HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS

 

CHAPITRE XVII. — Les premières guerres de Louis XIV. Son intervention dans la lutte des Renaudais contre l'Angleterre. Sa première revendication de la succession d'Espagne : guerre du droit de dévolution (1665-1668).

 

 

II. — Le droit de dévolution. - Louis XIV réclame une partie de la succession d'Espagne. - Guerre de Flandre. - Formation secrète de la Triple-Alliance de la Haye. - Première conquête de la Franche-Comté. - Paix d'Aix-la-Chapelle.

 

S'il est une politique qui puisse excuser la conquête, c'est assurément celle qui se propose de rapprocher et de réunir les populations de même origine, de même caractère et de mêmes intérêts. La théorie des peuples géographiques, si vivement controversée de nos jours, n'est pas un vain système contraire à l'histoire et à la raison. N'est-il pas vrai que des peuplades renfermées ensemble dans les mêmes limites naturelles, et séparées par cette barrière de tout ce qui habite au delà, se tournent volontiers les unes vers les autres par la ressemblance des ressources et des besoins, et aspirent à former un seul corps, qui protège plus efficacement, par les forces de tous, le bien-être de chacun ? Quand cet assemblage, monarchie ou confédération, est bien fait, nulle puissance humaine ne peut le rompre impunément ; la séparation opérée par la violence ne détruit pas le sentiment et l'attrait de l'unité volontaire, et les membres de la vieille famille, amputés par l'étranger, attendent et saisissent toujours avec joie l'occasion de se reprendre. Telle est, en particulier, l'histoire de la Gaule depuis le jour où elle apparaît pour la première fois, dans les Commentaires de César, avec ses limites des Alpes et du Rhin, des Pyrénées et de l'Océan. Habituées à repousser en commun les incursions germaniques, confédérées spontanément contre la conquête romaine, puis reliées par les vainqueurs eux-mêmes en une grande province pendant quatre siècles, ses tribus se sont si bien mêlées, que l'habitude de cette fusion a survécu à l'invasion des Barbares, à la division en Neustrie et Austrasie, à la création du royaume de Lotharingie au IXe siècle, au morcellement féodal d'où sont sortis les États de Lorraine haute et basse, de comté de Bourgogne, de Savoie et de Provence, Dès que la France capétienne a pu étendre la main au delà des limites factices du traité de Verdun, le Dauphiné et la Provence sont revenus à elle sans regret et sans résistance. Une adhésion pareille a consacré les acquisitions de Henri IV (Bresse), celles de Richelieu (Alsace, Roussillon, Artois), et celles de Louis XIV dans l'ancienne Séquanaise et dans la Gaule Belgique. Aujourd'hui encore, nous avons vu à l'empressement de la Savoie, et nous sentons aux gémissements de l'Alsace et de la Lorraine, combien, dans tous les siècles, étaient demeurées profondément gauloises ou françaises ces provinces détachées de leur centre par des arrangements et des héritages où leurs sentiments n'avaient pas été consultés.

C'était donc une politique raisonnable que celle de Henri IV et de Richelieu réclamant pour la France ses frontières naturelles ; aussi n'avait-elle rencontré de contradiction sérieuse que dans la maison d'Autriche, qu'elle forçait à restituer ses usurpations. Si Louis XIV se fût renfermé dans les mêmes prétentions que ses prédécesseurs, il n'aurait encouru aucun reproche de l'histoire pas plus que de résistance invincible de la part des puissances voisines. Qu'avaient à faire les Pays-Bas et la Franche-Comté de cette Espagne qui ne les touchait que pour les épuiser au profit de ses autres ambitions ? Qu'importait à la Lorraine cet empereur germanique pour qui on la forçait à se battre, quoique, depuis la paix de Westphalie, elle n'eût plus de communications avec l'Allemagne ? Ces enclaves de princes étrangers dans le territoire français étaient aussi bien une contradiction à l'intérêt des peuples qu'une menace permanente pour la France ; le droit de nationalité devait les rendre toutes également et les confirmer à leur possesseur naturel. La faute de Louis XIV a été de faire contre les autres ce qu'il ne voulait pas qu'on lui fit à lui-même, de ne pas respecter leurs nationalités ni leurs limites, de prétendre s'arroger la Hollande, s'établir à Fribourg et à Heidelberg, et réunir à sa couronne non-seulement la Navarre, mais encore lés Deux-Siciles. Par là il a soulevé ces coalitions qui ne lui ont rien laissé de ses conquêtes extérieures et ne lui ont pas permis de compléter sou œuvre légitime, l'unité de son véritable territoire.

Sa première réclamation, quoique entachée de chicane et de subtilité, posait nettement la question. Il redemandait les Pays-Bas et la Franche-Comté comme des membres du corps dont il était le chef ; il ne doutait pas de l'adhésion de ces peuples. Ils ont, disait-il[1], intérêt à se rapprocher du cœur et de l'âme de leurs États pour en recevoir les secours et les influences nécessaires ; aimeraient-ils mieux demeurer éternellement attachés à l'Espagne, de qui la nature les a entièrement divisés, que de se réunir à la France dont ils sont les membres naturels, et à qui le ciel les réunit par les liens du sang, après n'en avoir été divisés que par les artifices et par la violence ? On ne pouvait produire avec plus de précision l'argument de nationalité qui était sans contredit le meilleur. Mais les routines politiques du temps, la manière acceptée d'entendre les intérêts princiers et les droits des rois, le contraignaient à rechercher et à faire valoir d'autres raisons pour retourner contre ses adversaires leur propre système de raisonnements.

Il s'agissait d'héritage, puisque c'était seulement la mort du roi d'Espagne Philippe IV et l'ouverture de la succession qui permettaient de soulever le débat. La reine de France, fille du roi mort, avait-elle quelque droit à l'héritage paternel ? A la vérité, elle avait renoncé en se mariant. Mais cette renonciation était-elle valable ? Personne n'osait l'affirmer, pas même en Espagne. Plusieurs fois déjà, à propos de négociations où les ministres espagnols s'efforçaient de détacher Louis XIV de la cause du Portugal, ils avaient déclaré qu'ils se souciaient de cette renonciation comme d'un gant ; et ils avaient d'eux-mêmes avancé les raisons qui la rendaient invalide et nulle. Ravir le Portugal à l'Espagne, c'était donc, disaient-ils, restreindre les domaines sur lesquels la reine de France pourrait avoir un jour à prétendre droit d'héritage[2]. Louis XIV avait pris bonne note de ces aveux qui désarmaient ses adversaires de leur meilleur moyen d'opposition à ses projets. Cependant ce premier succès ne suffisait pas à toutes les éventualités. Le roi d'Espagne pouvait, à sa mort, laisser un héritier mâle, et dans ce cas les droits de la fille aînée seraient sinon annulés, au moins ajournés indéfiniment ; il importait d'imaginer un titre qui permît à la sœur de partager avec le frère. On crut le découvrir dans une coutume civile de la province de Brabant, appelée le droit de dévolution, en vertu de laquelle, quand un homme se remariait, la propriété de ses biens était dévolue à ses enfants du premier lit, sans qu'il en gardât autre chose pour lui-même que l'usufruit, et sans que les enfants du second mariage eussent rien à y prétendre. Or la reine de France, issue d'un premier mariage, avait été investie de la 'propriété du pays, où cette coutume se pratiquait, par le seul fait du second mariage de sou père ; le prince d'Espagne, né d'une autre mère, en était nécessairement exclu. En 1662, Louis XIV invita Philippe IV à faire une justice paisible pour ces pays à la reine sa fille, comme à l'aînée de sa maison. L'année suivante il travailla à obtenir des Hollandais la reconnaissance de ce droit de dévolution. Le roi d'Espagne avait éludé la réponse ; Jean de Witt avait refusé d'admettre qu'une coutume civile d'un canton de Brabant fût applicable à une succession royale. Louis XIV n'en continua pas moins à soutenir sa thèse, qui attira peu à peu l'attention publique, et, comme toutes les causes spécieuses, tint les esprits en suspens. En 1665, quelques semaines avant la mort de Philippe IV, Anne d'Autriche, fort malade elle-même, fit prier son frère de régler à l'amiable la question des droits de la reine sur les Pays-Bas. Philippe mourant ne répondit pas ; mais deux jours après sa mort, sa veuve, qu'il avait instituée régente, écrivit à l'ambassadeur d'Espagne en France : Vous direz à ma sœur que sa proposition m'a paru si nouvelle, que jamais je n'aurais cru qu'elle pût venir d'une si bonne sœur, et que je ne crois pas que le roi, sous un pareil prétexte d'une injustice si notoire et de si mauvaise conséquence, veuille en venir à une rupture de la paix avec moi et mon fils (19 septembre 1665).

