HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS

 

CHAPITRE XVI. — Les cinq premières années du gouvernement royal et de la politique du roi avant les grandes guerres, 1661-1665.

 

 

I. — Colbert et Louvois au ministère. - État des esprits et de la fortune publique, des institutions militaires, de la marine, etc. - Réforme des finances ; rentes ; forêts..... famine de 1662. - Effets de la réforme des finances.

 

La chute de Fouquet ouvre l'époque la plus brillante de l'administration et de la politique de Louis XIV. Délivré des entraves que la gestion infidèle des finances avait jusque-là opposées au pouvoir, il s'élance à la poursuite de ses projets de grandeur et de domination, et, par un bonheur incomparable, il trouve dans ses nouveaux auxiliaires des agents comme il les aime, des parvenus à la fois éminents et dociles, qui, en lui assurant le bénéfice de leur génie et de leur activité, lui laissent tout l'honneur et aussi la responsabilité du commandement. Il devra beaucoup à leurs services, mais il aura par lui-même le mérite de les comprendre et de les diriger, et s'il profite de ce secours du ciel, ce sera sa plus grande gloire de n'en être ni effacé ni amoindri.

Colbert, quoi qu'il ait essayé de faire croire au public touchant sa généalogie, était d'une origine très-bourgeoise. Si son grand-père n'avait pas été marchand à Reims, à l'enseigne du Long-vêtu, son père avait certainement pratiqué le commerce, et encore avec assez peu de bonheur, puisqu'une pièce émanée de ses fils nous les montre occupés à le faire réhabiliter. Si lui-même ne commença pas par apprendre la marchandise dans une maison de Lyon, il débuta toujours très-modestement dans les fonctions publiques par un emploi de commis auprès de Le Tellier, secrétaire d'État de la guerre (1643). Il resta même huit longues années, et ne sortit de cette obscurité qu'en 1651, par un regard de Mazarin qui avait démêlé en lui beaucoup d'intelligence dans les affaires difficiles et beaucoup de dévouement à son patron. Il avait alors trente-deux ans. Devenu l'intendant de Mazarin, il fut le plus complet des serviteurs, le plus digne de la confiance absolue du maitre. Il s'appliqua d'un côté à refaire et à consolider la fortune du cardinal, avec une vigilance qui ne négligeait pas plus les vaches, les poules, les œufs frais et les cochons de lait des fermes de l'Éminence, que les spéculations financières capables de lui rendre ce qu'Elle avait perdu par la Fronde[1]. De l'autre, il ne fut pas moins soigneux de la considération extérieure du premier ministre, inquiet de sa mollesse et de ses hésitations à punir. Après Arras, après l'affaire des sabotiers, il conseillait des châtiments nécessaires pour abattre les autorités illégitimes, telles que celles du parlement, qui prétendaient contrebalancer l'autorité royale. Admirateur passionné de Richelieu, il eût voulu le retrouver dans son successeur, comme plus tard il en rappelait fréquemment le souvenir à Louis XIV jusqu'à le piquer d'un peu de jalousie[2]. Il faut bien avouer que ce zèle n'était pas tout à fait désintéressé. Il aspirait aux libéralités de Mazarin non moins qu'à sa confiance. En refusant une première gratification de mille écus, a avait mis ses services à haut prix, et montré qu'il n'accepterait que des rétributions plus dignes. Dès l'exil de Bruhl (1651), il sollicitait pour ses frères une abbaye, une lieutenance au régiment de Navarre, et pour lui-même la charge de secrétaire des commandements de la reine à venir, qu'il obtint gratuitement et qu'il revendit fort cher en temps opportun (500.000 livres). Quand Mazarin mourut, il était déjà riche, baron de Seignelay, conseiller du roi et pourvu d'armoiries et de titres de noblesse. Sa famille, selon lui, remontait jusqu'au XIIIe siècle, à un preux chevalier écossais, Richard Cohlberg, enterré dans l'église des cordeliers de Reims ; son emblème était une couleuvre tortillée en pal, par allusion à son nom — Coluber[3].

Cette faiblesse n'atténuait pas la valeur de ses grandes qualités. Il pouvait, sans être démenti, se faire honneur d'une vie très-régulière, mérite assurément rare dans le monde de l'époque, et d'une application infatigable au travail. Je n'ai rien à me reprocher, écrivait-il[4], sur le sujet d'aucunes débauches, divertissements, promenades ou autres affaires J'ajouterai à cela le peu de disposition que j'ai à faire ma cour auprès des dames, après avoir passé ma vie dans un travail continuel. Grand calculateur, il démêlait sans peine tous les embarras dont les surintendants et les trésoriers de l'Épargne embrouillaient les comptes. En 1659, il dénonça Fouquet par un mémoire, dont une copie, furtivement livrée au surintendant, commença leur inimitié. Ennemi déclaré des vols, il demandait contre les financiers, ce qu'il exécuta dans la suite, la création d'une chambre de justice composée de telle sorte que les partisans n'y pussent trouver de connivence, ni par alliance de famille, ni par complicité d'intérêt. Non moins sévère aux abus de pouvoir, aux tyrannies locales, il signalait en même temps les vexations exercées par la noblesse, et réclamait, en faveur des provinces, des Chambres de Grands Jours. Louis XIV, instruit de ces faits par Mazarin, avait reconnu son homme dans Colbert. En mars 1661, il le nomma intendant des finances, le constitua, au dedans du Conseil et au dehors, surveillant de Fouquet, et, après l'expédition de Nantes, lui transporta les fonctions, mais non l'autorité, de surintendant.

L'élévation de Colbert présente une particularité remarquable. Dès qu'il entre au gouvernement, les affaires de tout genre se réunissent dans ses mains. A l'exception de la politique étrangère, et du département de la guerre, tout est administré par lui, finances, commerce, industrie, agriculture, voies de communication, marine et fortifications maritimes, police, beaux-arts, lettres et sciences. En présence, et à travers l'étude de la collection si variée, si volumineuse de ses lettres, mémoires et instructions, qui n'est encore qu'une partie de tout ce qu'il a écrit[5], on s'étonne de tant d'aptitudes dans un même esprit, d'une vigilance si active et si étendue, et c'est avec raison qu'un historien de nos jours l'a appelé le plus grand administrateur qu'ait eu la France[6]. Cependant il demeure longtemps à un rang subalterne, il n'arrive que par degrés aux honneurs de la première place. Simple secrétaire du Conseil des finances pendant quatre années comme intendant et chargé du département des finances et du commerce, il ne reçoit la conduite officielle des finances qu'en 1665, par le titre de contrôleur général. Ce n'est qu'en 1664 que, par la démission de Ratabon, il a le titre de surintendant des bâtiments, beaux-arts et manufactures. En 1665 une autorité publique lui est déférée sur la marine, mais il n'eu est pas encore le ministre, et reste subordonné à de Lyonne, qui garde toujours la signature. En 1669 seulement, il sera fait ministre d'État, avec le droit de dresser l'expédition des ordres royaux et de signer ; il ne deviendra Monseigneur qu'après huit ans de noviciat. Sa patience est égale à la ténacité de l'épreuve. Il n'est pas pressé de s'assurer les apparences de sa charge. Au conseil des finances, pendant quatre ans, il siège à la dernière place, comme premier commis du roi. Nous le vîmes, dit Mme de Motteville[7], prenant le contre-pied de Fouquet, venir tout seul chez le roi, avec un petit sac de velours noir sous le bras, comme le moindre petit commis de l'Épargne. Il ne souffre pas que ses inférieurs croient lui plaire en essayant de le relever. Il avait un jour reçu des remercîments pour plusieurs décisions favorables au commerce ; il les repousse comme une mortification ; il veut qu'on les reporte à la seule autorité qui ait droit d'agir. Ces discours pourraient ètre de mise dans un autre temps, mais ils ne sont ni recevables — le roi gouvernant son État, et prenant la direction de ses affaires de lui-même —, ni conformes à mon humeur et bien moins à l'état où je me trouve, Sa Majesté me faisant trop d'honneur de se servir de moi comme intendant des finances, et comme le dernier du conseil royal[8]. Nul doute que tant de modération ne charmât Louis XIV. N'en concluons pas cependant que, dans les rapports personnels, Colbert baissât toujours la tête et n'osât pas contredire. Il reste des témoignages honorables de sa fermeté qui apparaîtront à leur place, où la vérité emprunte plus de force au respect du langage, et le reproche même tire de la déférence plus d'efficacité[9]. Pourquoi faut-il qu'en d'autres temps, soit mesure de prudence contre une rivalité tracassière, soit faute de comprendre assez nettement le devoir moral, il ait consenti à devenir le complaisant, et, pour dire le mot, le pourvoyeur du libertinage du maitre ? Croyait-il donc que l'adultère qui dissout la famille, et surtout l'émancipation des vices des particuliers par l'exemple du souverain, fût une moindre plaie pour un peuple que la maltôte ou la négligence d'un constructeur de navire ? Cette tolérance a beau se recommander de l'opinion ou de l'usage d'un grand nombre d'hommes supérieurs ; elle est coupable comme toutes les licences qui sapent les bases de la société ; et les services les plus éclatants de Colbert ne peuvent couvrir une faiblesse aussi pernicieuse.

