HISTOIRE DE LA GRÈCE

CINQUIÈME VOLUME

CHAPITRE XI — POÉSIE LYRIQUE. - LES SEPT SAGES.

 

 

L’intervalle qui existe entre 776 et 560 avant J.-C. nous présente une remarquable expansion du génie grec dans la création de sa poésie élégiaque, iambique, lyrique, chorique et gnomique, qui fut diversifiée de mille manières et perfectionnée par maints maîtres séparés. Les créateurs de tous ces différents genres, — depuis Kallinus et Archiloque jusqu’à Stésichore, — tombent dans l’espace des deux siècles compris ici, bien que Pindare et Simonide, les bardes orgueilleux et portant haut la tête[1], qui élevèrent la poésie lyrique et chorique au plus haut degré de perfection compatible avec un plein effet poétique, vécussent dans le siècle suivant et fussent contemporains de l’auteur tragique Eschyle. Le drame grec, comique aussi bien que tragique du cinquième siècle avant J.-C., combinait le chant lyrique et chorique avec l’action animée du dialogue iambique — constituant ainsi le dernier mouvement ascendant dans le génie poétique de la race. Réservant ce point pour l’avenir et pour l’histoire d’Athènes, à laquelle il appartient plus particulièrement, je me propose maintenant de parler seulement du mouvement poétique des deux premiers siècles, dans lequel Athènes eut peu ou point de part. Par malheur, ce qui reste de ces anciens poètes est si peu de chose, que nous ne pouvons offrir que des critiques empruntées de seconde main, et un petit nombre de considérations générales sur leurs travaux et sur leur tendance[2].

Archiloque et Kallinus paraissent tous deux tomber vers le milieu du septième siècle avant J.-C., et c’est avec eux igue commencent les innovations dans la poésie grecque. Avant eux, nous dit-on, il n’existait que l’Épos, ou poésie hexamètre dactylique, dont j’ai beaucoup parlé dans les deux premiers volumes, — consistant en histoires ou aventures légendaires, racontées, avec des invocations ou hymnes adressés aux dieux. Nous devons nous rappeler aussi que ce n’était pas seulement toute la poésie, mais toute la littérature de l’époque. La composition en prose était totalement inconnue. L’écriture, si elle commençait à être employée comme une aide pour un petit nombre d’hommes supérieurs, était en tout cas inusitée en général, et ne trouvait pas de public qui lût. La voix était le seul moyen de communiquer, et l’oreille le seul moyen de recevoir toutes ces idées et tous ces sentiments que les esprits créateurs de la communauté se trouvaient entraînés à répandre ; et la voix et l’oreille étaient toutes les deux accoutumées à une récitation ou à un chant musical, qui était apparemment quelque chose entre le chant et la parole, avec un rythme simple et à l’occasion avec un accompagnement plus simple encore fourni par la harpe primitive à quatre cordes. Ces habitudes et ces besoins de la voix et de l’oreille étaient, à cette époque, associés d’une manière inséparable au succès et à la popularité du poète, et contribuaient sans doute à restreindre le cercle de sujets dont il pouvait s’occuper. Le type était -consacré dans une certaine mesure, comme les statues primitives des dieux, et l’on n’osait s’en écarter que par des innovations graduelles et presque inconscientes. De plus, dans la première moitié du septième siècle avant J.-C., on ne retrouvait plus le génie qui avait jadis créé une Iliade et une Odyssée. Le travail du récit hexamètre en était venu à être exécuté par des personnes moins heureusement douées, — par ces poètes cycliques dont j’ai parlé dans les volumes précédents.

Tel était, autant que nous pouvons le reconnaître au milieu de preuves très incertaines, l’état de l’esprit grec immédiatement avant que les poètes élégiaques et lyriques parussent, tandis qu’en même temps son expérience s’élargissait par la formation de nouvelles colonies, et les liens qui unissaient les divers États tendaient à se resserrer par la réciprocité plus libre de fêtes et de jeux religieux. On sentit le besoin de diriger la littérature de l’époque (j’emploie ce mot comme synonyme de la poésie) vers de nouveaux sentiments et de nouveaux buts, et d’appliquer le langage riche, plastique et musical de l’ancienne épopée aux passions et aux circonstances présentes, sociales aussi. bien qu’individuelles. Une telle tendance était devenue évidente dans Hésiode, même dans le cercle du vers hexamètre. Or, les mêmes causes qui conduisaient à un agrandissement des sujets de poésie portaient les hommes à varier aussi le mètre. Par rapport à ce dernier point, il y a lieu de croire que l’expansion de la musique grecque fut la cause déterminante immédiate. Car nous avons déjà dit que l’échelle musicale et les instruments de musique des Grecs, très bornés dans l’origine, furent considérablement augmentés par des emprunts faits à la Phrygia et à la Lydia, et ces acquisitions semblent avoir été réalisées pour la première fois vers le commencement du septième siècle avant J.-C., par le harpiste lesbien Terpandros, — le joueur de flûte phrygien (ou gréco-phrygien) Olympos, — et le joueur de flûte arkadien ou bœôtien Klonas. Terpandros accomplit l’important progrès qui consistait à changer la harpe primitive à quatre cordes en une harpe à sept cordes,- embrassant la portée d’une octave, c’est-à-dire de deux nouveaux tétrachordes grecs ; tandis qu’Olympos, aussi bien que Klonas ; enseignait beaucoup de nomes ou tons sur la flûte, auxquels les Grecs avaient été jusque-là étrangers, — probablement aussi l’usage d’une flûte ayant une portée musicale plus variée. Terpandros, dit-on, gagna le prix à la première célébration constatée de la fête lacédæmonienne des Karneia, en 676 avant J.-C. C’est là un des points les mieux déterminés dans la chronologie obscure du septième siècle ; et il semble qu’il y a des raisons pour placer Olympos et Klonas presque à la même époque, un peu avant Archiloque et Kallinus[3]. C’est à Terpandros, à Olympos et à Klonas qu’est attribuée la formation des plus anciens ‘ nomes musicaux connus des Grecs, qui firent des recherches sur ce point à des époques postérieures ; au premier sont attribués des nomes pour la harpe, aux deux derniers pour la flûte, — chaque nome étant le thème général ou base dont les airs réellement exécutés constituaient les nombreuses variations dans certaines limites déterminées[4]. Terpandros employa sa puissance instrumentale agrandie comme nouvel accompagnement pour les poèmes homériques, aussi bien que pour certains proœmia épiques, ou hymnes qu’il avait composés lui-même en l’honneur des dieux. Mais il ne semble pas avoir abandonné le vers hexamètre ni le rythme dactylique, auxquels le nouvel accompagnement n’était probablement pas tout à fait approprié ; et c’est ainsi qu’a pu être suggérée l’idée de combiner aussi les mots selon de nouvelles lois rythmiques et métriques.

Il est certain, du moins, que l’époque (670-600) qui suit immédiatement Terpandros, — comprenant Archiloque, Kallinus, Tyrtée et Alkman, pour lesquels nous ne pouvons déterminer par aucun moyen certain les relations de temps qui existaient entre eux[5], bien qu’Alkman semble avoir été le plus récent ; — il est certain, disons-nous, que cette époque présente une variété remarquable tant de nouveaux mètres que de nouveaux rythmes ajoutés à l’ancien hexamètre dactylique. Le premier exemple de l’abandon de ce dernier vers se trouve dans le vers élégiaque, employé vraisemblablement plus ou moins par chacun des quatre poètes mentionnés plus haut, mais surtout par les deux premiers, et même attribué par quelques-uns à l’invention de Kallinus. Tyrtée, dans ses -chants de marche militaire, employait le mètre anapestique, tandis que, dans Archiloque aussi bien que dans Alkman, nous trouerons des traces d’une plus grande variété métrique : — l’iambique, le trochaïque, l’anapestique, l’ionique, etc., — parfois même des mètres asynartétiques, ou composés, l’anapestique ou le dactylique mêlé avec le trochaïque ou l’iambique. Ce qui nous reste de Mimnerme, qui vient peu après les quatre précédents, est élégiaque. Ses contemporains Alcée et Sappho, tout en employant la plupart de ces mètres qu’ils trouvèrent existants, inventèrent -chacun une stance particulière, qui est connue familièrement sous le nom qui dérive de chacun d’eux. Dans Solôn, contemporain de Mimnerme et plus jeune que ce poète, nous avons le mètre élégiaque, l’iambique et le trochaïque ; dans Théognis, encore plus récent, l’élégiaque seulement. Arien et Stésichore paraissent avoir été des innovateurs en ce genre, le premier par le perfectionnement qu’il apporta au choeur dithyrambique, ou chant et danse en rond en l’honneur de Dionysos, — le second par ses compositions choriques plus travaillées, contenant non seulement une strophe et une antistrophe, mais encore une troisième division ou épode venant après elles, prononcée par le choeur qui reste alors immobile. Anakreon et Ibykus ajoutèrent également tous deux à la somme de variétés métriques existantes. Nous voyons ainsi que, pendant le siècle et demi qui succède à Terpandros, la poésie grecque (ou la littérature grecque, ce qui était alors la même chose) s’enrichit beaucoup sous le apport du fond aussi bien qu’elle fut diversifiée sous celui de la forme.

