HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS

 

CHAPITRE XIX. — Continuation des réformes jusqu'à la guerre de Hollande de 1672.

Deuxième partie : Administration civile : grande importance de Colbert. Développement travail, des arts, des lettres, du luxe. État des mœurs.

 

 

II. — Grande splendeur des lettres et des arts. - Fondation de l'Académie des sciences, de l'École de Rome, de l'Académie de Musique ; importance de l'Académie française. - Bibliothèque du roi ; collections. - Monuments publics, embellissements de Paris, Versailles. - Développement des sciences, savants étrangers attirés en France ; Observatoire. - Tableau de la littérature de 1865 à 1872 : Poésie didactique, la fable, le genre épistolaire. Ouvrages de Port-Royal, les Pensées de Pascal. Éloquence religieuse. Ce qui reste des Précieuses et des poèmes épiques. Les Érudits.

 

Quoique la transition paraisse un peu brusque, nous passons des colonies aux beaux-arts et des fabriques aux belles-lettres, parce que tous ces objets se rencontrent sans se confondre dans la pensée de Colbert, reçoivent ensemble, de ce génie flexible, l'impulsion qui convient à chacun, et, loin de se nuire, tirent souvent les uns des autres de nouveaux moyens de progrès et d'utilité. Nous le verrons ensuite porter la même liberté d'esprit des académies aux constructions navales, et préparer où conduire la guerre maritime sans rien sacrifier des autres devoirs de sa charge.

Il ne croyait pas que la petite Académie des médailles instituée par lui pour célébrer la gloire du roi, ni même l'Académie française fondée par Richelieu pour fixer la langue, pussent suffire au développement de toutes les facultés ni à l'avancement de toutes les connaissances humaines. Il rêvait une Académie générale, composée de tous les hommes les plus habiles dans la littérature et dans les sciences, et comme des états généraux du savoir capables de traiter toutes les matières et de répondre à toutes les questions. Partagée en quatre sections, ou, comme dit Charles Perrault, en quatre talents différents, belles-lettres, histoire, philosophie, mathématiques, elle aurait fréquemment des assemblées générales, où les travaux particuliers de chaque section seraient soumis, par le rapport des secrétaires, au corps entier. Aux gens des belles-lettres, l'étude de la grammaire, de l'éloquence et de la poésie ; aux historiens, l'histoire, la chronologie, la géographie ; aux philosophes, la chimie, la botanique, l'anatomie, la physique expérimentale ; aux mathématiciens, la géométrie, l'algèbre et l'astronomie ; aux assemblées générales, la discussion, l'échange des connaissances, le droit de décider et de consacrer les décisions par l'autorité commune[1]. Ce plan, qui précédait de plus d'un siècle, et qui a peut-être inspiré la formation de l'Institut, ne put avoir d'exécution complète du vivant de Colbert ; il en réalisa au moins une partie essentielle : il fonda l'Académie des sciences (1666).

La destination de l'Académie des sciences est indiquée par sa devise : Naturæ investigandæ et perficiendis artibus. Colbert entendait que le travail y fût sérieux et vraiment profitable. Elle avait pour objets d'études les mathématiques, l'astronomie, la botanique, l'anatomie et la chimie. Les questions frivoles lui étaient interdites, telles que l'astrologie judiciaire et la recherche de la pierre philosophale ; elle laisserait respectueusement la théologie aux facultés chargées d'en connaître, et n'aborderait jamais la politique, à cause du péril qu'il y a de remuer ces sujets sans mission et sans nécessité. Colbert déclara tout d'abord aux nouveaux académiciens qu'il ne tiendrait qu'à eux de rendre cette compagnie la plus célèbre et la plus savante du monde entier ; et il le leur prouva en leur fournissant tous les secours qu'ils pouvaient désirer. Il leur assigna pour lieu de réunion la bibliothèque du roi, où les livres et manuscrits ne leur manqueraient pas. Un laboratoire y fut construit dans l'en :' droit le plus propice, et pourvu de tous les ustensiles, les, outils, drogues et vaisseaux nécessaires aux opérations. On s'occupa immédiatement d'élever un observatoire pour les travaux d'astronomie[2].

Colbert avait montré son zèle pour les beaux-arts en organisant l'Académie de peinture comme une école régulière et publique. En 1666, il donna un complément à cette institution par l'École ou Académie de France à Rome. Rien n'égale l'abondance de la ville éternelle eu chefs-d'œuvre des grands maîtres et en modèles de tout genre. Devenue, par les soins des papes, la capitale des arts comme de la religion, on dirait qu'elle n'a rassemblé ces richesses sous l'autorité du père commun des fidèles que pour les mettre plus libéralement à la disposition de tous les membres de la famille. Toute l'Europe a ressenti les effets de cette hospitalité. Colbert voulut en assurer à la France le profit permanent. L'école qu'il fonda à Rome devait se composer, sous un recteur choisi parmi les peintres du roi, de douze jeunes Français : six peintres, quatre sculpteurs, deux architectes, se renouvelant de deux en deux ans. Leur mission était de copier tous les beaux tableaux, de faire des statues d'après l'antique, et de relever les plans et élévations des palais et édifices ; en deux mots, faire passer en France tout ce qu'il y avait de beau en Italie, et offrir aux artistes en France même une école où ils pourraient beaucoup profiter. La précision des règles qu'il leur imposa dénote, non-seulement une grande intelligence des secrets de l'art, mais encore la volonté de former des travailleurs, et de leur inspirer pour le succès une ardeur égale à la sienne : étudier, à des heures déterminées, la géométrie, la perspective, l'architecture ; étudier l'anatomie, la science du jeu des muscles et des mouvements du corps, si utile aux sculpteurs et aux peintres ; entendre pendant le repas des lectures d'histoire pour y trouver des inspirations ; former leur génie par les bonnes choses qu'ils auront sous les y eux, et s'abstenir des débauches qui entretiennent l'ignorance par la perte du temps ; ne pas mettre leur talent au service des particuliers dans l'espoir trompeur d'un gain immédiat, mais travailler sans partage pour le service du roi. L'exclusion sera la peine de ceux qui manqueront à ce devoir ; un prix, décerné chaque année, sera la récompense du plus laborieux et du plus habile. Il est prescrit au recteur de les surveiller sans relâche, soit à l'intérieur de la maison, soit dans la ville, partout où les nécessités du travail les disperseront. L'ambassadeur de France est invité à les visiter de temps en temps. Le cavalier Bernin avant commencé à les venir voir, à les corriger, à les fortifier de ses conseils, Colbert s'empressa de lui envoyer des remercîments solennels, et de solliciter la continuation d'une bienveillance qui donnait à ces jeunes gens beaucoup de courage[3].

Le même désir de former des maîtres et des élèves donna naissance à l'Académie d'architecture. Colbert avait d'abord institué un conseil des bâtiments, dont il prenait les avis pour l'examen et la bonne exécution de ses plans de palais et d'embellissements de Paris. Il l'érigea en académie royale (31 décembre 1671). Il en ouvrit lui-même les séances dans une galerie du Palais-Royal. Aux huit membres primitifs, il ajouta Claude Perrault et le second Mansard, avec Félibien pour secrétaire. Une de leurs attributions était d'examiner les œuvres de Vitruve, de Vignoles, de Philibert de Lorme, et de faire des principes éprouvés de ces maîtres la règle des architectes à venir. Mais Colbert ne se contentait pas de l'imitation heureuse du passé : il avait l'ambition de créer du nouveau. Pour stimuler l'esprit d'invention, il offrit un prix à qui trouverait un ordre d'architecture français : c'était le portrait du roi enrichi de diamants. Un seul détail prouve quelle vigilance et quelle activité il entretenait dans la nouvelle compagnie. Il les invita[4] à visiter les anciennes églises et les anciens bâtiments de Paris et des environs, pour examiner si les pierres en étaient bonnes ou mauvaises, si elles subsistaient dans leur entier ou avaient été endommagées par l'air, l'humidité, la lune ou le soleil, de quelles carrières on les avait tirées, et si ces carrières existaient encore. En neuf mois, l'académie visita quatre-vingt-quinze monuments et trente carrières.

Ce fut encore par cette fermeté à vouloir partout un travail assidu qu'il mit la main sur le Jardin des plantes. Cette école, à la fois de botanique et de médecine, avait été fondée sous Louis XIII par les soins successifs de Hérouard et de La Brosse. On y devait, pour l'instruction des écoliers, faire des démonstrations des plantes et de toutes les opérations chirurgicales et travailler en toutes opérations de pharmacie. Le surintendant du jardin nommait les démonstrateurs, les jardiniers, portiers, ouvriers, en tel nombre qu'il avisait, et les arboristes chargés d'aller à la campagne rechercher les plantes[5]. N'était-ce pas laisser au chef un pouvoir arbitraire, et trop affranchir les subalternes de la surveillance nécessaire à l'accomplissement de leurs devoirs ? Colbert changea cet ordre de choses évidemment dans le double but de prévenir les abus d'administration et d'assurer la régularité du travail. Par un édit de 1671, il n'y eut plus de surintendant du jardin. Le surintendant des bâtiments du roi, c'est-à-dire Colbert, eut le soin de tout le matériel, et la nomination des jardiniers, portiers et gens de service. Le premier médecin du roi, préposé à l'enseignement, présentait les démonstrateurs à la nomination royale, et se faisait rendre compte par eux de toutes leurs opérations. Ce n'était que sur un certificat, signé de lui, portant comme ils avaient servi actuellement auxdites démonstrations et opérations, qu'ils pouvaient être payés de leurs gages. La nouvelle organisation ne parait pas avoir nui aux progrès de la science, puisque Fagon, investi le premier des fonctions réservées au médecin du roi, attira bientôt et fixa Tournefort au Jardin des plantes.

Il y avait moins à faire pour l'Académie française, qui existait depuis plus de trente ans, et dont l'œuvre, déterminée dès le début, se poursuivait avec une exactitude satisfaisante. Colbert lui-même, d'abord impatienté des lenteurs du Dictionnaire, reconnaissait, en assistant à une séance de discussion, qu'un travail aussi consciencieux ne pouvait avancer plus rapidement[6]. Il n'avait garde de négliger une compagnie qui l'avait appelé dans son sein (1667) et qui se recommandait à lui du souvenir de Riche lieu, ce constant objet de son admiration. Il saisit la première occasion de l'élever en honneur, afin de mieux entretenir le zèle de ses membres, et d'exciter au dehors une plus laborieuse ambition d'y être admis. Séguier avait succédé à Richelieu dans la dignité de protecteur de l'Académie. Quand il mourut (mars 1672), les académiciens exprimèrent le désir de n'avoir plus d'autre protecteur que le roi. Mais était-il vraisemblable que le roi consentit à succéder à un de ses sujets ? Colbert, et Harlay le nouvel archevêque de Paris, se chargèrent de la négociation. Elle réussit à souhait, et ce premier avantage fut le point de départ de beaucoup d'autres. Louis XIV, en prenant le titre de protecteur, s'était déclaré prêt à en supporter les frais, à faire pour ces messieurs tout ce qui serait convenable. Colbert commença par demander pour l'Académie un lieu de réunion fixe. La correspondance du prince et du ministre à ce sujet est brève mais expressive. Colbert dit : Il n'y a que le Louvre ou la bibliothèque de Votre Majesté. Le Louvre est plus digne et plus embarrassant ; la bibliothèque serait moins digne, jusqu'à ce qu'elle fût attachée au Louvre, et plus commode. Louis XIV répond : Il faut assembler l'Académie au Louvre, cela me parait mieux, quoique un peu incommode[7]. Ainsi le roi aimait assez les lettres pour les loger dans sa propre maison, au risque de se gêner un peu : la majesté royale et les belles-lettres n'avaient plus qu'un même palais[8]. Ces gros remercîments de Charpentier, et la devise Apollo Palatinus sur la médaille commémorative de l'événement, proclamaient assez haut la nouvelle importance de l'Académie française. Le magnifique protecteur la fit encore mieux sentir par ses dons et ses faveurs successives : formation d'un fonds spécial et annuel pour fournir à la compagnie le bois, les bougies, le salaire des copistes, et des jetons d'argent à distribuer entre les académiciens à la fin de chaque séance ; six places réservées aux fêtes de la cour avec le même droit aux rafraîchissements que les personnes les plus qualifiées ; droit de committimus accordé non plus seulement aux quatre plus anciens, mais à tous ; égalité complète dans leurs assemblées, sans distinction de naissance et de rang. Jusque-là le directeur seul avait un fauteuil ; les autres, même les ducs et les cardinaux, n'avaient que des chaises. Le roi donna tin fauteuil à chacun, voulant ainsi élever le talent' en honneur, et supprimer les différences sociales entre les hommes que le mérite personnel rapprochait.

