HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

PREMIÈRE PARTIE. — LA FRANCE POLITIQUE, RELIGIEUSE, LITTÉRAIRE SOUS MAZARIN

 

CHAPITRE VII. — La Fronde des princes.

 

 

II. — Les amis de Condé, unis aux Espagnols, essayent la guerre civile. - Bataille de Rethel. - Les frondeurs retournent au parti de Condé. - Retraite de Mazarin. - Délivrance de Condé.

 

La victoire de Mazarin parut se consolider dans les premiers temps qui suivirent l'arrestation de Condé. Sans doute, la fraction Longueville de la Fronde protesta après le premier étourdissement. La duchesse de Longueville, Marsillac, qui devenait alors duc de la Rochefoucauld[1], Turenne, et leurs amis, se dispersèrent dans les provinces pour essayer la guerre civile ; mais tant que Mazarin put retenir à son service les vrais frondeurs, il eut assez bon marché de ces tentatives pour reprendre quelque sécurité.

En Normandie, l'héroïne du parti n'en fut plus que l'aventurière[2]. La duchesse de Longueville, repoussée de Rouen par la fidélité du gouverneur, ne réussit pas mieux au Havre, malgré la bonne volonté du jeune duc de Richelieu, que les officiers retinrent dans le devoir. Elle se rejetait sur Dieppe, quand la reine, déjà arrivée à Rouen, envoya des troupes à sa poursuite, et à elle-même l'ordre de quitter cet asile. L'indifférence des Dieppois pour la question du Mazarin, la réduisit à fuir. Elle erra sur la côte, tomba à la mer, des bras d'un marinier qui voulait la porter dans une chaloupe, courut toute une nuit comme une vagabonde, se cacha quelques jours chez un gentilhomme cauchois, et finit par aborder un vaisseau anglais qui la déposa en Hollande. Toute la Normandie se trouva ainsi pacifiée. La Champagne ne le fut pas moins vite ; un frère de la Rochefoucauld voulait tenir dans la place de Damvilliers pour le prince de Conti ; ses officiers le livrèrent, les mains liées, à ceux du roi ; la ville et celle de Clermont, qui appartenait aussi aux Condé, firent leur soumission. En récompense de ces succès rapides, Mazarin se montra bienveillant aux frondeurs ; il confirma au fils de Broussel la charge de gouverneur de la Bastille, qu'il tenait de la guerre civile. Il consentit à rétablir Châteauneuf dans le ministère ; le chancelier Séguier dut remettre les sceaux à cet ambitieux de 70 ans ; ennuyeux personnage dont le nom ne reparaît dans l'histoire que pour surcharger le récit, comme sa rentrée aux affaires ne peut servir qu'à les embrouiller.

Une expédition en Bourgogne s'accomplit avec autant de facilité, par des causes et dans des conditions semblables. Il s'agissait de reprendre Bellegarde aux amis de Condé. La reine, le jeune roi, Mazarin parurent à ce siège. En leur absence, Madame la Princesse-mère essaya d'émouvoir le Parlement, en demandant la délivrance de son fils. Quelques conseillers remettaient en avant la déclaration du 24 octobre. Mais les frondeurs apaisèrent ce bruit ; il ne leur convenait pas de donner aux captifs l'alliance du Parlement ; ils soutinrent l'autorité de la reine qui ordonnait à la princesse de quitter Paris ; ils crurent utile de ménager le duc d'Orléans, qui redoutait singulièrement la délivrance des princes ; ils firent si bien, que la requête n'eut pas les honneurs d'une délibération. Pendant que la reine prenait Bellegarde (fin d'avril), la mère et la femme de Condé sortaient de Paris. Au retour, les frondeurs reçurent encore le prix de leur coopération ; l'amirauté fut donnée à Vendôme, avec la survivance pour Beaufort. La duchesse de Longueville, Bouillon, Turenne, la Rochefoucauld furent déclarés criminels de lèse-majesté. On envoya cette déclaration à tous les parlements.

Mais de plus sérieuses difficultés ne tardèrent pas à surgir. La guerre étrangère, l'agitation de Bordeaux, en compliquant la situation du ministre, poussèrent les frondeurs à renouveler leurs intrigues contre la cour, à retirer au cardinal l'avantage qu'ils lui avaient donné.

