NAPOLÉON III INTIME

 

1848-1870

XII. — LE PROGRÈS.

 

 

Comment fut fait le canal de Suez. — Le protecteur de tous les progrès. — Les inventeurs méconnus, autrefois et de nos jours. — Quelques inventions de Napoléon III. — Pourquoi nous n'avions ni fusils aiguille, en 1866, ni canons se chargeant par la culasse, en 1810. — L'atelier de Meudon. — Le Paradis des Inventeurs. — MM. Boulet, Girard, Georges Ville, Farcy et beaucoup d'autres. — Ce qu'on doit à Bessemer, on le doit à l'Empereur. — Napoléon III agriculteur.

 

Dans l'un des nombreux mémoires qu'il adressa au gouvernement anglais pour réfuter ses spécieuses objections contre le percement de l'isthme de Suez, M. Ferdinand de Lesseps écrivait : Les sympathies de l'Empereur sont assurées à toutes les entreprises destinées à augmenter le bleu-être des peuples et à favoriser les rapports internationaux[1]. Napoléon III, en effet, devait être sympathique à ce beau projet, lui rappelant celui qu'il avait conçu lui-même.

L'Angleterre le combattait ardemment, non comme inutile pour elle même, mais comme trop utile pour les autres. Dans une dépêche à Lord Cowley, Lord Clarendon l'avouait sans détours : Cette nouvelle voie, donnant passage à la navigation de tous les pays, nous ferait perdre l'avantage que nous possédons actuellement[2]. Napoléon III se plaçait à un point de vue bien différent, plus élevé, et nous nous permettrons d'ajouter : plus juste. Aux Chambres, venant le féliciter de la naissance du Prince Impérial, il avait dit : J'élèverai mon fils dans le sentiment que les peuples ne doivent pas être égoïstes et que le repos de l'Europe dépend de la prospérité de chaque nation. Il était même convaincu qu'en assurant le repos de l'Europe, la prospérité de chaque nation contribuerait indirectement à celle des autres ; qu'entraver une œuvre d'intérêt général pour protéger un intérêt particulier n'était pas seulement une mauvaise action, mais un mauvais calcul.

Il avait donc promis son appui aux promoteurs de cette grande entreprise, en leur disant : Ne craignez rien ; le canal se fera. Il tint parole, avec cette résolution doublée de patience, cette fermeté enveloppée de douceur, qui faisait sa force. Il avait déclaré, dès le début, qu'il ne fallait pas trop presser les choses, de peur de les compromettre[3]. Peser violemment sur l'Angleterre, c'eût été amener la brouille entre les deux pays, en rendant phis difficile, sinon impossible, l'exécution du canal. Au lieu de chercher à briser son mauvais vouloir, l'Empereur l'usa, carguant les voiles quand un grain menaçait, les déployant le lendemain, convertissant peu à peu l'opinion du peuple anglais et par elle exerçant sur son gouvernement une pression efficace[4]. Cette habile tactique eut un plein succès ; l'Angleterre finit par céder et ne se brouilla pas avec nous : sans la ténacité, sans la prudence de l'Empereur, le canal de Suez, moins heureux encore que celui de Panama, n'aurait pu même être commencé.

Napoléon III ne réservait pas son appui, ses encouragements pour des œuvres de cette importance : à la moindre idée susceptible d'accroître le bien-être général ou la sécurité du pays, il s'empressait de témoigner, de prouver son intérêt. Quand Edmond About, ayant écrit son livre sur le Progrès, en adressa le premier exemplaire à l'auteur de tous les progrès, cette dédicace poussait un peu trop loin la flatterie : si le mot d'auteur y avait été remplacé par celui de protecteur, elle n'eût dit que la stricte vérité.

Il semble sans doute que protéger tous les progrès soit la tache naturelle du Pouvoir, que celui-ci manquerait à un devoir élémentaire en ne le faisant pas. On doit croire, cependant, que ce devoir n'est pas si facile à remplir, car il l'est rarement. Les gouvernements, les bureaux qui les représentent, et les Compagnies qui représentent officiellement la science, accueillent trop souvent l'inventeur comme un ennemi. A ces individualités sans mandat, prétendant en savoir plus qu'eux, avoir une idée qu'ils n'avaient pas eux mêmes, et troubler les habitudes prises, ils témoignent instinctivement une ironique malveillance. Il est déjà long le martyrologe de ces pauvres savants, dont la ruine, la folie, la mort a payé le génie méconnu ; dont les inventions, dédaignées de leur vivant, firent plus tard la fortune ou la gloire d'autrui. C'est le Français Rabaut imaginant la vaccine, à laquelle l'Anglais Jenner dut sa célébrité[5] ; — c'est le Français Trésageur trouvant le système d'empierrement des routes, auquel l'Anglais Mac-Adam donna son nom[6] ; — c'est le marquis de Jouffroy inventant le bateau à vapeur, pour la plus grande gloire de Fulton[7] ; — c'est Philippe Lebon, dont on refuse d'adopter le thermo-lampe, premier essai de l'éclairage au gaz ; — c'est Nicolas Leblanc, dont la Convention adopte, au contraire la soude artificielle, mais comme le pickpocket adopte la montre ou le mouchoir d'un promeneur ; — c'est Philippe de Girard transportant en Russie, où ils font la fortune d'une ville, ses métiers, qu'on n'a pas voulu apprécier en France ; — c'est Sauvage, passant de la prison pour dettes à la maison de santé, pendant que son invention, tombée dans le domaine public, est exploitée en Angleterre ; c'est Thimonnier, le mécanicien lyonnais, créant la machine à coudre... pour enrichir et illustrer l'Américain Singer[8].

