières. Il ne fut point porté à la vie publique par le hasard de la naissance et de la fortune, — ni élevé et soutenu par des clubs oligarchiques, — ni même déterminé à y entrer primitivement par une ambition spontanée et personnelle. Mais la grande révolution de 379 avant J.-C., qui chassa de Thêbes et la garnison lacédæmonienne et l’oligarchie locale qu’elle aidait à régner, le força à se mettre en avant par les obligations les plus puissantes de devoir et d’intérêt, vu qu’une défense énergique seule pouvait le sauver de l’esclavage, lui et tous les autres Thêbains libres. Ce fut par la même nécessité que la révolution américaine et la première révolution française poussèrent au premier rang les hommes les plus instruits et les plus capables du pays, qu’ils fussent ambitieux par tempérament ou non. De même que les exigences de l’époque mirent Épaminondas sur le premier plan, de même elles disposèrent ses compatriotes à rechercher un chef capable partout où il pourrait se trouver ; et ils ne pouvaient obtenir dans aucun autre homme vivant la même combinaison du soldat, du général, de l’orateur et du patriote. A parcourir toute l’histoire grecque, ce n’est que dans Periklês que nous rencontrons la même supériorité à mille faces ; car, bien que fort inférieur à Épaminondas comme général, Periklês doit être considéré comme supérieur à lui en qualité d’homme d’Etat. Mais il est également vrai des deux, — et la remarque contribue beaucoup à expliquer les sources d’une supériorité grecque, — que ni l’un ni l’autre ne sortirent exclusivement de l’école de la pratique et de l’expérience. Ils apportèrent tous deux à cette école des esprits exercés dans la conversation des philosophes et des sophistes les plus instruits accessibles à eux, — dressés à des combinaisons intellectuelles variées et à un cercle plus large de sujets que ceux qui étaient soumis à l’assemblée publique, — familiarisés avec des raisonnements que la piété scrupuleuse de Nikias répudiait et que dédaignait le patriotisme militaire dévoué de Pélopidas.

Sur un seul point, comme je l’ai déjà mentionné, la politique recommandée par Épaminondas à ses compatriotes me paraît d’une sagesse contestable, — le conseil qu’il leur donna de disputer à Athènes la puissance navale et d’outre-mer. On ne peut reconnaître dans cet avis la même appréciation attentive des causes permanentes, — la même vue à longue portée des conditions de force pour Thèbes et de faiblesse pour ses ennemis qui dictèrent la fondation de Messênê et de Megalopolis. Ces deux villes, une fois fondées, prirent racine avec tant de force que Sparte ne put persuader même à ses propres alliés d’aider à les faire disparaître, preuve manifeste du raisonnement sain en vertu duquel le fondateur avait procédé. Qu’aurait fait Épaminondas, — aurait-il suivi des maximes d’une prudence et d’une pénétration égales — s’il eût survécu à la victoire de Mantineia — c’est un point que nous ne pouvons prétendre deviner. Il se serait alors trouvé au faîte de la gloire et investi d’une plénitude de pouvoir telle qu’un Grec n’en avait jamais possédé une pareille sans en abuser. Mais tout ce que nous savons d’Épaminondas justifie la conjecture qu’il se serait trouvé, plus que tout autre Grec, à la hauteur même de cette grande épreuve, et que sa mort prématurée lui enleva un avenir non moins honorable pour lui-même qu’avantageux pour Thèbes et pour la Grèce en général.

Quant à la vie et aux habitudes privées d’Épaminondas, nous savons à peine quelque chose. On nous dit qu’il ne se maria jamais, et nous trouvons de brèves allusions, sans aucuns détails, à des attachements auxquels, dit-on, il se livra[21]. Parmi les compatriotes de Pindare[22], un attachement dévoué entre des hommes mûrs et de beaux jeunes gens était plus fréquent que dans les autres parties de la Grèce. Il était confirmé par un échange de serments mutuels — à la tombe d’Iolaos, et était compté comme le lien le plus ferme de fidélité militaire à l’heure du combat. Asopichos et Kaphisodôros sont nommés comme des jeunes gens auxquels Épaminondas était très dévoué. Le premier combattit avec une bravoure désespérée à la bataille de Leuktra, et après la victoire, il fit graver sur son bouclier une image du trophée leuktrien et le dédia à Delphes[23] ; le second périt avec son illustre ami et chef sur le champ de bataille de Mantineia et fut enseveli dans un tombeau contigu au sien[24].

Il paraît plutôt que les Spartiates, profondément irrités contre leurs alliés pour les avoir abandonnés au sujet de Messênê, commencèrent à détourner leur attention des affaires de la Grèce pour la tourner vers celles de l’Asie et de l’Egypte (362-361 av. J.-C.). Mais les dissensions en Arkadia ne furent pas complètement apaisées même par la paix récente. La cité de Megalopolis avait été fondée seulement huit ans avant par la réunion de beaucoup de petits municipes, jouissant tous naguère d’une autonomie séparée plus ou moins parfaite. Le violent mouvement anti-spartiate dont furent marquées les deux années qui suivirent immédiatement la bataille de Leuktra avait maîtrisé à un tel degré les instincts antérieurs de ces municipes qu’ils s’étaient prêtés aux plans de Lykomêdês et d’Épaminondas, pour établir une communauté agrandie dans la nouvelle cité. Mais, depuis cette époque, il s’était opéré une réaction. Les Mantineiens en étaient venus à être à la tête d’un parti anti-mégalopolitain en Arkadia, et plusieurs des communautés qui s’étaient fondues dans Megalopolis, comptant sur leur aide et sur celle des Eleiens, insistèrent pour se séparer et pour retourner à leur autonomie primitive. Sans un secours étranger, Megalopolis aurait été en ce moment dans un grand embarras. Une requête pressante fut envoyée aux Thêbains, qui dépêchèrent en Arkadia trois mille hoplites sous Pammenês. Cette armée permit aux Mégalopolitains, bien que non sans des mesures d’une très grande rigueur, de maintenir l’intégrité de leur cité et de retenir les membres réfractaires dans une union commune[25]. Et il paraît que l’intervention ainsi obtenue eut une efficacité permanente, de sorte que l’intégrité de cette récente communauté panarkadienne ne fut plus troublée.

Le vieux roi Agésilas fut forcé, à l’âge de quatre-vingts ans, de voir la domination de Sparte diminuée ainsi d’une manière irrévocable, son influence en Arkadia renversée et la perte de Messênê sanctionnée formellement même par ses propres alliés. Toutes ses protestations et celles de son fils Archidamos, exposées si vivement par Isocrate, n’avaient abouti qu’il isoler Sparte plus que jamais de l’appui et de la sympathie grecs. Probablement Archidamos ne- tenta jamais sérieusement d’exécuter le plan désespéré qu’il avait présenté comme une menace quelque deux ou trois ans avant la bataille de Mantineia, à savoir que les Lacédæmoniens renverraient leurs épouses et leurs familles et convertiraient leur population militaire en un camp perpétuel, pour ne jamais déposer les armes avant d’avoir reconquis Messênê ou péri en l’essayant[26]. Cependant lui et son père, bien qu’abandonnés par tous les alliés grecs, n’avaient pas perdu l’espoir de pouvoir obtenir du secours, sous forme d’argent destiné à lever des troupes mercenaires, des princes indigènes d’Égypte et des satrapes persans révoltés d’Asie, avec lesquels ils semblent avoir été pendant quelque temps dans une sorte de correspondance[27].

Vers l’époque de la bataille de Mantineia et, à ce qu’il semblerait, pendant quelques années auparavant, — une portion considérable des domaines occidentaux du Grand Roi étaient dans un état en partie de révolte, en partie d’obéissance douteuse (362 av. J.-C.). L’Égypte avait été pendant quelques années en révolte réelle et sous des princes indigènes que les Perses avaient essayé en vain de réduire (en employant dans ce dessein l’aide des généraux athéniens Iphikratês et Timotheos) en 374 et en 371 avant J.-C. Ariobarzanês, satrape de la région voisine de la Propontis et de l’Hellespont, paraît s’être révolté vers l’année 367-366 avant J.-C. Dans d’autres parties de l’Asie Mineure aussi, — en Paphlagonia, en Pisidia, etc., — les princes, ou gouverneurs subordonnés, devinrent mal disposés pour Artaxerxés. Mais leur désaffection fut contenue pendant un certain temps par l’habileté et la vigueur extraordinaires d’un Karien nommé Datamês, commandant pour le roi dans une partie de la Kappadokia, qui remporta sur eux plusieurs victoires importantes, par ses rapides mouvements et ses stratagèmes bien combinés. Enfin les services de Datamês devinrent distingués au point d’exciter la jalousie d’un grand nombre des grands de Perse, qui aigrirent l’esprit du roi contre lui, et le poussèrent ainsi à lever l’étendard de la révolte dans son propre district de Kappadokia, de concert avec Ariobarzanês, dont il se fit l’allié. Ce fut en vain qu’Artaxerxés envoya Autophradatês, satrape de Lydia, avec une puissante armée pour réduire Datamês. Ce dernier résista à toutes les forces de la Perse qui lui étaient ouvertement opposées, et il ne fut vaincu à la fin que par la conspiration perfide de Mithridatês (fils d’Ariobarzanês), qui, gagné par la cour de Perse et devenant traître tant à son père Ariobarzanês qu’à Datamês, simula une coopération pleine de zèle, attira te dernier à une entrevue secrète et l’y assassina[28].

