SAINT POTHIN ET SES COMPAGNONS MARTYRS

 

LIVRE TROISIÈME. — MARTYRS DE L'ANNÉE 178.

CHAPITRE PREMIER. — Epipode et Alexandre.

Leur portrait. — Amitié qui les unit. — Leurs progrès dans les sciences et la vertu. — Leur arrestation et leur martyre. —Traduction de leurs Actes. — Lucie ; le peu que nous savons sur cette veuve chrétienne. — Prodiges qu'elle opère au moyen d'une des chaussures d'Epipode. — Grotte où furent cachés les corps d'Epipode et d'Alexandre. — Ce que devinrent leurs reliques. — Main d'Alexandre conservée dans l'église de Saint-Just. — Homélie attribuée à saint Eucher en l'honneur des deux martyrs. — Étude critique sur les Actes de saint Epipode et de saint Alexandre.

 

Le président de Lugdunum se flattait d'en avoir fini avec les sectateurs du Christ, d'avoir noyé le nom chrétien dans le sang des martyrs. Cette illusion, dans laquelle il aimait à s'entretenir, ne tarda pas à lui être enlevée. Il ne fut pas moins surpris qu'irrité lorsqu'une dénonciation, faite par des esclaves, vint le tirer d'une erreur chère à sa vanité. Au mépris des ordres impériaux, deux jeunes gens d'illustre famille, Epipode et Alexandre, persistaient à pratiquer le culte proscrit, et cela en plein Lugdunum, dans une ville témoin naguère de sanglantes exécutions.

Epipode et Alexandre nous offrent un double type de l'amitié chrétienne. Dans la galerie des quarante-huit martyrs de Lugdunum, l'écolier chrétien pouvait regretter de ne trouver pas à qui emprunter des exemples pour son âge et la direction de ses études. Epipode et Alexandre comblent cette espèce de lacune. Ils semblent avoir été ménagés par la divine Providence pour servir de modèles à la jeunesse des écoles, avoir été détachés de Pothin et de ses compagnons afin de frapper mieux les regards des jeunes gens appelés à se modeler sur eux.

Ils sont beaux à contempler, ces deux adolescents, dans l'épanouissement de leur jeune intelligence, l'innocence de leur affection mutuelle, le précoce héroïsme de leur courage. Cette candeur du premier âge, cette fleur de pureté qui les caractérisent, exhalent un parfum qui pénètre et embaume. Nobles esprits, cœurs ardents, âmes viriles, leur physionomie, attrayante pour tous, a un charme spécial pour le jeune homme qui se prépare à l'avenir par la culture de l'intelligence et la discipline de la volonté. Dans Epipode et Alexandre, la jeunesse studieuse trouve un autre Basile et un autre Grégoire. Comme les deux amis d'Athènes, ceux de Lugdunum ne connaissaient guère que deux chemins, l'un qui conduisait à l'oratoire de Pothin, l'autre aux écoles chrétiennes. L'âme ouverte à tout ce qu'il y a de grand, de noble, de généreux, ils rivalisaient d'ardeur à profiter du double enseignement, religieux et littéraire, qu'ils puisaient aux mêmes sources. Cultiver de concert leur esprit par les belles connaissances, leur cœur par la pratique de la vertu ; élever leur vie à la hauteur où les provoquait la perfection évangélique ; se prêter un mutuel appui de conseils, d'encouragements et de prières, tel était le but de leur commerce, le charme de leurs entretiens, le lien, la consécration de leur amitié. Ces souvenirs, si gracieux de fraîcheur, si édifiants d'innocence, il appartient aux élèves des écoles de Lyon de les recueillir comme un legs précieux, de les raviver, de s'en inspirer dans leurs rapports avec leurs compagnons d'étude.

D'après les Actes de ces deux martyrs, Alexandre était Grec de nation. Un peu plus jeune qu'Alexandre, Epipode avait vu le jour à Lugdunum. Ils étaient tous les deux d'un sang noble, et, ce qui vaut mieux, ils avaient, paraît-il, sucé la foi avec le lait, trouvé la religion assise au foyer de leur famille. L'amitié qui les unissait, prit naissance de bonne heure. Formée sous les meilleurs auspices, elle leur fut un puissant aiguillon pour s'avancer à la fois dans les lettres et la vertu. Aussi bien doués du côté de l'esprit que du côté du cœur, ils firent dans l'une et l'autre carrière des progrès dont leur humilité rapportait toute la gloire à Dieu.

Epipode et Alexandre doivent être rangés parmi les enfants spirituels de Pothin ; ils appartiennent à cette forte race, à cette génération énergique, dont le premier évêque de Lugdunum fut le père. Assidus aux réunions des fidèles, ils recevaient l'enseignement chrétien de la bouche de leur évêque ; de sa main sacrée, le pain mystique, le corps du Christ. Ils entendirent aussi le prêtre Zacharie ; ils vécurent dans la société de Vettius Epagathus, d'Attale, d'Alexandre le médecin et des autres, surtout dans celle de Ponticus et de Maturus ; adolescents comme eux. Nul doute qu'ils ne fissent servir l'influence de leur talent et de leur naissance à répandre l'Évangile parmi les jeunes gens de leur âge.

La persécution ayant éclaté à Lugdunum, Epipode et Alexandre ne crurent pas devoir abandonner cette ville. Tout en prenant les précautions suggérées par la prudence, ils partagèrent les émotions de la crise religieuse, ils en suivirent les différentes péripéties. En l'année 177, la tempête passa sur leur tête sans les atteindre. Cependant, animés d'une noble ambition, ils aspiraient aux honneurs du martyre. Afin d'appuyer devant Dieu leur candidature, ils pratiquaient la tempérance, la chasteté, les œuvres de miséricorde. Leurs vœux ne tardèrent pas à être exaucés ; le Seigneur les élut à la gloire du grand témoignage, moins d'un an après la mort de saint Pothin et de ses compagnons.

Après l'horrible boucherie qui avait marqué les fêtes augustales, le président de Lugdunum s'imaginait avoir purgé la ville de tous les adorateurs du Christ ; il crut donc pouvoir laisser reposer le glaive. Comme les autres chrétiens qui avaient survécu, Epipode et Alexandre profitèrent de ce répit pour respirer après l'orage. Le calme ne devait pas être de longue durée. Moins d'un an après, la persécution se ralluma aussi violente que jamais. Les esclaves attachés au service des deux amis se trouvaient naturellement dans le secret de la religion pratiquée par leurs maîtres. Ces derniers, qui ne s'étaient pas mis suffisamment en garde de ce côté, furent victimes d'une indigne trahison. Fanatisme païen, ou bien espoir d'une riche récompense, leurs esclaves les dénoncèrent comme chrétiens. Dans la situation d'esprit où se trouvait le président, il est aisé de concevoir l'impression produite sur ce magistrat par une pareille dénonciation. Aussitôt il fait appel à ses agents, il lance des soldats à la poursuite des chrétiens dénoncés, et ordonne aux bourreaux de préparer les supplices. Pour ces deux jeunes gens, la position n'était plus tenable à Lugdunum. Avertis à temps, ils purent, à la faveur des ténèbres, se glisser hors des murs et se réfugier à Pierre-Scise.

