SOLIDARITÉ DE LA FAMILLE DANS LE DROIT CRIMINEL EN GRÈCE

LIVRE PREMIER. — PÉRIODE PRIMITIVE - LA FAMILLE SOUVERAINE.

CHAPITRE PREMIER. — LA FAMILLE DANS LA CITÉ.

 

 

On a beaucoup discuté sur l’origine du γένος hellénique. Les idées de Fustel de Coulanges ont soulevé les contradictions les plus violentes. Nous n’interviendrons pas dans cette polémique : elle n’est pas d’un intérêt immédiat pour les questions qui nous doivent occuper. Il faut bien qu’on reconnaisse, d’une part, que dans toute société primitive, quelque soit le nom dont on la désigne, les individus sont unis entre eux par des liens de parenté naturels ou fictifs[1]. Il faut bien admettre, d’autre part, que nous ne pouvons pas remonter assez haut dans l’histoire des Hellènes pour y jamais trouver un groupe politique où la parenté de tous, en dehors des degrés rapprochés, soit autre chose qu’une fiction théorique. Aussi bien, dans tous les documents qui nous sont parvenus, depuis les chants les plus anciens des poèmes homériques jusqu’aux œuvres de la période romaine, le mot γένος a-t-il désigné simultanément deux choses distinctes : 1° une communauté où des parents de plusieurs générations et de plusieurs branches vivent souvent sous le même toit, en tout cas sur la même terre, de la même substance, et, par extension, un groupe composé de patriciens ou Eupatrides qui prétendent tirer leur origine d’un ancêtre commun ; 2° la petite ramille, au sens moderne[2]. Si le palais de Priam abrite un grand nombre de ses fils mariés et de ses gendres[3], Hector et Pâris ont leur demeure à part[4]. Ni l’épopée ni la mythologie grecques ne nous font pénétrer dans des sociétés de régime exclusivement patriarcal.

Comme tous les grands phénomènes d’ordre social, le relâchement dans la constitution du γένος et l’affaiblissement de l’autorité paternelle ont été l’effet d’une évolution obscure. Cette transformation n’a pas de date précise ; elle ne se rattache à aucun des événements qui ont fait du bruit parmi les nations ; elle n’a pas été voulue tout d’un coup par le génie intrépide d’un philosophe ou d’un législateur. Elle s’est accomplie dans l’intérieur de chaque maison, dans l’esprit et le cœur de tous les hommes. Cela s’est fait avec la lenteur et l’inconscience de la nature en travail. De génération en génération, de jour en jour, les idées et les mœurs changèrent insensiblement les institutions. Il fallut, pour produire ce grand résultat, qu’une multitude infinie de motifs souvent passagers et mesquins agit sourdement sur des millions d’individus durant un espace de plusieurs siècles.

Pourtant, par delà l’énorme et fuyante complexité des pauses secondaires, il est possible de discerner quelques causes générales. Un regard attentif arrive à fixer des séries de laits qui ont exercé une influence puissante et durable. Pour comprendre d’où procédaient le plus grand nombre de nouveautés psychologiques et sociales, il n’est pas inutile d’examiner la situation économique et politique de la Grèce jusqu’à la fin du VIIIe siècle.

Les nécessités de l’existence matérielle ont, de tout temps, déforma les principes fondamentaux des sociétés. C’est ainsi que la transformation de la copropriété familiale en propriété individuelle est à la foi un symptôme frappant et une cause active de la révolution qui désorganisa l’antique γένος.

Nous ne voulons pas ici nous prononcer par des affirmations sans preuves sur le régime primitif de la propriété foncière en Grèce : ce serait nous prononcer sur l’origine du γένος, prendre parti dans une question que nous avons écartée à dessein. Mais nous pouvons constater que, si jamais en Grèce la communauté a exercé un droit de propriété collectif sur la terre et procédé à des allotissements périodiques, ce temps était bien passé pour les sociétés que représentent les poèmes homériques[5]. La propriété n’est pas encore individuelle dans les parties les plus anciennes de l’Iliade ; mais ce n’est pas une raison pour qu’on la croie réservée à l’ensemble de la communauté. Elle est collective en ce sens qu’elle appartient au γένος[6]. D’autre part, la propriété individuelle du sol apparaît dès la fin de la période homérique. Il n’est donc pas impossible d’apercevoir dans les documents grecs par quelle progression les particuliers ont pu se constituer un patrimoine à côté et même au détriment de la copropriété familiale. Guiraud[7] a marqué avec une admirable netteté les phases de l’évolution. L’individu a d’abord disposé des objets mobiliers : l’inaliénabilité des liens fonciers ne l’empêchait ni d’offrir les έεδνα ni de payer la ποινή. Alors seulement, par l’exploitation et la jouissance exclusive d’une portion des terres appartenant à la communauté, il est arrivé à mettre, à laisser l’empreinte de sa personnalité sur le sol : il a soigneusement distingué les acquêts des propres. Une fois que les acquêts, facilement mobilisables, lui ont donné l’habitude et le goût de la propriété personnelle, il a, suivant une pente insensible, assimilé les propres aux acquêts. Ainsi a triomphé le système de la propriété individualiste. Sans doute, il n’a pas supprimé complètement la pratique de l’indivision : chez les Grecs, comme chez tous les peuples qui se sont longtemps pénétrés des idées patriarcales[8], il a toujours existé par-ci par-là, des communautés familiales d’όμοσίπυοι, d’όμόκαπνοι ou d’όμοτράπεζοι[9]. Mais les nouveaux principes de droit foncier exerçaient assez d’empire sur les dernières des générations homériques, pour les amener, non pas encore à l’aliénation immobilière[10], mais déjà au partage des successions[11].

