PLINE LE JEUNE ET LE BARREAU SOUS TRAJAN

 

Thierry FROMENT

 

 

L’éloquence judiciaire avilie, à la fin du règne de Domitien, se relève et jette un assez vif éclat sous Trajan. C’en est fait des procédures dérisoires, des plaidoyers scandaleux, des trafics impudents que flétrit Tacite après Quintilien. La justice plus respectée, l’ancienne loyauté du patronage remise en honneur, les tribunaux soustraits aux caprices du despotisme et ramenés à l’observation de la loi rendent à la parole son indépendance et sa dignité. Si tous les abus ne disparaissent pas à la fois, ils sont du moins punis et réprimés. Les délateurs sont chassés ; et la sévérité du prince en exterminant ce fléau redoutable empêche qu’un état fondé sur les lois ne soit détruit au nom des lois elles-mêmes[1]. Plus de sycophantes attitrés et de quadruplateurs triomphants ! plus de dénonciations secrètes ! Rejetez, écrit l’empereur, toute plainte anonyme, toute délation non signéesine auctore propositi libelli nullo crimine locum habere debent[2]. — Les accusés reçoivent des garanties nouvelles contre les poursuites de leurs adversaires. Jusqu’alors l’accusateur avait seul le droit de forcer les témoins à comparaître devant le tribunal (testimonium denuntiare). Seul, en vertu de la lex qui lui était délivrée par le préteur, il pouvait assigner, fût-ce contre leur gré, tous ceux dont la déposition lui semblait utile[3]. Sous Trajan, ce privilège est également accordé à l’accusé. Le prince, préoccupé de la sincérité des débats, protège même l’inexpérience des témoins contre la partialité possible du juge ou les ruses de l’avocat qui les cite. Il défend à celui qui les interroge de donner à ses questions un tour qui puisse suggérer la réponse et paraisse en quelque sorte dicter la déposition[4]. Il interdit surtout aux magistrats les jugements précipités, les sentences fondées sur des soupçons et des conjectures, les condamnations téméraires. Mieux vaut en effet, dit-il dans un rescrit plein de sagesse, mieux vaut laisser un coupable impuni que de frapper un innocentsatius enim esse impunitum relinqui facinus nocentis quam innocentem damnari. (Digeste, XLVIII, 19, 5)[5].

Dans son conseil à Centum-Cellæ, sur son tribunal à Rome, Trajan donne du reste l’exemple de l’équité la plus scrupuleuse ; et la clémence de ses arrêts n’en exclut pas la fermeté[6]. Loin d’empiéter sur l’autorité des juges, il renvoie souvent aux préteurs les affaires qui lui sont soumises[7]. Égal pour tous, il ne croit pas que l’État lui-même soit au-dessus des lois de la République ; il permet aux citoyens d’en appeler aux tribunaux ordinaires des décisions du fisc et de l’exigence des procurateurs : et dans les procès de ce genre (chose rare à Rome jusque-là), c’est le fisc qui est le plus souvent condamné, le fisc dont la cause n’est jamais mauvaise que sous un bon prince[8]. Pour la première fois le pouvoir et la liberté plaident l’un et l’autre au même forum — eodem foro utuntur principatus et libertas.

Le Sénat, il est vrai, garde la juridiction exceptionnelle dont il a été investi depuis Auguste. Substitué par les premiers empereurs aux commissions et au jury de la République, chargé de connaître de tous les délits commis par les magistrats, juge souverain des crimes de concussions et de lèse-majesté, maître absolu de l’instruction et de la peine, il conserve toutes ces attributions sous Trajan ; mais il ne les exerce plus qu’au profit du bien public. Une lettre autographe du nouveau prince l’avait déchargé, dès les premiers jours, des procès de lèse-majesté suspendus jusqu’alors comme une menace sur la tête des meilleurs citoyens[9]. Trajan ne voulait plus des complaisances serviles dont le premier corps de l’État avait lassé ses prédécesseurs. Il avait convié les sénateurs à ressaisir leurs droits méconnus, à dire tout haut ce qu’ils sentaient, à s’occuper librement des affaires de l’empire. — Vous ordonnez que nous soyons libres, répondirent les sénateurs, nous le serons. Vous ordonnez que nous exprimions hautement nos pensées : nous les exprimeronsJubes esse liberos, erimus ; jubes quæ sentimus proferre in medium, proferemus[10]. Et, par ordre du prince, l’éloquence affranchie reprit un nouvel essor.