C'est à cette époque que le fléau de la guerre qui affligeait depuis longues années la plus grande partie de l'Europe, commença à faire ressentir plus vivement ses atteintes à la France[3]. En effet, pendant la guerre de Trente Ans, la lutte soutenue au dehors avait préservé le territoire français de ses conséquences les plus déplorables ; maintenant, par suite de l'alliance des Espagnols avec les mécontents, l'intérieur du royaume allait être livré à tous les excès des armées. Ce cruel accompagnement de la Fronde des princes, pour n'être pas exactement remarqué dans l'histoire, n'en a pas moins été sensible et odieux aux contemporains. Turenne, réfugié à Stenay, y avait été rejoint par la duchesse de Longueville ; là venaient aussi se rallier les troupes des princes licenciées par la reine. Turenne et la duchesse s'empressèrent de traiter avec les Espagnols ; ils demandaient au concours de l'étranger la délivrance des captifs ; ils promettaient en retour de ne pas poser eux-mêmes les armes avant que les Espagnols eussent recouvré toutes les places qu'ils avaient perdues. L'archiduc répondit vite à cet appel. Il prit le Catelet ; et vint assiéger Guise. La reine se rendit à Compiègne (2 juin) ; le cardinal courut lui-même au secours de Guise, portant aux soldats de l'argent, des habits, des souliers, animant de son activité la résistance de la garnison. Il vint à bout, sinon d'empêcher la prise de la ville, au moins de forcer l'ennemi d'en sortir. L'état de son armée, le château de Guise toujours imprenable, décidèrent les étrangers à la retraite. Le succès était assez satisfaisant pour contrarier visiblement ses adversaires ; mais déjà la présence des deux armées avait accumulé les misères dans la contrée ; les villages étaient dans la désolation ; de nombreux soldats, laissés languissants ou malades sur les chemins, offraient un spectacle déchirant. Il n'y avait que la charité qui pût adoucir les rigueurs de la politique. Ici commence pour Vincent de Paul une nouvelle campagne d'œuvres fécondes, dont la Picardie et la Champagne ont gardé le souvenir, et dont nous reparlerons.

Néanmoins le cardinal aurait poursuivi plus vivement l'ennemi en retraite, et dégagé la frontière du Nord, sans la nécessité déjà impérieuse d'aller combattre au Midi le même fléau. Bordeaux, depuis un an, ne cessait de remuer, de protester contre le duc d'Épernon. La reine, depuis son retour, avait eu à s'occuper tous les jours des plaintes que le Parlement de Bordeaux faisait appuyer par le Parlement de Paris. Il est même juste de reconnaître que ces plaintes n'étaient pas sans fondement ; un arrêt du 15 mars 1650 énumérant tous les excès attribués à l'intendant de Limosin témoigne clairement des abus auxquels s'emportaient les gouverneurs de provinces et leurs subalternes[4]. Une population aussi mécontente semblait toute préparée à embrasser le parti de la rébellion.

La Rochefoucauld et ses amis essayèrent d'en profiter. Ils tirèrent du château de Montrond la femme du prince de Condé et son fils, le jeune duc d'Enghien ; ils les conduisirent aux portes de Bordeaux, et demandèrent pour ces persécutés la protection du Parlement. L'affaire ne réussit pas sans obstacle ; beaucoup de gens sages, même du Parlement ; trouvaient trop de témérité à s'engager contre le roi. A la fin cependant, on consentit à ouvrir les portes, à laisser entrer madame la princesse toute seule avec son fils (15 juin). Peu à peu la Rochefoucauld et Bouillon se firent admettre au moins sous prétexte de rendre visite à la princesse. Pour rassurer les Bordelais, ils promirent le secours des Espagnols. Leurs émissaires, aussi bien reçus de Philippe IV que ceux de la duchesse de Longueville l'avaient été de l'archiduc, rapportèrent l'engagement de fournir à la révolte de l'argent, des vaisseaux et des troupes. Bordeaux se déclara, prit pour généralissime le duc d'Enghien, pour généraux la Rochefoucauld et Bouillon[5].

Ces nouvelles avaient ramené en hâte la reine et le ministre à Paris (29 juin). Pour surcroît d'inquiétude, ils y trouvaient les frondeurs à demi tournés vers le parti contraire. Une femme que nous avons déjà flétrie pour ses désordres, sa seule célébrité, la princesse palatine, Anne de Gonzague, non contente du pouvoir de ses beaux yeux, aspirait depuis quelque temps aux succès de la puissance politique. Elle entrait en ligne de bataille à côté des belles intrigantes du siècle : bien capable d'ailleurs de les dominer par l'adresse, par la fertilité infinie de ses expédients. Elle s'était mis en tète de délivrer les princes ; toute communication n'étant pas impossible avec Vincennes, elle négociait avec les prisonniers les conditions des services qui leur seraient rendus. Il paraissait lui plaire de les tirer de captivité par ceux mêmes qui avaient poussé, aidé, applaudi à leur emprisonnement. La duchesse de Chevreuse était déjà gagnée par la promesse du mariage de sa fille avec le prince de Conti. Viole, Longueil, encourageaient l'entreprise, en raison du profit personnel qu'ils en attendaient. Quant au coadjuteur, s'il n'était pas encore du complot, il donnait aux conspirateurs de grandes espérances. Il s'impatientait de n'avoir rien reçu. Il avait laissé passer avant lui Châteauneuf et Beaufort ; il savait attendre pour ne pas trahir ses intentions par trop d'empressement ; mais il n'abdiquait pas l'ambition du chapeau. Mazarin le rencontrait sans cesse sur son chemin, tour à tour menaçant ou obséquieux ; ici il se plaignait du retard d'une amnistie, là du peu d'égards accordé au comte de Montross, son ami ; ailleurs en défendant les Bordelais contre le duc d'Épernon, il affectait le plus grand zèle pour la prospérité de Mazarin et pour la tranquillité publique. Mais le ministre avait tout pénétré ; il connaissait l'ennemi ; il s'ingéniait à trouver un moyen de discréditer le coadjuteur auprès de l'opinion. On le voit bien par cette note de ses carnets : faire quelque papier et l'imprimer pour informer le peuple du sujet du mécontentement du coadjuteur, un autre de sa vie et des ses mœurs, et comment sa maison s'est établie en France[6].