Toutefois, il restait encore en Asie Mineure des princes et des satrapes puissants, mal disposés pour la cour : Mausôlos, prince de Isaria ; Orontês, satrape de Mysia ; et Autophradatês, satrape de Lydia, — ce dernier s’étant : apparemment réuni alors aux révoltés, bien qu’auparavant il eût activement soutenu l’autorité du roi. Il semble aussi que la révolte s’étendit jusqu’en Syrie et en Phénicie, de sorte que toute la côte occidentale, avec ses revenus considérables, et l’Égypte furent tout d’un coup enlevées à l’empire. Tachés, roi indigène d’Égypte, était préparé à prêter assistance à cette combinaison formidable de commandants mal disposés ; qui choisirent Orontês pour chef, en lui confiant leurs forces réunies, et en envoyant Rheomithrês en Égypte pour se procurer des secours pécuniaires. Mais la cour de Perse brisa la force de cette combinaison en gagnant et Orontês et Rheomithrês, qui trahirent leurs confédérés et firent échouer l’entreprise. Quant aux détails, nous ne savons que peu ou rien[29].

Le roi spartiate Agésilas, avec mille hoplites lacédæmoniens ou péloponnésiens, — et le général athénien Chabrias, — furent appelés tous deux en Égypte pour commander les forces de Tachos, le premier sur terre, le second sur mer. Chabrias vint simplement comme volontaire, sans aucune sanction publique ni ordre d’Athènes. Mais le service d’Agésilas fut entrepris pour les desseins et avec le consentement des autorités de Sparte, attestés par la présence de trente Spartiates qui l’accompagnèrent en qualité de conseillers. Les Spartiates étaient mécontents du roi de Perse parce qu’il avait sanctionné l’indépendance de Messênê, et comme la perspective de renverser ou d’affaiblir son empire paraissait considérable à ce moment, ils comptaient recueillir une grande récompense pour les services qu’ils rendraient au prince égyptien, qui en retour les aiderait à réaliser leurs projets en Grèce. Mais les dissensions et de fausses appréciations firent échouer toutes les combinaisons conçues contre le roi de Perse. Agésilas, en arrivant en Égypte[30], fut reçu avec peu d’égards. Les Égyptiens virent avec étonnement que celui qu’ils avaient appelé comme un guerrier formidable était un petit vieillard difforme, mesquinement vêtu et s’asseyant sur l’herbe avec ses troupes, indifférent à la montre et au luxe. Non seulement ils exhalèrent leur désappointement en remarques sarcastiques, mais encore ils évitèrent de l’investir du commandement suprême, comme il s’y était attendu. Il fut reconnu seulement comme général des forces de terre mercenaires, tandis que Tachos lui-même commandait en chef et que Chabrias était à la tête de la flotte. On fit de grands efforts pour réunir une armée capable d’agir contre le Grand Roi, et Chabrias, dit-on, suggéra divers stratagèmes pour obtenir de l’argent des Égyptiens[31]. L’armée ayant été renforcée ainsi, Agésilas, malgré son mécontentement et son indignation, accompagna néanmoins Tachos dans une expédition contre les forces persanes en Phénicie, d’où ils furent rappelés par la révolte de Nektanebis, cousin de Tachos, qui se fit proclamer roi d’Égypte. Alors Tachos supplia Agésilas avec instance de le soutenir contre son compétiteur au trône d’Égypte, tandis que Nektanebis aussi, de son côté, commença à surenchérir pour obtenir la faveur des Spartiates. Avec la sanction des autorités de Sparte, mais en dépit de l’opposition de Chabrias, Agésilas se décida en faveur de Nektanebis et retira les mercenaires du camp de Tachos[32], qui fut en conséquence obligé de s’enfuir. Chabrias revint à Athènes, soit qu’il ne voulût pas abandonner Tachos qu’il était verni servir, — soit qu’il fût rappelé par ordre spécial de ses compatriotes, par suite des remontrances du roi de Perse. Bientôt il s’éleva un compétiteur au trône dans la division Mendésienne de l’Égypte. Agésilas, soutenant avec vigueur la cause de Nektanebis, fit échouer tous les efforts de son adversaire. Cependant ses grands projets contre l’empire persan furent abandonnés, et son expédition égyptienne eut pour Unît résultat l’établissement de Nektanebis, qui, après avoir essayé en vain de le décider à rester plus longtemps, le renvoya pendant la saison d’hiver avec des présents considérables et avec un don public pour Sparte de deux cent trente talents. Agésilas quitta le Nil pour se rendre à Kyrênê, afin d’obtenir de cette ville et de son port des vaisseaux pour le ramener dans sa patrie. Mais il mourut en route, salis atteindre Kyrênê. Ses troupes transportèrent à Sparte, pour qu’il y fût enterré, son corps dans une préparation de cire, vu qu’on ne put se procurer du miel[33].

C’est ainsi qu’expira, âgé d’un peu plus de quatre-vingts ans, le plus capable et le plus énergique des rois spartiates. Il a eu l’avantage, refusé à tout autre chef grec éminent, que son caractère et ses exploits ont été présentés au point de vue le plus favorable par un compagnon et un ami, — Xénophon. En faisant la plus large part possible à la partialité dans ce portrait, — il restera encore un caractère réellement grand et distingué. Nous trouvons les vertus d’un soldat et les talents d’un commandant, combinés avec une décision et une volonté personnelles énergiques, dans une mesure qui assura à Agésilas un ascendant constant sur les esprits des autres, bien au delà de ce qui appartenait naturellement à sa position, et cela encore, malgré une difformité corporelle frappante, dans une nation éminemment sensible sur ce point. Des mérites que Xénophon lui attribue, quelques-uns sont les résultats directs d’une éducation Spartiate, — son courage, la simplicité de sa vie et son indifférence pour les jouissances, — sa patience pleine de gaieté dans les peines de toute sorte. Mais sa fidélité à des engagements, son désintéressement uniforme quant à la corruption pécuniaire, et ces manières cordiales et séduisantes qui attachaient à lui tous ceux qui l’entouraient, — n’étaient pas des vertus spartiates : c’étaient ides qualités qui lui étaient personnelles. Cependant nous trouvons en lui plus d’analogie avec Lysandros, homme également au-dessus du reproche sous le rapport du gain pécuniaire, — qu’avec Brasidas ou Kallikratidas. Agésilas succéda au trône, avec un titre contesté, sous les auspices et par les intrigues de Lysandros, dont l’influence, prédominante à cette époque tant à Sparte qu’en Grèce, avait établi partout des dékarchies et des harmostes comme instruments d’ascendant pour Sparte souveraine, — et, sous le nom de Sparte, pour lui-même. Agésilas, qui avait trop de caractère pour se faire le second de personne, ne tarda pas à renverser de ce système tout ce qui avait été bâti pour favoriser la domination personnelle de Lysandros, sans toutefois suivre les mêmes aspirations égoïstes, ni chercher à élever la même dictature individuelle pour son propre compte. Son ambition était à la vérité sans bornes ; mais ce fut pour Sparte en premier lieu, et pour lui-même seulement en second. Le malheur fut que, dans ses mesures pour soutenir et exercer l’autorité souveraine de Sparte, il continua encore ce mélange de coercition domestique et étrangère (représenté par la dékarchie et par l’harmoste) qui avait été introduit par Lysandros, pénible contraste avec l’égalité digne et la renonciation ex-presse à toute intervention partiale, proclamées par Brasidas, comme lé mot d’ordre de Sparte, à Akanthos et à Torônê, — et avec les buts panhelléniques encore plus nobles de Kallikratidas.

La portion la plus glorieuse de la vie d’Agésilas fut celle qu’il passa dans ses trois campagnes asiatiques, quand il agissait sous l’impulsion de sa haine contre les Perses, dont son panégyriste lui fait tant honneur[34]. Il y fut employé dans un dessein panhellénique, pour protéger les Grecs asiatiques contre cette sujétion à la Perse que Sparte elle-même leur avait imposée peu d’années auparavant, comme prix de l’aide que, les Perses lui avaient prêtée contre Athènes.

Les Perses réussirent bientôt à appliquer les leçons- de Sparte contre elle-même et à trouver des alliés grecs pour lui faire la guerre près dé chez elle. Là finirent le sentiment panhellénique et l’ambition véritablement honorable dans le cœur d’Agésilas. Il fut rappelé pour faire la guerre plus près de ses foyers. Son empressement à obéir à l’ordre du rappel est loué grandement par Plutarque et par Xénophon, — avec peu de raison, à mon sens, puisqu’il n’avait pas le choix et qu’il fallait revenir. Il revint, mais ce n’était plus le même homme. Sa haine contre les Perses avait disparu et avait fait place à un sentiment de haine contré les Thébains, qui acquit graduellement la force d’une passion. Comme directeur en chef de la guerre entre 394-387 avant J.-C., il montra cette vigueur et cette habileté qui ne l’abandonnèrent jamais dans les opérations militaires. Mais quand il vit que l’empire de sparte près de chez elle ne pouvait être imposé qu’en faisant d’elle l’alliée de la Perse et l’exécutrice d’un rescrit persan, il se contenta d’acheter ce secours, déshonorant en lui-même, par le déshonneur plus grand encore de sacrifier les Grecs asiatiques. Pour le moment, sa politique sembla réussir. De 387 à 379 avant J.-C. (c’est-à-dire jusqu’à l’époque de la révolution de Thêbes, opérée par Pélopidas et par sa petite troupe), l’ascendant de Sparte sur terre, dans la Grèce centrale, allait continuellement en grandissant. Sa conduite injuste et oppressive est avouée même par son panégyriste Xénophon, et c’est précisément la période dans laquelle l’influence d’Agésilas était à son maximum. Ensuite nous le voyons se mettre personnellement en avant pour sauver Sphodrias du châtiment et pour attirer ainsi sur ses compatriotes une guerre avec Athènes aussi bien qu’avec Thêbes. Dans la conduite de cette guerre, ses opérations militaires furent, comme à l’ordinaire, énergiques et habiles, avec une certaine mesure de succès. Mais en général la guerre prend une tournure défavorable pour Sparte. En 371 avant J.-C., elle est obligée d’accepter la paix à des conditions très humiliantes, comparativement avec sa position de 387 avant J.-C., et la seule compensation qu’elle reçoit, c’est l’avantage d’exclure les Thébains du traité, en les laissant ainsi lutter seuls contre ce qui semblait être une supériorité écrasante. Ce mouvement de haine intense contre Thêbes, qui amena si rapidement le désastre inattendu et accablant de Leuktra, se trouve avoir Agésilas comme principal organe. Dans les jours de malheur qui suivirent pour Sparte, nous trouvons sa conduite honorable et énergique, autant que le permettait la position défensive à laquelle Sparte était alors réduite. Et bien que Plutarque semble mécontent de lui[35] pour son obstination à refuser de reconnaître l’autonomie de Messênê (lors de la paix conclue après la bataille de Mantineia), quand tous les autres Grecs la reconnaissaient, — cependant l’on ne peut montrer que ce refus amenât quelque malheur réel à Sparte, et les circonstances auraient bien pu tourner de telle sorte qu’il eût été un avantage.