Ses contemporains lui ont reproché son impassibilité dans les relations d'affaires, sa roideur dans le gouvernement. Sévigné l'appellera le Nord, Guy Patin vir marmoreus. Monsieur, lui dira Mme Cornuel, faites-moi donc voir par quelque mouvement que vous vivez. De telles critiques accusent moins la morgue de l'orgueil ou le défaut de bienveillance, que le besoin de ne pas encourager l'ardeur déjà assez empressée des solliciteurs, et les espérances trop égoïstes d'une noblesse avide. Il était en effet immobile dans ses audiences, mais il entendait et voyait tout ; il répondait peu ou point, mais il montrait par des actes qu'il avait tout examiné[10]. Vis-à-vis de ses subordonnés, aucune mollesse, mais aussi aucun emportement. Quand il dirigeait de loin, il exigeait des réponses régulières et précises pour être informé de l'exécution de ses ordres ; mécontent, il avertissait et ne frappait jamais à l'improviste ; il ne refusait pas de remettre en place ceux qu'il croyait suffisamment réformés. Il n'accordait pas, même au mérite reconnu, le droit d'être exigeant ou de désobéir ; mais à ceux qu'il avait réprimandés avec raison, il ne ménageait pas la louange quand ils l'avaient regagnée par une conduite meilleure ou une action d'éclat. Les particuliers ont pu se plaindre, à leur point de vue personnel, de sa ténacité dans l'exécution de ses plans. Pour lui, toujours fidèle à l'intérêt général, il n'hésitait pas à subordonner les individus à l'ensemble. Il eut une passion, qui s'échauffe parfois, et donne de la vie, presque de l'éloquence, à son style habituellement positif et décoloré, la passion de la grandeur de la France. Il voulut tout donner à la France, le bien-être par elle-même, par son sol et son travail, la richesse des autres nations par le commerce, la grandeur intellectuelle par la possession ou l'imitation de tout ce qu'il y avait de beau dans le pays des arts.

Louvois — François-Michel Le Tellier —, le pendant et le rival de Colbert, entra en même temps que lui dans le Conseil du roi. Né en 1641, son passé ne se composait que de faveurs prématurées, et des avantages que donnait à un adolescent la condition de fils d'un ministre. Le Tellier, son père, constamment secrétaire d'État depuis 1643, avait mérité la bienveillance de Mazarin par un dévouement inébranlable ; il la fit retomber sur Louvois. En 1655, à quatorze ans, l'enfant recevait la survivance de la charge de son père avec brevet de conseiller d'État, et, en 1657, une charge de conseiller au parlement de Metz. Sa meilleure recommandation était sans doute d'avoir grandi dans la maison et au milieu des occupations d'un ministre, et de s'être initié, comme par habitude de famille, à tous les détails de l'administration militaire. Le Tellier lui en assura une autre en le Bisant élève du roi, auprès duquel il l'introduisit, à côté de lui, comme un administrateur novice qui avait beaucoup à gagner aux leçons de Sa Majesté. Louis XIV a toujours eu la manie de vouloir former les hommes ; par une conséquence naturelle, il tenait en haute estime ceux qui acceptaient résolument ce rôle de disciples. Louvois entra dans sa pensée avec un empressement qui allait jusqu'à chercher la leçon Par des fautes volontaires. On raconte que dans les plans, les projets qu'il soumettait au roi, il y avait souvent, à côté de choses irréprochables, quelque défaut saillant qu'il était impossible de ne pas apercevoir. Le roi redressait à l'instant l'erreur, et le jeune homme s'inclinait avec reconnaissance. Il fut bientôt reconnu pour un serviteur estimable ; en 1661, il reçut une première récompense par un privilège lucratif, la permission d'établir entre les ports de Provence et l'Italie une entreprise de communications régulières, en considération, dit l'ordonnance, des services qu'il nous rend avec beaucoup d'assiduité et de zèle. Il remplissait donc toutes les conditions que le roi cherchait dans ses agents, Son origine était modeste ; son titre de marquis, par suite de l'achat d'une terre, ne vieillissait pas sa race malgré le changement de nom ; son mariage même avec Anne de Souvré, plus noble que la femme de Colbert, ne lui formait pas une cabale ; on ne pouvait évidemment rapporter son élévation qu'à la seule bonté du roi. Aussi, fut-il autorisé à travailler avec son père ; à siéger au Conseil, et, dès 1662, à signer comme secrétaire d'État. C'était bien un ministre au berceau ; il avait vingt et un ans. Ce mot lui aurait convenu mieux qu'au personnage pour qui il a été fait vingt ans plus tard.

Il s'est trouvé que ce jeune favori était un grand ministre. Par l'application au travail, par la constance de la volonté, il a créé l'armée française en dépit des difficultés pécuniaires, des résistances de la routine, de l'indocilité de la noblesse. L'histoire, pour lui rendre cette justice, n'a besoin de dissimuler ni d'atténuer aucun des griefs légitimes qui s'attachent à sa mémoire. Elle reconnaît que, lui aussi, il s'est maintenu au pouvoir par des complaisances de courtisan, favorisant, jusque dans les dispositions du campement des troupes, les mauvaises mœurs de son maître. Il a porté à des excès regrettables la résolution de faire triompher partout les volontés royales. Il a eu des jalousies injustes contre Colbert, qui, aussi bien, les lui rendait, et il s'est donné un jour le ridicule de prétendre enseigner la stratégie à Turenne. Il a enfin aimé la guerre comme le plus sûr moyen de rendre nécessaires ses services, et ses propres aveux confirment cette accusation[11]. Mais il a eu le sentiment de la grandeur du pays. Il a protégé Vauban et Catinat malgré leur renommée. Il a laissé après lui des institutions durables qui ont servi de modèle à l'Europe ou lui ont fait envie ; comme il avait organisé la victoire dans les époques prospères, il a assuré la défense pour les temps de désastre et de danger. Le bien, le mal se compensent au moins dans l'ensemble de sa vie ; si le politique ne peut être absous, la gloire de l'administrateur demeure intacte.