Et, pour en venir à notre époque, c'est le malheureux Martin, qui avait vécu dans la gêne et vient de mourir dans l'oubli, après avoir enfanté l'une des œuvres les plus utiles et les plus pratiques de ces cinquante dernières années[9] : ce frein qui est aujourd'hui adapté à tous les trains de voyageurs, mais se nomme le frein Westinghouse.

C'est l'ingénieur Turpin, jeté en prison, après avoir trouvé la mélinite ; en sortant, sous la seule pression du sentiment public ; voulant alors, sans y parvenir, soumettre à l'ancien ingénieur président de la République, le produit de ses loisirs forcés : un nouvel engin, qu'il déclare encore plus important pour la défense nationale ; obtenant enfin, et l'on sait à quel prix, que son invention fût examinée par une commission, mais non qu'on en fit un essai nécessaire, soit pour prouver aux autres la valeur de son engin, soit pour démontrer à lui-même par où il péchait et comment il devait être complété ; — c'est l'ingénieur Goubet, travaillant pour la marine, comme son confrère avait travaillé pour la guerre, et aussi peu récompensé de ses longues et très coûteuses études ; subissant de la part de l'administration française, — après avoir résisté aux offres de l'étranger, — des chicanes et des tracasseries devenues légendaires[10] ; ne pouvant, en dépit d'expériences décisives — et dont il dut longtemps payer d'avance à la marine les moindres frais —, lui faire admettre son bateau sous-marin, que les ministres, les ingénieurs des constructions navales condamnent, — sans qu'un seul ait daigné le visiter, cédant sans doute au même scrupule que le critique dramatique qui s'abstenait de voir les pièces dont il devait parler, parce que cela aurait pu l'influencer... Si tous ces inventeurs avaient pris leur brevet sous le règne de Napoléon III, combien sans doute leur sort eût été différent !

Napoléon III était lui-même un inventeur ; lui-même il avait pu constater quelle résistance la routine administrative oppose à tout progrès, et, malgré sa puissance, il avait été plus d'une fois vaincu par elle. Travaillant, méditant, cherchant sans cesse, il avait consacré une partie de ses rares loisirs, à étudier, soit seul, soit avec des hommes spéciaux, comme le général Treuille de Beaulieu et le général Favé, ces questions de balistique pour lesquelles il avait une compétence particulière. De ces études étaient sortis quelques engins de guerre qui auraient suffi, — s'il n'eût été sur le trône et surtout s'il eût aimé davantage à se faire valoir, pour illustrer son nom. On leur dut en effet ce canon obusier de 12, qui contribua, pour une bonne part, à nos victoires de Crimée, et que les Américains, l'ayant employé avec un égal succès pendant leur guerre de sécession, nommèrent le canon Napoléon. On leur dut l'idée des vaisseaux cuirassés, qui reçut à la même époque sa première application et allait bientôt s'imposer, avec de continuels perfectionnements, à toutes les marines du monde[11]. On leur dut le canon rayé qui nous assura, dans la campagne de 1859, un avantage décisif sur l'artillerie autrichienne. On leur dut encore, — bien qu'indirectement, — cette mitrailleuse dont les Prussiens éprouvèrent, à plusieurs reprises, les terribles effets : la mitrailleuse fut fabriquée sans doute par le colonel de Reffye, mais avec l'argent et par ordre de l'Empereur, faisant installer, tout exprès, un atelier d'études au haras de Meudon, mettant à la disposition de M. de Reffye, son officier d'ordonnance, toutes les ressources nécessaires, pour construire une bouche à feu pouvant lancer la mitraille à grande distance : tels étaient les termes précis des instructions données par Napoléon III.

Aussi M. de Molinari, dans une étude sur l'Empereur, où l'éloge était assez rare, daignait-il reconnaître que, comme artilleur du moins, Napoléon III avait rendu à son pays d'incontestables services : Bornons-nous à remarquer, — disait-il, en parlant du Manuel d'Artillerie, publié par Louis-Napoléon, en Suisse, — que le prince avait un goût très vif pour les puissants outils de la guerre et qu'on doit certainement à son initiative les progrès qu'ils ont réalisés depuis dix ans en France, où, avant le second Empire, le comité d'artillerie se signalait par son invincible répugnance pour les innovations[12].

