LES CROISADES

 

CHAPITRE VI. — NICÉE.

 

 

Pénétrant en Asie les croisés s'avancèrent jusque sous les murs de Nicée dont ils commencèrent le siège (15 mai 1097). Les différents corps d'armée s'y trouvèrent réunis, et il semble qu'ils aient alors reconnu pour quelque temps l'autorité militaire du prince de Tarente, Boémond, exerçant les pouvoirs de général en chef, sinon en titre, du moins en fait.

Guibert de Nogent donne l'aspect général du siège :

Il serait impossible d'énumérer tous les hommes puissants par les armes qui s'y trouvèrent réunis, et dont chacun portait un cœur de lion. Quelle joie pour tous de voir les murs de Nicée investis de toutes parts ! La plaine était couverte de chevaux luisants, ornés de beaux caparaçons, qui brillaient et sonnaient de la manière la plus agréable. Les rayons du soleil redoublaient d'éclat en se réfléchissant sur les cuirasses ; les casques et les boucliers garnis de bronze doré, jetaient un éclat éblouissant et nos gens, semblables à la tempête, dirigeaient contre les murailles les coups redoublés de leurs béliers. Les Francs opposaient leurs lances aux flèches des ennemis. Du haut des tours de bois on chassait les Turcs de la crête de leurs remparts.

Siège en règle. L'empereur Alexis avait fourni les machines de guerre, les hautes tours de bois que les assiégeants poussaient contre les murs, les balistes et les pierriers ; les remparts furent minés. Mais les Turcs étaient habiles sagittaires. - A l'aide de crochets de fer, attachés à des cordes, ils agrippaient les assaillants et les remontaient jusqu'à eux comme par un treuil ; à quoi les croisés répondaient en lançant de leurs frondes, dans la ville assiégée, les têtes des Turcs qu'ils avaient tranchées.

Vivres et munitions de guerre étaient amenés aux assiégeants par les soins de l'empereur Alexis, sur des navires partis du port de Constantinople. Sur la mer glauque, les voiles, où passait la lumière du jour, avaient la couleur du soleil couchant. Le basileus alla jusqu'à renforcer les effectifs des croisés par un corps de ses propres troupes placé sous les ordres de deux de ses meilleurs capitaines. Lui-même vint en Asie pour suivre les opérations du siège ; mais il tint sa résidence à quelque distance des croisés dont il redoutait les violences, car la force armée qui l'accompagnait n'eût pas été suffisante à les tenir en respect.

Au sud de Nicée s'étendait le lac Ascanius. L'empereur Alexis y lança une flottille d'embarcations montées par des Turcopoles, mercenaires de race turque qu'il comptait dans son armée. Cette attaque, dirigée contre eux du côté du lac, décida les défenseurs de Nicée à entrer en composition. Alexis craignait que si la ville était prise d'assaut, conformément à l'usage du temps tout n'y fût mis à feu et à sang. Il accepta la proposition que lui firent les assiégés de capituler entre ses mains. C'est ainsi que, le jour fixé pour l'assaut (19 juin 1097), les croisés virent subitement flotter sur le haut des remparts, les étendards de l'empire grec. Seuls les soldats du basileus furent admis à pénétrer dans la ville conquise ; après eux les croisés, mais par petits groupes. Le siège avait duré sept semaines, durant lesquelles, malgré les approvisionnements fournis par l'empereur de Constantinople, les souffrances des croisés avaient été cruelles. Nombre d'entre eux étaient morts de faim.

Nicée demeura la propriété du basileus qui, en retour, fit à ses alliés de nombreux présents : les chevaliers furent gratifiés de joyaux et de riches étoffes ; la foule des pauvres gens reçut d'abondantes aumônes. A cette occasion, Etienne de Blois dit encore que l'empereur Alexis l'emportait en honnêteté sur tous les princes de son temps.

