LA RESTAURATION : LOUIS XVIII

 

PAR PIERRE DE LA GORCE

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

PARIS - PLON ET NOURRIT ET Cie - 1926.

 

 

LIVRE PREMIER. — LA CHARTE

LIVRE II. — LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

LIVRE III. — LE RÉGIME CENSITAIRE

LIVRE IV. — LES FORCES HOSTILES

LIVRE V. — LE DOUBLE VOTE

LIVRE VI. — VILLÈLE ET L'INTERVENTION EN ESPAGNE

LIVRE VII. — LE ROI ET LE RÉGNE

 

PRÉFACE

 

On a beaucoup écrit sur la Restauration. Si j'entreprends ici d'en retracer l'histoire, c'est que le recul des temps rend peut-être opportune une révision. Les mêmes querelles de partis, les mêmes événements de la vie parlementaire qui passionnaient encore, il y a cinquante ans, les vieillards ou les hommes d'âge mûr, semblent aujourd'hui surannés. Il convient de les noter comme signes caractéristiques de l'époque ; mais s'y appesantir serait se traîner dans un détail désormais superflu. C'est dans cet esprit qu'a été conçu le présent livre, où l'on s'est appliqué moins à accumuler les faits qu'à éliminer tous les incidents peu dignes de mémoire.

A côté de ce que le temps efface, il y a ce que le temps grandit. A la distance d'un siècle, l'œuvre de la Restauration apparaît sous un double aspect. Il y a, après 1815, à libérer le territoire et à replacer la France, meurtrie par la défaite, dans son ancien cadre de grandeur traditionnelle. Il y a ensuite à fonder, sur les débris des antiques coutumes depuis longtemps désuètes ou abolies, des institutions représentatives qui contiendront le pouvoir sans le déborder. En cette double tâche tout se résume ; et le reste ne mérite que d'être groupé autour de ces deux objets principaux.

Cette œuvre de réparation et de reconstitution nationale s'accomplit-elle sans à-coups ? Pour la libération du territoire, pas une faute, mais au contraire un plein succès qui est le fruit de la persévérance et de l'économie, de la sagesse et de la droiture. Bien autre est le travail qui consiste à diriger l'opinion publique, à doser la part de la liberté qui doit être le prix et la récompense de l'autorité affermie, à assurer aux Chambres législatives une- puissance qui ne soit jamais la toute-puissance. On est au confluent de deux mondes, le monde nouveau qui ne veut rien abandonner, le monde ancien qui se refuse parfois à tout oublier. De là des tâtonnements, des inexpériences, des archaïsmes de langage, même lorsque les idées sont très modernes ; de là de nombreux froissements, froissements surtout des amours-propres, beaucoup plus chatouilleux que les intérêts eux-mêmes. Des Bourbons restaurés on pourrait tracer deux histoires, vraies toutes deux : celle de leurs maladresses, celle de leurs services. Seulement par leurs maladresses, ils ne nuisirent qu'à eux-mêmes ; par leurs services, ils rendirent force, prestige, crédit, richesse à leur pays vaincu.

Sur la Restauration une image se projette, celle de Napoléon. Il avait été trop grand pour que ce qui le remplacerait ne parût point petit. En un peuple imaginatif comme le peuple de France, il est périlleux de n'incarner que la sagesse quand on succède à qui figure la gloire. Au début le bienfait de la paix domina tout. Bientôt le sentiment de la sécurité retrouvée s'émoussa, comme après une maladie s'émousse, quand la santé se consolide, la sensation de la convalescence. Alors le règne glorieux se mua en légende ; et la légende fit paraître terne tout ce qui n'était pas elle. Un livre suggestif pourrait se composer en deux chapitres : Comment Napoléon, vivant, rendit par l'accumulation de ses fautes la monarchie nécessaire ; comment Napoléon mort devint, par l'éclat grandissant de sa gloire posthume, le dissolvant de cette même monarchie.

Je m'abstiens de marquer davantage ce que le cours de ce récit développera. Le volume que je livre aujourd'hui au public s'achève avec la mort de Louis XVIII, et forme un tout homogène. Toutefois mon dessein est de consacrer un second volume au règne de Charles X et de compléter ainsi — si mes forces me le permettent — le tableau de la Restauration.

 

Paris, 23 février 1926.