Cette invincible répugnance, à laquelle il avait imposé d'importantes et d'heureuses innovations, Napoléon III ne put toujours en triompher. Si l'une des causes qui nous réduisirent à l'inaction en 1866 ut que notre armée n'avait pas de fusils à tir rapide, l'Empereur en était-il responsable ? Non assurément ; car, dès 1864, il avait réclamé cette réforme, en indiquant lui-même toutes les conditions du fusil qu'il désirait voir fabriquer ; mais la prévention qui existait au ministère de la guerre contre ces nouvelles armes en retarda l'introduction dans le service. L'expérience de Sadowa fut nécessaire pour dessiller tous les yeux[13]. Encore ne les dessilla-t-elle pas tout à fait. En lisant le rapport confidentiel que, peu de temps avant de perdre son portefeuille, il adressait à l'Empereur, on constate aisément que le maréchal Randon reconnaissait la nécessité de céder à l'engouement du public pour le fusil à tir rapide, sans être convaincu lui-même de ses avantages[14].

Si, en 1870, nous n'avions pas de canons se chargeant par la culasse, comme l'armée allemande, on ne pouvait, sans une égale injustice, s'en prendre à l'Empereur, qui n'avait cessé de préconiser ce système. Dès 1858 le général de Beaulieu en faisait, à sa demande, une première application ; le type cherché, trouvé par lui, devait être, après de longues expériences, adopté par le ministère de la marine, non par le ministère de la guerre. S'inclinant devant les objections du Comité d'artillerie, Napoléon III, — pouvait-il mieux faire ? — chargea le colonel de Reffye de fabriquer un nouveau type, ayant les avantages, sans les défauts, du précédent ; il lui indiqua lui-même la nécessité d'allonger le projectile pour qu'il offrit moins de résistance à l'air. Ainsi est né le canon de 7 qui, par malheur, n'était pas en service au moment de la déclaration de guerre. Adopté avec passion par M. Thiers, il fut remplacé quatre ans plus tard par le canon de Range, qui l'améliorait, sans beaucoup le modifier ; il n'en avait pas moins réalisé en son temps un progrès considérable.

Si l'Empereur, mieux que les bureaux de la guerre, avait compris la nécessité de certaines réformes, pourquoi s'était-il borné à donner des conseils quand il pouvait donner des ordres ? S'il avait vu, dans cette question, plus juste que les autres, — plus juste surtout que ceux qui devaient, en 1871, s'indigner de son aveuglement, — pourquoi ne faisait-il pas prévaloir, d'autorité, ses vues ?... Pourquoi, en un mot, n'a-t-il pas agi en despote ? — Car c'est toujours là qu'à y bien regarder aboutissent les griefs des survivants de l'Union Libérale à son égard ? Nous répondrons : Napoléon III n'agit pas en despote, parce qu'il n'avait pas une âme de despote ; et il s'inclina devant des objections mal fondées, parce que sa modestie naturelle avait résisté à son éclatante fortune. Dans la brochure qu'il dicta après la guerre et où nous avons déjà puisé plusieurs fois, il l'indiquait lui-même : Si l'empereur n'a pas imposé son opinion, il n'y a pas lieu de s'en étonner ; car ç'eût été de sa part une grande présomption que de prétendre mieux résoudre cette question que les hommes spéciaux et distingués qui composent le Comité d'artillerie[15].

N'éprouvant pas pour les innovations la répugnance générale qu'il constatait, sans oser toujours la vaincre, Napoléon III était toujours prêt. A les étudier avec bienveillance, et pour peu qu'elles en valussent la peine, à les encourager, autant qu'il dépendait de lui. Il s'était tracé à cet égard une ligne de conduite, qu'il formulait ainsi : Ne rien condamner comme chimérique avant examen ; faire éclore les idées fécondes que l'on accuse si souvent les administrations de dédaigner et d'étouffer[16]. Sous son règne, les plus humbles et les plus obscurs chercheurs d'inventions, savaient que s'ils en faisaient une, même peu importante, ils pourraient, sans protections ni recommandations, arriver jusqu'au souverain, pour la mettre sous

sa protection. Aussi cherchait-on de tous côtés. Et dès qu'on avait trouvé, ou cru trouver, on s'écriait encore : Quand l'Empereur le saura !...

Le hasard nous permit de constater, en 1859, avec quelle facilité les portes des Tuileries s'ouvraient pour les plus modestes ouvriers du progrès. Un mécanicien d'Alger avait imaginé un nouveau système de décors pour les théâtres ; aussitôt sa maquette construite, il s'était embarqué pour la France. Arrivé à Paris il venait nous trouver avec une lettre d'un colon de notre connaissance, nous priant de lui faire obtenir, si la chose était possible, une audience de l'Empereur. L'invention était ingénieuse, mais d'un intérêt, après tout, secondaire. En commençant, par acquit de conscience, les démarches qui nous étaient demandées, nous n'espérions pas beaucoup qu'elles aboutissent. Six jours, — pas davantage, — après sa première visite le mécanicien revenait, pour nous déclarer, assez fièrement, qu'il n'avait plus besoin de nous, ni de personne. Ayant compris que nous avions une médiocre confiance dans le résultat de notre tentative, il s'était décidé à adresser directement sa requête au cabinet de l'Empereur, — et il venait de recevoir une lettre d'audience ! Son cas, parait-il, n'était pas exceptionnel.