Tout était à refaire et à créer dans l'administration lorsque Colbert et Louvois furent appelés à seconder le roi. Cette situation donne un grand caractère aux débuts du gouvernement de Louis XIV par la multiplicité des besoins, l'activité et la vigueur des mesures, et la promptitude des résultats.

Le roi, examinant l'état de ses affaires (septembre 1661), reconnut que ses revenus ordinaires étaient réduits à 31 millions, mais comme il fallait en déduire 8 millions pour intérêts de la dette ou pour remises aux financiers, il ne restait pour les dépenses de l'État que 23 millions, et ces revenus même étaient absorbés pour la fin de 1661, pour toute l'année 1662, pour une partie de 1663. Les dettes, toute liquidation faite, montaient à 60 millions de livres. Les forêts, qui auraient pu fournir un revenu estimable, mais livrées à la dévastation par la négligence des officiers, par les usurpations des habitants du voisinage, ne rapportaient par an que 50.000 livres[12].

Le roi, ayant fait examiner le nombre de ses vaisseaux, trouva que, depuis dix ans, on n'avait jamais vu en mer plus de deux ou trois vaisseaux de guerre français ; les magasins de la marine étaient entièrement dénués de toute chose, les vaisseaux réduits à 20 ou 22 ; les capitaines, par une longue cessation de service, avaient perdu toute expérience ; tin grand nombre de matelots, et les meilleurs, étaient passés au service de l'étranger. Les galères ne valaient pas mieux : six méchants corps de galères, le reste coulé à fond dans le port de Toulon ; la chiourme réduite à huit ou neuf cents forçats, la plupart malades.

Il reconnut que le commerce était ruiné au dedans, par suite de causes évidentes ; à savoir, les dettes énormes des villes dont les principaux habitants étaient solidaires, la quantité des péages qui empêchaient la communication des villes entre elles, l'insuffisance des communications par eau, et l'anéantissement presque complet des manufactures dont il ne subsistait plus guère que les soieries de Lyon et de Tours ; les Hollandais et les Anglais avaient attiré et absorbé le reste chez eux. Pour le commerce extérieur, il n'appartenait qu'aux Hollandais, qui exportaient les marchandises françaises superflues, et importaient celles que réclamait le luxe ou les besoins de la vie[13].

L'armée appartenait bien plus à quelques officiers qu'au roi. Quand on avait besoin de troupes, le secrétaire d'État de la guerre délivrait des commissions de colonel ou de capitaine pour lever, soit des régiments, soit des compagnies. Le colonel dans son régiment, le capitaine dans sa compagnie, disposait des charges inférieures, par don ou par vente. Il pouvait vendre également son titre et son autorité ; selon qu'il trouvait un acquéreur. Au roi, le soin de payer la prime de levée et la solde ; aux officiers, la charge de recruter eux-mêmes, équiper et faire vivre leurs soldats, d'acheter et entretenir les chevaux, armes et habits. Le soldat manquait de tout si l'officier dépensait ou gardait pour lui l'argent du roi ; une des fraudes les plus lucratives était l'industrie des passe-volants, soldats fictifs que l'officier présentait les jours de montre — revue — pour constater tin droit à la solde, et qui disparaissaient pour laisser la solde aux mains du capitaine ; les cadres attestaient pendant la paix un effectif suffisant ; au moment de la guerre il en manquait la moitié. L'artillerie ne dépendait pas même du ministre de la guerre. Le grand maitre disposait des charges à son profit, et se payait lui-même, à la prise d'une ville, par une part considérable en butin ; les officiers entreprenaient à forfait la construction et le service des batteries, empruntaient des soldats comme travailleurs ou servants ; les payaient sur l'argent du roi, dont ils gardaient pour eux-mêmes le plus qu'ils pouvaient de revenant-bon[14].

La sûreté publique était sans cesse compromise par les vexations des gouverneurs, les violences des gentilshommes et des principaux de chaque province. Ces tyranneaux battaient let officiers tif finances pour dispenser leurs fermiers des charges publiques, ou écrasaient les paysans pour satisfaire leur avarice ou leur lubricité ; ils se garantissaient l'impunité des meurtres ou des vols les plus audacieux par une protection mutuelle[15]. Un intendant dénonçait en particulier à Colbert (1661) les abominations du sieur d'Espinchal, un des plus fameux scélérats de cette espèce, en Auvergne, que le gouverneur, le duc de Bouillon, protégeait ouvertement en dépit des arrêts du Conseil, et que toute la noblesse retirait — lui donnait asile —. Les officiers de justice, les membres des cours souveraines, n'étaient pas moins suspects. Outre la longueur des procès, et l'excès des épices dont ils bénéficiaient, on leur reprochait la connivence avec les nobles criminels, et l'usage de se faire vendre par force les fonds de terre qui les accommodaient. Les conseillers des Aides, entre autres infidélités, instituaient des nobles par arrêts, pour les exempter des charges imposées aux roturiers[16].

Enfin on sentait encore de vieux ferments d'opposition à l'autorité royale dans les dernières résistances du cardinal de Retz, dans les prétentions toujours renaissantes des compagnies souveraines, dans l'agitation tracassière du parti janséniste, qui semblait le refuge des mécontents, ou même des réconciliés restés suspects. Le bien-être du royaume, le succès de la politique extérieure, exigeaient la réforme de tous ces abus, la suppression de ces difficultés, la création de nouvelles ressources. Ce fut un travail assidu de plusieurs années, moins éclatant que profitable, mais non moins important que la gloire, puisqu'il la préparait ; une forte organisation avant la lutte. La première réforme sensible fut celle des finances.

Aussitôt après l'arrestation de Fouquet, le roi, pressé d'avoir de l'argent, se hâta d'en reprendre, sous forme polie, à deux des hommes qui avaient le plus gagné à la faveur et aux libéralités de Mazarin. Il demanda deux millions à Hervaert, l'ancien banquier du cardinal, et deux millions au nouveau duc de Mazarin, le mari de la belle Hortense. On sourit quand on voit, dans ses lettres, avec quel ton moqueur il réclame ces restitutions[17]. Mais ce n'étaient là que des expédients passagers ; il prit sans délai les mesures capables d'assurer les ressources régulières. Le 15 septembre (1661), il instituait le Conseil royal des finances, composé de cinq personnes, le chancelier, le maréchal de Villeroy, d'Aligre et de Sève, conseillers d'État, et Colbert, intendant des finances, comme secrétaire. Il se réservait de le présider, comme il l'a fait toujours, trois fois par semaine. A la première séance, il déclara qu'il ne voulait plus de surintendant, qu'il en remplirait lui-même les fonctions et signerait toutes les ordonnances ; le secrétaire tiendrait registre de la recette et de la dépense. Il ajouta deux recommandations qui ne souffraient pas de réplique : La première chose que je désire de vous est le secret, et comme je l'estime important et nécessaire pour la bonne conduite de mes affaires, je suis bien aise de vous dire que si j'apprends que l'on dise quelque chose de ce qui se passe ici, je suivrai l'avis qui m'en sera donné jusqu'à son origine, pour ôter de mon Conseil celui qui aura été capable de cette faiblesse... La seconde est que je veux que chacun se charge du succès bon ou mauvais de quelque affaire que ce soit, quand une fois j'en aurai pris la résolution et donné l'ordre, et que tout s'exécute et soit soutenu avec fermeté, sincérité et secret[18].

