MANDRIN, CAPITAINE GÉNÉRAL DES CONTREBANDIERS DE FRANCE

QUATRIÈME PARTIE. — LA PRISE ET LA MORT DE MANDRIN

 

XXX. — ROCHEFORT EN NOVALAISE (11 mai 1755).

 

 

En date du 1er avril 1755, le contrôleur général des Finances avait écrit au baron d'Espagnac : Nous préférons — aux dépenses pour les troupes — donner de bonnes et grandes gratifications à ceux qui feraient des captures importantes telle que celle de Mandrin[1].

Le lendemain, il y revenait encore. Il n'était plus d'humeur à solder les mémoires de Fischer pour l'accroissement de sa compagnie. Il voulait des captures importantes et n'épargnerait pas les récompenses. C'est d'ailleurs ce qu'il écrit à Fischer : Vous et vos gens serez contents de moi, quand la besogne le méritera[2].

L'Hospital et La Morlière se mirent à réfléchir sur les moyens d'accomplir cette besogne et de gagner ces récompenses. Vers la fin d'avril, ils crurent avoir trouvé ; mais une incursion de contrebandiers, qui avaient franchi l'Isère le 20 de ce mois, força l'Hospital à se dégarnir et retarda l'exécution des projets médités.

On n'avait pas cru devoir mettre d'Espagnac dans la confidence. Il avait servi comme aide de camp sous les ordres du maréchal de Saxe et l'on craignait qu'il n'eût des préjugés militaires. Le marquis de Ganay, gouverneur d'Autun, se fût montré plus raisonnable. En ce mois d'avril 1755, il offrait au ministre de la guerre d'aller surprendre Mandrin, en Savoie, dans son asile. M. de Ganay, qui était colonel, proposait d'employer à cette expédition une partie de son régiment. Le succès est d'autant plus assuré, écrivait cet homme de guerre, que ces coquins — il s'agit des contrebandiers — se croyant en sûreté dans les États de Savoie, n'y sont pas sur leurs gardes[3]. — Soyez persuadé, Monseigneur, ajoutait le gouverneur d'Autun en s'adressant au ministre de la guerre, qu'on ne parviendra jamais à battre ni à saisir Mandrin en France. Après ce fait d'armes, M. de Ganay espérait être nommé maréchal de camp.

 

Depuis les derniers jours d'avril, on a vu Mandrin s'occuper activement à terminer les préparatifs nécessaires à sa prochaine incursion en France. Il recrute et exerce ses hommes ; il achète des chevaux. Le 4 mai, il était à Carouge, où il recevait livraison de vingt-cinq chevaux ; le 7 mai, à la foire de Rumilly en Savoie, il vendait une jument noire à un marchand de Carpentras, son correspondant en Avignon, nommé Masson[4] ; mais le 8 mai, à la foire de Saint-Félix, il remarquait huit personnes qui le suivaient et l'observaient : des espions de La Morlière, pensa-t-il[5]. Le 9 mai, sur les quatre heures après midi, par une pluie battante, Mandrin et Saint-Pierre le cadet revenaient à leur logis habituel, le château de Rochefort-en-Novalaise, situé à une petite lieue de la frontière française que traçait le Guiers vif. Mandrin boitait, son cheval lui étant tombé sur la jambe[6].

Le Pont-de-Beauvoisin était en rumeur. Le commandant de la place, part de France, M. de la Tour-Gouvernet, que La Morlière et l'Hospital ont eu soin de laisser en dehors de leurs projets, signale au gouverneur du Dauphiné les déplacements de troupes, l'arrivée d'une demi-compagnie de volontaires de Flandre casernés aux Échelles et d'une demi-compagnie de ces mêmes volontaires en quartiers à Saint-Chistophe. Le capitaine Diturbide-Larre, qui commande les argoulets établis au Pont-de-Beauvoisin, va se trouver à la tête d'un effectif important. Le nombre des employés a été également renforcé. M. de la Tour-Gouvernet, dans son rapport, montre les officiers de garde toujours alertes et les patrouilles qui se font toute la nuit. Mais, ajoute-t-il, comme tout est secret pour moi, je ne dis rien et ne réponds de rien[7].

La Morlière fut instruit de l'arrivée de Mandrin au château de Rochefort par une dénonciation émanant d'un ecclésiastique, de qui le nom est demeuré inconnu. On tient directement le détail de La Morlière, qui en écrit au ministre de la guerre. Il lui transcrit même une phrase de la lettre que l'ecclésiastique lui a adressée :

Prenez garde à ce point : la femme fermière du château est l'amie de Mandrin et doit avoir son argent. Surtout, ne laissez sortir personne : les domestiques vous instruiront de tout[8].

La légende d'après laquelle Mandrin aurait été trahi par une dame de château, sa maîtresse, qui l'aurait livré une nuit où il la serait venu voir, ne repose donc sur aucun fondement ; mais on en voit ici l'origine.

La femme, de qui parle l'ecclésiastique, était-elle la mat-tresse du contrebandier ?

Son mari, Antoine Perrety, était fermier du château de Rochefort-en-Novalaise, lequel appartenait à M. de Piolenc de Thoury, président au parlement du Dauphiné, fils du Premier Président et gendre du marquis des Champs de Chaumont. M. de Thoury possédait le château du chef de sa femme, Jeanne de Chaumont[9]. De son nom de jeune fille, Mme Perrety se nommait Jeanne-Marguerite Roybet, fille de Gaspard Roybet, bourgeois de Chambéry, et de sa femme, Suzanne Favet. Elle était née à Gerbaix-en-Novalaise, le 15 avril 1718. Ses parrain et marraine avaient été des parents, car ils portaient le même nom : Roybet ; la marraine, fille d'un avocat, et le parrain, lui-même avocat au Sénat de Savoie et assesseur du juge-mage de la province. Jeanne Roybet était donc de bonne bourgeoisie[10]. En cette année 1755, elle avait ainsi trente-sept ans. Mandrin en avait trente. De cette différence d'âge on ne peut rien conclure. Sur quoi reposait l'insinuation du délateur ? On ne sait. Toujours est-il que La Morlière l'adopta avec empressement, pour des raisons qui se trouveront plus loin.

Dans la nuit du 10 au 11 mai 1755, sur les onze heures[11], une troupe composée de cinq cents hommes environ, pour la plupart des argoulets de La Morlière et pour une partie des employés des Fermes, se rassemblèrent sur la rive française du Guiers vif. C'était à une demi-lieue en aval du Pont-de-Beauvoisin, au lieu dit le Pilon, à la hauteur d'Avaux, côté France — paroisse de Romagnieu —, vis-à-vis du château de Beauregard, côté Savoie, à un endroit où le Guiers vif est guéable et que l'on nommait la Rive.

La Morlière accompagna ses hommes jusqu'à ce point, et dirigea le passage ; mais il crut prudent de ne pas s'aventurer au delà du cours d'eau, jusqu'en Savoie[12].