Louis XIV ne montra ni empressement ni colère. Nous avons vu plus haut comment il prit son temps, comment il déclara la guerre à l'Angleterre pour la Hollande, afin de couvrir, sous cette apparence de fidélité à ses alliés, ses préparatifs contre l'Espagne, comment il s'assura les moyens de victoire par ses armements, et écarta par sa diplomatie les obstacles qui pourraient s'élever du côté des étrangers. Quand il fut prêt (commencement de 1667), il pressa la conclusion de la paix entre l'Angleterre et la Hollande par l'ouverture du congrès de Bréda. Il fortifia son alliance avec le Portugal par un nouveau traité (31 mars 1667). Il s'engageait à combattre pour le Portugal jusqu'à ce que l'Espagne eût reconnu l'indépendance de ce royaume, il engageait le Portugal à combattre pour la France jusqu'à ce que la France eût obtenu satisfaction sur les droits de la reine[3]. L'Espagne ne pouvant plus ne pas s'apercevoir des armements français et de leur destination, il continua jusqu'à la dernière heure à la tromper par des protestations de pensées pacifiques[4]. Tantôt c'était Lyonne, son ministre, qui écrivait à Madrid que la paix d'Angleterre et de Hollande était renvoyée aux calendes grecques (20 mars 1667) ; tantôt c'était lui-même qui riait des vains fantômes dont Castel-Rodrigo, gouverneur de Flandre, était obsédé : Il y a plus d'un an, disait-il, que je n'ai pas levé une seule troupe de cavalerie ni d'infanterie. La levée de deux mille chevaux d'artillerie est une autre fable, et le serait lors même qu'on ne parlerait que de cent ou de cinquante (17 avril 1667). Or il y ait plus de 60.000 hommes dans le voisinage de la Flandre ; il comptait 110 navires de différentes grandeurs tous prêts à entrer en action. Il avoue, dans ses Mémoires que, au lieu de 6.000 matelots, il s'en présenta cette année plus de 18.000, que des provinces entières s'offrirent d'aller à son service, et de ne laisser chez eux que les femmes et les enfants, et que, au premier bruit de la guerre de Flandre, sa cour se grossit d'une infinité de gentilshommes qui sollicitaient de l'emploi, et de capitaines qui ne demandaient qu'une simple commission pour lever des compagnies nouvelles[5]. Tout à coup, le 8 mai 1667, il éclata par un manifeste qui était une déclaration de guerre.

Le Traité des droits de la reine Très-Chrétienne sur divers États de la monarchie d'Espagne tomba comme la foudre au milieu des princes, des diplomates et des peuples. Il se composait beaucoup moins de phrases vagues et sonores que d'arguments adroitement déduits et rapprochés. Il y avait, dans un court préambule, quelques mots de la piété du roi et de son horreur pour les conquêtes illégitimes, de sa douceur et de son désir d'entrer dans les villes comme un soleil bienfaisant par les rayons de son amour. Mais il passait bien vite aux raisons, à la différence de Philippe II, qui, pour toute raison de son entreprise sur le Portugal, s'était contenté de dire qu'il connaissait la justice de ses prétentions, et que les rois n'avaient d'autre tribunal sur la terre que celui de leur conscience. Le roi de France exposait et prouvait deux choses : 1° la nullité de la renonciation de sa femme ; 2° la solidité du droit de dévolution. On comprend que cette double argumentation était nécessaire, car si l'on soutenait le droit de dévolution tout seul, en supposant qu'il fût admis par la partie adverse, il ne rapportait à la reine que les territoires qu'il régissait, c'est-à-dire quelques fractions des Pays-Bas ; tandis que si l'on restituait simultanément à cette princesse l'aptitude à succéder à tout l'héritage paternel, il était permis de revendiquer une part pour elle, à côté de son frère, en d'autres provinces dont les coutumes particulières admettaient tous les enfants au partage. La renonciation était nulle parce qu'elle était contraire à la jurisprudence romaine, au droit canon, au droit d'Espagne ; nulle, parce que la dot qui en était le prix avait été fixée à une somme insuffisante, et constituée des biens de la mère de la reine et non de l'argent d'Espagne ; nulle surtout, parce que cette dot n'avait pas été payée. Le droit de dévolution était fondé sur la morale, comme un frein à l'incontinence des secondes noces — curieux respect de Louis XIV pour la décence des mœurs et les devoirs de la famille ! —, fondé sur l'usage des particuliers et des souverains qui l'appliquaient aux mâles et aux femelles, fondé sur l'exemple de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie qui avait été reconnue souveraine en Brabant, antérieurement aux droits de son Frère cadet, par le droit du pays, non par la libéralité de Philippe II son père. En conséquence la reine de France apte à hériter au besoin de toute la monarchie espagnole, et par avance souveraine de quelques-unes de ses parties, réclamait le Brabant où le droit de dévolution était en usage, avec Anvers et le Limbourg comme annexes du Brabant, Malines, la Haute-Gueldre, Namur, l'Artois et Cambrai que le droit de dévolution régissait également ; puis le Hainaut comme franc-alleu qui revenait aux enfants du premier lit, le quart du duché de Luxembourg dont la coutume appelait tous les enfants à la succession, le tiers de la Franche-Comté dont la loi ordonnait le partage égal entre tous les héritiers. Le mémoire finissait par cet appel à l'esprit de nationalité française des provinces réclamées que nous wons cité plus haut.

Ce traité des droits fut expédié à la régente d'Espagne, avec une lettre où le roi exprimait son regret de n'avoir pu en finir par un accord amiable, et annonçait l'emploi de la force pour la fin du mois, s'il ne lui était pas donné n'Lion à cette époque. Par une confiance incomparable dans l'excellence de sa cause, il prétendait que son entrée dans les Pays-Bas ne fût. pas considérée comme une rupture de la paix, mais seulement comme une reprise de possession toute naturelle de ce qui lui était dû, et il ne rappelait pas son ambassadeur de Madrid. Le même envoi fut fait aux différents États, et en particulier aux princes d'Empire rassemblés en diète à Ratisbonne et à l'empereur Léopold. Une lettre spéciale aux princes allemands (23 mai), dont plusieurs étaient ses salariés, avait pour objet de les rassurer sur les suites de sa conquête ; il promettait de tenir les pays acquis par ses armes dans les mêmes conditions de dépendances, redevances et obligations envers l'Empire que lorsqu'ils appartenaient à l'Espagne ; en retour, il attendait de ses alliés, comme conséquence des traités antérieurs, une exacte fidélité à ne laisser avancer aucune troupe d'Allemagne vers le Rhin. Un habile diplomate, le chevalier de Grémonville, fut chargé de surveiller l'empereur, et de l'entretenir dans la conviction de sa faiblesse, la crainte des conséquences d'une lutte contre la France, et dans l'inaction complète.

