HISTOIRE DES JUIFS

DEUXIÈME PÉRIODE — APRÈS L’EXIL

Troisième époque — La décadence

Chapitre XVIII — La guerre de Galilée — (66-67).

 

 

Le pays de Galil, — la Galilée, — dont la défense avait été confiée à Josèphe ben Matthia, était, par sa topographie, son étonnante fertilité, sa forte population, le poste le plus important après Jérusalem, dont il était comme le boulevard. Il se divisait en haute et basse Galilée.

Foyer de passions ardentes, patrie du zélateur Juda et de Jésus de Nazareth, la Galilée ne pouvait rester impassible en présence de la révolte de Jérusalem et de la défaite de Cestius. Elle se jeta dans la lutte avec cet élan primesautier qui ne calcule pas, qui ne laisse point de place à la réflexion. Et comment les Galiléens auraient-ils pu rester indifférents lorsqu’ils voyaient, dans leur voisinage immédiat, leurs frères égorgés par les gentils ? Journellement accouraient auprès d’eux des fugitifs judéens cherchant appui et protection. Eux-mêmes avaient tout à craindre des païens du voisinage. Aussi la plupart des villes, grandes et petites, se mettaient en mesure de résister à une attaque et attendaient les instructions du grand conseil de Jérusalem. Trois foyers d’insurrection se formèrent dans la Galilée : Gischala au nord, Tibériade au sud et Gamala en face de Tibériade, sur la rive orientale du lac. Les habitants judéens de Gischala furent en quelque sorte provoqués à la révolte. La population païenne des villes voisines, Tyriens, Soganiens et Gabaréniens, s’était coalisée contre Gischala, l’avait surprise, mise au pillage et détruite en partie par le feu. Alors un homme se rencontra qui se mit à la tète des Gischaliens exaspérés ; cet homme, qui devait soutenir jusqu’à la dernière heure la lutte suprême et devenir, avec Siméon Bar-Giora, la terreur des Romains, c’était Johanan (Jean), fils de Lévi. Jean de Gischala commença sa carrière en réunissant sous son drapeau les mécontents de la haute Galilée, en appelant à lui les fugitifs des villes syriennes, pour attaquer avec leur aide la population païenne des villes voisines et en châtier les déprédations. Jean était sans fortune et de complexion maladive ; mais c’était une de ces âmes de feu qui, maîtresses de leur corps, savent triompher des difficultés de la vie et forcer les circonstances à servir leurs desseins. Au début de l’insurrection de Galilée, il bornait son ambition à relever les murs de sa ville natale et à faire de Gischala le centre de la résistance, pour empêcher les ennemis du voisinage de recommencer leurs attaques et opposer un rempart de plus à la puissance romaine. Mais plus tard, s’étant enrichi en vendant de l’huile aux Judéens de Syrie et de Césarée de Philippe, qui ne pouvaient faire usage de l’huile des païens, il employa cette fortune à entretenir des bandes de patriotes. Il avait ainsi réuni plus de quatre mille hommes, dont le nombre grandit chaque jour.

A Tibériade, autre foyer de la lutte, le parti de l’insurrection avait à combattre des adversaires dévoués à Rome, et il en résulta de fâcheux tiraillements. La belle cité sise au bord du lac appartenait depuis plusieurs années au roi Agrippa, et, sous le gouvernement de ce prince, elle n’était pas trop malheureuse. Cependant la majeure partie de la population tenait pour les zélateurs et cherchait à se soustraire à l’autorité d’Agrippa. L’âme de la révolte, dans cette ville, était Justus ben Pistos[1], qui s’était initié à la culture hellénique et qui écrivit plus tard l’histoire de sa nation en langue grecque. Justus était doué d’une éloquence entraînante et pouvait exercer une puissante action sur le peuple ; toutefois, son influence se bornait à la classe aisée de la population. Il était secondé par un autre zélateur, Josué ben Sapphia[2], à qui obéissaient les classes inférieures, les bateliers et les portefaix de Tibériade. Ces deux hommes avaient contre eux un parti aristocratique, fort attaché à Agrippa et aux Romains, et dont les chefs étaient Julius Capellus, Hérode ben Miar, Hérode ben Gamala et Kompsé bar Kompsé. Mais ce parti n’avait aucune influence sur le peuple et ne put l’empêcher d’entrer de plus en plus dans la révolution. A la nouvelle de la défaite de Cestius, les gens de Tibériade, sous la conduite de Justus et de Josué ben Sapphia, entreprirent une expédition de représailles contre les villes dont les habitants avaient massacré d’une façon si odieuse leurs concitoyens judaïtes. — La ville de Gamala, sur la rive sud-est du lac, ville importante que sa situation élevée et ses abords difficiles rendaient presque inexpugnable, fut également poussée à la révolte par la haine de ses voisins de Syrie contre les Judéens.