Il abandonna la conduite de la troupe au capitaine Diturbide-Larve qui avait commandé l'expédition de La Sauvetat. Diturbide était secondé par un groupe d'officiers des volontaires de Flandre, tous déguisés : M. de Campagnac, capitaine d'infanterie, le chevalier de La Morlière, neveu du colonel, Joseph Duverger, lieutenant de cavalerie, M. Durand, enseigne, l'aide-major Saint-Amour et le maréchal des logis Chavars. Les employés, au nombre de quatre-vingt-dix, étaient commandés par les capitaines de brigade Fournier, Marchand, Moulin et Francheville. Fournier avait remplacé, avec le titre de contrôleur par intérim, Le Roux de La Motte, tué au pré Saint-Martin[13].

Sur les bords du Guiers, les berges se redressent en escarpements rocailleux, plus élevés sur la rive de Savoie. Pour se faire son lit, la rivière les a comme tranchées : et l'on y distingue les couches parallèles de sable ou de terres comprimées et de roche aux teintes différentes, comme dans certains gâteaux à mille feuilles les couches superposées de sucre et de pâtisserie. Mais au point où les La Morlière se sont arrêtés, les bords descendent en pente douce. De larges bancs de pierres plates et rondes, rocs que les eaux ont limés, permettent en cet endroit de guéer le cours d'eau. Sur les rives, des touffes de chênes, d'acacias, de saules argentins. Du côté français, Romagnieu, sur une motte, domine le gué. Par delà le cours d'eau, en Savoie, on aperçoit au loin le château de Rochefort sur sa colline ronde et pointue. Il détache ses trois tours carrées sur le massif de la Chartreuse, qui tend l'horizon de murailles formidables, grises dans l'éloignement, où les ruines du château de Montbel, dressées sur l'un des premiers sommets et dominant le château de Rochefort, semblent une aire abandonnée. Et plus haut encore et plus loin, la crête du massif, où des nuages se sont écroulés.

Dans cette nuit du samedi 40 au dimanche il, le ciel est resté couvert[14].

Les soldats se sont arrêtés et, sur un signe des chefs, la plupart d'entre eux ont retiré leurs vestes écarlates, les vestes rouges des La Morlière, bien connues dans le pays. En un tas, ils ont jeté leurs bonnets noirs, bordés de laine blanche.

Les effets sont cachés dans les vergnes, au bord de l'eau. D'ailleurs une partie en est emportée par un paysan de Romagnieu, Sébastien Chapuisat, qui, pour les aller mettre â l'abri chez lui, fait plusieurs voyages, vestes et bonnets empilés sur ses bras jusque par dessus sa tête[15]. Les argoulets se sont coiffés pour la plupart de mouchoirs, les uns blancs, les autres de couleur, qu'ils se sont noués en manière de bonnets. Beaucoup d'entre eux se sont noirci le visage avec du charbon, d'autres se sont mis des gazes sur la figure[16].

Le plus grand nombre des argoulets sont donc en petite veste blanche, mais quelques-uns ont eu l'imprudence de conserver les bonnets de police qu'ils ont dans leurs quartiers, quand ils sont en petite tenue. Ils ont gardé aussi leurs havresacs, qui leur seront utiles, comme on verra. Les employés des Fermes sont en justaucorps ; mais quelques-uns ont gardé leur veste verte. Enfin tous ont leur fusil de munition, le fusil uniforme[17].

Les argoulets ont rencontré les nommés Trafil père et fils, paysans du bourg de Romagnieu. Ils les contraignent à leur montrer exactement le gué et à traverser la rivière devant eux.

 

Dans la nuit, les cinq cents hommes conduits par le capitaine Diturbide passent la rivière, en désordre, troupe bariolée, sinistre, silencieuse. Sur la rive de Savoie, la frontière n'est gardée que par l'écu de la maison de Sardaigne ; les argoulets en sont quittes pour lui tirer leur révérence. Ils prennent la vallée du Paluel, en laissant sur leur droite le torrent qui les sépare des collines boisées où saillent, d'une masse de verdure, les tours coiffées en champignon du château de Belmont. Ils vont devant eux, à travers champs, marchant sur le château de Rochefort. Le lendemain, on suivait exactement leurs traces au ravage fait dans les blés qu'ils avaient couchés sous leurs pas, dans les magnifiques nappes de blé vert qui s'étendaient, en se modelant aux mouvements du terrain, depuis Romagnieu jusqu'à Rochefort, sur une lieue de distance[18].

Ils suivent le vallon que dominent des hauteurs boisées, ils laissent sur leur droite Avressieux, avec son château à mi-côte.

Les argoulets marchent en ligne droite sur le château de Rochefort, dressé sur le coteau, parmi les vignes en foule, où se mêlent des plants de tabac.

Du milieu des pampres émergent les vieux murs de défense, percés de place en place par de longs et minces trous carrés, pour l'écoulement des eaux contenues dans les terres que le château enserre de ses fondations. Entre les grosses pierres, mal équarries, dont sont-formés les murs massifs, la mousse, clos touffes de bignones et de bouillon blanc out jeté leurs racines. Les toitures du d'alcali sont en tuiles. Elles détachent leur couleur rouge, aux teintes diverses, sur la masse verdoyante des noyers touffus, qui s'alignent et se pressent par derrière, comme pour abriter la demeure contre les vents froids de la montagne.

De la terrasse, le regard a un horizon lointain vers l'Occident, où se découvrent, d'une part la vallée du Paluel, vers la France Avressieux, Belmont, Romagnieu ; de l'autre, la vallée de Saint-Genix-d'Aoste. Ainsi, vers le couchant, la vue s'étend jusqu'à la frontière française, et, au delà, elle embrasse une distance de plus de deux lieues. Au Nord et à l'Est, c'est la puissante muraille de granit qui soutient le massif de la Chartreuse, taillée à pic, dont le château de Rochefort, du haut de sa motte, est séparé par un vallon qui lui fait un large fossé naturel.

Le village de Rochefort est construit dans le voisinage sur un autre mamelon moins élevé.

L'entrée du château est sur le derrière, pour qui arrive des bords du Guiers.

On accède à la résidence par une somptueuse allée de noyers, qui conduit à une vaste cour extérieure, manière de verger bien abrité où les cerisiers effeuillaient leurs fleurs blanches, sur le gazon terreux. Tout autour ce sont les communs : les écuries, une grange couverte d'une toiture en appentis, mais les côtés ouverts à l'air ; des bûchers, un puits à auge taillée dans un bloc de granit, où le bétail vient boire par-dessus l'épaisse margelle ronde.

La façade du château se compose d'un corps de bâtiment, percé au milieu d'une porte charretière, basse, en plein cintre, et flanqué, sur les deux côtés, en manière d'ailes, de deux tours carrées, massives, trapues ; dans celle de gauche, la chapelle ; dans celle de droite, le logis occupé par Mandrin.

Cette entrée est défendue par une grille en fer forgé, qui forme porte à claire-voie, fermée à l'intérieur d'utile lourde poutre de bois, que l'on fait mouvoir en l'enfonçant dans un trou pratiqué dans l'épaisseur du mur. A droite et à gauche de cette entrée, de petites fenêtres à grilles de fer, fermées intérieurement d'un volet de bois plein. Celle de droite éclaire une chambre, à ras de terre, où loge Joseph Veyret, un jeune jardinier, qui sert aussi de concierge au château.

Après avoir ouvert la grille de fer, on passe une voûte sous le corps de bâtiment, et l'on s'introduit dans la cour intérieure.