Jusqu’à un certain point, il semble qu’il y a eu une connexion réelle entre les deux. Des formes nouvelles étaient essentielles pour exprimer de nouveaux besoins et de nouveaux sentiments, bien que l’on ne puisse admettre qu’avec une grande latitude d’exception cette assertion, si toutefois elle est vraie, à savoir ; que le mètre élégiaque est spécialement adapté à une première classe de sentiments[6], le trochaïque à une seconde, et l’iambique à une troisième, quand nous trouvons un si grand nombre de ces mètres employés par les poètes polir des sujets très différents, — gais ou mélancoliques, amers ou plaintifs, — sérieux ou enjoués, — vraisemblablement avec peu de différences. Mais l’adoption de quelque nouveau mètre, différent de la série continue d’hexamètres, était nécessaire quand le poète désirait faire quelque chose de plus que de raconter une longue histoire ou un long fragment de légende héroïque ; — quand il cherchait à se faire connaître lui-même à l’auditeur, ainsi que ses amis, ses ennemis, sa cité, ses espérances et ses craintes par rapport à des faits récents ou imminents, et cela aussi en même temps avec brièveté et animation. L’hexamètre grec, comme le vers blanc anglais, a toutes ses conditions limitatives portant sur chaque vers séparé, et n’offre pas à l’auditeur au delà du vers de repos déterminé à l’avance, ou pause naturelle[7]. Par rapport à une longue composition, soit épique soit dramatique, cette licence sans frein est trouvée commode, et ce cas était le même pour l’épos et le drame grecs, — le trimètre iambique d’un seul vers étant employé en général pour le dialogue de la tragédie et de la comédie, précisément comme l’hexamètre dactylique l’avait été pour l’épopée. Les changements métriques introduits par Archiloque et par ses contemporains peuvent être comparés à un changement au vers blanc anglais en couplet et quatrain rimés. Le vers était jeté dans de petits systèmes de deux, de trois ou de quatre vers, avec une pause à la fin de chacun, et le repos, ainsi assuré à l’oreille, aussi bien qu’attendu et goûté par elle, coïncidait en général avec une fin, entière ou partielle, dans le sens qui, de cette manière, finissait par être distribué avec un trait et un effet plus grands.

Le vers élégiaque, ou hexamètre et pentamètre communs — ce second vers étant un hexamètre avec la troisième et la sixième thesis[8], ou la dernière moitié du troisième et du sixième pied supprimée, et remplacée par une pause — aussi bien que l’épode — ou trimètre iambique suivi d’un dimètre iambique —, et quelques autres combinaisons binaires de vers que nous trouvons dans les fragments d’Archiloque, sont conçus dans l’idée d’accroître ainsi l’effet, tant pour l’oreille que pour l’esprit, non moins que de procurer les jouissances directes de la nouveauté et de la variété. Le mètre iambique ; construit sur l’iambe primitif, ou plaisanterie[9] grossière et licencieuse qui formait une partie de quelques fêtes grecques (particulièrement de celles de Dêmêtêr, aussi bien en Attique qu’à Paros, le pays natal du poète), n’est qu’une des nombreuses et nouvelles routes frayées par ce génie inventif. Son exubérance nous étonne quand nous considérons qu’il ne prend pour point de départ guère autre chose que le simple hexamètre[10], dans lequel il était aussi un compositeur distingué ; — car, même pour le vers élégiaque, il en fut probablement l’inventeur tout autant que Kallinus, précisément comme il était le plus ancien compositeur populaire et heureux de chansons de table ou skolia, bien que Terpandros puisse en avoir produit quelques-unes avant lui. La perte entière de ses poèmes, à l’exception de quelques fragments en petit nombre, ne nous permet guère de reconnaître plus d’un seul trait caractéristique, — la forte personnalité qui y dominait, aussi bien que cette licence grossière, directe et sans gène qui, dans la suite, donné, un effet si terrible à l’ancienne comédie à Athènes. Ses satires personnelles, dirigées contre Lykambês, père de Neobulê, poussèrent, dit-on, ce dernier à se pendre. Neobulê avait été promise en mariage à Archiloque ; mais on manqua à cette promesse, et le poète attaqua et le père et la fille avec toute sorte de calomnies[11]. Outre ce désappointement, il était pauvre, fils d’une mère esclave, et envoyé comme exilé de Paros, sa patrie, dans -l’ingrate colonie de Thasos. Les mentions sans suite qui le concernent trahissent un état de souffrance combiné avec une conduite relâchée qui se traduisait quelquefois par des plaintes, quelquefois par des attaques diffamatoires. Il fut tué à la fin par quelqu’un que sa muse avait ainsi exaspéré. Son génie poétique extraordinaire est loué unanimement dans toute l’antiquité. Son chant triomphal en l’honneur d’Hêraklês était encore populaire et chanté par les vainqueurs à Olympia, près de deux siècles après sa mort, du temps de Pindare ; mais ce poète majestueux et complimenteur dénonce à la fois la malignité et atteste les souffrances expiatoires du grand poète iambique de Paros[12].

Au milieu des veines si variées dans lesquelles Archiloque déployait son génie, la poésie morale ou gnomique ne manquait pas ; tandis que son contemporain Simonide d’Amorgos consacre le mètre iambique spécialement à cette destination, suivi plus tard par Solôn et par Théognis. Kallinus, le plus ancien poète élégiaque célèbre, autant que nous en pouvons juger par le petit nombre des fragments qui nous restent de lui, employait le mètre élégiaque à composer des exhortations d’un patriotisme belliqueux ; et les restes plus abondants que nous possédons de Tyrtée sont des sermons du même caractère, prêchant aux Spartiates la bravoure contre l’ennemi, et la concorde aussi bien que l’obéissance à la loi à l’intérieur. Ce sont des effusions patriotiques, provoquées par les circonstances du temps, et chantées par une seule voix, avec l’accompagnement de la flûte[13], pour ceux dans l’âme desquels il fallait allumer la flamme du courage. Car, bien que ce que nous lisons soit en vers, nous sommes encore dans le courant de la vie réelle et présente, et nous devons supposer plutôt que nous entendons un orateur. qui s’adresse à des citoyens quand le danger ou la dissension menace réellement. C’est seulement dans les mains de Mimnerme que le vers élégiaque en vient à être consacré à des sujets doux et érotiques. Le petit nombre de fragments que nous avons de lui présentent une veine de sentiment tendre et passif, embellie de sujets légendaires appropriés, tels qu’on en jetait dans le moule poétique dans tous les âges, et tout à fait différente de la rhétorique de Kallinus et de Tyrtée.

La carrière poétique d’Alkman est encore distincte de celle de chacun de ses contemporains que nous avons mentionnés plus haut. Leurs compositions, outre des hymnes en l’honneur des dieux, étaient principalement des expressions de sentiment destinées à être chantées par des personnes seules, bien que parfois aussi appropriées au kômos, ou troupe de joyeux amateurs assemblés dans quelque occasion d’intérêt commun. Celles d’Alkman étaient principalement choriques, destinées au chant et à l’accompagnement de la danse du choeur. Il était natif de Sardes en Lydia, ou du moins sa famille l’était ; et il parait être venu à Sparte dans son jeune âge, bien que son génie et sa connaissance parfaite de la langue grecque s’opposent à l’histoire qui raconte qu’il fut amené à Sparte comme esclave. Le plus ancien système musical à Sparte, généralement attribué à Terpandros[14], fut changé considérablement, non seulement par les mesures élégiaques et anapestiques de Tyrtée, mais encore par le Krêtois Thalêtas et le Lydien Alkman. La harpe, l’instrument de Terpandros, eut une rivale, qui en partie la supplanta, la flûte ou pipeau, qui était récemment devenue plus puissante entre les mains d’Olympos, de Klonas et de Polymnæstos, et qui devint graduellement, pour des compositions destinées à faire naître une forte émotion, l’instrument d’Alkman et de Thalêtas, — étant employée comme accompagnement et pour les élégies de Tyrtée, et pour les hyporchemata (chants ou hymnes combinés avec la danse) de Thalêtas, et encore appliquée à stimuler et à régler la marche militaire spartiate[15]. Ces élégies (comme je viens de le faire remarquer) étaient chantées par une seule personne au milieu d’une assemblée d’auditeurs, et il y avait sans doute d’autres compositions destinées à la voix individuelle. Mais en général tel n’était pas le caractère de la musique et de la poésie à Sparte ; tout ce qui s’y faisait, tant sérieux que récréatif, était public et collectif, de sorte que le choeur et ses exercices reçurent un développement extraordinaire.

. Nous avons déjà dit que le chœur, avec le chant et la danse combinés, constituaient une partie importante du service divin dans toute la Grèce. C’était dans l’origine une manifestation publique des citoyens en général, — une partie considérable d’entre eux y étant activement engagée[16] et recevant quelques leçons dans ce but comme branche ordinaire d’éducation. Le chant et la danse dans de telles conditions ne pouvaient qu’être extrêmement simples. Niais, avec le progrès du temps, l’exécution aux fêtes principales tendit à devenir plus soignée et à tomber entre les mains de personnes exercées spécialement et par état, la masse des citoyens cessant graduellement de prendre une part active, et assistant seulement comme spectateurs. Tel fut l’usage qui se développa dans le plus grand nombre des parties de la Grèce, et spécialement à Athènes, où le chœur dramatique parvint à sa plus haute perfection. Mais le drame né fut jamais permis à Sparte, et le caractère particulier de la vie spartiate tendit beaucoup à maintenir le choeur populaire sur sols ancien pied. Il formait, en effet, un élément de ces exercices incessants auxquels étaient soumis les Spartiates depuis leur enfance, et il remplissait un but analogue à leur éducation militaire, en les accoutumant à des mouvements simultanés et réguliers, — si bien qu’il semble qu’on a souvent insisté sur la comparaison entre le choeur, spécialement dans sa pyrrhique ou danse guerrière, et l’enômotie militaire[17]. Quand on chantait le pæan solennel en l’honneur d’Apollon, à la fête des Hyakinthia, le roi Agésilas était sous les ordres du maître de choeur, et chantait à la place qui lui était assignée[18], tandis que tout le corps des Spartiates sans exception, — les vieillards, les hommes d’un âge moyen, et les jeunes gens, les matrones et les vierges, — étaient répartis dans diverses compagnies choriques[19], et exercés à l’harmonie tant de la voix que du mouvement ; et on en faisait une représentation publique aux solennités des Gymnopædiæ. On doit comprendre le mot danse dans un sens plus étendu que celui dans lequel il est employé aujourd’hui, et comme comprenant toutes les variétés de mouvements, ou de gestes, ou d’attitudes rythmiques accentués, harmonieux, depuis le plus lent jusqu’au plus rapide[20], la cheironomie, ou le mouvement gracieux et expressif des mains étant pratiqué spécialement.