L'Académie royale de musique termine cette série de fondations (1672) ; toutefois, remarquons que ce fut un acte de la volonté du roi bien plus que de l'initiative de Colbert. Depuis longtemps Lulli jouissait de la faveur royale pour le charme que son art ajoutait aux divertissements de la cour. Les comédies chantées, dans le goût des opéras italiens, s'établissaient en France à côté des autres genres dramatiques. En 1669, Perrin avait obtenu le privilège de faire jouer à Paris et dans tout le royaume des opéras français. Le roi tenait à perfectionner cet art en formant une école de musiciens et de chanteurs. Il établit, en faveur de Lulli (mars 1672), une académie de musique composée d'autant de personnes que le directeur le jugerait convenable ; ce fut un nouveau privilège au détriment de Perrin. A l'avenir, Lulli seul aurait le droit de faire représenter, devant le roi, des pièces de musique, tant en vers français qu'en d'autres langues ; personne, dans tout le royaume, ne ferait représenter une pièce de musique sans la permission de Lulli. Une clause explicite des lettres-patentes de fondation accuse bien clairement le goût et l'entrain du roi et des hautes classes pour cette forme de plaisir. L'Académie royale de musique étant érigée scie le pied des académies d'Italie, où les gentilshommes chantent publiquement en musique sans déroger, il plait au roi que tous gentilshommes et damoiselles puissent chanter auxdites pièces et représentations de l'Académie royale sans que pour ce ils soient censés déroger auxdits titres de noblesse, et à leurs privilèges, charges et immunités[9]. Voilà sans doute l'origine de cette opinion fausse, et très-tenace, que les comédiens étaient excommuniés, et que les chanteurs et danseurs de l'opéra ne l'étaient pas. On a pris une déclaration de Louis XIV pour un canon de l'Église, et on a fait signifier une distinction qui n'a jamais existé[10]. Colbert n'était pas favorable à la nouvelle création ; mais le roi voulait ; le ministre ne permit pas à d'autres de soutenir une opposition à laquelle il renonçait lui-même. Il insista avec force auprès du Parlement pour l'enregistrement des lettres-patentes.

Les corps savants ne suffisaient pas, si l'on ne mettait à leur disposition et à celle du public les collections d'objets d'étude les plus intéressantes et les plus fécondes, dans les lettres, les sciences et les arts. Il fallait des bibliothèques et des musées ; Colbert organisa largement ce service. Quand il arriva au pouvoir, la bibliothèque du roi ne comptait encore que seize mille volumes qui gisaient dans un local de la rue de La Harpe. Il la releva d'abord de cette obscurité et la mit en vue en la transférant dans la maison de Mazarin, rue Vivienne, jusqu'à ce qu'il pût la placer commodément au Louvre (1666). Il y adjoignit la collection de médailles rares, et patiemment rassemblées, que Gaston d'Orléans avait léguée à la couronne[11]. Il fit donner à son frère Nicolas, évêque d'Auxerre, la garde de la bibliothèque, et l'intendance du cabinet des livres du roi, manuscrits, médailles et raretés antiques et modernes. Il travailla sans relâche à accroître ces trésors. L'amour des livres beaux et rares, comme des médailles, des statues et des plantes extraordinaires, avait fait partie du faste de Fouquet. Cet audacieux concussionnaire possédait près de trente mille volumes, et des curiosités littéraires que les rois n'avaient pas[12]. Une bonne partie de ces richesses mal acquises entra dans la bibliothèque du roi. Une collection de lettres et pièces originales tentait la magnificence de la reine Christine qui en offrait cent mille livres. Colbert, toujours aux aguets des bonnes affaires, négocia si heureusement que le comte de Béthune, propriétaire de la collection, la lui abandonna pour rien[13]. Bientôt, il ne recula pas devant la dépense des voyages lointains pour amener en France les livres de l'Orient. L'Allemand Wansleben, avec la protection de quelques princes et savants de son pays, avait visité l'Égypte, et publié une relation de l'état présent de cette contrée ; puis, brouillé avec ses maîtres, il avait embrassé la foi catholique, à Rome, dans l'ordre de Saint-Dominique. Colbert se l'attacha, et l'invita à retourner en Égypte et en Éthiopie et à rechercher de ce côté des manuscrits pour la bibliothèque du roi. Wansleben s'embarqua à Marseille (1671), et, non sans danger au milieu des Musulmans soupçonneux, il fit une ample récolte. On compte trois cent trente-quatre manuscrits arabes, turcs et persans, envoyés ou rapportés par lui. Ce fut le commencement de ces missions savantes, entre lesquelles se distingueront plus tard celles de Mabillon par l'abondance de leurs résultats. Colbert animait les consuls français à les favoriser aussi bien que les progrès du commerce, à rechercher par eux-mêmes ou à faire découvrir dans les lieux de leur résidence les monuments de l'esprit humain cachés ou méconnus[14]. Un jour, en apprenant la capture d'un vaisseau par un corsaire, il demandait avant tout si on avait pu sauver les livres et les médailles.

Louis XIV avait eu de bonne heure le goût des curiosités. En expédiant le duc de Beaufort à Gigeri, il lui écrivait : Je vous enverrai de l'argent pour m'acheter des animaux rares dans les pays où vous irez, et pour ce qui est des oiseaux, je serai bien aise d'en avoir le plus qu'il se pourra. J'attends aussi les orangers par la voie qui sera la plus commode (2)[15]. C'est l'origine de la ménagerie de Versailles. Colbert favorise d'autant plus cette disposition du maître, que l'Académie des sciences s'applique dès son début à l'étude des animaux et des plantes. C'est un succès pour lui d'apprendre qu'il est arrivé, par un vaisseau de Guinée, un chevreuil, deux perdrix de Barbarie, deux civettes, un aigle, un hocco, des poules pintades et un jeune crocodile virant. Il les recommande tout particulièrement aux soins de Charles Perrault, et surtout le crocodile en vie. Il fait acheter des cygnes en Danemark ; il donne au directeur de la Compagnie des Indes Occidentales la commission, non-seulement de lui envoyer des oranges dans toutes les saisons où la chose est possible, mais de rechercher s'il y a, dans les îles de l'Amérique, de belles coquilles, des plantes rares, des arbrisseaux verts, des fleurs extraordinaires. Il veut qu'on lui expédie tout ce que lesdites îles produisent de curieux et de singulier par le retour de tous les vaisseaux français[16].

Nous avons déjà vu chez Colbert le projet d'acquérir pour la France les plus beaux modèles des grands arts, ou d'en mettre au moins les copies sous les yeux de ceux qui aspiraient à imiter les maîtres les plus illustres. Cette louable avidité ne se rebute jamais par l'inutilité des efforts, et ne se rassasie pas non plus par le succès. Tantôt il essaye d'acheter toutes les statues de la vigne du prince Ludovisi (1669), tantôt il envoie en Espagne des commissaires pour acquérir les cinquante plus beaux tableaux du marquis de Liche (1672) ; tantôt (1671) il négocie pour un buste de Jupiter[17]. Le prix de cette persévérance sera de décupler le nombre primitif des tableaux du cabinet du roi. Quant aux copies, tableaux, vases, statues, tapisseries de Raphaël, monuments publics, il veut tout avoir ; c'est l'injonction monotone de toutes ses lettres, c'est le travail incessant de l'Académie de Rome. Il écrit à Errard, recteur de cette école : Nous devons faire en sorte d'avoir en France tout ce qu'il y a de beau en Italie... Continuez à faire mouler tout ce qu'il y a de beau à Rome sans y perdre un seul moment ; et il promet un vaisseau pour charger les creux et les plâtres en relief ; il fait préparer les galeries hautes et basses de l'hôtel Richelieu pour y mettre tout et qui viendra de Rome[18]. En 1669, la colonne Trajane était moulée tout entière. On entreprit aussitôt les chevaux de Monte-Cavallo, puis les peintres se mirent aux tapisseries de Raphaël. Une lettre de l'ambassadeur — duc de Chaulnes — résume bien exactement l'usage de ces copies en France (1670) : C'est un travail exécuté en perfection dont on trouve plusieurs avantages : le premier, que le roi pourra avoir de plus belles tapisseries que celles qui sont ici ; le deuxième, que les tableaux seront un bel ornement partout où on voudra les mettre, et le troisième, que ce sera une école pour les peintres où ils pourront beaucoup profiter.

Il n'est pas étonnant que d'une telle vigueur d'impulsion il soit sorti des œuvres dont l'ensemble est encore aujourd'hui le souvenir le plus brillant du grand siècle. Commençons par les bâtiments, cette partie de son faste, où Louis XIV a reconnu lui-même un excès regrettable. Colbert avait autour de lui des architectes, comme Claude Perrault et les Mansard ; des peintres, comme les deux Mignard, et Lebrun, l'auteur des Batailles d'Alexandre ; des dessinateurs de jardins, comme Lenôtre, l'inventeur des merveilles de Vaux, et déjà le favori du roi pour toutes celles qu'il lui faisait espérer à Versailles. Après le départ du cavalier Bernin, Perrault exécute son plan du Louvre, ce péristyle à plafond plat, si hardi et si solide, et dirige aux Tuileries les travaux nécessaires pour réunir ce château au Louvre, selon le projet de Henri IV. Pendant que Lenôtre en plante le jardin qui bientôt sera livré au public sur le conseil de Charles Perrault, Nicolas Mignard décore l'appartement du rez-de-chaussée d'un Louis XIV en Apollon guidant son char, et meurt de fatigue (1668) aux peintures de la chambre de parade du roi. Pendant six années, la dépense de ces constructions, de ces ornements dépasse toujours le million, elle s'élève une fois (1667) à 1.536.000 livres, une autre fois (1670) à 1.627.000. Plus loin le Val-de-Grâce d'Anne d'Autriche reçoit son plus beau complément. Le second Mignard (Pierre) en peint à fresque la coupole (1669), où, au milieu de deux cents figures d'anges et de saints, apparaît la reine mère introduite au ciel par sainte Anne et par saint Louis : chef-d'œuvre que le roi visite et que Molière célèbre en vers dignes de la difficulté vaincue[19]. Sur divers points de la ville, les victoires de Louis XIV suscitent des arcs de triomphe : les portes Saint-Denis et Saint-Martin, consacrées plus tard à célébrer les exploits de la guerre de Hollande, mais commencées dès 1670[20] ; et une entreprise plus grandiose, l'arc de triomphe du faubourg Saint-Antoine. Il ne fut jamais achevé, et il n'en reste rien. Mais il paraissait fait pour effacer les plus gigantesques monuments du genre. Ses fondations (1667) furent établies à 24 pieds de profondeur, en pierres énormes taillées toutes par leurs lits, leurs joints et leurs parements. Les pierres des quatre piles qui devaient porter les colonnes, étaient toutes de huit ou dix pieds de longueur, posées l'une sur l'autre et l'une contre l'autre sans aucun mortier entre deux[21]. Cet essai absorba en quatorze ans un demi-million.