Il ordonna en même temps au secrétaire de tenir un registre exact de toute la recette et dépense de l'État pour chaque année. A quoi Colbert répondit par l'établissement de trois livres de comptes : 1° le journal où sont consignées toutes ordonnances, et en marge les fonds sur lesquels elles sont assignées. A la fin du mois, le roi visite ces registres, fait faire le calcul des dépenses et l'arrête de sa main ; 2° le registre des fonds, où sont enregistrées au feuillet verso toutes les recettes de l'État, et au recto toute la conformation, c'est-à-dire les payements faits à l'Épargne, ou les dépenses assignées sur ces fonds. Sa Majesté, à l'ouverture du registre, vérifie les fonds et la conformation, la calcule et arrête de sa main ; 3° le registre des dépenses, où sont enregistrées toutes les dépenses de l'État, et en marge, les fonds sur lesquels elles sont assignées. Sa Majesté, à l'ouverture du registre, vérifie une nature de dépenses, voit les fonds sur lesquels elles sont tirées, les calcule et les arrête... Ces trois registres contiennent chacun ce que tous trois contiennent, et se peuvent facilement justifier l'un par l'autre. Par ce moyen si clair et si facile, Sa Majesté a puisé en elle-même sa sûreté entière, et a réduit la fidélité de ceux qui ont l'honneur de la servir en cette fonction, à devenir forcée, si elle n'était volontaire[19].

Un règlement du 25 septembre acheva de déterminer les attributions du Conseil. On y trouve, entre autres prescriptions, qu'il y aura, chaque semaine, une réunion où aux membres du Conseil se joindront les directeurs et contrôleurs généraux des finances. On y examinera toutes les affaires, particulièrement les moyens d'augmenter les revenus du roi, retrancher toutes les causes de diminution des fermes, et tenir la main à ce que le recouvrement des impositions ait lieu dans les temps prescrits par les ordonnances[20]. Si le Conseil se fût enfermé en lui-même, il pouvait ignorer des faits importants ou tomber dans la routine ; au contraire, les avis du dehors lui faisaient connaitre les événements imprévus, les besoins subits, les moyens nouveaux qui devaient inspirer ses décisions.

Le chef-d'œuvre dans le gouvernement des finances est sans doute de faire produire à l'impôt tout ce qu'il peut rendre, et ensuite de dégrever le contribuable. Pourvoir suffisamment le roi ou l'État, et soulager le peuple, un pareil succès était la tendance de Colbert, né bourgeois, et flattait Louis XIV, amoureux de popularité. La taille, l'impôt direct, déplaisait à Colbert, parce que, au moins dans les pays d'Élections[21], elle ne pesait que sur le tiers état. Les fermes, l'impôt indirect, l'accommodaient bien davantage, parce que, confondu inséparablement avec le prix des objets de consommation, l'impôt pesait sur tous[22]. A l'inégale répartition des charges entre les sujets, se joignaient les frais de perception qui restaient aux mains des agents. Les receveurs généraux, les receveurs des tailles jouissaient de remises qui, pour les premiers, montaient quelquefois au quart de la recette. Les fermiers, pour payer d'avance, exigeaient aussi des intérêts ; ils avaient de plus des commis, imposés par les officiers de finances, qu'il fallait payer au détriment du Trésor. Les généralités et les élections fourmillaient d'officiers qui n'étaient pas les moins bien fournis des dons de la fortune, mais que leur emploi même dispensait de tout payement[23]. Pour dernier surcroît de mal, l'assiette, ou établissement de la taille par individu, était subordonnée à de criantes partialités, on écrasait les uns pour épargner les autres. Ici les trésoriers de France[24], d'intelligence avec les élus e favorisaient une paroisse ou une famille ; là, les coqs de paroisse ou les seigneurs, par menaces ou par séduction, obtenaient des diminutions, soit, pour eux, mêmes, soit pour leurs fermiers et amis. En quelques provinces, comme en Auvergne, les seigneurs dressaient les râles à leur convenance, bien entendu, et il leur arrivait d'extorquer une seconde taille à jeter profit[25]. Ailleurs, de faux nobles se déclaraient exempts par arrêts des Cours des Aides. En certaines localités[26], comme dans la généralité de Neufchâtel, où il existait des villes franches, les paysans du voisinage acquéraient dans les villes le droit de bourgeoisie, pour soustraire à l'impôt leurs terres de la campagne.

Trois choses seraient surtout efficaces pour rétablir la fortune de l'État : mieux employer l'impôt mieux réparti, éteindre ou diminuer les dettes, tirer du domaine du roi toutes les ressources dont l'infidélité ou la négligence compromettait la meilleure part. On commença par les impôts. A l'occasion de la naissance du Dauphin, le roi fit une nouvelle diminution sur les tailles. Mais comme on ne pouvait retrancher des revenus essentiels sans les remplacer par d'autres, on s'attaqua immédiatement aux officiers des finances. Les commissions des tailles furent refaites, les fermes renouvelées (octobre 1661). La remise accordée aux receveurs généraux, qui était de cinq sols pour livre, fut abaissée d'abord de un sol six deniers, puis, en 1662, réduite définitivement à neuf deniers ; amélioration si sensible, qu'elle permit de diminuer les tailles de cinq millions. Les fermes furent, au contraire, augmentées de treize millions ; le roi dédommagea les fermiers en les dispensant à l'avenir de ces commis qui absorbaient une partie de leur bénéfice, et accrut encore le sien en déclarant que le payement des baux se ferait par mois, et que dorénavant il ne servirait plus d'intérêts pour avances[27]. Les faux nobles, déjà menacés par un édit de février 1661, furent recherchés avec une rigueur qui se soutint les années suivantes (1664-1666), par de nouveaux édits ; ils durent apporter leur contingent à la recette commune. En même temps, la dépense superflue fut restreinte. Le roi supprima un grand nombre d'officiers des élections, quoiqu'ils offrissent un pot-de-vin de soixante millions pour la conservation de leurs emplois ; en cessant d'être rémunérés au détriment des contribuables, ils rentrèrent dans l'obligation de contribuer à leur tour : double soulagement, dit Colbert, pour les peuples (1662). Les augmentations de gages dès compagnies souveraines furent retranchées en dépit des plaintes de Lamoignon ; le roi donna, par une fermeté inflexible, beaucoup de déplaisir au premier président. Les États de Bretagne voulurent réclamer à leur tour au profit des magistrats. Colbert les fit taire en les renvoyant à leurs attributions. Sa Majesté, leur écrivit-il, ne saurait approuver que les États se mêlent des affaires qui dépendent d'Elle purement, et qui n'ont aucune connexité avec les affaires qui se doivent traiter dans l'assemblée (22 septembre 1663). On regrette de trouver une ombre à ce tableau dans une prodigalité de jeune homme, qui échappe à Louis XIV au milieu de ces graves travaux de réformateur et de ces leçons de bon ménage si bien données. En renouvelant leur bail, les fermiers des gabelles lui offrirent un pot-de-vin de 600.000 livres ; il le distribua en dons inutiles, comme on fait la part du feu pour mieux éteindre un incendie : 10.000 pistoles à sa mère, 10.000 au duc et à la duchesse d'Orléans, 50.000 écus à la demoiselle de Fouilleux pour la marier, et le reste à la reine[28].