Dans ce faubourg, vivait une veuve chrétienne ; nommée Lucie, échappée, comme plusieurs autres fidèles, au dernier massacre. Epipode et Alexandre, qui la connaissaient pour l'avoir rencontrée souvent aux réunions présidées par le bienheureux Pothin, vont frapper à sa porte et lui demander un asile. La courageuse Lucie n'hésite pas à leur donner une hospitalité qu'elle peut payer elle-même de la vie. Dans la modeste demeure de cette veuve, ils échappèrent quelque temps aux recherches dirigées contre eux. A la fin, les soldats du président furent mis sur leurs traces et découvrirent leur retraite. Comme ils essayaient de s'évader par une petite porte, Epipode, dans la précipitation de la fuite, perdit une de ses chaussures. Lucie la recueillit précieusement et la conserva comme un trésor. En récompense de sa foi aussi bien que de sa généreuse hospitalité, le Seigneur lui accorda le pouvoir d'opérer des prodiges au moyen de cette relique.

Saisis et chargés de chaînes, Epipode et Alexandre furent jetés en prison, avant même d'avoir été interrogés. Comme ils étaient reconnus pour chrétiens, ce nom, qui impliquait aux yeux des magistrats la preuve des plus grands crimes, fit passer par dessus les règles ordinaires de la procédure. Bientôt ils furent traduits séparément au pied du tribunal. Le président voulait ainsi les priver de l'excitation que leur courage pouvait recevoir de leurs encouragements mutuels, de leur exemple réciproque. Mais, sépares de corps, ils ne laissèrent pas de s'accorder dans la fermeté d'une même confession ; ils repoussèrent avec une égale énergie les efforts tentés pour séduire leur foi, pour abattre leur constance. De guerre lasse, le président condamna Epipode à être égorgé, Alexandre à mourir sur une croix. Epipode fut immolé avant son noble ami ; il le précéda de deux jours seulement au séjour où se cueillent les palmes immortelles. Inséparables pendant la vie, la mort les réunit tous les deux dans la gloire d'un même triomphe.

Ces détails nous sont fournis par les Actes de leur martyre. Nous allons donner la traduction de ces Actes, nous réservant d'y revenir pour en signaler le caractère et la valeur historique.

ACTES DES SAINTS ÉPIPODE ET ALEXANDRE.

Si, pour l'exemple de la postérité, l'histoire recueille les exploits des héros qui, dans un but de gloire stérile, ont succombé pour leur liberté personnelle ou les intérêts de leur patrie, laissant derrière eux les monuments périssables de leurs humaines vertus, de quels éloges ne devons-nous pas relever la mort des martyrs, de ces hommes qui, élevant pour la dernière fois leurs mains vers le ciel, nous ont laissé, comme dans un admirable abrégé, des exemples de foi et de piété, faisant ainsi servir leur mort à nous donner la vie ? Ils ont versé leur sang, non pour un prince de la terre, mais pour le Roi du ciel ; non pour cette patrie qui nous donne un berceau, puis un tombeau, dont on jouit quelque temps pour la perdre ensuite, mais pour la Jérusalem céleste, pour cette immortelle patrie qui, fondée sur les mérites des saints, élève sa tête dans les cieux, dont les habitants sont à l'abri de la mort, où l'on jouit d'une liberté qui ne connaît point le joug infernal, d'une liberté unie à l'immortelle gloire et au bonheur éternel. Bien qu'on ne puisse donner qu'une faible idée de la récompense des martyrs, les épreuves de cette vie n'ayant pas de proportion avec la grandeur d'une gloire éternelle et sans fin, toutefois rien de plus digne d'être transmis aux siècles à venir que leurs immortels triomphes. S'il n'est pas donné aux fidèles de souffrir pour Jésus-Christ, rien de plus propre que ces triomphes à leur inspirer une ardeur qui les porte à imiter les martyrs en mortifiant leurs sens, et, par ce moyen, à vivre d'une vie pure. Voilà pourquoi nous allons retracer les luttes et les victoires des bienheureux Epipode et Alexandre, dans lesquels le Christ triompha par sa grâce. Cet exemple, placé sous les yeux des chrétiens, animera leur foi, excitera dans leur cœur le désir d'imiter ces modèles.

La dix-septième année de l'empereur Antonin Vère, la persécution qui sévissait dans les provinces, se déchaîna avec une extrême violence sur la ville de Lugdunum. La rage des païens s'y porta à des excès d'autant plus grands, que cette cité comptait une population plus nombreuse. Magistrats, juges, tribuns, soldats, gens du peuple, tous à l'envi firent endurer aux chrétiens, sans distinction de sexe, toute sorte de supplices. Les noms de plusieurs sont arrivés jusqu'à nous, avec les circonstances de leurs souffrances. D'autres, en plus grand nombre, sont demeurés inconnus, pour avoir été confondus dans un massacre général, ou pour avoir succombé dans les fers et l'obscurité des cachots. Leurs noms ne se trouvent inscrits qu'au livre de vie. Après cet horrible carnage et ce déchaînement cruel, que les très-illustres Églises de Vienne et de Lugdunum firent connaître par écrit aux Églises d'Asie et de Phrygie, les païens s'imaginèrent avoir éteint complètement le nom du Christ. Ce fut alors qu'Epipode et Alexandre, trahis par leurs esclaves, furent dénoncés au président comme pratiquant en secret le culte chrétien. Afin de faire disparaître dans leurs personnes les restes d'une religion abhorrée, ce magistrat donna l'ordre de les rechercher et de ne rien oublier pour les saisir.

Mais avant d'en venir aux circonstances de leur martyre, il faut dire un mot de leur caractère et de leur naissance. Alexandre était Grec de nation ; pour Epipode, il avait vu le jour à Lugdunum. Jeunes encore, ils fréquentaient tous les deux les mêmes écoles. Dès l'enfance, ils s'étaient unis par les liens d'une amitié toute virile. Leur affection croissait avec les progrès qu'ils faisaient dans les lettres, et ils s'avançaient ainsi dans les voies qui conduisent au Seigneur. Ils étaient chrétiens, avaient reçu de leurs illustres parents une éducation digne de leur naissance, et cependant ils ne laissaient pas de s'exciter mutuellement à une pratique plus parfaite de la religion. Or, par la tempérance, la pauvreté, la chasteté, la foi, les œuvres de miséricorde, ils préparaient dans leurs personnes des victimes dignes d'être offertes à Dieu. Ils y réussirent si bien, que la gloire du martyre vint couronner en eux le mérite d'une vertu consommée. Ils brillaient tous les deux dans la fleur de la jeunesse, et n'étaient point engagés dans les liens du mariage. La persécution sévissant à Lugdunum, ils songèrent à suivre le conseil de l'Évangile. Mais comme ils ne pouvaient fuir d'une ville dans une autre, ils cherchèrent un abri dans les lieux où ils se trouvaient. S'étant donc glissés secrètement hors des murs de la ville, ils se retirèrent dans le faubourg de Pierre-Scise, et se cachèrent seuls sous le toit d'une veuve chrétienne fort dévouée à la religion. Grâce à la fidélité de cette femme et à la simplicité de sa demeure, ils restèrent quelque temps cachés dans ce lieu. Mais enfin l'activité des recherches finit par les découvrir ; ils furent arrêtés au passage étroit d'une petite chambre, au moment où ils prenaient la fuite. Dans sa précipitation pour échapper aux mains des soldats, Epipode perdit une de ses chaussures. La charitable veuve l'ayant trouvée, la conserva comme un trésor.