Nous voyons ainsi que, tant à Sparte qu’en Krête — qui se rapprochait le plus prés de Sparte sous le rapport de la publicité de la vie individuelle —, les aptitudes et les dispositions choriques occupaient une place plus considérable que dans toute autre cité grecque. Et comme un certain degré de variété musicale et rythmique était essentiel pour satisfaire ce besoin[21], tandis que la musique ne fut jamais enseignée aux citoyens spartiates individuellement, nous comprenons en outre comment des étrangers tels que Terpandros, Polymnêstos, Thalêtas, Tyrtée, Alkman, etc., furent non seulement revus, mais encore acquirent une grande influence à Sparte, malgré l’esprit prépondérant de réserve jalouse dans le caractère spartiate. Tous ces maîtres paraissent avoir eu de grands succès dans leur propre vocation spéciale, — l’éducation du choeur ; — auquel ils donnèrent une nouvelle action rythmique, et pour lequel ils composèrent de la musique nouvelle. Or, Alkman le fit, et quelque chose de plus. Il possédait le génie d’un poète, et ses compositions étaient lues plus tard avec plaisir par ceux qui ne pouvaient pas les entendre chanter ni les voir danser. Dans les rares fragments de ses poèmes qui nous restent, nous reconnaissons cette variété de rythme et de mètre qui l’avait rendu célèbre. C’est sous ce rapport que — avec le Krêtois Thalêtas, qui, dit-on, introduisit à Sparte un genre plus véhément et de musique et de danse, avec le rythme krêtique et pæonique[22] —, Alkman surpassa Archiloque, et prépara la voie pour les mouvements choriques compliqués de Stésichore et de Pindare. Quelques-uns de ses fragments aussi manifestent cette effusion nouvelle de sentiment et d’émotion individuels qui constitue une si grande partie du charme de la poésie populaire. Outre ces touchantes paroles adressées dans sa vieillesse aux vierges spartiates, au chant et à la danse desquelles il avait eu l’habitude de présider, il ne craint pas de parler de son bon appétit, satisfait par une nourriture simple et savourant un bol de bouillon chaud au solstice d’hiver[23]. Il a attaché au printemps une épithète qui rentre mieux dans les sentiments réels d’un pays pauvre que ces tableaux séduisants qui abondent dans les vers ; tant anciens que modernes. Il l’appelle la saison de maigre chère : — la récolte de l’année précédente étant alors presque consommée, le laboureur est forcé de se priver du nécessaire jusqu’à ce que vienne sa nouvelle moisson[24]. Ceux qui se rappellent qu’a des époques antérieures de notre histoire, et dans tous les pays où il n’y a que peu de provisions amassées, une différence énorme se fait sentir dans le prix du blé avant et après- la moisson, apprécieront la justesse dé la description d’Alkman.

Si Won juge d’après ces fragments de ce poète et d’après un petit nombre d’autres, Alkman parait avoir combiné le mouvement et la vigueur excitative d’Archiloque dans le chant proprement ainsi appelé, chanté par lui-même individuellement, — avec une connaissance plus grande de l’effet musical et rythmique par rapport à l’exécution chorique. Il composa dans le dialecte laconien, — variété du dorien avec quelque mélange d’œolismes. Et ce fut à lui, conjointement avec ces autres compositeurs qui figurèrent à Sparte dans le siècle après Terpandros, aussi bien qu’au développement simultané de la muse chorique[25] à Argos, à Sikyôn, en Arkadia, et dans d’autres parties du Péloponnèse ; que le dialecte dôrien a dû d’avoir acquis un pied permanent en Grèce, comme le seul dialecte propre pour des compositions choriques. Continuée par Stésichore et par Pindare, cette habitude passa même aux auteurs dramatiques attiques, dont les chœurs sont ainsi doriens dans une large mesure, tandis que leur dialogue est attique. A Sparte, aussi bien que dans d’autres parties du Péloponnèse[26], le genre musical et rythmique paraît avoir été fixé par Alkman et ses contemporains, et avoir été opiniâtrement maintenu, pendant deux ou trois siècles, avec peu ou point d’innovations ; d’autant plus que les joueurs de flûte à Sparte formaient une profession héréditaire, dont les membres suivaient la routine de leurs pères[27].

Alkman fut le dernier poète qui s’adressa au chœur populaire. Ariôn et Stésichore composèrent tous deux pour un corps d’hommes exercés, avec un degré de variété et de complication tel qu’une simple fraction du peuple n’aurait pu y atteindre. Le dithyrambe primitif était un chant et une danse choriques en rond en l’honneur de Dionysos[28], commun à Naxos, à Thèbes, et vraisemblablement à bien d’autres endroits, à la fête dionysiaque, — une effusion spontanée d’hommes ivres à l’heure de l’orgie, à laquelle le poète Archiloque, la raison foudroyée par le vin, avait souvent pris la part principale[29]. Son caractère excitatif se rapprochait du culte de la Grande-Mère en Asie, et formait un contraste avec le solennel et majestueux pæan adressé à Apollon. Ariôn y introduisit un changement analogue à celui qu’Archiloque avait lui-même opéré dans l’iambe bouffon. Il le transforma en une composition travaillée en l’honneur du dieu, chantée et dansée par un chœur de cinquante personnes, qui non seulement n’étaient pas ivres, mais qui étaient exercées avec une grande précision ; bien que son rythme, et ses mouvements, et son équipement dans le rôle de satyres présentassent plus ou moins une imitation de la licence primitive. Né a Methymna dans l’île de Lesbos, Ariôn parait comme harpiste, chanteur et compositeur, très favorisé par Périandre à Corinthe, ville dans laquelle le premier il composa, nomma et enseigna le dithyrambe, avant qui que ce soit que connaisse Hérodote[30]. Cependant il n’y resta pas d’une manière permanente, mais il voyagea de ville en ville donnant des représentations aux fêtes pour de l’argent, spécialement dans la Grèce sicilienne et italienne, où il fit des profits considérables. Nous pouvons encore faire remarquer ici combien les poètes aussi bien que les fêtes servaient à favoriser un sentiment d’unité entre les Grecs dispersés. Ce passage du dithyrambe, du champ de la nature spontanée dans le jardin de l’art[31], constitue la première phase dans le raffinement du culte dionysiaque, que nous trouverons ci-après porté à un degré plus haut encore dans la forme du drame attique.

La date d’Ariôn semble être vers 600 avant J.-C. ; un peu après Alkman ; celle de Stésichore est peu d’années après. C’est à ce dernier que le choeur grec dut un haut degré de perfectionnement, et en particulier la distribution définitive de son exécution en strophe, antistrophe et épode : tour, retour et repos. Le rythme et le mètre du chant pendant chaque strophe correspondaient au rythme et au chant pendant l’antistrophe, mais étaient variés pendant l’épode, et variés encore pendant les strophes suivantes. Jusqu’à ce temps, le chant avait été monostrophique, et ne consistait qu’en une seule stance uniforme, répétée depuis le commencement jusqu’à la fin de la composition[32], de sorte que nous pouvons voir facilement combien étaient grandes les complications et les difficultés nouvelles introduites par Stésichore, — non moins pour les exécutants que pour le compositeur, qui lui-même était à cette époque le maître et l’instituteur des exécutants. Ce poète et son contemporain le joueur de flûte Sakadas d’Argos, — qui gagna le prix aux trois premiers jeux Pythiens fondés après la Guerre Sacrée, — semblent tous deux avoir surpassé leurs prédécesseurs pour la largeur du sujet qu’ils embrassaient, en empruntant à l’inépuisable domaine de l’ancienne légende et en développant le chant chorique de manière à en faire un récit épique bien soutenu[33]. En effet, ces jeux Pythiens ouvrirent une nouvelle carrière aux compositeurs de musique précisément à l’époque où Sparte commença à être fermée à des nouveautés musicales.