Les motifs variés, qui inclinèrent de plus en plus fortement les hommes à l’appropriation individuelle du sol, ne pouvaient pas manquer d’agir en même temps sur l’organisation intime du γένος. Les juristes de nos jours ont pu déterminer, par l’observation du mir russe, les phénomènes économiques et moraux qui expliquent la décadence du régime communautaire[12]. Bien plus encore qu’au perfectionnement des procédas culturaux, ils ont attaché de l’importance aux perpétuels conflits entre le chef de l’exploitation qui veut en être le maître et les associés qui craignent d’être dupes, aux déchirements produits par l’égoïsme dominateur ou par l’indiscipline, aux luttes déchaînées par les rivalités de femmes, au besoin croissant du luxe. Il y a, dans ces manifestations diverses des passions humaines, un fond permanent qui tient à la nature même de l’homme. Ces notes sur des faits contemporains sont, des révélations sur les faits pansés. Dans le γένος, comme dans le mir, tous les menus événements de la vie privée qui contribuaient à l’établissement de la propriété individuelle contribuaient aussi au relâchement du lien social.

Mais le régime de la propriété individuelle agissait à son tour dans le même sens, en vertu de sa force propre. Dans leurs demeures séparées, les proches parents vivaient d’une vie moins intime : moins intimes furent leurs sentiments. Chers les parents de degrés éloignés, la conscience d’une origine commune n’était plus avivée par une collaboration constante et la communion dans les joies ou les épreuves. La solidarité matérielle ne cimentait plus la solidarité morale, Bien pis, les intérêts privés se heurtaient continuellement, ou même ils s’unissaient contre l’intérêt de la collectivité. Et d’un jour à l’autre se désagrégeait le γένος.

Ceux qui désespéraient d’améliorer leur situation en devenant propriétaires eurent de bonne heure l’audace d’affronter les mers. La navigation, qui se trouva être pour les individus le meilleur moyen de s’enrichir, ne fut pas sans altérer les relations personnelles dans les γένη.

C’était encore l’époque où le sol et le bétail appartenaient collectivement à la famille : toute aliénation de biens était, non pas interdite, mais impossible. Le commerce ne se faisait qu’avec des étrangers venus de très loin ; il consistait en un troc de métaux et d’objets précieux, où le vendeur et l’acheteur usaient à l’envi de tromperie et, à la première occasion, de rapine. Le négoce ne fut longtemps qu’un prétexte à brigandage et à piraterie. Acquérir et conquérir, c’était tout un, ληίζεσθαι. Il fallait bien, pour ajouter quoi que ce fût à la propriété d’une famille, à part les produits restreints de la chasse et de la pèche, attenter à la propriété d’une autre famille. A cela rien à redire, pourvu qu’on respectât les familles de la même cité. Thucydide considère comme une pratique normale et permanente de l’ancienne Grèce la réunion de bandes sous le commandement de chefs puissants, à l’effet de surprendre par terre ou par mer les villes ouvertes et de tirer du pillage le plus clair de leur subsistance. Ce métier, dit-il[13], loin d’être honteux, procurait plutôt de l’honneur. La preuve en est chez certains peuples continentaux, qui encore aujourd’hui se font gloire de leur habileté en ce genre de travail[14], et chez les anciens poètes, qui ne manquent pas de luire demander aux marins qui abordent s’ils ne sont pas des pirates, ce qui suppose que les hommes à qui la question s’adresse ne désavouent pas ce métier et que ceux qui croient devoir la poser n’y mettent pas d’intention injurieuse[15].

La piraterie fut ainsi, à l’époque la plus reculée, l’institution qui, avec la guerre, porta la plus vigoureuse atteinte à l’immutabilité de la propriété familiale. Elle donnait un supplément aux uns, elle réduisait la part des autres. Mais elle fit plus que changer la situation matérielle des γένη ; elle altéra leur composition même. Ces bandes de négociants-pirates se formaient en dehors et aux dépens des familles régulièrement constituées. Qui est-ce qui entrait là-dedans ? Il ne faut pas croire que ce fussent seulement des gens de sac et de corde, de ceux qui avaient été chassas de leur groupe social pour crimes. C’étaient aussi des bâtards, des fils de concubines, qui n’avaient pas la même part à l’héritage paternel que les fils légitimes[16]. C’étaient des cadets qu’offusquait la supériorité de l’aîné. C’étaient, d’une façon générale, tous ceux qui avaient le goût des aventures et se sentaient en disposition de dire avec le pirate de l’Odyssée : Le travail paisible n’est pas mon affaire, ni la vie passée à faire valoir un patrimoine pour nourrir une brillante progéniture. Ce qui m’a toujours plu, à moi, ce sont les bateaux munis de bonnes rames, les batailles, les javelots aigus et les flèches[17]. Les navires montés par les écumeurs de mer étaient autant de petites républiques flottantes, autant de colonies qui se déplaçaient au gré du vent ou au hasard des coups à tenter : autant de pris sur le personnel des sociétés fixes, dont les cadres étaient ainsi détraqués. Il y a des liens qui, une fois rompus, ne se renouent jamais. Quand un chef de bande avait fait une belle fortune, qu’il fût bâtard ou pis encore, ce déclassé devenait un personnage respectable (αίδοΐος)[18], et le rang qu’il occupait dans la hiérarchie sociale n’était plus du tout celui que lui assignait le droit de son γένος.