Non loin de Gamala vivait une peuplade judéo-babylonienne qui, sous Hérode Ier, était venue s’établir dans la Batanée et y avait bâti plusieurs petites villes, ainsi que la forteresse de Bathyra. Les Babyloniens, comme on appelait cette colonie, étaient de fidèles partisans de la maison d’Hérode, et Philippe, un petit-fils du fondateur de la colonie, commandait les troupes d’Agrippa qui se battirent contre les zélateurs à Jérusalem. Lorsque les soldats d’Agrippa durent se rendre, leur chef fut sauvé, malgré l’avis de Menahem, par les Babyloniens qui se trouvaient dans les rangs des zélateurs, et cela grâce à sa promesse de se joindre à eux pour combattre les Romains. Cependant Philippe réussit à s’échapper de Jérusalem sous un déguisement et à rejoindre les siens. Son arrivée fut des plus désagréables à Varus, que le roi avait installé comme gouverneur à Césarée (ou Néromade) ; car Varus s’était bercé de l’espoir de remplacer Agrippa, que les partisans de Rome accusaient de favoriser sous main l’insurrection. Pour mener son projet à bonne fin, Varus excita les Syriens de Césarée de Philippe à tomber traîtreusement sur les Judéens, afin de supprimer des témoins gênants qui auraient pu dénoncer ses machinations à Agrippa. Mais, d’autre part, il craignait les Babyloniens et Philippe, qui chercheraient sûrement à venger le massacre de leurs coreligionnaires. Il résolut donc d’attirer Philippe auprès de lui afin de s’en débarrasser. Heureusement Philippe se trouvait alité, en proie à une fièvre violente, gagnée à la suite des derniers événements. Varus réussit néanmoins à attirer soixante-dix des principaux Babyloniens, qui furent massacrés pour la plupart. A cette nouvelle, les Babyloniens éprouvèrent une vive frayeur et, ne se sentant plus en sûreté dans leurs villes, ils se réfugièrent en toute hâte à Gamala. Ils brillaient de se venger non seulement de Varus, mais encore des Syriens qui l’avaient soutenu. Philippe, lui aussi, s’était réfugié dans cette forteresse et n’eut pas peu de peine à empêcher ses gens d’entrer en campagne. Même après la révocation de Varus par Agrippa, les Babyloniens de Batanée étaient encore tellement surexcités et disposés à se joindre aux ennemis des Romains, que le roi dut envoyer à Philippe l’ordre formel de les éloigner de Gamala et de les ramener en Batanée. De là une violente effervescence chez les habitants, et des démonstrations hostiles contre les Babyloniens qui les quittaient. Joseph, le fils d’une sage-femme, excita, par ses discours passionnés, la jeunesse de Gamala à se révolter contre Agrippa et à reconquérir son indépendance. Le volcan de la révolution s’était ainsi créé en Galilée plusieurs foyers d’éruption, et en maints endroits on en sentait gronder la flamme avant même que Josèphe ben Matthia eût pris le gouvernement du pays au nom du Grand Sanhédrin. Seule la ville de Sepphoris, qui était à vrai dire la plus importante de la Galilée, resta fidèle aux Romains et ne se laissa pas entamer par l’esprit de révolte. Aussi la Galilée entière était-elle vivement ulcérée contre Sepphoris. Les habitants de Tibériade étaient particulièrement irrités contre cette ville qui, sous Agrippa II, avait disputé le premier rang à la leur et avait été déclarée capitale du royaume. C’était précisément la tâche du gouverneur de la Galilée de rebâtir l’entente entre les deux villes et de gagner les habitants de Sepphoris à la cause de l’insurrection. Une grave responsabilité pesait donc sur Josèphe ben Matthia : il dépendait de lui que cette révolution, si désespérément poursuivie, touchât au but désiré ou se terminât par un tragique avortement. Malheureusement, Josèphe n’était pas l’homme qu’il fallait pour ce gigantesque effort, et ses actes ne servirent qu’à précipiter la ruine de l’État judaïque.

Josèphe ben Matthia, plus connu sous le nom de Flavius Josèphe, de Jérusalem (né en l’an 38, mort, selon toute apparence, en 95), était issu d’une famille sacerdotale fort considérée, et, par sa lignée maternelle, se rattachait, dit-on, à la famille des Hasmonéens. Grâce à une éducation soignée et à la fréquentation des docteurs, il possédait un certain acquis dans la science de la Loi. Il raconte lui-même avoir été, pendant trois ans, disciple d’un solitaire nommé Banus, qui vivait dans un désert, se nourrissait de fruits sauvages et, à la façon des Esséniens, se baignait tous les jours dans une eau vive. Avide de savoir, Josèphe songea aussi à s’approprier la culture grecque. A l’âge de vingt-sept ans, il eut occasion d’aller à Rome pour intercéder eu faveur de deux Pharisiens qu’on y retenait prisonniers. Introduit par un certain Alityros, comédien juif, auprès de l’impératrice Poppée, il réussit à obtenir l’élargissement de ses protégés, et Poppée, qui aimait les Judéens, lui fit en outre de riches cadeaux. Le séjour de Rome eut une influence décisive sur le caractère de Josèphe. L’éclat de la cour de Néron, l’activité étourdissante de la grande capitale, la majesté imposante des institutions romaines l’éblouirent si fort, que Rome lui sembla promise à l’éternité et spécialement protégée par la Providence. Il ne voyait pas, sous la pourpre et l’or, les ulcères qui rongeaient ce corps de géant, et dès ce moment, Josèphe devint un adorateur de la puissance romaine.