Cette seconde cour, carrée, est entourée de constructions. Dans l'angle des murs, à droite en entrant, un degré de pierre mène jusqu'au premier étage à un palier extérieur sur lequel s'ouvrent deux portes, la première à droite, donnant accès dans les pièces aménagées sur la façade — par là on arrive à la chambre de Mandrin — ; la seconde s'ouvre sur les chambres où logent le fermier et sa famille, occupant le premier étage du bâtiment qui, en se repliant à angle d'équerre, ferme la cour sur la droite. Le degré de pierre s'abrite sous une toiture en auvent, couverte de tuiles, Sous le degré, à niveau du sol, l'entrée de la cave.

En pénétrant dans la cour, on voit, face à soi, le bâtiment qui sert d'habitation aux seigneurs du domaine : sept ou huit marches conduisent à une grande porte à deux battants, aux panneaux de noyer, encadrée de fins pilastres que surmontent de petites urnes rondes sculptées en haut-relief dans la pierre. Chambranles et linteau ont conservé leurs nervures du XVe siècle ; au-dessus, dans une niche, une Vierge en pierre sculptée de la même époque, dont les pluies ont usé les contours. Les fenêtres à fins meneaux sont également du xv° siècle.

Sur la gauche, en entrant, dans la tour d'angle, la chapelle. Plus loin, le puits de forme ronde, où l'on a adapté une pompe qui remplit l'auge carrée, taillée dans un quartier de roc ; derrière le puits, le mur très bas, percé d'une porte qui donne accès au jardin en terrasse — d'où l'on domine la vallée du Paluel, — et, du jardin, au potager.

L'ensemble des constructions, où des parties plus anciennes sont demeurées encastrées, date du XVIIe siècle.

C'est une motte fortifiée : au temps jadis, résidence seigneuriale, militaire et agricole d'un baron laboureur, où, dans la vaste cour, en cas d'alarme sur la frontière, se réfugiaient les paysans. Et, de fait, défendu au Nord et à l'Est par le massif de la Chartreuse, le château offrait, du côté du Sud et de l'Ouest, un nid admirable pour surveiller l'ennemi.

De là, les Mandrins auraient pu voir les argoulets se rassembler sur les bords du Guiers, passer la rivière, et monter jusqu'à eux, par la vallée du Paluel, en glissant parmi les blés. Mais ils dormaient sans méfiance, sur la foi des traités, confiants en la sauvegarde que leur offrait la couronne de Savoie.

 

Gapians et soldats de La Morlière arrivèrent au château sur les trois heures (lu matin[19]. Ils passèrent par la grande allée de noyers et remplirent la cour extérieure. Ils firent un terrible vacarme à la porte grillée et aux fenêtres qui .la flanquaient à droite et à gauche et dont les volets de bois plein furent enfoncés par eux. Le jeune jardinier, Joseph Veyret, se leva tout de suite et accourut pour ouvrir. Et la masse des argoulets s'engouffra sous la voûte.

Veyret est bousculé, d'un grand coup de sabre sur la tête il est jeté à terre, couvert de sang[20], et la bande furieuse se répand avec des cris dans la cour intérieure. Au bout de leurs fusils, les argoulets ont leurs baïonnettes. On a relevé le jeune jardinier et rudement on le secoue. Un autre domestique, qui est accouru au bruit, est houspillé de même. Il s'agit de dire où est Mandrin.

Il est parti, déclarent les domestiques. Des coups de poing, des coups de plat de sabre, des coups de crosse et des coups de pied, leur redressent la mémoire. Il a fallu sérieusement les caresser, écrit La Morlière[21]. L'un de ces malheureux en eut le bras cassé. Enfin, ils indiquent dans le coin de la cour à droite le degré de pierre[22].

Eveillé par le bruit, Mandrin n'a vu les argoulets qu'au moment où ils pénétraient dans la cour intérieure. Il n'a auprès de lui qu'un seul de ses compagnons, Saint-Pierre le cadet, qui couche avec lui dans la chambre de la tour du coin. Toute résistance serait vaine.

Sur l'indication des domestiques, une bande d'argoulets s'est élancée vers le degré de pierre. Les deux portes du palier sont enfoncées à coups de crosse : les uns se précipitent dans l'appartement où se trouve Mandrin ; les autres dans celui où couchent le fermier Perrety et sa femme. Pour arriver à la chambre de Mandrin, on traverse une grande pièce, longue et haute. Trois fenêtres, face à l'entrée, donnent sur la cour extérieure. Elles sont étroites, hautes, à petits croisillons blancs. Elles ont des volets en bois naturel. En les ouvrant, on a devant soi le rideau brillant des noyers séculaires, et plus loin, plus haut, le massif de la Chartreuse. Trois autres fenêtres, qui leur font vis-à-vis, donnent sur la cour intérieure.

La chambre où Mandrin couchait avec Saint-Pierre est conservée telle qu'elle était en 1753 : une large pièce carrée, blanchie à la chaux, mesurant six mètres sur chaque côté et cinq mètres de haut. Les solives du plafond sont apparentes, soutenues par une énorme poutre transversale ; elles sont peintes, elles aussi, à la chaux blanche. Par la fenêtre, à la baie profonde, haute et étroite, à croisillons blancs, fermée par une espagnolette en fer, on découvre la Chartreuse et, sur la première cime, les ruines de Montbel. Deux portes en bois naturel, dont l'une, par laquelle se précipitent les argoulets, à droite de la fenêtre, fait communiquer la chambre de Mandrin avec la grande pièce qui vient d'être décrite, et dont l'autre, percée dans le mur face à la fenêtre, donne accès dans l'appartement occupé par le fermier Perrety.

Mandrin et Saint-Pierre sont saisis avant qu'ils aient pu se retourner[23]. On les garrotte et, sans qu'on leur permette même de se vêtir, de passer leurs culottes, on les transporte sur des charrettes tenues prêtes à cet effet.

Argoulets de La Morlière et commis des Fermes se conduisirent au château de Rochefort comme des sauvages. Ils se précipitent dans la chambre du fermier Perrety qu'ils accablent de coups ; ils le frappent sur la tête avec un bâton ; et, sur la poitrine, dans les reins, ils lui donnent des coups de crosse. Perrety en a un œil poché et, de son front, le sang lui coule sur les joues. C'est à peine si sa femme, Jeanne-Marguerite, a eu le temps de passer un jupon. Elle paraît, n'ayant sur la poitrine que sa chemise, les bras nus, les cheveux défaits. L'un des argoulets lui arrache du cou une petite croix et sa chaîne en or, qui valaient trente-six livres. Elle en a la nuque marquée d'une ligne sanglante. Un autre lui passe les mains sous son jupon pour lui ôter ses jarretières neuves, du prix de vingt-quatre sols. Un troisième lui enlève des pieds ses chaussures à boucles d'argent, et un autre lui retire de la gorge son mouchoir d'indienne. Un gapian prend à Jeanne-Marguerite, dans la poche de son jupon, deux écus de France. La dame est mise au net. Elle proteste, crie, se débat. Les soldats, en manière de caresses, lui appliquent rudement leurs mains sur les épaules, sur la gorge nue, sur la figure. Dans la chambre, on lui prend tout l'argent qu'elle possède, une centaine de louis d'or qu'elle avait mis sous son prie-Dieu de bois-noyer. On prend au fermier l'argent qu'il avait en réserve pour deux termes de son bail, quarante-sept louis d'or au dernier coin de France et un petit sac à procès rempli de doubles louis neufs que Mandrin lui avait confié[24]. Sur place, le capitaine Diturbide-Larre répartit cet argent entre ses hommes. Et comme le malheureux Perrety protestait, Diturbide commande de lui tirer un coup de fusil qui le manque heureusement, niais la frayeur qu'il en a le fait du moins tenir tranquille[25].