En somme, malgré les nombreux mérites militaires et personnels d’Agésilas, comme conseiller et politique, il mérite peu d’estime. Nous sommes forcé de faire remarquer le triste contraste entre l’état dans lequel il trouva Sparte à son avènement et celui où il la laissa à sa mort : Marmoream invenit, lateritiam reliquit. La mort seule d’Épaminondas à Mantineia la sauva de quelque chose de pire encore, et cependant il serait injuste pour Agésilas, tandis que nous considérons les malheurs qui accablèrent Sparte pendant son règne, de ne pas nous rappeler qu’Épaminondas était l’ennemi le plus formidable qu’elle eût jamais rencontré.

Le service efficace rendu par Agésilas pendant sa dernière expédition en Égypte eut pour effet d’établir fortement la domination de Nektanebis, le roi indigène, et d’empêcher pour le moment que ce pays ne fût reconquis par les Perses, événement qui n’arriva que peu d’années après, pendant le règne du roi persan suivant (362-361 av. J.-C.). Toutefois, la révolte étendue qui, à un moment, menaçait : d’enlever à la couronne de Perse l’Asie Mineure aussi bien que l’Égypte, ne laissa pas de conséquences permanentes. La perfidie d’Orontês et de Rheomithrês ruinèrent si complètement les plans des révoltés qu’Artaxerxés Mnemôn conserva encore intact l’empire persan (à l’exception de l’Égypte).

Ce prince mourut peu de temps après la répression de la révolte (apparemment une année après, en 359-358 av. J.-C.), après avoir régné quarante-cinq ou quarante-six ans[36]. Sa mort fut précédée par une de ces tragédies sanglantes qui souillaient si fréquemment la transmission d’un sceptre persan. Darius, fils aîné d’Artaxerxés, avait été déclaré par son père successeur au trône. Suivant la coutume persane, le successeur déclaré ainsi avait droit de demander ce qu’il voulait, le monarque étant tenu de l’accorder. Darius profita du privilège pour demander une des habitantes favorites du harem de son père, pour laquelle il avait conçu une passion. La requête déplut tellement à Artaxerxés qu’il sembla disposé à faire une nouvelle nomination quant à la succession, en écartant Darius et en lui préférant Ochus, son cadet, dont Atossa, femme aussi bien que fille du monarque, épousa chaudement les intérêts. Alarmé de cette perspective, Darius se laissa persuader par un courtisan mécontent, nommé Teribazos, de tramer un complot pour assassiner Artaxerxés ; mais le complot fut trahi, et le roi fit mettre à mort Darius et Teribazos. Cette catastrophe augmenta les chances d’Ochus et stimula encore plus son ambition. Mais il restait encore deux princes plus âgés que lui, — Arsamês et Ariaspês. Il s’arrangea pour écarter les deux frères de son chemin : l’un par une ruse perfide, en l’attirant dans un piége et lui faisant prendre du poison ; l’autre par un assassinat. Ochus se trouva ainsi le plus rapproché comme successeur à la couronne, qui ne se fit pas longtemps attendre ; car Artaxerxés, — alors très âgé, et déjà accablé par la fin fatale de son fils aillé Darius, — ne survécut pas à la nouvelle douleur de voir ses deux autres fils mourir si promptement après[37]. Il expira, et son fils Ochus, prenant le nom d’Artaxerxés, lui succéda sans opposition ; et il manifesta comme roi les mêmes dispositions sanguinaires que celles qui l’avaient aidé à se placer sur le trône.

Pendant les deux années qui suivirent la bataille de Mantineia, Athènes, bien que délivrée de, la guerre sure terre par la paix générale, paraît avoir été engagée dans des luttes et des difficultés maritimes sérieuses (362-3610 av. J.-C.). Elle avait été considérablement embarrassée par deux événements : par l’armement naval thêbain sous Épaminondas, et par la soumission d’Alexandre de Pheræ à Thèbes, — événements appartenant tous deux à 364-363 avant J.-C. Ce fut en 363-362 avant J.-C. que l’Athénien Timotheos, — après avoir fait la guerre avec un succès éminent contre Olynthos et les cités voisines dans le golfe Thermaïque, mais avec très peu de succès contre Amphipolis, — employa ses forces à faire la guerre à Kotys, roi de Thrace, près de la Chersonèse de Thrace. L’arrivée d’une flotte thébaine dans l’Hellespont dérangea beaucoup le général athénien et fut pour Kotys un puissant secours ; ce prince fut en outre aidé par le général athénien Iphikratês, qui en cette occasion servit son beau-père contre son pays[38]. Timotheos, dit-on, fit la guerre à Kotys avec avantage et acquit pour Athènes un butin considérable[39]. Il paraîtrait que ses opérations eurent un caractère agressif et que, pendant son commandement dans ces contrées, les possessions athéniennes dans la Chersonèse furent en sûreté contre Kotys ; car Iphikratês ne prêta son aide à Kotys que pour une guerre défensive, et il quitta son service quand il commença à attaquer les possessions athéniennes dans la Chersonèse[40].

Nous ne savons pas pour quelles circonstances Timotheos fut destitué ou se retira du commandement. Mais, l’année suivante, nous trouvons Ergophilos en qualité de commandant athénien dans la Chersonèse, et Kallisthenês (vraisemblablement) en qualité de commandant athénien contre Amphipolis[41]. Toutefois, les affaires d’Athènes au delà de la mer étaient loin de s’améliorer. Outre que, sous le nouveau général, elle semble avoir perdu de la force près de la Chersonèse, elle eut à ce moment sir les bras un nouvel ennemi maritime, — Alexandre de Pheræ. Peu de temps auparavant, il avait été son allié contre Thèbes ; mais les victoires des Thébains pendant l’année précédente l’avaient si complètement abaissé, que maintenant il identifiait sa cause avec la leur, en envoyant des troupes rejoindre l’expédition d’Épaminondas dans le Péloponnèse[42], et en équipant une flotte pour attaquer Les alliés maritimes d’Athènes. Sa flotte prit l’île de Ténos, ravagea plusieurs des autres Cyclades et mit le siége devant Peparêthos. Une grande alarme régna à Athènes, et vers la fin d’août (362 av. J,-C.)[43], deux mois après la bataille de Mantineia, on équipa une flotte avec la plus grande activité, dans le dessein de défendre les alliés insulaires aussi bien que d’agir dans l’Hellespont. On demanda à tous les triérarques de vigoureux efforts, que quelques-uns firent réellement, pour accélérer le départ de cette flotte. Mais la portion des vaisseaux qui, tandis que le reste se rendait à l’Hellespont, fut envoyée, sous Leosthenês, pour défendre Peparêthos, — fut défaite avec lui par les vaisseaux d’Alexandre et perdit cinq — trirèmes et six cents prisonniers[44]. On nous dit même que, peu après cet avantage naval, les vainqueurs furent assez hardis pour faire une incursion dans le Peiræeus (Pirée) lui-même (comme l’avait fait Teleutias, vingt-sept ans auparavant), où ils saisirent et des objets à bord des vaisseaux et des hommes sur le quai, avent qu’il y eût des forces prêtes à les repousser[45]. Les maraudeurs thessaliens finirent par être refoulés jusqu’à leur port de Pagasæ, non toutefois -sans beaucoup de mal pour les confédérés insulaires et quelque honte pour Athènes. L’amiral vaincu Leosthenês fut condamné à mort ; tandis que plusieurs triérarques, — qui, au lieu de servir en personne, avaient accompli les devoirs qui leur étaient imposés par un délégué et en vertu d’un arrangement, — furent blâmés ou jugés[46].

Non seulement l’état des affaires d’Athènes (dans l’Hellespont) était devenu pire sous Ergophilos que sous Timotheos, mais Kallisthenês non plus, qui avait succédé à Timotheos dans les opérations contre Amphipolis, n’obtint pas de résultat permanent (362 av. J.-C.). Il semblerait que les Amphipolitains, pour se défendre contre Athènes, avaient invoqué l’aide du roi macédonien Perdikkas et remis leur cité entre ses mains. Ce prince avait auparavant agi conjointement avec les forces athéniennes sous Timotheos contre Olynthos, et leur invasion combinée avait affaibli les Olynthiens au point de les mettre hors d’état de fournir du secours à Amphipolis. Du moins, cette hypothèse explique comment Amphipolis en vint alors, pour la première fois, à n’être plus une cité libre, mais à être détachée d’Olynthos et réunie à Perdikkas (qui probablement y mit garnison) comme une possession de la Macédoine[47]. Kallisthenês se trouva alors, pour faire la guerre, avec de plus grands désavantages que Timotheos, ayant Perdikkas pour ennemi, avec Amphipolis. Néanmoins, à ce qu’il semblerait, il obtint d’abord de grands avantages et réduisit Perdikkas à la nécessité d’acheter une trêve par la promesse d’abandonner les Amphipolitains. Toutefois, le prince macédonien, ayant profité de la trêve pour recouvrer sa vigueur, ne songea plus à remplir sa promesse ; mais il défendit Amphipolis contre les Athéniens aussi opiniâtrement qu’auparavant. Kallisthenês avait laissé échapper une occasion qui ne revint jamais. Après avoir annoncé à Athènes la trêve victorieuse et la reddition prochaine, il semble avoir été forcé, à son retour, de reconnaître qu’il avait été amené par une fourberie à suspendre les opérations, à un moment où (à ce qu’il semblait) Amphipolis aurait pu être conquise. Pour cette faute de jugement ou de conduite, il fut jugé à Athènes, en revenant auprès de ses compatriotes désappointés ; et en même temps, il en fut de même aussi pour Ergophilos, qui, avait été rappelé de la Chersonèse pour son insuccès ou pour la mauvaise manière dont il avait mené la guerre contre Kotys[48]. Le peuple était fort irrité contre tous deux, mais surtout contre Ergophilos. Néanmoins il arriva que Kallisthenês fût jugé en premier lieu et condamné à mort. Le lendemain, on jugea Ergophilos. Mais par le verdict de la veille les dikastes avaient déchargé leur colère, ce qui les rendit d’autant plus indulgents, au point qu’ils l’acquittèrent[49].