Cette admiration enthousiaste devait lui faire paraître bien mesquines et bien misérables les petites affaires de la Judée. Comme il dut rire des rêves de ces zélateurs qui ne parlaient de rien moins que de chasser les Romains de la Judée ! Apparemment, pensait-il, ces gens ont perdu l’esprit. Aussi essaya-t-il d’étouffer dans l’œuf leurs projets de révolution. Mais quand il vit le peuple courir aux armes et engager sérieusement la lutte, il se cacha dans le temple avec quelques autres partisans de Rome et n’osa en sortir que lorsque les zélateurs modérés, sous la conduite d’Éléazar, eurent la haute main dans Jérusalem. Craignant de s’attirer la colère des patriotes par ses sympathies notoires en faveur des Romains, Josèphe fit montre d’un profond amour pour la liberté, tandis qu’il se réjouissait eu secret de l’arrivée prochaine de Cestius, qui allait venir, avec toutes ses forces, mettre fin à tous ces beaux rêves d’indépendance. Toutefois, l’événement trompa ses espérances : Cestius dut opérer une retraite qui ressemblait à une fuite.

On ne peut guère s’expliquer comment Josèphe, l’ami des Romains, put se voir confier le gouvernement le plus considérable de la Galilée. Il en fut, sans aucun doute, redevable à son ami, le ci-devant grand prêtre Josué ben Gamala, qui jouissait d’une grande autorité dans le Conseil. Faut-il croire qu’il ait poussé l’hypocrisie jusqu’à se poser en fervent zélateur ? Il semble plutôt que l’héroïque effort de la révolution à Jérusalem et la défaite de Cestius aient produit, même sur l’âme prosaïque de Josèphe, une impression profonde. Sans doute, il considérait comme un rêve insensé l’espoir de s’affranchir absolument de la puissance romaine ; mais il pouvait croire que la résistance opiniâtre des Judéens forcerait l’empereur à certaines concessions, qu’il consentirait à laisser le gouvernement de la Judée au roi Agrippa et à lui rendre la situation qu’avait occupée son aïeul Hérode. C’est en effet pour Agrippa que Josèphe a travaillé, et, à ce point de vue, sa conduite n’a pas été tout à fait celle d’un traître et d’un malhonnête homme. Agrippa lui-même ne voyait pas la révolution de trop mauvais œil ; lui aussi espérait en tirer parti pour augmenter son pouvoir. Ce qu’il ne pouvait faire par lui-même, en sa qualité de vassal de Rome, il en chargeait Josèphe, avec qui il était intimement lié.

Le Sanhédrin adjoignit à Josèphe deux docteurs de la Loi : Joazar et Juda ; Josèphe en parle tantôt avec éloge, tantôt il les accuse de vénalité. Au fond, l’un et l’autre étaient nuls. Ils dis-parurent bientôt de la scène et, sur l’avis de Josèphe, s’en retournèrent à Jérusalem.

Dans les premiers temps de l’arrivée de Josèphe en Galilée, il parut avoir sérieusement à cœur d’entretenir le zèle révolutionnaire des Judéens. Il réunit une sorte de Sanhédrin, composé de soixante-dix personnes notables, à l’instar de celui de Jérusalem. Dans certaines régions du pays, il installa des fonctionnaires chargés de la juridiction criminelle, et confia, dans chaque localité, l’administration intérieure à sept des principaux citoyens. Il leva des troupes en Galilée, — environ cent mille hommes, affirme-t-il avec quelque exagération, — leur donna des armes, les dressa aux manœuvres des Romains, les habitua à une discipline sévère ; toutes choses indispensables à une nation militaire, mais de moindre importance pour un peuple exalté par l’amour de la liberté. Il forma même une troupe de cavalerie et prit à sa solde des corps francs (environ cinq mille hommes). Il s’entoura aussi d’une garde du corps composée de cinq cents hommes déterminés, qui obéissaient à son moindre signe. Il fortifia plusieurs villes de la haute et de la basse Galilée et y fit entasser des provisions de bouche. Bref, il prit, au début, d’énergiques mesures pour mettre le pays en état de défense. Dès son arrivée en Galilée, il ordonna, soit de son propre mouvement, soit sur l’invitation du Sanhédrin, la destruction du palais élevé par Antipas dans Tibériade, parce qu’on y voyait des figures d’animaux interdites par la loi judaïque. A cet effet, il avait convoqué les principaux habitants de la ville dans une bourgade voisine, Beth-Maon, et là il chercha à leur persuader de ne pas s’opposer à la destruction du palais. Mais pendant qu’il était en pourparlers avec Capellus et ses compagnons, Josué ben Sapphia le prévint, mit le feu à l’édifice et en distribua les richesses à ses hommes. Josèphe, mécontent, accourut à Tibériade pour saisir les trésors trouvés dans le palais et les confier à des mains sûres qui les garderaient au roi Agrippa. Par cette attitude ambiguë, Josèphe paralysait l’action des rebelles, bien loin de la favoriser.