Dans les pays d'États, si la réforme était nécessaire, le roi en avait moins la responsabilité. L'impôt direct, le don gratuit, équivalent de la taille, était voté par l'assemblée de la province ; les États avaient leurs officiers pour faire le cadastre et la perception ; s'il y avait des abus, ils ne devaient s'en prendre qu'à eux-mêmes. Louis XIV ne supprima de cette organisation que ce qui pouvait susciter quelque résistance à ses volontés. L'usage, dit-il lui-même[29], avait été jusque-là de leur demander de grandes sommes pour en obtenir de médiocres, de souffrir qu'ils missent tout en condition, de leur tout promettre, d'éluder bientôt après sous différents prétextes tout ce qu'on leur avait promis, de faire même un grand nombre d'édits sans autre dessein que de leur en accorder ou plutôt de leur en vendre la révocation. Je trouvai en cette méthode peu de dignité pour le souverain et peu d'agrément pour les sujets. J'en pris une toute contraire que j'ai toujours suivie depuis, qui fin de leur demander précisément ce que j'avais dessein d'obtenir, de promettre peu, de tenir exactement ce que j'avais promis, de ne recevoir presque jamais de conditions, mais de dépasser leur attente, quand, par la voie des supplications, ils se confiaient à ma justice et à ma bonté. Cette tactique eut un premier succès en 1862 : les États du Languedoc 'votèrent sans aucun retranchement la somme demandée. Le roi se félicita d'un résultat qui changeait la liberté en une soumission d'autant plus agréable. Il n'ajoute pas que la soumission et même la promptitude étai' le prit de l'argent. On accordait aux députés des villes une montre d'indemnité par jour, et à la fin de la session une montre de grâce. Cette fois on leur avait donné autant pour six semaines qu'antérieurement pour six mois[30]. Ce devint l'usage de ne pas laisser se prolonger les sessions. Colbert exprime, en beaucoup d'occasions, le principe qu'un mois, trois semaines même, doivent suffire aux délibérations, et que cette durée est tout ce qu'il faut aux provinces pour s'accommoder au désir et à la volonté de Sa Majesté.

La fermeté de Colbert à exiger de chacun l'exactitude et la soumission pourrait le faire prendre pour un financier dur et âpre au gain, si, dans cent endroits de ses lettres et instructions, on fie le voyait intimé d'un sentiment sincère d'équité et d'un grand besoin de ne sacrifier personne à la faveur. Inflexible sûr le droit, il sait se plier dans là pratique aux ménagements raisonnables. Il a une véritable répugnance, et il n'a jamais changé, pour la contrainte en matière d'impôt. Il n'approuve pas que, au temps de la moisson, on emploie des troupes pour le recouvrement des tailles, et qu'on ne laisse pas le peuple faire la récolte, surtout après une mauvaise année[31]. Il condamne l'emploi de là force, encore plus odieux en temps de calme et de repos, et ne le permet qu'en cas de nécessité absolue et d'impuissance de tout autre moyen[32]. S'il veut que chacun contribue, c'est pour que personne ne soit opprimé. Il prescrit aux intendants de faire le régalement de la taille sans avoir égard aux recommandations de qui que ce soit, étant certain que les grandes non-valeurs du passé provenaient de l'accablement des tins par la décharge des autres qui étaient fortement appuyés[33]. Il dit encore ailleurs : Il s'agit dans ce recouvrement de faire justice aux peuples dans la partie qui leur est la plus considérable, celle de leur bien. Le même sentiment d'égalité le poussa à combattre les diversités de province à province, les privilèges de certaines localités onéreux à d'autres. Dès 1664, il tentait d'introduire la gabelle en Gascogne, malgré les résistances suscitées par les gentilshommes, et en Roussillon, où la domination française était toute récente. Pourquoi ces deux membres du grand corps n'auraient-ils pas travaillé comme les autres au développement commun ? Il y réussit, non pourtant sans employer la force et sans faire quelques concessions[34].

La question des rentes lui suscita d'autres ennemis, non moins nombreux et plus redoutables que des officiers de finances mécontents. Il avait ici à combattre l'opinion publique pour qui toute dette est sacrée, tout créancier digne de foi, tout rentier une victime quand il proteste contre une réduction, un remboursement imposé, un retard de payement. La querelle des rentes, exploitée à propos, avait servi plus d'une fois à ranimer les colères de la Fronde. Cependant, en 1661, les dettes du roi étaient-elles aussi réelles qu'on le prétendait, et les créanciers bien intéressants ? C'étaient d'anciens billets de l'Épargne, achetés par des spéculateurs au denier dix (10 p. %), et qui n'avaient recouvré l'apparence de leur valeur primitive que depuis que le surintendant les avait assignés sur des revenus royaux[35]. C'étaient encore des titres d'emprunts dont le roi n'avait touché qu'une faible partie, dont le premier préteur avait à peine versé le dixième. Ils étaient payables pour leur valeur nominale sur les tailles, les gabelles, les grosses fermes ou l'Hôtel de Ville ; autant d'aliénations des revenus du roi au profit de cupidités particulières. Les détenteurs de ces titres étaient beaucoup moins qu'on ne croit de petits rentiers n'ayant que ces rentes pour vivre ; ce n'étaient même plus des traitants ou gens d'affaires, mais des personnes de qualité du royaume, des présidents à mortier, d'autres présidents et conseillers des cours souveraines. Colbert — nous lui laissons ici toute responsabilité — place à leur tête le premier président Lamoignon[36]. Mme de Sévigné en avait aussi sa part, puisqu'elle se plaint d'être menacée, par la réforme des rentes, d'aller à l'hôpital[37]. Plus tard, un magistrat ne craignait pas d'affirmer que, par le pavement des rentes, la province était tributaire du luxe de Paris[38]. Ce que le sieur Fouquet avait affecté, dit Colbert, non-seulement par la raison de rendre cette marchandise meilleure, mais pour mieux assurer les dons qu'il avait faits à plusieurs de ses amis, en intéressant les compagnies et les personnes de qualité à les maintenir. Colbert, qui n'avait pas craint d'attaquer Fouquet, n'hésita pas davantage à s'en prendre à ses protégés, afin de rendre au roi la disposition de ses revenus, pour un usage plus utile que la satisfaction de gens à qui il devait beaucoup moins qu'ils ne réclamaient. Le remède fut un peu violent, et nous ne le donnons pas pour exemple.

La chambre de justice, établie contre les financiers (v. paragraphe 11), découvrit (mars 1662) que, d'un million de rentes sur les tailles, le roi n'avait pas touché cent mille livres ; elle supprima entièrement ces rentes. Lamoignon protesta ; il rappela tous les mouvements de désordre et de révolte, excités pour la défense de ces sortes de rentes ; il montra toutes les compagnies, les grands du royaume, Paris et les provinces, unis dans les mêmes intérêts, et pour compléter le pathétique, les pères de famille poussés peut-être aux plus grandes extrémités par la perte du bien de leurs enfants. Non-seulement on passa outre, mais un second arrêt (18 mars) supprima six cent mille livres de rentes constituées au profit des fermiers des gabelles ; un troisième (23 juin) ordonna que quatre cent mille livres établies sur les cinq grosses fermes seraient remboursées, c'est-à-dire le principal ou somme touchée par le gouvernement au moment de l'émission, déduction faite des intérêts payés par le roi. Les réclamations échouèrent encore comme celles de Lamoignon. Colbert triomphe du succès d'un coup aussi vigoureux. Il est bon de faire sur ce sujet réflexion que cette matière qui était autrefois celle de toutes les séditions, à laquelle tout le monde était persuadé qu'on ne pourrait toucher sans faire courir risque à l'État, ce prince, par l'autorité et le respect qu'il s'était acquis par son propre mérite, en traita avec une telle hauteur qu'il en supprima, par une simple déclaration, pour quatre millions de livres sans aucun bruit.