La colonisation fit à peu près disparaître la piraterie en la remplaçant[19]. Elle eut les mêmes causes et les mêmes effets[20]. L’étroitesse du sol[21], l’incapacité absolue de devenir propriétaire d’un bien foncier quand on ne tenait pas de la naissance un droit de copropriété roncière, l’inégalité matérielle dont souffraient les fils illégitimes et l’inégalité morale dont souffraient les puisés, la révolte contre des chefs sots, méchants, infirmes, despotiques, ou simplement l’impatience de toute autorité imposée, l’impossibilité de vivre, en marge des groupes sociaux d’où l’on était expulsé : amour du bien-être ou esprit d’indépendance, tout ce qui avait contraint les enfants perdus de la Grèce à voltiger sur les côtes lointaines les décida enfin à s’y fixer. On cultiva les régions qu’on avait pillées : ense et aratro.

Les colonies ainsi fondées imitèrent avec plus ou moins d’exactitude le gouvernement de leur métropole ; mais elles ne pouvaient pas en reproduire fidèlement l’organisation sociale. Comment parler, dans ces cités créées de toutes pièces, de γένη autochtones et autonomes ? Comment imaginer, dans ces pays neufs, des domaines constitués par un ancêtre légendaire ? D’ailleurs, bon nombre de colons n’avaient nulle envie de retrouver, sur une terre où ils étaient venus chercher une plus grande liberté, la gêne des coutumes qui les avaient fait fuir. Tarente est construite par les pillards de Sparte[22] ; les Codrides qui fondent la plupart des villes ioniennes sont sortis de l’Attique pour ne pas obéir à un frère boiteux[23] ; Tlèpolémos s’établit à Rhodes, chassé d’Argus par sa famille à la suite d’un homicide involontaire[24] : victimes du régime patriarcal, ces législateurs avaient leurs raisons pour ne pas le transporter à leur suite, avec le feu sacré de la mère-patrie. Leurs compagnons, hommes de toutes provenances[25], s’étaient laissés entraîner par le désir d’une terre à eux : qui leur eût opposé les règles d’un système fondé sur l’exclusion des étrangers et le privilège de l’aristocratie terrienne ? Lorsque les aventuriers du Moyen-âge se taillèrent des domaines en Palestine et dans les Deux-Siciles, ils y transplantèrent la féodalité ; mais ils durent l’adapter à des besoins nouveaux, la modifier, la rajeunir, et ces exemplaires corrigés ne furent pas sans réagir sur le modèle. De même, entre le XIe siècle et le VIIe, les colonies grecques d’Asie-Mineure, de Sicile et d’Italie introduisirent dans leurs institutions, encore conformes au type de la communauté familiale, des règles déjà moins éloignées de l’individualisme. Elles travaillèrent ainsi pour la Grèce tout entière, et plus particulièrement chaque colonie pour sa métropole. Les marchandises et les idées circulaient trop facilement d’une extrémité à l’autre de la Méditerranée, pour qu’un progrès accompli sur un point y restât localisé. Dans le passé de leur race, qu’ils recopièrent forcément, les colons grecs mirent un peu d’avenir, et leur prospérité matérielle tourna eu profit mord pour l’humanité.

Pendant ce temps, la réunion des γένη en cité produisait des conséquences inattendues. L’histoire politique de la Grèce, durant de longs siècles, n’est que l’histoire des relations entre l’Etat et les groupes inférieurs dont il était composé. Mettons à la place de simples abstractions des hommes vivants et agissants : figurons-nous quels rapports les chefs des γένη, des phratries et des tribus ont entretenus avec le chef de la cité.

Un régime qui s’établit par la force des choses n’a pas besoin de s’affermir par la violence[26] : quand on forma des cités, on n’eut garde de briser les cadres des sociétés préexistantes, ou plutôt on n’y songea mérite pas. Les petites communautés de jadis subsistèrent au sein d’une communauté plus vaste qui se modela sur elles. Ceux qui les dirigeaient conservèrent le titre de βασιλήες qu’avaient porté leurs aïeux de temps immémorial[27]. Il existait maintenant une royauté supérieure à la leur ; mais la leur resta Intacte et se perpétua par hérédité. Le roi n’était pas seul roi, a dit Fustel de Coulanges[28]. A côté de lui se tenaient des chefs qui descendaient, comme lui, d’une longue lignée de chefs et qui se sentaient, comme lui, entourés d’une vénération religieuse. De père en fils, ils avaient toujours exercé un pouvoir absolu sur les personnes soumises à, leur juridiction : nul ne leur demanda d’y renoncer. Comment le chef de la cité aurait-il eu la pensée de porter atteinte à l’organisation des γένη ? Sa puissance lui venait toute de son γένος ; sa richesse, c’était un patrimoine collectif ; sa force, c’était le nombre de guerriers qui lui obéissaient directement ; son prestige, c’était la gloire d’un nom qui, par delà les générations éteintes, le rattachait aux dieux.