Plus tard, cependant, les sollicitations de ce genre devinrent si nombreuses qu'il fallut les soumettre à un premier triage. Un aide de camp de l'Empereur, prodigieusement instruit, — ce qui ne l'empêchait pas d'être le plus modeste et le plus affable des hommes, — le général Favé, fut chargé de recevoir les inventeurs et de ne laisser arriver jusqu'au souverain que ceux qui avaient réellement inventé quelque chose, si peu que ce fût !

A ceux-là, pendant tout son règne, même dans ces dernières années où les exigences croissantes de l'opposition et les réformes constitutionnelles qui leur furent concédées, semblaient devoir absorber sa pensée, Napoléon- III conserva une suffisante liberté d'esprit pour s'intéresser aux moindres progrès. En 1869, en 1870, comme les années précédentes, le Journal Officiel publiait constamment des notes de ce genre : L'empereur a reçu hier M. Hamon, l'inventeur des tuyaux hygiéniques doublés d'étain, destinés à conduire les eaux potables. Sa Majesté a examiné avec intérêt cette innovation si importante pour la santé publique. — Hier matin, l'Empereur a reçu en audience particulière M. Coock, inventeur d'un perfectionnement au système de télégraphie électrique Bonelli-Hipp. Sa Majesté a vu fonctionner avec intérêt cet ingénieux appareil qui reproduit automatiquement les caractères d'imprimerie..., etc. Ce n'était pas en matière d'inventions qu'on dit pu dire alors De minimis non curat pretor. Napoléon III n'en dédaignait aucune. A quelques jours d'intervalle, l'aéronaute Godard venait lancer dans le parc de Saint-Cloud, son ballon la Gloire, muni d'un appareil lui permettant de s'élever, de descendre à volonté, et un artiste-mécanicien donner dans le palais une audition de son piano-orchestre.

Aux auteurs de découvertes ou de projets plus importants, l'Empereur donnait, offrait des encouragements plus efficaces. Nous n'avons pas la prétention de connaître tous ceux qu'il soutint de la sorte. Nous pouvons en citer, du moins, un certain nombre. L'ingénieur Thome de Gamond reçut un subside qui lui permit de continuer ses coûteuses études pour un projet de tunnel sous-marin. Aux frais de l'Empereur, M. Mouchot put faire, dans le parc de Saint-Cloud, un essai de sa chaudière solaire et M. Tessier du Molay, dans la cour des Tuileries, un essai de ses appareils d'éclairage au gaz oxhydrique. M. Niepce de Saint-Victor cherchait à perfectionner l'invention de son oncle ; mais, capitaine dans la garde de Paris, il n'avait que peu de loisirs à y consacrer ; l'Empereur le nomma commandant militaire du Louvre ; et dans cette demi-sinécure il put poursuivre ses recherches, — auxquelles on dut la photographie sur verre et sur papier. M. Sainte-Claire Deville avait construit une locomotive mue par le pétrole ; l'Empereur la lit atteler au train qui le conduisait à Châlons. Là, devant la foule accourue pour l'acclamer et qui n'en croyait pas ses yeux, il monta sur la locomotive avec l'inventeur ; puis, faisant office de mécanicien, il mena lui-même le train jusqu'à Mourmelon. Dès les premières découvertes de M. Pasteur, Napoléon III prit le plus vif intérêt à ses travaux et, comprenant l'exceptionnelle valeur de ce savant, il l'appela, jeune encore, au Sénat.

Les inventeurs n'étaient pas toujours obligés d'invoquer sa protection ; il leur épargnait souvent cette peine. C'est sur une invitation spontanée de l'Empereur qu'au mois de mai 1868 l'ingénieur Boulet, auteur d'un projet fort curieux de pont-railway sur la Manche, apportait aux Tuileries tous ses plans, avec un spécimen des tresses de fer qu'il comptait employer à sa gigantesque construction, — et qui, celle-ci ne se réalisant pas, pouvaient utilement servir à des travaux moins grandioses. En sortant du palais impérial, l'heureux ingénieur écrivait à l'un de ses amis : L'Empereur m'écoutait avec attention et bienveillance. J'ai été étonné de la facilité avec laquelle il a saisi le système. Je savais bien qu'il avait fait des études sérieuses, mais j'étais loin de m'attendre à le voir embrasser si facilement les détails d'une construction si nouvelle et si spéciale... Je ne saurais assez vous dire, mon cher ami, avec quelle touchante bonté j'ai été reçu par l'Empereur. Je vous l'ai déjà dit et je vous le répète, sans vouloir faire d'allusion blessante : sous un autre gouvernement je n'aurais jamais osé entreprendre un pareil travail. Il m'a fallu, pour me décider, l'assurance d'être compris du souverain qui avait patronné le percement du Mont-Cenis et de l'isthme de Suez. Un terrain du garde-meuble ayant été mis à sa disposition, pour y faire ses constructions d'essai, M. Boulet y reçut, l'année suivante, une longue visite de Napoléon III, après laquelle, il écrivait encore : L'Empereur comprit tout, me questionna sur plusieurs points ; et ses questions me prouvèrent, une fois de plus, qu'aucun détail du projet ne lui avait échappé... Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'il fit, comme toujours, preuve de cette exquise bienveillance qui lui attire tous ceux qui ont l'honneur de l'approcher.