Au moins, à côté de ces sacrifices d'argent à la gloire du maitre, Colbert n'oubliait pas les intérêts de la nation. Par ses soins, l'art et la science contribuaient à l'assainissement et à l'embellissement de Paris. La ville fut dotée d'un nouveau pavé (1669) ; des lanternes allumées pendant la nuit donnèrent à toutes les rues l'éclat et la sûreté, urbi nitor et securitas. De nouveaux quais s'élevèrent depuis le pavillon des Tuileries jusqu'à la porte de la Conférence (1669) et à l'extrémité du pont Notre-Dame (1673). On compte vingt rues élargies de 1667 à 1680. Un bras insalubre de la rivière des Gobelins, dans le faubourg Saint-Marceau, fut supprimé (1672). Des plantations d'arbres s'alignèrent depuis l'extrémité du cours la Reine jusqu'aux maisons du Roule (1667) et dans les Champs-Élysées (1670). La distribution des eaux s'augmenta de trois fontaines (1671), à la place du Palais-Royal, dans la rue Richelieu, près des Capucins[22]. Mais, dit l'Histoire métallique, ce qu'il y a de plus magnifique et de plus grand, c'est la continuation du rempart commencé par Henri II. Ce rempart, qui n'allait que depuis le bord de la Seine jusqu'à l'Arsenal, embrasse à présent la moitié de la ville, et va regagner la rivière au dessus des Tuileries. Il est d'une prodigieuse largeur, presque partout revêtu de pierres et planté d'ormes. C'est donc encore à Colbert que Paris doit ses anciens boulevards.

Louis XIV était plus exclusivement occupé de lui-même. On le sent à sa prédilection pour Versailles, qui lui fait sacrifier des sommes énormes et prendre parfois les mesures les plus tyranniques, par impatience de voir ce palais achevé. Cette passion, un moment amortie par les sévères représentations de Colbert, avait repris le dessus, et s'imposait en souveraine à l'obéissance du ministre. Pendant trois ans il avait consenti à moins dépenser pour Versailles que pour le Louvre ; à partir de 1670, il rend à Versailles une préférence extravagante. Le second Mansard — Hardouin — dirigeait les constructions. Lebrun commençait ce long travail de peintures entre lesquelles devait un jour briller éternellement la grande galerie. Lenôtre rangeait les eaux, échelonnait les terrasses, distribuait les parterres et les massifs. Rien ne paraissait trop cher au roi de ce que lui proposaient ces artisans de sa gloire ; les chiffres ci-dessous en sont la preuve[23]. Un jour Lenôtre l'ayant prié de venir juger sur les lieux de la disposition de ses travaux, à chaque pièce dont il lui expliquait la destination, le roi répondait : Je vous donne 20.000 livres. A la troisième fois, Lenôtre s'arrêta, et refusa de rien montrer de plus, parce que, disait-il, à ce prix-là, Votre Majesté ne serait pas assez riche pour tout payer. L'achèvement de Versailles le poursuivait jusque dans ses voyages, comme plus tard dans ses guerres. Pendant qu'il visite (1670) ses nouvelles acquisitions en Flandre, il faut que Colbert lui rende compte, par lettres, de Versailles et de Trianon, et l'entretienne du bassin des Petits-Enfants et du bassin du Dragon. Faites qu'on ne se relâche pas, répond le roi, et parlez toujours aux ouvriers de mon retour. Préoccupé du besoin de rendre le bourg de Versailles le plus florissant et le plus fréquenté qu'il se pourra, il donne, de Dunkerque (22 mai 1671), un édit par lequel il concède gratuitement le terrain, avec exemption du logement des gens de guerre, à quiconque s'engagera à bâtir aux places indiquées et à entretenir les constructions en bon état. Ce caprice sans doute n'entraînait pas un grand dommage ; mais que dire de la servitude imposée (1670) aux ouvriers qui travaillaient pour le château ? Un ordre formel défend aux carriers qui travaillent dans les carrières de Saint-Leu, Trossy, Taverny et Montataire, d'aller faucher les foins, scier les avoines et blés, faire vendange dans la saison, parce que cette interruption retarderait les bâtiments de Sa Majesté. Ne sont exceptés que les propriétaires d'héritages qui veulent aller en recueillir les fruits, sans qu'il leur soit permis d'emmener avec eux aucun desdits carriers et manœuvres, sous peine d'emprisonnement de leurs personnes et de punition corporelle en cas de récidive[24]. Il y a ici quelque chose du régime des Pharaons appliqué au culte des beaux-arts.

Le progrès des sciences heureusement n'exigeait pas de semblables rigueurs. La capacité et le zèle des académiciens, secondés toujours à propos par Colbert, suffirent à donner aux débuts de l'Académie des sciences un éclat que n'ont pas effacé les résultats bien plus complets obtenus dans la suite. À l'origine, le nombre des académiciens se réduisait à quatorze Français[25]. Colbert n'hésita pas à y adjoindre des étrangers, tels que Huyghens et Cassini. Huyghens de Zuylichen était le fils d'un Hollandais ami de la France, chose assez rare, et recommandé à ce titre par d'Estrades. Lui-même était venu étudier dans le royaume, et avait reçu à Angers le titre de docteur en droit. Auteur de travaux sur la quadrature de l'hyperbole, de l'ellipse et du cercle, il avait le premier découvert un satellite à Saturne, et appliqué le pendule aux horloges, d'après les indications de Galilée ; c'est encore lui qui a inventé, pour le perfectionnement des montres de poche, le ressort spiral régulateur des oscillations du balancier. Colbert l'invita à se fixer en France (1666), et l'y retint pour longtemps en lui donnant une pension, un logement au Louvre, une place à l'Académie des sciences. Cassini, professeur d'astronomie, avait distingué les taches mobiles de Jupiter des taches permanentes, et fixé la durée de la rotation de cette planète et de Mars. Il jouissait d'une grande considération à Bologne, pour y avoir rectifié la méridienne de l'église de San-Petrone ; à Rome, où il s'était improvisé ingénieur ; à Florence, où, quand il passait, le grand-duc faisait tenir en sa présence les assemblées de l'académie del cimento. Colbert enviait pour la France un tel savant ; il négocia, non sans peine, avec Bologne, pour se le faire céder ; il ne l'obtint même d'abord que pour quelques années, lui paya les frais du voyage trois mille livres, et, à son arrivée, lui assigna une pension annuelle de neuf mille livres (1669). Cassini s'habitua si bien à ces bons traitements, qu'au bout de quelque temps il accepta des lettres de naturalisation en France, et ne retourna pas en Italie.

Déjà les académiciens avaient un laboratoire bien pourvu. Ils furent chargés (1667) de trouver une place convenable pour un observatoire d'astronomie. Ils ne voulurent pas de Montmartre, malgré sa hauteur, à cause des fumées de Paris montant du midi et très-contraires aux observations. Ils préférèrent l'extrémité du faubourg Saint-Jacques d'où l'on découvrait, non-seulement tout le midi, mais encore tout l'horizon, depuis le lever d'été et au delà jusqu'au coucher d'été et beaucoup plus loin encore[26]. Le terrain, il est vrai miné par de grandes carrières, semblait ne pouvoir supporter poids d'un grand édifice ; mais, outre qu'il était facile de le consolider sous les bâtiments par des tu-vaux de maçonnerie, on trouait là des souterraine tout faits pour plusieurs expériences de physique et de mathématiques[27]. Colbert approuva ces raisonnements, confia à Claude Perrault le soin du dessin et des constructions, qui commencèrent sans délai (mars 1667), et se continuèrent sans relâche jusqu'en 1672, où l'édifice fut achevé[28]. La dépense totale excéda le demi-million. L'établissement était en outre fourni de tous les instruments nécessaires, entre autres de lunettes d'approche de Campani, mandées de Rome par Colbert ; et, comme l'avait prescrit, les meilleures et les plus longues qu'en avait pu se procurer[29].

L'Académie des sciences avait pris l'engagement (1666) d'examiner avec soin tous les livres de mathématiques et de physique, et de faire toutes les expériences considérables qui y seraient rapportées[30] ; elle étudiait d'elle-même toutes les questions intéressantes, et surtout d'utilité pratique, comme on le voit par cette note de Huyghens (1670) : Faire les expériences du vide par la machine et autrement, et déterminer la pesanteur de l'air, examiner la force de la poudre à canon en l'enfermant en petite quantité dans une boite de fer ou de cuivre fort épaisse ; examiner de même façon la force de l'eau raréfiée par le feu ; examiner la vitesse et la force du vent, et l'usage qu'on en tire à la navigation et aux machines. Elle cultivait l'anatomie, et en particulier celle des animaux, et publiait sans retard ses découvertes pour l'instruction commune. Ce n'était pas encore la science complète, méthodique, rangée par catégories. On travaillait selon que lei sujets se présentaient, et, en ce temps, les sujets, surtout les plus rares, ne se présentaient pas à l'étude par espèces ni par genres, ni aussi souvent que la curiosité des savants attrait bien voulu. A mesure donc que ces dissections étaient terminées, on en communiquait au monde du dehors la description, sans attendre celles qu'on ne pouvait encore ni commencer ni promettre. C'est ainsi que l'Académie publia, en 1669, les descriptions du caméléon, du castor, de l'ours et de la gazelle, en un petit volume in 4°, pendant qu'un de ses membres publiait de son côté celle de la vipère[31]. La science se révélait par lambeaux plutôt que de se laisser oublier.

Les expériences à faire au loin, les dangers des découvertes, trouvaient des hommes tout prêts, à qui le mérite d'avoir augmenté les connaissances humaines tenait lieu de rémunération. En 1671, l'abbé Picard fut envoyé en Danemark, à Uranienbourg, l'observatoire de Tycho-Brahé, et Richer alla camper à la Guyane, pour vérifier les calculs de Cassini sur la méridienne. Ainsi, dit l'historien de l'Académie, le roi avait presque en même temps, et sous l'équateur et vers le pôle, des mathématiciens qui observaient le ciel et qui épiaient la nature de tous les points de vue où il est permis à l'homme de se placer, et les académiciens, animés du désir de plaire à leur prince en découvrant la vérité, entreprenaient, pour corriger quelques minutes dans un calcul, les mêmes voyages qui n'avaient encore été entrepris que pour amasser des trésors. Picard, victime du climat, tomba dans une maladie de langueur qui tenait un peu du scorbut ; mais la curiosité amenant auprès de lui les professeurs des académies de Suède et de Danemark, il profita de leurs lumières, et il ramena avec lui un jeune Danois, Olaüs Berner, qui siégea plus tard avec éclat dans l'Académie des sciences. C'est ainsi que la France faisait toujours des acquisitions du côté de l'esprit, et s'enrichissait de ce qui appartenait aux étrangers. Richer, à Cayenne, n'avait qu'une cabane bâtie par les mains des indigènes, d'écorces d'arbres sur les côtés, de branches et de feuilles de palmier au faite, observatoire aussi sauvage que ses architectes ; il souffrait beaucoup des incommodités de la température ; son compagnon y laissa même la vie. Mais il rapporta la certitude que les calculs faits en France étaient exacts : On eût dit que M. Cassini s'était entendu avec les astres. Des observations poursuivies sans relâche pendant une année semblaient un vaisseau tout chargé des richesses de l'Amérique qui arrivait à l'Académie[32].

On connaît d'avance, par les habitudes classiques, les traits les plus brillants de la littérature de cette époque. On sait comment tout concourt à ce développement incomparable. Le roi inspire les écrivains par son estime, par son intimité, par son jugement qui décide celui de la cour et qui sera le jugement de la postérité. La duchesse d'Orléans ne dédaigne pas cette gloire obscure que les gens de lettres s'étaient réservée. Elle connaît si bien la beauté des ouvrages de l'esprit, que l'on croit avoir atteint la perfection quand on a su lui plaire. Molière lui dédie l'École des Femmes, et Racine Andromaque ; c'est elle qui met Racine et Corneille aux prises pour le sujet de Bérénice. Le mérite du grand Condé s'étend jusqu'aux connaissances les plus fines et les plus relevées, et ses décisions sur tous les ouvrages d'esprit ne manquent pas d'être suivies par le sentiment des plus délicats. Colbert, ici comme partout, pousse au mouvement, non-seulement par son bon accueil, mais par sa surveillance : Monseigneur, lui écrit Racine, au milieu de tant d'importantes occupations, où le zèle de votre prince et le bien public vous tiennent continuellement attaché, vous ne dédaignez pas de descendre quelquefois jusqu'à nous, pour nous demander compte de notre loisir. Il lui lit Britannicus, et admire la pénétration d'esprit du ministre, et l'idée qu'il s'est formée d'une excellente tragédie bien au delà de ce que le poète en avait pu concevoir[33].