Faits prisonniers de la sorte, ils furent jetés dans les cachots avant même d'avoir été interrogés : le nom seul de chrétien était regardé comme la preuve des plus grands crimes. Trois jours après, ils furent amenés, les mains liées derrière le dos, devant le tribunal du président. Ce juge cruel leur demanda leur nom, leur profession, en présence d'une multitude frémissant de fureur. Epipode et Alexandre déclinèrent leur nom, et confessèrent hautement qu'ils étaient chrétiens. Alors le juge s'irrite, la populace pousse d'horribles clameurs, tous s'élèvent avec rage contre les deux innocents. Le président s'adresse aux accusés et décharge contre eux sa colère en ces termes : Il se trouve encore des hommes qui osent insulter aux immortels, fouler aux pieds les ordonnances des princes, et, par un même crime, braver à la fois l'empereur et les dieux. A quoi donc ont servi les supplices infligés ? A quoi les croix, le glaive, les bêtes, les lames ardentes ? A quoi la vengeance exercée au delà 'Dème du trépas des impies ? Ces hommes ne sont plus, une tombe leur a été refusée, et la mémoire du Christ n'est pas éteinte ! Misérables ! quelle audace est la vôtre, de persévérer dans la pratique d'un culte proscrit ! Vous allez porter la peine de votre audacieuse témérité.

De crainte qu'ils ne s'encouragent l'un l'autre, qu'ils ne s'animent dans les souffrances par paroles ou par gestes, Alexandre, plus robuste et plus âgé que son ami, est éloigné. Pour Epipode, il est appliqué à la question. Ce jeune homme, abandonné à lui-même, ne devait pas, vu la faiblesse de son âge, opposer une grande fermeté au président, du moins ce magistrat l'estimait ainsi. Il vint donc à Epipode avec les ruses de l'ancien serpent ; il tourna contre le jeune martyr l'art empoisonné de la flatterie. Je suis touché de ta jeunesse, lui dit-il. Non, tu ne peux te livrer à la mort en persévérant dans l'obstination de tes coupables pensées. Nous adorons les dieux immortels, les dieux reconnus par tous les peuples, vénérés sous leurs véritables noms par nos augustes princes. Dans le culte de ces divinités, nous faisons entrer la joie, les festins, la musique, les jeux, les plaisirs. Vous, chrétiens, vous adorez un homme crucifié qui ne peut souffrir ces jouissances, qui repousse la joie, recommande les jeûnes, condamne les plaisirs, chérit une chasteté triste et inféconde. Quel bienfait attendre d'un homme qui n'a pu se défendre contre les êtres les plus vils ? J'ai bien voulu te faire ces représentations pour t'engager à fuir cette religion austère, à passer ta jeunesse dans la joie et les plaisirs de ton âge, à jouir du bonheur que le monde peut t'offrir.

Le bienheureux Epipode lui répondit : L'amour que je professe pour le Christ et la foi catholique ne me laissera pas surprendre à la douceur étudiée de tes paroles. Dans cette compassion je ne vois que cruauté. Vivre avec vous, c'est mourir de la mort éternelle ; périr de votre main, est une source de gloire. Ce Jésus-Christ, Seigneur immortel, dont tu viens de rappeler le supplice, tu ne sais pas qu'il est ressuscité ; que, Dieu et homme tout ensemble par un mystère ineffable, il a ouvert à ses serviteurs la route de l'immortalité, qu'il les conduit au royaume céleste. Mais, pour me mettre à la portée de ton esprit, qui ne peut s'élever à la sublimité de ces mystères, ton aveuglement va-t-il jusqu'à ignorer que l'homme est composé d'une double substance, d'un corps et d'une âme ? Chez nous, l'âme commande et le corps obéit. Les infamies dont vous honorez vos dieux flattent le corps, mais elles donnent la mort à l'âme. Quelle vie que celle où la plus précieuse partie de notre être est sacrifiée ! Nous prenons le parti de l'âme contre le corps, et nous la défendons, cette âme, des atteintes du vice. Vous faites un dieu de votre ventre ; et, semblables à des animaux, après vous être saturés de plaisirs, vous pensez que la fin de la vie présente est l'anéantissement de votre être. Pour nous, lorsque nous périssons par votre ordre, vos tourments que font-ils autre chose que de nous enlever aux maux du temps et de nous ouvrir les portes de la vie éternelle ?

A cette réponse, le juge demeura un instant partagé entre le dépit et l'admiration. Enfin, l'aiguillon de la colère se faisant vivement sentir, il fit frapper à coups de poing le siège de cette admirable éloquence, c'est-à-dire la bouche du martyr. La douleur ne fit qu'affermir la constance d'Epipode ; et, malgré le sang qu'il rendait avec ses dents brisées, il ne laissa pas de s'écrier : Je confesse que le Christ est un seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit ; il est juste que je rende mon âme à Celui qui est mon Créateur et mon Rédempteur. De la sorte, la vie ne m'est point ôtée ; elle est changée en une vie meilleure. Il importe peu de quelle manière ce misérable corps cesse de vivre, pourvu que mon âme, s'élevant dans les cieux, fasse retour à son Créateur. Dès qu'Epipode eut achevé ces courageuses paroles, le juge irrité le fit élever sur le chevalet ; deux licteurs furent placés, l'un à droite, l'autre à gauche, pour lui déchirer les flancs avec les ongles de fer. Soudain le peuple fait entendre d'horribles clameurs ; il demande qu'on lui abandonne le martyr pour assouvir sa rage ; il veut accabler Epipode sous une grêle de pierres, ou bien le mettre en pièces. La cruauté du juge semblait trop lente au gré de la fureur populaire. Le président craignit que la multitude ne se portât à de plus grands excès, qu'elle n'en vînt à se révolter, à méconnaître la dignité de son caractère et de son autorité. Pour apaiser donc l'aveugle fureur du peuple, et pour ôter tout motif à ce tumulte, il fit enlever promptement Epipode de l'enceinte du tribunal, et ordonna de le frapper du glaive. Ainsi, par une disposition divine, ce soulèvement et cette rage n'eurent d'autre effet que de précipiter la fin du martyr, d'envoyer plus tôt ce serviteur, victorieux des supplices et des bourreaux, au Christ rémunérateur, lequel est béni dans les siècles.

Amis dès l'enfance, les bienheureux Epipode et Alexandre, devenus adolescents, furent élevés dans la crainte du Seigneur ; ils y furent affermis dans leur jeunesse. Enfin, unis comme ils l'étaient dans les mêmes sentiments et la pratique des mêmes vertus, le Seigneur les fit parvenir également à la palme du martyre. Mais, dans la distribution des couronnes, Jésus-Christ notre Seigneur disposa les choses de telle sorte, que ces deux soldats, associés dans la confession de son nom, furent séparés dans leur mort. C'est donc avec raison qu'une double fête a été établie en leur honneur, car ces deux solennités se succèdent à un jour d'intervalle ; mais nous réunissons ces martyrs dans une même vénération. A chacun de ces jours, en effet, n'est pas attribué un culte unique, mais nous rendons deux fois le même hommage à ces deux saints. Avant-hier nous célébrions l'entrée triomphante de saint Epipode dans le ciel ; aujourd'hui nous félicitons le bienheureux Alexandre d'être parvenu au royaume céleste. Mais revenons au récit de ses souffrances.