Des Bordelais soulevés et des frondeurs incertains, les premiers parurent au ministre le danger le plus pressant. Comme l'activité avait réussi en Normandie, en Champagne, en Bourgogne, en Picardie contre les Espagnols, il convenait de ne pas hésiter davantage avec la Guienne. Pour amortir l'avidité des frondeurs il leur donna un à-compte. D'Émery venait de mourir ; la surintendance fut conférée au président Longueil de Maisons, frère du complice de la palatine. Cette sûreté prise, Mazarin partit avec la reine et le jeune roi pour Bordeaux (4 juillet).

C'était pourtant cette expédition de Guienne qui devait ébranler décidément la fortune de Mazarin. Elle se compliqua de tant d'incidents, de lenteurs, de dangers, qu'elle ne se conclut que par un demi-succès. Elle ranima tant d'agitateurs, et provoqua des défections si graves, que, après la paix de Bordeaux, le vainqueur se trouva en présence d'hostilités plus redoutables. D'abord le Parlement de Guienne, dès qu'il sut l'approche du roi, invoqua l'intervention du Parlement de Paris pour la liberté des princes. Cela rendit aux magistrats de la Fronde le goût et la confiance de reprendre contre l'autorité royale la guerre des remontrances, de raviver la déclaration favorable à la liberté individuelle. Le duc d'Orléans, médiateur, fit écarter la question des prisonniers ; mais il proposa, d'accord avec la compagnie, une transaction plus favorable à Bordeaux qu'au roi. Ensuite, quand la reine et Mazarin furent en vue de Bordeaux, les agitateurs les amusèrent quelque temps par des démonstrations trompeuses. En protestant de leur fidélité, en chassant ostensiblement un envoyé d'Espagne pour se purger de toute complicité avec l'étranger, en se prévalant des promesses du duc d'Orléans, ils obtinrent de retarder par des négociations les opérations militaires. En même temps l'éloignement de l'armée royale favorisait les entreprises des Espagnols. En Italie, Piombino et Porto-Longone, que Mazarin pouvait présenter comme ses conquêtes personnelles, étaient perdues. L'archiduc prenait la Capelle, Turenne entrait dans Rethel, l'ennemi poussait des excursions jusqu'à dix lieues de Paris. Un envoyé de l'archiduc, dans Paris même, proposait la paix au duc d'Orléans, et des placards émanés de Turenne accusaient les frondeurs, les faux tribuns du peuple, devenus pensionnaires et protecteurs de Mazarin, de s'opposer au bien public ; la crainte de perdre leur popularité était bien capable de détacher du ministre ceux qui lui restaient encore. Au milieu de ces complications, Mazarin envoya au duc d'Orléans, et même au coadjuteur, le pouvoir d'entamer des pourparlers avec les Espagnols que ceux-ci heureusement rompirent les premiers. Lui-même se décida à pousser par la forcé les Bordelais ; il prit les avant-postes de la ville (le fort de Voies et l'île Saint-Georges) ; il ensanglanta d'un rude combat le faubourg Saint-Séverin. Toutefois la résistance des assiégés pouvait faire craindre une lutte prolongée, mais la vigueur de l'attaque inquiéta les assiégés à leur tour ; en outre ils attendaient en vain les secours promis par l'Espagne ; pour dernière raison, si l'on en croit un des agents de la Rochefoucauld, ils étaient impatients de faire leurs vendanges[7]. Les deux partis ayant un égal désir d'en finir, Mazarin s'empressa de se débarrasser du Midi pour remonter au Nord. Il accorda la paix aux conditions proposées par le duc d'Orléans (1er octobre). Amnistie pour tous, révocation du duc d'Épernon, promesse de ne pas relever le château Trompette, permission à Madame la princesse de se retirer dans une de ses maisons avec son fils, sûreté pour Bouillon et la Rochefoucauld et jouissance de leurs biens. La tenue des Bordelais, après cette pacification, ressembla peu à une soumission sincère. Ils reçurent mal le cardinal, lui refusant même les compliments officiels dus au premier ministre. On offrit à la reine, pour la forme, une collation fort mauvaise, et un feu d'artifice de peu de beauté. Mademoiselle, fille du duc d'Orléans, fut la mieux traitée : en reconnaissance des services de son père, on lui donna un bal ; elle avoue elle-même qu'elle se divertit fort à Bordeaux[8] ; ce fut le commencement de son rôle politique.