La cité homérique a donc conservé les organes primitifs de la vie sociale. Elle renferme des tribus[29], des phratries[30] et des γένη[31]. Le βασιλεύς suprême est assisté de γέροντες, qui sont les βασιλήες des groupes inférieurs[32], Il faut concevoir cette société comme une espèce de féodalité où domine une hiérarchie de seigneurs désignés sous le nom générique d’άνακτες[33] : chaque suzerain a des vassaux, qui sont suzerains à leur tour, et tous exercent leur autorité dans un cercle de plus en plus restreint[34], depuis le seigneur-roi, le βασιλεύς άναξ[35], jusqu’au seigneur le plus infime, le βασιλεύς à l’ancienne mode, ce propriétaire qui regarde faire sa récolte, sceptre en main[36]. Ainsi s’explique que, dans l’épopée, le titre de βασιλεύς comporte des degrés : on est plus ou moins βασιλεύς selon qu’on a plus ou moins de βασιλήες sous ses ordres. Agamemnon, se comparant avec Achille, se dit βασιλεύτερος[37]. Il est même le souverain βασιλεύς, βασιλεύτερος [38], ce qui signifie que, possesseur du plus riche et du plus vaste domaine[39], il a établi sa suprématie sur tous les autres βασιλήες [40] : il a au-dessous de lui les premiers γέροντες d’entre tous les Achéens[41]. L’Odyssée nous présente un exemple complet de cité où les βασιλήες sont subordonnés les uns aux autres : Alkinoos règne sur tous les Phéaciens, et le δήμος l’écoute comme un dieu[42]. Mais il compte aussi parmi les treize βασιλήες qui régissent les φΰλα de Schérie[43] et qui se réunissent au palais dans la salle des trônes[44]. Enfin il convoque à l’agora[45] des γέροντες en plus grand nombre[46], qui sont les chefs des cinquante-deux φρήτραι[47]. La cité homérique se compose de groupes qui rentrent les uns dans les autres et dont l’unité sociale est le γένος.

Ces groupes servent de cadres à l’administration. L’organisation militaire est en rapport constant avec l’organisation politique[48]. Tout souvenir n’est pas perdu du temps où, la φύλη étant encore la société la plus étendue, une armée était une φύλοπις. Les aèdes ne peuvent pas se figurer les Troyens et leurs alliés autrement répartis qu’en φΰλα[49]. Nestor dit à Agamemnon : Partage nos hommes en tribus (κατά φΰλα) et en phratries (κατά φρήτρας), pour que la phratrie prête main-forte aux phratries, et la tribu aux tribus[50]. Dans la phratrie on tient compte, pour le service militaire, de la division en γένη : on voit un père, astreint à fournir un homme, tirer au sort entre ses sept fils[51]. L’Iliade nous dit donc sur les Grecs ce que Tacite nous dit sur les Germains[52] : Non casus nec fortuita conglobatio turmam aul cuneum facit, sed familiæ et propinquitates. L’armée homérique est une juxtaposition de familles, de phratries, de tribus armées. — La marine est conçue d’après les mêmes principes. Le peuple de Pylos est reparti en neuf sections qui siègent sur neuf gradins[53] : de même qu’il sacrifie neuf fois neuf taureaux[54], il arme neuf fois dix navires[55]. Schérie est gouvernée par treize βασιλήες : un équipage y est de cinquante-deux rameurs choisis par le peuple, à raison de quatre par tribu[56]. L’agora, l’armée, la flotte d’une cité, c’est la cité même qui se transporte sur la place publique, aux camps, sur mer, toujours avec ses groupements naturels.

Le γένος avait donc sa place marquée dans la cité. Mais la conciliation entre les institutions patriarcales et les intérêts de l’Etat s’était laite tant bien que mal, selon les nécessités d’un moment. Rien de net, rien de stable. Les vieux principes, les coutumes traditionnelles, les privilèges consacrés se heurtaient à chaque instant contre un droit créé par des besoins nouveaux et qui voulait vivre en se fortifiant. Deux régimes opposés se combattaient sans répit.