La servante, Anne Demeure, n'est pas épargnée non plus que sa maîtresse. On la lutine avec des plaisanteries de goujat. On lui prend neuf livres, sur elle, dans sa poche.

Argoulets et gapians enlèvent du château tout ce qu'ils peuvent. Ce qui ne peut être emporté est saccagé et détruit. Toutes les armoires sont enfoncées, les coffres fracassés, les bahuts brisés, les huches éventrées. On faisait sauter les serrures à coups de talons de crosse.

Au fermier, soldats et commis prirent tous ses effets, justaucorps, culottes de drap et culottes de finette, culottes doublées de peau, guêtres, bas de coton, souliers, chapeaux, manteau ; ils lui prirent ses armes, ses selles ; à la servante, Anne Demeure, ils volèrent ses chemises, ses mouchoirs de soie rouge et bleue, ses mouchoirs d'indienne, et son jupon d'une petite étoffe, dite raze ; au pauvre jardinier, qu'ils ont à moitié assommé, les gapians prennent son couteau et la serpette dont il se servait pour tailler les arbres. Ils enfoncent les coffres de bois de supin où les valets d'écurie, François Berthet et Claude Planche, avaient rangé leurs effets. Les vestes de ratine brune et de ratine cannelle y sont butinées, ainsi que le linge et l'argent qui s'y trouve : maigres économies que les deux domestiques avaient réalisées sur leurs gages. Claude Planche, pour avoir fait la mauvaise tête, est garrotté et jeté sur la charrette avec Mandrin et Saint-Pierre. Et la charrette part pour la frontière de France, escortée d'une partie seulement de nos conquérants, car le reste demeure à parfaire le pillage du château et à vider la cave.

A vrai dire, ce fut ici un régal. Le Président de Thoury en écrit au commandeur de Sinsan, gouverneur de Savoie, pour le roi de Sardaigne :

L'excellence de la cave m'avait engagé à y faire porter de Grenoble mes meilleurs et plus anciens vins, et j'y en envoyais prendre, à mesure que j'en avais besoin. Ces vins sont sans doute un objet que je regrette, car je les destinais à être bus par d'honnêtes gens[26].

Ce dernier mot est dur, écrit par un magistrat français à un fonctionnaire étranger, au sujet des déprédations commises par des Français en terre étrangère.

Au reste, on comprend l'irritation de M. de Thoury en lisant la liste des flacons vidés par les argoulets :

Soixante bouteilles de liqueurs de Paris, de Lunéville, de la Côte-Saint-André et de Montpellier extrêmement vieilles ; cent bouteilles de Beaujolais, vieux de quatre ans ; cent cinquante bouteilles de vieux vins de Chypre et d'Espagne ; dix-huit grandes bouteilles de vin du Cap et un tonneau de vin ordinaire. Gapians et argoulets dévorèrent tout le salé et tout le pain qu'il y avait dans la maison et plusieurs sacs de noix.

Les portes en bois de noyer qui donnaient accès au bâtiment du fond de la cour, où le seigneur de Thoury faisait sa résidence, avaient été enfoncées dès le premier moment, et l'on avait vu sortir, pour être empilés sur des charrettes ou fourrés dans les havresacs, ou ficelés en des ballots dont gapians et argoulets se chargèrent en porte-col : i6 paires de drap, 82 nappes de table, huit douzaines de serviettes, des tentures, des tapisseries, des garnitures de lit, des couvertures de soie ou en toile blanche piquée, des tapis de Turquie, des matelas, des paillasses, toute une batterie de cuisine, un service d'argenterie, cuillers, fourchettes, huiliers, écuelles, sucrier, cafetières ; des armes de chasse, des gibecières, des plats et des assiettes d'étain, des miroirs de toilette, des salières de cristal, douze chandeliers d'argent, des tableaux de médiocre prix pour des dessus de porte et de cheminée, et toute la garde-robe de M. de Piolenc. Les représentants de l'autorité allèrent jusqu'à mettre au pillage les archives du château et à s'emparer d'un certain nombre de vieilles gravures qu'ils répandirent ensuite dans les champs, ces images ne présentant pas à leurs yeux un intérêt suffisant. Ce qui ne put être emporté, lits, fauteuils, chaises et canapés, fut mis en pièces. Les carreaux des fenêtres sautaient en éclats ; cependant qu'un certain nombre de soldats ne cessaient de tirer des coups de fusil tout autour du château, et particulièrement dans le galetas qui était au-dessus de la chambre de Mandrin, où il y avait quantité de sarments, dans le dessein d'y mettre le feu, déclare le fermier Perrety, et d'embraser tout le château, ce à quoi ils n'ont heureusement pas réussi[27].

Ce détail fut répandu par le fermier, et de là, sans doute, la légende d'après laquelle Mandrin se serait caché sous des bottes de hoques et de sarments, et aurait été trahi par le bout de ses jambes sortant du tas[28].

Je me mis donc à l'ombrage,

A l'ombrage d'un fagot ;

Mes pieds passaient un peu trop ;

Cela donnait à connaître

A celui qui me cherchait,

Sans trop savoir où j'étais[29].

Une partie des argoulets et des gapians ne s'étaient pas rendus tout d'abord au château de Rochefort, mais chez le curé du lieu, révérend Antoine de Galifet, que l'on savait ami de Mandrin. Ils étaient arrivés, eux aussi, en forcenés et avaient trouvé le curé dans sa cour, où, levé avant l'aube, il disait son bréviaire. Ces furieux réclamaient Mandrin. Ils se précipitent dans les chambres en demandant du clair pour aller fouiller partout.

Plusieurs des argoulets poussèrent ainsi leurs recherches jusque dans l'église, où ils cherchèrent sous tous les bancs ; d'autres dans la grange qui était remplie de foin ; et comme le curé les y avait suivis, craignant qu'ils n'y missent le feu avec leurs chandelles, le chef de la bande lui répondit rondement :

Je me f... de toi et je m'embarrasse peu que ton presbytère soit brûlé.

Enfin, un certain nombre cherchèrent Mandrin dans la cave où ils ne le trouvèrent pas davantage, mais du vin et du fruit dont ils se consolèrent abondamment. Puis, tous ensemble, rejoignirent leurs camarades au château, sur la hauteur, où on les entendait dans la nuit tirer des coups de fusil[30].

 

Aux premières lueurs de l'aurore, les pointes des Alpes blanchissaient, quand nos héros, avec leur proie et leur butin, reprirent le chemin de France. Ils redescendirent dans la vallée du Paluel, et arrivèrent à Avressieux.