Ces précautions prises, la guerre commença avant que la querelle d'Angleterre et de Hollande fût terminée, avant même les succès de Ruyter dans la Tamise. Turenne avait préparé l'expédition, avec l'assistance subordonnée, et forcément docile, de Louvois obligé encore de reconnaître un maitre dans le grand homme de guerre. Il avait fait trois parts des troupes : lui, au milieu, entre la Lys et la Meuse ; Aumont, à gauche, entre la mer et la Lys ; Créqui, à droite, dans les Trois-Évêchés, pour veiller sur les Allemands[6]. De sages mesures, qui sont la première application d'un grand système, avaient été combinées pour approvisionner l'armée. Louis XIV s'en fait honneur, dans ses Mémoires, comme de l'accomplissement d'un devoir impérieux. A ses veux, le soin du soldat est la principale différence entre les bons et les mauvais capitaines, une juste reconnaissance de l'obéissance et de la soumission des troupes, et, de la part du souverain, un acte de conservation de sa propriété, puisque la vie de ses sujets est son propre bien[7]. Il voulut de plus participer à leurs travaux et à leurs dangers ; apprendre la guerre sous Turenne, et mériter la gloire autrement que par son application dans le cabinet. Ce fut l'objet d'une grande admiration. Comme on avait, six ans plus tôt, salué avec enthousiasme cette nouveauté d'un roi gouvernant par lui-même, on exalta cet exemple antique et rare d'un roi allant hors de son royaume se montrer à ses ennemis, et signaler toute la prudence nécessaire pour le gouvernement des États, et toute la vertu des capitaines (2)[8]. On admira sa bravoure, on s'émut de ses dangers ; un jour le parlement voulait lui envoyer une députation pour l'inviter à ménager davantage une vie si précieuse. Il eut en outre le mérite de se montrer modeste et modéré, et d'accepter la leçon des plus habiles. Après les premiers succès, il refusa de recevoir des félicitations solennelles, parce qu'il ne trouvait pas qu'il eût encore assez fait pour justifier cette démonstration. Il renonça, sur l'avis de Turenne, à des projets impatients et téméraires, aimant mieux suivre ce que la prudence lui conseillait que ce qui était de son inclination, et persuadé que, quelque envie qu'on ait de se signaler, le plus sûr chemin de la gloire est toujours celui que montre la raison[9].

Contre les forces supérieures de la France, l'Espagne n'avait fait aucun préparatif. Le marquis de Castel-Rodrigo, gouverneur des Pays-Bas, avant inutilement averti ses maitres, se trouvait à peu près désarmé eu face de l'invasion. Les opérations, commencées le 24 mai, marchèrent avec une rapidité irrésistible. Turenne débuta par la prise d'Armentières, et, poussant tout à coup sur la droite, il occupa Binche et Charleroi, pendant qu'Aumont occupait Bergues et Furnes. Après quinze jours passés à remettre Charleroi en état de défense, Turenne revint vers l'Escaut, prit Ath en courant, et, rejoint par Aumont, s'empara de Tournai en deux jours (23 juin), de Douai et du fort de Scarpe (6 juillet), de Courtrai (16 juillet). Déjà le vainqueur célébrait ces triomphes par des fêtes, des défilés glorieux, où il montrait à ses nouveaux sujets leur reine, sa maitresse La Vallière, les dames et les courtisans, les panaches, les charriots, les équipages. La guerre avant repris par l'occupation d'Oudenarde (31 juillet), tin échec vint rendre un moment l'espoir à l'ennemi. Dendermonde, ravitaillée à temps par les Espagnols, présenta des difficultés que Turenne jugea raisonnable de ne pas braver témérairement. Aussitôt on crut à Vienne et à Madrid que le roi de France avait éprouvé un désastre, une perte de 6.000 hommes ; on s'en félicitait, on lui faisait porter des compliments de condoléance ironique ; mais la joie cessa tout à coup par la nouvelle de l'investissement de Lille (10 août). Les trois armées françaises s'y rassemblèrent. Jamais une place de cette étendue, de cette force et de cette importance, munie abondamment d'hommes, de vivres et d'armes n'axait été menée si brusquement. Toutes les troupes, les officiers généraux et particuliers, semblaient s'efforcer à l'envi d'avancer les travaux[10] ; le roi prit part à tous les dangers, et la conquête de Lille est toujours restée en tête des exploits dont il était fier. Après deux attaques vigoureuses, la bourgeoisie, sans espoir d'être secourue, somma le gouverneur de capituler, et fit elle-même cesser le feu ; Lille se rendit le 27 août. Restait une armée espagnole, rassemblée pour secourir Lille par un transfuge français, le comte de Marsin, que la paix des Pyrénées n'avait pas réhabilité. N'ayant pu arriver à temps pour sauver la place, Marsin voulait retirer son infanterie vers la Flandre maritime, et la cavalerie vers le nord. Les troupes françaises, lancées à sa poursuite en diverses directions, par un dessein que le roi s'attribue, lui coupèrent tous les chemins, le battirent en deux rencontres et le réduisirent, après des pertes notables, à se renfermer dans Bruges.

Louis XIV, tout resplendissant de gloire, rentra en France au commencement de septembre : il laissait à Turenne le commandement et le soin des troupes. Ce n'est pas qu'il crût la lutte finie et qu'il renonçât à de nouvelles conquêtes ; ses lettres à Turenne annoncent tout le contraire : Appliquez-vous, lui dit-il[11], à ce que l'infanterie entre dans les quartiers forte et en bon état ; il faut absolument qu'elle soit admirable l'année prochaine. Je fais de grands projets de troupes ; j'ai tout dans ma tête, et vais travailler à l'exécuter quoi qu'il en coûte. Je repasse dans ma tête des desseins que je ne trouve pas impossibles. Qu'ils me paraissent beaux ! Turenne de son côté continuait à combattre ; il prenait Alost par une attaque de vive force, où, pour gagner du temps, il sacrifiait plus de monde qu'il n'avait coutume (13 septembre). Mais, outre que la saison devenait contraire aux opérations actives, Louis XIV avait à surveiller les indécisions de ses alliés, à déconcerter les intrigues de ses ennemis ; après la campagne militaire, une campagne diplomatique commençait.

La régente d'Espagne, impuissante par elle-même, avait fait appel tout haut ou secrètement à toutes les défiances, à toutes les jalousies que pouvaient susciter la puissance ou les intentions du roi ; elle invoquait l'intervention des Hollandais et de l'Angleterre ; elle pressait les princes d'Empire, assemblés à Ratisbonne, de prendre sous leur garantie le cercle de Bourgogne, l'empereur Léopold de lui donner par les armes l'assistance d'un parent fidèle. Comme moyen de persuasion, elle publiait le Bouclier d'État et de justice, ouvrage du baron de l'Isola, en réponse aux arguments du Traité des droits de la reine. Comme preuve d'énergie, elle avait déclaré formellement la guerre à la France, accusé Louis XIV de l'avoir trompée par des assurances pacifiques, et renvoyé de Madrid l'ambassadeur français.