Si heureuse qu'eût été la tentative, il devint bientôt raisonnable, tout en continuant la réforme, d'en adoucir la rudesse. L'effet produit par deux nouvelles ordonnances le fit comprendre. L'une (avril 1663) déclarait supprimées toutes les rentes constituées sur l'Hôtel de Ville, depuis 1656 jusqu'à 1661 ; l'autre (avril 1664) déclarait remboursables, au prix d'achat, toutes les rentes constituées depuis vingt-cinq ans. Cette suite de secousses à tant de fortunes agita l'esprit public ; les intérêts compromis gagnèrent à leur cause l'opinion. On le sent bien au revirement qui, celle même année 1664, se produit en faveur de Fouquet. On l'avait haï pour ses concussions, on commence à haïr Colbert pour abus de pouvoir. L'ancien surintendant, qui n'est plus que malheureux, redevient intéressant par la guerre même que lui fait le destructeur des rentes. Il y eut donc dans les magistrats, à l'Hôtel de Ville, un mouvement qui dura plusieurs mois, et avec lequel le gouvernement consentit à compter[39]. Il en sortit une transaction qui était encore un progrès financier. Une déclaration du 9 décembre réduisit d'un cinquième les rentes sur les gabelles, les cinq grosses fermes et les entrées de Paris. Le remboursement serait facultatif. Ceux qui garderaient leurs rentes n'auraient désormais à craindre aucune réduction. Tout compte fait, le roi y gagnait une bonne économie annuelle. Ces diverses opérations, depuis 1662, avaient réduit de quinze à huit millions les rentes à paver chaque année. Cet état de choses dura huit ans, car, si Colbert n'avait pu diminuer davantage la dette, il s'appliqua et parvint à ne pas l'augmenter jusqu'à la guerre de Hollande. Les ressources qu'il ne pouvait obtenir par une suppression de dépenses, il les trouva dans un accroissement de revenus.

Les forêts, comme aujourd'hui, dépendaient du département des finances. Louis XIV les appelle une noble et précieuse partie de nos domaines[40]. Elles n'étaient pas, au commencement, la plus productive ; en 1662, toutes les forêts du roi ne rapportaient que 50.323 livres[41]. Une administration misérable les avait ruinées, et frustrait le maître de ses profits légitimes. Une foule de tolérances, devenues coutumes, en livraient la meilleure part aux riverains ou aux officiers chargés de la conservation. Autrefois, quand les bois étaient surabondants, et qu'il importait de faire de la place aux hommes et à la culture, on avait poussé au défrichement en accordant des privilèges aux peuples qui voulaient s'établir sur les rives[42]. De là procédaient des droits de passage, de pacage, de chauffage, de bois d'usage â bâtir et réparer, dont abusaient les communes et les habitants des paroisses pour piller et dégrader la propriété publique. On brûlait exprès une partie des bois sur pied pour avoir lieu de prendre le reste comme brûlé par accident[43]. Les officiers, dont les gages n'étaient pas réglés, s'attribuaient arbitrairement de grosses gratifications. Ils faisaient des ventes sans lettres-patentes, ou s'en rendaient adjudicataires à des prix avantageux pour eux seuls ; ils accordaient des chauffages et usages sans titre, soit pour leur propre bénéfice, soit pour le plais.ir de leurs amis. Ils permettaient le défrichement à leur gré ; sous prétexte de places vides, ils abandonnaient aux voisins des étendues considérables d'arpents[44]. Telle était leur négligence qu'ils ne savaient pas même toujours où était le bien de l'État. Un intendant, pressé par Colbert de se rendre compte de ces matières, lui écrivait après la visite de l'Auvergne : Je viens de découvrir de magnifiques sapinières sur les bords de la Dore. Je suis sûr aussi de trouver de beaux arbres dans la Dordogne que je me propose de visiter.

Colbert voyait un double avantage à rendre aux forêts leur valeur réelle : du bois tout trouvé pour la marine et un accroissement de recettes annuelles, Louis XIV, qui se flatte d'avoir partagé ces pensées, appuya vigoureusement la réformation. On procéda par une enquête générale, patiente, inflexible, où furent compris les bois appartenant aux particuliers. En 1662, des commissaires, expédiés partout où il y avait des forêts, eurent ordre de constater tons les délits contraires aux anciennes ordonnances, toutes les prévarications des officiers, toutes les mesures à prendre contre le retour du désordre. Jamais, peut-être, la vigilance de Colbert, sa sévérité, sa science des détails, n'a été aussi universelle ni plus tenace. Outre une instruction générale aux commissaires, il ne se lasse pas d'expédier des instructions particulières à chacun d'eux ; et, afin de leur faire sentir de plus près l'impulsion et l'insistance, il les relance sans relâche par le contrôle des intendants. Il faut rechercher les anciennes figures et bornages des prêts pour constater les usurpations ; examiner !s titres de tous ceux qui possèdent des terres aboutissant aux forêts, et de ceux qui ont droit d'usage, pâturage, etc., pour évincer les usufruitiers illégitimes. Il faut découvrir tous les droits que les officiers se sont arrogés indûment, toutes leurs connivences avec les déprédateurs. Il faut punir : le crime commis pourrait être puni suffisamment par l'expulsion du coupable, mais le crime à venir ne peut être prévenu que par la notoriété solennelle donnée à la punition. Point de grâce pour aucune prévarication, qu'elle vienne du dedans ou du dehors, d'un grand ou d'un petit : Si vous trouvez que les gentilshommes ont commis des délits, vous ne devez pas plus les épargner que vous ne feriez les officiers et les marchands[45]. Cette poursuite minutieuse durera huit ans, elle aboutira à un beau travail de législation : l'ordonnance des eaux et forêts. Mais, bien avant cette époque, elle portait les fruits inespérés. A la fin de 1663, le revenu net des forêts s'élevait à 320.705 livres, plis de six fois le revenu de 1662.