Jamais on ne connaîtra par le détail ces luttes qui se sont étendues à toutes les cités et prolongées durant plusieurs siècles. On ne peut que constater quelques faits de loin en loin et deviner l’action de certaines forces. Encore faut-il avec le plus grand soin se méfier des apparences. L’histoire des relations qu’ont entretenues dans les temps homériques l’État et les γένη se confond avec l’histoire de la guerre politique qui s’est engagée entre la royauté, soutenue par le peuple, et l’aristocratie. Mais les résultats ne concordent point. A mesure que se déroule le cycle épique, on voit la royauté perdre sa toute-puissance et, de concession en humiliation, achever sa destinée dans une décadence si profonde, qu’Hésiode[57] ne saura plus distinguer de βασιλεύς suprême parmi les βασιλήες. On pourrait s’attendre à un triomphe simultané de l’institution familiale. Il n’en est rien. Le démembrement du γένος n’a pas cessé. A la transformation sociale ont contribué, tour à tour ou de concert, consciemment ou sans le vouloir, le roi, le peuple et l’aristocratie.

Le roi des temps héroïques a beau être chef de γένος ; avant tout, il est chef de cité. Sa nomination est déjà une atteinte aux coutumes primitives : les règles de succession ne peuvent être les mêmes pour une dignité personnelle et pour la propriété collective de la famille. Sa puissance propre est toute au service de l’Etat, mais aussi elle a tout à gagner au progrès de l’Etat. Son intérêt consiste donc, comme son devoir, à tenir compte de l’intérêt général. Chaque fois qu’il renonce à une parcelle de sa fonction patriarcale, il redonne le droit d’exiger des γένη une renonciation semblable et augmente d’autant sa prérogative. Dans l’Iliade, Nestor caractérise la position du roi à l’égard des γέροντες, quand il dit à Agamemnon : Tu es chef d’un peuple nombreux, et Zeus t’a commis le sceptre et la justice, pour que tu le gouvernes. Il t’appartient de prendre la parole, mais aussi d’écouter et de faire ce que dit autrui, si quelqu’un trouve en son esprit un avis profitable : à toi de décider[58]. Comme toutes les affaires de la cité, tant celles de l’intérieur que celles du dehors, rentraient dans les attributions du roi[59], quand le roi exerçait à la guerre le droit de vie et de mort[60] et qu’il était l’arbitre désigné pour les querelles privées[61], il assurait à la cité une souveraineté croissante.

Eu même temps, ceux qui n’appartiennent pas aux grands γένη de l’aristocratie et constituent la ruasse du peuple se rendent compte peu à peu de leur importance. La situation qui leur est faite dans l’Iliade est encore bien chétive. Ces hommes qui se laissent battre par leurs chefs à coups de sceptre[62], troupeau éperdu qui ne sait que fuir, que peuvent-ils, quand la volonté du roi ou des grands lés convoque à l’assemblée[63] ? Rappelés à l’ordre par les hérauts[64], ils accueilleront par des cris d’enthousiasme ou par un silence désapprobateur les décisions qu’on leur annonce pour les leur faire exécuter[65]. Mais le peuple ne gardera pas cette attitude humiliée. La conscience de la force qui réside dans le nombre tournera en sentiment de la dignité humaine. L’Odyssée nous montre dans quelles circonstances cette farce se révélait à elle-même. Les chefs multipliaient les conflits partout où ils n’étaient pas maintenus par une autorité vigoureuse. Le peuple intervenait, non pas spontanément, par amour de l’ordre et de la justice, mais à la demande des adversaires, qui voulaient gagner à leur cause le plus de partisans possible. Télémaque vient devant la foule se plaindre des prétendants[66] : les débats qu’il engage n’ont rien de judiciaire ; il veut soulever l’indignation, pour se venger ; il cherche des alliés, non des juges[67]. Après le meurtre des prétendants, le viril Eupeithès invoque en sanglotant les citoyens réunis à l’agora : il les supplie de le suivre en armes pour un coup de main ; il fait appel à l’instinct de brutalité, pour demander le sang du meurtrier en chef de parti, non en accusateur[68]. Il suffit qu’un jour le peuple ait montré ce dont il est capable, à la façon de ces Ithaciens qui se lèvent dans un grand tumulte, revêtent soudain leurs armes et, le corps étincelant d’airain, se répandent en rangs serrés à travers la vaste cité[69]. De ce jour, on compte avec le peuple. En toute délibération, on recherche sa faveur, parce que son approbation est virtuellement une promesse de concours matériel et à la valeur qu’aura la procédure judiciaire de la cojuration. Le γένος a donc intérêt à s’ouvrir largement à la foule du δήμος, pour avoir à son service un plue grand nombre de bras et de suffrages. Sa constitution, démantelée par le roi, est encore minée par le peuple.

Et l’on voit comment la victoire de l’aristocratie sur la royauté n’a pas retardé la désorganisation du γένος. Une logique grossière ferait supposer qu’après leur triomphe les chefs des γένη, auraient tâché de détruire l’Etat. En réalité, ils s’en emparèrent et le firent bénéficier de toute la vie, de toutes les ressources accumulées dans les γένη. Puis chacun d’eux travailla pour son compte : on s’efforça de rester seul maître ou d’avoir le plus gros morceau de la proie commune. De là un régime instable de jalousie et de violence, où les haines s’exaspèrent et les rivalités s’entrecroisent à tel point que tout crime déchaîne une guerre privée, qui dégénère souvent en guerre civile. Dans ces luttes, les γένη sacrifiaient aux passions du moment les principes qui les avaient soutenus dans le passé. L’esprit de faction développe, autant que l’attachement à la cité, une solidarité nuisible à la solidarité familiale. La notion d’un intérêt supérieur à celui du γένος se fortifiait toujours ; le γένος ne pouvait que s’affaiblir d’autant.