Alcée et Sappho, tous deux natifs de Lesbos, paraissent presque contemporains d’Arian, vers 610-580 avant J.-C. De leurs compositions lyriques jadis célèbres il reste à peine quelque chose. Mais les critiques qui ont été conservées sur tous les deux les mettent dans une opposition marquée avec Alkman, qui vivait et composait dans l’atmosphère plus restrictive de Sparte, et elles établissent une analogie plus considérable entre eux et la véhémence turbulente d’Archiloque[34], toutefois sans retrouver en eux sa grande malignité privée. Alcée et Sappho composèrent tous deux pour leur auditoire local, et dans leur dialecte æolien de Lesbos ; non pas que ce dialecte eût quelque propriété particulière pour exprimer leur veine de sentiment, mais parce qu’il était plus familier à leurs auditeurs. Sappho elle-même vante la supériorité des bardes lesbiens[35], et la célébrité de Terpandros, de Perikleitas et d’Ariôn nous permet de supposer qu’il a pu y avoir avant elle dans l’île d’autres bardes populaires qui ne parvinrent pas à un vaste renom hellénique. Alcée comprit dans ses chants l’es élans les plus farouches du sentiment politique, les alternatives touchantes de la guerre et de l’exil, et tout le goût ardent d’un homme passionné pour le vin et l’amour[36]. Le chant érotique semble avoir formé le principal thème de Sappho, qui cependant composa aussi des odes ou chants[37] sur une grande variété d’autres sujets sérieux aussi bien que satiriques, et qui de plus, dit-on, employa la première le mode myxolidien en musique. Ce qui montre la tendance de l’époque aux nouveautés métriques et rythmiques, c’est qu’Alcée et Sappho inventèrent chacun, dit-on, la stance particulière, bien connue sous leurs noms respectifs ; — combinaisons du dactyle, du trochée et de l’iambe, analogues aux vers asynartétiques d’Archiloque. Toutefois ils ne se confinèrent nullement au mètre alkaïque et au sapphique. Ils composèrent l’un et l’autre des hymnes en l’honneur : des dieux ; c’est, en effet, un thème commun à tous les poètes lyriques et choriques, quelles que puissent être leurs particularités dans d’autres directions. La plupart de leurs compositions étaient des chants polir une seule voix, non pour le chœur. La poésie d’Alcée est d’autant plus digne de remarque que c’est le plus ancien exemple de l’emploi de la muse dans une lutte politique actuelle, et qu’elle montré le progrès ide l’empire que ce motif était en train d’acquérir sur l’esprit grec.

Les poètes gnomiques, ou moralistes en vers, se rapprochent plus de la nature de la prose par le ton de leurs sentiments. Ils commencent avec Simonide d’Amorgos ou de Samos, contemporain d’Archiloque. En effet, Archiloque consacra quelques compositions à la fable explicative, qui n’avait pas été inconnue même à Hésiode. Dans ce qui reste de Simonide d’Amorgos, nous ne trouvons rien de relatif à l’homme personnellement, bien que lui aussi, comme Archiloque, ait eu, dit-on, un ennemi individuel, Orodœkidês, dont sa muse diffama le caractère[38]. Le seul poème considérable de lui qui existe est consacré à un examen des caractères des femmes, en’ vers iambiques, et en manière de comparaison avec divers animaux, — la jument, l’âne, l’abeille, etc. Ce poème suit la veine hésiodique relativement au malheur social et économique ordinairement causé par les femmes, avec quelques exceptions honorables et peu nombreuses. Mais le poète offre un cercle beaucoup plus vaste d’observations et d’explications, si nous le comparons avec son prédécesseur Hésiode ; en outre, ses explications sont empruntées directement à la vie et à la réalité. Nous trouvons dans cet ancien poète iambique la même sympathie pour le travail et les récompenses méritées que l’on peut remarquer dans Hésiode, avec un sentiment plus mélancolique de l’incertitude des événements humains.

J’ai parlé de Solôn et de Théognis dans des chapitres précédents. Ils reproduisent en partie la veine morale de Simonide, bien qu’avec un mélange prononcé de sentiments personnels et une application directe aux événements qui se passent. Le mélange de la morale, politique avec la morale sociale, que nous trouvons dans tous les deux, marque leur époque plus avancée : Solôn, sous ce rapport, est dans la même relation à l’égard de Simonide que son contemporain Alcée l’était à celui d’Archiloque. Les poèmes, autant que nous en pouvons juger par les fragments qui restent, paraissent avoir été de courtes effusions de circonstance, à l’exception du poème épique relatif à l’île submergée d’Atlantis, poème qu’il commença vers la fin de sa vie, mais qu’il ne termina jamais. Ce sont des vers élégiaques trimètres iambiques et tétramètres trochaïques ; on ne peut dire certainement qu’entre ses mains les uns ou les autres de ces mètres aient eu un caractère spécial ou séparé. Si les poèmes de Solôn sont courts, ceux de Théognis le sont beaucoup plus, et ils sont en effet tellement brisés (tels que nous les avons dans notre collection présente) qu’on les lit comme des épigrammes ou élans de sentiment séparés, que le poète n’a pas pris la peine d’incorporer dans une série ou dans un plan déterminé. Ils présentent un singulier mélange de maximes et de passion, — de préceptes généraux et de tendresse personnelle à l’égard du jeune Kyrnos ; — mélange qui nous surprend si nous le jugeons en vertu de la règle de la composition littéraire, mais qui semble une manifestation très vraie des plaintes et de l’inquiétude d’un pauvre exilé. Ce qui nous reste de Phokylidês, un autre des poètes gnomiques presque contemporains de Solôn, n’est rien de plus qu’un petit nombre de maximes en vers, — couplets qui, dans plusieurs cas, renferment le nom de l’auteur.

Au milieu de toute la variété d’innovations rythmiques et métriques qui ont été énumérées, l’ancienne épopée continua d’être récitée comme auparavant par les rhapsodes. Quelques nouvelles compositions épiques furent ajoutées au fonds qui existait : Eugammôn de Kyrênê, vers la cinquantième Olympiade (580 av. J.-C.) paraît être le dernier de la série. A Athènes particulièrement, Solôn et Pisistrate manifestèrent une grande sollicitude aussi bien pour la récitation de l’Iliade que pour sa conservation exacte. Peut-être sa popularité a-t-elle été diminuée par la concurrence de tant de poésie lyrique et chorique, plus brillante et plus frappante dans ses accompagnements ; aussi bien que plus changeante dans son caractère rythmique. Toutefois, quelque effet secondaire que ce génie de poésie plus nouveau, puisse avoir tiré de tels secours, son premier effet fut produit par une supériorité intellectuelle ou poétique réelle, — par les pensées, le sentiment et l’expression, non par l’accompagnement. Pendant longtemps le compositeur de musique et le poète continuèrent généralement d’être une seule et même personne, et outre ceux qui se sont distingués assez pour passer à la postérité, nous ne pouvons douter qu’il n’y en ait eu beaucoup connus seulement de leurs propres contemporains. Mais, pour eux tous, l’instrument et la mélodie ne constituaient que la partie secondaire de ce qui était connu sous le nom de musique, — et qui était entièrement subordonné aux pensées qui respirent et aux paroles qui brillent[39]. La justesse et la variété d’une prononciation rythmique donnaient aux mots leur plein effet sur une oreille délicate ; mais ce plaisir de l’oreille était subordonné à l’émotion de l’âme produite par le sens transmis. Les poètes se plaignent, même dès l’an 500 avant J.-C., que l’accompagne nient devenait trop saillant. Mais ce ne fut pas avant l’époque du poète comique Aristophane, vers la fin du cinquième siècle avant J.-C., que le rapport primitif entre l’accompagnement instrumental et les mots fut renversé réellement, — et grandes furent les plaintes que suscita ce changement[40]. Le jeu de la flûte ou de la harpe devint alors plus travaillé, plus brillant’ et plus entraînant, tandis que les mots furent assemblés de manière à faire valoir le talent de l’artiste. Je signale brièvement cette révolution subséquente dans le dessein de présenter, par contraste, le véritable caractère intellectuel de la poésie lyrique et chorique primitive de la Grèce, et de faire voir combien le sentiment vague, produit par le simple son musical, était perdu dans l’émotion plus définie et dans les combinaisons plus propres à la reproduire et plus durables, liées du sens poétique.

Le nom et la poésie de Solôn, et les courtes maximes ou sentences de Phokylidês, nous conduisent à faire mention des sept sages de la Grèce. Solôn était lui-même un des sept, et la plupart d’entre eux, sinon tous, étaient poètes ou compositeurs en vers[41]. A la plupart d’entre eux est attribuée aussi une quantité de reparties énergiques, avec une courte sentence on maxime particulière à chacun, servant en quelque sorte de devise distincte[42]. En effet, le critérium d’un homme accompli à cette époque était son talent à chanter ou à réciter de la poésie, et à faire de promptes et vives réponses. Quant à ce qui concerne cette pléiade des sept sages, — dont on parla avec grand éloge dans le siècle suivant de l’histoire grecque, où la philosophie en vint à être un sujet de discussions et d’argumentations, — tous les renseignements sont confus, en partie même contradictoires. Ni lé nombre ni les noms né sont donnés de même par tous les auteurs. Dikæarque en comptait dix, Hermippos en comptait dix-sept : les noms de Solôn l’Athénien, de Thalês le Milésien, de Pittakos le Mitylénæen et de Bias de Priênê sont compris dans toutes les listes, — et les autres noms, tels que Platon les donne[43], étaient Kleoboulos de Lindos dans l’île de Rhodes, Mysôn de Chênæ, et Cheilôn de Sparte. Nous ne pouvons pas avec certitude répartir entre eux les sentences ou devises auxquelles, à une époque plus récente, les amphiktyons accordèrent l’honneur d’une inscription dans le temple de Delphes : Connais-toi toi-même, — Rien de trop, — Connais ton avantage, — Caution précède ruine. Bias est vanté comme un excellent juge : tandis que Mysôn était déclaré par l’oracle de Delphes comme l’homme le plus discret d’entre les Grecs, suivant le témoignage du poète satirique Hippônax ; — c’est le témoignage le plus ancien (540 av. J.-C.) que l’on puisse produire en faveur d’un des sept sages quelconque. Mais Kleoboulos de Lindos, loin d’être vanté universellement, est déclaré fou par le poète Simonide[44].