Alors le consulaire Salvius Liberalis, proscrit par Domitien, et le tribun du peuple Nigrinus ; alors Claudius Capito, Catius Fronto, Claudius Marcellinus, Cornutus Tertallus, le préteur Licinius Nepos et le jurisconsulte Juventius Celsus firent entendre au Sénat les accents d’une indépendance longtemps refoulée et dont l’habitude semblait tout à fait perdue[11]. Au tribunal des centumvirs, comme dans la curie, les avocats répondirent à l’appel de Trajan. Sans doute les aventuriers et les intrigants ne purent être expulsés du forum comme les délateurs. On vit encore pulluler la race des rhéteurs sans talent, des écoliers sans étude, des déclamateurs sans idées, avec leur cortège d’auditeurs à gages et d’admirateurs complaisants. On vit encore des claqueurs, gorgés d’enthousiasme, passer de la salle à manger du patron dans la salle d’audience du juge et digérer, en se récriant, les plaidoyers de leur hôte, comme ils avaient digéré ses repas[12]. Cette comédie et ce marché se renouvelaient tous les jours. Mais à côté et bien loin au-dessus de ces charlatans du forum le public sérieux distinguait un groupe d’avocats non moins remarquables par l’élévation du caractère que par la culture de l’esprit et la variété des connaissances. C’étaient des citoyens honnêtes et des orateurs dignes de ce nom& Plus timides et plus réservés sous Domitien, éclipsés du reste par : les délateurs en crédit, par les Bæbius Massa, les Palfurius Sura, les Mettius Carus et les Regulus, ils reprenaient sous : Trajan leur place à la barre des tribunaux et leur rang dans l’estime publique. Tels étaient en première ligne : Pompeius Saturninus, poète aimable, historien élégant, avocat instruit et disert. Il plaidait avec force et vivacité (acriter et ardenter) et n’avait pas moins de politesse et de précision dans ses répliques imprévues que dans ses discours étudiés[13]. — Voconius Romanus, de l’ordre des chevaliers, nature facile et délicate, exercé de longue main aux luttes du forum (eruditus in causis agendis)[14]. — Erucius Clarus, âme frappée de l’antique marque (vir sanctus, antiquus, disertus), d’une franchise, d’une candeur, d’une fidélité à toute épreuve[15]. — Pomponius Rufus, parleur véhément et toujours prêt (vir paratus et vehemens). — Titius Aristo, également versé dans le droit public et le droit privé. — Titius Homullus, Hernnius Pollio, Claudius Restitutus, Minicius Justus, praticiens déliés et fins discoureurs ; — et Trebonius Rufinus, duumvir de la ville de Vienne, qui s’éleva avec tant de succès contre les jeux publics dans le conseil même de Trajan[16].

Deux noms surtout dominent cette époque : Tacite et Pline le Jeune. Mais le premier, orateur grave, nerveux, imposant, abandonne bientôt l’éloquence pour l’histoire : le second au, contraire, bien qu’il cultive la poésie et ne sente un goût héréditaire pour l’histoire[17], se donne tout entier à l’éloquence.

Pline le Jeune — Caïus Plinius L. f. Ouf. Cœcil. Secundus[18] est le plus célèbre avocat du règne de Trajan. Les particuliers et les provinces se disputent l’appui de sa parole. Riche, noble[19], ami du prince, animé comme lui du désir de faire revivre les anciennes mœurs, il s’inspire avec candeur des souvenirs de la Rome républicaine et s’étudie à marcher sur les traces des Crassus, des Antoine et des Messala. Disciple, de Quintilien et du rhéteur grec Nicetes Sacerdos, initié par leurs leçons au culte des maîtres de l’école classique, confondant dans la même admiration ‘Démosthène et Cicéron, il mène de front l’étude des lettres, la plaidoirie, l’exercice des charges publiques et nous offre le type le plus complet de l’orateur tel qu’il pouvait exister sous les Césars, en dehors de la tribune aux harangues et des Comices populaires. C’est un de ceux que désigne évidemment l’auteur de l’Institution oratoire, quand il parle, sous Domitien, de ces jeunes gens pleins d’espérance qu’une généreuse émulation rapproche déjà de leurs plus illustres devanciers[20].