Cette exquise bienveillance était tellement attirante, notons-le en passant, — que certains, craignant d'être trop attirés, voulaient s'y soustraire, comme ce républicain qui avait été lui soumettre je ne sais quel projet d'intérêt public, et disait à l'ami par lequel il avait obtenu son audience, M. Alfred Magne : Si j'ai été bien reçu ? Trop bien, mon cher ! Je ne retournerai plus le voir : il me rendrait impérialiste, et ça me vexerait ![17]

L'ingénieur Girard étudiait son système de chemin de fer à glissement, sans avoir encore songé, plus que l'ingénieur Boutet, à provoquer les encouragements de l'Empereur : Napoléon III, ayant eu connaissance des essais de M. Girard, lui offrit de protéger et d'aider de nouvelles études. Les sommes nécessaires à la poursuite de l'œuvre furent mises à la disposition de l'inventeur[18]. Une commission fut constituée pour observer le résultat de ses travaux. Plusieurs expériences curent lieu, à Saint-Cloud, sous les yeux de l'Empereur, qui y fit assister le ministre des Travaux Publics et le directeur général des chemins de fer. A la fin de 1869, Girard obtint la concession d'une ligne assez importante ; il allait en entreprendre l'exécution quand éclata la guerre ; et, six mois après, il était tué sur la Seine, par une balle prussienne. Son idée était ingénieuse et pratique[19], mais trop d'intérêts contraires s'opposaient à sa réalisation pour qu'elle pût aisément triompher. Elle fut toutefois reprise, perfectionnée, et expérimentée avec succès à l'Exposition de 1889, par un de ses anciens collaborateurs, qui, croyons-nous, mourut à son tour. On assure qu'un jour ou l'autre elle aura sa revanche.

Le projet de chemin de fer à un seul rail, de l'ingénieur Larmanjat, également encouragé, soutenu par Napoléon III, devait rencontrer les mêmes obstacles et s'y briser aussi.

Le célèbre chimiste Georges Ville fut plus heureux que ces deux ingénieurs. Il put se faire comprendre ; il put rendre à l'agriculture, malgré les agriculteurs, un immense service. Mais, sans l'énergique protection de l'Empereur, y serait-il parvenu ? Ce savant sans mandat, et même sans diplômes, aurait-il pu jamais surmonter le mauvais vouloir de la science officielle et l'inertie de la routine agricole si Napoléon III, en créant pour lui la chaire de physiologie végétale au Muséum, ne lui avait permis de propager sa doctrine ; et, en lui fournissant les moyens de l'appliquer, ne lui avait permis d'en démontrer la valeur ? C'est en 1860 que le champ d'expériences de Vincennes fut institué aux frais de la cassette particulière de l'Empereur... A Vincennes, ce n'est plus comme au Muséum : Georges Ville ne se contente plus d'affirmer, il prouve. Ce champ d'expériences dû à l'intelligente munificence du souverain est l'une des plus grandioses, l'une des plus admirables et des plus fécondes créations de cette fin de siècle, qui a déjà enfanté tant de merveilles[20].

Si, pour ses propres inventions, Napoléon III s'inclinait modestement devant le veto des autorités techniques, il s'y montrait moins disposé quand il s'agissait des inventions d'autrui. En 1869, un lieutenant de vaisseau, M. Farcy, fait un projet de canonnière, n'ayant que 15 m. 60 de longueur, ne calant qu'un mètre d'eau, et devant porter un canon de 24. L'Empereur, à qui ce projet est communiqué par son aide de camp, l'amiral Jurien de la Gravière, en est séduit. Il le recommande au conseil des travaux, dont l'avis, aussi défavorable, aussi dédaigneux que possible, se termine ainsi : En résumé, dussions-nous être encore traités de routiniers et ennemis du progrès, nous déclarons, à l'unanimité, que le projet de M. Farcy est impraticable et qu'il n'y a pas lieu d'en faire l'essai aux frais de l'État[21].

Napoléon III veut procurer au jeune inventeur le moyen d'en appeler d'un arrêt si sévère. Il fait lui-même construire la canonnière dans l'usine choisie par M. Farcy, où il va la voir, à peine terminée : c'est là qu'il reçut, des ouvriers, cet accueil si froid au début, si chaleureux ensuite, dont nous avons parlé plus haut. La canonnière étant achevée fut expérimentée à Saint-Cloud, devant l'Empereur et l'Impératrice. Cette expérience, suivie d'autres encore plus concluantes, — sans désarmer la sourde hostilité du ministère de la marine, — donna pleinement raison à l'inventeur, comme au souverain qui l'avait résolument soutenu.