Autoklês fut envoyé à la place d’Ergophilos, afin de faire la guerre pour Athènes dans l’Hellespont et le Bosphore (362-261 av. J.-C.). Ce n’était pas seulement contre Kotys que ses opérations étaient nécessaires. Les Prokonnésiens, alliés d’Athènes, demandaient protection contre les attaques de Kyzikos ; en outre, il y avait une nécessité encore plus urgente. Le fonds de blé diminuait, et le prix haussait, non seulement à Athènes, mais dans beaucoup des îles de la mer Ægée, ainsi qu’à Byzantion et dans d’autres villes. Il régnait donc une anxiété inaccoutumée, jointe à une concurrence ardente pour le blé en cours d’importation venait de l’Euxin. Les habitants de Byzantion, de Chalkêdon et de Kyzikos s’étaient déjà mis à retenir les navires de blé qui passaient pour approvisionner leurs propres marchés, et -il ne fallut rien moins qu’une puissante flotte athénienne gour assurer à ces provisions un passage sans danger jusqu’à Athènes elle-même[50]. La flotte athénienne, qui gardait le Bosphore dès le Hierôn à l’intérieur (chapelle voisine de la jonction du Bosphore avec l’Euxin), fournit un convoi sûr pour les exportations automnales de cet article essentiel.

En poussant des opérations contre Kotys, Autoklês fut favorisé d’un avantage inattendu par la révolte récente d’un Thrace puissant nommé Miltokythês contre ce prince (361 av. J.-C.). Cette révolte alarma tellement Kotys qu’il écrivit à Athènes une lettre d’un ton humble et envoya des députés pour acheter la paix par diverses concessions. En même temps, Miltokythês dépêcha aussi d’abord des ambassadeurs, — ensuite alla en personne, à Athènes, pour exposer son affaire et solliciter du secours. Toutefois, on l’accueillit froidement. Le vote de l’assemblée athénienne, rendu à l’audition du cas (et obtenu probablement en partie grâce aux amis d’Iphikratês), fut si défavorable[51] qu’il partit non seulement découragé, mais encore alarmé, tandis que Kotys recouvra toute sa puissance en Thrace et même devint maître de la montagne sacrée, avec sa quantité de riches dépôts. Néanmoins, malgré ce vote imprudent, les Athéniens avaient réellement l’intention de soutenir Miltokythês contre Kotys. Ils rappelèrent leur général Autoklês après quelques mois et le mirent en jugement pour avoir laissé Kotys abattre son ennemi sans l’assister[52]. Comment finit ce jugement et quelle était la justice du cas, c’est ce que nous ne sommes pas en état de reconnaître d’après les allusions fugitives de Démosthène.

Menon fut envoyé à l’Hellespont en qualité de commandant pour remplacer Autoklês ; et il fut lui-même remplacé à son tour après quelques mois par Timomachos. Un convoi pour les navires de blé venant de l’Euxin devint nécessaire de nouveau, comme dans l’année précédente ; et il fat fourni une seconde fois pendant l’automne de 361 ayant J.-C. par les vaisseaux de guerre athéniens[53] ; non seulement pour les provisions qu’on transportait à Athènes, mais encore pour celles qui allaient à Maroneia, à Thasos, et dans d’autres villes en Thrace ou auprès. Mais les affaires dans la Chersonèse devinrent encore plus défavorables à Athènes. Dans l’hiver de 361-360 avant J.-C., Kotys, avec le concours d’un corps de citoyens d’Abydos et d’exilés de Sestos, qui vinrent d’Abydos en traversant l’Hellespont, parvint à surprendre Sestos[54], la place la plus importante de la Chersonèse et le poste de garde de l’Hellespont sur son côté européen, pour tous les vaisseaux, qui y entraient ou qui en sortaient. Toute la Chersonèse fut ouverte alors à ses agressions. Il fit des préparatifs pour attaquer Elæonte et Krithôtê, les deux autres possessions principales d’Athènes, et s’efforça de déterminer Iphikratês à prendre part à ses projets. Mais ce général, bien qu’il eût assisté Kotys dans sa défense contre Athènes, refusa de se rendre coupable de la trahison plus patente impliquée dans une hostilité agressive’ contre elle. Il quitta même la Thrace ; mais n’osant pas visiter immédiatement Athènes, il se retira à Lesbos[55]. Toutefois, malgré son refus, les colons et les possessions d’Athènes dans la Chersonèse furent attaqués et mis en danger par Kotys, qui réclama toute la péninsule comme lui appartenant ; et établit à Sestos des percepteurs chargés de lever les droits tant de détroit que de port[56].

La fortune d’Athènes, dans ces régions, fut encore malheureuse (360 av. J.-C.). Tous ses derniers commandants, Ergophilos, Autoklês, Menon, Timomachos avaient successivement manqué de moyens, d’habileté ou de fidélité, et avaient subi une accusation à Athènes[57]. Timomachos fut alors remplacé par Kephisodotos, homme d’une inimitié connue à l’égard tant d’Iphikratês que de Kotys[58]. Mais Kephisodotos ne fit rien de plus que ses prédécesseurs, et il eut même à lutter contre un nouvel ennemi, qui passa d’Abydos à Sestos pour renforcer Kotys, — Charidêmos avec la division mercenaire qu’il avait sous ses ordres. Cet officier, depuis qu’il avait servi trois ans auparavant sous Timotheos contre Amphipolis, avait été pendant quelque temps en Asie, surtout dans la Troade. Il loua ses services au satrape Artabazos, et il profita de ses embarras pour s’emparer par fraude des villes de Skepsis, de Kebren et d’Ilion ; il avait l’intention de les occuper comme une petite principauté[59]. Toutefois, comme il finit par reconnaître que sa position n’était pas tenable contre les forces probables du satrape, il envoya une lettre en Chersonèse, au commandant athénien Kephisodotos, demandant des trirèmes athéniennes pour transporter sa division en Europe ; en retour de ce service, si on le lui rendait, il s’engageait à écraser Kotys et à reconquérir la Chersonèse pour Athènes. Cette proposition, qu’elle ait été acceptée ou non, ne fut jamais réalisée ; en effet, Charidêmos, grâce à une trêve que le satrape lui accorda sans qu’il s’y attendît, put se rendre d’Abydos à Sestos, sans vaisseaux athéniens. Mais dès qu’il se trouva dans la Chersonèse, loin d’aider Athènes à recouvrer cette péninsule, il prit réellement du service, chez Kotys, contre elle ; de sorte qu’Elæonte et Krithôtê, les principaux postes qui lui restaient, furent dans un plus grand péril que jamais[60].

Toutefois, les perspectives victorieuses de Kotys furent arrêtées à ce moment d’une manière inattendue (360 av. J.-C.). Après un règne de vingt-quatre ans, il fut assassiné par deux frères, Pythôn et Herakleidês, Grecs de la cité d’Ænos en Thrace, et autrefois disciples de Platon t. Athènes. Ils commirent cet acte pour venger leur père, auquel, à ce qu’il semblerait. Kotys avait fait quelque insulte brutale, sous l’influence de ce tempérament violent et licencieux qui ; chez lui, se combinait avec un caractère militaire énergique[61]. Étant parvenus à s’échapper, Python et son frère se retirèrent à Athènes ; où on les reçut avec toute démonstration d’honneur, et où l’on leur fit présent du droit de cité ainsi que de couronnes d’or, en partie comme à des tyrannicides, en partie pour avoir délivré les Athéniens d’un ennemi odieux et formidable[62]. Désavouant les chauds éloges dont l’accablaient divers orateurs de l’assemblée, Pythôn, à ce qu’on dit, répliqua : — C’est un dieu qui a commis l’acte ; nous avons seulement prêté nos bras[63]. Anecdote qui, vraie ou fausse, jette un grand jour sur l’admiration que les Grecs avaient pour le tyrannicide.