L'empereur Alexis, observe Chalandon, regarde les croisés comme des mercenaires à son service. Son plan apparaît clairement : utiliser les croisés pour reprendre les cités et les provinces arrachées de son empire par les Turcs. Il avait à cœur d'en rétablir l'intégrité, restaurer la prospérité et la puissance ; ce qui ne pouvait d'ailleurs que tourner au bien et à l'honneur de la foi chrétienne. Au fait, les croisés continuaient d'entretenir les meilleurs rapports avec le basileus grec, lequel écrivait au révérend Oderisio du Mont-Cassin :

Votre vénérable Sainteté sait que mon Empire a agi avec eux (les croisés) pour leur bien et les a aidés et conseillés de toutes manières, selon son pouvoir. Il s'est conduit avec eux, non comme un parent ou un ami, mais comme un père ; il a fait pour eux telles dépenses qu'on ne les saurait compter. Ils ont réussi dans ce qu'ils ont entrepris et continueront de prospérer tant qu'un bon vouloir les animera.

Sous les murs de Nicée les croisés se reposèrent huit jours. Tous les chefs croisés renouvelleront leur serment de fidélité entre les mains de l'empereur Alexis, à l'exception du seul Tancrède qui continuait à s'y refuser.

Le 28 juin, l'armée reprit sa marche vers l'est ; mais un certain nombre de croisés, découragés par les fatigues et les privations, n'ayant pu se résoudre à poursuivre leur chemin, Alexis les enrôla dans ses propres troupes et les mit en garnison dans la ville conquise.

Autour de l'ost en marche les cavaliers turcs, sur leurs agiles montures, apparaissaient subitement, voltigeant comme frelons autour d'une ruche à miel. Ils étourdissaient leurs adversaires par leurs cris, par le bruit de leurs timbales :

Il demenent tel bruit com chiens encaënés[1]

(Chanson d'Antioche)

Ils leur lançaient des dards et combattaient tout en fuyant, tirant des flèches sur ceux qui les poursuivaient.

Une armée importante, amenée par le sultan seldjoukide Soliman II au secours des Turcs assiégés dans Nicée, rencontra les croisés dans la plaine de Dorylée (1097, 1er juillet). Les Turcs, au jugement de Foucher de Chartres, étaient 360.000, tous à cheval, armés d'arcs et de flèches. Plusieurs des principaux chefs francs, Godefroi de Bouillon, Raimond comte de Toulouse, Hugue le Grand, comte de Vermandois, frère du roi de France, avaient momentanément quitté le gros de l'armée avec leurs hommes. Boémond, qui commanda en cette journée, y déploya les qualités d'un grand homme de guerre. Les Turcs commencèrent l'attaque avec des cris furieux, en faisant pleuvoir sur leurs adversaires une grêle de flèches. Boémond soutenait les siens avec une rare énergie ; mais, en dépit de ses efforts, les Chrétiens, pour lesquels cette guerre était d'un genre nouveau, s'étaient repliés et concentrés en leur camp, quand survinrent Godefroi de Bouillon et Hugue le Grand à la tête de leurs contingents. En notre camp, écrit Foucher de Chartres, nous étions ramassés, tremblants, hébétés, comme brebis enfermées en leur bercail, de toutes parts les ennemis nous assaillaient et nous nous sentions impuissants à leur répondre, malgré les efforts d'Étienne de Blois, du comte de Flandre et du duc de Normandie Robert Courte-Heuse, fils aîné de Guillaume le Conquérant. Quelles clameurs, poursuit Foucher, emplissaient l'air, celles des femmes, des enfants, mêlées à celles des Sarrasins qui se ruaient sur nous ! L'évêque du Puy, notre patron, assisté de quatre autres prélats et de nombreux ecclésiastiques en aubes blanches, priaient Dieu ; puis s'élevaient des chants mêlés de pleurs, quand les croisés virent poindre au loin Godefroi de Bouillon, Hugue le Grand et leurs contingents. Alertés, ceux-ci accouraient en toute hâte. Les croisés reprirent courage, tandis que les musulmans faiblissaient. Les Chrétiens poussèrent leur attaque, rompant les phalanges turques qui se dispersèrent. Les Turcs fuyaient par monts et par vaux, et la poursuite des Francs avait cessé depuis longtemps qu'ils fuyaient encore, frappés de terreur.