Les maitres du théâtre sont alors Molière et Racine. Toute la carrière de Molière est même renfermée entre la paix des Pyrénées et la guerre de Hollande (1659-1673). A la suite du Festin de Pierre, le Misanthrope (1666), à côté duquel il n'y a rien dans la comédie ; le Tartuffe (1667), demeuré justement suspect aux âmes pieuses[34], puisque certains applaudissements ne se lassent pas de lui donner un sens hostile à la dévotion, mais œuvre capitale d'observation, de style et peut-être d'indignation sincère contre les forfaits de l'hypocrisie ; Amphitryon (1688), incitation des anciens qui suffirait à trancher en faveur des modernes la question de la supériorité, comique franc et irrésistible dans les situations, dans les surprises, et flexibilité merveilleuse du dialogue en vers libres, qui fait presque oublier l'inconvenance du fond et le sans-gêne de la plaisanterie relâchée ; Georges Dandin (1668), condamnation méritée des mésalliances orgueilleuses ou cupides de la noblesse avec la bourgeoisie ; l'Avare (1669), à qui il ne manque que d'être en vers pour prendre rang immédiatement après le Misanthrope ; les Femmes savantes (1672), coup de grâce suprême des Précieuses, et tour de force où la critique littéraire et le bon sens pratique ne sont pas moins divertissants que les satires morales les plus chères à la malignité humaine. Et n'oublions pas, dans lés intervalles de ces chefs-d'œuvre, ces pièces qu'on à trop facilement classées parmi les farces ; ce sont au moins des farces de génie ou plutôt de véritables comédies de caractère, entremêlées de quelques bouffonneries qui ne déplaisaient alors il personne ; la sottise du provincial dans Pourceaugnac (1669), l'ambition du marchand enrichi dans le Bourgeois gentilhomme (1670), et, dans le Malade imaginaire (1673), l'égoïsme paternel ou conjugal puni de ses calculs par les calculs de ceux qu'il prétendait sacrifier pour lui seul.

Racine s'est enfin révélé tout entier. Trop vanté pour Alexandre, tout à coup le nouveau poète mérite ces éloges par Andromaque (1667), que le bruit qu'elle suscite a fait appeler le Cid de Racine. Il s'y montre si fort au-dessus de lui-même, que peut-être il ne s'est pas élevé plus haut avant Phèdre. Mais en accordant ce point à ses adversaires, il faut reconnaitre aussi, malgré leur sentiment, qu'il se maintient à cette élévation. Après avoir prouvé, par les Plaideurs (1668), de l'aveu de Molière, qu'il serait au besoin capable de la comédie, il donne Britannicus (1669), la pièce des connaisseurs dont il produit avec confiance le témoignage, qui sera allégué encore en sa faveur par Voltaire. Si Bérénice (1670) doit surtout sa vogue aux circonstances qui l'ont inspirée, à sa conformité avec les sentiments de la cour et de l'époque, Bajazet (1672) ne tire que du génie de son auteur la gloire qu'il lui rapporte. C'en est fait, Racine a pris place à côté de Corneille. On le sent bien aux premières impressions des spectateurs qui sont toujours favorables, même chez les ennemis. On le sent encore mieux au motif si transparent des critiques que la réflexion leur souffle plus tard. Corneille et ses admirateurs ne peuvent plus se le dissimuler : un rival leur est né au moment même où la force leur manque pour soutenir la concurrence. Agésilas (hélas !) a suivi Alexandre sans l'effacer (1666). Attila, paru la même année qu'Andromaque (1667), n'a pu supporter la comparaison. Pulchérie a le malheur de se montrer en même temps que Bajazet (1672). Quoique le vieillard ait encore des vers transportants[35], cela est vrai, ce ne sont plus que des souvenirs de sa défunte veine[36] ; et c'est à ses plus chauds amis que le mot échappe. Saint-Évremond a reconnu qu'Andromaque a bien l'air des belles choses, que c'est une belle pièce fort au-dessus du médiocre ; Mme de Sévigné y a pleuré plus de six larmes ; elle en pleure plus de vingt à Bajazet. Mais non, il ne sera pas vrai que quelqu'un ait égalé Corneille ; lui-même ne peut se résigner à le croire, et l'honneur de ses partisans n'en veut pas être dédit. Plutôt que de céder, on inventera de nouveaux systèmes dramatiques. Corneille, si peu scrupuleux sur la chronologie, relèvera deux anachronismes dans Britannicus ; il n'admettra plus qu'un seul genre d'amour, qui n'est pas même le sien, parce que ce n'est pas celui de Racine. Il n'y aura plus qu'un genre de génie, le grand, le beau ne suffit pas ; qu'un genre d'émotion, le frisson. Saint-Évremond approuvera, pour défendre Rodogune, ce qu'il a blâmé dans Britannicus[37]. A défaut de bonnes raisons, Mme de Sévigné écrira : Je suis folle de Corneille... il faut que tout cède à son génie. Racine fait des comédies pour la Champmeslée, ce n'est pas pour les siècles à venir... Vive donc notre vieil ami Corneille ! Pardonnons-lui de méchants vers en faveur des divines et sublimes beautés qui nous transportent... En un mot, c'est le bon goût, tenez-vous-y[38]. C'est donc un parti pris ; mais cet enthousiasme, en ne voulant rien entendre, prouve assez qu'il n'est pas sans inquiétude, et ressemble fort à l'enfant qui chante pour montrer qu'il n'a pas peur.

La poésie didactique, le code du bon goût, s'élève, par la ténacité et la verve de Boileau, à l'importance d'un grand genre. Boileau a moins de peine que Racine à discipliner les esprits, parce que, au lieu d'un grand homme vieilli, il n'a en face que de méchants auteurs. Quoique les mauvais poètes soient une nation farouche, et que les indifférents aiment mieux quelquefois prendre parti avec les ridicules que de se réjouir avec les honnêtes gens, il regarde d'un œil stoïque les libelles diffamatoires des premiers, et fait comprendre aux seconds que les livres ne sont pas un asile inviolable où toutes les sottises aient droit de bourgeoisie[39]. Cotin lui prodigue l'injure et la calomnie, l'appelle le sieur des Vipéreaux, l'accuse d'ériger partout des autels de la débauche, par le décri de la raison et de la justice, par la profanation du trône. Le vieux faiseur de madrigaux, de sonnets pour les dames, de métamorphoses de nymphes, et prédicateur, qui pis est, n'en sera pas moins persiflé pour ses sermons, pour ses éloges du roi, pour ses imputations de crimes d'État, et son nom reviendra neuf fois dans une seule satire, avec un à-propos impitoyable. Chapelain, plus sournois, travaille auprès de Colbert, dont il croit avoir la faveur, à rendre suspect ce satirique effréné ; et le représente comme coupable d'irrévérence envers le jugement du roi et du ministre, puisqu'il déchire par ses pasquinades des personnes qu'ils ont jugées dignes de leur estime et de leurs bienfaits. Il demande que le sceau du privilège des Satires de Despréaux soit brisé, et, croyant un moment avoir obtenu cette vengeance, il exhale sa reconnaissance avec un empressement qui ne lui permet pas de voir qu'il s'est trompé[40] ; Boileau ne s'émeut pas de tout cela ; il réimprime ses écrits sans rien effacer, y ajoute au besoin de nouveaux traits, et se jouant des pensions dont il est exclu, et où il ne prétend pas, il se fait de son désintéressement une preuve nouvelle de son dévouement au roi à qui on essaye de le rendre odieux. En 1672, il n'avait encore publié, c'est lui qui le déclare[41], que onze pièces : le discours au roi, les neuf premières satires, et la première épître. Mais, selon l'usage de ce temps, où la curiosité impatiente se pressait autour des écrivains estimés, il en laissait voir d'autres encore manuscrites ou à l'état d'essai ; il les communiquait à ses amis pour en éprouver l'effet, et prendre conseil. C'est ainsi qu'il lit l'Ail poétique et le Lutrin ait cardinal de Retz et à Mme de Sévigné, deux ans au moins avant de les croire dignes de l'impression[42]. Son autorité, établie par les qualités supérieures de ce qu'il a déjà donné, s'exerce d'avance par ce qu'on attend ou redoute de ce travail calme et consciencieux.

Tel est aussi un des secrets de la vogue permanente de La Fontaine. Il produit souvent et longtemps. Avant d'être réunies en livres et publiées par recueils ses fables courent séparément de main en main ; il le dit lui-même dans la préface des six premiers livre (1668) : l'indulgence qu'on a eue pour quelques-unes de ses fables lui fait espérer la même grâce pour l'ensemble. Plusieurs du recueil de 1678, le Singe et le Chat, le Gland et la Citrouille, le Pot au lait, circulent déjà en 1671 ; le Curé et le Mort parait (1672) un mois après l'événement réel qui y donne lieu[43]. Il ne prépare pas moins habilement le succès de ses contes. Après avoir annoncé dans sa préface du second livre (1667) que ce sera le dernier, il en donne un troisième en 1671, et il reviendra à la charge en 1675 par li publication des plus licencieux. Il n'a pas la faveur royale, quoiqu'il la cherche, tout aussi bien qu'un autre, par ses dédicaces ou ses épilogues[44] ; mais il compte parmi ses admirateurs les meilleurs juges du talent et les régulateurs de la saine critique. Il y a sans doute dans la réussite de ses contes la complicité de l'esprit libertin des uns ou grivois des autres ; et il est triste que Mme de Sévigné vante sans réserve les Oies du frère Philippe, les Rémois, le Petit Chien ; trouve cela très-joli, et expédie le livre à sa fille pour la divertir et la charmer, tout en reconnaissant que ce n'est pas un solitaire de Port-Royal qui lui ferait cet envoi. Mais dans ces aberrations même du poète, le talent qu'il a de conter[45], l'éclat de la forme, atténue à certains yeux le tort des débauches de l'invention. Boileau, dans une dissertation sur Joconde, le proclame supérieur à l'Arioste par le choix des épisodes, la finesse de la pensée, la délicatesse du trait[46]. Pour les fables, à part quelques allusions malignes, il n'y a vraiment que le sentiment du génie au fond des louanges qu'on leur prodigue. On les lit, ou se les communique dans les sociétés les plus brillantes ; Mme de Sévigné, eu compagnie de La Rochefoucauld, les apprend par cœur. La Fontaine gagne ainsi la cause dont il s'est fait le champion. On ne croyait pas, i en juger par les essais antérieurs, que les fables pussent réussir en français ; Patru désapprouvait le dessein de les mettre en vers. Le nouveau-venu prouve que la poésie et les fables sont sœurs, que l'apologue, instrument de la vérité, doit être mis au rang des productions les plus recommandables de l'esprit[47]. Il croit avoir au moins ouvert la route à laquelle d'autres pourront mettre la dernière main ; mais, en l'ouvrant, il l'a poussée si lois, que ceux qui viendront après lui ne pourront l'y suivre qu'à une grande distance.