De tous les contradicteurs de Louis XIV, les plus gênants étaient les Hollandais. Ils ne voulaient à aucun prix du voisinage des Français, et l'Espagne, pour obtenir leur argent ou le secours de leurs troupes, leur offrait en garantie Ostende et Namur et les douanes de l'Escaut, ou Ostende avec Bruges et les forts voisins de l'Écluse[12]. Dès le mois de juillet, ils avaient pressé le roi d'expliquer nettement ses intentions ; ils revinrent avec la même insistance, en septembre, après la prise d'Alost. Dans ces deux circonstances, il leur fit une promesse qui est devenue, par le cours des événements, non-seulement la base, mais la teneur même des arrangements définitifs. Il déclara qu'il se contenterait des villes qu'il avait prises jusque-là, ou d'un équivalent qui serait la cession du Cambrésis, de Douai, Aire, Saint-Omer, Bergues el Furnes avec la Franche-Comté ou le Luxembourg. Telle est la fameuse alternative tant débattue pendant près d'une année[13]. Par là il les tint en échec, il les empêcha de prendre aucune résolution active en faveur de l'Espagne.

Les princes de la ligue du Rhin avaient laissé passer le terme auquel cette ligue expirait sans la renouveler (15 août) ; mais quatre d'entre eux s'étaient mis l'année précédente à la solde de la France[14]. La diplomatie française prévint leur défection en leur faisant conclure un traité commun à son profit (28 octobre). Les autres Allemands, réunis avec ceux-là à Ratisbonne, furent si habilement circonvenus (pie, en dépit de toutes les sollicitations de l'Espagne, ils refusèrent de donner leur garantie au cercle de Bourgogne, et proposèrent simplement le secours dérisoire de leur médiation entre les deux ennemis. Un des plus puissants, l'électeur de Brandebourg, demeurait incertain. Il avait quelques griefs personnels contre Louis XIV : l'établissement des Français dans le voisinage de ses possessions rhénanes, et les efforts de la politique française pour élever Condé ou son fils au trône de Pologne ; le bruit courait qu'il se mettrait volontiers à la tête d'un corps d'armée formé par l'empereur. La finesse et l'or des agents français fixèrent ses irrésolutions. Trois cent mille écus distribués à ses confidents le persuadèrent d'accepter un traité (15 décembre 1607), par lequel le roi de France renonçait à ses projets sur la Pologne en faveur du duc de Neubourg, et l'électeur s'engageait à ne pas se mêler de la guerre des Pays-Bas[15].

Le succès obtenu sur l'empereur, quoique la condition principale en soit longtemps demeurée secrète, fut encore plus heureux et plus décisif. Devant les demandes de l'Espagne, Léopold regrettait de ne pas agir pour un membre de sa famille, pour sou beau-frère, car il avait épousé la seconde fille de Philippe IV ; d'autre part, en présence de l'abandon des princes allemands, il sentait sa faiblesse et parlait de préparatifs de guerre plutôt qu'il n'osait les commencer. La diplomatie française lui imposa d'abord l'inaction. Louis XIV écrivit lui-même qu'il était prit à entrer en Allemagne, qu'une armée de 25.000 hommes allait passer de Lorraine en Alsace, que le prince de Condé avait été mandé de Chantilly pour se rendre à son gouvernement de Bourgogne, et prendre soin de ses troupes. Cette menace, admirablement exploitée par le chevalier de Grémonville, décida l'empereur pour le repos absolu ; sur quoi Louis XIV disait que Grémonville était le plus effronté ministre de toute la terre, puisqu'il empêchait l'héritier des Césars de lever et de faire manœuvrer des troupes à son gré[16]. Mais ce n'était encore qu'un commencement. Le chef-d'œuvre fut d'attirer Léopold à la politique de la France contre la monarchie espagnole, et d'obtenir son consentement à tin partage de cette monarchie. Le roi enfant, déjà moribond, qui régnait sur l'Espagne, pouvait disparaître à tout moment sans postérité ? Quel serait alors son héritier ? Il n'y en avait que deux possibles : ses deux sœurs, la femme de Louis XIV et la femme de Léopold. Que si chacune d'elles réclamait l'intégrité de la succession, non-seulement elles s'exposaient à allumer une guerre européenne, mais encore à tout perdre par des résistances locales que leur rivalité ne servirait qu'à fortifier : en Espagne, de simples sujets prétendant au trône, la cour de Rome réclamant Naples et la Sicile, les Suisses réclamant le Milanais, les Pays-Bas disposés à se constituer en république, les Anglais et les Hollandais mettant les Indes au pillage. Ne valait-il pas mieux établir l'accord entre les deux prétendants naturels, et en rendre l'exécution possible et facile par un concert de leurs forces bien capable d'intimider les concurrents secondaires ? Léopold se laissa convaincre. Un traité régla tout à la fois la question présente des Pays-Bas, et le partage éventuel de la monarchie espagnole (19 janvier 1668). Pour les Pays-Bas, le roi s'en tiendrait à l'alternative déjà proposée aux Hollandais ; par le partage éventuel, le roi de France aurait le reste des Pays-Bas, la Franche-Comté, la Navarre, la ville de Roses, Naples et la Sicile, les places d'Afrique et les îles Philippines ; l'empereur aurait l'Espagne, Milan, les postes de Toscane, la Sardaigne, les Baléares et les Canaries, et les Indes Occidentales[17]. Quoique le traité fût tenu si secret qu'il est demeuré inconnu du public pendant plus d'un siècle, le résultat n'en était pas moins immense : Vous avez fait des merveilles, écrivait Lyonne à Grémonville. Le ministre lui-même se faisait gloire d'avoir eu la première pensée de cet accommodement. Louis XIV en constate la valeur par cette phrase de ses Mémoires : Ce fut une merveilleuse confirmation des droits de la reine, et un aveu fort exprès de la nullité des renonciations ; acte d'autant plus important qu'il était fait par la partie même qui avait intérêt à les soutenir[18].

La diplomatie française était alors merveilleusement conduite. Grémonville à Vienne, Gravel à Mayence, Pomponne en Suède, d'Estrades en Hollande, secondaient avec une rare habileté la vigilance et, les inventions du ministre de Lyonne, et la haute direction du roi. De tous côtés il lui venait des auxiliaires. Il n'est pas sans intérêt de constater la part que prenait aux affaires politiques le comité littéraire qui travaillait sous la direction de Colbert. Chapelain annonçait que Grutmeier faisait une traduction en allemand du Traité des droits pour l'insérer dans le Diarium Europæum, et rendre cette pièce aussi Commune en Allemagne qu'elle l'était en France. Guy Joly, un ancien secrétaire du cardinal de Retz, lui envoyait en même temps un nouveau traité des droits, en réponse au bouclier injurieux qu'il croyait avoir percé à jour en cent endroits. Chapelain conseillait à Colbert de se servir de cet homme d'esprit vif que ses malheurs avaient aiguisé encore : Comme de la vipère même, disait-il, on tire la thériaque, il n'est peut-être pas impossible que de cet homme si noté on ne pût tirer de belles vues sur cette question[19].

Les Hollandais furent encore les seuls qui ne se laissèrent prendre à aucun piège ; aussi leur entêtement, qui allait contraindre le triomphant négociateur à la modération, a-t-il rendu inexorable son antipathie pour ces ingrats. Depuis la proposition de l'alternative, les États généraux ne cessaient de la discuter pour l'éluder, s'ils le pouvaient ; et lui de son côté les harcelait de projets captieux, en cas de mort du roi d'Espagne, comme de reprendre le traité de partage des Pays-Bas fait en 1635 par Richelieu, ou le système que de Witt avait paru adopter en 1663. Rien de tout cela ne satisfaisait les Hollandais. Ils ne consentaient, dit leur historien, ni à renverser eux-mêmes la barrière qui les séparait de la France, ni à rompre avec l'Espagne, c'est-à-dire ruiner leur commerce avec cette nation où ils importaient des quantités considérables d'étoffes et de marchandises, en échange de bonnes et abondantes espèces d'or et d'argent. Ils invitaient le roi à tourner ses armes contre l'Italie et la Catalogne, et à s'enrichir loin de leur territoire. Le moment arriva de prendre un parti. En posant l'alternative, Louis XIV avait promis de suspendre les hostilités, on du moins de n'attaquer aucune place où il fût besoin du canon[20], pendant trois mois, afin de laisser à l'Espagne le temps de réfléchir et d'accepter. L'Espagne, qui ne se croyait pas aussi abattue, et ne désespérait pas de trouver des vengeurs, s'opiniâtrait à ne donner aucune réponse. Quand les trois mois furent écoulés, le roi signifia qu'il ne continuerait pas la surséance ; or, il avait trois armées toutes prêtes dont une allait recevoir pour chef le prince de Condé. S'il revenait dans les Pays-Bas, les Provinces-Unies seraient plus sérieusement menacées que jamais. Les Hollandais, pour conjurer ce malheur, conçurent le projet d'arrêter la France en forçant l'Espagne à céder ; en se préservant eux-mêmes, ils se donnaient l'apparence honorable de médiateurs désintéressés entre deux grandes puissances ; telle est la pensée et l'origine de la triple alliance de la Haye.