Après le supplice du martyr Epipode, le juge, les mains encore teintes de son sang, avait soif de celui d'Alexandre. Le président avait laissé ce dernier en prison, remettant son interrogatoire au surlendemain. Alors il le traduisit à ses pieds, afin de satisfaire, par le supplice du martyr, son propre dépit et la fureur du peuple irrité. Avant tout, cependant, il essaya de le séduire en lui disant : Tu es encore maître de ta destinée ; il ne tient qu'à toi d'échapper au sort de ceux qui t'ont précédé, et d'apprécier ta situation. Nous avons fait si bonne guerre aux sectateurs du Christ, que tu restes à peu près seul de ces misérables. Car, sans parler des autres qui ont été mis à mort, ton compagnon a succombé, victime de sa folie. Si donc tu as quelque souci de la vie, viens offrir de l'encens aux dieux immortels.

Le bienheureux Alexandre lui répondit : Grâce à Dieu, les triomphes de nos martyrs, leurs tourments que tu rappelles, ces glorieux exemples ne font qu'affermir ma religion. Penses-tu donc avoir fait périr les âmes que tu as chassées de leurs corps ! Elles sont en possession du ciel. Contrairement à tes idées, ce sont les bourreaux qui ont succombé dans le combat. Ton erreur est grande : le nom chrétien ne peut être détruit ; Dieu lui a donné un appui si solide, que la vie des fidèles le protège, et que leur mort sert à le répandre. Notre Dieu est le maître du ciel, son ouvrage ; il possède la terre ; il règne par sa justice dans les enfers. Ces âmes, que tu crois anéanties, sont reçues dans le royaume céleste, au lieu que vous serez enfermés dans les enfers avec vos dieux. Je le sais, mon frère bien-aimé repose dans la félicité suprême ; c'est une raison pour moi d'entrer avec plus de confiance dans la voie du martyre. Je suis chrétien, je l'ai toujours été, et ne cesserai de l'être pour la gloire de Dieu. Tu peux tourmenter mon corps ; formé de terre, sa faiblesse donne prise aux puissances de ce monde. Quant à mon âme, puisse Celui qui me l'a donnée la protéger et la recevoir dans son sein !

Ces paroles ne firent qu'augmenter la honte et la fureur du président. Par son ordre, Alexandre fut étendu sur le chevalet, les jambes écartées, et il fut frappé par trois bourreaux. Le confesseur ne perdit rien de sa fermeté au milieu de ces tourments ; aucune parole indigne ne sortit de sa bouche, mais il s'adressait à Dieu pour lui demander son secours. Un long temps s'était déjà écoulé, les bourreaux s'étaient relayés à plusieurs reprises, sans que le courage du patient se fût démenti. Alors le gouverneur lui demanda s'il persévérait dans sa confession. Alexandre lui répondit, avec une fermeté inébranlable, que les divinités des païens étaient des démons et non des dieux ; que le Dieu tout puissant, invisible, éternel, était le gardien de sa foi.

Alors le juge dit : Telle est la folie des chrétiens, qu'ils mettent leur gloire dans la durée des tourments, et croient par là triompher de ceux qui les poursuivent ; il faut donc les livrer à un prompt supplice. Attendu que le spectacle d'une telle opiniâtreté, ainsi que le récit qui peut en être fait, sont choses intolérables, qu'on attache Alexandre à une croix, et qu'il finisse sa vie comme il le mérite. Après cette sentence, les bourreaux, cruels ministres du gouverneur, se saisirent du saint, et l'attachèrent, bras et mains étendus, sur le signe salutaire. Les souffrances du martyr ne furent pas de longue durée. Son corps fut frappé avec tant de cruauté, déchiré de telle sorte, que ses côtes enfoncées et sa chair mise en lambeaux laissaient voir ses entrailles à découvert. Il était absorbé dans le Christ, il lui adressait sa prière dernière, lorsqu'il expira, lui rendant son âme bienheureuse.

La mort venait de séparer deux amis qui avaient toujours vécu dans l'union la plus étroite ; ils furent réunis dans un même tombeau. Les chrétiens ayant enlevé leurs corps, les transportèrent secrètement hors de la ville, et les enterrèrent dans un endroit caché. Sur une éminence qui domine la cité, se trouvait un lieu couvert d'arbres touffus ; là, le terrain déprimé s'enfonçait de manière à former une grotte dérobée aux regards par les arbustes et les broussailles, fourré naturel comme on en voit sur les pentes où s'écoulent les eaux. Cette caverne fut choisie pour y déposer les dépouilles d'Epipode et d'Alexandre. Car, dans leur fureur, les païens refusaient aux martyrs le repos de la sépulture, et s'acharnaient encore contre leurs restes inanimés. Cette grotte, objet d'un culte religieux, entourée d'honneurs par les chrétiens, devint ensuite célèbre par de nombreux prodiges, preuve éclatante de la puissance des saints.

Un peu plus tard, une épidémie exerçant de cruels ravages dans la ville de Lugdunum, un jeune homme de famille noble, en proie aux ardeurs de la fièvre, fut averti en songe de s'adresser pour sa guérison à la veuve qui avait conservé la chaussure du martyr Epipode. Elle lui répondit qu'elle n'entendait rien à la médecine ; toutefois elle lui avoua qu'elle avait opéré de nombreuses guérisons au moyen de la chaussure qu'elle devait à son hospitalité. Bientôt après, Lucie bénit un verre d'eau et le présenta an malade[1]. Celui-ci n'eut pas plutôt pris ce remède, que le feu de la fièvre s'éteignit, non par une cause naturelle, mais par un effet de la puissance divine. Le bruit de cette guérison se répandit dans toute la ville. Ensuite, plusieurs reçurent la santé du corps, et avec la santé le don de la foi ; le remède opéra et sur le corps et sur l'âme, et pour le temps et pour l'éternité. Les merveilles ne tardèrent pas à se multiplier dans ce lieu : les démons sont chassés, les infirmes sont guéris, les malades rendus à la santé. Ces miracles, et de plus grands encore, sont si fréquents, que l'incrédulité elle-même est obligée de se rendre à l'évidence des faits. Recevons-les donc ainsi que les récits qui nous les rapportent ; car, si Dieu se plaît à faire éclater sa puissance, sa force et sa bonté en faveur des âmes dociles et fidèles, il abandonne ceux qui doutent. Ne refusons pas plus croyance aux prodiges qui nous sont racontés, qu'a ceux que nous voyons de nos propres yeux, prodiges opérés sous le règne du Christ, auquel est la gloire dans les siècles des siècles. Amen[2].

Les Actes des saints martyrs Epipode et Alexandre, reproduits par Surins, Henschénius et dom Ruinart, ont échappé aux recherches de plusieurs autres collecteurs hagiographiques. Les Martyrologes font mention des deux saints amis, sous les dates des 22 et 24 avril, jours de leur martyre. Florus, dans ses additions au Martyrologe de Bède, Adon, Usuard, Notker, et tous les autres martyrologistes, parlent de trente-quatre chrétiens qui souffrirent à la même époque. Cette circonstance indique que la persécution n'avait rien perdu de sa première violence. Ces trente-quatre témoins du Christ composent la seconde légion de martyrs donnés au ciel par l'Église de Lugdunum. Les Actes que nous venons de traduire ne parlent pas d'eux ; il faut donc que Florus et Adon aient puisé cette particularité dans la tradition orale ou écrite de l'Église de Lyon.