Au même moment que la fable, la lettre familière entrait dans la littérature de société pour en bannir, peu à peu les productions insipides, des précieuses. Une femme, dans ce genre nouveau, prenait rang parmi les plus éminents écrivains du siècle. Mme de Sévigné, femme savante comme Molière les aime et discrète comme il le prescrit, tirait de sou savoir le droit de parler de tout, et de sa finesse l'art de ne rien dire qu'à propos et avec naturel. Instruite autant que l'homme le mieux élevé, pourvue de latin, de langues étrangères, de littérature et même de sciences, et en même temps dévouée aux soins domestiques légitimes, aux devoirs et aux intérêts de la famille, elle ne s'égarait ni en théories de beaux sentiments, ni en démonstrations de pédantisme. A ses heures libres, elle causait, pour causer, avec ses amis, avec sa fille surtout, de ses émotions, de ses affaires et de celles des autres, de sa tendresse ou de ses antipathies, des disgrâces et des faveurs, des biens et des maux de la société ; voltigeant, d'un style flexible, du sermon au théâtre, de la politique aux petits ridicules, des états de Bretagne à ses plantations d'arbres, et, au bon moment, capable d'éloquence devant une grande douleur privée ou un grand deuil public. Ce n'étaient plus les réponses dorées de Balzac aux solliciteurs de renommée, ni les portraits attifés de Voiture à l'usage des femmes vaines ou des beaux esprits ; c'était la conversation écrite, étincelant de variété, de traits piquants, de petites histoires, d'impressions vivantes, sans composition et sans décousu, sans recherche et sans négligence. Sa grande réputation datait surtout du mariage de sa fille (1668). Depuis qu'elle était séparée de cet objet de son amour, elle ne cessait d'écrire, et ses lettres, admirées et montrées, passant de main en main comme autant de bonnes fortunes littéraires, devenaient des publications à la mode, sans imprimeur et sans privilège du roi. Sa cousine de Coulanges lui écrivait un jour : Ce matin, un laquais de Mme de Thianges est venu me dire : Madame, c'est de la part de Mme de Thianges qui vous prie de lui envoyer la lettre du Cheval de Mme de Sévigné et celle de la Prairie. J'ai dit au laquais que je les porterais moi-même... Vos lettres font tout le bruit qu'elles méritent, comme vous voyez. Il est certain qu'elles sont délicieuses, et vous êtes comme vos lettres[48]. Ainsi se réformait le goût dans les salons qui avaient le plus contribué à le pervertir.

La beauté littéraire ne régnait pas seulement dans les sujets agréables et mondains, dans les œuvres d'imagination : elle éclatait encore mieux, et c'est là un des grands titres du siècle de Louis XIV, dans les livres les plus sérieux, dans les enseignements les plus graves. La philosophie, la religion, loin de dédaigner ce moyen de gagner les esprits, semblaient, au contraire, chercher dans le soin de la forme, dans le sublime du langage, une nouvelle marque de supériorité. On lisait alors les Essais de morale, de Nicole (1671), et en particulier le Traité des moyens de conserver la paix avec les hommes, auquel Voltaire ne trouve rien d'égal dans l'antiquité. Mme de Sévigné en exagérait le mérite quand elle répétait : Je n'ai jamais vu écrire comme ces messieurs-là, mais elle ajoutait immédiatement : car je mets Pascal de moitié à tout ce qui est beau. Pascal, en effet, venait de renaître. Ses amis avaient publié, l'année précédente, ses Pensées (1670). C'était un recueil de pièces détachées qui paraissaient se rapporter au grand ouvrage sur la religion, dont il avait plusieurs fois annoncé le projet. Recueillis par sa famille, par Arnauld, Nicole, le duc de Roannez, ces beaux fragments, les uns semblables à de petits traités, les autres courts et précis comme des sentences, formaient un livre original, auquel un ordre un peu incohérent et quelques souvenirs de secte n'ôtaient pas le talent d'une controverse supérieure. Par ses hautes considérations sur la grandeur de Dieu et la misère de l'homme, sur l'incertitude des philosophies humaines, et l'évidence de la religion, il se plaçait au premier rang des apologies chrétiennes. Il fallait bien qu'il y eût là une grande puissance contre l'incrédulité, puisque, dans le siècle suivant, Voltaire oui rira sa guerre contre le christianisme en essayant de détruire les Pensées de Pascal.

L'éclat de la chaire avait précédé celui de la controversé. Depuis dix ans, Bossuet y faisait admirer la plus haute éloquence qui soit sortie d'une bouche humaine, la majesté de la parole unie à l'immensité de la science. Laissons La Harpe déclarer que Bossuet était médiocre dans les sermons. Ou La Harpe ne les avait pas lus, ou il n'avait remarqué dans ces discours que ceux qui sont à l'état de notes, de plans, de retouches, et auxquels l'improvisation devait donner la dernière forme ; et ceux-ci sont encore le plus riche arsenal de pensées, de raisonnements, de mouvements oratoires qu'un homme ait jamais rassemblés pour les mettre en œuvre dans l'occasion[49]. La critique moderne a justement célébré la révolution souveraine opérée par Bossuet dans la prédication, et ses contemporains la proclamaient assez haut par leur assiduité, par leur enthousiasme constant qui a fondé sa renommée. Il en jouissait sans rival, lorsque cette importance même le désigna pour ces oraisons funèbres en présence desquelles toute critique se tait, et dont le génie de l'orateur a fait la fortune bien plus que la haute condition de leurs héroïnes. En 1668, il prononça l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre ; en 1670, celle de la duchesse d'Orléans. Il descend alors de la chaire pour entrer auprès du dauphin, et commencer par d'autres ouvrages, avec l'éducation d'un prince, celle du genre humain. Mais la tribune sacrée ne reste pas muette après lui. Si nous ne plaçons.pas parmi les écrivains éminents. Mascaron, dont le mauvais goût, que nous expliquerons tout à l'heure, ne peut cependant l'aire tort à la pureté de sa morale et à son courage apostolique[50] ; si nous ne trouvons encore dans Fléchier qu'un bel esprit, habile arrangeur de phrases et d'antithèses, il convient de compter parmi les maîtres de la parole le jésuite Bourdaloue, qui succède sans interruption à la popularité de Bossuet (1670). Bourdaloue, qui cherche avant tout la vérité, trouve, comme par surcroît, des qualités vraiment oratoires. Savant et convaincu, maître de ses idées et de leur enchaînement, il est éloquent à force de raison, grand écrivain par la sûreté de la méthode, par l'énergie et la simplicité de l'expression. Aussi, quel triomphe ! On s'encombra à ses sermons ; les laquais des grandes dames y vont retenir les places deux jours à l'avance[51]. Les préventions des partis ne tiennent pas devant le respect qu'il impose. Ah ! Bourdaloue ! s'écrie Mme de Sévigné... Le père Bourdaloue prêche divinement bien aux Tuileries. Nous nous trompions dans la pensée qu'il ne jouerait bien que dans son tripot, il passe infiniment tout ce que nous avons ouï[52].

Cependant, il ne faut pas croire que ces supériorités aient entièrement effacé les genres faux de ce précédent. Les mauvaises modes sont toujours les plus durables. En vain Alaric, la Pucelle et consorts avaient évidemment échoué, le poème épique ne renonçait pas à conquérir l'admiration. Louis Le Laboureur, bailli du duché de Montmorency, auteur de Charlemagne, en donne les raisons dans une préface non moins fière que celle de ses devanciers (1664). Le poème épique est le plus noble et le plus difficile ouvrage de l'esprit, supérieur à l'idylle, à la comédie, à la tragédie, ou plutôt comprenant en soi tous les poèmes, comme une source grande et profonde qui se distribue en plusieurs ruisseaux. Il faut avoir du feu et du flegme, être politique et galant, courtisan et philosophe, entendre la paix et la guerre. Le poète y trouve par son sujet, l'avantage de faire la leçon à l'âme complice de la garde corse, et de rappeler à ceux qui l'oublient que c'est à bon titre que les rois de France portent le nom de rois très-chrétiens. On sait déjà que, comme invention et style, Le Laboureur vaudra Chapelain[53]. Le même désir de flatter le roi inspire quelques années après (1672) Sainte-Garde, auteur de Childebrand : le XIe livre de Childebrand a pour titre : Louis XIV, le plus noble de tous les rois par ses ancêtres, le plus sage de tous les potentats par sa conduite, le plus admirable de tous les conquérants par ses victoires. Chapelain, comme pour ne pas laisser languir la faveur des Longueville, menace sans cesse le public de douze nouveaux chants ; à ceux qui lui reprochent de s'être arrêté aux malheurs de son héroïne, il répond qu'il n'a donné que la moitié de son ouvrage, il promet d'achever par la gloire de Dunois et la délivrance du royaume[54]. A l'exemple de Saint-Amand, Coras, ministre luthérien converti, va chercher, dans l'Écriture sainte, de nouveaux titres de gloire, et chante aussi maladroitement Jonas ou Ninive pénitente, puis Josué, puis Samson et David (1665). Desmarets, pour suivant la lutte contre les anciens, compose, avec la même assurance, Marie-Magdeleine (1669), et prépare, pour 1673, une nouvelle édition de Clovis, augmentée des Triomphes du roi. Quand on lit dans Marie-Magdeleine des vers tels que ceux que nous citons[55] ci-dessous, on tient Boileau pour tout justifié ; tant de fatuité uni à tant de platitude ne méritait que d'être moqué sans pitié et sans fin.

Le roman non plus n'a pas encore fait son temps, malgré la mort de La Calprenède (1663) et celle de Scudéry (1667). Mlle de Scudéry, survivant aux siens et couronnée par l'Académie française[56], garde une cour imposante qui défend sa gloire. Huet met toute son érudition à un Traité de l'origine des romans (1670), pour en justifier l'usage et en célébrer le plus illustre représentant dans l'auteur de Clélie. Ce sont, dit-il, des précepteurs muets qui succèdent à ceux du collège, et, par la connaissance même de l'amour, enseignent aux jeunes personnes à se préserver des artifices de cette passion. Après avoir été cultivé par des philosophes comme Apulée et Athénagoras, par des préteurs romains comme Sisenna, par des consuls comme Pétrone, par des prétendants à l'empire comme Claudius Albinus, par des évêques comme Héliodore, par des papes comme Pie II, par des saints comme Jean Damascène, le roman a eu encore l'avantage, dans ce siècle, d'être exercé par une sage et vertueuse fille[57]. Mascaron en fait l'auxiliaire de la morale chrétienne et le transporte dans la chaire. Il écrit à Mlle de Scudéry (1672) : L'occupation de mon automne est la lecture de Cyrus, de Clélie et d'Ibrahim. Ces ouvrages ont toujours pour moi le charme de la nouveauté, et j'y trouve tant de choses propres pour réformer le monde que je ne fais pas difficulté de vous avouer que, dans les sermons que je prépare pour la cour, vous serez très-souvent à côté de saint Augustin et de saint Bernard. Mme de Sévigné s'y laisse entraîner comme une petite fille, et prendre comme à de la glu ; elle s'y cramponne par moments comme à Corneille, non pourtant sans s'excuser un peu. C'est surtout à La Calprenède qu'elle est fidèle. Il est vrai qu'elle s'endort sur cette lecture, abandonne le style à la critique, et le parodie au besoin. Mais la perfection des sentiments remplit son idée sur la belle âme ; elle entre dans les desseins des héros, elle se plait au succès merveilleux de leurs redoutables épées. Sa fille peut lui faire honte : elle a pour se consoler M. de La Rochefoucauld et M. d'Hacqueville, et elle partage ses lectures entre Nicole et Cléopâtre[58].