De cette description par un croisé d'une victoire remportée par les Chrétiens sur les Sarrazins, il est intéressant de rapprocher la description par un poète arabe El-Eïmad, d'une victoire des sectateurs de Mahomet sur ceux du Christ. Nous l'empruntons aux pages éloquentes que Mgr Baudrillard a consacrées au Flambeau des croisades. Il s'agit d'un combat livré à Hattin, sur les hauteurs qui dominent le lac de Tibériade, le 4 juillet 1187. Les musulmans avaient réussi à mettre le feu aux herbes sèches qui couvraient le terrain en ondulation occupé par l'armée chrétienne.

Sur ces hommes bardés de fer, écrit le poète, la canicule répandait ses flammes et la rage ne diminuait pas dans leurs âmes. L'ardeur du ciel aiguisait leur fureur ; les charges de cavalerie se succédaient parmi les vapeurs flottantes du mirage, les tortures de la soif, l'incendie de l'atmosphère et l'anxiété des cœurs. Ces chiens tenaient leurs langues desséchées et tombaient sous les coups... Malgré leur soif ardente, ils demeuraient patients, arrogants, acharnés à l'attaque. Après avoir vidé l'eau de leurs vases, épuisé les réservoirs des environs, ils tarissaient jusqu'à la source de leurs larmes et marchaient vers la chute suprême, ivres de soif, éperdus, torturés par la pensée du lac, qui s'étendait, cruellement tentateur dans leur voisinage mais auquel ils ne pouvaient atteindre.

Les morts, poursuit El-Eïmad, gisaient au loin par la campagne, couvrant monts et vaux. L'horrible odeur des cadavres empestait tous les environs de Hattin. De leur puanteur, s'exhalait le parfum do la gloire. J'ai passé moi-même par ce champ de bataille et je l'ai trouvé plein d'enseignements : j'ai vu ce que les élus avaient fait des réprouvés. J'ai vu des têtes jetées loin de cadavres inanimés ; des yeux enfoncés dans leur orbite ; des corps souillés de poussière dont la beauté avait disparu sous la griffe des oiseaux de proie ; des membres mutilés pendant le combat et répandus dans l'arène, nus, déchirés, en lambeaux, tronçons épars et sans attaches, crânes fendus, cous tranchés, côtes brisées, têtes coupées, pieds amputés, nez mutilés, extrémités détachées du corps, yeux vides, ventres ouverts, corps coupés en deux et déchiquetés, bouches crispées, fronts entr'ouverts d'où ruisselaient les prunelles, cous tordus, restes inanimés, brisés, immobiles parmi les pierres et rigides comme elles. Et quel avertissement pour ceux qui réfléchissent ! A l'aspect de ces visages collés à terre et que les désirs n'animaient plus, je récitai ce passage du livre de Dieu — le Coran — : L'infidèle dira alors : Plût au ciel que je fusse poussière ! Mais quel doux parfum de victoire s'exhalait de ce charnier ! Quelles flammes vengeresses voltigeaient sur ces cadavres Comme ce hideux spectacle réjouissait les cœurs !

Et quel contraste entre les corps d'armée francs d'une part, turcs ou bédouins de l'autre. Les Francs se mouvaient en lourds, massifs bataillons de cavalerie, qui écrasaient l'ennemi, de leur poids même, quand d'un élan irrésistible ils roulaient sur lui ; les Orientaux au contraire formaient une cavalerie légère qui combattait en ordre dispersé, tirant des flèches tout en courant et, dans les corps à corps, s'escrimant de leur fin cimeterre à lame courbe et effilée. Le chevalier chrétien était bardé de fer ; le musulman, pour se défendre, n'avait qu'un léger bouclier ; en guise de massive cuirasse d'acier, une casaque de peau rembourrée de laine.

Un poète français du XIIIe siècle peint à cette date l'idéal physique du chevalier français :

Il semble de son corps une grand'tour carrée

(BAUDOUIN DE SEBOUR.)