La sollicitude de Napoléon III n'était point réservée aux inventeurs dont les découvertes pouvaient illustrer son règne ; elle cherchait à réparer le tort causé par l'indifférence des régimes précédents : au malheureux Sauvage, dont il adoucissait les derniers jours ; à Nicolas Leblanc et à Philippe de Girard, —dont il pensionnait les héritiers. Cette sollicitude s'étendait encore sur les étrangers dont les découvertes utiles pouvaient profiter à notre pays, comme au leur. Aussi, des quatre coins de l'Europe, les chercheurs d'idées progressives tournaient-ils les yeux vers les Tuileries, nommées par eux le Paradis des inventeurs[22] ; — un Paradis plus accessible que l'autre, où il y avait beaucoup d'appelés et beaucoup d'élus !

L'ouvrage de M. Henri Bordier, que nous avons déjà cité, prouve qu'on n'inventait pas en Allemagne un système pour rendre les ballons dirigeables ; — pour arrêter les chevaux emportés ; — pour prévenir la maladie des vers à soie ; — ni une lunette indiquant les distances — ni un remède contre le mal de mer ; ni un piano électrique ; ni un appareil fumivore, ni un nouveau mode d'écriture secrète ; — ni une nouvelle formule pour la composition du vernis ; — ni un nouveau produit nommé farine de bouillon, — ni même, ni surtout un nouvel engin de guerre[23], sans en informer, la main tendue, Napoléon III.

Lorsque l'abbé Caselli, mort à Florence en 1891, eut inventé son ingénieux appareil, reproduisant télégraphiquement l'écriture, il s'empressa de le présenter à l'Empereur. Napoléon III lui signala quelques perfectionnements à y apporter, et pour l'aider à les trouver, lui fit une pension. L'appareil ainsi rectifié ayant été adopté par l'administration, l'Empereur voulut aller le voir fonctionner à la Direction des Télégraphes.

L'Angleterre elle-même, malgré son esprit pratique, n'accueille pas toujours bien les idées nouvelles. Bessemer, auquel l'industrie doit, dit-on, une économie annuelle de 500 millions, — en fit l'épreuve à ses dépens. Il avait commencé par travailler pour son gouvernement et n'eut pas à s'en féliciter. Ayant trouvé et donné au Ministère des Postes un procédé fort ingénieux pour empêcher la fraude des timbres, il n'avait reçu, en échange, que des promesses variées, dont. aucune n'avait été tenue. Il inventa ensuite une nouvelle forme de projectile pour les canons et le porta au Bureau de la Guerre, qui sans examen, lui retourna ses plans et ses devis. Bessemer, fort découragé, arrive à Paris ; il dîne avec le prince Napoléon, qu'il intéresse et qui parle de lui à l'Empereur. Celui-ci lui fait aussitôt adresser une lettre d'audience : Napoléon III le reçut parfaitement, et, très au courant lui-même des questions de balistique, l'écouta avec un bienveillant intérêt. Plus heureux que l'ingénieur Turpin, il put faire de nombreuses expériences à Vincennes, où, par ordre de l'Empereur, toutes facilités lui furent données pour les mener à bien. Ces expériences lui ayant démontré la nécessité de certaines corrections, il voulut aller continuer ses travaux à Londres, après avoir pris congé de l'Empereur. Napoléon III lui dit : Vous allez avoir de nouvelles dépenses à faire ; j'entends y contribuer. Et ce mot prouve, une fois de plus, avec quelle délicate simplicité l'Empereur faisait ses largesses : pour contribuer aux nouvelles dépenses de l'ingénieur anglais, il lui envoyait, le surlendemain, une lettre de crédit sur la maison Baring frères, — où la somme était laissée en blanc[24].

Grâce à ce crédit illimité, dont il usa d'ailleurs discrètement, Bessemer parvint à fabriquer un petit canon d'acier d'une singulière légèreté et d'une grande force de résistance, qui devait servir de modèle à l'artillerie actuelle. Il repartit aussitôt pour Paris, avec son canon, qu'il offrit à l'Empereur. Napoléon III en fut très frappé ; il témoigna à l'inventeur une affectueuse sympathie dont sir H. Bessemer a toujours conservé un souvenir reconnaissant. Le contraste était grand alors pour lui entre l'intérêt dont faisait montre à son égard un souverain étranger et l'accueil plus que dédaigneux des fonctionnaires anglais.

Par une autre découverte Bessemer allait bientôt révolutionner l'industrie des chemins de fer, et, avec une notoriété universelle, conquérir dans son propre pays la fortune et les honneurs que méritait son génie : sans les affectueux encouragements de Napoléon III, il eût renoncé à ce métier d'inventeur qui lui avait valu de si amers déboires et le monde n'eût sans doute jamais connu le précieux acier Bessemer.

Après l'Exposition de 1867, l'Empereur qui avait la mémoire tenace et l'amitié fidèle voulut donner à l'inventeur anglais le grand cordon de la Légion d'Honneur ; mais son gouvernement ne l'autorisa pas à l'accepter. L'irritation que lui causa cet injustifiable refus réveilla en lui les amertumes passées et le décida à livrer à l'appréciation publique les procédés dont il avait été victime à son début dans la vie.