L'ennemi n'était donc vaincu qu'à moitié, et, ce qui était plus grave, les derniers alliés du ministre étaient à demi perdus pour lui. Le duc d'Orléans ne montrait de fermeté que contre les princes ; en dépit de toutes les suggestions, il avait refusé leur délivrance ; pour les mettre à l'abri d'un coup de main de Turenne, il les avait fait transporter à Marcoussi, sous forte escorte, malgré une troupe de noblesse, rassemblée par Gondrin, archevêque de Sens, janséniste ardent et partisan passionné de la duchesse de Longueville[9]. Mais on croyait qu'il ne serait pas difficile de le détacher de Mazarin. Je le chasserai, avait-il dit, s'il ne révoque pas le duc d'Épernon. Mazarin n'ignorait pas cette menace. Le coadjuteur s'était obstiné à ne pas écouter la palatine ; il raconte comment il avait bravé l'impopularité, injurié Turenne dans une lettre folle, et rejeté le nom de tribun du peuple ; mais à l'éloge même de ces services, on voit combien il lui en avait coûté pour demeurer fidèle ; on sent que, au premier choc, il va se laisser pousser à la défection. A peine la reine était revenue à Paris, que la duchesse de Chevreuse vint demander le chapeau de cardinal pour le coadjuteur. Un ajournement en termes vagues, plus insupportable qu'un refus formel, détermina le changement ; l'instigateur de l'arrestation de Condé passait au parti des princes.

Devant ce péril nouveau, Mazarin prit une attitude vraiment honorable, on pourrait dire grande, et par conséquent habile comme tout ce qui procède d'un sentiment élevé. Il ne pouvait se dissimuler les intentions du coadjuteur, du duc d'Orléans, des magistrats de Paris ; à défaut de sa pénétration habituelle, les dénonciations de certains empressés l'auraient éclairé suffisamment. S'il n'eût regardé que lui-même, tout lui faisait un intérêt impérieux de demeurer auprès de ses adversaires pour contrecarrer leurs menées. Mais il se montra capable. d'une pensée moins personnelle. Il avait précipité la paix de Bordeaux pour avoir le temps et la force de châtier les Espagnols. Sa dignité de premier ministre défenseur du royaume, de politique victorieux au traité de Westphalie, était blessée des succès surpris par ces vaincus avec l'aide de la guerre civile et de la trahison. Il mit avant tout le devoir de les punir et de les chasser de France. Les troupes qui avaient combattu Bordeaux étaient revenues et pouvaient renforcer utilement l'armée de Champagne. La mauvaise saison qui commençait offrirait à l'ennemi, par la suspension des hostilités, le loisir de se fortifier dans Rethel ; il fallait ne pas lui laisser ce répit, et bien plutôt l'accabler par une vive attaque. Mazarin ne s'occupa de ses ennemis intérieurs que pour assurer la captivité des princes ; il les fit transporter de Marcoussi au Havre, où ils seraient bien gardés par la famille de Richelieu (15 novembre). Cette précaution prise, il partit lui-même pour l'armée le 1er décembre. Son absence va laisser sans contrepoids l'action de ses adversaires et décider sa chute ; mais sa chute pour une telle cause le place bien au-dessus des conspirateurs acharnés contre lui. Cet étranger avait plus le zèle de l'honneur national que tous ces misérables, princes et courtisanes, qui ne poursuivaient que la satisfaction de leurs appétits.

Du moment qu'on ne le vit plus ; la coalition s'organisa. La Liberté des princes en fut le nom, l'objet avoué, le trait d'union et le masque commun des ambitions diverses. La palatine acheva de gagner le coadjuteur, en lui promettant le chapeau, de la part du prince de Condé, ou, s'il était nécessaire, par l'intervention de la reine de Pologne, sa sœur. On ébranla, on gagna tout bas le duc d'Orléans, en lui promettant le mariage d'une de ses filles avec le dut d'Enghien, en lui donnant la certitude que le prince de Condé renonçait à être connétable. Il hésitait encore à s'engager par écrit ; on l'attrapa entre deux portes, on lui mit la plume dans la main, et il signa comme il aurait signé la cédule du sabbat, s'il avait craint d'y être surpris par son bon ange. Toutefois, on gardait toujours le secret. Le Parlement seul commença à se prononcer tout haut, au nom de la légalité. Il reçut une requête de la femme de Condé, qui protestait contre la détention arbitraire de son mari, et demandait un jugement. Cette requête, concertée chez la palatine, entre Croissy, Viole et le coadjuteur, fut louée du Premier Président : Voilà, disait Molé, servir Monsieur le Prince dans les formes, et en gens de bien, et non pas comme des factieux[10]. La Compagnie la renvoya aux gens du roi, pressa la reine de répondre, invita le duc d'Orléans à assister aux délibérations, et reprit contre le ministre les imputations d'ennemi et de perturbateur du repos public (du 8 au 14 décembre).