L'idéal d'un chevalier arabe, qu'un émir exprimait au roi Foulque de Jérusalem, se figurait en un cavalier mince, long, souple et agile.

Les femmes mêmes, qui avaient accompagné les croisés, jouèrent leur rôle dans la bataille :

Durant le combat de Nicée on les voyait porter sans cesse de l'eau aux chevalierseau que les guerriers turcs avaient soin de porter sur eux, dans une gourde pendue à leur couet, ajoute Guibert de Nogent, leurs paroles et leurs exhortations avaient encore plus d'effet pour redonner courage aux combattants que l'eau qu'elles leur présentaient pour renouveler leurs forces.

Au reste les combats livrés entre Chrétiens et Sarrasins en Terre sainte ne furent généralement que des combats de cavalerie sur terrain plat ; l'infanterie ne commencera à jouer un rôle actif dans les combats qu'avec la fin du XIIIe siècle, après les procédés stratégiques nouveaux introduits par les Flamands.

Dès leurs premières rencontres Turcs et Francs apprirent à s'apprécier. Les Francs eux-mêmes, écrit Guibert de Nogent, reconnaissent qu'ils n'ont vu aucune race d'hommes qui puisse être comparée à celle des Turcs, pour la finesse de l'esprit et pour la vaillance dans les combats ; et, de plus, lorsque les Turcs commencèrent à se battre contre eux, les Francs furent presque réduits au désespoir par l'étonnement que leur causèrent les armes dont leurs adversaires se servaient et dont les nôtres n'avaient aucune connaissance. Les Francs ne pouvaient non plus se faire aucune idée de l'extrême dextérité de leurs adversaires dans le maniement des chevaux et de la promptitude avec laquelle ils évitaient les attaques et les coups de leurs ennemis, ayant l'habitude de combattre et de lancer leurs flèches en fuyant. De leur côté les Turcs se regardent comme ayant la même origine que les Francs et pensent que la supériorité militaire appartient de droit à ces deux peuples parmi toutes les nations.

Après leur victoire de Dorylée, les croisés continuèrent leur marche, traversant la petite Arménie où tout avait été intentionnellement dévasté par les Turcs. Ils franchirent le Taurus et se dirigèrent sur Antioche. Ils avaient à passer par un fouillis de cimes hérissées que l'auteur des Gestes nomme la montagne diabolique, chaînes parallèles de l'Anti-Taurus aux cols élevés. Ils n'étaient pas vêtus pour de pareilles expéditions. Sous un soleil implacable, combien leur pesaient leurs épaisses broignes de cuir, plaquées d'écailles d'acier. Ils souffraient de la soif ; les chevaux crevaient au long du chemin ; à certaines étapes les hommes d'armes périssaient par centaines. Les chevaux, lisons-nous dans les Gestes, se précipitaient dans les ravines, un sommier en entraînant un autre ; les chevaliers vendaient leurs boucliers, leurs hauberts avec les heaumes pour une somme de trois à cinq deniers ; ceux qui ne parvenaient pas à les vendre les jetaient pour continuer leur chemin.

Alors, écrit Foucher, vous auriez ri, ou peut-être pleuré, en voyant nombre des nôtres, faute de chevaux, mettre en paquets les objets qu'ils possédaient, sur le dos de moutons, de chèvres, de cochons, de chiens, vêtements et victuailles ou autres objets nécessaires aux voyageurs. Le dos de ces pauvres bêtes se râpait au frottement des paquets. Et l'on voyait des chevaliers en armes, chevaucher des bœufs.

Par des lieux déserts et hors des routes, écrit de son côté Guibert, les Chrétiens entrèrent dans un pays inhabité, impraticable et dépourvu d'eau... Ils n'avaient d'autre ressource, pour calmer leurs souffrances, que des gousses d'ail dont ils se frottaient les lèvres.

Et vous verriez beaucoup de cimetières dans les champs et dans les bois, le long des chemins, faits des tombes de nos croisés (Foucher de Chartres).