La mort de Kotys procura quelque allégement aux affaires athéniennes en Chersonèse (360 av. J.-C.). De ses enfants, l’aîné lui-même, Kersobleptês n’était qu’un jeune homme[64] : de plus, deux autres chefs thraces, Berisadês et Amadokos, surgirent à ce moment comme prétendants, réclamant leurs parts dans le royaume de Thrace. Kersobleptês employa comme principal appui et principal agent le général mercenaire Charidêmos, qui avait déjà épousé sa sœur, ou qui l’épousa alors ; des relations conjugales avaient été .formées de la même manière par Amadokos avec deux Grecs, nommés Simon et Bianor, et par Berisadês avec un citoyen athénien nommé Athenodoros, qui (comme Iphikratês et autres) avait fondé une cité, et possédait une certaine domination indépendante, dans la Chersonèse ou auprès[65]. Ces chefs mercenaires grecs s’unissaient ainsi par liens de mariage aux princes qu’ils servaient, comme Seuthês l’avait proposé à Xénophon, et comme les condottieri italiens du quinzième siècle s’ennoblissaient par une alliance semblable avec des familles princières, — par exemple Sforza avec les Visconti de Milan. Ces trois compétiteurs thraces étaient tous représentés alors par des agents grecs. Mais d’abord, à ce qu’il semble, Charidêmos agissant en faveur de Kersobleptês fut le plus fort. Lui et son armée étaient près de Perinthos sur la côte septentrionale de la Propontis, où le commandant athénien, Kephisodotos, le visita, avec une petite escadre de dix trirèmes, afin de réclamer l’accomplissement de ces belles promesses que Charidêmos avait faites dans sa lettre envoyée d’Asie. Mais Charidêmos traita les Athéniens comme des ennemis, attaqua par surprise les marins sur le rivage, et leur fit subir un grand dommage. Il pressa ensuite la Chersonèse cruellement pendant plusieurs mois, et s’avança même jusqu’au milieu de la Péninsule, pour protéger un nid de pirates, que les Athéniens assiégeaient dans l’îlot voisin situé sur la côte occidentale — Alopekonnêsos. Enfin, après plusieurs mois d’une guerre sans profit (datant de la mort de Kotys), il força Kephisodotos à conclure aven lui une convention si désastreuse et si déshonorante que, dès qu’on la connut à Athènes, on la rejeta avec indignation[66]. Kephisodotos, tombé en disgrâce, fut rappelé, jugé et condamné à une amende, l’orateur Démosthène (nous dit-on), qui avait servi comme l’un des triérarques de la flotte, étant au nombre de ses accusateurs[67].

Parmi les articles de cette convention défavorable, l’un portait que la cité grecque de Kardia serait spécialement réservée pour Charidêmos lui-même (359 av. J.-C.). Cette cité, — éminemment commode par sa situation sur l’isthme rattachant la Chersonèse à la Thrace, — réclamée par les Athéniens comme faisant partie de la Chersonèse, toutefois fortement hostile en même temps à Athènes, — devint sa principale station[68]. Il fut assez heureux pour s’emparer, par l’effet d’une trahison, de la personne du Thrace Miltokythês, qui avait été l’ennemi déclaré de Kotys, et avait coopéré avec Athènes. Mais il ne voulut pas remettre cet important prisonnier à Kersobleptês, parce que la vie de Miltokythês eût été sauvée ainsi, les Thraces n’ayant pas l’habitude, dans leurs querelles intestines, de se donner mutuellement la mort[69]. Nous remarquons avec surprise une coutume plus douce que celle de la Grèce, dans un peuple décidément plus barbare et plus altéré de sang que les Grecs. Conséquemment, Charidêmos livra Miltokythês aux Kardiens, qui mirent le prisonnier avec son fils dans un bateau, les emmenèrent à quelque distance en mer, tuèrent le fils sous les yeux du père, puis noyèrent le père lui-même[70]. Il est assez probable qu’il a pu y avoir quelques causes antérieures spéciales, qui occasionnèrent une forte antipathie à l’égard de Miltokythês de la part des Kardiens et engagèrent Charidêmos à le leur remettre comme un sujet agréable de vengeance. Quoi qu’il en soit, leur acte sauvage excita une violente indignation parmi tous les Thraces et fit beaucoup de tort à la cause de Kersobleptês et de Charidêmos. Bien que Kephisodotos eût été rappelé et qu’un intervalle considérable de temps s’écoulât avant qu’un successeur vînt d’Athènes, cependant Berisadês et Amadokos réunirent leurs forces d’un commun accord et envoyèrent aux Athéniens des propositions d’alliance, avec la demande d’un secours pécuniaire. Athenodoros, le général de Berisadês, se mettant à la tête de Thraces et d’Athéniens réunis, se trouva supérieur en campagne à Kersobleptês et à Charidêmos ; qu’il contraignit à accepter une nouvelle convention dictée par lui-même. Elle portait que le royaume de Thrace serait divisé en parties égales entre les trois compétiteurs ; que tous les trois concourraient à rendre la Chersonèse à Athènes ; et que le fils d’un personnage important de Sestos, nommé Iphiadês, tenu par Charidêmos comme otage répondant de la fidélité de la ville, serait également remis à Athènes[71].

Cette nouvelle convention, jurée des deux côtés, promit à cette ville l’acquisition complète qu’elle désirait : Considérant la chose comme faite, les Athéniens envoyèrent Chabrias en qualité de commandant avec une trirème pour recevoir la reddition, mais ils négligèrent d’envoyer l’argent demandé par Athenodoros, qui fut en conséquence obligé de licencier son armée faute de solde. Alors, Kersobleptês et Charidêmos renoncèrent leur engagement, refusèrent d’exécuter la convention récemment jurée, et forcèrent Chabrias, qui était venu sans armée, de revenir à la première convention conclue avec Kephisodotos. Désappointés et indignés, les Athéniens désavouèrent l’acte de Chabrias, malgré sa haute réputation. Ils envoyèrent dix ambassadeurs en Chersonèse, chargés de demander avec instance que la convention d’Athenodoros fût jurée de nouveau par les trois compétiteurs thraces, — Berisadês, Amadokos, Kersobleptês ; si le troisième refusait, les ambassadeurs avaient ordre de prendre des mesures pour lai faire la guerre, tant en recevant les engagements des deux autres. Mais une pareille mission, sans armes, n’obtint rien de Charidêmos ni de Kersobleptês, que des délais ou un refus, tandis que Berisadês et Amadokos envoyèrent à Athènes des plaintes amères au sujet de la parole violée. Enfin, après quelques mois, — précisément après la fin triomphante de l’expédition d’Athènes contre l’Eubœa (358 av. J.-C.), — l’Athénien Charês arriva dans la Chersonèse, à la tête d’une armée mercenaire considérable. Alors à la fin, les deux récalcitrants furent forcés de nouveau de jurer la convention d’Athenodoros, en présence de ce dernier aussi bien que de Berisadês et d’Amadokos[72]. Et il paraîtrait que ses conditions ne tardèrent pas à se réaliser. Charidêmos remit à Athènes la Chersonèse, comprenant naturellement Sestos, sa principale ville[73] ; cependant il garda pour lui Kardia[74], qu’il affirmait (bien que les Athéniens prétendissent le contraire) ne pas devoir être comprise dans les limites de cette péninsule. Le royaume de Thrace fut aussi partagé entre Kersobleptês, Berisadês et Amadokos, triple partage qui, en diminuant la force de chacun, fut regardé par Athènes comme une : grande garantie additionnelle pour la sécurité de sa- possession de la Chersonèse[75].

Ce fut ainsi qu’Athènes finit par assurer cette possession contre les potentats thraces du voisinage (358 av. J.-C.). Et il semblerait que sa puissance d’outre-mer, avec ses dépendances et ses confédérés, fût alors plus élevée qu’elle n’avait jamais été depuis les terribles revers de 405 avant J.-C. Dans le nombre on comptait non seulement une grande quantité des îles de la mer Ægée (même les plus considérables, l’Eubœa, Chios, Samos et Rhodes), mais encore diverses possessions continentales : Byzantion, la Chersonèse, — Maroneia[76] avec d’autres places sur la côte méridionale de Thrace, et Pydna, Methônê et Potidæa, avec la plus grande partie de la région entourant le golfe Thermaïque[77]. Cette dernière portion de l’empire avait été acquise aux dépens de l’alliance fraternelle olynthienne des cités voisines, à laquelle, par une impulsion extrêmement désastreuse pour l’indépendance future de la Grèce, Athènes elle-même, aussi bien que Sparte, avait fait la guerre avec un succès funeste. Le roi macédonien Perdikkas, avec un juste instinct de l’agrandissement futur de sa dynastie, l’avait aidée à affaiblir ainsi Olynthos ; il sentait que les villes sur le golfe Thermaïque, si elles faisaient partie d’une forte confédération olynthienne de frères et de voisins, attachés réciproquement et se soutenant par eux-mêmes, résisteraient à la Macédoine d’une manière plus efficace, que si elles étaient des dépendances à moitié récalcitrantes d’Athènes, même avec la chance d’avoir par mer l’aide de cette ville. Dans le fait, le bras agressif d’Athènes contre Olynthos, entre 368-363 avant J.-C., ne fut guère moins funeste à la Grèce en général que ne l’avait été celui de Sparte entre 382-380 avant J.-C. Sparte avait écrasé la confédération olynthienne au moment où elle donnait ses premières et brillantes promesses, — Athènes l’empêcha de relever la tête. Tous deux conspirèrent à renverser la barrière la plus puissante contre un agrandissement macédonien ; ni l’une ni l’autre ne se trouva en état de fournir en place à la Grèce une protection suffisante.

L’apogée de son second empire, qu’Athènes atteignit, comme je l’ai fait remarquer, en recouvrant la Chersonèse[78], ne dura qu’un moment (358 av. J.-C.). Pendant cette même année, survint parmi ses principaux alliés la révolte, connue sous le nom de guerre sociale, qui porta à son pouvoir une atteinte fatale et laissa le champ comparativement libre pour les premières attaques de son ennemi plus formidable encore, — Philippe de Macédoine. Ce prince était déjà sorti de son obscurité comme otage à Thèbes, et avait succédé comme roi à son frère Perdikkas, tué dans une bataille avec les Illyriens (360-359 av. J.-C.). D’abord sa situation parut non seulement difficile, mais presque désespérée. Et l’œil le plus clairvoyant en Grèce n’aurait pu reconnaître dans le jeune homme inexpérimenté ayant à lutter dès son avènement au trône contre des rivaux. à l’intérieur, des ennemis au dehors et des embarras de toute sorte, — le futur vainqueur de Chæroneia et le destructeur de l’Indépendance grecque. Comment, par son génie, son énergie et sa persévérance, aidés des fautes et des dissensions de ses ennemis grecs, parvint-il à cette funeste supériorité, — c’est ce qui sera bientôt raconté.