Dikæarque cependant faisait observer avec justesse que ces sept ou dix personnes n’étaient pas des sages ou des philosophes, dans le sens que ces mots avaient à cette époque ; mais que c’étaient des personnes douées d’un discernement pratique par rapport à l’homme et à la société[45], — du même tour d’esprit que leur contemporain le fabuliste Esope, bien que n’employant pas le même mode d’explication. Leur apparition forme une époque dans l’histoire grecque, en ce que ce sont les premières personnes qui acquirent jamais une réputation hellénique fondée sur une capacité intellectuelle séparément du génie ou de l’effet poétique,-preuve qu’une prudence politique et sociale commençait à être appréciée et admirée pour son propre compte. Solôn, Pittakos, Bias et Thalès furent tous des hommes influents — les deux premiers même jouirent d’un certain ascendant[46] — au sein de leurs cités respectives. Kleoboulos fut despote de Lindos, et Périandre (que quelques-uns mettent au nombre des sept) le fut de Corinthe. Thalês est distingué comme le premier nom de la philosophie de la nature, dont ne se mêlèrent pas, dit-on, les autres sages contemporains. Leur célébrité repose exclusivement sur une sagesse morale, sociale et politique, qui fut en plus grand honneur à mesure que le sentiment moral des Grecs se perfectionna et que leur expérience s’agrandit.

Ces noms célèbres nous représentent la philosophie sociale dans son premier état et à son enfance, — sous la forme de maximes ou d’admonitions familières qu’on supposait, ou évidentes par elles-mêmes, ou reposant sur quelque grande autorité divine ou humaine, mais qui n’étaient pas accompagnées de raisonnements et qui né reconnaissaient pas d’appel à un examen et à une discussion comme le criterium propre de leur rectitude. Cet acquiescement peu curieux, sentiment auquel ces admonitions doivent leur force, nous en sommes partiellement délivrés, même dans le poète Simonide de Keôs, qui (comme nous l’avons dit plus haut) critique sévèrement le chant de Kleoboulos aussi bien que son auteur. Le demi-siècle qui suivit l’âge de Simonide (l’intervalle qui s’écoula entre 480 et 430 av. J.-C. environ) détruisit ce sentiment de plus en plus, en familiarisant le public avec une controverse fondée sur des raisonnements dans l’assemblée publique, dans lés tribunaux populaires, et même sur la scène dramatique. Et le travail personnel, développé de l’esprit grec, une fois créé, se manifesta dans Sokratês, qui soumit toutes les doctrines morales et sociales à l’examen de la raison, et qui le premier éveilla dans ses compatriotes cet amour de la dialectique qui ne les abandonna jamais, — intérêt analytique à poursuivre le procédé intellectuel qui consiste à rechercher, à vérifier, à prouver et à exposer la vérité. Ce point capital du progrès humain, assuré par les Grecs, — et par eux seulement, — à l’humanité en général, appellera notre attention à une période plus récente de l’histoire. Nous ne la mentionnons actuellement que par opposition avec le laconisme nu et dogmatique des sept sages, et avec la manière simple qu’emploient les anciens poètes pour imposer leur pensée, — état où la morale a une certaine place dans les sentiments, mais point de racines, même chez les esprits supérieurs, dans l’exercice conscient de la raison.

L’intervalle qui existe entre Archiloque et Solôn (660-580 av. J.-C.) semble, comme je l’ai fait remarquer dans un précédent volume, être la période dans laquelle l’écriture commença pour la première fois à être appliquée à des poèmes grecs, — aux poèmes homériques entre autres, et peu après la fin de cette dernière période commence l’ère de compositions non métriques, c’est-à-dire en prose. Quelques auteurs appellent le philosophe Pherekydês de Syros, vers 550 avant J.-C., le plus ancien des écrivains en prose. Mais aucun d’eux n’acquit de célébrité pendant un temps considérable dans la suite, — aucun vraisemblablement avant Hécatée de Milêtos[47], vers 540-490. avant J.-C., — la prose étant un genre de composition secondaire sans effet, n’étant pas même toujours clair, et ne demandant pas peu de pratique avant qu’on fût parvenu à le rendre intéressant[48]. Jusqu’à la génération qui précède Sokratês, les poètes continuèrent d’être les grands conducteurs de l’esprit grec. Jusqu’alors on n’enseignait aux jeunes gens qu’à lire les compositions poétiques, à les apprendre de mémoire, à les réciter à l’aide de la musique et du rythme, et à les comprendre. Les explications données par les maîtres à leurs élèves peuvent probablement être devenues plus complètes et plus instructives ; mais le texte continua toujours d’être de la poésie épique ou lyrique. Ces hommes-là savaient le mieux enseigner le rythme et l’accent compliqués de la langue grecque, si essentiels à : un homme bien élevé dans l’antiquité, et dont l’absence se reconnaissait si facilement, si on ne les avait pas appris dans les règles. Sans mentionner l’auteur de choliambes, Hippônax, qui semble avoir été possédé du démon d’Archiloque, et en partie aussi de son génie, — Anakréon, Ibykus, Pindare, Bacchylide, Simonide et les poètes dramatiques à Athènes continuent la ligne de poètes éminents sans interruption. Après la guerre des Perses, les besoins de la parole publique créèrent une classe de maîtres de rhétorique, tandis que le développement graduel de la philosophie de la nature élargissait le cercle de l’instruction ; de sorte que la composition en prose ; parlée où écrite, occupa une part de plus en plus considérable de l’attention des hommes, et fut graduellement amenée par le travail à une haute perfection, telle que nous la voyons pour la première fois dans Hérodote. Mais avant qu’elle devint perfectionnée ainsi et qu’elle acquît ce style qui était la condition d’une popularité répandue au loin, nous pouvons être sûrs qu’elle avait été employée silencieusement comme moyen d’enregistrer les événements, et que ni la masse considérable de faits géographiques contenus dans la Periegesis d’Hécatée, ni la carte préparée pour la première fois par son contemporain Anaximandros, n’auraient pu être présentées au monde sans les travaux antérieurs de modestes écrivains en prose, qui se bornaient à consigner les résultats de leur propre expérience. L’acquisition de l’écriture en prose, qui commença vers l’époque de Pisistrate, n’est pas moins remarquable comme, preuve d’un progrès passé que comme moyen d’un progrès futur.

Ruant à ce magnifique génie en sculpture et en architecture qui brilla en Grèce après l’invasion persane, on n’en peut découvrir les premiers traits qu’entre 600-560 avant J.-C., à Corinthe, à Ægina, à Samos, à Chios, à Ephesos, etc., — assez cependant pour donner une preuve de perfectionnement et de progrès. Glaukos de Chios découvrit, dit-on, l’art de souder le fer, et Rhœkos, ou son fils Theodôros de Samos, celui de fondre le cuivre ou l’airain et de le jeter dans un moule. Ces deux découvertes, autant qu’on peut l’établir, semblent dater d’une époque un peu antérieure à l’an 600 avant J.-C.[49] Le premier souvenir élevé en l’honneur d’un dieu ne prétendit même pas à être une image, mais ne fut souvent rien de plus qu’une colonne, une planche, une pierre informe, un poteau, etc., fixés de manière à. marquer et à consacrer la localité, et recevant du voisinage des ornements et des soins respectueux aussi bien qu’un culte. Quelquefois il y avait une statue réelle, bien que du caractère le plus grossier, sculptée en bois ; et les familles de sculpteurs, — qui de père en fils exercèrent cette profession, représentés en Attique par le nom de Dædalos et à Ægina par celui de Smilis, — s’attachèrent longtemps avec, une exactitude rigoureuse au type consacré de chaque dieu particulier. Insensiblement le désir vint de changer la matière, aussi bien que de corriger la grossièreté de ces idoles primitives. Quelquefois le bois employé originairement fut conservé comme matière, mais couvert en partie d’ivoire ou d’or ; — dans d’autres cas on y substitua du marbre ou du métal. Dipœnos et Skyllis de Krête acquirent du renom comme ouvriers en marbre vers la cinquantième Olympiade (580 av. J.-C.). A partir de ceux-ci, en descendant, on peut suivre une série de noms plus ou moins distingués ; de plus, il semble que c’est vers la même période que commencent les plus anciennes offrandes faites à des temples, en ouvrages d’art proprement appelés ainsi, — la statue d’or de Zeus et le grand coffret sculpté, dédié par les Kypsélides de Corinthe à Olympia[50]. Toutefois les pieuses associations attachées à l’ancien type étaient si fortes que la main de l’artiste trouva un grand obstacle à s’occuper de statues de dieux. Ce fut dans des statues d’hommes, spécialement dans celles des vainqueurs à Olympia et à d’autres jeux sacrés, que l’on rechercha pour la première fois et que l’on atteignit en partie des idées pures de beauté, et c’est d’elles qu’elles passèrent plus tard aux statues des dieux. Ces statues des athlètes semblent commencer environ entre la cinquante-troisième et la cinquante-huitième Olympiade (568-548 av. J.-C.).

Ce n’est pas avant cette période (entre 600-550 avant J.-C.) que nous trouvons des traces de ces monuments d’architecture, qui valurent dans la suite tant de renom aux plus importantes cités grecques : Les deux plus grands temples en Grèce connus d’Hérodote étaient l’Artemision à Ephesos, et le Heræon à Samos. De ces deux temples, le premier semble avoir été commencé par le Samien Theodôros, vers 600 avant J.-C. ; — le second, commencé par le Samien Rhœkos, ne peut guère être rapporté à une antiquité plus reculée. Les premières tentatives pour décorer Athènes par de telles additions furent faites par Pisistrate et par ses fils, a peu près à la même époque. Autant que nous en pouvons juger aussi dans l’absence de toute preuve directe, le temple de Pæstum, en Italie, et celui de Sélinonte, en Sicile, semblent dater du même siècle. Quant à la peinture pendant ces premiers âges, on ne peut rien affirmer sur ce point. A aucune époque elle n’atteignit la même perfection que la sculpture, et nous pouvons présumer que, dans ses années d’enfance, elle fut au moins aussi grossière.