A la tin de la période héroïque, les institutions primitives du γένος ont donc reçu déjà de rudes atteintes. Elles avaient été ébranlées par la révolution économique que détermina l’extension progressive des biens individuels. Attaquées par les rois et le peuple, trahies par les discordes de leurs défenseurs naturels, les chefs de l’aristocratie, elles avaient perdu au profit de l’Etat une bonne partie de leur valeur politique. Mais, si la cité grecque commençait à renfermer un grand nombre de familles éparses sur des domaines particuliers, ces familles n’avaient pas oublié leur origine ni rompu les liens qui les rattachaient les unes aux autres. Les γένη continuaient d’exister. Leur constitution même n’avait pas subi de modification essentielle. Il n’y avait rien de périmé dans l’ensemble de droits et de devoirs qui liait leurs membres d’une solidarité sacrée[70]. Les gennètes avaient toujours leur religion commune, leur tombeau commun, tour administration spéciale avec leur chef, leur droit de propriété collective, qui entraînait l’obligation de repousser l’étranger, leur coutume successorale, qui se fondait sur le privilège du mâle, le retrait lignager et le mariage nécessaire entre consanguins. Les gennètes étaient toujours soumis à une juridiction inférieure et, dans leurs relations avec les gens du dehors, se devaient toujours aide et protection mutuelles par tous les moyens en leur pouvoir.

 

 

 



[1] Nos sauvages aïeux ne connaissaient d’autre fraternité que celle qui résulte du fait physique de la consanguinité. Quand un homme n’était pas le parent d’un autre, il n’y avait rien de commun entre eux... Il serait à peine exagéré de dire que les chiens qui suivaient le camp avaient plus de part à son existence, que les membres d’une tribu étrangère et saris lien de parenté. (Sumner Maine, Inst. prim., trad., p. 82).

[2] Nous sommes donc obligés d’employer continuellement le mot γένος dans les deux sens que lui a imposés l’usage hellénique. Dans les cas où il est nécessaire de distinguer, nous opposerons au γένος large la famille restreinte.

[3] Iliade, VI, 244 ss. Aiolos loge avec lui les six ménages de ses enfants (Odyssée, X, 5 ss.). Nestor fait coucher dans sa chambre son fils célibataire, et a installé dans son palais ses fils mariés et ses gendres (Odyssée, III, 387 ss., 400 ss., 412 ss.). Si Achille se mariait, il mènerait sa femme dans la maison de Pilée (Iliade, IX, 147).

[4] Iliade, VI, 313 ss., 370-377 ss., 390, 490, 503.

[5] La théorie soutenue par Esmein, La propr. font. dans les poèmes hom., dans la Nouv. rev. hist. de dr. fr. et étr., XIV (1890), p. 821-845 (cf. Pöhlmann, Die Feldgemeinschaft bei Romer, dans la Zeitschr. f. Sozialund Wirthschaftgesch., I, 1893, p. 1-42) n’a pas résisté aux critiques de Guiraud, p. 36-41.

[6] On est bien obligé d’admettre, dans la théorie du partage périodique, que les lots étaient répartis exclusivement entre les chefs de famille (cf. Esmein, l. c., p. 822-823, 829) et de constater l’existence de la propriété individuelle dans les parties récentes des poèmes homériques (Cf. id., ibid., p. 835-845). Comment échapper à cette conclusion, que la propriété privée a existé sous forme de propriété familiale avant de devenir la propriété individuelle et qu’il n’y a pas d’autre propriété collective que celle du γένος dans les parties anciennes de l’Iliade ?

[7] P. 93 ss.

[8] Cf. Hildebrand, p. 94-96 ; G. Cohn, p. 53-113 ; Leist, Alt-ar. Jus civ., I, p. 270 ss., 497 ; Kovalewsky, Ét. sur le dr. cout. russe, dans la Nouv. rev. hist. de dr. fr. et étr., XIV (1890), p. 469-478 ; Hanoteau-Letourneux, II, p. 6 ss., 307.

[9] Aristote, Pol., I, 1, 6 ; Hesychius, s. v. όμοσίπυοι, όμοτράπεζοι. Ce sont les ékapâkéna vasatàm de l’Inde, c’est-à-dire ceux qui font la cuisine en commun (cf. Jolly, p. 76-80), ou, selon l’expression de nos vieilles coutumes, ceux qui vivent au même pain et pot (Beaumanoir, éd. Beugnot, I, p. 302, c. 21 : cf. P. Viollet, Précis, p. 641-644. H. Beaune, Dr. coutum. fr., Les contrats, Paris, 1889, p. 570-582).

[10] Cf. Esmein, l. c., p. 831-832 ; Fustel de Coulanges, Rech. sur quelq. probl. d’hist., p. 246-287. L’aliénation des biens fonciers apparaît pour la première fois dans Hésiode, Œuvres et jours, 341 (cf. Guiraud, p. 101).

[11] Iliade, XV, 187 ss. ; Odyssée, XIV, 209-210 ; cf. Guiraud, p. 55.