Il arrive même au roman la bonne fortune, que n'aura pas le poème épique, de se transformer assez vite et assez sagement pour mettre de son côté les amis du bon goût et prendre place dans la littérature de la belle époque. Mme de La Fayette, élève de Ménage et amie de Mme de Sévigné, commence cette réforme peut-être sans la chercher, et tout simplement par instinct de ce que ses forces lui permettent, et de ce que tout lecteur peut supporter sans fatigue. Cela consiste à revenir au naturel et à la vraisemblance, substituer aux aventures les sentiments, aux héros impossibles des hommes comme on en trouve partout, aux intrigues complexes et interminables l'unité du sujet et les dénouements brefs, au style ampoulé le langage ordinaire tirant sa grâce du charme de la pensée. En 1670, sous le pseudonyme de Segrais[59], elle publie Zayde, histoire fictive d'un amour honnête et heureux malgré les obstacles, et tableau de la jalousie espagnole et de la galanterie moresque. Là encore les événements ne sont pas tout à fait dégagés de l'imbroglio à la mode, les deux héros content leur histoire à la manière, dite épique, des Scudéry. Mais il n'y a vraiment en, scène que Zayde et Consalve, les circonstances sont touchantes, non merveilleuses, la narration est juste et polie, et l'ouvrage tout entier n'excède pas deux cent soixante pages. Bientôt l'auteur entreprend, en compagnie de La Rochefoucauld, la Princesse de Clèves dont on parlera longtemps avant la publication[60]. Nous aurons à y constater l'apparition définitive du roman moderne et français.

Nous n'avons pas à nous arrêter sur quelques auteurs secondaires dont le mérite est resté inférieur aux éloges de leurs amis. Thomas Corneille ne vaut une citation que par Ariane (1672) qu'il n'a pas dépassée ni même égalée dans la suite. Benserade triomphe à composer pour les ballets du roi de petits vers à la louange des danseurs et surtout des danseuses, mais sans valeur hors de ce cadre[61]. Saint-Évremond a un caractère plus tranché. L'exilé rentre sans cesse en France par ses lettres et ses petits traités. H cultive la critique littéraire, examine les anciens, Sénèque, Plutarque, Pétrone, et balance Tacite et Salluste, comme Racine et Corneille. Il inaugure la philosophie de l'histoire par ses Réflexions sur les divers génies du peuple romain. Son style moqueur et ferme tient de Salluste et annonce Montesquieu. Il a surtout une importance qui lui gagne tout bas plus d'un adhérent ; il est, dans un siècle religieux, le précurseur des esprits-forts français. Maitre passé en cuisine, et docteur en volupté, cet épicurien sceptique rit des jansénistes et des jésuites ensemble, de la dévotion, des couvents et de la mort, et oppose la raison à la foi, la volonté humaine à la morale. Mais il est une classe de libérateurs qui réclame quelques détails, parce qu'elle rentre dans le système de Colbert, dans son plan d'enrichir la France de tous les mérites, de ne pas moins protéger le savoir positif et solide que les génies brillants. Ce sont les érudits.

Déjà, sous Mazarin, il était sorti de l'imprimerie royale du Louvre un bon nombre d'auteurs byzantins, avec traductions et commentaires, grâce aux travaux de savants français ou étrangers entre lesquels ligure plus d'un jésuite et d'un dominicain[62]. Un trésorier de France, à Amiens, Charles Dufresne sieur Ducange, avait produit (1657) son Histoire gallo-byzantine, comme il l'appelle[63], c'est-à-dire l'histoire des empereurs français à Constantinople, composée d'une édition de Villehardouin commentée, et d'une continuation de Villehardouin extraite de chroniques et de chartes encore inconnues. On devait à Adrien Valois les Gesta Francorum depuis Valérien jusqu'à la déposition de Childéric III (1646-1658). Son frère, Henri Valois, s'était mis, depuis 1659, à la traduction des historiens ecclésiastiques grecs en commençant par Eusèbe. Godefroy (Denis II) venait (1661) de rassembler les matériaux de l'histoire de Charles VII, les Mémoires de Jean Chartier, de Jacques Bouvier, de Matthieu de Coucy, et méritait, à la place de son père, la charge d'historiographe du roi, avec accroissement de pension. L'érudition élaborait ainsi la gloire de la France, et par une rencontre heureuse, sinon calculée, la montrait, sur plusieurs points supérieure à la gloire des autres nations, en mettant au grand jour comment les rois de France s'étaient fait craindre et admirer jusqu'en Orient par leurs victoires[64] ; c'était un titre de plus à la faveur du roi.

Colbert eut toujours un grand zèle pour l'achèvement de la collection byzantine, ce monument de la magnificence française[65] que les étrangers enviaient. Il encouragea toutes les recherches utiles à l'histoire de France, à l'histoire générale, et même à l'histoire ancienne quand il croyait y trouver une autorité pour ses fondations, un exemple pour le pays. Sa bibliothèque personnelle, ses autours et ses délices[66], comprenait, avec beaucoup de livres imprimés, des manuscrits qu'on ne trouvait pas ailleurs et qu'il communiquait avec grâce aux savants. Ses faveurs, ou celles du roi dirigées par lui, allaient chercher les commentateurs des livres anciens comme les auteurs des livres nouveaux. Tous en retour, en France et même à l'étranger, exaltaient sa bienveillance pour la république des lettres, et le recommandaient dans leurs dédicaces à la postérité[67].

Ducange, chassé d'Amiens par la peste, arrivait à Paris (1668), et apportait au roi une Histoire de saint Louis, composée du texte de Joinville éclairé par de curieuses dissertations, des Établissements de saint Louis, et du Conseil de Pierre de Fontaine. Deux ans après (1670), il dédiait a Colbert un volume de la Byzantine comprenant le texte et la traduction de Cinnamus, la description de Sainte-Sophie par Paul le Silentiaire, et de savantes notes sur les Mémoires de Nicéphore Bienne et l'Alexiade d'Anne Comnène. Désormais sûr des bonnes grimes du ministre, il concevait le plan d'un nouveau recueil des historiens de France, et élaborait ses Glossaires de la moyenne et basse latinité, de la moyenne et basse grécité, deux de ces ouvrages qui absorbent toute une vie d'études et ne peuvent la couronner qu'à la fin par leur publication. Godefroy, déjà auteur de Mémoires et Instructions pour servir dans les négociations et affaires concernant les droits du roi (1665), était nommé garde des archives de la chambre des comptes de Lille (1668), où il trouvait de nouveaux documents pour réhabiliter l'histoire de Louis XI si étrangement défigurée par les intérêts des passions. Godefroy a réuni, dans tin même travail, le texte de Comines enrichi de pièces officielles, l'Addition à l'histoire de Louis XI par Gabriel Naudé, le Cabinet du roi Louis XI, recueil de plusieurs lettres, mémoires et instructions, l'éloge de Charles VIII par Brantôme, la comparaison entre Louis XI et Louis XII par Claude Seyssel, des emprunts à une ancienne chronique de la cour de Bourgogne, et aux registres de la chambre des comptes de Lille ; enfin une réfutation de Varillas, historien peu sérieux de Louis XI[68].

On constate une égale ardeur dans les deux Valois. Henri, l'aîné, traduisait après Eusèbe, Socrate, Sozomène, Philostorge, et préparait Sulpice-Sévère, Rufin, Cassiodore. Adrien, le cadet, tour à tour philologue et géographe-historien, prouvait (1666) qu'un prétendu fragment de Pétrone, découvert à Trau, en Dalmatie, était apocryphe, et que Pétrone, Dé Gaulois, avait vécu sous Antonin, non sous Néron. Il n'en continuait pas moins ses Notitiœ Galliarum, qui ne devaient paraître qu'en 1675, après quarante ans d'élucubration[69]. Une application aussi assidue n'a rien qui étonne quand on considère qu'il a entrepris de décrire les sites, les races, les villes, les ports, les châteaux, les bourgs, les montagnes, les forêts, les mers, les fleuves, les sources, les lacs, les marais, les îles maritimes et fluviales, les péninsules, les pays (pagi), les provinces gauloises, d'expliquer tous les noms aux trois époques de la domination romaine, du moyen âge et des temps modernes, d'élucider les géographes et historiens grecs, romains et français. Il y joint des notices historiques, comme autant de stations, dit-il, où l'esprit, fatigué d'une si longue nomenclature de lieux et d'auteurs, puisse se reposer, se refaire, se recréer. Il examine, par exemple, quand le nom de gentilhomme a commencé, quand la noblesse a formé un corps à part du clergé et du peuple, comment les Francs restaient distincts des Gaulois leurs tributaires, à quelle époque les évêchés ont été fondés ou transférés, quelle est l'origine des monastères, etc. C'est l'érudition appliquée à la nouvelle méthode historique inaugurée par Mézeray.

Baluze, bibliothécaire de Colbert (1667), fut institué professeur de droit canon au collège Royal par la création d'une chaire nouvelle (1670). Grâce à ces faveurs, les livres ne lui manquaient pas plus que le temps ; il proclame bien haut que le ministre faisait venir pour lui, des pais les plus éloignés, ceux dont il avait besoin[70]. On peut juger de sa constance et de sa loyauté au travail par la préface des Capitulaires des rois de France, sa première collection, qu'il in donna (1676) qu'après de longues années de recherches. Il y énumère toutes les bibliothèques qu'il a consultées depuis celles de Colbert et de Mazarin jusqu'aux trésors palatins du Vatican, depuis les monastères de l'Espagne jusqu'à celui de Saint-Michel in periculo maris. Lecteur, ajoute-t-il, vous pouvez croire que c'est avec une parfaite bonne foi que j'ai recensé et corrigé ces capitulaires et formules sur les anciens exemplaires. Je ne homme aucun manuscrit ancien que je n'aie comparé mot à mot avec ceux qui étaient déjà imprimés, et ceux qui s'impriment ici pour la première fois je les ai moi-même copiés de ma main[71]. Huet est un autre type d'érudition ; son savoir s'étend, tantôt en latin, tantôt en français, aux sujets les plus différents et les plus disparates. Il avait commencé (1661) par un Traité de la traduction et des traducteurs illustres, en deux livres. En 1668, il publiait les Commentaires d'Origène sur l'Écriture sainte ; en 1670, cette longue Lettre sur l'origine des romans, minutieusement savante, qui sert de préface à Zayde. Nommé sous-précepteur du dauphin (1670), il concevait le plan des éditions ad usum delphini, et il entreprenait, pour Colbert, une histoire du commerce et de la navigation chez les anciens[72]. D'Herbelot représente l'érudition spéciale, la poursuite exclusive d'un genre et d'une idée. Fort versé dans les langues orientales, après avoir été, à ce titre, pensionnaire de Fouquet, il était devenu interprète du roi par lettres vérifiées à la Chambre des comptes. Cette charge ne lui laissait pas oublier l'Italie, où il avait profité de la société et joui de la considération de plusieurs grands savants. Un nouveau voyage dans cette contrée faillit l'y retenir pour toujours (1666). Le grand-duc de Toscane, Ferdinand II, lui prodigua les honneurs et les libéralités : appartement magnifique, table de quatre couverts largement servie, carrosse à la livrée du prince, et de plus don graciera des manuscrits orientaux dont il le chargeait de faire l'acquisition. Ces Italiens restaient fidèles à leur gloire du XVIe siècle, et les Médicis en particulier n'entendaient pas dégénérer de leur nom. Mais Colbert, sensible à la concurrence, ne laissa pas aux étrangers une illustration française. Il rappela d'Herbelot par des promesses dont le roi se fit le garant, et il assura ainsi au royaume, dans un avenir assez prochain, l'honneur de produire la Bibliothèque orientale, vaste dictionnaire de tout ce qui regarde la connaissance des peuples d'Orient, dont les premiers essais avaient été ébauchés à Florence[73].