 

En 403 avant J.-C., après la reddition d’Athènes, la Grèce était soumise à l’empire spartiate. Ses nombreuses communautés municipales indépendantes étaient plus complètement enrégimentées sous un seul chef qu’elles ne l’avaient encore été auparavant, Athènes et Thêbes étant comptées toutes deux parmi les partisans de Sparte.

Mais les conflits déjà racontés (pendant un intervalle de quarante-quatre ans, — de 404-403 av. J.-C. à 360-350 av. J.-C.) ont eu pour triste effet de laisser la Grèce plus désunie et plus dépourvue d’une autorité hellénique prédominante qu’elle ne l’avait été à aucune époque depuis l’invasion persane. Thêbes, Sparte et Athènes avaient été toutes occupées à s’affaiblir l’une l’autre ; et, par malheur, chacune d’elles y avait plus réussi qu’à se’ fortifier elle-même. La puissance maritime d’Athènes est, il est vrai, considérable en ce moment ; elle peut même être appelée très grande, si on la compare avec l’état de dégradation auquel elle avait été amenée en 403 avant J.-C. Mais on verra bientôt combien le fondement de son autorité est peu solide, et comme elle est tombée d’une manière effrayante de ces nobles sentiments et de cette énergie souveraine qui ennoblissaient ses ancêtres, animés par les avis dé Periklês.

C’est dans ces circonstances, si fâcheuses pour la défense, que s’élève l’agresseur macédonien.

 

 

 



[1] Plutarque, Pélopidas, c. 33, 34.

[2] L’assertion de Diodore (XV, 87) sur ce point nie paraît plus probable que celle de Xénophon (VII, 5, 26).

Les Athéniens se vantèrent beaucoup de ce léger succès remporté par leur cavalerie, et ils en rehaussaient l’importance en avouant que, tous leurs alliés avaient été défaits autour d’eux (Plutarque, De Gloriâ Athen., p. 350 A).

[3] Diodore, XX, 88 ; Cicéron, De Finibus, II, 30, 97 ; Epistol. ad Familiares, V, 12, 5.

[4] Plutarque, Apopht. Reg., p. 194C ; Ælien, V. H., XII, 3.

Plutarque et Diodore disent tous deux qu’Épaminondas fut rapporté au camp. Mais il semble difficile qu’il y ait en un camp. Épaminondas n’était sorti de. Tegea que depuis quelques heures. I1 se peut qu’une tente ait été dressée sur le terrain pour le recevoir. Cinq siècles plus tard, les Mantineiens montrèrent au voyageur Pausanias un endroit appelé Skopê près du champ de bataille, où (affirmaient-ils) on avait porté Épaminondas blessé, soufflant beaucoup, et la main sur sa blessure, — et de là il avait considéré avec anxiété la bataille qui continuait (Pausanias VIII, 11, 4).

[5] Plutarque, Agésilas, c. 35 ; Pausanias, I, 3, 3 ; VIII, 9, 2-5 ; VIII, 11, 4 ; IX, 15, 3.

Toutefois les rapports que fait Pausanias, et le nom de Machæriôn qu’il entendit tant à Mantineia qu’à Sparte, sont confus et ne peuvent guère être conciliés avec le récit de Plutarque.

De plus, il semblerait que les Athéniens dans la suite ne distinguaient pas clairement entre la première bataille livrée par la cavalerie athénienne, immédiatement après son arrivée à Mantineia, quand elle empêcha cette ville d’être surprise par les Thêbains et par les Thessaliens, — et l’action générale qui suivit peu de jours après, et dans laquelle Épaminondas fut tué.

[6] Voir le discours de Démosthène en faveur des Mégalopolitains (Orat. XVI, s. 10, p. 204 ; s, 21, p. 206).

[7] Plutarque, Agésilas, c. 33 ; Diodore, XV, 89 ; Polybe, IV, 33.

M. Fynes Clinton (Fasti Hellen., 361 av. J.-C.) place la conclusion de la paix dans l’année suivante. Cependant je ne vois pas de motif pour admettre un pareil intervalle entre la bataille et la paix. Diodore paraît placer celle-ci immédiatement après celle-là. Il est vrai que cela ne compterait pas pour beaucoup contre une contre probabilité considérable ; mais ici (à mon sens) la probabilité est plutôt en faveur d’une suite immédiate entre les deux événements.

[8] Pausanias, VIII, 11, 4, 5.

[9] Cicéron, Tusculanes, I, 2, 4 ; De Oratore, III, 34, 139. Epaminondas, princeps, meo judicio, Græciæ, etc.

[10] Plutarque, Philopœmen, c. 3 ; Plutarque, Timoleôn, c. 36.   

[11] Voir l’inscription de quatre vers copiée par Pausanias sur la statue d’Épaminondas à Thêbes (Pausanias, IX, 16, 3).

[12] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 8, 9.

[13] Démosthène, Philipp., I, p. 51, s. 46.

[14] La remarque de Diodore (XV, 88) sur Épaminondas est plus expressive que ce que nous trouvons ordinairement chez lui.

[15] Polybe, XXXII, 8, 6. Cornélius Nepos (Épaminondas, c. 4) cite une anecdote, entre plusieurs qu’il affirrne avoir trouvées rapportées par l’histoire, de présents pécuniaires considérables offerts à Épaminondas et refusés par lui ; anecdote racontée avec une telle précision de détail qu’elle parait mériter crédit, bien que nous ne puissions assigner la date exacte où le prétendu corrupteur, Diomedôn de Kyzikos, vint à Thèbes.

Plutarque (De Genio Socratis, p. 583 F) rapporte, au sujet de Jasôn de Pheræ offrant en vain de l’argent à Épaminondas, un incident qui ne peut pas bien être arrivé avant la délivrance de la Kadmeia (époque à laquelle le dialogue de Plutarque l’assigne), mais qui peut être arrivé après.

Cf. Plutarque, Apophtheg. Reg., p. 193 C, et la vie de Fabius Maximus de Plutarque, c. 27.

[16] Aristote, Politique, III, 2, 10.

[17] Plutarque, Comparaison Alkibiadês et Coriolan, c. 4.

[18] Voir une anecdote au sujet d’Épaminondas comme diplomate et négociateur au nom de Thêbes contre Athènes, Athénée, XIV, p. 650 E.

[19] Homère, Iliade, III, 210-220 (Menelaos et Odysseus).

[20] Voir tome XII, ch. 3 de cette Histoire.

[21] Plutarque, Apophthegm. Reg., p. 192 E ; Athénée, XIII, p. 590 C.

[22] Hieronymus, ap. Athenæ, XIII, p. 602 A ; Plutarque, Pélopidas, c. 18 ; Xénophon, Rep. Laced., II, 12.

V. le fragment passionné et frappant de Pindare qu’il adressa dans sa vieillesse au jeune Theoxenos de Tenedos, Fragm. 2 des Scholies, dans l’édition de Dissen, et dans l’édition de Pindare de Bœckh, vol. III, p. 611, ap. Athenæ, XIII, p. 605 C.

[23] Voir Théopompe, fragm. 182, éd. Didot, ap. Athenæ, XIII, p. 605 A.

[24] Plutarque, Pélopidas, ut sup. ; Plutarque, Arnatorius, p. 671 D ; cf. Xénophon, Helléniques, IV, 8, 39.

[25] Diodore (XV, 94).

Je me permets de m’éloigner ici de Diodore, qui dit que ces trois mille hommes étaient Athéniens et non Thébains ; que les Mégalopolitains envoyèrent demander du secours à Athènes, et que les Athéniens envoyèrent ces trois mille hommes sous Pammenés.

Que Diodore (ou le copiste) ait pris ici les Thébains pour les Athéniens, c’est ce qui me semble, sur les motifs suivants :

1° En lisant attentivement le discours prononcé par Démosthène dans l’assemblée athénienne (environ dix ans après cette époque) relativement à la convenance d’envoyer des forces armées pour défendre Megalopolis contre les menaces de Sparte, — on verra, je pense, qu’Athènes n’a jamais pu auparavant envoyer de secours militaire à Megalopolis. Les deux arguments que présente Démosthène, ainsi que ceux qu’il combat comme ayant été présentés par ses adversaires, excluent la réalité de tout procédé antérieur de ce genre.

2° Même à l’époque où fut prononcé le discours mentionné plus haut, les Megalopolitains étaient encore (cf. Diodore, XVI, 39) en alliance spéciale avec Thêbes et sous la protection de cette ville, — bien que cette dernière eût été alors tellement affaiblie par la Guerre Sacrée et par d’autres causes, qu’il semblait douteux qu’elle pût Ies protéger complètement contre Sparte. Mais l’année qui suivit la bataille de Mantineia, l’alliance entre Megalopolis et Thêbes, aussi bien que l’hostilité entre Megalopolis et Athènes, était encore plus nouvelle et plus intime. Les Thébains (alors avec un pouvoir intact), qui avaient combattu pour eux l’année précédente, — et non les Athéniens, qui avaient combattu contre eux, — durent être les personnes invoquées pour venir au secours de Megalopolis, et les Thébains n’avaient pas encore éprouvé de revers positifs qui les missent hors d’état de prêter ce secours.

3° En dernier lieu, Pammenês est un général thébain, ami d’Épaminondas. Il est mentionné comme tel non seulement par Diodore lui-même dans un autre endroit (XVI, 34), mais encore par Pausanias (VIII, 27, 2), comme étant le général qui aurait été envoyé pour surveiller la construction do Megalopolis, par Plutarque (Plutarque, Pélopidas, c. 26 ; Plutarque, Reipubl. Gerend. Præcept., p. 805 F) ; et par Polyen (V ; 16, 3). Nous trouvons un simple citoyen athénien, nommé Pammenês, Orfèvre, mentionné dans le discours de Démosthène contre Meidias (s. 31, p 521), mais aucun officier athénien ni homme public de cette époque nommé’ ainsi.