Ils savaient que l'Angleterre, et même son roi Charles II, s'inquiétait des résultats de la guerre de Flandre, que les négociations de Louis XIV n'avaient abouti de ce côté qu'à donner de l'argent en pure perte ait ministre Buckingham. Ils connaissaient également les dispositions de la Suède peu favorables à ses anciens alliés depuis que la France traitait avec le Danemark et voulait régler à son avantage la succession de Pologne. Ils demandèrent donc et obtinrent d'abord la connivence de l'Angleterre. William Temple, diplomate anglais et historien, arrivé à La Haye dans les derniers jours de décembre 1667, s'entendit rapidement avec de Witt, au point que le grand-pensionnaire commença à montrer quelque froideur pour l'ambassadeur français. Au bout de quelques semaines, trois traités étaient conclus. Par le premier, simple ligue défensive, la Hollande et l'Angleterre s'engageaient à se défendre réciproquement, en cas d'invasion de leur territoire par terre et par mer. Le second, qui est devenu la triple alliance, loin de sentir la menace, ne respirait que le désir de la paix générale, la volonté de seconder les bonnes intentions du roi de France, mais aussi d'écarter les armes françaises du voisinage de la Hollande. L'Angleterre et les Provinces-Unies, heureuses de leur réconciliation à Bréda, regardaient comme un devoir envers Dieu de s'appliquer à éteindre le feu rallumé dans leur voisinage, et à composer les différends ressuscités entre les couronnes. Pour cet effet, elles s'engageaient ensemble à obtenir du roi de France la paix aux conditions de l'alternative, et du roi d'Espagne son adhésion à cet arrangement. Si l'Espagne y résistait, elles l'obligeraient à céder, mais le roi de France, content de leurs efforts, s'abstiendrait d'agir par lui-même et de porter ses armes dans les Pays-Bas avant la fin de mai. Le troisième traité, destiné au secret, prévoyait le cas où la France et l'Espagne s'obstineraient à ne pas traiter ; alors les Provinces - Unies et l'Angleterre les y contraindraient par la force jusqu'à ce que le traité des Pyrénées eût été rétabli dans toutes ses clauses[21]. Ces négociations n'avaient duré que cinq jours (23 janvier 1668). Les députés aux États généraux ne furent pas moins prompts : ils passèrent sur les règles essentielles ; ils ratifièrent l'alliance sans consulter leurs provinces. Les Hollandais en ressentirent une grande joie : A Bréda, disaient-ils aux Anglais, nous étions amis, ici nous sommes frères[22] : touchant rapprochement, après les luttes de North-Foreland et de Chatam, qui rappelle par le langage la réunion de Pilate et d'Hérode : Nam antea vintici erant ad invicem. Pour comble de succès, l'ambassadeur de Suède demanda qu'on réservât à son maitre une place dans le traité[23] : c'est de cette admission que vient le nom de triple alliance.

Il fallait annoncer à Louis XIV cet arrangement bizarre dont les auteurs avaient la prétention d'agir pour lui sans lui, et de lui lier les mains pour mieux lui assurer le succès. Dans une lettre d'un ton soumis et dévoué, les États lui disaient (26 janvier 1666), qu'ayant trouvé dans les Espagnols une grande résistance à lui donner la satisfaction qu'il demandait, et ne pouvant espérer de succès s'ils agissaient seuls, ils avaient été assez heureux pour disposer le roi d'Angleterre à agir efficacement avec eux. C'est pourquoi ils étaient assurés que Sa Majesté approuverait leur procédé si plein des marques de leur zèle pour sa gloire aussi bien que pour le repos de la Chrétienté[24]. Mais le même jour ou à peu près, Louis XIV leur montra qu'il n'avait pas besoin de leur concours. Il annonça à d'Estrades qu'il allait conquérir la Franche-Comté. Cette entreprise ayant pour motif l'avancement de la paix, les États devaient lui en faire de grands remercîments. Malgré les nouveaux progrès de ses armes, il ne changerait rien aux conditions de paix des deux alternatives, pourvu que l'Espagne les acceptât dans le temps compétent : Vous aurez beau champ de faire en cela valoir ma singulière modération dans toutes les Provinces-Unies, et je veux croire qu'après cette connaissance qu'elles auront, elles reviendront toutes à de meilleurs sentiments pour le bien public et pour leur État en particulier[25]. A trompeur, trompeur et demi : Louis XIV avait encore plus de zèle pour le bien des Provinces-Unies que les Provinces-Unies pour le bien de Louis XIV.

Tout était mystère dans cette expédition de Franche-Comté, et d'abord le choix du général. Depuis neuf ans que la paix des Pyrénées lui avait rouvert la France, le grand Condé était demeuré en dehors de l'intimité et de la confiance du Roi. On le lui avait fait sentir, au temps de la guerre de Hongrie, en choisissant, pour la commander, un de ses ennemis, et tout récemment encore en ne lui accordant aucune part dans la guerre de Flandre. Il souffrait beaucoup de cet éloignement, comme le prouvent ses lettres adressées au roi pour obtenir que son fils au moins ne fût pas exclu de l'honneur du service[26]. Pendant qu'il était ainsi dédaigné, toutes les marques d'honneur s'accumulaient sur Turenne : soin de veiller à la formation des armées, contrôle sur le ministre de la guerre, et déférence absolue pour ses avis. Tout à coup la disgrâce cessa. Dans cette lettre destinée à prévenir les armements de l'empereur (voir plus haut), le nom de Condé fut mis en avant comme un épouvantail ; le prince, mandé de Chantilly pour organiser l'armée d'Alsace, arriva d'un bond auprès du roi et reçut ses ordres. Il est presque inconcevable, écrivait Lyonne[27], dans quels transports de joie fut ledit seigneur prince quand Sa Majesté lui déclara qu'elle le faisait général d'une armée de 25.000 hommes effectifs sur le Rhin. Quelle cause avait produit ce caprice royal ? C'était, dit-on, un tour de Louvois et de son père. Il leur plaisait peu d'avoir à obéir à Turenne, et à réclamer quelquefois son indulgence ; pour surcroît d'humiliation, Turenne ne les flattait pas, et gardait, quoique sans morgue, sa dignité de supérieur vis-à-vis d'eux. Au contraire, le grand Condé, façonné à demander aux favoris leur amitié comme à Mazarin, paraissait ne pas faire fi de l'importance des Le Tellier. Ils le prirent volontiers sons leur protection, et résolurent de le servir pour s'émanciper eux-mêmes. Ils crurent qu'ils amoindriraient Turenne, en lui donnant un pendant. Ils espérèrent entrer par là dans les idées du roi qui n'aimait pas qu'un de ses serviteurs pût se croire nécessaire, et qui trouvait bon de montrer, même à celui qu'il estimait le plus, un remplaçant tout prêt dans un égal. Ils représentèrent donc à Louis XIV que Turenne ne pouvait suffire à tous les travaux de la guerre dans plusieurs contrées à la fois, et qu'il serait utile que, pendant que le vainqueur des Dunes occupait la Flandre, le vainqueur de Rocroi rendît le même service en Franche-Comté. L'intrigue réussit admirablement. Le roi passa de la froideur, non-seulement à la bienveillance, mais presqu'à la tendresse. Jusqu'ici, disait-il au duc d'Enghien, j'avais estimé votre père sans l'aimer ; aujourd'hui, je crois sentir que je l'aime autant que je l'estime.