Pline du reste ne s’était pas seulement formé dans l’école : il s’était encore instruit devant les tribunaux. Tout jeune homme (adolescentulus) il avait entendu Tacite, son aîné d’environ cinq ans[21], et s’était pris d’un vif désir d’égaler ce glorieux modèle, de le suivre, sinon de près, du moins de plus près qu’un autre. Nul ne lui semblait plus susceptible d’être imité, ni plus digne de l’être — tu mihi maxime imitabilis, maxime imitandus videbaris[22]. Sortant de la tutelle des rhéteurs, renonçant aux déclamations, où continuait à s’exercer Juvénal, il affronta donc sans tarder l’épreuve de l’audience et plaida sa première cause à dix-neuf ans.

Cicéron était plus mûr, il avait vingt-six ans quand il fit ses débuts au forum : mais la plupart des orateurs attendaient d’ordinaire moins longtemps pour se produire. Crassus, Calvus, César, Asinius Pollion s’étaient signalés dans des procès importants avant d’avoir atteint l’âge de la questure ; et l’on sait que M. Cotta, lorsqu’il prit la toge virile, intenta le jour même, au sortir du Capitole, un procès à Cn. Carbon qui avait fait condamner son père. Cotta n’avait que dix-sept ans[23]. C’était à peu près l’âge de Démosthène quand il poursuivit ses tuteurs et leur intenta l’action en tutelle, δίκη έπιτροπής. Ainsi Pline devançait Cicéron et se rapprochait de Démosthène par la précocité de ses débuts : il prononçait son premier plaidoyer juste au même âge que Crassus[24]. C’était vraisemblablement sous Titus, en 80 ou 81, l’année qui suivit l’éruption du Vésuve et la mort de Pline l’Ancien.

Le jeune orateur soutenait les intérêts d’une bourgade voisine de ses propriétés de Toscane, Tifernum Tiberinum, dont les habitants l’avaient spontanément choisi pour patronus. Il ne nous dit pas s’il gagna sa cause ; mais les liens d’une mutuelle reconnaissance l’unirent depuis ce jour-là à ses clients. Ceux-ci s’associèrent désormais à tous ses succès : ils célébraient son arrivée par des fêtes publiques, ils s’affligeaient de son départ. En revanche Pline fit construire à Tifernum un temple dont il présida la dédicace et vint souvent revoir la bourgade dont il était resté le patron[25].

Après ce début et vers la fin de l’année 81, au commencement du principat de Domitien, Plinius Cæcilius Secundus, héritier du nom et de la fortune de son oncle[26], partit comme tribun militaire de la 3e légion en Syrie. Il allait servir à l’armée, à l’exemple des fils de grande famille qui voulaient entrer plus tard au Sénat. Nous voyons par plusieurs de ses lettres (I, 10 ; — VII, 31) que ce service militaire fut moins un service actif sous les drapeaux qu’une occasion pour le jeune homme de continuer ses études en Orient et d’écouter les principaux philosophes qui professaient alors en Asie[27]. C’est à son retour que s’ouvre véritablement sa carrière d’avocat.

Domitien n’était pas encore le tyran cruel et défiant qu’il devint par la suite. Il avait même montré quelque temps un amour apparent de la justice en cassant des sentences dictées pal, la faveur, en supprimant de fausses accusations intentées au nom du fisc (fiacales calumnias) ; en notant d’infamie des juges qui s’étaient laissé corrompre à prix d’or (nummarios judices)[28]. Les philosophes n’étaient pas encore proscrits comme des criminels. Un honnête homme pouvait donc, sans se compromettre, essayer de faire son chemin par des moyens réguliers et compter sut son mérite pour réussir.

Pline raconte avec complaisance à Suétone dans quelles circonstances il plaida la première cause qui le mit en vue. Il s’était chargé de défendre Junius Pastor contre les plus puissants personnages de Rome, contre les amis mêmes de César. Il s’exposait dès le principe à de graves ressentiments, à de dangereuses inimitiés. La nuit qui précéda les débats, il eut un songe. Il rêva que sa belle-mère, Pompeia Celerina, le conjurait à genoux de ne point plaider ce jour-là. Malgré ce songe qui pouvait sembler d’un funeste augure, il affronta les quatre tribunaux devant lesquels le procès devait se dérouler. — Regulus, le délateur fameux et l’avocat influent, n’eût peut-être pas eu la même audace, lui qui consultait les aruspices avant d’aller à l’audience et qui, dans sa superstition ridicule, se couvrait l’œil droit ou l’œil gauche d’un bandeau blanc, suivant qu’il parlait pour le demandeur ou le défendeur[29]. Mais Pline se dit, en se rappelant Homère, que le meilleur augure était de combattre pour le bon droit.