Il était six heures du matin. Le maitre d'école, Daniel Bernard, Dauphinois d'origine, était dans sa cour, quand il vit arriver, à travers prés, cette bande aux costumes étranges et divers, les visages noircis ou couverts de gaze, les épaules chargées de paquets, presque tous armés de fusils, la baïonnette au bout du canon. Les argoulets se dirigèrent droit vers sa maison, où une quinzaine d'entre eux pénétrèrent et se mirent à fouiller partout. Ils y découvrirent une carotte de tabac pesant environ deux livres. On n'était pas en France et les Fermes n'avaient rien à y voir. Cette carotte ne lui en fut pas moins imputée à crime, ce qui fut un motif à piller sa maison. On prit au maître d'école ses habits, ses vestes, ses chapeaux ; lui-même on le lia et on l'emmena de force. De gais lurons, qui allaient derrière lui, de temps à autre lui donnaient des coups de pied, pour rire et pour le faire marcher plus vite. Après qu'on eût, fait quatre cents pas de cette façon, l'un de ceux qui commandaient demanda :

N'est-ce pas le maître d'école Bernard ?

Et, sur la réponse affirmative :

Pourquoi ne l'avez-vous pas tué ?

Rien de plus facile.

Et trois ou quatre argoulets de larder le malheureux de leurs baïonnettes, après quoi la bande continua sa route en le laissant pour mort. Le maître d'école resta étendu sur le milieu du chemin, où son sang coulait par dix blessures. Le sénateur Dichat, du Sénat de Savoie, qui vint pour entendre sa déposition quelques jours plus tard, recueillit ses paroles au pied de son lit[31].

Poursuivant leur route, en descendant par Sainte-Colombe et Joudain, vers Saint-Genix-d'Aoste, nos braves virent quelques paysans réunis devant une grange. Ils leurs tirèrent des coups de fusil dont le fermier du comte de Mellarède, seigneur d'Avressieux, fut grièvement blessé[32].

Ils approchent ainsi de Saint-Genix-d'Aoste. Mandrin, Saint-Pierre et le domestique Claude Planche sont toujours sur leur charrette, Mandrin les jambes nues, n'ayant pour tout vêtement que sa chemise et sa veste. Ils sont tous trois ficelés comme des saucisses, liés dans toute la longueur du corps[33], ce qui fait que, la voiture allant cahin-caha, ils peuvent à peine se tenir debout.

En passant, les argoulets mettent en joue tous les paysans qu'ils aperçoivent, afin de leur faire prendre la fuite[34].

La troupe arrive ainsi à Saint-Genix-d'Aoste, part de Savoie. En un clin d'œil, tout le bourg est en rumeur, d'autant que c'était le moment, dimanche matin, sur les sept heures, où les gens sortaient de la première messe[35].

Les La Morlière passent brillamment en tirant des coups de fusil à droite et à gauche, tuant ou blessant n'importe qui. Ils criaient : Tue ! tue ! tue !, une manœuvre empruntée aux Mandrins, mais les Mandrins, eux, n'avaient en pareille circonstance jamais tué ni blessé personne. Jean-Baptiste Berthier a la jambe gauche fracassée. Quelques jours après, on dut lui en faire l'amputation. L'aubergiste Antoine Sales, dit Salomon, est assassiné dans la rue, près de sa maison. Le malheureux tomba le ventre contre terre. Claude Chevalier, maréchal à Saint-Genix, se précipita pour lui porter secours, et l'entendit murmurer encore :

Ah ! mon Dieu, je suis mort !

Et Sales expira.

Cependant les deux gépians qui avaient fait le coup, les nommés Regard et Cochet, dansaient autour du cadavre eu chantant :

Dors ! dors ! dors, mon vieux ![36]

Plusieurs des témoins entendus par les soins du Sénat de Savoie parlèrent ainsi :

Sales, dit Salomon, était un très honnête homme, obligeant tout le monde. Il est même notoire qu'il a fait plaisir à l'un des Regard pendant que celui-ci a demeuré à Saint-Genix. Ils allaient souvent à la chasse et buvaient ensemble. Regard fit cela parce que Sales avait donné un coup de pied à l'un de ses frères, il y a trois ans[37].

Quand Mandrin avait tué le brigadier des Fermes, Sigismond Moret, pour venger son frère livré au bourreau, il n'avait du moins pas dansé autour du cadavre.

Antoine Guinet, dit Campillon, charpentier, est blessé d'un autre coup de feu, qui lui perce le bras de part en part ; François Perret, tranquillement assis à son huis, est frappé d'un coup de baïonnette.

Nombre de braves gens se réfugièrent dans l'intérieur de l'église, croyant y être en sûreté. Mais les soldats s'y précipitent avec violence. Ce ne sont que coups de crosse et de plats de sabre, les femmes sont frappées à coups de pied. Plusieurs bourgeois de Saint-Genix furent ainsi blessés dans l'église où ils répandirent beaucoup de sang[38]. Des forcenés abordèrent un certain Ginard, dit Favre, de la paroisse de Buvin en Dauphiné, bourrelier de son état. Le bonhomme était appuyé à la table de communion. L'un des gapians lui cria :

Sors ! bougre, il faut que je te tue !

Le malheureux fut pris par les cheveux et traîné sur le parvis jusqu'au seuil de l'église, ou trois argoulets embusqués le tuèrent à coups de fusil[39].

Ces derniers faits sont connus par le rapport, après enquête, du Sénat de Savoie, car le curé du lieu ne vit pas grand'chose.

Révérend Joseph Vianney, curé de Saint-Genix-d'Aoste, un grand ami de Mandrin, — qui parlera de lui peu avant sa mort, avec une vive tendresse — était donc dans sa sacristie, se préparant à dire la messe, quand il entendit tout ce bruit : Je regardai, dit-il, par la porte de la sacristie, d'où l'on peut voir par une ouverture qui est au retable du maitre-autel, ce qui se passe dans l'église. Mais quand il vit ces hommes armés de fusils et tout en fureur et qu'ils s'avançaient du côté de l'autel, il jugea à propos de fermer la porte de la sacristie[40].

D'autres La Morlière se rendaient pendant ce temps à la maison où demeuraient Pierre Tourant et Fr. Gaussin, son beau-fils, deux contrebandiers très connus, surnommés Nîmes, du lieu d'origine de Pierre Tourant. Gaussin était dans son lit, malade. Deux pointes de baïonnettes le tirent se lever. Les deux Nîmes furent saisis, liés, garrottés et adjoints à Mandrin, à Saint-Pierre et à Claude Planche sur leur charrette[41]. Nous sommes toujours en territoire italien.

Argoulets et gapians poursuivaient leur route à travers Saint-Genix, pillant de droite et de gauche les magasins. En passant ils prenaient aux hommes leurs chapeaux de dessus la tète, aux femmes, ils arrachaient les menus bijoux de village, dont elles s'étaient parées pour l'office du dimanche, et les peignes de métal quelles portaient dans les cheveux. Ils tiraient aux passants leurs bourses de leurs poches. Dans les boutiques, ils enlevèrent de-ci, de-là, des livres, des fusils, des jambons, des rasoirs. Ils dévalisèrent entièrement le magasin d'un chirurgien[42].

Marguerite Verd, une fille de vingt-deux ans, raconte comment fut pillée la boutique de son père.