C'étaient là les résultats qui réjouissaient Colbert, avec quel empressement il supputait, à la même date, les progrès toujours croissants des finances royales. En septembre 1661, vingt-trois millions de revenus seulement ; en juin 1662, quarante-quatre millions ; au commencement de 1663, grâce au renouvellement des fermes, à la suppression des rentes, au retranchement de plusieurs charges, cinquante millions ; augmentation totale en seize mois : vingt-sept millions de livres. Il ne se plaisait pas moins à constater la diminution également progressive de la taille, le soulagement apporté à la roture en même temps que la fortune revenait à la royauté : cinquante-sept millions en 1657, quarante-huit en 1661 et trente-huit seulement en 1663[46]. Il entrevoyait, dans cet heureux changement, les meilleurs éléments du bien-être public. Plus le roi serait riche, plus il pourrait adoucir la condition des misérables et fonder les institutions qui assurent la prospérité. Cette participation au bien des sujets éclata, en 1662, par un acte qui n'a eu que le tort d'être trop loué. Par suite d'une mauvaise récolte, la famine ravageait Paris, la Normandie, toutes les provinces de la Loire. On en trouve un tableau navrant dans les sermons de Bossuet, prêchant cette année le carême à la cour : il invite ses auditeurs à se priver des jouissances du luxe pour goûter le plaisir sublime de soulager les misérables ; il déclare à Louis XIV que, si les rois ne peuvent pas tout ce qu'ils veulent, ils rendront compte à Dieu de ce qu'ils peuvent. Les pauvres, de leur côté, parlaient, dans une pétition lamentable, des charités de Paris impuissantes à les secourir, des hôpitaux trop étroits pour accueillir tous les nécessiteux. Louis XIV eut le mérite de prévenir ces leçons et d'en profiter. Dès le mois de février, il fit acheter des blés en Pologne, en Hollande, en Sicile, en Afrique et dans les provinces du royaume, Bretagne et Guyenne, qui n'avaient pas souffert de la stérilité. Il brisa énergiquement toutes les résistances que la routine ou la spéculation prétendait opposer, en France, à ce transport des grains. Le parlement de Bordeaux et les jurats furent mal venus à prétendre retenir les trois quarts de la quantité de blés achetés en Guyenne. Il s'agit du salut de mon peuple, écrivait le roi au gouverneur, je veux être obéi sans autre réplique ni délai. La grande salle du Louvre fut convertie en magasin de blés ; des fours furent construits dans les Tuileries, la cuisson confiée à un inventeur qui avait le secret de ne pas altérer la qualité du pain en diminuant les frais du travail. Le roi distribua du pain aux communautés et aux particuliers de Paris et des environs qui en demandèrent, du grain en Normandie et dans les villes de la Loire. L'abondance des provisions avait été si grande, qu'il restait encore à Paris, à Rouen, à Tours, 16.000 setiers non employés quand la nouvelle récolte rendit les distributions inutiles[47].

Colbert, tout en admirant cette action si pieuse, si charitable, qui n'avait pas eu de précédents et qui, sans doute, n'aurait pas d'imitateurs, n'entendait pas borner l'influence du roi sur la prospérité de ses États à des bienfaits gratuits. Il songeait à multiplier le travail, par où chacun contribue à son propre bien, à créer l'industrie et le commerce, et il comptait sur les finances royales pour aider aux commencements, encourager la persévérance, tenir constamment à la disposition des particuliers les moyens qui dépassaient leurs forces. En 1662, il annonçait que, les affaires du roi commençant à s'améliorer, Sa Majesté emploierait tous les ans une somme considérable au rétablissement des grands chemins, ponts et chaussées et autres ouvrages publies, afin de procurer à ses sujets la commodité nécessaire pour leur trafic[48]. En 1663, il ordonnait une grande enquête, par les soins des intendants, sur l'état des provinces. Gouvernement ecclésiastique, militaire, administration de la justice, finances, il prescrit que tout soit exposé dans le plus minutieux détail. Mais il veut surtout connaître de quel humeur et de quel esprit sont les peuples de chaque province, pays et ville, s'ils sont portés à l'agriculture, à la marchandise ou aux manufactures. Préoccupé du commerce, des manufactures, de la marine, comme des seuls moyens d'attirer la richesse au dedans du royaume, et de rendre la vie facile à un nombre infini de sujets du roi, il veut qu'on les encourage par la perspective de la collaboration royale. Il promet de l'argent à ceux qui formeront des compagnies pour les commerces étrangers ; il promet des privilèges, des honneurs, des préséances, et aussi des dons d'argent, à ceux qui feront des efforts pour bâtir des vaisseaux. C'est donc pour rassembler les éléments du bien publie qu'il travaille avec tant d'impassibilité à remplir l'Épargne royale, et il n'est que juste de reconnaître que les créations durables du grand règne n'auraient pas été possibles sans l'abondance et la régularité des revenus du roi. A ce titre, Colbert a droit au premier rang entre les illustrations politiques du siècle.

 

 

 



[1] Lettres de Colbert à Mazarin. Voir la Collection de Pierre Clément.

[2] On raconte que, quand une affaire importante devait être traitée en conseil, Louis XIV avait l'habitude de dire : Voila Colbert qui va nous répéter : Sire, ce grand cardinal de Richelieu...

[3] Ce calembour n'est pas de son invention. Fouquet avait pris l'écureuil pour emblème, parce que Fouquet, en breton, veut dire écureuil. Plus tard, Louvois fut dénoncé à Louis XIV pour s'être figuré dans les sculptures des Invalides par une tête de loup voyant à travers des branches. La famille de Racine avait aussi des armoiries qui étaient un rat et un cygne. Ce vilain rat désespérait le pauvre poète, qui aurait été bien heureux de pouvoir le changer. Le poète, gentilhomme du roi, tenait fort aux armoiries ; il était tout prêt à payer la taxe imposée par les besoins du fisc aux porteurs d'armoiries ; mais il n'en aurait pas voulu de ridicules. Au pis aller, il eût préféré au rat une hure de sanglier. (Racine, lettre à Mlle Rivière, sa sœur, 1698.)

[4] Lettres à Mazarin, 1655, 1659.

[5] Publiés par Pierre Clément.

[6] Cousin, Vie de Mme de Chevreuse.

[7] Motteville, dernière partie.

[8] Colbert à l'intendant de marine à Toulon, 30 novembre 1662.

[9] Voir plus bas, à l'année 1666, chapitre XVII, paragraphe II.

[10] Sévigné, 18 novembre 1676 : J'ai voulu aller à Saint-Germain parler à M. Colbert de votre pension... Je touchai un mot des occupations continuelles, et du zèle pour le service du roi ; un autre mot des extrêmes dépenses à quoi l'on était obligé, et qui ne permettaient pas de rien négliger pour les soutenir ; que c'était avec peine que M. l'abbé de Grignan et moi nous l'importunions de celte affaire : tout cela était plus court et mieux rangé. Mais je n'aurai nulle fatigue à vous dire la réponse : Madame, j'en aurai soin ; et me ramène à la porte, et voilà qui est fait.

[11] Au moment de la conclusion de la paix d'Aix-la-Chapelle (1668) il écrivait à son père : Je me dispose l'esprit à voir arriver la chose du monde que je souhaitais le moins, et à chercher des expédients de plaire au roi autant en paix que j'ai eu dessein de le faire pendant la guerre.

[12] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire, 1663. Publié par Pierre Clément, dans le tome II, Ire partie, des Lettres, Mémoires et Instructions de Colbert.

[13] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire, 1663.

[14] Rousset, Histoire de Louvois.

[15] Voir plus bas, paragraphe II ; les Grands Jours d'Auvergne.

[16] Colbert, Enquête ordonnée, en 1663, sur l'état des provinces.

[17] A Hervaert, 5 sept., le jour même de l'arrestation de Fouquet : Feu M. le cardinal m'ayant assuré, les derniers jours de sa vie, que je trouverais toujours dans votre bourse une assistance de deux ou trois millions de livres toutes les fois que le bien de mon service m'obligerait d'apporter quelque changement à l'administration de mes finances, à présent que j'ai été obligé, par diverses raisons, de faire arrêter le surintendant, j'ai été bien aise de vous écrire ces lignes pour vous dire que vous me ferez plaisir de me préparer, soit par votre moyen, soit par celui de vos amis, la plus grande somme que vous pourrez.

Au duc de Mazarin, 13 sept. : Il pourrait arriver que j'aurais besoin de deux millions de livres que vous m'avez offert de me prêter. Je vous dépêche ce courrier pour vous mander que vous me ferez plaisir de donner ordre, à vos gens d'affaires, de fournir cette somme à mesure que je jugerai à propos de m'en servir...