Quant à la veuve chrétienne qui abrita les deux amis dans sa modeste demeure, nous sommes dépourvus de renseignements à son égard ; sa figure reste voilée à nos yeux. Lucie ne nous est guère connue que par le fait signalé dans les Actes des saints Epipode et Alexandre. Elle y est qualifiée de veuve religieuse et fidèle. Cette qualification donnerait à penser qu'elle appartenait au corps des diaconesses formé par le bienheureux Pothin. Quoi qu'il en soit, pour la récompenser, le Seigneur permit que la chaussure d'Epipode devînt entre ses mains l'instrument de nombreux miracles[3]. Lucie paya-t-elle de sa tête la généreuse hospitalité donnée par elle aux deux saints martyrs, ou bien, après une vie pleine de mérites, s'endormit-elle paisiblement de la mort des justes ? Nous l'ignorons. La charitable veuve fut enterrée dans un des faubourgs de la ville, vraisemblablement celui de Pierre-Scise. Après sa mort, Dieu se plut à manifester sa sainteté par d'éclatants prodiges[4]. C'est sans doute sur ce fondement qu'un auteur lui donne le titre de sainte[5]. Toutefois, l'Église de Lyon ne lui a jamais rendu un culte public ; le nom de Lucie ne parait nulle part dans la liturgie lyonnaise. Elle n'est mentionnée ni dans le Martyrologe d'Adon, ni dans les additions de Florus à celui de Bède ; elle n'a pas trouvé place non plus dans le Catalogue des saints de Lyon, par le P. Théophile Raynaud.

Il ne serait pas sans intérêt de savoir où se trouvait la caverne dans laquelle furent cachés les corps de saint Epipode et de saint Alexandre. Malheureusement les indications données ne peuvent être d'aucune utilité, après les bouleversements successifs qui ont changé la physionomie du sol. Où reconnaître la dépression de terrain mentionnée dans les Actes ? Où retrouver cette grotte entourée d'un rideau d'arbres, cachée aux regards par un épais fourré de ronces et d'arbustes[6] ? Tout ce que l'on peut dire, c'est que cette grotte, convertie en martyrium, devint bientôt le centre du culte décerné aux saints Epipode et Alexandre ; c'est que de nombreux prodiges y furent opérés par le Seigneur pour glorifier ces deux martyrs et récompenser la confiance des fidèles. Leurs dépouilles mortelles demeurèrent en ce lieu probablement jusqu'au triomphe définitif du christianisme. A cette époque, elles durent être relevées et transportées solennellement dans la crypte de Saint-Jean l'Évangéliste. Cet oratoire, placé plus tard sous le vocable de saint Irénée, avait été, comme nous l'avons dit, consacré par le bienheureux Pothin. Ce qui n'est pas douteux, c'est que saint Irénée ayant été immolé pour Jésus-Christ, son corps y fut déposé ; c'est qu'au vie siècle les reliques de saint Epipode et de saint Alexandre y reposaient à droite et à gauche de celles du second évêque de Lyon[7].

Ces trois corps, trésor de l'église qui les abritait, attirèrent longtemps le pieux concours des fidèles. Dans la suite, les invasions des Barbares, les guerres où la ville de Lyon fut entraînée, ses luttes intestines, et surtout l'affaiblissement de la foi, toutes ces causes réunies firent oublier Epipode et Alexandre, perdre de vue leurs ossements. De là cette vive contestation qui s'éleva, au commencement du XVe siècle, entre les chanoines de Saint-Irénée et ceux de Saint-Just. Les uns et les autres prétendaient posséder dans leur église les corps des deux saints amis, avec celui de saint Irénée. Le cardinal Pierre de Turey, légat du Saint-Siège, fut chargé par Alexandre V d'examiner cette affaire, et de prononcer sur les prétentions rivales. Après examen des titres et inspection des reliques, le cardinal reconnut le droit des chanoines de Saint-Irénée et leur donna gain de cause. Nonobstant cette décision, les chanoines de Saint-Just ne se tinrent pas pour battus. La cause fut portée successivement devant le sénéchal du Lyonnais et devant le parlement de Paris. Enfin elle fut terminée par une décision de Jean, patriarche de. Constantinople, légat a latere du Saint-Siège, rendue le 12 août 1413 ; ce prélat déclara que les trois corps en litige se trouvaient dans l'église de Saint-Irénée[8].

Les corps des saints Epipode et Alexandre demeurèrent dans la crypte de Saint-Irénée jusqu'à la prise de Lyon par les calvinistes, en 1562. A cette époque néfaste, les tombeaux des deux martyrs furent violés et leurs précieux restes jetés au feu. Au milieu du désordre, les catholiques purent sauver quelques ossements de saint Epipode, et la main gauche de saint Alexandre. Malheureusement les reliques de saint Epipode, arrachées aux flammes allumées par les huguenots, ont disparu pendant la Terreur. Quant à la main de saint Alexandre, elle nous a été conservée d'une manière qui mérite d'être connue. Voici ce que nous lisons dans un opuscule de M. Meynis :

Après le siège de notre ville, un dimanche 10 novembre 1793, le clergé schismatique ayant été chassé de toutes les églises qu'il desservait, des commissaires de section s'installèrent dans celle de Saint-Just, et la dévastation commença. On fit main basse sur tout ce qui pouvait avoir quelque prix ; ce fut alors notamment que la croix de jaspe, le calice et la rose d'or donnée aux chanoines par Innocent IV, disparurent. Les reliques furent en partie jetées dans le feu, en partie foulées aux pieds ou délaissées dans le cimetière qui était joint à l'église ; la tête de saint Just fut au nombre de ces dernières.

Or, le 1er août 1819, M. Antoine Caille, ancien prêtre perpétuel de la collégiale de Saint-Just, alors chanoine d'honneur de l'église métropolitaine, vit venir à lui deux femmes, dont l'une, la rougeur sur le front, lui dit qu'après avoir participé au pillage de l'église, pendant la Terreur, son mari, rentrant dans sa maison, tira de sa poche une main qu'il lui remit en disant : Prends et cache vite. Cet homme, connu par ses méfaits, ayant péri ensuite dans une réaction civile, la relique était demeurée cachée pendant prés de vingt-six ans, lorsqu'une amie de la femme dont il est question, l'ayant aperçue, insista vivement, pour qu'elle ne demeurât pas plus longtemps enfouie.

M. Caille, ayant donc reçu la relique qu'on lui apportait, convoqua les prêtres de l'ancien clergé de Saint-Just qui vivaient encore ; ils étaient au nombre de cinq. Tous, après un examen attentif, reconnurent que c'était la main de saint Alexandre qu'ils avaient vénérée autrefois, savoir la main gauche de ce saint martyr, attenante aux fragments des os de l'avant-bras, dont l'un plus long que l'autre, et qui avait été jetée dans le feu par les calvinistes. On dressa un procès-verbal, où les diverses dépositions furent consignées et revêtues des signatures de ceux qui les avaient faites. Cette pièce fut ensuite soumise à l'autorité diocésaine, qui la sanctionna et permit d'exposer la relique à la vénération des fidèles. La fête de saint Alexandre fut fixée dès lors, pour la paroisse de Saint-Just, au second dimanche après Pâques, jour auquel on la célèbre sous le rit solennel mineur[9].

La main de saint Alexandre se voit aujourd'hui dans un reliquaire en vermeil, oblong, de forme carrée, et flanqué de colonnes torses. Tout autour se déroule la légende : S. Alexander, martyr lugdunensis, amicus Epipodii. C'est un don de M. le chanoine Antoine Caille[10].