Εά οίωνός άριστος άμύνεσθαι περί πάτρης. (Il., XII, 243.)

Il plaida soutenu par l’idée du devoir, et fonda du coup es réputation. Ce procès lui ouvrit l’oreille des hommes et la porte de la renommée — illa actio mihi aures hominum, illa januam famœ patefecit....[30]

Les seuls plaidoyers dont Pline nous entretienne dans ses Lettres sont ceux qu’il a prononcés devant le Sénat et devant les centumvirs. D’ordinaire c’était au Sénat dans les procès criminels intentés à des sénateurs (crimina repetundarum) qu’un avocat atteignait l’apogée de sa renommée[31]. Pline a cinq fois porté la parole devant le Sénat, soit pour défendre, soit pour accuser, dans ces débats solennels présidés par le consul — et le consul était souvent l’empereur — princeps prœsidebat, erat enim consul[32] ; — il a accusé Bæbius Massa, sous Domitien ; Marius Priscus et Cæcilius Classicus sous Trajan ; il a défendu Julius Bassus et Varénus ; il a compté dans sa clientèle deux provinces, l’Afrique et la Bétique ; il a, comme un autre Cicéron, fait condamner un autre Verrès ; et cependant, malgré ces succès remportés dans la première assemblée du monde, il déclare que son vrai théâtre est le tribunal des centumvirs in arena mea, hoc est apud centumviros. (VII, 12.)

Le tribunal des centumvirs en effet offrait seul alors, à nome, une image des tribunaux de la République. Seul avec ses cent quatre-vingts juges, divisés en quatre sections, il avait hérité du prestige des quœstions perpetuœ et des jurés[33] de l’ancienne Rome. Là se discutaient au grand jour les causes civiles les plus importantes — causœ centumvirales, quæ nunc primum obtinent locum[34] — ; là le public accourait en foule pour entendre et applaudir les orateurs célèbres ; le tribunal était assiégé, les galeries supérieures de la basilique envahies par les hommes et les femmes du meilleur monde — ex superiore basilicœ parte, qua femina, qua viri.... imminebant — ; on s’entassait, on se pressait au risque de déchirer ses habits (scissis tunicis)[35]. Un jour, l’affluence était si grande que Pline, pour arriver à la barre, ne put se frayer un passage qu’au travers même des juges et du tribunal. Quel triomphe pour l’orateur, qui ce four-là, sept heures durant (nam tamdiu dixi), tint ses auditeurs serrés et immobiles sous le charme de sa plaidoirie !

Il est vrai que la dignité de la justice souffrait parfois de ce concours d’admirateurs et des suffrages qu’en recueillait l’avocat. Le plus plat causidicus, le plus médiocre débutant assourdissait les magistrats du bruit des applaudissements qu’il avait payés. Les louanges s’achetaient, les auditeurs se recrutaient sans pudeur et sans ménagement, in media basilica. Pline vit un jour deux de ses esclaves à peine sortis de l’enfance, enrôlés au prix de trois deniers pour aller grossir la claque d’un de ces nouveaux Démosthènes[36]. Ce spectacle l’attristait et le dégoûtait profondément. Je suis las, écrit-il à Maxime, de plaider devant les centumvirs. Les causes sont mesquines et vulgaires ; les concurrents pour la plupart n’ont ni talent, ni retenue : leur audace fait tout leur mérite. — Et toutefois, malgré ces abus, il ne pouvait s’éloigner de ce théâtre retentissant. Il trouvait mille prétextes pour revenir : son âge, l’intérêt de ses amis, la crainte de voir sa retraite mal interprétée du public — nos tamen adhuc et utilitas anticorum et ratio œtatis retint ac moratur[37]. — Surtout il n’était pas insensible aux marques d’estime, aux hommages spontanés qu’il y recevait, non seulement de l’auditoire, niais encore des juges. Il m’est arrivé souvent, dit-il, que les centumvirs en m’écoutant, après avoir gardé longtemps cet air de gravité et d’autorité qui convient aux juges, se sont subitement levés tous ensemble comme transportés et hors d’eux-mêmesquasi victi coactique consurgerent laudarentque[38].