Pour ces raisons, je ne puis m’empêcher d’être convaincu que emmenés et ses soldats étaient Thébains, et non Athéniens.

Je suis heureux de me rencontrer avec le docteur Thirlwall sur ce point (Hist. Greece, vol. V, ch. 43, p. 368, note).

[26] Voir Isocrate, Orat. VI (Archidamus), s. 85-93.

[27] Isocrate, Or. VI (Archid.). s. 73.

[28] Cornélius Nepos a donné de Datamês une biographie de quelque longueur, où il raconte ses exploits et ses stratagèmes militaires. Il place Datamês, sous le rapport dit talent militaire, au dessus de tous les barbari, excepté Hamilcar Barca et Hannibal (c. 1.). Polyen aussi (VII, 29) raconte plusieurs actes mémorables de ce même chef. Cf. encore Diodore XV, 91, et Xénophon, Cyropédie, VIII, 8, 4.

Nous ne pouvons établir avec quelque certitude ni l’histoire, ni la chronologie de Datamês. Ses exploits semblent appartenir aux dix dernières années d’Artaxerxés Mnemôn, et sa mort semble être survenue un peu avant celle de ce prince, que l’on doit assigner ; à 359-358 avant J.-C. V. M. Fynes Clinton, Fast. Hellen., ch. 18, p. 316, Appendice.

[29] Diodore, XV, 91, 92 ; Xénophon, Cyropédie, VIII, 8, 4.

Nos informations au sujet de ces troubles dans l’intérieur de l’empire de Perse sont si chétives et si confuses, que l’on ne peut dira -connaître certainement qu’un petit nombre de faits. Diodore a évidemment introduit dans l’année 362-361 avant J.-C. une série d’événements dont beaucoup appartiennent aux années qui précèdent ou qui suivent. Rehdantz (Vit. Iphicrat., Chabr. et Timoth., p, 154-161) réunit tous les renseignements, mais par malheur avec peu de résultat.

[30] Plutarque, Agésilas, c. 36 ; Athénée, XIV, p. 616 D ; Cornélius Nepos, Agésilas, c. 8.

[31] Voir Pseudo-Aristote, Œconomic., II, 25.

[32] Diodore (XV, 93) diffère de Plutarque et d’autres (que je suis) quant aux relations de Tachos et de Nektanebis avec Agésilas ; il affirme qu’Agésilas appuya Tachos, et l’appuya avec succès, contre Nektanebis.

Cf. Cornélius Nepos, Chabrias, c. 2. 3.

Nous trouvons Chabrias servant Athènes dans la Chersonèse — en 359-338 avant J.-C. (Démosthène, cont. Aristokratês, p. 677, s. 204).   

[33] Diodore XV, 93 ; Plutarque, Agésilas, c. 38-40 ; Cornélius Nepos, Agésilas, c. 8.

[34] Xénophon, Encom. Agésil., VII, 7.

[35] Plutarque, Agésilas, c. 35.

[36] Diodore, XV, 93.

Il y e une différence entre Diodore et le canon astronomique dans les données relatives à la longueur du règne d’Artaxerxés Mnemôn, de deux années environ, — 361 ou 359 avant J.-C. Voir M. Clinton, Fasti Hellenici, appendice, ch. 18, p. 316, — où les données sont réunies et discutées. Plutarque dit que le règne d’Artaxerxés Mnemôn dura soixante-deux ans (Plutarque, Artaxerxés, c. 33) ; ce qui ne peut être exact, bien que nous ne puissions déterminer en quelle manière on doit corriger l’erreur.

Une inscription de Mylasa en Karia reconnaît la quarante-Cinquième usinée du règne d’Artaxerxés et appuie ainsi la donnée du canon astronomique, qui lui assigne quarante-six ans de règne. V. Bœckh, Corp. Inscr. n.2691, avec ses commentaires, p. 470.

Cette même inscription donne lieu à une conclusion relativement à la durée de la révolte ; car elle prouve que le Karien Mausôlos se reconnaissait comme satrape et reconnaissait Artaxerxés comme son souverain, dans l’année 359 avant J.-C. commençant en novembre, qui correspond à la quarante-cinquième année d’Artaxerxés Mnemôn. La révolte doit donc avoir été réprimée avant cette époque. V. Sievers, Geschichte von Griechenland bis zur Schlacht von Mantineia, p. 373, note.

[37] Plutarque, Artaxerxés, c. 29, 30 ; Justin, X, 1-3.

Plutarque dit que la femme que demanda le prince Darius était Aspasia de Phokæa, — la maîtresse grecque de Cyrus le Jeune, qui était tombée entre les mains d’Artaxerxés après la bataille de Kunaxa, et avait acquis une place élevée dans les affections du monarque.

Mais si nous examinons la chronologie du cas, nous verrons qu’il n’est guère possible que la femme qui inspire à Darius, en 361 avant J.-C. environ, une passion assez forte pour l’engager à encourir le déplaisir de son père, — et à Artaxerxés une répugnance si décidée à la céder, — puisse avoir été la personne qui accompagnait Cyrus à Kunaxa quarante ans auparavant ; car la bataille de Kunaxa fut livrée en 401 avant J.-C. L’improbabilité chronologique serait encore plus grande si nous adoptions l’assertion de Plutarque qui dit qu’Artaxerxés régna 62 ans, car il est certain que la bataille de Kunaxa se livra très près du commencement de son règne, et que son fils Darius mourut près de sa tin.

Justin présente les circonstances qui précédèrent la mort d’Artaxerxés Mnemôn d’une manière encore plus tragique. Il affirme que le complot contre la vie d’Artaxerxés fut concerté par Darius conjointement avec plusieurs de ses frères ; et que, le Complot étant découvert, tous ces frères, avec leurs épouses et leurs enfants, furent mis à mort. Ochus, en arrivant au -treille, mit à mort un grand nombre de ses parents et des principaux personnages de la cour, avec leurs épouses et leurs enfants, — craignant une semblable conspiration contre lui-même.

[38] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 664, s. 153.

[39] L’affirmation de Cornélius Nepos (Timotheus, c. 1), qui dit que Timotheos fit la guerre à Kotos avec un succès tel qu’il apporta dans le trésor athénien 1.200 talents, paraît extravagante quant à la somme, même si nous l’acceptons comme vraie en général.

[40] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 664, s. 155.

[41] V. Rehdantz, Vitæ Iphicratis, Chabriæ, et Timothei, p. 151, et la page précédente.

M. Rehdantz a réuni, avec beaucoup de soin et de sagacité, tous les fragments de preuve relatifs à cette période obscure, et il en a tiré, à ce qu’il me semble, les conclusions les plus probables que peuvent fournir de si chétives prémisses.

[42] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 4.

[43] Nous sommes assez heureux pour avoir cette date exactement — le 23 du mois metageitnion, sous l’archontat de Molôn, — mentionnée par Démosthène, adv. Polyklem, p. 1207, s. 5, 6.

[44] Diodore, XVI, 95 ; Polyen, VI, 2,1.

[45] Polyen, VI, 2, 2.

Ce doit avoir été vers cette époque (362-361 av. J.-C.) qu’Alexandre de Pheræ envoya des ambassadeurs en Asie pour engager à son service Charidêmos et sa troupe mercenaire, alors dans la Troade ou auprès. Sa demande fut refusée. (Demosthenês, contra Aristolatem, p. 675, s. 192.)

[46] Démosthène, de Corona Triearch., p. 1230, s. 9.

Diodore dit en outre que les Athéniens mirent Charès à la tête d’une flotte pour protéger la mer Ægée ; mais que cet amiral s’en alla à Korkyra et ne fit rien autre chose que de piller les alliés (Diodore, XVI, 95).

[47] Cf. Démosthène, cont. Aristokratês, p. 669, s. 174-176 ; et Æschine, Fals. Legat., p. 250, c. 14.

[48] Les faits tels qu’ils sont présentés dans le texte sont le résultat le plus probable, à mon sens, qu’on puisse tirer d’Æschine, Fals. Legat, p. 250, c. 14.

[49] Aristote, Rhétorique, II, 3, 3.           

Ergophilos semble avoir été condamné à une amende. (Démosthène, Fals. Leg., p. 398, s. 200).

[50] Démosthène, adv. Polyklem, p.1207, s. 6.

[51] Démosthène, Cont. Aristokratês, p. 655, s. 122 ; cont. Polyklem, p. 1207.

Le mot άπήλθε implique que Miltokythês était à Athènes en personne.

L’orateur s’en réfère à l’humble lettre écrite par Kotys, dans sa première alarme lors de la révolte de Miltokythês, p. 658, s. 136, 137.

[52] Démosthène, adv. Polyklês, p. 1210, s. 16 ; Démosthène, Cont. Aristoklês, p. 655, s. 123.

[53] Démosthène, adv. Polyklês, p. 1212, s. 24-26 ; p. 1213, s. 37 ; p. 1225, s. 71.

[54] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 673, s. 187.

L’autre discours de Démosthène (adv. Polyklês, p. 1212) donne à entendre distinctement que Sestos ne fut perdue par les Athéniens qu’après novembre 361 avant J.-C. Apollodore, le triérarque athénien, était dans la ville à cette époque, aussi bien que divers amis qu’il mentionne, de sorte que Sestos a dû être encore une possession athénienne en novembre 361 av. J.-C.