En regard de ces favoris du roi, la congrégation de Saint-Maur prend hi place que trois génération de supérieurs intelligents lui ont préparée. Elle la prend par ses seules forces, par la puissance de l'étude obéissante, la discipline dans les travaux en commun, le désir d'être utile à la République chrétienne[74] : bientôt elle sera recherchée de l'autorité royale comme un actif auxiliaire. Tarissez, Harel, Audebert, s'étaient succédé dans la direction. Luc d'Achery avait donné l'entrain décisif par ses éditions et ses recueils[75], et surtout par ce spicilegium de pièces jusque-là cachées dans les bibliothèques de France et des Bénédictins, dont le nom modeste n'empêche pas le glaneur de présenter encore une riche mesure de froment. Il travaillait, en dernier lieu, à réunir les actes des saints de l'ordre de Saint-Benoît, lorsque, épuisé de fatigue, il laissa à Mabillon, son aide fidèle, la charge de continuer. Mabillon, un des plus doctes entre les moines, sera toujours aussi un des plus aimables entre les savants. Nul ne s'est mieux gardé de ces rivalités qui se glissent quelquefois jusques entre les âmes les plus vertueuses. C'est lui qui a dit : Qu'importe qu'un saint soit bénédictin ou basilien, si ses exemples forment les hommes à bien vivre ? J'aime cette pensée de saint Bernard : J'appartiens à un seul ordre par ma profession ; à tous par la charité. Il imprime (1667) une édition des différentes vies et des œuvres de saint Bernard ; il révèle, dans la préface, des travaux, une patience, une conscience que Baluze ne désavouerait pas ; mais il a eu soin de dire, dès les premières lignes, que l'œuvre a été commencée par son confrère Chantelou, mort prématurément. Obligé de relever les nombreux défauts de l'ancien éditeur, l'Allemand Horstius, il les excuse par cette circonstance que l'étranger n'avait pas à sa disposition toutes les bibliothèques de France et de l'ordre de Saint-Benoît, ni le secours des érudits qui abondent à Paris. En 1668, il entre dans une carrière plus vaste par le premier volume des Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti, immense recueil de biographies comparées et élucidées, succession de préfaces où sont expliquées les questions les plus curieuses soulevées par ces histoires. Il s'empresse d'en rapporter le premier honneur à son maitre Achery, ce très-studieux chercheur des antiquités cachées. Je ne suis pas, dit-il, l'auteur, mais l'auxiliaire de l'entreprise ; non l'architecte rimait, mais l'aide substitué au maîtreminister succedaneus. A la même époque paraissait dans les Pays-Bas la collection de Bollandus, qui comprend tous les saints en général, et les range dans l'ordre du calendrier. Mabillon range les siens par siècles, ce qui est déjà mettre eu ordre une grande partie de l'histoire ecclésiastique, puisqu'il est sorti des cloîtres de Saint-Benoît tant de propagateurs de la foi et des institutions chrétiennes. Ce plan, évidemment supérieur, ne lui inspire ni vanité ni critique ; il honore et il loue la pensée pieuse de ses émules, et explique par la différence du but la différence des méthodes. A ces qualités il unit une persévérance infatigable. Cette grande publication des Acta était déjà poussée au troisième volume, en 1672, et ne devait s'arrêter qu'après avoir épuisé la matière, sans nuire à d'autres études pour lesquelles nous verrons Colbert offrir au bénédictin les libéralités royales.

Il ne serait pas juste d'oublier ici des mérites moins éminents, qui, en travaillant sous diverses formes au développement des études, contribuent à la gloire littéraire du siècle. Citons Ménage, plus honoré peut-être à l'étranger que dans sa patrie, dont le Cercle hebdomadaire forme comme un parti d'hommes de lettres. Pendant qu'il poursuit ses élucubrations sur la langue française — Observations sur la langue française, Apostilles sur les Remarques de Vaugelas —, il est nommé académicien de la Crusca, et pour justifier ce titre, il compose les Origines de la langue italienne (1669). Nommons les traductions, par les solitaires de Port-Royal, de Virgile, des Lettres et Paradoxes de Cicéron, celle de l'historien Josèphe, dont le roi faisait compliment au vieil Arnauld d'Andilly. Ne dédaignons pas non plus ces amateurs du latin, rivaux des anciens par l'habileté de l'imitation, et qui semblent vouloir faire concurrence au français, alors même qu'il atteint son plus grand éclat. Santeuil le Victorin, dont le regard et les gestes agités annoncent un fou ou un poète[76], révèle son talent dans des vers latins pour les monuments publics (1670) ; bientôt il le répandra a l'aise dans les belles hymnes du Bréviaire. Nous avons vu plus haut quelle place les jésuites occupaient dans l'érudition et dans la chaire ; on a cru les rabaisser en les appelant des faiseurs de vers latins. Si on a pu reprocher à quelques-uns d'avoir trop pratiqué cet exercice, on ne petit du moins leur contester le mérite d'y avoir bien réussi. Le Poème des Jardins, du P. Rapin (1666), et les vers de La Rue, que Corneille ne dédaignait pas de traduire (1668), dénotent une connaissance du latin et un art de le manier qui se retrouvera dans le commentateur Jouvenoy et dans le poète Vanière, et qui aura bien son utilité chez les maîtres de la jeunesse, tant que la langue latine, mère de la nôtre, sera la base de l'instruction élevée.

 

 

 



[1] Fontenelle, Histoire de l'Académie royale des sciences. Note de Charles Perrault.

[2] Mémoires de Charles Perrault, livre Ier. — Notes et dessins de Claude Perrault.

[3] Règlement pour l'Académie de Rome — Lettres de Colbert au duc de Chaulnes, et au cavalier Bernin, 1667 : Collection Clément.

[4] Ce fut en 1678.

[5] Édit de 1635.

[6] Mémoire de l'abbé Régnier, cité par d'Olivet, Histoire de l'Académie.

[7] Lettre de Louis XIV, 10 mai 1672. Œuvres de Louis XIV.

[8] Discours de remercîment à Colbert par Charpentier, 13 juin 1672.

[9] Texte des lettres-patentes de mars 1672.

[10] La vérité est que ni les uns ni les autres n'ont jamais été formellement excommuniés. On ne peut citer aucune loi générale de l'Église qui excommunie les comédiens pour le fait de leur profession. Quelques canons de conciles particuliers, comme celui d'Arles en 314, se rapportent à des actes d'impiété et de corruption païenne qui s'accomplissaient sur les théâtres anciens, et ne sont pas applicables au théâtre moderne. Les sévérités dont parle Bossuet, dans sa lettre sur la comédie, n'étaient que locales, et n'existent que dans quelques rituels de son temps comme celui de Paris qu'il cite seul. Enfin un de nos plus récents conciles, celui de Soissons en 1850, déclare, sans prétendre innover, que les comédiens et acteurs scéniques ne doivent pas être réputés infâmes ni excommuniés. Il ne les exclut des sacrements que lorsque, par leur jeu, ils se font interprètes volontaires et coupables de l'obscénité et de l'impiété : ce qui les range, non pour le fait de leur profession, mais pour des fautes personnelles, parmi les pécheurs publics à qui sont justement infligées les censures publiques de l'Église. Nous croyons que c'est bien là le véritable esprit de l'Église vis-à-vis des comédiens. La rigueur plus grande et sans distinction qui se produit quelquefois au temps de Louis XIV, et qui a dans notre siècle, essayé çà et là de renaître, procédait des exagérations jansénistes comme on peut le voir dans les Visionnaires de Nicole contre Desmarets, Ou dans les lettres adressées à Racine par le zèle effarouché de ses tantes.

[11] Voir la dédicace de l'édition de Cinnamus, à Colbert, par Du Cange, 1670.

[12] Voir le rapport du conseiller d'État Lafosse contre Fouquet : Trouvé dans les jardins de Saint-Mandé 200 grands orangers, quelques statues et force plantes de noms à moi inconnus dont j'ai pourtant dressé l'inventaire par l'organe de deux jardiniers allemands dont l'un mandé à cette fin du jardin royal dans la bibliothèque 7.000 volumes in-folio, 8.000 in-8°, et plus de 12.000 dans une des chambres de la bibliothèque, un coffre rempli de médailles, dont 122 d'or... dans une autre chambre 1.900 volumes dont 760 in-folio..... Le rapporteur raconte une visite faite à cette bibliothèque par deux cordeliers espagnols qui s'arrêtèrent surtout dans la chambre où étaient les Talmuds, les Alcorans, et quelques vieux interprètes de la Bible. Ils y trouvèrent un livre qu'ils n'avaient pu avoir en Espagne. Après un examen de six heures, ils se frappaient la poitrine en disant : Rex Hispaniarum nil tale habebat. Voir Chéruel, Histoire de Nicolas Fouquet.

[13] Pierre Clément, Introduction au Ve volume des Mémoires et Lettres de Colbert.

[14] Lettres de Colbert, 1671, 1676.

[15] Œuvres de Louis XIV. Lettre à Beaufort, 23 février 1664.

[16] Lettres de Colbert, au chevalier d'Hailly, capitaine de vaisseau, et à Perrault, 1671 ; à Terlon, ambassadeur en Danemark, et au directeur de la Compagnie des Indes, 1672.

[17] Lettres à l'abbé de Bourlemont, 1669 ; à Villars, 1672.

[18] Lettres à Errard, 1669.

[19] Molière, la Gloire du dôme du Val-de-Grâce, 1669.

.... Mais la fresque est pressante, et veut sans complaisance

Qu'un peintre s'accommode à son impatience.

La traite à sa manière. et d'un travail soudain

Saisisse le moment qu'elle donne à sa main.

La sévère rigueur de ce moment qui passe

Aux erreurs d'un pinceau ne fait aucune grâce ;

Avec elle il n'est pas de retour à tenter

Et tout, au premier coup, se doit exécuter.

Elle veut un esprit ou se rencontre unie

I.a pleine connaissance avec le grand génie,

Secouru d'une main propre à la seconder

Et maîtresse de l'art jusqu'à le gourmander,

Une main prompte à suivre un beau feu qui la guide,

Et dont, comme un éclair, la justesse rapide

Répande dans ses fonds, à grands traits non tâtés,

De ses expressions les touchantes beautés.

[20] Histoire métallique, voir la médaille avec la date de 1670, et l'explication donnée par l'Académie.

[21] Note de Charles Perrault.

[22] Histoire métallique. Note autographe de Colbert, 1669. Extrait de déclarations rendues sur les propositions de Colbert et d'édits contresignés par lui.

[23] Voici un échantillon de ces dépenses :

En 1670 :

Le Louvre,

1.627.393

liv.

Versailles,

1.996.452

liv.

En 1671 :

946.409

-

3.339.590

-

En 1672 :

213.653

-

2.302.718

-

 

[24] Voir les pièces : Collection Clément, t. V.

[25] Carcavi, Roberval, Frenicle, abbé Picard, Duclos, Bourdelin, Auzout, Delachambre, Claude Perrault, Pecquet, Buot, Gayant, Mariotte, Marchand. — Mémoires de Charles Perrault, livre Ier.

[26] Mémoires de Charles Perrault, livre Ier.

[27] Notes et dessins de Claude Perrault.

[28] Mémoires de l'Académie des sciences, 1872.

[29] Lettres de Colbert, 1871.

[30] Mémoire de l'Académie des sciences, tome Ier, 1666.

[31] Mémoires de l'Académie des sciences, préface du tome III.

[32] Mémoires de l'Académie dos sciences, tome Ier : années 1672, 1673. Ces mémoires jusqu'en 1679 sont rédigés par Fontenelle. Voir aussi les lettres de Colbert à Picard, et de Picard à Colbert, octobre et décembre 1671.

[33] Dédicaces de l'École des femmes à Madame, et d'Amphitryon au grand Condé. Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans. Racine, dédicaces de Britannicus et de Bérénice.

[34] Les scrupules des âmes pieuses à l'endroit de Tartufe permettront sans doute assez raisonnables à ceux qui voudront méditer ce sentiment d'un juge qui n'était pas dévot, de Napoléon Ier : Certain moment l'ensemble de Tartuffe est de main de maitre ; c'est un des chefs-d'œuvre d'un homme inimitable ; toutefois cette pièce porte un tel caractère, que je ne suis nullement étonné que son apparition ait été l'objet de fortes négociations à Versailles et de beaucoup d'hésitations dans Louis XIV..... Elle présente, à mon avis, la dévotion sous des couleurs si odieuses ; une certaine scène offre une situation si décisive, si complètement indécente, que, pour mon propre compte, je n'hésite pas à dire que, si la pièce eût été faste de mon temps, je n'en aurais pas permis la représentation. Mémorial de Sainte-Hélène.