C’est devant les centumvirs, dans une affaire de succession, que Pline prononça son plus beau plaidoyer, son chef-d’œuvre, celui qu’il nomme sa harangue pour Ctésiphonorationem, ut inter meas ώς ύπέρ Κτησιφώντος[39]. — Un père octogénaire, cédant à une folle passion, avait contracté un second mariage et avait déshérité sa fille en faveur de la marâtre. Onze jours après ses noces, il mourait ; et sa fille, Accia Variola[40], femme d’un ancien préteur, aussi distinguée par son rang que par ses mœurs, revendiquait la succession paternelle. Ce procès avait passionné la ville ; et les quatre chambres du tribunal siégeaient à la fois pour le juger. Pline soutint les droits d’Accia Variola, et les fit triompher. Tour à tour véhément, serré, précis, pathétique, il déploya les maîtresses voiles de l’éloquence — dedimus vela indignationi, dedimus irœ, dedimus dolori — ; il toucha les juges, il les persuada ; et la marâtre perdit sa cause (victa est noverca)[41]. — Sidoine Apollinaire, qui sans doute avait le morceau sous les yeux au Ve siècle, déclare que Pline se surpassa dans ce discours, de même que Cicéron s’était surpassé dans la défense de Cluentius. Il met le plaidoyer pour Accia Variola bien au-dessus du panégyrique de Trajan[42].

Pline n’avait pas fait fausse route en négligeant l’histoire et la poésie pour l’éloquence. Il était vraiment avocat ; il possédait îles qualités qu’exige ou que donne la pratique du barreau. Naturellement généreux, avec un sentiment très vif de la justice et du droit, il avait de plus cette finesse d’esprit qui sait esquiver une difficulté, tourner un obstacle, embarrasser ou déjouer un adversaire. Qu’on se rappelle de quelle façon, à la fin du règne de Domitien, il sut, devant les centumvirs, déconcerter Regulus et se tirer du piège que lui tendait le délateur[43]. Nul n’était plus prompt à la réplique ; nul ne lançait plus à propos le mot juste, le trait piquant, la riposte agile et mordante, qui détourne un coup dangereux et retourne contre son auteur une insinuation malveillante. Aux attaques les plus imprévues il excellait à repartir par de belles contrebatteries[44]. — En même temps ce jouteur habile, ce parleur disert connaissait le prix du silence et savait en tirer le meilleur parti. Souvent, dit-il à Macrinus, j’ai compris qu’il n’y a pas moins d’éloquence à se taire qu’à parler[45] : mot remarquable chez un avocat. Plus d’une fois en effet, suivant son propre témoignage, dans des accusations capitales, il défendit mieux ses clients par un judicieux silence qu’il n’aurait pu le faire par le plaidoyer le plue correct et le plus achevé.

Il plaidait, sous Trajan, pour des affranchis accusés d’avoir empoisonné leur maître, dont ils étaient les héritiers. C’est la mère eu défunt qui poursuivait les affranchis de son fils, et Pline, dans une première instance, avait démontré l’innocence des prévenus. Mais la mère, ayant eu recours au prince, s’était déclarée, en possession de nouvelles preuves et le procès revenait devant le juge. L’accusateur était Julius Africanus, petit-fils du célèbre orateur de ce nom[46], avocat de talent mais plus instruit qu’avisé, doué de plus de faconde que d’adresse — Juvenis ingeniosus sed parum callidus. Après avoir longtemps parlé et rempli toute la mesure de temps qui lui était, accordée — quum assignatum tempus complesset — : Permettez-moi, dit-il au juge, permettez-moi d’ajouter un seul mot. Il était trop tard. — Tout le monde aussitôt jeta les yeux sur Pline : on attendait impatiemment sa réponse. J’eusse répondu, dit-il simplement, si Julius eût ajouté ce seul mot : car ce mot, je suppose, devait renfermer les nouvelles preuves qu’on nous avait promises. — Il n’alla pas plus loin ; et s’assit. Le coup était porté. Je ne me souviens pas, écrit-il, d’avoir jamais reçu tant d’applaudissements en plaidant que j’en reçus alors en ne plaidant pas[47].