Il est heureux pour quelques points de l’investigation historique, que le but, de ce discours contre Polyklês (composé par Démosthène, mais prononcé par Apollodore) demande une grande précision et une grande spécification de dates, même pour les mois et les jours. Apollodore se plaint d’avoir été forcé de supporter les dépenses d’une triérarchie pendant quatre mois au delà de l’année dans laquelle elle était obligatoire pour lui conjointement avec un collègue, Il poursuit en justice la personne qui aurait’ dû le remplacer comme successeur à la fin de l’année, mais qui s’était tenues l’écart et l’avait trompé. La triérarchie d’Apollodore commença en août 362-avant J-C., et dura (non seulement jusqu’en août 361 av. J.-O., son terme légal, mais) jusqu’en novembre 361 avant J.-C.

Rehdantz (Vitæ Iphicratis, Chabriæ, etc. p. 141, note), dans Ies excellents chapitres qu’il consacre à. la chronologie obscure- de l’époque, a omis cette indication exacte da temps après lequel les Athéniens perdirent Sestos. Il suppose qu’elle fut perdue deux ou trois ans plus tôt.

[55] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 664, s. 155.

[56] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 658, s. 136 ; p. 679, s. 211.

Ce qui est dit dans ce dernier passage au sujet du jeune Kersobleptês n’est sans doute pas moins vrai de son père Kotys.

[57] Démosthène, pro Phormione, p. 960, s. 64 ; Démosthène, Fals. Legat., p. 398, s. 200.

[58] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 672, s. 184.

[59] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 671, s. 183. Cf. Pseudo-Aristote, Œconomic., II, 30.

[60] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 672, 673.

L’orateur lit une lettre (non citée toutefois) du gouverneur de Krithôtê, annonçant le formidable accroissement de forces qui menaçait la place depuis l’arrivée de Charidêmos.

[61] Aristote (Politique, V, 8, 12) mentionne l’acte et dit que les deux jeunes gens l’accomplirent pour venger leur père. Il ne dit pas expressément ce que Kotys avait fait au père, mais il mentionne l’évènement pour expliquer la catégorie générale (et ce que dit Tacite an sujet du mos regius, — Annales, VI, 1). Aristote ajoute immédiatement un autre cas d’une mutilation cruelle infligée par Kotys.

Cf., au sujet de Kotys, Théopompe, Fragm. 33, Didot, ap. Athenæ, A.II, p. 531, 532.

Boehmecke (Forschungen auf dem Geshtete der  Geschichte, p. 725, 726) place la mort de Kotys en 359 avant J.-C., et il semble conclura d’Athénée (VI, p. 218 ; XII, p. 531) qu’il axait a ce moment des communications avec Philippe de Macédoine comme roi, qui monta sur le trône entre le solstice d’été de 364 et cela de 359 av. J.-C. Mais les preuves ne me paraissent pas appuyer une pareille conclusion.

L’histoire citée par Athénée d’après Hegesandros, au sujet de lettres arrivant à Philippe de la part de Kotys, ne peut être vraie relativement à ce Kotys, parce qu’il semble impossible que ce Philippe, dans la première année de son règne, puisse avoir eu du flatteur tel que Kleisophos, Philippe étant à cette époque dans les plus grands embarras politiques, dont il ne fut tiré que par son talent et son énergie infatigables. Et le voyage de Philippe à Onokarsis, mentionné aussi par Athénée qui l’emprunte à Théopompe, n’implique aucune communication personnelle avec Kotys.

Mon opinion est que l’assassinat de Kotys a plus probablement pour date 360 avant J.-C.

[62] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 660, s. 142 ; p. 662, s. 150 ; p. 675, s. 193. Plutarque, De Sui Laude, p. 542 E ; Plutarque, adv. Koloten, p. 1126 B.

[63] Plutarque, De Sui Laude, ut sup.

[64] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 671, s. 193.

[65] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 623, 624, s. 8-12 ; p. 664, s. 153 (passage dans lequel on peut bien regarder κηδεστής comme signifiant une relation étroite par mariage). Au sujet d’Athenodoros, cf. Isocrate, Or. VIII (De Pace), s. 31.

[66] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 674-676, s. 193-199.

Le verbe ήκε, dans la section 194, se rapporte, selon moi, — non au premier départ de Kephisodotos d’Athènes peur prendre le commandement, comme Weber (Comment. ad Démosthène, cont. Aristokratês, p. 460) et d’autres commentateurs le pensent, mais à l’arrivée de Kephisodotos avec dix trirèmes à Perinthos, place près de laquelle se trouvait Charidêmos, dans le dessein de demander l’accomplissement de ce que ce dernier avait promis : voir s. 196. Lorsque Kephisodotos vint le trouver à Perinthos (s. 195) pour lui faire cette demande, alors Charidêmos, au lieu de se conduire honnêtement, agit en traître et en ennemi. L’allusion à la lettre antérieure de Charidêmos à Kephisodotos montre que œ dernier a du être sur les lieux depuis quelque temps, et que par conséquent ήκε ne peut se rapporter à son premier départ.

Le terme έπτά μήνας (s. 196) compte, je présume, à partir de la mort de Kotys.

[67] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 676, s. 199 ; Æschine, Cont. Ktesiphont., p. 384, c. 20.

Il se peut que Démosthène lui-même ait été au nombre des triérarques appelés devant le dikasterion comme témoins pour prouver ce qui s’était passé à Perinthos et à A4opekonnêsos (Démosthène, Cont. Aristokratês, p. 676, s. 200) ; Euthyklês, qui prononça le discours contre Aristokratês, avait été lui-même également au nombre des officiers en service (p. 675, s. 196 ; p. 683, s. 223).

[68] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 676, s. 209 ; p. 681, s. 216. Démosthène, de Halonueso, p. 87, s. 42.

[69] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 675, s. 201.

[70] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 677, s. 201.

[71] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 677, s. 202-204.

Aristote (Politique, V, 5, 9) mentionne l’association ou faction d’Iphiadês comme appartenant à Abydos, et non à Sestos. Il se peut qu’il y ait eu une faction d’Abydos qui exerçait alors de l’influence à Sestos ; du moins on nous dit que la révolution qui priva les Athéniens de Sestos fut accomplie eu partie par des exilés qui vinrent d’Abydos, quelque chose d’analogue aux relations entre Argos et Corinthe dans les années qui précédèrent immédiatement la paix d’Antalkidas.

[72] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 678, s. 205, 206 ; p. 680, s. 211, 212. L’arrivée de Charês dans l’Hellespont est indiquée par Démosthène comme suivant immédiatement l’expédition d’Athènes destinée à chasser les Thébains de l’Eubœa, et qui se fit vers le milieu de 358 avant J.-C.

[73] Nous voyons que Sestos doit avoir été livrée en cette occasion, bien que Diodore la représente comme ayant été conquise par Charês cinq ans plus tard, dans l’année 353 avant J.-C. (Diodore, XVI, 31). Il est évident, d’après toute la teneur du discours de Démosthène, que Charidêmos rendit réellement la Chersonèse à cette époque. S’il avait encore refusé de rendre Sestos, l’orateur n’aurait pas manqué d’insister sur le fait expressément contre lui. En outre, voir ce que dit Démosthène, en comparant la conduite de Philippe envers les Olynthiens avec celle de Kersobleptês envers Athènes (p. 656, s. 128). Cela annonce distinctement que la Chersonèse fut rendue à Athènes, bien qu’avec répugnance et tardivement, par Kersobleptês. Sestos a dû être remise en même temps qu’elle, comme le poste principal et le plus important à tous égards. S’il est vrai (comme l’avance Diodore) que Charês, en 353 av. J, C., prit Sestos en l’assiégeant, tua les habitants en âge de servir et réduisit le reste en esclavage, — nous devons supposer que la ville se révolta de nouveau entre 358 et 353 avant .J.-C., c’est-à-dire pendant le temps de la guerre sociale, ce qui est extrêmement probable. Mais il y a dans l’assertion de Diodore plus d’une chose que je ne puis reconnaître distinctement ; car il dit que Kersobleptês, en 353 avant J.-C., à cause de sa haine contre Philippe, rendit à Athènes toutes les cités de la Chersonèse, excepté Kardia. Cela avait déjà été fait en 358 avant J.C., et sans aucune allusion à Philippe ; et si après avoir rendu la Chersonèse en 358 avant J.-C., Kersobleptês l’eût reconquise ensuite, de manière à l’avoir de nouveau en sa possession, au commencement de 353 avant J.-C., — il semble inexplicable que Démosthène ne dise rien de cette nouvelle conquête dans son discours contre Aristokratês, où il s’efforce de charger Kersobleptês autant que possible.

[74] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 681, s. 216.

[75] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 623, s. 8 ; p. 654, s. 131. La chronologie de ces événements telle que la donne Rehdantz (Vitæ Iphicratis, Chabriæ, etc., p. 147) me parait à peu près exacte, malgré la forte objection qu’y fait Weber (Prolegg. ad Démosthène, cont. Aristokratês, p. 73), — et plus exacte que la chronologie de Bœhnecke, Forschungen, p. 727, qui place le départ de Kephisodotos comme général pour la Chersonèse en-358 avant J.-C., ce qui est, selon moi, toute une année trop tard. Rehdantz ne tient pas compte, comme, à mon avis, il devrait le faire, d’un certain intervalle entre Kephisodotos et les Dix Ambassadeurs, intervalle pendant lequel Athenodoros agissait pour Athènes.

[76] Démosthène, cont. Polyklem., p. 1212, s. 26.

[77] Démosthène, Philippic., I, p. 41, s. 6.

[78] Je n’ai fait aucune mention de l’expédition contre l’Eubœa (par laquelle les Athéniens chassèrent de l’île les envahisseurs thêbains), bien qu’elle se fît précisément en même temps qu’Athènes recouvra la Chersonèse.

Il sera plus à propos de parler de cette expédition dans un futur chapitre. Mais la Chersonèse recouvrée fut l’événement final d’une série d’actes qui avait duré pendant quatre années, de sorte que je ne pouvais guère la laisser sans la terminer.