[12] Voir de Laveleye, p. 477, 488 ; Kovalewsky, Tableau des orig. et de l’évol. de la fam. et de la propr., passim.

[13] Thucydide, I, 5. Sur la pruderie chez les Grecs, voir Bischoff, Ueb. dem Seeraub, dans le Philol., XXXIV (1876), p. 561-563 ; Egger, p. 34-37 ; D. Mallet, Prem. établ. des Grecs en Égypte, dans les Mém. publiés par les membres de la mission arch. fr. au Caire, XII (1893), p. 15-16 ; Helbig, Les vases du Dipyton et les naucraries, dans les Mém. de l’Ac. des Inscr., XXXVI (1898), p. 398 ; Francotte, L’ind. dans la Gr. ant., I, p. 270, 279-281 ; Guiraud, La main d’œuvre ind. dans l’anc. Gr., p. 13-14 ; d’Arbois de Jubainville, La civil. des Celtes et celle de l’époque hom., p. 125-127 ; Engel, Zum Rechte der Schutzflehenden bei Hom., diss. in de München, Passau, 1899, p. 2 ss. ; Huvelin, art. Mercatura, dans le Dict. des ant., p. 1745.

[14] Thucydide mentionne plus loin les Locriens-Ozoles, les Étoliens, les Acarnaniens et presque tous leurs voisins c’est-à-dire, entre autres, les Magnètes et les Ænianes (voir Xénophon, Anabase, VI, 1, 7-8 ; cf. Polybe, IV, 28, 4). Dans l’époque historique, on peut encore citer l’exemple des Lyciens, d’après Héraclès de Pont, fragm. XV (F. H. G., II, p. 247).

[15] Odyssée, III, 72-74 ; IX, 253-255 ; Hymne à Apoll. Pyth., 275-277.

[16] Odyssée, XIV, 202-203, 210.

[17] Odyssée, 222-225.

[18] Odyssée, 234.

[19] La colonie de Zancle, par exemple, fut fondée par des pirates de Kymê (Thucydide, VI, 4).

[20] Les origines du système colonial ont été analysées avec pénétration par Guiraud, p. 78-89, Michelet a écrit sur ce sujet une page brillante (p. XLIX-L).

[21] Platon, Lois, IV, p. 708 B.

[22] Ephore, fragm. 53 (F. H. G., I, p. 217) : Antioch., fragm. 14 (ibid., p. 184).

[23] Pausanias, VII, 2, 1 ss. ; Strabon, XIV, 3, p. 633.

[24] Iliade, II, 661-670 ; Diodore, V, 59, 5 ; cf. Nicolas de Damas, fragm. 53 (F. H. G., III, p. 387).

[25] Guiraud, p. 86, cite de nombreux exemples de ces mélanges. Cf. Thucydide, VI, 4-5.

[26] La royauté s’est établie tout naturellement... Elle ne fut pas imaginée par l’ambition de quelques-uns ; elle naquit d’une nécessité qui était manifeste aux yeux de tous. Pendant de longs siècles elle fut paisible, honorée, obéie. Les rois n’avaient pas besoin de la force matérielle.... leur autorité était sainte et inviolable. (Fustel de Coulanges, Cité ant., p. 146 s. ; cf. 211-212).

[27] Voir le sens primitif du mot dans les Beiträge de Bessenberger, II, p. 174 ; XVI, p. 239 s. ; cf. O. Wiedemann, dans la Zeitschr. f. vergl. Sprachforsch., XXXIII (1895), p. 103 s.

[28] Op. cit., p. 282.

[29] Iliade, II, 362-363, 868, 940, XVII, 220 ; Odyssée, XV, 273.

[30] Iliade, II, 362-363 ; IX, 63.

[31] Iliade, XIII, 354. Dans ce vers, il est question de γένη et de πάτραι, sans qu’on puisse dire si les πάτραι sont des phratries comprenant des γένη, ou des γένη comprenant des familles.

[32] Les membres du conseil du roi sont appelés indifféremment γέροντες (Iliade, II, 53, 404 ; IX, 70-75, 422) ou βασιλήες (Iliade, II, 86 ; IX, 346 ; Odyssée, VI, 54 ; VII, 49 ; VIII, 390-391).

[33] Cf. Gladstone, I, p. 412 ; Angermann, dans les Studien de G. Curtius, III (1870), p. 177-122.

[34] Je crois qu’on peut formuler les règles suivantes : 1° tout γέρων est βασιλεύς ; 2° tout βασιλεύς est γέρων, excepté le βασιλεύς suprême ; 3° tout βασιλεύς a des γέροντες, excepté les chefs des unités dernières et irréductibles ; 4° tout γέρων, comme tout βασιλεύς, est άναξ.

[35] Odyssée, XX, 94.

[36] Iliade, XVIII, 556-557.

[37] Iliade, IX, 160 ; voir encore 392 ; X, 239. Le grand βασιλεύς d’Ithaque (Odyssée, I, 387) a pour γέροντες (XXI, 21) de nombreux βασιλήες (I, 393-395) qui le considèrent comme βασιλεύτερος (XI, 533-534).