Il haïssait particulièrement Jean de Gischala, dont l’activité infatigable et la supériorité intellectuelle excitaient sa jalousie, et qui pourtant, au début, respectait en lui le mandataire du Sanhédrin. Josèphe s’ingénia à multiplier les obstacles devant lui, comme devant tous les patriotes. Jean lui ayant demandé la permission de vendre le blé des redevances impériales en haute Galilée, et d’en employer le produit à rebâtir les murs de sa ville natale, Josèphe la lui refusa, et ce ne fut que sur les instances de ses deux collègues, Joazar et Juda, qu’il se décida à l’accorder. Éclairé désormais sur la duplicité de Josèphe, Jean se promit de faire tous ses efforts pour en prévenir les effets. Une occasion se présenta bientôt qui ouvrit les yeux aux Galiléens sur l’attitude louche du gouverneur.

Quelques jeunes gens de Dabaritta, petite ville près du mont Thabor, avaient pillé les bagages de la femme d’un intendant de Bérénice et du roi Agrippa, qui voyageait à travers le pays, et lui avaient enlevé une quantité de métaux précieux et de vêtements de luxe. Par attachement pour Agrippa, Josèphe eut soin de lui faire restituer cette prise, tandis qu’il faisait accroire aux jeunes gens qu’il la faisait expédier au trésor national de Jérusalem. Mais les gens de Dabaritta devinèrent la vérité et publièrent dans tout le voisinage que Josèphe était un traître, qui avait l’intention de livrer le pays aux Romains. Dés le lendemain, au point du jour, accoururent à Tarichée, prés du lac de Tibériade, les habitants des bourgs voisins, outrés de colère contre Josèphe. Josué ben Sapphia échauffa encore ces dispositions hostiles en prenant dans ses bras le livre de la Loi, et adjurant ses concitoyens de punir le traître, sinon pour eux-mêmes, du moins pour l’honneur du livre sacré. Déjà la foule, courant à la maison de Josèphe, allait y mettre le feu, et c’en était fait de lui, s’il n’eût eu recours à une ruse et à un mensonge qui le sauvèrent. Il se revêtit d’habits de deuil, suspendit son épée à son cou et s’avança ainsi, en posture de suppliant, dans l’hippodrome de Tarichée, de manière à exciter la compassion publique. Aussitôt qu’il put se faire entendre, il soutint effrontément et persuada aux Tarichéens qu’il ne gardait les objets ravis ni pour les remettre à Agrippa ni pour les envoyer à Jérusalem, mais pour les employer à fortifier les murs de leur ville. La foule crédule se paya de ces belles raisons et se prononça en sa faveur ; sur quoi, une viré altercation s’éleva entre les gens de Tarichée et ceux des autres bourgs, et Josèphe en profita pour rentrer furtivement dans sa maison. Cependant, de cette foule qui s’était calmée et dispersée à sa voix, il restait une centaine de mutins qui ne s’étaient laissé prendre aux paroles astucieuses de Josèphe. Ceux s’approchèrent de sa demeure et se disposèrent à l’incendier. Mais Josèphe sut attirer leur chef dans la maison, où, par son ordre, on le fustigea jusqu’au sang et on lui coupa le poing ; puis, ainsi mutilé il le jeta dehors au milieu de ses compagnons, qui s’enfuirent saisis d’horreur. De ce moment, tout espoir d’une résistance vigoureuse en Galilée était perdu. Josèphe ressemblait au génie de la discorde qu’on aurait chargé d’assurer la concorde. Il divisa la Galilée contre elle-même et y créa deux partis, dont l’un se groupa autour de lui et l’autre autour de Jean de Gischala.

Du côté de Jean étaient les patriotes ardents qui ne se faisaient plus illusion sur la duplicité de Josèphe, notamment les habitants de Gabara. Le reste de la population était avec Josèphe. L’esprit borné des Galiléens n’était pas capable de lire dans le double jeu qu’il jouait. Josèphe et Jean se portaient réciproquement une haine mortelle, mais ne le cédaient guère l’un à l’autre en ruse et en dissimulation.