C'étaient des soldats de La Morlière. Ils s'étaient déguisés, s'étant presque tous noirci le visage afin de n'être pas reconnus, quelques-uns s'étant mis des gazes sur la figure. Après que tout fut volé, l'un de cette troupe, ayant une veste rouge et un habit gris blanc, bien frisé et poudré, et ayant l'air d'un officier, que je ne connais pas, étant à la porte de cette boutique, dit à ces pillards :

Est-ce ainsi, bougres qu'on pille les marchands ?

Mais nous n'en fûmes pas moins volés ; ajoute tristement la pauvre fille[43].

Le magasin de la dame Aubert, garni d'étoffes, et plus particulièrement d'indiennes, fut entièrement vidé[44].

Jacques Bejuy, laboureur, ses deux fils Pierre et Claude, et la femme de ce dernier, étaient partis de la Tour-du-Pin à trois heures du matin, pour rendre un vœu à Notre-Dame de Pagnieu, dont la chapelle était éloignée d'environ quatre cents pas de Saint-Genix. Au moment où, entre sept et huit heures du matin, ils passaient le pont et s'acheminaient vers la route qui menait à ladite chapelle, ils rencontrèrent les La Morlière, hérissés de butin. Bejuy et ses enfants sont de bonnes gens, des Français, qui vont en pèlerinage. Les argoulets les bousculent, les rouent de coups ; ils leur enlèvent leurs chapeaux de la tète, ils leur prennent leur argent dans la poche ; Jacques Bejuy a les côtes enfoncées d'un coup de crosse, et son fils Pierre a le bras percé d'une baïonnette.

L'expédition se fit en un tel tumulte que, le lendemain, on trouva, tant au château de Rochefort que dans les blés où les La Morlière avaient passé, et sur les bords du Guiers vif, quantité de bonnets, de chapeaux, de baïonnettes et de fourreaux, dont ils avaient semé leur route. On eût dit un champ de bataille, mais sans morts ni blessés, abandonné par des soldats en déroute[45].

La troupe revint donc par le pont de Saint-Genix sur les huit heures du matin. Les premiers rangs entouraient la charrette où Mandrin, Saint-Pierre le cadet, les deux Nîmes et Claude Planche étaient ligotés.

 

Après avoir traversé le pont, les La Morlière arrivèrent au second bras du Guiers, — car, en cet endroit, la rivière se sépare en deux bras qui se rejoignent un peu plus bas, enserrant une petite île.

Le second bras du Guiers se passait par un bac, que faisaient manœuvrer Joseph et Laurent Pécher père et fils, de Saint-Genix, part de Savoie[46].

Le fils, Laurent, était à son poste. Il passa un premier groupe de soldats, une quinzaine, armés de leurs fusils, baïonnette au canon, entourant Mandrin, qui avait son mauvais habit et les jambes nues[47]. Il était toujours noué avec de ; cordes. Pécher fit ce premier passage, puis revint sur la rive de Savoie pour en faire un second. Cette fois ce fut Saint-Pierre qu'on transborda de la sorte, également entouré d'une quinzaine de fusiliers. Puis le batelier passa successivement Claude Planche et les deux Nîmes. Les soldats étaient pour la plupart en veste blanche d'uniforme, ils avaient le visage, les uns noirci au charbon, les autres couvert de gaze, quelques-uns portaient leurs bonnets de petite tenue, d'autres s'étaient noué des mouchoirs rouges ou bleus autour de la tète, d'autres avaient la tête nue ; tous avaient les poches, le devant de leurs vestes, leurs havresacs bourrés d'objets pillés, que plusieurs portaient ficelés en ballots. C'étaient particulièrement des pièces d'indienne. Il y en avait aussi qui portaient du jambon, du lard et des canards qui poussaient des cris en se débattant, et d'autres choses, dit le jeune Pécher, auxquelles je n'ai pas bien pu faire attention[48].

Péclier fit ainsi quinze ou vingt passages. Son bateau était fixé par une corde à un anneau qui glissait sur une autre corde tendue d'une rive à l'autre. La dernière traversée comprit vingt-cinq hommes. Le batelier saisit la conversation de deux argoulets qui se vantaient, l'un, d'avoir tiré Ginard hors de l'église de Saint-Genix, l'autre, de l'avoir tué à coups de fusil. Les frères Regard, des gapians, qui avaient tué Antoine Sales l'aubergiste, étaient accompagnés de leur sœur, une fille de France. Elle était venue le matin à Saint-Genix. Quand on fut sur la rive de France, l'un des Regard lui mit quantité d'indiennes dans son tablier qu'elle emporta en s'en allant du côté de Saint-Didier[49].

Péclier estime qu'il passa ainsi trois cents hommes environ. D'autres, pendant ce temps, guéaient la rivière, ayant de l'eau un peu au-dessus des cuisses.

Sur la rive de France, quatre officiers les firent ranger. C'étaient des officiers de La Morlière, dit le batelier, mais je ne sais pas leurs noms. Je n'ai même pas pu voir leurs habits, parce qu'ils avaient tous quatre sur le corps une redingote de drap ordinaire qui les couvrait.

La Morlière lui-même avait attendu ses hommes sur le bord du fleuve, avec impatience.

Il dévisagea Mandrin.

Vous tenez Mandrin, lui dit celui-ci. Vous ne tenez pas son successeur[50].

Mandrin n'était d'ailleurs pas abattu. Au capitaine Diturbide et aux autres officiers, qui ne pouvaient s'empêcher, en soldats, de lui témoigner de la sympathie, et qui lui disaient : Eh bien, Mandrin, voilà le fruit de ton imprudence ![51] il répondait avec entrain et bonne humeur, avec cette borine humeur qui ne l'avait quitté qu'un moment, quand, après le combat de Gueunand, il avait entrevu l'impossibilité de l'œuvre qu'il avait entreprise.

Ayant terminé sa tâche, qui lui avait pris cieux heures, Laurent Péclier demanda à être payé.

Ayant voulu demander mon paiement, dit le jeune homme, l'un de ces hommes armés m'enjoua avec son fusil, et menaça de me tuer : un autre me frappa sur l'épaule gauche d'un coup de crosse de son fusil.

De cette monnaie de singe, le batelier dut se contenter : dernier trait et qui achève de donner leur caractère à ces exploits.

Durant les jours qui suivirent, on vit les La Morlière vendre sur la frontière de France les habits galonnés d'or, qu'ils avaient pris à Rochefort à M. le Président de Thoury, et d'autres objets qu'ils ne voulaient pas garder pour leur usage personnel[52].

 

Le lieutenant-colonel de La Morlière partit tout aussitôt pour Paris, afin d'y voir le ministre et de lui donner personnellement des détails sur ces faits d'armes. Le 12, il était à Lyon, où, en l'absence de l'intendant, il s'entretint avec son secrétaire, M. Imbert[53].

Au moment de quitter son poste, il avait écrit à son chef, le comte de Marcieu, auquel il avait tout caché, et auquel il jugeait prudent de continuer de tout cacher :

Je suis obligé de m'absenter pour quelques jours du Pont-de-Beauvoisin, attendu quelques renseignements que j'ai à prendre concernant le service du roi... je vous prie de vouloir donner vos ordres à M. de Larre à qui j'ai donné les miens[54].