Le héros réintégré ne perdit pas de temps. Il courut (décembre 1667) en Bourgogne, son gouvernement, sous prétexte d'en tenir les états, mais au fond pour étudier la situation de la Franche-Comté et rassembler des troupes. Il eut bientôt appris, par ses agents, que la province espagnole manquait absolument de défenseurs : à peine deux mille hommes d'infanterie régulière, et cinq à six mille miliciens dispersés chez eux et peu empressés de se réunir en armée[28]. Il entama des négociations avec les Francs-Comtois qui, quoique soumis à l'Espagne, avaient l'habitude de vendre leur neutralité à la France. Comme ils offraient de continuer et voulaient débattre le marché, le prince prit les Suisses pour médiateurs. Il se donna ainsi le droit de faire passer ses agents par le pays, et d'y prends a toutes les mesures nécessaires à l'attaque[29]. Cependant des troupes lui arrivaient par détachements, de Champagne ou d'ailleurs, avec la destination apparente de rejoindre l'armée de Catalogne. Tout étant prêt, le roi quitta Saint-Germain (2 février 1668). Le 3, Condé signifiait aux Francs-Comtois que, la lenteur de leurs négociations cachant sans doute l'intention de laisser aux Espagnols le temps d'arriver, il leur déclarait la guerre au nom du roi. Rochefort-sur-le-Doubs est occupé d'abord, Besançon est soumis en deux jours, Salins capitule (7 février). Louis XIV en reçoit la nouvelle en arrivant à Dijon. Il se porte aussitôt sur Dôle. Une vive attaque, et l'adresse du comte de Grammont qui fait craindre aux habitants le traitement d'une ville prise d'assaut, entraine la soumission le quatrième jour (12 février). Le fort de Joux, le fort de Sainte-Anne tiennent encore moins. Le 16, Gray est investie ; au bout, de deux jours, la bourgeoisie, comme celle de Lille, oblige le commandant à capituler. Le 19, toute la province étant soumise, Louis XIV reprend la route de Saint-Germain.

Cette conquête, plus rapide encore que celle de Flandre, ne manqua ni d'admiration ni de panégyriques dont l'écho retentit jusque dans les derniers temps du règne. Un conquérant qui allait plus vite que César : Veni, vidi, vici ; un roi qui s'arrachait aux plaisirs de la cour, non par ambition, mais par le seul amour de la gloire, qui campait devant Dôle au milieu des hivers : il y avait là de quoi inspirer l'ardeur de Corneille[30], de Boileau[31], et la servilité de ce drôle de Bussy-Rabutin, intéressé à faire oublier ses offenses par ses flatteries[32]. L'impression sur les étrangers fut aussi d'étonnement, mais plus encore d'inquiétude et de colère. L'Espagne se plaignit d'autant plus fort qu'elle était plus vexée de sa honteuse impuissance. Les alliés de La Haye comprirent qu'il fallait se hâter. Ils ne pouvaient plus dissimuler leur ligue contre le roi de France, puisqu'ils la lui avaient eux-mêmes avouée ; maintenant ils ne craignaient pas moins d'avoir à exécuter leurs résolutions que de laisser le vainqueur en possession de ses nouvelles conquêtes. Ils vinrent donc rappeler à Louis XIV la promesse qu'il avait faite, avant son départ, de ne pas élever ses prétentions avec ses succès ; ils demandèrent qu'on leur laissât, jusqu'à la fin de mai, le temps nécessaire pour faire accepter l'alternative par l'Espagne. Le roi 'ne voulut accorder de trêve que jusqu'à la fin de mars.

La certitude de la conspiration des Hollandais contre ses desseins le piqua d'abord jusqu'au vif. Il avoue, dans un écrit récemment retrouvé, qu'il eut la pensée de tourner toutes ses forces contre cette altière et ingrate nation[33]. Il se prépara du moins à agir avec vigueur dans les Pays-Bas à la fin de la trêve ; ses troupes, réunies de tous les points vers cette contrée, montaient à plus de cent mille hommes. D'autre part l'Espagne reprochait à la Triple-Alliance de ne pas faire assez pour elle ; il lui semblait que les médiateurs, qui s'imposaient à elle aussi bien qu'à la France, étaient assez forts pour lui obtenir de plus grands avantages ; elle résistait à toutes leurs propositions dans l'espoir que, avec leur assistance, elle échapperait à la nécessité de rien céder. A la fin de mars, elle n'avait donné aucune réponse. Aussitôt les Français s'emparèrent de Genap à quatre lieues de Bruxelles[34] ; une guerre terrible paraissait imminente.

Louis XIV fut assez maître de lui pour être sage, pour calculer et accepter les bénéfices de la modération. Il considéra d'abord que le Portugal, un de ses plus anciens alliés, venait de lui faire défection. Le roi Alfonse VI, espèce de Hottentot transplanté, glouton, puant, ignare et féroce[35], ayant poussé à bout la patience de ses sujets et de sa femme Marie de Nemours, avait été dépossédé de l'autorité, et remplacé par son frère Pedre constitué régent. Au milieu des embarras de cette crise intérieure, Pedre se laissa circonvenir par l'Espagne que la lutte contre le Portugal rongeait au cœur depuis vingt-huit ans. Il oublia tout ce que la France avait fait pour sa famille, et en particulier l'engagement réciproque de l'année précédente (voir plus haut). Le 13 février 1668, pendant l'expédition de Franche-Comté, il accepta la paix que la cour de Madrid lui offrait. Tel était l'affaiblissement de l'Espagne, que cet accord, qui consacrait enfin l'indépendance du Portugal, n'en fit pas même mention. Cette question, si opiniâtrement débattue, était maintenant hors de doute ; l'Espagne ne pardonnait pas à ceux qu'elle avait tant de fois qualifiés de rebelles ; elle se réconciliait avec un peuple voisin : les deux rois traitaient d'égal à égal.