Une chapelle dédiée à saint Epipode s'élevait autrefois près de la barrière de Pierre-Scise. Le clergé de la cathédrale y allait tous les ans chanter les premières vêpres du martyr[11].

Nous avons sur les saints Epipode et Alexandre une homélie généralement attribuée à saint Eucher. Ce discours, prononcé pour la fête de ces deux martyrs, forme le digne pendant de l'homélie en l'honneur de sainte Blandine. L'évêque de Lyon s'y élève à une haute éloquence ; à la noblesse de ses accents, à la beauté des pensées, à la pureté relative de la diction, on croirait lire un morceau d'une meilleure époque.

Comme dans l'homélie pour sainte Blandine, saint Eucher débute en s'inspirant du patriotisme chrétien : Si le culte des martyrs indigènes, si des honneurs rendus à des protecteurs qui nous sont propres, nous inspirent une joie spéciale, ce culte et ces honneurs doivent aussi provoquer en nous un sentiment d'une nature particulière... Nous possédons dans leur intégrité les restes précieux des bienheureux Epipode et Alexandre... Nous avons en eux un autre Pierre, un autre Paul[12]... Ces martyrs, dont la poussière se répand de tout côté, reçoivent partout un culte parfait. Mais rien ne saurait leur être plus doux, plus agréable que la piété de ceux qui habitent les lieux où ils succombèrent à l'horreur des tourments... Ainsi, mes très-chers, pour conserver la foi, pour suivre nos devoirs religieux, nous n'avons pas à aller chercher bien loin des instructions ; nous avons, pour nous instruire, les leçons de nos pères ; pour nous encourager, des exemples domestiques. Ce chaleureux appel est soutenu par l'abondance des pensées et la richesse des expressions.

Ensuite, saint Eucher emploie une prosopopée aussi saisissante que naturelle ; il donne la parole à ses héros pour adresser aux fidèles des avis inspirés par le zèle épiscopal. Apprenez, fait-il dire aux deux martyrs, apprenez par notre exemple à chercher la foi pour la trouver, à vivre pour cultiver cette vertu, à mourir pour la conserver. Apprenez à craindre le péché plus que le glaive ; apprenez à aimer plus que la vie la foi, la justice, la crainte de Dieu, et cela pour la vie éternelle. Cette crainte de Dieu que nous avons conservée au milieu des combats, gardez de la perdre au milieu de la paix et de la sécurité qu'elle produit. Cette ancre de l'espérance et de la religion que nous avons retenue au milieu des flots, n'allez pas l'abandonner dans le port. Nous sommes descendus' pour la lutte dans l'arène de ce monde, n'espérez pas y trouver la félicité. Le bonheur peut être préparé sur la terre, il ne peut y être goûté.

Dans la dernière partie de cette homélie, l'éloquent évêque répond aux pensées qui pourraient s'élever dans les esprits contre la foi : A la vue des souffrances des saints, la pensée vous viendra que le Seigneur n'a point d'yeux pour ce qui nous regarde ; qu'il ne s'inquiète pas des hommes, qu'il ne prend nul souci des choses d'ici-bas. Saint Eucher répond avec autant de force que de justesse : Ô vous, qui que vous soyez, qui considérez les travaux des saints, pourquoi ne pas contempler aussi leur récompense ? Jetez un regard sur le monde, voyez les saints apôtres et les martyrs. L'adversité les met sur le chemin qui conduit au bonheur ; leur perte a tourné à leur salut : en leur fermant les portes de la vie, elle leur a ouvert celles de la gloire ; en leur enviant la terre, elle leur a préparé le ciel... Que le serviteur de Dieu soit exposé à l'adversité, c'est épreuve et non délaissement. Puisqu'il en est ainsi, c'est bien faussement qu'on déplore le sort de celui dont la vertu ne reçoit aucune atteinte. Autre objection qui peut tenter la foi : si, dès ce monde, le Dieu tout puissant ne punit pas le péché, le mal échappe à sa connaissance ; ou bien il le favorise en tardant trop à le punir. Mais, répond saint Eucher, rien n'échappe à Celui qui pénètre, remplit et déborde tout de sa présence... N'en doutez pas, il sait tout, Celui qui vous dit d'entrer dans l'oratoire de votre conscience pour prier, qui a une oreille pour vos pensées, une oreille pour les sentiments de votre cœur. Qu'il condamne les péchés et les crimes, les paroles des prophètes, les leçons des apôtres, les oracles des évangélistes le prouvent évidemment. En mettant sous nos yeux des châtiments terribles, en nous menaçant du feu éternel, il porte ici-bas la sentence, mais il renvoie la peine à l'autre vie. Ici-bas il tire le glaive, il ajourne le châtiment après la mort.

Enfin, saint Eucher termine, en manière de péroraison, par une opposition d'un grand effet. Nos pères, dit-il, ont eu à lutter contre l'atrocité des tourments, nous, au contraire, nous avons à nous défendre contre les séductions de la volupté ; ils ont triomphé de la flamme, soyons vainqueurs en repoussant les traits enflammés du vice. En foulant le démon sous leurs pieds, ils ont chargé sur leurs épaules les dépouilles de la mort, gardons-nous de dépouiller le Christ dans la personne du pauvre ; par la vertu de leur foi, ils se sont immolés en sacrifice à leur Dieu, prenons garde que les blessures du péché ne fassent de nous des victimes de l'ennemi. Méditons les exploits de ces héros, et cependant engageons la lutte contre nos passions. Nous le savons, il peut y avoir guerre sans persécuteur ; Dieu peut donc nous accorder le mérite du martyre sans que nous ayons à répandre notre sang[13]. On le voit, cette homélie n'a rien perdu de son à-propos ; elle peut nourrir nos méditations, élever nos âmes comme celles des auditeurs auxquels s'adressait l'évêque de Lyon.

Quelques auteurs attribuent à ce même saint Eucher les Actes des saints Epipode et Alexandre. Ceci nous ramène à ce monument. Nous allons l'étudier avec l'attention qu'il mérite.

Bientôt après le martyre des deux saints amis, on s'occupa d'écrire l'histoire de leurs souffrances et de leur mort. Saint Irénée, successeur du bienheureux Pothin sur le siège de Lugdunum, dut présider à la rédaction de ce récit, le revêtir de son approbation épiscopale. Cette pièce dut être ensuite déposée dans les archives de la communauté chrétienne, être ajoutée à la Lettre des Églises de Vienne et de Lugdunum, dont elle formait comme un appendice. Ces Actes primitifs, approuvés par Irénée, pouvons-nous les reconnaître dans ceux qui nous sont parvenus ? Nous ne le pensons pas. Ces Actes ne présentent pas en tout la pureté de la couleur antique ; nous n'y trouvons pas cette simplicité, cette brièveté, qui, de l'avis des critiques[14], caractérisent les pièces originales des premiers âges chrétiens. Manifestement ils ont subi la regrettable épreuve d'une retouche. Deux ou trois siècles après la persécution de Lugdunum, une main étrangère a pris la plume et brodé sur ce fond des ornements de plus d'une sorte. Comment ce travail légendaire, disons mieux, car l'abus que l'on a fait de cette expression en a faussé le sens, comment cette paraphrase a pu s'exécuter, comment elle a pu nuire au premier récit au point de le faire négliger et enfin disparaître, il n'est pas trop difficile de l'expliquer.