Lorsque Jean eut acquis la certitude que la plupart des Galiléens, croyant aveuglément au patriotisme et à la bonne foi de Josèphe, le soutenaient de toutes leurs forces, il envoya son frère Siméon avec cent autres députés au Sanhédrin de Jérusalem, pour dénoncer sa conduite et pour demander sa révocation et son rappel. Le président du Sanhédrin, Siméon ben Gamaliel, qui était ami de Jean et qui se défiait de Josèphe, ainsi qu’Anan, l’ancien grand prêtre, appuyèrent cette proposition et obtinrent que le tribunat envoyât en Galilée quatre députés chargés de forcer Josèphe, par tous les moyens possibles, à résigner ses fonctions, et de le ramener mort ou vif à Jérusalem. Aux grandes communautés de Tibériade, Sepphoris et Gabara, le Sanhédrin adressa des missives déclarant Josèphe traître à sa patrie et les invitant à lui refuser tour concours. Le danger était grand pour le gouverneur. Mais il manœuvra avec tant d’art et d’activité qu’il déjoua les mesures prises contre lui. D’une part, en effet, il aimait trop ses fonctions pour y renoncer ; mais, d’autre part, il n’osait braver ouvertement l’autorité du Sanhédrin : aussi eut il recours à la ruse. Averti par son père des dispositions hostiles du Sanhédrin à son égard, il feignit d’être occupé des préparatifs de la lutte contre les Romains, et, aux sommations des délégués de se présenter devant le Sanhédrin, il répondit d’une manière évasive, tout en se déclarant volontiers disposé à abandonner sa charge. Il chercha surtout à rendre la population défavorable aux délégués. Ceux-ci coururent de ville en ville sans obtenir de résultat et faillirent même plus d’une fois être maltraités par les partisans de Josèphe.

Fatigués de ces pérégrinations, les délégués, conseillés par Jean, résolurent d’envoyer sous main des émissaires dans toute la Galilée, pour faire savoir que Josèphe était déclaré suspect et que chacun était délié de son obéissance. Informé de cette résolution par un dénonciateur, Josèphe, avec une promptitude digne d’une meilleure cause, fit occuper par ses gardes les défilés de la route qui conduisait aux villes voisines et à Jérusalem, avec ordre d’arrêter les émissaires et de les amener devant lui. Ensuite, il fit courir aux armes tous ses partisans des bourgs et des villages, et les ayant rassemblés autour de lui, il leur déclara qu’il était victime d’une machination infernale. Grâce à ces insinuations, la foule entra dans une violente colère contre les délégués. Pour donner le change à l’opinion publique et la prévenir en sa faveur, il choisit dans plusieurs villes des hommes d’esprit borné, qui se rendirent à Jérusalem pour exalter les bienfaits du gouvernement de Josèphe et prier le Sanhédrin de le laisser en Galilée et de rappeler les délégués à Jérusalem.

Ceux-ci, voyant qu’ils n’obtenaient aucun résultat, avaient quitté la haute Galilée et s’étaient rendus à Tibériade, dans l’espoir d’y trouver un appui plus sérieux. Josèphe les suivit pas à pas, et, plus habite qu’eux, sut confondre tous leurs plans. Dans leur embarras, les délégués du Sanhédrin avaient résolu, entre autres, d’ordonner un jeûne public, afin d’obtenir l’assistance divine en faveur de la lutte entreprise. Toute la population accourut dans la grande synagogue de Tibériade, qui pouvait contenir plusieurs milliers de personnes. Bien qu’il fût défendu d’y paraître en armes, Josèphe et ses sens s’étaient munis d’armes cachées sous leurs vêtements. Lorsque, la prière terminée, les discussions commencèrent, les adversaires de Josèphe ayant fait mine de vouloir l’arrêter, ses amis tombèrent sur les assaillants les armes à la main ; mais le peuple se rangea de son côté, et il échappa ainsi une fois encore au danger qui le menaçait.

Cependant les envoyés de Josèphe à Jérusalem et ses amis de la capitale avaient produit un revirement d’opinion en sa faveur. Le Sanhédrin rappela ses propres délégués et maintint Josèphe dans ses fonctions. Celui-ci renvoya les députés du Sanhédrin à Jérusalem, chargés de fers.

Tandis que Josèphe allumait ainsi en Galilée la guerre civile, bafouant le Sanhédrin, décourageant les patriotes et poussant l’importante ville de Tibériade à trahir la cause nationale, Sepphoris, la capitale de la Galilée, avait le champ libre pour entamer des négociations avec Rome.

Ce sera la honte éternelle de Josèphe d’avoir, par son impéritie, son égoïsme ou sa duplicité, brisé ainsi les forces de la Galilée, cette fière et belliqueuse province, le meilleur rempart de la Judée. Il avait, il est vrai, fortifié quelques villes ou, pour mieux dire, permis à leurs habitants de se fortifier; mais à l’arrivée des Romains, il n’y avait ni armée ni population pour les arrêter. Chaque ville forte était réduite à ses propres ressources ; à bout de forces et de confiance, Ies Galiléens étaient devenus sinon peureux, du moins égoïstes. On aurait peine à croire à tant de perfidie et d’indignité chez Flavius Josèphe, sil ne nous les révélait lui-même avec un incroyable cynisme. Tout le bénéfice obtenu par quatre mois de luttes dans Jérusalem, Josèphe l’anéantit en cinq mois de gouvernement, avant même que l’ennemi eût paru dans le pays (novembre 66 — mars 67).