Il usa avec succès de la même tactique en faveur de Varenus, accusé devant le Sénat par les Bithyniens. Dans un premier plaidoyer il avait, par l’habileté de sa parole, obtenu pour son client le droit de citer des témoins (evocare testes), droit réservé jusqu’alors aux accusateurs[48]. En se taisant (et ce fut là son second plaidoyer), il obtint des consuls que l’entière connaissance de la cause fût réservée à l’empereur. L’affaire de Varenus fut plaidée à quelque temps de là devant Trajan.

Passionnément épris du succès, mais avant tout soucieux de la justice et de la vérité, Pline se montrait aussi ferme contre les sollicitations des coupables et de leurs protecteurs que contre les préventions de ses amis ou les complaisances intéressées des juges. Quand les habitants de la Bétique intentèrent un procès à leur gouverneur, la femme et la fille de Classicus se trouvaient enveloppées dans l’accusation. Pline, avocat de la province de Bétique, et tenu par conséquent de produire les divers chefs d’accusation, ne découvrait pas cependant de charges suffisantes contre la jeune fille. Il crut juste et digne de lui de ne point accepter aveuglément des soupçons et des rancunes pour des preuves, et de ne pas perdre l’innocent en haine du criminel. Je ne me contentai pas de le penser, écrit-il ; je le dis librement de plus d’une manière. Tantôt je demandais aux députés de la Bétique s’ils m’avaient instruit de quelque fait qu’ils pussent s’engager à prouver contre elle : tantôt je m’adressais au Sénat et le suppliais de me dire s’il croyait qu’au cas où j’eusse quelque éloquence, il me fût permis d’en faire une arme pour sacrifier une victime innocente. Enfin, je conclus par ces paroles : Quelqu’un dira : Vous vous érigez donc en juge ? Non ; mais je n’oublie pas que je suis un avocat tiré du nombre des juges[49]. Cette péroraison était belle et fière, et ne faisait pas moins honneur à la loyauté qu’à l’éloquence de l’avocat.

Mais en retour quand Pline rencontrait un coupable, rien ne pouvait désarmer sa rigueur ni faire fléchir sa sévérité. Comme il pressait de ses attaques un personnage considérable et d’un grand crédit (reus gratiosissimus), quelques-uns des juges qui voulaient sauver l’accusé ne craignirent pas d’interrompre l’orateur : Eh ! laissez-moi continuer, s’écria Pline : cet homme n’en sera pas moins innocent, quand j’aurai tout dit. Intrépide dans l’accomplissement de sa tâche, questionnant, raffermissant ou réfutant les témoins[50] ; dirigeant, sans se ménager, l’instruction et le détail du procès, il affrontait bravement jusqu’au bout les contradictions les plus vives et les plus graves inimitiés. Le Sénat venait, sur les plaidoiries de Pline et de Sénécion, de condamner Bæbius Massa, le redoutable procurateur dont parle Tacite[51], et d’ordonner que ses biens seraient confisqués et mis sous la garde des officiers publics — ut bona ejus publice custodirentur. C’était à la fin du règne de Domitien, au moment le plus néfaste de cette ombrageuse tyrannie. Sénécion ayant appris que le jugement devait être illusoire et que les officiers publics étaient déjà gagnés par Bæbius, engage Pline à s’adresser aux consuls et à réclamer l’exécution de la sentence. Celui-ci s’associe à la démarche de son collègue ; mais Bæbius Massa, redoublant d’audace, déclare que Sénécion ne remplit plus l’office d’un avocat, qu’il fait éclater seulement la fureur d’un ennemi ; et soudain il dirige contre lui l’accusation d’impiété (impietatis reum postulat). Le crimen impietatis était une de ces accusations vagues et terribles contre lesquelles il était impossible de se défendre sous Domitien : c’était l’arme des délateurs. Pline se levant alors : Je crains, dit-il, illustres consuls, que Massa, qui m’épargne, ne m’accuse de prévarication par son silencequod non et me reum postalavit[52]. Il osait braver un coupable qu’osaient à peine frapper ses juges. Peu de temps après, Hérennius Sénécion paya de sa tête son énergique intervention.