[35] Sévigné, 29 avril 1671.

[36] Sévigné, 15 janvier 1672.

[37] Deltour, les Ennemis de Racine, passim : Encore un ancien élève, un collègue, un ami, dont je suis heureux d'honorer le travail, et de reconnaître l'affection.

[38] Sévigné, 9 mars 1672, 16 mars 1872.

[39] Discours de Boileau sur la satire, 1668, l'année même de la publication de la IXe satire.

[40] Nous citons cette lettre, publiée par P. Clément : Je vous remercie d'avoir, selon les intentions de notre équitable monarque, fait briser le sceau du privilège des Satires de Despréaux, qu'on avait obtenu par surprise et contre le respect dû à S. M., laquelle, à votre persuasion, a honoré de son estime et de ses bienfaits plusieurs personnes que vous n'en aviez pas jugées indignes, et laquelle a sujet d'être offensée de l'insolence de ce satirique effréné, qui, par ses libelles, condamne le jugement que vous aviez fait et fait faire à notre magnanime monarque, étant sans doute injurieux à S. M. et à vous, Monseigneur, de déchirer par des pasquinades, autorisées de son sacré seau même, des gens de bien et des plumes accréditées, toutes dévouées à son service, et obligées par les faveurs royales à mettre leur vie pour la défense de ses moindres intérêts. 4 avril 1671.

Chapelain se trompait. Il avait bien dénoncé Boileau à Colbert par écrit ; Perrault l'avait assuré que Colbert lui avait répondu ; mais il n'en était rien : et Chapelain en fut pour le désagrément bouffon d'avoir fait un remercîment sans objet.

[41] Boileau, Avertissement sur la seconde édition de l'épître I, 1672.

[42] Sévigné, Lettres, 9 mars 1672.

[43] Sévigné, Lettres, 29 avril 1671, 9 mars 1672.

[44] Dédicaces du recueil des fables de 1668 au Dauphin, en prose et en vers. — Épilogue du livre XI.

[45] Sévigné, 11 mai 1672.

[46] Boileau, Dissertation critique sur Joconde, probablement en 1666.

[47] La Fontaine, préface de 1668.

[48] Mme de Coulanges à Sévigné, 10 avril 1673.

[49] Les sermons de Bossuet n'étaient pas destinés par lui à l'impression. Il les refaisait quelquefois sur un plan nouveau. soit en les abrégeant, soit en les étendant ; il reprenait du premier travail des pensées, des expressions, des phrases même qu'il croyait utiles de reproduire. Il y a dans deux sermons sur le même sujet la comparaison de l'ambitieux avec Assur, et cette pensée : Et tant de sueurs pour un peut-être. Un beau sermon sur la mort qui a tout l'air d'être complet, puisqu'il forme un tout, renferme dans son ensemble le plan de l'oraison funèbre de la duchesse d'Orléans, et on y lit textuellement le : Je ne sais quoi qui n'a plus de nom et ce qui suit. Dans le panégyrique de saint François de Sales, il renvoie, pour finir, au panégyrique de saint Thomas de Villeneuve qu'on ne retrouve nulle part. La comparaison de l'éloquence de saint Paul avec un grand fleuve était déjà dans le deuxième sermon pour le IIe dimanche de l'Avent, premier point fin du quatrième alinéa. Enfin il pensait si peu que ses sermons dussent être connus de la postérité, qu'il ne craint pas de leur emprunter, pour d'autres ouvrages, des beautés qu'il eût été en effet regrettable de laisser perdre. Le fameux mot du Discours sur l'histoire universelle : Le monde était devenu un temple d'idoles, appartient à un sermon sur la Pentecôte. Le tableau de l'homme de luxe, et de ses illusions, dans le traité de la concupiscence, était déjà tracé dans un sermon sur l'honneur pour le IIe dimanche du Carême : qu'il se multiplie tant qu'il pourra, il ne faut toujours pour l'abattre qu'une seule mort.... Ces citations suffisent à expliquer ce qu'il y a d'incomplet, d'inachevé dans les manuscrits des sermons, mais en démontrent aussi le mérite oratoire.

[50] Dans un sermon devant Louis XIV (1669), Mascaron citait le discours de Nathan à David et les paroles de saint Bernard aux princes : Si le respect que j'ai pour vous ne me permet de dira la vérité que sous des enveloppes, il faut que vous ayez plus de pénétration que je n'ai de hardiesse, et qu'en ne vous parlait pas plus clairement, je ne laisse pas de vous dire ce que vous ne voudriez pas qu'on vous dit. Louis XIV répondit à des courtisans qui tâchaient de l'irriter contre Mascaron : Le Prédicateur a fait son devoir, c'est à nous de faire le nôtre. On appliqua à Mascaron ces paroles du psaume : Loquebar de testimoniis tuis in conspectu regum, et non confundebar.

[51] Sévigné, Lettres, vendredi saint, 27 mars 1671 : Les laquais y étaient dès mercredi, et la presse était à mourir.

[52] Sévigné, Lettres, 3 décembre 1670.

[53] On trouve dans ce poème Charlemagne victime d'un enchantement d'Irminsul. Pendant que son corps est endormi, son âme monte au ciel pour apprendre d'un ange la science des trente-deux vents. Parmi les compagnons de Charlemagne, on compte Rochefoucauld, Rabutin et Roquelaure. Tilpin, qui se charge de délivrer le prince, insulte saint Boniface et va chercher la vie auprès de ce tombeau. Boileau s'est moqué de la dédicace au grand Condé. Il aurait pu mettre en regard des vers de Chapelain cette description d'un champ de bataille :

Il passe avec les siens dans le champ de bataille ;

De mille et mille morts partout ils sont enceints.

L'ombre cache a leurs yeux les exploits de leurs mains ;

Mais d'ailleurs leurs chevaux, d'un instinct pitoyable,

Rencontrant sous leurs pieds ce carnage effroyable,

Ronflent, font les rétifs, feignent à chaque pas

Et sentent une horreur qu'ils ne connaissaient pas.

L'un, au bout de l'éclat d'une lance rompue,

Trouve un fer qui le blesse, et l'autre un qui le tue ;

Et l'ennemi mourant, qui sent fouler son corps,

A ces coups du hasard joint aussi ses efforts.

Pour étendre le bras, pour lever son épée,

Il rassemble en son cœur sa force dissipée,

Peut-il tirer du sang, il en est soulagé,

Et meurt tout satisfait, croyant mourir vengé.

[54] Menagiana.

[55] Portrait des amants de Magdeleine :

Elle avait dans ses fers toutes sortes d'esclaves,

Juifs, Arabes, Grecs et Romains,

Les plus voluptueux d'entre tous les humains,

Les plus nobles esprits et les cœurs les plus braves

Le prince Abner, sage et vaillant ;

Jubal, d'esprit vif et brillant ;

Agrippa, doux et franc, prince de Galilée ;

Arphaxad, impie et brutal ;

Selmon, d'humeur dissimulée ;

Et Zabas, prince arabe, adroit et libéral.

[56] Madeleine de Scudéry remporta, en 1671, le prix d'éloquence par un discours sur la gloire. Après quoi, Mlle Delavigne lui envoya une couronne de laurier en orfèvrerie émaillée avec une ode aussi honorable que faible.

[57] Huet, Traité de l'origine des romans.

[58] Sévigné, 1671, passim.

[59] Zayde parut sous le nom de Segrais. C'est à Segrais que Huet adresse son Traité de l'origine des romans, pour servir de préface au nouveau livre ; mais Huet lui-même dit ailleurs qu'il a vu Mme de La Fayette composer Zayde et qu'elle lui communiquait son travail pièce par pièce.

[60] La Princesse de Clèves ne parut qu'en 1678 ; mais, dès 1672, Mme de Sévigné en parle comme d'un livre qui enrichira Barbin. — Lettres, 16 mars 1672.

[61] Voici, d'après un ami, le grand mérite de Benserade : Avant lui, les vers d'un ballet ne parlaient que des personnages qu'on y faisait entrer et point du tout des personnes qui les représentaient. M. de Benserade tournait ses vers d'une manière qu'ils s'entendaient égale ruant des uns et des autres ; et comme le roi représentait tantôt Jupiter et tantôt Neptune, quelquefois le dieu Mars, d'autres fois le Soleil, rien n'était plus agréable ni plus admirable tout ensemble que la finesse des louanges qu'il lui donnait sans s'adresser à lui. Le coup portai : sur le personnage et le contre-coup sur la personne. Il en était de même de tous les seigneurs et de toutes les dames de la cour qui dansaient avec le roi dans ces mêmes ballets. Leurs qualités, leurs talents et quelquefois même leurs intrigues y étaient touchés si délicatement, qu'ils étaient obligés d'en rire les premiers. Ch. Perrault, les Hommes illustres, tome II.

[62] En voici quelques-uns : CANTACUZENE (1645), par Pontanus et Gretserus, jésuites ; CODINUS (1648), par Gretserus et Goar dominicain ; ANNE COMNÈNE (1651), par Possin, jésuite, que Ducange, dans une de en préfaces, appelle : vir utriusque linguæ peritissimus, et omni eruditionis genere instrudissimus, qui, ut multa alia scriptorum monumenta, Georgii Pachymeris historiam, a se luculenter illustratam diuque ab erudisis exspectatam, hoc ipso anno, luce publica donavit ; THÉOPHANE (1645), par Goar et Combefis, dominicains ; PROCOPE (1682), par Claude Maltret, jésuite.

[63] Dans la préface de ses Familles byzantines, 1680.

[64] Ducange, Épître dédicatoire des Familles byzantines.

[65] Perrault, Hommes illustres : Vie du P. de Combefis ; Ducange, Épître dédicatoire des Familles byzantines.

[66] Baluze, Dédicace des Capitulaires. — Ducange, Dédicace des Familles byzantines.

[67] Ducange, Dédicace des Familles byzantines. — Baluze. — Huet, Histoire du Commerce et de la Navigation chez les anciens : début et conclusion : Toute considération cesse quand il s'agit de vous obéir, et cède au désir de vous plaire et de donner au public une marque du pouvoir absolu et de l'extrême reconnaissance que vous ont acquis sur moi les faveurs dont vous m'avez honoré et les grâces dont vous m'avez comblé.

[68] Le travail de Godefroy, amplifié dans le siècle suivant par Langlet-Dufresnoy, est un des recueils les plus savants à consulter pour connaître le règne de Louis XI : 4 volumes in-4°.

[69] C'est lui-même qui le dit : Notitiam Galliæ diu multumque lucubratam... notiones per annos fere 40 lucubratas.

[70] Dédicace des Capitulaires à Colbert.

[71] Baluze, Capitulaires, præfatio ad lectorem.

[72] On ne sait pas exactement la date de cet ouvrage. On voit seulement, par le début et la conclusion, qu'il était terminé du vivant de Colbert, quoiqu'il n'ait pas été publié avant la mort du ministre.

[73] Charles Perrault, Hommes illustres, tome II. D'Herbelot figure pour la première fois dans les listes de gratifications, en 1671, en considération de son mérite et de la profonde connaissance qu'il a des langues orientales.

[74] Mabillon, préface de l'édition de Saint Bernard.

[75] Œuvres d'Achery : Epistola catholica sancti Barnabœ, apostoli, 1645 ; Vie et Œuvres de Lanfranc, 1648 ; Asceticorum vulgo spiritualium opusculorum quæ inter Patrum opera reperiuntur, 1848 ; Vie et Œuvres de Guibert de Nogent, 1651 ; Spicilegium, 1655.

[76] Perrault, Hommes illustres, dit de Santeuil : On voyait dans son regard la chaleur qui le travaillait au dedans ; le feu de son imagination se répandait sur toute sa personne ; ses pieds, ses mains, ses yeux, tout exprimait, et, comme s'il n'eût pu contenir les idées dont il était plein, tout parlait en lui, et faisait croire qu'un second et double esprit se joignait au premier.