Cependant Mazarin donnait à ces injures un glorieux démenti. Son activité, son intelligence apportait à l'armée du maréchal Duplessis les secours les plus efficaces. Il gagnait les soldats par son attention à les garantir du froid, à leur assurer le nécessaire, les officiers par son affabilité, par des invitations à sa table, tous par de l'argent distribué à propos, évidemment bien employé. Il en fut récompensé par la prise de Rethel ; en deux jours, sans aucune circonvallation, l'armée du roi enleva la place aux Espagnols. Turenne n'avait pas eu le temps de la secourir ; il arrivait en hâte avec douze mille hommes : l'armée royale, forte du même nombre, mais inférieure en artillerie, marcha résolument à sa rencontre. La bataille fut vive, opiniâtre, comme entre deux ennemis habiles, vaillants, bien conduits, bien déterminés ; mais la valeur du maréchal Duplessis l'emporta sur la stratégie de Turenne. La défaite des Espagnols fut complète ; le général, se sauvant en compagnie de 15 ou 16 hommes seulement, put comprendre, par cette nouvelle leçon, que la trahison n'allait pas à son génie ; il ne devait pas tarder à quitter un parti si contraire à son honneur et à sa gloire (15 décembre).

L'avantage était assez grand pour inquiéter les ennemis du cardinal. Vous ne vous doutez pas, dit le coadjuteur, de la consternation du parti des princes, vous ne pouvez pas vous la figurer. Je n'eus toute a la nuit chez moi que des pleureux et des désespérés. Je trouvai Monsieur atterré. C'est qu'en effet la déroute des Espagnols complétait dignement la campagne pour le cardinal. La Normandie, la Bourgogne, Guise, Bordeaux, surtout Rethel, lui faisaient une année bien employée, bien honorable à sa vigilance, et à la vigueur de son administration, bien propre à réfuter les bruits d'incapacité qui couraient sur son compte. Mais ce triomphe même, par ce qu'il avait de favorable, tourna contre lui. On craignit qu'il ne s'en prévalût ; après le premier effroi, les coalisés se fortifièrent dans le dessein de servir Monsieur le Prince pour se délivrer d'un tel ennemi. Leduc d'Orléans n'avait pu se dispenser d'aller féliciter la reine de sa victoire ; au retour, ranimé sans doute par ses complices, il dit à sa fille : Rien n'est moins avantageux à la cour que cette victoire ; elle profitera plus à Monsieur le Prince de cette manière que si M. de Turenne l'avait gagnée[11].

Cependant la partie n'était pas si bien liée, ni les hommes si résolus qu'il fût possible d'en finir vite par une bataille décisive. Deux causes firent tramer la lutte pendant plusieurs semaines, l'incohérence de la ligue, la duplicité de Mazarin. La coalition n'était vraiment qu'un conseil de rats devant la fameuse difficulté du grelot ; ces conspirateurs ne se prononçaient que l'un après l'autre ; ils ne découvraient que successivement les diverses parties de leur pensée ; tandis que le ministre, retombé dans son triste système d'atermoiement, les troublait par des promesses, les inquiétait par des défiances mutuelles, jusqu'au jour où il les souleva définitivement par une apparence de menaces.

Un mois durant, il ne fut question que des princes, et encore timidement ; nul ne parlait de l'expulsion du ministre. Gondi louait habilement la bataille de Rethel, et ne demandait pour les captifs qu'un séjour plus .favorable à leur santé. Le Parlement arrêtait de faire des remontrances sur l'injuste captivité de détenus innocents (29 décembre) ; mais Beaufort, invité à se prononcer, remettait son vote après celui du duc d'Orléans, alors absent de la Compagnie[12]. Deux jours plus tard, le ministre revenu de l'armée semblait reprendre avec avantage sa politique de division. Il embrassait le duc d'Orléans chez la reine, soupait avec lui, et tous deux se faisaient chanter les couplets nouveaux sur le propre avis du grand Beaufort. L'oncle du roi ne se montrait pas insensible à l'espoir de marier une de ses filles avec le roi. La palatine n'était pas éloignée de faire remettre les princes en liberté par Mazarin lui-même ; elle lui accordait pour cela tout le temps nécessaire. Les amis des prisonniers, il est vrai, ne négligeaient aucun des petits moyens capables de les rendre intéressants. On exploitait la mort de madame la princesse mère survenue aux environs- de la bataille de Rethel ; on faisait pour elle des services religieux, des oraisons funèbres où figuraient, parmi les épreuves de sa vie, la captivité de son mari en 1616, et la captivité de ses enfants qu'elle n'avait pas revus avant de mourir. Par ces formes de mélodrame on animait l'esprit du peuple au mépris, à la haine contre Mazarin[13]. Mais le ministre gagnait encore un répit ; une maladie de la reine lui était un prétexte suffisant pour ne pas recevoir la députation des magistrats porteurs des remontrances du 29 décembre.