Au même, 27 octobre : Le sieur Colbert m'a rendu compte du détail de l'exécution des offres que vous m'avez faites. Après m'avoir prouvé votre zèle de si bonne grâce dans le cours de cette affaire, vous ne pouviez achever avec plus de ponctualité. (Œuvres de Louis XIV, tome V. Colbert, Collection P. Clément, partie des finances.)

[18] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire.

[19] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire. Nous n'avons rien changé à son style.

[20] Voir texte de ce règlement. Collection Clément, T. des finances.

[21] La France, pour l'administration des finances, était partagée, depuis Richelieu, en trente-deux généralités. A la tête de chacune, un intendant, qui, à partir de Mazarin, et surtout depuis l'avènement de Louis XIV, était chargé des finances, de la justice, de la police, et véritablement de toute l'administration. Vingt de ces généralités étaient pays d'Élections du nom des élus qui y administraient les finances. Les douze autres étaient pays d'États, parce qu'elles avaient des États provinciaux ; les six principales étaient Artois, Alsace, Bourgogne, Languedoc, Provence, Bretagne.

Dans les pays d'Élections, le montant de la taille était réglé chaque année par le conseil du roi pour la généralité ; l'intendant faisait la répartition par Élections, circonscriptions administratives un peu plus étendues que nos arrondissements, les élus dans chaque Élection faisaient la répartition par paroisses ; dans chaque paroisse, les collecteurs dressaient les rôles d'après la fortune de chacun. Ces collecteurs étaient solidaires pour le recouvrement, et pouvaient être emprisonnés à la requête des receveurs des tailles.

Dans les pays d'États, le roi réclamait, comme équivalent de la taille, ce qu'on était convenu d'appeler un don gratuit voté par les États de la province. Les États faisaient faire, par des officiers à leurs ordres, la répartition entre les communes de la province, d'après un cadastre plus ou moins régulier. Cet impôt pesait sur tous, sur la noblesse comme sur le tiers état, si l'on en juge par les doléances de Mme de Sévigné.

[22] On distingue sous Louis XIV, en considérant l'ensemble des différentes époques de son règne, deux sortes de fermes : 15 générales et 12 particulières.

Les plus importantes étaient les domaines, gabelles, cinq grosses fermes, aides.

Gabelles : impôt sur le sel mis en ferme. Le bail ordinaire, sous le nom de grandes gabelles de France, comprenait les généralités de Paris, Champagne, Picardie, Rouen, Soissons, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Bourgogne, Blois. Il y avait, en outre, des gabelles distinctes pour Lyonnais, Provence, Dauphiné, Languedoc, Roussillon.

Les cinq grosses fermes : Réunion des droits perçus dans 18 provinces appelées, pour cette raison, provinces de la ferme : droits de sortie sur toutes denrées et marchandises, droits d'entrée sur les drogueries et épiceries ; subside de 5 sols par muid de vin dans les villes et lieux y assujettis des généralités de Normandie et d'Amiens, Châlons et Soissons ; droits des traites domaniales sur certaines denrées et marchandises ; droits d'entrée des grosses denrées et marchandises. Ces droits n'atteignaient pas les provinces dites étrangères qui conservèrent, au milieu des remaniements de tarifs, leurs administrateurs particuliers, ni les pays étrangers effectifs, Alsace, Lorraine et Trois-Évêchés, qui restèrent en dehors du régime douanier.

Aides : Impôt indirect portant principalement sur les boissons.

Dans les fermes particulières on distingue, à diverses époques, les postes, les droits sur le tabac et la marque de l'étain, les formules ou papier timbré.

[23] Receveurs généraux : Deux par généralités, service alternatif, faisaient des prêts ou avances à l'Épargne, moyennant une remise sur la recette.

Receveurs des tailles : Deux par élection, faisant alternativement le service, rétribués par une taxation.

Élus dans chaque élection, chargés de la répartition de l'impôt être les paroisses ; jugeant en premier ressort les affaires des tailles et relevant de la cour des Aides.

[24] Trésoriers de France. Établis dans chaque généralité, chargés de concert avec les intendants, de la répartition des impôts ; jugeaient en matière d'impôts et en matière domaniale avec appel aux cours souveraines.

[25] Correspondance administrative. Choisy à Colbert, 1663.

[26] Correspondance administrative. Champagny à Colbert, septembre 1662.

[27] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire.

[28] Mémoires de Louis XIV, pour 1661. — Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire. Mémoires de Choisy.

[29] Mémoires de Louis XIV, pour 1662, texte de Pellisson.

[30] Pierre Clément, Collection citée plus haut, tome de l'administration provinciale, introduction.

[31] Colbert à l'intendant de Riom, juillet 1662.

[32] A l'intendant de Poitiers, juin 1667.

[33] Circulaire aux intendants, 1669.

[34] La révolte, en Gascogne, eut pour chef Audijos, qui poignardait les chefs des détachements envoyés contre lui ou des escortes qui accompagnaient les convois de sel. Il tint pendant deux ans. Sa tête fut mise au prix de 2.000 livres, mais il échappait à toutes les poursuites, ou parce que ceux qui le recherchaient n'étaient pas de bon pied, ou par suite de l'affection qu'il rencontrait dans le pays. L'intendant proposait, pour en finir, d'accorder à ces rebelles des lettres d'abolition. A la fin Audijos, épuisé, passa en Espagne, annonçant l'intention d'entrer dans un couvent.

En Roussillon, le Vallespir refusa de payer la gabelle. Les commissaires chargés d'apaiser ce désordre furent attaqués et cernés par les miquelets ; ils n'obtinrent leur liberté qu'en promettant que, conformément aux constitutions de la Catalogne, la gabelle ne serait jamais imposée au Vallespir, et que les communes se chargeraient elles-mêmes de l'achat du sel pour le distribuer ensuite aux consommateurs. Les habitants du Conflant (1669) obtinrent à peu près les mêmes avantages par les mêmes moyens.

[35] Mémoires de Gourville. C'est l'aveu d'un complice.

[36] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire.

[37] Sévigné, Lettres, 1er décembre 1684.

[38] Denis Talon, dans le Discours d'ouverture des Grands Jours de Clermont.

[39] Journal d'Olivier d'Ormesson.

[40] Préambule de l'ordonnance des eaux et forêts.

[41] Tableau des revenus des forêts, de 1662 à 1696 ; Collection des Lettres de Colbert, volume de l'Agriculture.

[42] Conférence de l'ordonnance de Louis XIV, avec les édits, déclarations, coutumes, rendus avant et en interprétation de ladite ordonnance.

[43] Mémoires de Louis XIV, pour 1662.

[44] Colbert, Instruction générale aux commissaires des forêts, 1663.

[45] Colbert, Collection Clément, tome de l'Agriculture, Circulaire générale aux commissaires. Lettre à Chamillart, 9 juillet 1663.

[46] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire, 1663.

[47] Colbert, Mémoire pour servir à l'histoire. Bossuet, Sermons sur l'impénitence finale, et l'intégrité de la pénitence. — Œuvres de Louis XIV, tome V ; Lettres au maréchal de la Melleraye, gouverneur de Bretagne, au marquis de Saint-Luc, gouverneur de Guyenne ; — Histoire métallique, médaille Fames pietate principis sublevata. Mémoires de Vizé, espèce de panégyrique, retentissant et flagorneur, qui n'est pas une autorité historique sans doute, mais qui sert à constater l'emphase à la mode dans les hommages rendus aux grandes actions du roi.

[48] Lettre à l'intendant de Lyon, Collection Clément.