[38] Iliade, IX, 69.

[39] Iliade, I, 274-281 ; II, 579-580 ; IX, 97-98.

[40] Iliade, IX, 38.

[41] Iliade, II, 404 ss.

[42] Odyssée, VII, 10-11 ; cf. VI, 197 ; VIII, 401 ; IX, 2 ; XI, 346, 353, 355, 378 ; XIII, 38.

[43] Odyssée, VIII, 390-391. Ils sont appelés βασιλήες (VI, 51 ; VII, 40 ; XIII, 390), comme leur chef Alkinoos (VII, 46, 55, 141 ; VIII, 157, 251, 391, 469 ; XIII, 62). Sur la βουλή homérique, voir Fanta, p. 70 ss. ; Guiraud, p, 116 ss.

[44] Odyssée, VII, 95-99, 130-137, 162 ; VIII, 422.

[45] Odyssée, VIII, 11-12.

[46] Odyssée, VII, 199. Les chefs de φρήτραι sont appelés ήγήτορες ήδέ μέδοντες (VIII, 11, 26), comme les chefs de φΰλα (VII, 136,186).

[47] Cf. Odyssée, VIII, 35.36, 48. Voir, sur l’organisation de Schérie, l’art. Les naucrares et les prytanes de naucrares dans la cité hom., dans la Rev. des ét. gr., XIII, (1900), p. 137-157.

[48] Cf. Fanta, p. 35-38 ; Guiraud, p. 115.

[49] Iliade, II, 840 ; XVII, 220.

[50] Iliade, II, 362-363.

[51] Iliade, XXIV, 399-401 ; cf. XXIII, 297.

[52] De mor. Germ., 7.

[53] Odyssée, III, 7. Nestor commande à neuf agglomérations (Iliade, II, 891-594) qui ont leurs ήγήτορες (Iliade, XI, 687) et dont il est le βασιλεύς en chef (Iliade, II, 54 ; cf. Odyssée, XI, 283).

[54] Odyssée, III, 8.

[55] Iliade, II 602 ; cf. Rev. des ét. gr., l. c., p. 143. La flotte ne se compose pas de neuf fois neuf navires, comme l’offrande de neuf fois neuf taureaux, parce que la tribu se compose de cinq cents citoyens (Odyssée, III, 7) et que les navires sont des pentécontores (500 : 50 = 10).

[56] Odyssée, VIII, 35-36, 48 ; cf. 390-391. Voir Rev. des ét. gr., l. c., p. 137-148.

[57] Dans Hésiode, les βασιλήες ne sont plus jamais appelés γέροντες, parce qu’ils ne sont plus subordonnés à un βασιλεύς suprême. Si l’un d’eux est particulièrement honoré, ce n’est pas qu’on reconnaisse en lui l’héritier d’une dignité supérieure, c’est qu’il attire les regards par sa plus grande sagesse (Théognis, 81-90). Κράτιστος ήν βασιλεύς ό δικαιότατος (Denys d’Hal., Ant. rom., V, 74).

[58] Iliade, IX, 97-102. Cf. Odyssée, II, 14 ; Iliade, XII. 311.

[59] Aristote, Politique, III, 9, 8.

[60] Aristote, Politique, 2.

[61] Iliade, XVIII, 501 ; IX, 155-156, 297-298 ; XVI, 42 ; Odyssée, XI, 569 ; XIX, 108 ss.

[62] Iliade, II, 199, 205-266 ; XXIV, 247.

[63] Iliade, II, 56, 191 ; IX, 10 ; Odyssée, II, 6 ss., 26. Friedreich, § 134, et F. Moreau, Les ass. pol. chez Hom., dans la Rev. des ét. gr., VI (1893), p. 215-217, ont voulu démontrer que l’agora peut être convoquée par tout homme du peuple. Mais le seul texte dont ils puissent se réclamer (Odyssée, II, 25-34) prouve seulement que le droit de convocation appartenait à d’autres qu’au roi.

[64] Iliade, II, 95-99, 280 ; XXIII, 588 ; cf. XVIII, 503.

[65] Aristote, Morale à Nic., III, 5 ; Schol. de l’Iliade, IX, 17, Cf. Meier-Schömann-Lipsius, p. 7-8 ; Nägelsbach-Autenrieth, p. 258 ; Grote, II, p. 70 ss. ; Fustel de Coulanges, Cité antique, p. 269 ss. ; Perret, p. 121 ; Thonissen, p. 24 ; Buscholz, II, I, p. 24 ; Hermann-Thumsen, p. 67-69. Mitchenco, Sur la roy. hom., dans les Mél. Graux, 1884, donne trop d’importance au rôle du peuple ; F. Moreau, l. c., p. 229 ss., l’exagère encore plus.

[66] Odyssée, II, 1-257.

[67] Odyssée, 64-71, 80-82, 239-241, 316-317, 325 ; XVI, 376-382.

[68] Odyssée, XXIV, 420-470.

[69] Odyssée, 463, 466-468.

[70] Sur ce système de droits et de devoirs, voir Grote, III, p. 54-53 ; Fustel de Coulanges, Cité antique, p. 116-119 ; Morgan, p. 333-236.