Jusque-là, cependant, les Romains n’avaient guère encore fait de tentatives sérieuses contre la Judée. Néron était alors en Grèce, où il quêtait les applaudissements de la foule en jouant de la cithare et conduisant son char dans la carrière. C’est là qu’il reçut la nouvelle foudroyante de la révolte des Judéens et de la défaite de l’armée romaine commandée par Cestius. Néron trembla devant cette révolution de Judée, qui pouvait avoir un contrecoup énorme. Autre nouvelle inattendue : Cestius Gallus venait de mourir, et l’on ne savait si c’était de mort naturelle ou de la douleur de sa défaite. Néron choisit donc pour diriger la campagne de Judée le meilleur de ses généraux, Flavius Vespasien, le glorieux vainqueur des Bretons. Si grande était la frayeur causée par la révolte des Judéens et ses conséquences possibles, qu’on donna à la Syrie un gouverneur spécial, Licinius Mucianus, chargé de veiller sur les mouvements des Parthes. Vespasien était alors en disgrâce, et Néron dut se faire violence pour lui confier des forces si considérables. Mais il n’avait pas le choix ; pour dompter la Judée, il fallait un bras vigoureux.

Ce fut pendant l’hiver de l’an 67 que Vespasien quitta la Grèce pour se rendre sur le théâtre de la guerre. Il fit à Ptolémaïs les préparatifs de l’expédition. Son fils Titus, qui gagna ses éperons dans cette guerre de Judée, lui amena d’Alexandrie deux légions, la Ve et la Xe, ces farouches Decumani, dont les Judéens d’Alexandrie avaient éprouvé la férocité et que ceux de Palestine allaient connaître à leur tour. A Ptolémaïs accoururent auprès de Vespasien les princes du voisinage, même Agrippa et sa sœur Bérénice, tous offrant leurs hommages et leurs troupes au général romain et témoignant ainsi de leur dévouement à Rome. Agrippa, il est vrai, était forcé jusqu’à un certain point de prendre ouvertement parti pour Rome contre la révolution judaïque, car les habitants de Tyr l’avaient accusé auprès de Vespasien d’être de connivence avec les rebellés. Pour dissiper tous les soupçons, il lui fallait déployer un excès de zèle. Dans le même temps, sa sœur Bérénice nouait avec Titus une intrigue amoureuse qui dura de longues années ; elle était beaucoup plus âgée que le fils de Vespasien, mais sa beauté avait résisté au poids des années.

L’armée avec laquelle Vespasien comptait triompher de l’insurrection judaïque se composait de corps d’élite et de troupes alliées, au nombre de plus de 50.000 hommes, outre le train des équipages qui suivait habituellement les légions. Les préparatifs ne furent terminés qu’au printemps, et la campagne s’ouvrit par l’expédition de corps détachés chargés de balayer les bandes de partisans qui infestaient les routes conduisant aux places fortes de la Galilée. Plus prudent que son prédécesseur Cestius, Vespasien, loin de procéder avec précipitation, mena la guerre, depuis le commencement jusqu’à la fin, avec cette lenteur calculée qui dispute le terrain pied à pied à l’adversaire. Josèphe, avec ses bandes, ne pouvait guère lui tenir tête, et il dut se retirer de plus en plus à l’intérieur. Chaque fois qu’il accepta la lutte, il éprouva une défaite. Son armée n’avait pas cette confiance qu’un général dévoué peut seul inspirer à ses troupes ; aussi ses soldats se dispersaient-ils dès que l’ennemi se montrait. Tout autre était l’esprit des Galiléens qui marchaient sous la conduite de Jean de Gischala. Lorsque les Romains s’approchèrent de la forteresse de Jotapata, les habitants de cette ville les chargèrent avec impétuosité, et, bien qu’ils ne pussent rompre les rangs serrés de l’ennemi, ils se battirent si vaillamment qu’ils mirent son avant-garde en fuite.