Louis XIV considéra encore que bien des nations qu'il tenait à ménager s'intéressaient à la paix : les électeurs d'Allemagne députaient auprès de lui comme médiateurs ; il lui arrivait d'Italie des exhortations universelles à la paix, de la part du pape, de Venise et du duc de Savoie ; il s'était engagé par son traité secret avec l'Empereur à se contenter de l'alternative. Enfin une dernière inspection de ses troupes lui donnait à penser que, malgré leur belle apparence et leur nombre, elles n'étaient peut-être pas en état d'affronter une guerre européenne. Écoutons-le encore lui-même, ce sera la dernière fois que nous citerons, dans les questions de politique européenne, ses Mémoires proprement dits, puisqu'ils s'arrêtent à la paix de 1668. Il s'agissait, dit-il, de savoir lequel m'était le plus avantageux et le plus honnête ou de consentir à la paix aux conditions que j'avais moi-même réglées, ou de continuer la guerre contre les Espagnols et contre ceux qui prendraient leur parti. Dans les grands accroissements que ma fortune pouvait recevoir, rien ne me semblait plus nécessaire que de m'établir, chez mes plus petits voisins, dans une estime de modération et de probité qui mit adoucir en eux ces mouvements de frayeur que chacun conçoit naturellement à l'aspect d'une trop grande puissance. Et je considérais que je ne pouvais faire paraître ces vertus avec plus d'éclat qu'en me faisant voir, les armes à la main, céder pourtant à l'intercession de mes alliés, et me contenter d'un dédommagement médiocre... Ce dédommagement était néanmoins plus important qu'il ne semblait, parce que m'étant cédé par un traité volontaire, il portait un certain abandonnement des renonciations pour lesquelles seules les Espagnols prétendaient exclure la reine de toutes les successions de sa race... Si je m'opiniâtrais maintenant à la guerre, la ligue qui s'allait former pour la soutenir demeurerait ensuite pour toujours comme une barrière opposée à mes phis légitimes prétentions... en m'accommodant promptement, je la dissipais dès sa naissance... Je ne manquerais pas d'occasions de rompre, quand je voudrais, avec l'Espagne... La Franche-Comté que je rendais se pouvait réduire en tel état que j'en serais le maître à toute heure, et mes nouvelles conquêtes bien affermies m'ouvriraient une entrée plus sure dans le reste des Pays-Bas ; la paix me donnerait le loisir de me fortifier chaque jour de finances, de vaisseaux, et d'intelligences, et de tout ce que peuvent ménager les soins d'un prince appliqué dans un État puissant et riche...

De pareilles supputations étaient la conclusion de la paix. Il résista aux conseils belliqueux de Condé, de Turenne, de Louvois, qui le poussaient à braver les menaces de coalition. Quand les alliés de La Haye, après la prise de Genap, vinrent lui demander une nouvelle trêve jusqu'à la fin de mai, il la leur accorda par le traité de Saint-Germain (15 avril 1668), promettant de traiter, dans ces limites de temps, aux conditions de l'alternative ; il ajouta seulement que, si la paix n'était pas conclue au 31 mai, il pourrait consentir à la faire en juillet ou en août, mais avec une augmentation de ses conquêtes ou de l'équivalent ; et que si, à ce dernier terme, l'Espagne n'avait pas cédé, la Hollande et l'Angleterre prendraient les armes avec lui pour contraindre par la force les récalcitrants[36]. Cette convention obtenue, les alliés s'empressèrent d'en réaliser la première clause, afin de n'avoir pas à subir la seconde, et de n'être pas engagés d'honneur à exécuter la troisième. Entre eux ils complétèrent leurs mesures contre Louis XIV, en obtenant, pour les arrangements particuliers de la triple alliance, la signature de la Suède qui ne leur avait donné jusque-là que de bonnes paroles et des espérances (25 avril). Mais ils menèrent l'Espagne grand train pour ne plus lui laisser de faux-fuyants. Si M. le marquis de Castel-Rodrigo, disait de Witt, n'achève pas l'affaire sans délai, je ne songerai plus qu'aux moyens efficaces pour le réduire à la raison, et aux expédients sur lesquels le roi de la Grande-Bretagne et Leurs Hautes Puissances se puissent entendre avec la France pour prévenir les malheurs de son voisinage. Temple signifiait aux Espagnols qu'il fallait en passer par là (l'alternative) ou par les fenêtres[37].

Un congrès avait été indiqué à Aix-la-Chapelle ; le nonce du pape y présidait ; les princes allemands y étalent représentés. Il ne fit qu'enregistrer ce qui avait été réglé par la triple alliance, et par le traité de Saint-Germain. L'Espagne trouva pourtant moyen de s'assurer un petit avantage. Ses bons amis, Anglais et Hollandais, ne doutaient pas que, puisqu'elle avait à choisir entre les deux alternatives, elle n'abandonnât la Franche-Comté pour reprendre tout ce qu'elle avait perdu dans les Pays-Bas ; ils se flattaient d'éloigner par là de leur propre voisinage les nouveaux accroissements de la France. L'Espagne, pour faire pièce à des médiateurs qui ne l'avaient pas servie comme elle l'entendait, aima mieux abandonner les villes et territoires les plus rapprochés de la hollande et de l'Angleterre, afin d'obliger ces deux États à défendre, par intérêt personnel, ce qu'elle même conservait encore dans les Pays-Bas. En conséquence, par la paix d'Aix-la-Chapelle (2 mai 1688), Louis XIV rendit la Franche-Comté et garda Charleroi, Binche, Ath, Douai, le fort de Scarpe, Tournai, Oudenarde, Lille, Armentières, Courtray, Bergues, Furnes, et toute l'étendue de leurs bailliages, châtellenies, territoires, gouvernances, prévôtés, appartenances, dépendances et annexes de quelque nom qu'elles pussent être appelées. Le traité des Pyrénées était confirmé, sans que les parties, dit le texte, aient acquis aucun nouveau droit, ou puissent recevoir aucun préjudice sur leurs prétentions respectives, en toutes les choses dont il n'est pas fait mention expresse par le présent traité. Or, comme la renonciation de la reine de France n'était pas même mentionnée dans la présente paix, et que cette paix reconnaissait des conquêtes faites contrairement à cette renonciation, il était permis d'en conclure, sans trop de mauvaise foi, que les contractants d'Aix-la-Chapelle, y compris l'Espagne, ne tenaient plus compte de la renonciation stipulée par les contractants des Pyrénées.

La paix signée, les hollandais s'empressèrent de s'en attribuer l'honneur avec une jactance que leurs historiens avouent et blâment de bonne grâce : emportement maladroit mais familier à la vanité humaine, quand on croit avoir vaincu et vexé un plus puissant que soi. Une fière médaille entre autres les représenta comme les défenseurs et les conciliateurs des rois, les vengeurs de la liberté des mers, les conservateurs du repos de l'Europe[38]. On s'offensa, en France, de ces prétentions. Les Romains, disait Lamoignon au fils de Grotius, ambassadeur à Paris, n'auraient pas pu, après la prise de Carthage et de Numance, parler de leurs victoires en termes plus altiers. On répéta longtemps que Van Beuningen s'était fait représenter comme un Josué — c'était son prénom — arrêtant le soleil — devise de Louis XIV —. Mais l'historien Basnage affirme que personne n'a jamais vu cette médaille, et que, si elle eût existé, il ne serait pas possible qu'on n'en trouvât pas quelque exemplaire. Les États finirent par comprendre que cet orgueil leur nuisait au dehors, et deux ans après ils firent briser les coins et les moules de ces monuments de leur gloire. Mais il était trop tard, l'offense avait été sentie, et moins encore le faste extérieur de ces bravades que. la puissance réelle de ce petit peuple qui avait tout l'air d'égaler les grands, et qui pouvait devenir le centre des coalitions européennes comme il l'avait été de la triple alliance. Son châtiment était résolu pour un temps opportun.