Le martyre des saints Epipode et Alexandre n'avait pas été marqué par une suite de circonstances qui prêtât à une longue narration. Les Actes revêtus de la signature d'Irénée devaient donc se réduire à une page d'une médiocre étendue ; ils devaient être rédigés avec cette sobriété, sorte de style lapidaire qui était le style du genre. C'était assez pour l'édification des fidèles, et aussi pour conserver aux âges futurs la mémoire des deux saints martyrs. Personne n'eût osé y introduire la moindre modification, alors que la rédaction en était récente, qu'elles étaient protégées par la signature encore fraîche d'Irénée. Plus tard, des temps vinrent où l'on crut pouvoir retoucher ce monument sans déroger au respect qui lui était dû. Après tout, pensait-on, de quoi s'agissait-il ? D'allonger par une périphrase la brièveté du récit, d'en relever la simplicité par quelques agréments de style ; le tout dans un but d'ornementation qui ferait ressortir les faits sans leur porter aucune atteinte. Du reste, on ne faisait que suivre un exemple déjà donné. Effectivement, les premiers essais de ce genre commencent à s'accuser vers la fin du IVe siècle ; les paraphrasistes se donnent plus libre carrière dans le IVe et le Ve siècles ; dans les VIIe, VIIIe et suivants, ils perdent toute mesure ; les additions de leur façon surchargent, étouffent même le texte primitif.

En Occident, les traditions du bon goût et de la belle langue avaient fléchi de bonne heure, emportées par le mouvement d'une décadence parallèle. Les chrétiens lettrés. prêtres et laïques, n'avaient pas échappé à cette influence générale. Dans les IIIe, IVe et Ve siècles, les jeux d'esprit, les pensées recherchées, les images extraordinaires, l'emphase du ton, l'emploi d'une fausse rhétorique, tous ces ornements étaient devenus à la mode, trouvaient faveur auprès du plus grand nombre. La littérature chrétienne s'en empara comme étant très-propres à rehausser la gloire des saints. Au point de vue où l'on se trouvait placé, on ne voyait aucun inconvénient à retoucher, pour les embellir à sa manière, des Actes que l'on avait le mauvais goût de trouver de forme ou trop brève ou trop sévère. De plus, à l'exemple des historiens grecs et latins, on imagina, toujours à très-bonne intention, d'introduire un élément dramatique dans les passions des martyrs, de faire parler, pérorer présidents et accusés. Ces discours, prêtés aux confesseurs, aux juges et autres personnages, feraient bon effet ; ils traduiraient les sentiments intimes de ces acteurs différents, ils ouvriraient une source d'intérêt et d'édification pour les lecteurs. Aujourd'hui, nous sommes bien revenus d'un pareil procédé. En histoire, nous n'admettons que les discours authentiques ; nous repoussons à bon droit toute pièce de pure rhétorique, toute fiction oratoire, si éloquente, si vraisemblable même qu'elle soit. Mais enfin, ce goût, qui n'est pas le nôtre, c'est moins ici le lieu de lui faire le procès, que de le constater pour les IVe, Ve, VIe siècles et suivants.

Ce travail de retouche, que nous déplorons plus que personne, n'était pourtant point abandonné à la libre imagination du premier venu : il était surveillé de près par les évêques. Le fait suivant, rapporté par Grégoire de Tours, en est une preuve éclatante. Le clerc attaché à la chapelle de saint Patrocle de Troyes, copia, pendant une nuit, la légende de ce saint, qui lui avait été prêtée par un étranger de passage dans la ville. Le lendemain matin, il n'eut rien de plus pressé que d'aller montrer à son évêque la copie de cette légende. Mais le prélat, le soupçonnant d'avoir fabriqué lui-même cette pièce, lui fit subir un rude châtiment[15]. Le paraphrasiste était donc soumis au contrôle, à la censure de l'autorité ecclésiastique. De plus, il avait des règles qui devaient présider à son travail. Les Actes les plus anciens lui étaient un texte qu'il devait respecter dans ses moindres détails ; sa tâche consistait à travailler sur ce fond, à le faire ressortir au moyen d'accessoires littéraires.  Défense à lui d'élaguer, de trancher dans le vif ; il devait procéder par addition et non par retranchement, par développement et non par élimination. Et encore y avait-il tel élément, le miracle par exemple, qui n'admettait aucune modification, qui devait être reproduit dans la rigueur du texte. Ces limites qui lui étaient tracées, il devait s'y renfermer avec un scrupule religieux. A ces conditions, on lui concédait de rafraîchir des Actes anciens, de les rajeunir ; on lui passait de les émailler de quelques fleurs, d'y introduire des dialogues, d'y semer des figures de rhétorique. De la part des évêques, c'était condescendance pour le goût régnant, c'était tolérance plutôt qu'approbation. Ainsi la paraphrase se renfermait dans des procédés de pure décoration ; c'était affaire de forme, et nullement de fond ; tout se bornait à donner à des pièces anciennes la saveur des choses nouvelles, dans le but de mêler l'agréable à l'édifiant.

C'est pour avoir méconnu ces principes que des écrivains rejettent les passions et les Actes des martyrs, comme n'ayant aucune valeur. Suivant eux, ces pièces auraient été rédigées par l'ignorance, fabriquées par des moines crédules et trompeurs ; les monastères auraient été des officines de légendes faites à plaisir. D'après Sismondi, les légendes du VIIe et du VIIIe siècles seraient de pieuses fictions sans aucune réalité historique, et qui, n'ayant ni racine ni base dans les monuments historiques, ne mériteraient que le mépris des critiques sérieux[16]. Une telle appréciation accuse dans son auteur ignorance ou mauvaise foi.

Ce qu'il y a de plus regrettable dans le travail des paraphrasistes, c'est que le remaniement opéré par eux entraîna la perte de bon nombre d'Actes primitifs. Voici comment. Ces Actes, qui servaient aux pieuses lectures des fidèles, furent d'abord entourés d'un respect religieux. Avec le temps, ils perdirent faveur, furent mis de côté et remplacés par d'autres, identiques pour le fond et répondant mieux, par les agréments de la forme, au goût de l'époque. Alors, relégués dans les archives, ces monuments anciens n'étaient plus reproduits par la transcription, les copies en devenaient de plus en plus rares ; puis venait un jour où un incendie, le sac d'une ville, ou tout autre accident, les anéantissait en faisant disparaître le dernier manuscrit. C'est ainsi que l'on peut expliquer la perte de plusieurs de ces Actes. Toutefois, le fond du récit ayant été généralement respecté dans les reproductions qui en furent faites, la possession de ces dernières pièces nous est chose fort précieuse.