Le plan de campagne de Vespasien comprenait d’abord la conquête de la Galilée, parce qu’il ne voulait pas laisser d’ennemis derrière lui dans sa marche vers la Judée. L’armée romaine s’avança donc vers les forteresses du nord de la Galilée, notamment Gabara et Jotapata. Gabara, dépourvue de défenseurs, fut aisément prise, puis livrée aux flammes. Toute la population fut passée au fil de l’épée, sur l’ordre du général, comme victime expiatoire de la défaite des Romains devant Jérusalem. Toutes les petites villes et les villages des environs eurent le même sort : leurs habitants furent massacrés ou vendus comme esclaves. Ainsi, dès le début, la guerre prenait un caractère de sauvage vengeance. Pour Josèphe, il se tenait à l’écart dans Tibériade, terrifiée et consternée par sa fuite. En ce moment déjà, il songeait à passer à l’ennemi, mais une sorte de honte le retenait encore : déserter ainsi dès le début de la guerre, c’était par trop d’ignominie. Il écrivit donc au Sanhédrin pour lui dépeindre la situation, lui demander des instructions et des ordres : fallait-il entamer des négociations avec l’ennemi ou continuer la lutte ? Dans ce dernier cas, il réclamait des renforts. Ainsi, la Galilée, dont la population était plus dense que celle de la Judée et qui comptait plus de trois millions d’âmes, avait déjà besoin de renforts, tant elle était affaiblie et désorganisée par la coupable conduite de Josèphe.

De Gabara, Vespasien se dirigea sur Jotapata ; mais, pour y arriver, l’armée romaine dut se frayer à grand’peine un chemin, car les Judéens avaient barré les défilés, obstrué les vallées et rendu les routes impraticables. Le rocher sur lequel était bâtie la ville est entouré de collines escarpées, séparées de la forteresse par des précipices profonds. La place n’était accessible que par le côté nord; mais les habitants avaient fortifié cette route par un retranchement et par plusieurs tours. On y avait accumulé des quartiers de rocher, des javelots, des flèches, des frondes, des moyens de défense de toute sorte. C’est là que les Romains dirigèrent leurs attaques. Ils dressèrent soixante machines de siège qui lançaient sans interruption sur la forteresse des javelots, des pierres et des brandons garnis de matières inflammables. Toutefois, les assiégés se défendirent avec un désespoir et un mépris de la mort qui lassèrent leurs ennemis. Ils repoussèrent plusieurs assauts, détruisirent à mainte reprise les travaux de siège, firent même des sorties habiles et parfois heureuses. Après plus de quarante jours de siège (17 iyar — 1er tammuz), les Jotapatiens tenaient encore, et la ville ne fut prise que par la trahison d’un transfuge qui indiqua aux ennemis un poste peu garni de défenseurs. Les Romains, avant le point du jour, pénétrèrent par cet endroit dans la ville, surprirent les guerriers fatigués et assoupis et les massacrèrent jusqu’au dernier. Beaucoup de Judéens se donnèrent eux-mêmes la mort en se perçant de leur épée ou en se jetant du haut des murailles. Ce siège coûta la vie à 10.000 hommes, et plus d’un millier de femmes et d’enfants furent réduits en esclavage. La forteresse fut rasée (1er tammouz ; juin 67). Jotapata montra par son exemple, au reste du pays, comment il fallait mourir en gardant l’honneur sauf. Quelques jours auparavant, Jappa (Japhia), près de Nazareth, qui devait inquiéter les derrières de l’ennemi, était tombée en son pouvoir.

Josèphe était venu à Jotapata avant le siège de la ville, et avait, au début, dirigé la résistance. Bientôt, la jugeant inutile, il songea à quitter la place, mais les habitants l’en empêchèrent. Lorsqu’elle tomba au pouvoir de l’ennemi, il se cacha dans une citerne où s’étaient déjà réfugiés quarante guerriers judéens. Cependant leur retraite fut révélée aux Romains, qui sommèrent Josèphe de se rendre. Celui-ci, écartant toute hésitation, était prêt à sortir et à se rendre aux Romains, sur l’assurance que lui avait donnée son ami Nicanor d’avoir la vie sauve ; mais ses compagnons lui mirent l’épée sur la gorge et menacèrent de le tuer s’il déshonorait le judaïsme par une telle lâcheté. Forcé de céder au nombre, Josèphe dut se soumettre à la résolution commune de se donner la mort. Les malheureux fugitifs jurèrent d’exécuter leur résolution et, fidèles à leur serment, s’entr’égorgèrent tous. Seul, Josèphe, qui lui aussi avait juré de mourir, manqua de parole aux morts, comme il l’avait fait aux vivants. Resté seul avec le dernier de ses compagnons, il le désarma, moitié de gré, moitié de force, puis il se rendit aux Romains. Vespasien le traita avec beaucoup d’égards et comme s’il n’avait jamais vu en lui un ennemi. Josèphe, à la vérité, fut mis aux fers et placé sous bonne garde, mais seulement pour la montre. En effet, Vespasien lui permit de se choisir une femme parmi les prisonnières, et de porter un riche vêtement ; il le combla de présents et le donna pour compagnon à son fils Titus.