Enfin, le 20 janvier 1651, le Parlement se déclara le premier. Admis à l'audience de la reine, il demanda hautement la liberté des princes. Mathieu Molé parla en maître plutôt qu'en suppliant ; il y eut tant d'aplomb dans ses plaintes, dans sa critique des abus, dans l'omission affectée des gloires de la régence, que la reine, disait Mademoiselle elle-même, aurait dû le faire jeter par la fenêtre. Le ministre, déconcerté, essaya d'éluder la requête, en promettant d'entamer des négociations avec les intéressés et la duchesse de Longueville. Mais l'entrain donné par les magistrats détermina les indécis, et la Compagnie reçut enfin de Gondi le secours préparé depuis si longtemps. Le coadjuteur, le 1er février, dénonça toute sa pensée ; il dit hardiment, dans la grand'Chambre, que la liberté des princes était un bien nécessaire à l'État et au public. Il ajouta qu'il avait ordre de faire la même déclaration de la part du duc d'Orléans, que ce prince voulait employer au succès de ce dessein toute l'autorité que lui donnait sa naissance. Beaufort se décida à son tour et opina de nouveau comme le duc d'Orléans absent, mais cette fois en pleine connaissance de vote. Ainsi les frondeurs apportaient au Parlement, pour délivrer les princes, le concours qu'ils avaient reçu de lui pour les emprisonner, et Gondi était encore le conducteur triomphant de cette évolution effrontée. L'oncle du roi, jusque-là fidèle à la régente, revenait aux errements de sa jeunesse factieuse ; il entrait dans la Fronde pour terminer sa vie politique, comme il l'avait commencée, par le ridicule. Il en avait bien coûté quelque peine, sinon à sa conscience, au moins à sa poltronnerie. Dans.la nuit qui précéda la déclaration que Gondi devait faire en son nom, il n'avait pas dormi ; il avait tremblé, gémi des suites d'une résolution si dangereuse. Il a, disait sa femme le lendemain, accouché toute la nuit plus douloureusement que je n'ai accouché de tous mes enfants. Une fois compromis, étourdi, il se rassura.

La délivrance des princes était désormais inévitable. Mais ce premier succès avait, dans la pensée des conspirateurs, une conséquence nécessaire, l'expulsion de Mazarin. Un incident fortuit servit de transition. Le duc d'Orléans, informé par Gondi de l'heureux accueil que sa déclaration avait reçu des magistrats, vint le même jour au Palais-Royal. Mazarin, essayant encore de le ramener à sa cause, s'avisa, devant la reine, de comparer le parlement de Paris au parlement d'Angleterre, et les frondeurs à Fairfax et à Cromwell. Était-ce une injure ou une menace ? Le prince saisit ce prétexte pour se fâcher. Il sortit du palais, jurant qu'il ne se remettrait jamais aux mains de cet enragé et de cette furie (la reine). Il prétendit s'arroger tout le pouvoir : défense aux ministres de rien expédier sans son consentement, ordre aux quarteniers de Paris de tenir leurs armes prêtes, autorisation à la noblesse de s'assembler[14]. Le 3 février, il refusait de recevoir la reine au Luxembourg, et il chargeait encore une fois le coadjuteur d'aller pour lui au Parlement réclamer l'expulsion du cardinal. Le coadjuteur s'acquitta dignement d'un tel message. Il commenta les paroles du cardinal, de manière à soulever une émotion qui rappelait les plus beaux jours, des tumultes parlementaires. La vieille inimitié, contenue quelque temps, s'exhala en toutes sortes de propositions contre le ministre : l'éloigner, l'arrêter, le juger. Viole et ses amis n'avaient pas assez de voix pour crier : Vive le roi et point de Mazarin ! Le quatrième jour, le duc d'Orléans parut enfin au milieu de ses nouveaux amis ; il déclara lui-même qu'il n'avait contribué que par complaisance à la captivité des princes, qu'il ne voulait plus suivre les sentiments de la reine, qu'il n'irait plus au conseil tant que le cardinal ne serait pas chassé.

Dès lors, tout fut perdu pour Mazarin. La reine, si intimement dévouée aux intérêts de cet homme, rendit inutilement un dernier combat contre le Parlement, comme en présence des barricades, avec la même force et le même dépit. Au moment où les magistrats ; emportés plus loin que Mathieu Molé n'aurait voulu, se préparaient, sous les yeux du duc d'Orléans, à prescrire au roi le choix de ses ministres, elle manda au Palais-Royal le premier président et quelques-uns de ses collègues ; elle leur donna, de vive voix et par écrit, une réfutation du discours prononcé la veille par le coadjuteur, où elle avait ajouté de sa propre main que le coadjuteur avait menti. Cet esprit dangereux, disait-elle, n'est qu'un ambitieux déçu, un criminel qui s'est vanté de mettre le feu aux quatre coins du royaume. Cette pièce, ces paroles, rapportées immédiatement à la Compagnie, redoublèrent l'irritation, bien loin de l'apaiser. Gondi, qui ne tremblait devant aucun adversaire, réfuta la reine du même ton qu'il avait fait les témoins à brevet, vanta ses mérites désintéressés, se compara à des persécutés illustres, fabriquant au besoin des phrases de Cicéron pour se recommander de la gloire des anciens[15]. Le duc d'Orléans repoussa l'avis du premier président qui lui conseillait de retourner auprès de la reine pour s'accommoder à l'amiable, et pressa la Compagnie d'en finir par un arrêt. L'arrêt fut rendu séance tenante ; il portait que la reine serait priée de déclarer l'innocence des princes et d'éloigner le cardinal Mazarin, attendu que le duc d'Orléans ne voulait plus le rencontrer au conseil. Le lendemain (5 février), les gens du roi, Omer Talon en tête, apportèrent à la souveraine cette sommation. L'avocat général, fidèle à son style et à ses doctrines, pour démontrer que les rois devaient travailler au bien de leurs peuples, cita l'exemple du soleil que les Hébreux appelaient un serviteur public, de Justinien révoquant Jean de Cappadoce et Tribonien, de Louis le Débonnaire écartant Bernard, de Philippe II rappelant Granvelle. Il ajouta qu'il n'y avait ici rien à craindre du sort de Lawd et de Strafford, parce que le parlement français aimait la fortune de l'Empire et avait même des inclinations et des tendresses violentes pour la personne de ses princes[16]. Si la citation avait pour but de purger les meneurs de toute assimilation avec Cromwell, il n'eût pas été prudent à Mazarin de s'y fier pour lui-même ; l'assurance pouvait tout aussi bien être prise pour une menace.