Tous les protégés de Napoléon III n'eurent pas une fin aussi brillante que Bessemer ; plusieurs des inventions patronnées par lui n'aboutirent à aucun résultat. Môme convaincu de leur mérite, l'Empereur n'avait ni le pouvoir, ni le droit de les imposer, de briser la résistance que leur opposaient ou la routine, ou des intérêts rivaux : son seul devoir était de donner aux inventeurs le moyen de poursuivre tranquillement leurs travaux, le moyen de prouver, par des expériences dispendieuses mais qui ne leur coûtaient rien, la valeur pratique de leurs procédés ; — et ce devoir, on ne saurait contester que Napoléon III l'ait largement, magnifiquement rempli.

Ajoutons que cette bienfaisante influence s'est fait sentir même après sa chute, même après sa mort. Parmi les inventions brevetées depuis1870, plus d'une assurément est due aux études que leurs auteurs avaient commencées sous l'Empire, comptant, en cas de succès, sur les encouragements du souverain, ou espérant gagner l'un des prix qu'il avait fondés de ses propres deniers, — comme le prix de 50.000 francs pour le nouvel emploi, le plus utile, de l'électricité.

Comme aux progrès de l'industrie, Napoléon III avait efficacement contribué à ceux de l'agriculture. Nous venons de montrer quel service il avait rendu à la classe agricole, en fournissant à M. Georges Ville le moyen de vulgariser ses doctrines. Il lui en rendit d'autres, — comme chef d'Etat, d'abord, en développant le drainage, en faisant reboiser les montagnes, en multipliant les chemins vicinaux, en organisant les comices et concours régionaux, etc. ; — comme prince ensuite, en subventionnant, de sa bourse, l'exploitation des mines de phosphate de chaux et en se faisant lui-même agriculteur.

En France, dans les régions déshéritées des Landes, de la Sologne et de la Champagne pouilleuse, il créait des fermes modèles, où des inventeurs de machines agricoles faisaient gratuitement leurs expériences, où les cultivateurs, avec des conseils, recevaient gratuitement les semences nécessaires pour faire fructifier, pour assainir leurs ingrates ou insalubres terres. Napoléon III y trouvait l'occasion d'encourager par son exemple, comme il l'avait toujours fait par ses conseils, l'équitable système de la participation aux bénéfices : tous les directeurs, régisseurs ou ouvriers des fermes impériales étaient, en effet, intéressés aux profits de leurs travaux[25].

En Algérie, où il avait cherché à introduire la culture du coton, par une prime de 100.000 francs, sortie de sa cassette, l'Empereur établit la ferme-école de Bouckandara, pour apprendre aux Arabes, fort arriérés, les procédés de la culture moderne.

Toutes ces créations, dont, chez nous, le public parut lui savoir peu de gré, furent plus justement appréciées au dehors, — comme le prouverait, à elle seule, la longue et très élogieuse étude que leur ont consacrée deux agronomes saxons, professeurs à l'Ecole Forestière de Tharandt..... Il nous sera permis de constater, avec ces étrangers, que, si Napoléon III, se montra le généreux protecteur de tous les progrès accomplis sous son règne, il fut bien aussi l'auteur de quelques-uns !

 

 

 



[1] FERDINAND DE LESSEPS, Souvenirs de quarante ans, p. 236.

[2] FERDINAND DE LESSEPS, Souvenirs de quarante ans, p. 249.

[3] Souvenirs de Quarante ans, p. 249.

[4] Je me suis rendu à Londres, écrivait M. de Lesseps, le 21 mars 1857, et j'y ai reconnu que depuis plusieurs mois, la question du Canal avait fait des progrès immenses. Le commerce, la haute banque y étaient déjà gagnés. Le reste du public devait suivre.

[5] Edouard FOURNIER, Le Vieux-Neuf, t. Ier, p. 275.

[6] Edouard FOURNIER, Le Vieux-Neuf, t. Ier, p. 65.

[7] Edouard FOURNIER, Le Vieux-Neuf, t. Ier, p. 221.

[8] Edouard FOURNIER, Le Vieux-Neuf, t. Ier, p. 221.

[9] Émile GAUTIER, Figaro, 24 septembre 1894.

[10] Commandant Z. et H. MORTECHART, Les guerres navales de demain, p. 238 et suivantes.

[11] L'idée vint à l'Empereur de rendre les vaisseaux moins vulnérables, en couvrant leurs murailles d'une plaque de fer, et il ordonna de faire dans ce sens des expériences à Vincennes. Dans le principe son espoir n'allait pas jusqu'à mettre les navires à l'abri des boulets pleins, mais à les protéger contre les projectiles creux... Les expériences de Vincennes dépassèrent les espérances et il fut bientôt prouvé que les vaisseaux blindés résisteraient aux boulets pleins... Le gouvernement anglais, étant notre allié dans la guerre d'Orient, fut immédiatement informé de cette importante modification obtus les constructions navales... Il fut décidé que les gouvernements alliés feraient construire chacun trois canonnières recouvertes en fer. (Note sur les progrès de l'artillerie dus à l'Empereur Napoléon III, 1871.) Ces trois batteries flottantes employées contre les fortifications de Kimburn (la Dévastation, la Lave, la Tonnante) servirent de type aux vaisseaux blindés et entraînèrent une complète transformation du matériel naval... Qui s'en survient aujourd'hui ?