Après la destruction de Japha et de Jotapata, vint le tour de la ville maritime de Joppé. Peu de temps après, Tibériade tomba également au pouvoir des Romains. Les habitants, fatigués et démoralisés par leurs luttes avec Josèphe, ne firent aucune résistance et ouvrirent leurs portes. Ainsi, un an après le soulèvement de Jérusalem, la Galilée, qui s’était levée, toute frémissante de patriotisme, pour défendre sa liberté et la religion des ancêtres, était presque tout entière réduite en cendres, sa population détruite ou captive et plus esclave que jamais. Pour Agrippa, l’on put voir, en cette occurrence, que ce n’était pas uniquement la politique ni la crainte des Romains qui l’avaient armé contre son peuple. Vespasien avait laissé à sa discrétion les prisonniers originaires de ses États. Il pouvait les relâcher ou leur infliger un châtiment : il préféra les vendre comme esclaves.

Trois places fortes restaient encore aux mains des zélateurs de Galilée : Gamala, la forteresse du mont Thabor, et Gischala dans l’extrême nord. Grâce aux efforts de deux chefs de zélateurs, Joseph de Gamala et Charès. Gamala s’était soulevée. En vain le lieutenant du roi Agrippa l’assiégea pendant plusieurs mois ; les zélateurs tinrent bon. Vespasien lui-même marcha alors contre cette ville (24 éloul). La lutte engagée sous les murs de Gamala fut une des plus héroïques de toute cette guerre.

Pendant plusieurs jours, les assiégés défendirent la ville du haut des ouvrages extérieurs, avec un acharnement digne de leur compatriote, Juda le Galiléen. A mesure que les machines romaines arrivaient à la hauteur des remparts, les assiégés se repliaient dans l’intérieur de la ville, à laquelle ils faisaient pour ainsi dire un rempart de leurs corps. Au bout de trois semaines de siège, les machines avaient fait une petite brèche au mur, par où un certain nombre de guerriers romains pénétrèrent dans la place. Les habitants se réfugièrent dans le quartier haut, suivis de près par les Romains, qui s’égarèrent dans les rues étroites et tortueuses et furent assaillis à coups de pierres lancées du haut des toits. Déconcertés par cette furieuse attaque, les Romains essayèrent de se sauver sur les toits des maisons les plus basses, qui ne purent supporter ce poids et s’écroulèrent en les ensevelissant sous leurs ruines. Les gens de Gamala poursuivirent les fuyards en leur jetant d’énormes quartiers de roche, si bien que la retraite leur devenait presque impossible. Cela se passait pendant la fête des Tentes. Ce fut un beau jour pour Gamala, un jour de victoire, mais d’une victoire chèrement payée. Sous les cadavres des Romains gisaient entassés ceux d’une foule de Judéens, héros dont la perte était irréparable. Charès, un des chefs, était blessé à mort. Le lendemain, l’ennemi attira les Judéens sur une tour qu’il faisait semblant d’attaquer, mais cette tour était minée et elle s’écroula avec un fracas épouvantable, ensevelissant sous ses décombres les braves défenseurs de la ville avec leur dernier chef survivant, Joseph, le fils de la sage-femme. Inutile, dès lors, de songer à une plus longue résistance. Les Romains entrèrent dans la ville et égorgèrent tout ce qui leur tombait entre les mains, environ 4.000 hommes. Près de 5.000 autres se donnèrent eux-mêmes la mort ; et de toute la population de Gamala, il ne survécut que deux jeunes filles.

Dans cet intervalle, la forteresse du mont Thabor (l’Itabyrion) avait été également prise, grâce à un stratagème de Placidus. Cette forteresse était située sur une hauteur abrupte, isolée de toutes parts, et qui s’élève sur la plaine de Jezréel, à près de 1.600 pieds du sol. Cette position la rendait inexpugnable. Mais Placidus, par une fuite simulée, attira au dehors les défenseurs de la forteresse ; puis il fit faire volte-face à sa cavalerie, qui massacra les poursuivants. Ceux qui étaient restés dans la place, jugeant la résistance impossible, s’enfuirent par l’autre côté de la montagne, vers Jérusalem. Les habitants, affaiblis et souffrant du manque d’eau, durent se rendre.

La petite ville de Gischala, oit commandait Jean et qui comptait peu de défenseurs, ne pouvait tenir contre les Romains. Lorsque Titus s’en approcha avec des forces considérables et somma la garnison de se rendre, Jean lui demanda un armistice d’un jour, ce jour était précisément celui du sabbat, et il profita de cette trêve pour quitter la ville avec plusieurs milliers d’habitants. Le lendemain, Gischala ouvrit ses portes, et ses murailles furent rasées. Titus envoya un corps à la poursuite de Jean, mais celui-ci, qui avait de l’avance, put gagner Jérusalem. Quant à ceux des fugitifs qu’on put atteindre, ils furent massacrés, sans distinction d’âge ni de sexe. Ce fut l’agonie de la Galilée vaincue. Cependant, les Romains étaient tellement épuisés par ces luttes sanglantes, et leurs rangs s’étaient tellement éclaircis, que Vespasien dut accorder un peu de repos à son armée et remplir les nombreux vides qu’y avait faits la mort.

 

 

 



[1] Juste de Tibériade, historien et ennemi de Flavius Josèphe.

[2] Autrement prénommé Jésus.