DE LA MORALE DE PLUTARQUE

 

PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION.

 

 

En appréciant cet ouvrage, le secrétaire perpétuel de l’Académie française, M. Villemain, disait que Plutarque y était peint avec vérité[1]. Le jugement avait d’autant plus de prix, que M. Villemain avait lui-même fait de Plutarque une étude particulière. Dans cette deuxième édition, qui a été entièrement remaniée, nous avons fait un nouvel effort pour le justifier. De bienveillantes critiques nous y ont aidé[2]. Nous sommes surtout très redevable à M. Ch. Lévêque qui a consacré à l’examen de notre travail un Mémoire savant et délicat[3].

En revoyant nos textes à quelque temps d’intervalle, nous espérons en avoir tiré des lumières nouvelles et une vue générale plus ferme. Plutarque comparait les grands écrivains à ces horizons qui ne se découvrent au voyageur que peu à peu à mesure qu’il avance, et il ajoutait qu’en présence des maîtres de morale l’homme trouve en soi ces changements de point de vue dans les progrès de l’âge, et comme dans les degrés chaque année plus élevés de l’expérience de la vie. C’est la bonne fortune qui lui est échue à lui-même : l’admiration croissante de ses lecteurs familiers, d’Amyot, de Montaigne, de J.-J. Rousseau, en fait foi. Toujours utile à relire, Plutarque est particulièrement bon à méditer dans les temps de crise. Il enseigne à prendre conscience de soi-même, à s’affermir dans le sentiment du devoir, à ne s’attacher qu’à la justice, à la vérité, et à ce qui est le caractère essentiel de la vérité et de la justice, à la modération. Les Grecs qui avaient étudié et représenté sous toutes les formes les trois grandes expressions des besoins éternels de l’âme humaine, le vrai, le beau, le bien, en rattachaient la règle supérieure au même principe : la mesure, l’harmonie. L’esprit de mesure était devenu, dans leur simple et profond langage, la marque de l’honnêteté, ou plutôt l’honnêteté même ; le none qu’ils appliquaient à l’homme de mesure leur servait à caractériser l’homme de bien. Plutarque est un des représentants les plus autorisés de cette sagesse, hors de laquelle il n’y a, pour les sociétés, comme pour les individus, ni vraie dignité, ni force durable.

1875.

 

 

 



[1] Rapport à l’Académie française sur les prix Montyon, 1867.

[2] Revue d’Édimbourg, janvier 1869 ; Cf. Revue britannique, janvier 1870 ; Revue de Bonn, septembre 1869 ; Revue contemporaine, 30 novembre 1868. Journal des Débats, 18 janvier 1867, etc.

[3] Comptes rendus des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, t. LXXXIV, p. 169 ; t. LXXXV, p. 285 ; Cf. Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1867.