L’immense développement de l’art grec par la suite, et la grande perfection des artistes grecs sont des faits d’une grande importance dans l’histoire du genre humain ; tandis que, par rapport aux Grecs eux-mêmes, ces faits non seulement agirent sur le goût du peuple, mais ils eurent encore une importance indirecte comme étant la gloire commune de l’Hellénisme, et comme fournissant un lien de sympathie fraternelle aussi bien que de mutuel orgueil parmi ses sections répandues au loin. C’est la paucité et la faiblesse de ces liens qui ne fait de l’histoire de la Grèce, antérieure à 560 avant J.-C., guère autre chose qu’une série de fils parallèles, mais isolés, attachés chacun à une cité séparée. Le cercle agrandi du sentiment et de l’action helléniques réunis, dans lequel nous entrerons bientôt -bien qu’il résulte sans doute dans une grande mesure de dangers nouveaux et. communs menaçant bien des villes à la fois — est produit aussi en partie,par ces autres causes qui ont été énumérées dans ce chapitre, en tant qu’agissant sur l’esprit grec. Il vient du stimulant appliqué à tous les sentiments communs sous le rapport de la religion, de l’art et des divertissements, — de la formation graduelle de fêtes nationales, faisant appel de diverses manières aux goûts et aux sentiments qui animaient tout coeur hellénique ; — des inspirations d’hommes de génie, poètes, musiciens, sculpteurs, architectes, qui, plus ou moins dans chaque cité grecque, élevaient la jeunesse, dressaient le chœur et ornaient la localité ; — de l’expansion graduelle de la science, de la philosophie et de la rhétorique, pendant la période de cette histoire à laquelle nous arrivons, et qui fit d’une seule cité la capitale intellectuelle de la Grèce et amena à Isocrate et à Platon des disciples des parties les plus éloignées du monde grec. Ce fut ce fonds de tendances, d’aptitudes et de goûts communs qui fit graviter les uns vers les autres les atomes sociaux de la Hellas, et qui permit aux Grecs de devenir quelque chose de meilleur et de plus grand qu’un agrégat de petites communautés désunies, telles qu’étaient les Thraces ou les Phrygiens. Et la création d’un tel Hellénisme commun, extrapolitique, est le phénomène le plus intéressant que l’historien ait à signaler dans la période reculée dont nous nous occupons maintenant. Son devoir est d’y insister d’autant plus fortement que le lecteur moderne n’a pas en général l’idée d’une union nationale sans union politique, — association étrangère à l’esprit grec. Quelque singulier que puisse paraître de trouver un compositeur de chants présenté comme instrument actif d’union entre les Hellènes ses compatriotes, il n’en est pas moins vrai que ces poètes, que nous avons brièvement passés en revue, en enrichissant le langage commun et en circulant de ville en ville, soit personnellement, soit par leurs compositions, contribuèrent à activer la flamme du patriotisme panhellénique à une époque où il y avait peu de circonstances qui pussent les seconder, et où les causes tendant à perpétuer l’isolement semblaient l’emporter.

 

 

 



[1] Himerius, Orat. III, p. 426, Wernsdorf.

[2] Pour tout ce qui fait le sujet de ce chapitre, comparer le onzième, le douzième, le treizième et le quatorzième chapitre de l’History of the Literature of ancient Greece, de O. Müller, où il traite des poètes lyriques avec plus de détails que ne me le permettent les limites de cet ouvrage. — Ces chapitres, que l’on trouvera d’une très grande importance, abondent en érudition et en vues ingénieuses, mais ne sont pas toujours dans les limites de l’évidence.

Le savant ouvrage d’Ulrici (Geschichte der Griechischen Poesie-Lyrik) prête plus encore à la même remarque.

[3] Ces anciens innovateurs dans la musique, le rythme, le mètre et la poésie grecs, appartenant au septième siècle avant J.-C., étaient très imparfaitement connus même de ceux des contemporains de Platon et d’Aristote, qui essayaient de rassembler des faits pour une histoire suivie de la musique. Le traité de Plutarque, De Musicâ, montre quels renseignements contradictoires il trouvait. Il fait des citations de quatre auteurs différents : — Herakleidês, Glaukos, Alexandros, et Aristoxenos, qui ne s’accordent nullement dans la suite des noms et des faits qu’ils présentent. Les trois premiers confondent le mythe et l’histoire. L’Anagraphê, ou inscription à Sikyôn, qui déclarait donner une liste continue des poètes et des musiciens qui avaient lutté aux jeux Silcyoniens, commençait par une grande quantité de noms mythiques : — Amphiôn, Linos, Pierios, etc. (Plutarque, De Musicâ, p. 1132). Quelques auteurs, d’après Plutarque (p. 1133), commettent la grande erreur chronologique de faire Terpandros contemporain d’Hippônax ; ce qui prouve combien il y avait alors peu de preuves chronologiques accessibles.

Hellanicus peut avoir appris par les registres spartiates que Terpandros fut vainqueur à la fête spartiate des Karneia en 676 avant J.-C. : le nom du harpiste lesbien Perikleitas, qui, disait-on, avait gagné le même prix à quelque époque subséquente (Plutarque, De Mus., p.1133), repose probablement sur la même autorité. Glaukos avançait qu’Archiloque était un peu plus récent que Terpandros, et Thalêtas un peu plus récent qu’Archiloque (Plutarque, De Mus., p. 1134). Klonas et Polymnæstos sont placés après Terpandros, Archiloque après Klonas. Alkman, dit-on, mentionnait Polymnæstos dans un de ses chants (p. 1133-1135). Il ne peut guère être vrai que Terpandros ait gagné quatre prix Pythiens, si la fête ne se célébrait que tous les huit ans avant qu’elle fût constituée de nouveau par les Amphiktyons (p. 1132). Sakadas gagna trois prix Pythiens après cette époque, lorsque la fête se célébrait tous les quatre ans (p. 1134).

Comparez les indications confuses dans Pollux, IV, 65, 66, 78, 79. Le résumé donné par Photius d’une certaine partie de la Chrestomathie de Proclus (publiée dans l’édition d’Hephæstion due à Gaisford, p. 375-389) est extrêmement précieux, malgré sa brièveté et son obscurité, au sujet de la poésie lyrique et chorique de la Grèce.

[4] La différence qui existait entre Νόμος et Μέλος parait dans Plutarque, De Music., p. 1132.

Les nomes n’étaient pas bien nombreux ; ils avaient des noms spéciaux ; et les opinions ne s’accordaient pas quant aux personnes qui les avaient composés (Plutarque, De Music., p. 1133). Ils étaient monodiques, non choriques, — destinés à être chantés par une seule personne (Aristote, Problem., XIX, 15). Hérodote, I, 23, au sujet d’Ariôn et du Nomos Orthios.

[5] M. Clinton (Fasti Hellen., ad ann. 671, 665, 641) ne me parait nullement satisfaisant dans l’arrangement chronologique qu’il fait des poètes de ce siècle. Je partage l’avis de O. Müller (Hist. of Literat. of Ancient Greece, ch. 12, 9), qui pense qu’il place Terpandros à une époque trop rapprochée et Thalêtas à un temps trop éloigné ; je crois aussi que Kallinus et Alkman ont vécu pendant une période plus récente que celle que leur assigne M. Clinton ; l’époque de Tyrtée dépendra de la date -que nous assignerons à la seconde guerre Messênienne.

Nous pouvons voir, par les erreurs signalées dans Athénée, XIII, p. 599, combien des écrivains du commencement de l’époque des Ptolémées connaissaient imparfaitement la chronologie des noms poétiques même du sixième siècle avant J.-C. : — Sappho, Anakreon, Hippônax, Hermesianax de Kolophôn, le poète élégiaque, représentait Anakreon comme l’amant de Sappho ; ceci pourrait bien ne pas être absolument impossible, si nous supposions dans Sappho une vieillesse semblable à celle de Ninon de Lenclos ; mais d’autres (même antérieurement à Hermesianax, puisqu’ils sont cités par Chamæleon) représentaient Anakreon, même à un âge avancé, comme adressant des vers à Sappho encore jeune. De plus, l’écrivain comique Diphilos présentait et Archiloque et Hippônax comme les amants de Sappho.

[6] Les poètes latins et les critiques alexandrins semblent avoir également insisté sur la tristesse naturelle du mètre élégiaque (Ovide, Heroid., XV, 7 ; Horace, Art. Poet., 75) ; voir aussi l’explication bizarre donnée par Didyme dans l’Etymologicon Magnum, v. Έλεγος.

Nous apprenons par Hephæstion (c. 8, p. 45, Gaisf.) que le mètre anapestique, employé par Tyrtée dans ses marches guerrières, le fut également par les écrivains comiques pour une veine de sentiment totalement différente. V. la dissertation de Franck, Callinus, p. 37-48 (Leipz., 1816).

Parmi les remarques faites par O. Müller touchant les mètres de ces anciens poètes (History of the Literature of Ancient Greece, ch. 11, s. 8-12, etc. ; Ch. 12, s. 1, 2, etc.), beaucoup me paraissent non prouvées et contestables.

Pour quelques bonnes remarques sur la faillibilité des impressions des hommes relativement à l’ήθος naturel et inhérent à des mètres particuliers, v. Adam Smith (Theory of moral sentiment, part. V, ch. 1, p. 329), dans l’édition de ses œuvres par Dugald Stewart.

[7] V. les observations dans Aristote (Rhetor., III, 9), sur la λέξις είρομένη en tant que comparée à λέξις κατεστραμμένη.