[12] Napoléon III publiciste, 1861, p. 39.

[13] Note sur les progrès de l'artillerie dus à l'empereur Napoléon III. — Six mois avant Sadowa un fusil à tir rapide fut expérimenté à Vincennes. Après cette expérience le ministre de la guerre et le Comité d'artillerie restèrent convaincus et déclarèrent que cette arme n'était pas pratique surtout pour nos soldats qui, trop nerveux, gaspilleraient les cartouches, ne pourrait par conséquent approvisionner suffisamment.

[14] Ce rapport, qui fut publié en 1812 seulement, se terminait ainsi : ... Rappelons les vertus militaires de nos ancêtres, cela vaudra mieux que le fusil à aiguille !

[15] Les Forces militaires de la France en 1870.

[16] Th. MERRUAU, Souvenirs de l'Hôtel de Ville, p. 363.

[17] Le correspondant du Times à Paris écrivait, vers cette époque, à son journal : Personne n'accueille ceux qui l'approchent avec une courtoisie plus gracieuse et plus digne. Parmi les nombreux solliciteurs auxquels il a accordé une audience, j'en ai connu beaucoup qui, peu de temps auparavant, lui étaient hostiles ; mais Je n'en ai pas connu un seul qui ait quitté le monarque, non seulement sans être convaincu de la supériorité de son intelligence, mais sans être charmé de la simplicité de ses manières.

[18] Notice publiée par le Monde Illustré, 7 juin 1862.

[19] D'après la Revue scientifique (numéro du 5 octobre 1889), elle présentait, en effet, de nombreux avantages : douceur du transport ; suppression du bruit, de la fumée, des chances de déraillement ; faculté d'arrêter les trains instantanément et sans secousses ; faculté de gravir toutes les rampes, ce gui dispensait de creuser des tunnels ; grande économie de traction.

[20] ÉMILE GAUTIER, Une Révolution agricole, p. XVII.

[21] La canonnière Farcy, par un officier supérieur de la marine, 1889, p. 10.

[22] L'Empereur Napoléon, disait le Daily-News, a accordé son patronage à ces pionniers de la science, au génie desquels la sotte routine oppose une force d'inertie... Nombre de projets, qui n'ont rencontré en Angleterre qu'ignorance et incrédulité ont reçu aux Tuileries l'accueil le plus gracieux et parfois le plus enthousiaste. Ce palais véritablement mérite le surnom de Paradis des Inventeurs.

[23] Un avocat-avoué du grand-duché de Bade lui soumet plusieurs modèles d'armes de guerre qu'il a secrètement fabriqués en bois ; — un relieur de Berlin lui offre, moyennant finance, une cartouche imperméable pour fusil à aiguille ; — un horloger de Magdebourg une invention pour les cartouches de fusil à aiguille ; — deux habitants de Rudolstadt un procédé pour la fabrication des amorces destinées au fusil à aiguille ; — un habitant de Nelken de nouveaux systèmes de défense soit pour troupes de forteresses soit pour troupes en campagne ; — un autre un projectile creux ; — un autre une application de l'électricité au blindage des navires, qui doit assurer à la France une énorme supériorité ; — un habitant de Stettin, un procédé pour faire sauter les places forte ; un capitaine de l'artillerie prussienne une découverte qu'il a faite pour la poudre de guerre ; — un autre Prussien (de Reineck) une invention pour renforcer les carrés d'infanterie ; un autre (d'Orianenburg) un moyen d'incendier une flotte distance ; — un autre, de nouvelles amorces ; — un Badois, un Hessois, un Hanovrien trois systèmes pour le blindage des navires ; — un juge wurtembergeois une invention pour diminuer le poids des canons rayés ; — un Bavarois un appareil pour protéger les soldats et les chevaux contre les balles, etc.

[24] Qu'auraient dit, — ajoutaient les notes de Bessemer qui ont fourni tous ces détails, — nos lords de la Trésorerie, à la vue d'un pareil document, eux qui faisaient payer 5.000 livres st. à Wellington pour des dépenses commandées par eux, mais dont Wellington avait égaré la Justification.

[25] Ces pays autrefois ravagés par les fièvres paludéennes, en ont été débarrassés par les travaux de drainage et de dessèchement que l'Empereur y fit exécuter. Avant ces travaux, dans les Landes, la vie moyenne était de 34 ans ; après (en 1869), elle s'élevait à 38 ans et 11 mois. Pour la Sologne, un rapport officiel, rédigé à une époque où le gouvernement ne songeait guère à louer les œuvres de l'Empire (en 1814) constatait quels progrès y avaient également réalisés les travaux ordonnés par l'Empereur, avec l'active coopération de M. le sénateur Bourvilliers : diminution sensible de la mortalité, accroissement du revenu des terres, dans l'énorme proportion de 68 %, etc. Notons ici, en passant que le régisseur du domaine impérial de Sologne était Émile Thomas, l'ancien directeur des Ateliers nationaux.