Après avoir traversé les régions de la petite Arménie rendues désertiques par les Turcs, les croisés arrivent dans la région montueuse de Cilicie, où ils se trouvent en contact avec des populations chrétiennes qui pourvoient à leurs besoins les plus urgents.

La foi et la forte discipline féodale soutenaient l'armée. On y parlait des langues les plus diverses, car il y avait là des Français, des Flamands, des Frisons, des Gallois, des Bretons, des Lorrains, des Rhénans, des Normands, des Écossais, des Anglais, des Aquitains, des Italiens, des Ibères, des Daces, des Grecs et des Arméniens. Mais si nous étions divisés par tant de langues, nous n'en étions pas moins unis dans l'amour de Dieu. (Foucher de Chartres).

C'est entre les chefs que la division allait se glisser. Ils se jalousaient. Les conquêtes, que chacun d'eux espérait faire, créaient entre eux des rivalités. Sur la fin de septembre, Baudoin de Boulogne, frère de Godefroi de Bouillon, et Tancrède, duc de Pouille, suivis de leurs contingents, se séparèrent du gros de l'armée et, par delà le Taurus, pénétrèrent dans le pays des Arméniens, où ils mirent le siège devant Tarse, dont ils s'emparèrent.

Il avait été convenu entre les croisés que les villes conquises appartiendraient à celui des chefs qui y ferait flotter le premier sa bannière. Tancrède planta son gonfanon de soie sur les murs de Tarse ; Baudoin, le cœur irrité, le fit enlever par un de ses chevaliers et y dressa le sien.

Tancrède, furieux, voulait marcher contre Baudoin à la tête de ses contingents. Richard le Pèlerin prend le parti de Tancrède ; tandis que Foucher de Chartres lui donne tort.

Les délégués chrétiens de la ville de Tarse intervenaient :

— Cessez, cessez de vous quereller ; nous voulons pour prince celui qui combattit hier si courageusement contre les Turcs.

Ils désignaient ainsi Tancrède, mais Baudoin protestait :

— Entrons ensemble et pillons la ville ; qui pourra prendre prenne et garde sa prise.

— Non, répliquait Tancrède, je ne veux pas dépouiller des Chrétiens ; les hommes de cette ville m'ont choisi pour seigneur ; c'est moi qu'ils veulent avoir.

Ce Tancrède était neveu, par sa mère Emma, du conquérant des Siciles, le normand Robert Guiscard. Durant la croisade il fut le principal et meilleur lieutenant de Boémond. D'une valeur éprouvée, beau, grand et fort, mais d'un caractère indépendant, indisciplinable ; sous les ordres mêmes du prince de Tarente, il n'en faisait qu'à sa tête. Il ne pouvait, dit Guibert, supporter compagnon de voyage. On a vu que Tancrède refusa obstinément de prêter le serment d'hommage à l'empereur Alexis. Mais les contingents qui suivaient sa bannière, 100 cavaliers et 500 ribauds, étaient de beaucoup inférieurs à ceux de son compétiteur le comte Baudoin — 500 chevaliers et 2.000 piétons.

Enfin, sous l'influence du prince de Tarente, Boémond, les deux rivaux se réconcilièrent. Tancrède renonça à ses prétentions sur Tarse et reçut deux bonnes villes en dédommagement, Adana, au pied du Taurus, dans la partie la plus fertile de la Cilicie, et Missis sur la rive droite du Djihoum.

On verra pareils dissentiments se renouveler après la prise d'Antioche entre Boémond et Raimond de Saint-Gilles, et avec une gravité extrême, car le prince de Tarente et le comte de Toulouse étaient dans ce moment les deux plus puissantes personnalités de la croisade.

Un chef arménien ayant fait présent aux croisés d'une tente splendidement décorée, Godefroi de Bouillon et le prince Boémond se la disputèrent avec une telle violence qu'on crut voir le moment où les épées jailliraient du fourreau.

C'est à calmer et faire disparaître ces conflits que s'emploie l'autorité suzeraine d'Adémar de Monteil, et, après lui, de son successeur l'évêque de Martirano.

 

 

 



[1] Enchaînés.