[8] Je me sers ici, toutefois à contrecœur, du mot thesis (arsis et thesis) dans le sens dans lequel il est employé par G. Hermann (Illud tempus in quo ictus est, arsin ; ea tempora quæ carent ictu, thesin vocamus, Element. Doctr. Metr., sect. 15), et suivi par Bœckh, dans sa dissertation sur les mètres de Pindare (I, 4), bien que je partage l’opinion du Dr Barham (dans l’excellente préface de son édition d’Hephæstion, Cambridge, 1843, p. 5- 8), qui pense que le sens opposé des mots serait le préférable, précisément comme c’était le sens primitif que leur donnaient ceux des Grecs qui ont le mieux écrit sur la musique : la préface du Dr Barham est très instructive sur le difficile sujet de l’ancien rythme en général.

[9] Homère, Hymne ad Cererem, 202 ; Hesychius, v. Γεφυρίς ; Hérodote, V, 83 ; Diodore, V, 4. Il y avait divers dieux aux fêtes desquels la bouffonnerie était un usage consacré ; c’étaient vraisemblablement des fêtes différentes dans des endroits différents (Aristote, Politique, VII, 15, 8).

Le lecteur comprendra ce que signifie cette bouffonnerie consacrée en comparant la description d’un voyageur moderne dans le royaume de Naples (Tour through les Southern Provinces of the Kingdom of Naples, par M. Keppel Craven, London, 1821, ch. 15, p. 287) : Je revenais à Gerace (l’emplacement de l’ancienne ville Lokri épizéphyrienne) par un de ces clairs de lune que l’on ne tonnait que dans ces latitudes, et que ni plume ni pinceau ne peuvent reproduire. Ma route longeait quelques champs de blé, dans lesquels les habitants du pays étaient occupés aux derniers travaux de la moisson, et je ne fus pas peu surpris de me trouver salué par une volée d’épithètes outrageantes et de paroles injurieuses, prononcées de la voix la plus menaçante, et accompagnées des gestes les plus insultants. Cette coutume extraordinaire date de l’antiquité la plus reculée, et on l’observe à l’égard de tous les étrangers dans la saison de la moisson et dans celle des vendanges. Ceux qui la connaîtront conserveront tout leur sang-froid aussi bien que leur présence d’esprit, car la perte de l’un ou de l’autre ne servirait que de signal à de plus grandes invectives, et prolongerait une lutte dans laquelle le succès serait aussi désespéré que peu désirable.

[10] La principale preuve des changements rythmiques et métriques introduits par Archiloque se trouve dans le vingt-huitième chapitre de Plutarque, De Musicâ, p. 1140-1141, dans des mots très difficiles à comprendre complètement. V. Ulrici, Geschichte der Hellenisch. Poesie, vol. II, p. 381.

L’épigramme attribuée à Théocrite (n° 18 dans les Poetæ minores de Gaisford) montre que le poète avait sous les yeux des compositions hexamètres d’Archiloque aussi bien que lyriques.

V. l’article sur Archiloque dans les Kleine Schriften de Welcker, p. 71-82, qui a le mérite de prouver que cette amertume iambique est loin d’être le seul trait marqué de son caractère et de son génie.

[11] V. Meleager, Épigramme 119, 3. Horace, Epist., 19, 28, et Epod., VI, 13, avec le Scholiaste ; Élien, V. H., X. 13.

[12] Pindare, Pyth., II, 55 ; Olymp., IX, 1, avec les Scholies ; Euripide, Hercul. Furens, 583-683. La dix-huitième épigramme de Théocrite (à laquelle nous avons fait allusion plus haut) accorde un tribut frappant d’admiration à Archiloque ; cf. Quintilien, X, 1, et Liebel, ad Archilochi Fragm., sect. 5, 6, 7.

[13] Athénée, XIV, p. 630.

[14] Plutarque, De Musicâ, p. 1134, 1135 ; Aristote, De Lacedæmon. Republicâ, Fragm. XI, p. 132, éd. Neumann ; Plutarque, De Serâ Numin. Vindict., c. 13, p. 558.

[15] Thucydide, V, 69-70, avec les scholies.

Cicéron, Tuscul. Quæst., II, 16. Spartiatarum quorum procedit Mora ad tibiam, neque adhibetur ulla sine anapœstis pedibus hortatio.

La flûte était aussi l’instrument approprié au Kômos, ou mouvement animé de joyeux convives à moitié ivres (Hésiode, scut. Hercul., 280 ; Athénée, XIV, p. 617-618).

[16] Platon, Leg., VII, p. 803 ; cf. p. 799 ; Maxime de Tyr. Diss. XXXVII, 4 ; Aristophane, Ban., 950-975 ; Athénée, XIV, p. 626 ; Polybe, IV, 30 ; Lucien, De Saltatione, c. 10, 11, 16, 31.

Comparez Aristote (Problem., XIX, 15), au sujet du caractère primitif et du changement subséquent du chœur ; et le dernier chapitre du huitième livre de sa Politique ; encore un passage frappant dans Plutarque (De Cupidine Divitiarum, c. VIII, p. 527) sur la transformation de la fête dionysiaque à Chæroneia, qui, de simple qu’elle était, devint fastueuse.

[17] Athénée, XIV, p. 628 ; Suidas, vol. III, p. 715, éd. Kuster ; Plutarque, Instituta Laconica, c. 32, ce qui correspond exactement à l’idée morale impliquée dans la conversation qu’on dit avoir été tenue entre Solôn et Thespis (Plutarque, Solôn, c. 29. V. tom. IV, c. 4, p. 203), et à Platon, Leg., VII, p. 817.

[18] Xénophon, Agésilas, II, 17.

[19] Plutarque, Lykurgue, c. 14, 16, 21 ; Athénée, XIV, p. 631-632, XV, p. 678 ; Xénophon, Helléniques, VI, 4, 15 ; De Republic. Lacedæm., IX, 5 ; Pindare, Hyporchemata, Fragm. 78, éd. Bergk. Et Alkman, Fragm. 13, éd. Bergk, Antigon. Caryst. Hist. Mirab., c. 27.

[20] On peut voir par l’exemple qu’on trouve dans Xénophon, Symposion, VII, 5 ; IX, 3-6, et dans Plutarque, Symposion, IX, 15, 2, jusqu’à quel point l’ancienne orchêsis était pantomimique. V. K. F. Hermann, Lehrbuch der Gottesdienstlichen Alterthümer der Griechen, c. 29.

Sane ut in religionibus saltaretur, hæc ratio est ; quod nullam majoris nostri partem corporis esse voluerunt, quæ non sentiret religionem : nam cantus ad animum, saltatio ad mobilitatem corporis pertinet. (Servius ad Virgile, Éclog. V, 73).

[21] Aristote, Politique, VIII, 4, 6.

[22] Homère, Hymne Apoll., 340. V. Bœckh, De Metris Pindari, II, 7, p. 143 ; Eph. ap. Strabon, X, p. 480 ; Plutarque, De Musicâ, p. 1142.

Relativement à Thalêtas et aux changements graduels opérés dans le caractère de la musique à Sparte, Hoeckh a donné beaucoup de renseignements instructifs (Kreta, vol. III, p.340-377). Quant à Nymphæos de Kydonia, qu’Élien (V. H., XII, 50) met en juxtaposition avec Thalêtas et Terpandros, on ne sait rien sur lui.

Après que ce qui est appelé la seconde manière de la musique (κατάστασις) eut été ainsi introduit par Thalêtas et ses contemporains, — la première manière étant celle de Terpandros, — on ne permit plus d’autres innovations. Les éphores employèrent des moyens violents pour empêcher les innovations projetées par Phrynis et par Timotheus, après la guerre des Perses. V. Plutarque, Agis, c. 10.

[23] Alkman, Fragm. 13-17, éd. Bergk, ό πάμφαγος Αλκμάν. Cf. Fr. 63. Aristide l’appelle ό τών παρθένων έπαινέτης καί σύμβουλος (Or. 45, vol. II, p. 40, Dindorf).

Des Partheneia d’Alkman (chants, hymnes et danses, composés pour un chœur de jeunes filles), il y avait au moins deux livres (Stephan. Byz. v. Έρυσίχη). Il fut le premier poète qui acquit du renom dans ce genre de composition, dans la suite fort suivi par Pindare, Bacchylide et Simonide de Keôs : V. Welcker, Alkman Fragm., p. 10.

[24] Alkman, Fragm. 64, éd. Bergk.

[25] Plutarque, De Musicâ, c. 9, p. 1134. Au sujet du dialecte d’Alkman, v. Ahrens, De Dialecto Æolicâ, sect. 2, 4 ; sur les différents mètres, Welcker, Alkman Fragm., p. 10-12.

[26] Plutarque, De Musicâ, c. 32, p. 1142 ; c. 37, 1144 ; Athénée, XIV, p. 632. En Krête aussi, la popularité des compositeurs de musique primitifs se conserva, même dans le même temps que l’innovateur Timotheus : v. Inscription n° 3053, ap. Bœckh, Corp. Inscript.

[27] Hérodote, VI, 60. C’était probablement un γένος avec un premier père héroïque, comme les hérauts, auxquels l’historien les compare.

[28] Pindare, Fragm. 44, éd. Bergk ; Schol. ad Pindare, Olymp. XIII, 25 ; Proclus, Chrestomathie, c. 12-14, ad calc. Hephæst., Gaisf., p. 382. Cf. W.-M. Schmidt, in Dithyramborum Poetarumque Dithyrambicorum Reliquias, p. 171-183 (Berlin 1845).

[29] Archiloch. Fr., 72, éd. Bergk.

L’ancien oracle cité dans Démosthène, Cont. Meidiam, au sujet des Dionysia à Athènes, enjoint Διονύσω δημοτελή ίερά τελεϊν, καί κρτήρα κεράσαι, καί χορούς ίστάναι.