Il suffit de parcourir les Actes que nous possédons sur le martyre des saints Epipode et Alexandre, pour reconnaître qu'ils ne sont pas de première main ; ils n'exhalent pas le parfum d'antiquité que respire la Lettre des Églises de Vienne et de Lugdunum ; ils ne présentent pas le cachet des pièces primitives ; un art postérieur s'y révèle à des marques non équivoques. Dans le prologue, l'auteur débute avec une emphase qui sent trop le rhéteur. Généralement il soigne sa phrase plus qu'il ne sied au genre ; dans le choix des expressions, il va quelquefois jusqu'à la recherche ; il flanque les vocables d'épithètes prétentieuses ou inutiles ; enfin il prèle aux deux martyrs et à leur juge des discours de son crû. Ces taches, qu'il faut mettre au compte de son siècle autant qu'au sien propre, ne nous empêchent pas de voir dans cet auteur un homme de savoir et de lettres : il ne dit rien qui ne convienne parfaitement à l'époque où souffrirent Epipode et Alexandre ; son style a de bonnes qualités ; on y reconnaît, malgré les défauts signalés, la touche d'un écrivain habile. Dire, comme dom Ceillier, qu'il a travaillé sur de bons mémoires[17], ne nous paraît pas suffisant ; nous croyons qu'il avait sous les yeux les Actes du IIe siècle, qu'il a travaillé sur ce fond, qu'il s'est contenté de développer et d'embellir une pièce trop dépourvue d'ornements au gré de son siècle. Scrupuleux observateur des règles de la paraphrase légendaire, il aura respecté le récit ancien, il aura borné son travail à quelques broderies de rhétorique. La gravité dans le ton, la pureté relative dans la forme, qui caractérise ces Actes, autorisent à indiquer la fin du IVe siècle, ou le commencement du Ve, comme l'époque de leur rédaction. Quelques auteurs les attribuent à saint Eucher ; mais cette opinion n'est pas assez appuyée pour avoir une valeur autre que celle d'une conjecture.

Bien qu'il ne vienne pas de première main, ce document jouit pourtant d'une autorité incontestable. Tout en lui refusant un caractère de première antiquité, les critiques lui reconnaissent une grande valeur historique. Ces Actes, dit Baillet, ne sont pas originaux, comme il est aisé de le voir par le style étudié et les longues harangues. Ils sont fort beaux néanmoins, et l'on y voit partout un caractère de sincérité qui les rend recevables. L'auteur était habile, et l'on croit que c'était quelque Père de l'Église du IVe ou du Ve siècle[18]. En pareille matière, il n'est pas permis de se montrer plus difficile que Baillet ; quand une pièce a échappé au crible de sa critique, on peut la recevoir en toute sécurité. Tillemont[19] est du même avis que Baillet. Ainsi donc ces Actes, pour n'être que de seconde main, ne laissent pas de se recommander par leur autorité, d'avoir une valeur historique incontestable.

Comme contre-épreuve du jugement que nous venons de formuler, ne serait-il pas possible d'exécuter sur ces pages un travail d'épuration, d'enlever les broderies de la paraphrase, d'élaguer les fleurs et les discours de rhétorique, en un mot, d'arriver approximativement au texte primitif ? Essayons. Ce monument renferme deux passions, l'une de saint Epipode, l'autre de saint Alexandre ; la première destinée à la liturgie du vingt-deuxième jour d'avril, la seconde à celle du vingt-quatrième. L'ensemble se divise en cinq parties bien distinctes : 1° prologue général, 2° passion de saint Epipode, 3° prologue pour saint Alexandre, 4° passion de ce martyr, 5° conclusion. Les deux prologues sont manifestement pièces de placage, appliquées par le paraphrasiste. Il faut aussi mettre sur son compte les discours du président et des deux martyrs. On pourrait aussi réduire le portrait des deux amis ; nous soupçonnons l'auteur d'avoir caressé ce portrait d'un pinceau complaisant. Ces éliminations faites, les Actes se trouvent réduits de moitié et plus. En rapprochant les membres qui restent, il est aisé de les souder ensemble, sans que le récit ait à souffrir d'aucune sorte. Maintenant, pour arriver au texte primitif, il resterait à faire une seconde opération, plus délicate que la première, et pouvant donner lieu à des appréciations diverses, suivant la diversité des esprits. Il s'agirait de faire disparaître le vernis passé vers le Ve siècle, d'effacer les couleurs mises après coup, d'éliminer les pensées et les expressions recherchées, de ramener quelques phrases à des tours plus simples, de les renfermer dans de plus courtes limites ; en un mot, de biffer tout ce qui figure seulement à titre d'ornement. Cela fait par un homme expert, versé dans cette branche de la littérature chrétienne, on aurait un monument peu différent de celui qui fut rédigé sous les yeux d'Irénée, à la gloire des martyrs Epipode et Alexandre.

 

 

 



[1] Lucie bénit probablement ce breuvage en y trempant le bord de la chaussure d'Epipode.

[2] Apud Boll., die 22e aprilis.

[3] A propos de cette chaussure, Voltaire écrit : Que dirons-nous du soulier de la martyre Epipode, qui guérit un gentilhomme de la fièvre ? (Œuvres de Voltaire, tome 43, page 152, édit. Beuchot.) La bévue est forte ; il suffit de la signaler, de l'ajouter aux mille autres que l'on rencontre dans les œuvres de Voltaire. C'est un échantillon de son savoir dans les matières hagiologiques, de la conscience qu'il mettait dans ses écrits. Mais à quoi bon parler de conscience et de savoir, à propos d'un homme qui faisait métier de mentir, d'insulter la religion et de faire rougir la pudeur ?

[4] Requiescit in suburbano urbis ipsius mulier...... Ad cujus tumulum sæpius frigoritici cæterique infirmi sanantur. (Greg. Turon., De gloria confessarum, LXIV.)

[5] Du Monstier, Gynecœum sacrum.

[6] Il est difficile de la voir dans la crypte de Saint-Irénée. Cette crypte, dit M. Boué, curé d'Ainay, était-elle la grotte où les chrétiens cachèrent les corps des saints Epipode et Alexandre ? Nous pensons avec le savant Chifflet que la description que font de cette grotte les Actes de leur martyrs, ne peut se rapporter à la crypte de Saint-Irénée. (Congrès scientifique, 1841, tom. II, p. 394.)

[7] Hic (Irenæus) in basilica beati Joannis sub altari est sepultus. Et ab uno quidem latere Epipodius, ab alio vero Alexander est tumulatus. De quorum monumentis, si pulvis cum fide collegatur, extemplo medetur infirmis. (Greg. Tur., De gloria martyrum, c. L.)

Sepulti ambo ex utroque altaris latere, ex crypta qua : in colle superposito civitati pulchro et antique opere extructa est. (Adon, 24 aprilis.)

[8] Voir les Bolland., 28 juin, p. 342.

[9] Procès-verbal conservé dans les archives de l'église paroissiale de Saint-Just.

[10] Notice sur les reliques des saints de Lyon, p. 29.

[11] Menestrier, Histoire de l'Église de Lyon, mss.

[12] Vraisemblablement parce qu'Epipode fut frappé du glaive comme saint Paul, et Alexandre crucifié comme saint Pierre.

[13] Patrologie latine de l'abbé Migne, t. L, col. 861.

[14] Ruinart, Acta sincera, introd. — Baillet, Vies des Saints, introduction. — Tillemont, Mémoires, t. II, p. 435.

[15] De gloria martyrum, l. I, 64. — L'Église romaine usait aussi de la plu grande circonspection dans la réception des vies des saints. Elle en rejetait plusieurs parce que les auteurs étaient inconnus ; d'autres parce qu'elles avaient été composées par des infidèles ou des hérétiques ; d'autres enfin parce qu'elles étaient trop inférieures à leur sujet, et pouvaient prêter à rire aux ennemis de l'Église. C'est ce que témoigne le pape saint Gélase. Voir Hardouin, Acta concil., t. II, p. 940.

[16] Histoire des Français, t. II, p. 228.

[17] Histoire générale des auteurs sacrés, t. I, p. 471.

[18] Les Vies des Saints, table critique, 22 avril.

[19] Mémoires, t. III, p. 130.