Il eut la sagesse de céder. Fléchir au temps à propos, ce n'est fléchir que pour peu de temps. C'était, en outre, dans les circonstances présentes, un coup habile, que de hâter, par le triomphe de ses ennemis, leur propre division. Toutes ces rivalités, réconciliées si vite et accordées contre lui, reprendraient leurs luttes naturelles dès qu'elles ne seraient plus qu'en présence les unes des autres ; elles pourraient même ouvrir plus d'une voie à son retour. Il partit donc spontanément le 6 février, emportant un ordre de la reine pour la délivrance des princes. Il s'arrêta d'abord à Saint-Germain ; il n'avait pas encore absolument renoncé à la résistance ; si la reine pouvait le rejoindre, s'il parvenait à s'établir solidement au Havre, la partie n'était pas perdue ; il se réservait d'essayer les événements. Mais, dès la première étape, il dut comprendre la nécessité de se retirer plus loin. Par cette bravoure commune aux fanfarons et aux émeutiers, on se rua sur l'ennemi qui reculait, on se montra courageux dès qu'on put le faire en toute sécurité. Le Parlement exigea de la reine la promesse de ne plus rappeler son ministre ; un arrêt, renouvelé du temps de la guerre de Paris, lui ordonna à lui-même et à sa famille de vider le royaume de France dans un délai de quinze jours. Sous prétexte que la reine voulait de nouveau emmener le roi hors de Paris, le duc d'Orléans fut pressé de convoquer la garde bourgeoise. Il refusait par un reste de respect pour son souverain, malgré les instances du coadjuteur et de mademoiselle de Chevreuse ; sa femme, Marguerite de Lorraine, signa l'ordre, et aussitôt les compagnies de bourgeois cernèrent le Palais-Royal, se firent montrer le jeune roi endormi pour se bien assurer de sa présence, établirent des corps de garde dans toutes les rues, et pendant plusieurs jours ne laissèrent sortir de la ville aucun carrosse sans le fouiller. La reine était véritablement prisonnière. Mazarin, n'ayant plus à compter, pour le moment, sur aucun appui, se rendit au Havre, et annonça aux princes qu'ils étaient libres. Après un échange dérisoire de bons procédés, les deux ennemis se quittèrent. Pendant que Condé accourait à Paris, Mazarin se dirigeait vers la frontière du Nord.

Le silence, le dédain, sauf quelques feux de joie dans Paris, avait été l'accompagnement de la disgrâce de Condé. La chute de Mazarin, au contraire, souleva de bruyantes démonstrations d'allégresse. Le duc d'Orléans vint au-devant des princes délivrés jusqu'à Saint-Denis : Condé, en le saluant, lui protesta une reconnaissance infinie et un attachement éternel à ses intérêts. Il embrassa le coadjuteur avec des marques d'une forte amitié, et témoigna au duc de Beaufort qu'il lui était obligé. Aux embrassements des princes succéda l'empressement de la population. La presse fut grande dans les rues de Paris pour les voir arriver, et le peuple témoigna beaucoup de joie de leur retour... mais rien n'est comparable à la quantité de monde qui se trouva chez la reine ce même jour, au soir, que tous ensemble ils vinrent la saluer[17].