[30] Hérodote, I, 23 ; Suidas, v. Άρίων ; Pindare, Olymp., XIII, 25.

[31] Aristote, Poetic., c. 6 et 9.

[32] Alkman s’écarta légèrement de cette règle : dans une de ses compositions comprenant quatorze strophes, les sept dernières étaient dans un mètre différent des sept premières (Hephæstion, c. XV, p. 134, Gaisf. ; Hermann, Elementa Doctrin. Metricæ, c. 17, sect. 595). Plutarque, De Musicâ, p. 1135.

[33] Pausanias, VI, 14, 4 ; X, 7, 3. Sakadas, aussi bien que Stésichore, composa une Ίλίου πέρσις (Athénée, XIII, p. 609).

Stesichorum (fait observer Quintilien, X, 1) quam sit ingenio validusi materiæ quoque ostendunt, maxima bella et clarissimos canentem duces, et epici carminis onera lyrâ sustinentem. Reddit enim personis in agendo simul loquendoque debitam dignitatem. Ac si tenuisset modum, videtur æmulari proximus Homerum potuisse ; sed redundat, atque effunditur ; quod, ut est reprehendendum, ita copiæ vitium est.

Simonide de Keôs (Fragm. 19, éd. Bergk) rapproche Homère de Stésichore : v. l’épigramme d’Antipater dans l’Anthologie, t. I, p. 328, éd. Jacobs, et Dion Chrysostome, Or. 55, vol. II, p. 281, Reisk. Cf. Kleine, Stesichori Fragm., p. 30-34 (Merlin 1828), et O. Müller, History of the Literature of Ancient Greece, c. 14, sect. 5.

Hérodote affirme que les compositeurs de musique d’Argos ont été les plus renommés en Grèce, un demi-siècle après Sakadas (Hérodote, III, 131).

[34] Horace, Epist. I, IX, 23.

[35] Sappho, Fragm. 93, éd. Bergk. V. aussi Plehn, Lesbiaca, p. 145-165. Relativement aux poétesses, on en signalait deux ou trois contemporaines de Sappho, v. Ulrici, Gesch. der Hellen. Poesie, vol. II, p. 370.

[36] Denys Hal., Ant. Rom., V, 82 ; Horace, Ode I, 32 ; II, 13 ; Cicéron, De Nat. Deor., I, 28 ; le passage frappant dans Plutarque, Symposiôn, III, 1, 3, ap. Bergk, Frag. 42. Aux yeux de Denys, le dialecte æolien d’Alcée et de Sappho diminuait la valeur de leurs compositions : l’accent æolien, analogue au latin, et admettant rarement des mots oxytons, doit les avoir rendus moins agréables dans la récitation ou dans le chant.

[37] V. Plutarque, De Music., p. 1136 ; Denys Hal., De Comp. Verb., c. 23, p. 173, Reisk, et quelques passages frappants d’Himerius, par rapport à Sappho (1, 4, 16, 19 ; Maxime de Tyr, Dissert. XXIV, 7-9), et l’Encomium du judicieux Denys (de Compos. Verborum, c. 23, p. 173).

L’auteur des Marbres de Paros adopte comme une de ses époques chronologiques (époque 37) la fuite de Sappho, ou son exil, de Mitylênê en Sicile, ù, peu près entre 604-596 avant J.-C. Il y avait probablement quelque chose de remarquable qui l’engageait signaler cet acte d’une façon particulière ; mais nous ne savons pas quoi, et nous ne pouvons pas nous fier aux insinuations suggérées par Ovide (Heroid., XV, 51).

Neuf livres des chants de Sappho furent réunis par les Grecs lettrés des temps plus récents, arrangés surtout suivant les mètres (C. F. Neue, Sapphonis Fragm., p. 11, Berlin, 1827). Il y avait dix livres des chants d’Alcée (Athénée, XI, p. 481), et Aristophane (le grammairien) et Aristarque en publièrent tous deux des éditions (Hephæstion, c. 15, p. 134, Gaisf.). Dikæarque écrivit un commentaire sur ses chants (Athénée, XI, p. 461).

[38] Welcker, Simonidis Amorgini Iambi qui supersunt.

[39] Aristophane, Nubes, 536.

[40] V. Pratinas, ap. Athenæum, XIV, p. 617, ainsi que p. 636, et le Fragm. frappant du poète comique, aujourd’hui perdu, Pherekratês, dans Plutarque, De Musicâ, p. 1141, contenant l’amère remontrance de Musique (Μουσική) contre le dommage que lui fit l’auteur de dithyrambes Melanippidês ; cf. aussi Aristophane, Nubes, 951-972 ; Athénée, XIV, p. 617 ; Horace, Ars Poetic., 205 ; et W.-M. Schmidt, Diatribê in Dithyrambum, c. 8, p. 250-265.

Τό σοβαρόν καί περιττόν — le caractère de la nouvelle musique (Plutarque, Agis, c. 10), — en tant que comparé à τό σεμνόν καί άπερίεργου de l’ancienne (Plutarque, De Musicâ, ut sup.) ostentation et faste affecté opposés à caractère sérieux et simple. Il n’est nullement certain que ces reproches adressés à la musique plus récente des Grecs fussent bien fondés ; ce qui peut nous faire douter de leur exactitude, ce sont des remarques et des comparaisons semblables que nous entendons faire au sujet de la musique des trois derniers siècles. Le caractère de la poésie grecque tendait certainement à dégénérer après Euripide.

[41] Bias de Priênê composa un poème de deux mille vers sur la condition de l’Iônia (Diogène Laërte, I, 85), d’où il se peut qu’Hérodote ait tiré (soit directement, soit indirectement) le judicieux avis qu’il attribue à ce philosophe, à l’occasion de la première conquête de l’Iônia par les Perses (Hérodote, I, 170).

Non seulement Xenophanês le Philosophe (Diogène Laërte, VIII, 36 ; IX, 20), mais longtemps après lui Parmenidês et Empedoklês composèrent en vers.

[42] V. le récit donné par Hérodote (VI, 128-129) de la manière dont Kleisthenês de Sikyôn éprouva l’éducation comparative des divers prétendants qui venaient demander la main de sa fille.

[43] Platon, Protagoras, c. 28, p. 43.

[44] Hippônax, Fragm. 77, 34, éd. Bergk. — Simonide, Fr. 6, éd. Bergk. — Diogène Laërte, I, 6, 2.

Simonide traité Pittakos avec plus de respect, bien qu’il révoque en doute une opinion émise par lui (Fragm. 8, éd. Berck ; Platon, Protagoras, c. 26, p. 339).

[45] Dikæarque, ap. Diogène Laërte, I, 40. Plutarque, Themistoklês, c. 2.

Au sujet de l’histoire du trépied, qui, dit-on, fit le tour de ces sept hommes sages, v. Ménage, ad Diogène Laërte, I, 28, p. 17.

[46] Cicéron, De Republ., I, 7 ; Plutarque, in Delph., p. 385 ; Bernhardy, Grundriss der Griechischen Litteratur, vol. I, sect. 66, not. 3.

[47] Pline, H. N., VII, 57. Suidas, v. Έκαταϊος.

[48] H. Ritter (Geschichte der Philosophie, c. 6, p. 243) fait quelques bonnes remarques sur la difficulté et l’obscurité des anciens écrivains en prose de la Grèce, par rapport aux expressions et aux pensées obscures généralement attribuées au philosophe Herakleitos.

[49] V. O. Müller, Archaeologie der Kunst, sect. 61 ; Sillig, Catalogus Artificum — sous la rubrique de Theodôros et de Teleklês.

Thiersch (Epochen. der Bildenden Kunst, p. 182-190, 2e éd.) place Rhœkos près du commencement des Olympiades constatées ; et suppose deux artistes nommés Theodôros, l’un petit-fils de l’autre ; mais ceci ne me semble appuyé par aucune autorité suffisante (car la vague chronologie de Pline, au sujet de l’école d’artistes à Samos, n’est pas plus digne de foi qu’au sujet de l’école de Chios) : — cf. XXXV, 12, et XXXVI, 3) ; et c’est de plus intrinsèquement improbable. Hérodote (1, 51) nomme le Samien Theodôros, et semble n’avoir connu qu’une seule personne appelée ainsi ; Diodore (I, 98) et Pausanias (X, 38, 3) donnent des récits différents au sujet de Theodôros, mais les preuves positives ne nous permettent pas de vérifier les généalogies, soit de Thiersch, soit de O. Müller. Hérodote mentionne (IX, 152), le Ήραϊον à Samos en le rattachant à des événements voisins de la trente-septième Olympiade ; mais ceci ne prouve pas que le grand temple, qu’il vit lui-même un siècle et demi plus tard, ait été commencé avant la trente-septième Olympiade, comme Thiersch voudrait le conclure. L’assertion de O. Müller, qui prétend que ce temple fut commencé dans la trente-cinquième Olympiade, n’est pas prouvée (Arch. der Kunst, sect. 53).

[50] Pausanias nous dit clairement que ce coffret fut dédié à Olympia par les Kypsélides, descendants de Kypselos ; et ceci semble assez croyable. Niais il dit aussi que c’était le même coffret que celui dans lequel Kypselos enfant avait été caché, croyant cette histoire telle qu’elle est racontée dans Hérodote (V. 92). Gluant à cette dernière opinion, je ne puis la partager avec lui, et je ne pense pas qu’il y ait de preuves pour croire que le coffret fait d’une date plus ancienne que les personnes qui le dédièrent, — quoique O. Müller et Thiersch pensent le contraire (O. Müller, Archaeol. der Kunst, sect. 57 ; Thiersch, Epochen der Griechischen Kunst, p. 169, 2e édit. ; Pausanias, V, 17, 2).