Mandrin dut partir le jour même, pour Valence, où l'attendait Levet de Malaval, juge aux gages des Fermiers généraux. On le mit avec son ami Saint-Pierre sur une charrette couverte. Les cordes, qui les garrottaient, furent remplacées par des chaînes. Une soixantaine de dragons de La Morlière, commandés par MM. d'Usson et Duverger, lieutenants de cavalerie, les escortaient.

Ils couchèrent la nuit du 11 au 12 mai à Voiron. M. de Saint-Mauris, chevalier de Malte, les y vit. Ce qu'il y a de surprenant, écrit-il au receveur de l'Ordre de Malte à Lyon[55], ce qu'il y a de surprenant, l'ayant vu ce matin (12 mai) dans sa charrette, c'est qu'il — Mandrin — paraissait d'un aussi grand sang-froid que s'il allait à des noces, la pipe à la bouche, fumant, riant et goguenardant. Son camarade, qui est un jeune homme, n'est pas de même.

Ce camarade — Saint-Pierre — pleurait beaucoup  écrit de son côté le Président Terrier de Cléron.

Va, lui disait Mandrin. Il ne vaut pas la peine de s'attrister, un mauvais quart d'heure est bientôt passé[56].

La conduite arriva à Saint-Marcellin, le 12 mai, sur les midi. On descendit au Petit-Paris, où Mandrin et son compagnon dînèrent tous deux. Mandrin se trouvait ainsi dans son pays, car Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs relevait du bailliage de Saint-Marcellin.

J'étais là, présent, écrit l'abbé Morel, curé de Montrigaud. Je vis toute cette conduite. Plusieurs de ses connaissances lui parlèrent. Il leur répondait d'un ton ferme et résolu. Ils furent coucher à Romans, nuit du 12 au 13 mai[57].

Partout, sur son passage, la foule se pressait pour voir le célèbre contrebandier. I. ii-même, par moments, en était surpris et un peu choqué.

Voilà bien des curieux ! lui arrivait-il de murmurer[58]. L'entrée dans Valence se fit le 13 mai sur les huit heures du matin.

Mandrin et Saint-Pierre entrèrent dans la ville précédés d'un bruyant cortège. Les dragons de La Morlière se tenaient raides sur leurs chevaux, sabre au poing. Devant eux, des trompettes sonnaient une marche triomphale[59]. La curiosité était si grande, note l'annaliste Michel Forest[60], qui demeurait dans la ville, qu'on s'étouffait pour le voir passer. Les gamins et les désœuvrés précédaient le cortège, comme ils vont aujourd'hui devant les musiques militaires[61].

Mandrin et Saint-Pierre furent conduits dans les prisons du présidial, où Levet de Malaval, président de la Commission de Valence, les reçut et signa cette décharge :

Je soussigné, commissaire du Conseil, certifie qu'un détachement de la cavalerie du corps des volontaires de Flandre, commandé par MM. d'Usson et Duverger, a remis aujourd'hui, sur les huit heures et demie du matin, les nommés Louis Mandrin et Jean Saint-Pierre, dit Janbon. A Valence, le 13 mai 1755.

Signé : LEVET[62].

***

L'importante lettre de La Morlière au ministre de la guerre, qui a été citée, indique que la retraite de Mandrin avait été signalée par un ecclésiastique, de qui le nom est demeuré inconnu. Le fait, insinué par La Morlière, que la fermière Jeanne-Marguerite était la maîtresse du contrebandier — pour excuser ses soldats de lui avoir volé tout son argent — a donné naissance à la légende, si fortement enracinée, que Mandrin aurait été livré par sa maîtresse, chez laquelle il se serait trouvé. Des noms ont été mis en avant, car celui de la fermière eût été trop modeste. Les uns accusent Mme de Sartirane, femme de l'ambassadeur sarde à Paris[63] ; mais généralement l'accusation tombe sur Jeanne des Champs de Chaumont, femme du président de Piolenc de Thoury, propriétaire au château de Rochefort.

La fin du célèbre chef de Camisards, Rolland — qui n'avait pas laissé d'avoir des rapports avec les contrebandiers — contribua certainement à accréditer cette version ; car on sait avec quelle facilité l'imagination populaire, en conservant des faits réels, les endosse à des personnages divers.

Rolland avait pour maîtresse une demoiselle Cornely, fille noble, qui demeurait dans le château de Castelnau. Celle-ci avait été arrêtée ; mais le célèbre intendant Basville l'avait fait remettre en liberté, dans la pensée que l'envie de revoir la demoiselle ferait prendre Rolland. L'événement lui donna raison.

La demoiselle et le château de Castelnau furent de ce jour mis en observation ; et, de fait, Rolland s'y laissa surprendre, dans la nuit du 12 août 1704, par deux compagnies de dragons que commandait M. de Costabadie.

On voit les ressemblances avec l'aventure de Mandrin, si l'on admet que la fermière Jeanne-Marguerite ait été sa maîtresse.

Rolland parvint à s'échapper ; mais, dans un fossé, d'où il avait en l'imprudence de tirer un coup de fusil, il fut tué par un dragon. Il avait avec lui huit des principaux de ses troupes, dont trois parvinrent à se sauver, avec son amie[64].

 

 

 



[1] Lettre du 9 avril 1753. A. G., ms. 3406, n° 379.

[2] Le Contrôleur général au baron d'Espagnac, 10 avril 1755. A. G., ms. 3406, n° 379.

[3] A. G., ms. 3406, n° 178.

[4] Le vice-légat en Avignon au comte de l'Hospital, 17 juin 1755. A. G., ann. 1755, n° 133.

[5] Storia dell'anno, 1755.

[6] Déclaration de Perrety, fermier du château de Rochefort devant le sénateur Dichat. — La copie des documents concernant l'affaire de Rochefort-en-Novalaise, conservés dans les Archives de la Savoie, nous a été obligeamment communiquée par M. Victor Colomb de Valence. Elle a été faite par feu Ad. Rochas, le savant auteur de la Biographie du Dauphiné et certifiée conforme par l'archiviste de la Savoie, le 21 juillet 1879.

[7] La Tour-Gouvernet au comte de Marcieu, 9 mai 1755, le Pont-de-Beauvoisin. A. G., ms. 3406, n° 206.

[8] Lettre autographe de La Morlière au ministre de la guerre. 23 mai 1755, Grandvaux. A. G., ms. 3406, n° 261.

[9] L'intendant de Savoie au général (ministre) des finances de la cour de Sardaigne, 14 mai 1755. Archives de la Savoie.

[10] Extrait du registre des naissances de la commune de Gerbaix, communiqué par M. Curtil, maire de Gerbaix, par les bons soins de M. le docteur Jarre, conseiller général de Saint-Genix.

[11] L'intendant de Savoie au général (ministre) des finances de Sardaigne, 14 mai 1755. Archives de la Savoie.

[12] Le chevalier de Chauvelin à Rouillé, 30 mai 1755, Turin, A. A. E., ms. Turin 224, f. 393.

[13] Déposition de H. Verd, marchand, recueillie par le sénateur Dichat : — rapport du Sénat de Savoie, 27 mai 1755. Archives de la Savoie.

[14] Déposition de P. Bachelard.

[15] Dépositions de P. Bachelard et de Benoît Collet.

[16] Déposition de Marguerite Verd.

[17] Dépositions de Jos. Pionchon de Joudain et du batelier Laurent Péclier.