Louis XIV triompha d'une autre manière. Il se para de la modération comme d'une vertu supérieure à la gloire. Aux médailles des Hollandais, il en opposa une qui avait pour devise : Pax triumphis prælata. Il fit répéter autour de lui qu'il s'était borné au fort de la victoire[39] ; l'éloge retentissait encore trois ans après dans le prologue de Psyché : Le plus grand des rois Interrompt ses exploits pour donner la paix à la terre. Il se renferma pendant quelques années dans les travaux intérieurs pour faire jouir ses peuples d'une paix heureuse et pleine d'abondance, en établissant le repos en Europe. Il célébra des fêtes incomparables, comme autant de démonstrations de cette félicité. Quelques semaines après la paix d'Aix-la-Chapelle (juillet 1668), il conduisit douze cents personnes à Versailles pour leur donner une réjouissance, qui en un jour et une nuit égala, dépassa même les sept jours de l'ile enchantée. Collation, comédie, dîner, bal, dans des palais de verdure gigantesques, au milieu de fontaines jaillissantes, sous des voûtes de lustres innombrables ; illuminations le long des arbres et dans l'eau des bassins, feux d'artifice s'élançant tout à coup des canaux qui avaient apporté les eaux pendant le jour, toutes ces surprises se succédèrent avec une précision merveilleuse, grâce aux soins de Créqui, de Bellefonds, de Colbert, et aux instructions du roi. Le narrateur officiel de ces magnificences n'oublie pas, en concluant, de les mettre en parallèle avec la gloire des dernières conquêtes pour montrer que l'ordonnateur des plaisirs n'était pas moins grand que le héros des guerres. Comme il n'y a que le roi qui puisse en si peu de temps mettre de grandes armées sur pied et faire des conquêtes avec cette rapidité que l'on a vue, et dont toute la terre a été épouvantée, lorsque dans le milieu de l'hiver il triomphait de ses ennemis et faisait ouvrir les portes de toutes les villes où il passait ; aussi n'appartient-il qu'à ce grand prince de mettre ensemble, avec la même promptitude, autant de musiciens, de danseurs et de joueurs d'instruments, et tant de différentes beautés. Un capitaine romain disait autrefois qu'il n'était pas moins d'un grand homme de savoir bien disposer un festin agréable à ses amis que de ranger une armée redoutable à ses ennemis : ainsi l'on voit que Sa Majesté fait toutes ses actions avec une grandeur égale, et que, soit dans la paix, soit dans la guerre, elle est partout inimitable[40].

 

 

 



[1] Traité des Droits de la Reine, partie. Voir plus bas.

[2] Mignet, Négociations relatives à la succession d'Espagne. T. II : Dépêche de l'archevêque d'Embrun, ambassadeur de France en Espagne, 2 janvier 1662. Les ministres d'Espagne disaient entre autres choses que la renonciation était subordonnée à certaines solennités qui n'avaient pas été gardées, et que ce seul défaut la rendait absolument nulle, à savoir le payement de la dot, l'acceptation dans les cours ou les assemblées des États d'Espagne, etc.

[3] Dumont, Corps diplomatique.

[4] Voir dans Mignet, tome II, les dépêches citées ici.

[5] Mémoires de Louis XIV, pour 1667.

[6] Rousset, Histoire de Louvois, tome I, ch. II.

[7] Louis XIV, Mémoires pour 1667 : Ce n'est pas assez de faire de vastes entreprises sans penser comment les exécuter. Ces projets que forme notre valeur nous semblent d'abord les plus beaux du monde ; mais ils ont peu de solidité s'ils ne sont soutenus par une prévoyance qui sache disposer en même temps toutes choses qui doivent y concourir. Voir, sur ce sujet, au chapitre XX, paragraphe I, les pages qui ont pour titre : Soin du soldat.

[8] Mémoires du marquis de Pomponne : négociations de Suède.

[9] Mémoires de Louis XIV, pour 1667.

[10] Mémoires de Louis XIV.

[11] Œuvres de Louis XIV. — Lettre du 13 septembre.

[12] Basnage, Histoire des Provinces-Unies.

[13] Basnage, Histoire des Provinces-Unies. Mignet, tome II.

[14] Voir plus haut : Neubourg recevait de la France 36.000 rixdales par an, Cologne, 18.000 écus. Mayence, 6.000 rixdales, Munster, 36.000 rixdales.

[15] Mémoires du marquis de Pomponne.

[16] Voir dans Mignet, tome II, les dépêches dont se compose cette négociation.

[17] Œuvres de Louis XIV, tome VI : Pièces historiques.

[18] Mémoires de Louis XIV, pour 1668, fin.

[19] Basnage, Événements de l'année 1667.

[20] Mémoires de Louis XIV, pour 1667.

[21] Voir dans Dumont, Corps diplomatique, la teneur de ces traités.

[22] Basnage, Histoire des Provinces-Unies.

[23] Dumont, Corps diplomatique : acte latin à la suite des traités : Dictus rex Sueciæ certus ita fieret locum integrum sibi relinqui furderis hujusce inter partes principales amplectendi.

[24] Basnage.

[25] Œuvres de Louis XIV. Lettre à d'Estrades, 27 janvier 1668.

[26] Œuvres de Louis XIV. Lettre de Condé au roi, 12 juillet 1667.

[27] Lettre de Lyonne à Grémonville, septembre 1667.

[28] Lettre de Condé à Louvois, citée par Rousset, Histoire de Louvois.

[29] Mémoires de Louis XIV, pour 1668.

[30] Voir les vers latins de Corneille sur la prise de la Franche-Comté :

Turpe silere quidem seges est ubi tanta loquendi,

Turpius indigno carmine tanta loqui.

Carmina quippe moram poscunt, vel parce tacenti.

Victor, vincendi vel tibi sume moras.

[31] Boileau, épître Ire, 1669.

[32] Bussy-Rabutin : Histoire de Louis XIV adressée à ses enfants : Il est surprenant qu'on fasse de tels progrès dans une telle saison, mais la présence d'un roi qui ne se ménage pas rend tout possible. Quand César disait : Veni, vidi, vici, il n'avait pas été plus vite, et l'on doit remarquer la différence qu'il y a en cette rencontre entre le roi et César. Celui-ci était un particulier qui voulait devenir le maitre de la république, et qui. pour contenter son ambition, était nécessairement obligé de se donner des peines extraordinaires, au lieu que le roi est né le maitre absolu d'un grand royaume, qui abandonne dans la rigueur de l'hiver, par le seul amour de la gloire, les plaisirs qu'un prince de trente ans peut avoir.

[33] Fragment de Mémoire sur la guerre de 1872, retrouvé au Dépôt de la guerre et publié par Rousset, Histoire de Louvois, tome I, Appendice.

[34] Basnage, Histoire des Provinces-Unies.

[35] Voir son portrait dans une dépêche de l'ambassadeur français, Saint-Romain : Grand mangeur, goulu et malpropre. Grossit tous les jours, prend beaucoup de tabac en poudre et en fumée, en tient jour et nuit un rouleau en feuilles dans son nez. Sent mauvais ; ulcères sous de grands doubles ou replis de peau en divers endroits. Il a vingt-quatre ans, ne sait ni lire, ni écrire, mais n'ignore aucune des vilaines et méchantes paroles des laquais. Il a la passion de se faire passer pour brave, et de se faire craindre : de là vient que toutes les nuits il court par la ville et charge brusquement tout ce qu'il rencontre. Tous les jours il menace de tuer, tire le poignard et frappe souvent des pieds et des mains ou de l'épée tous ceux qui le fâchent indifféremment.

[36] Dumont, Corps diplomatique, texte du traité de Saint-Germain.

[37] Basnage, Histoire des Provinces-Unies.

[38] D'un côté la République sur un trophée, tenant au bout d'une pique un chapeau symbole de liberté, et à ses pieds une corne d'abondance pleine de pièces d'or, des canons, des drapeaux, des vaisseaux dans l'éloignement. Sur le revers ces mots :

Assertis legibus, emendatis sacris

Adjutis, defensis, conciliatis regibus,

Viudicata marium libertate,

Pace egregia virtute armorum parts,

Stabilita orbis Europei quiete

Numisma hoc status fœderati Belgii

Cudi fecerunt

MDCLXVIII.

La médaille, dit Basnage, était peu modeste. On en fit encore d'autres plus fastueuses, dit Baillet, autre historien de Hollande.

[39] Boileau, Ire épître.

[40] Félibien, Relation de la fête de Versailles en 1668. Il ne faut pas confondre ce Félibien avec le religieux bénédictin du même nom.