Paris ayant donné l'exemple, la, province le dépassa bien vite par l'enthousiasme. A Bordeaux, les soldats des compagnies bourgeoises portaient à leurs chapeaux des frondes couvertes de rubans bleus, blancs et isabelle, sans s'apercevoir que cette dernière couleur n'était pas précisément celle du roi. On vit une compagnie de deux cents enfants, dont le chef n'avait pas quatorze ans, jouer à l'expulsion et à l'extermination du ministre. Chacun, sa fronde à la main et une autre en baudrier, faisait des salves à sa mode, dont le claquet était bien agréable. Une autre compagnie de cinquante chasseurs, un veneur en tête, avec un guidon où était écrit : Nous cherchons le Mazarin, demandaient à chaque passant s'il ne l'avait pas vu, déchargeaient leurs pistolets, puis, donnant de l'éperon à leurs chevaux, faisaient mine de pousser leurs montures jusqu'au delà des frontières. A Marseille, les fêtes ne cessèrent pas du 26 février au 6 mars ; il y eut mélange de charité et de folie : distributions aux hôpitaux et aux pauvres, banquets publics, bals, feux de joie, démonstrations belliqueuses, mascarades. C'était une vraie merveille de voir des femmes, vêtues en amazones, tirer le mousquet et manier les armes aussi adroitement que des hommes. Entre les mascarades, la plus curieuse sans doute fut celle de jeunes gens qui se rassemblèrent autour d'un grand feu, puis, dansant et chantant, jetèrent successivement dans les flammes leurs chapeaux, leurs pourpoints, leurs hauts-de-chausses, et ne se réservèrent que leurs chemises pour retourner chez eux[18].

Si les foules s'emportaient à de pareilles extravagances, les particuliers ne furent pas plus raisonnables dans l'expression de leur contentement. Les hommes de lettres tinrent à avoir leur part dans cet assaut de flatterie. Balzac, tout récemment (1619), dans sa célèbre Harangue, avait loué la sagesse de Mazarin. Il voulut figurer parmi les panégyristes de Monsieur le Prince. Il lui adressa une lettre latine, suivie de deux petites pièces en vers latins, l'une sur sa prison, l'autre sur la mort de Madame sa mère ; pour mieux dégager la gloire du triomphateur, il insultait le vaincu ; il appelait Mazarin semivir et imbelle caput. Il ne manqua au concert public qu'une nouvelle palinodie d'Omer Talon. L'avocat général l'avait pourtant préparée, mais il ne la prononça pas. Il l'a au moins insérée dans ses mémoires, et les amis du précieux peuvent y lire encore une comparaison de Mazarin avec Aman, de la reine délivrée d'un ministre perfide avec Assuérus, du retour du prince avec l'aube du jour, des vœux de la France avec le cantique de Débora : Quievitque terra a bello quadraginta annis. Cependant le héros de ces embrassements et de cet enthousiasme avait été le persécuteur des Parisiens, l'accusateur et la victime de Gondi, l'adversaire méprisant des magistrats. Mais il était aujourd'hui le nom même de l'opposition, le plus puissant levier dont elle pût se servir. La conspiration, qui avait besoin de lui, élevait bien haut l'idole nouvelle, afin de se recommander de son importance, jusqu'à ce que, pour un autre besoin commun ou privé, elle la renversât.

 

 

 



[1] Son père venait de mourir. Nous l'appellerons désormais la Rochefoucauld ; c'est sous ce nom qu'il est célèbre, comme auteur des Maximes.

[2] Retz, Mémoires.

[3] Abelly, Vie de saint Vincent de Paul.

[4] Voici les accusations portées, dans cet arrêt, contre l'intendant Foulé : Il avait donné aux gens de guerre la licence de raser, démolir et brûler tout ce qui s'opposait à leurs desseins. Il condamnait, sans pourvoi, ceux qu'il supposait coupables de rébellion envers les gens de guerre. Il prononçait la contrainte, solidairement, pour les tailles, établissait, par défaut, des peines de mort contre dix des principaux habitants de chaque paroisse, sans les nommer dans l'instance ni dans la dispositive. La descente des cloches, le bannissement des curés et autres ecclésiastiques, la proscription des officiers, la confiscation des biens, la vacance ordonnée des offices et bénéfices, les rasements de maisons, étaient les plus communes prononciations. Il ordonnait que les paroisses demeureraient sans culture, condamnait tous les habitants au-dessus de seize ans, au-dessous de soixante, à servir, par force, le roi, le reste de leur vie, dans les galères, et bannissait le reste hors du royaume.

[5] Motteville et Retz s'accordent à constater cette hésitation du Bordelais.

[6] Carnets de Mazarin, juillet 1650.

[7] Mémoires de Gourville.

[8] Mémoires de Mademoiselle.

[9] Mémoires de René Rapin et de Bussy-Rabutin.

[10] Mémoires de Retz.

[11] Mémoires de mademoiselle de Montpensier.

[12] De là la chanson :

J'avons trois points en cette affaire :

Les princes sont le premier point,

Je les honore et les révère

C'est pourquoi je n'en parle point.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J'ai le cœur fait comme la mine,

Et suis tous les beaux sentiments.

C'est pourquoi j' conclus et opine

Comme f'ra Monsieur d'Orléans.

[13] Mémoires de Claude Joly.

[14] L'autorisation pour cette assemblée, sur laquelle nous reviendrons, est du 2 février.

[15] Voici cette phrase dent Retz rit lui-même ; et qui exerça si fort la patience des vérificateurs de citations : In difficillimis reipublicæ temporibus urbem non deserui ; in prosperis nihil de publico delibavi ; in desperatis nihil timui.

[16] Mémoires d'Omer Talon, 1651.

[17] Motteville, témoin oculaire.

[18] Relation extraordinaire de ce qui s'est passé en Provence en faveur de Messieurs les princes.