[18] Déposition de Jeanne Perrety.

[19] On a des détails circonstanciés sur ces faits par l'enquête qui fut ouverte, dès le lendemain, par le Sénat de Savoie. Le sénateur Dichat de Toisinges recueillit les témoignages du fermier et de la fermière du château et de leurs domestiques ; ainsi que de tous les témoins qu'il put réunir. Ces dépositions, précises et détaillées, sont aujourd'hui conservées aux Archives départementales de la Savoie, à Chambéry (Archives du Sénat de Savoie). Une partie en a été publiée par J.-J. Vernier, Mandrin et Mandrinistes, p. 33 sq.

[20] Déposition de Jos. Veyret (fils de Claude-Benoît), originaire de Trévoux, jardinier.

[21] La Morlière au ministre de la guerre, 23 mai 1755. Grandvaux. A. G., ms. 3406, n° 261.

[22] Déposition de Joseph Veyret.

[23] Déposition de Jeanne Perrety. Elle indique nettement l'emplacement de la chambre.

[24] Déposition de Perrety.

[25] Le Président de Piolenc au gouverneur de Savoie, 18 mai 1755. Aix-en-Provence, éd. J.-J. Vernier, p. 37-38.

[26] M. de Piolenc de Thoury au commandeur de Sinsan, 18 mai 1755. Aix-en-Provence, publ. par J.-J. Vernier, p. 38.

[27] Déposition de Jeanne-Marguerite Roybet, femme Perrety.

[28] Lettre (20 mai 1755, Grenoble) d'un nommé Duchêne à M. de Malyvert, conseiller au Parlement du Dauphiné, éd. A. Gazier, dans le Bulletin du Comité des trav. hist., 1891, n° 1, p. 19 ; — Lettre (27 mai 1755. Valence), publ. par Harold de Fontenay, p. 35.

[29] Couplet d'une complainte sur l'arrestation de Mandrin, publ. par Ad. Rochas, dans le Journal de Valence, janvier 1889.

[30] Plaintif du curé de Rochefort devant le Sénat de Savoie, 12 mai 1755. Archives de la Savoie.

[31] Déposition de Daniel Bernard, 13 mai 1755, et rapport du Sénat de Savoie, 27 mai 1755.

[32] Précis des informations... sur l'enlèvement de Mandrin. A. A. E., ms. Turin, 221, f. 522.

[33] [Abbé Régley], Histoire de Louis Mandrin, p. 145.

[34] Déposition de Joseph Pionchon, de Joudain.

[35] Déclaration du châtelain et des conseillers de Saint-Genix d'Aoste, A. G., ms. 3406, n° 216.

[36] Déposition de Claude Chevalier, maréchal à Saint-Genix d'Aoste.

[37] Déposition de Antoine Court et de Modeste Jamble.

[38] Rapport du Sénat de Savoie.

[39] Rapport du Sénat de Savoie. Archives de la Savoie. — Déposition de Hyacinthe Leaudy. Ibid.

[40] Déposition du curé de Saint-Genix d'Aoste. Archives de la Savoie.

[41] Déposition de Marie Lacroix, femme de P. Tourin.

[42] Rapport du Sénat de Savoie.

[43] Déposition de Marguerite Verd.

[44] Déposition de Nicole Veyron-Lacroix, veuve de Gasp. Favier.

[45] Rapport du Sénat de Savoie.

[46] Rapport du Sénat de Savoie.

[47] Déposition de Laurent Péclier, batelier, âgé de dix-sept ans, devant le sénateur Dichat. Archives de la Savoie.

[48] Déposition de Laurent Péclier, batelier, âgé de dix-sept ans, devant le sénateur Dichat. Archives de la Savoie.

[49] Déposition de Laurent Péclier.

[50] Abbrégé, p. 51.

[51] Storia dell'anno, 1755.

[52] Enquête du sénateur Dichat. Archives de la Savoie.

[53] Archives du Puy-de-Dôme, série C, liasse 5. — Berlin au comte d'Argenson, 14 mai 1755, Roanne. A. G., ms. 3406, n° 231.

[54] La Morlière au comte de Marcieu, 12 mai 1755, le Pont-de-Beauvoisin. A. G., ms. 3406, n° 233.

[55] M. de Saint-Mauris, chevalier de Malte, à M. de Vertange, receveur de l'ordre à Lyon, 12 mai 1755, Voiron. Archives du Rhône, II 208, pièce 8, f. 14 v°. Communication de M. Georges Guigue, archiviste du Rhône.

[56] Abbrégé, p. 51-52.

[57] Archives communales de Montrigaud (Isère). Etat civil, registre de l'année 1754, GG 3, 5e cahier. Notes de l'abbé Morel, curé de Montrigaud.

[58] Abbrégé, p. 53.

[59] Storia dell'anno 1755.

[60] Annales de Michel Forest sur ce qui s'est passé de plus remarquable à Valence de 1736 à 1784, éd. J. Brun-Durand (Valence, 1819, in-8°), p. 43.

[61] Lettre de Valence du 27 mai 1755, imprimée à la suite du jugement qui condamna Mandrin, Clermont-Ferrand chez Bontandon, seul imprimeur, 2 feuilles in-4°, Archives de la Drôme. Communication de M. Colomb.

[62] A. G., ms. 3406, n° 227.

[63] Citations raites par M. Chenavaz, Mandrin..., dans la Justice, 16 juin 1893.

[64] Basville au ministre de la guerre, 16 août 1704, Nîmes. A. G., ms. 1790, p. 231.

— Le château de Rochefort-en-Novalaise, où Mandrin fut pris le 11 mai 1755, appartenait en 1739 à Nicolas Deschamps, marquis de Chaumont, qui en céda l'usufruit, comme il a été dit, à son gendre, M. de Thoury, président au parlement de Grenoble. Par actes du 26 octobre 1769 et du 6juin 1771, François Picollet, seigneur d'Hauteville et de Rochefort, acquit toutes les propriétés, dont le château, du marquis de Chaumont. François Picollet légua ces propriétés à Claude Picollet, son neveu, par testament du 10 septembre 1790. Ce domaine a ensuite passé à demoiselle Octavie Rivoire, et enfin, le 4 septembre 1841, à Charles Joubert (Archives de la mairie de Rochefort, Savoie). Le château de Rochefort est aujourd'hui appelé dans le pays le château Mandrin.

— Pierre Diturbide-Larre, qui commanda les royaux à la Sauvetal et dirigea l'expédition de Rochefort, était originaire de Mouguerre (Basses-Pyrénées). Le nom Diturbide est fréquent dans le pays basque ; ceux qui le portent y joignent souvent un nom de maison, d'où Diturbide-Larre (Iturri, fontaine : bide, chemin : sentier de la fontaine ; larre, lande). Officier de fortune de qui la carrière a eu de grandes ressemblances avec celle de Fischer. Il éveilla l'intérêt du maréchal de Saxe. Devenu officier, Diturbide-Larre, se fait appeler M. de Larre. Capitaine dans la Morlière le 16 octobre 1745, il y eut rang de lieutenant-colonel à partir du 1er février 1748. Il devint brigadier le 20 février 1761 el mourut à Gœttingue, durant la guerre de Sept ans, le 30 mai 1762, d'une blessure qu'il avait reçue dans un détachement.