Quand Nerva, l’honnête consulaire, eut succédé à Domitien, Pline crut le moment favorable pour châtier des forfaits longtemps impunis et soulager la conscience des gens de bien. Il voulut poursuivre le dénonciateur et le meurtrier du sage Helvidius, le délateur Publicius Certus. Il s’attaquait à forte partie. Soutenu par de grandes alliances et d’influents amis, Certus était préfet du trésor public (præfectus ærarii Saturni), il venait d’être désigné consul pour l’année suivante ; il était au faite des honneurs. Pline ne s’effraya point de ces obstacles. Entre tant de crimes de tant de coupables, je n’en connaissais pas de plus odieux que celui d’un sénateur qui dans le Sénat même avait cherché la mort d’un sénateur ; qui après avoir été préteur s’était attaqué à un consulaire ; qui, juge, avait trempé ses mains dans le sang d’un accusé[53]. Pline communiqua’ seulement son dessein à la veuve d’Helvidius, Antéia ; et se rendit au Sénat où il demanda la parole. Tant qu’il resta dans les considérations générales et se borna à parler de la nécessité de poursuivre les crimes et les criminels, il souleva des applaudissements : mais dès qu’il laissa entrevoir le coupable que visait son discours, sans le désigner pourtant, on s’éleva contre lui de tous côtés. L’un disait : Qui vient-on accuser ainsi ; sans avoir fait de rapport au Sénat ? — L’autre : Laissez en paix ceux qui ont pu s’échapper. Le consul engagea Pline à s’asseoir jusqu’à ce que son tour d’opiner fût venu. On traita alors d’autres affaires ; et pendant ce temps les amis de Pline vinrent l’engager à se désister. Pourquoi vous compromettre ? cette conduite peut vous rendre suspect aux empereurs à venir. — Tant mieux, pourvu que ce soit aux mauvais empereurs. — Mais vous provoquez un préfet du trésor, qui demain va être consul. — Je suis tout prêt à subir, s’il le faut, la peine d’une action qui m’honore. — Enfin on commence à opiner. La plupart des sénateurs font l’apologie de Certus, bien que Pline n’eût pas prononcé son nom. Mais quand vint le tour de Pline, répondant à tout ce qui avait été avancé, il change si bien les dispositions de l’auditoire qu’il se fait applaudir de ceux qui voulaient tout à l’heure le dissuader de prendre la parole. Il n’y eut presque personne dans le Sénat qui ne vint m’embrasser, crie serrer dans ses bras, me louer à l’envi de ce qu’à mes risques et périls j’avais lavé le Sénat du reproche, qui lui était adressé, de dissimuler par une coupable complaisance les prévarications des sénateurs[54]. — L’empereur n’ordonna point l’instruction du procès : mais si sa clémence sauva Publicius Certus de la peine qui pouvait l’atteindre, sa justice du moins nota l’indignité de ce scélérat en le faisant exclure du consulat où il avait été nommé. — Publicius Certus, parait-il, tomba malade peu de temps après et mourut. J’ai oui dire, ajoute naïvement Pline, que, pendant sa maladie, son imagination me représentait sans cesse à lui : sans cesse il croyait me voir le poursuivant l’épée à la main. Je n’ose pas assurer que cela soit vrai ; mais il importe, pour l’exemple, que cela le paraisse.

Pline ne recherchait pourtant point les fonctions d’accusateur. Bien qu’au temps de la République le droit de libre accusation eût été exercé par les plus nobles et les meilleurs citoyens, il semblait toutefois que la défense fût le véritable privilège et le premier devoir de l’avocat, du patron. C’est en défendant Roscius d’Amérie contre l’affranchi tout puissant de Sylla que Cicéron, à ses débuts, avait conquis la faveur populaire. Lorsqu’il se présenta pour accuser Verrés, en concurrence avec Cæcilius, il crut presque devoir s’excuser du nouveau rôle qu’il allait prendre. Ce n’était pas sans douleur, disait-il, qu’il s’était vu dans l’alternative ou de tromper l’espoir des Siciliens qui sollicitaient son secours, ou de poursuivre un accusé, lui qui jusqu’alors n’avait paru devant les tribunaux que pour défendre, jamais pour attaquer. Encore aimait-il à penser qu’en cette circonstance accuser Verrés c’était moins attaquer un homme que défendre une province ; et qu’il restait fidèle à lui-même[55]. — Sous l’empire, ce droit redoutable, que Cicéron disputait à Cæcilius avec tant de réserves, comme une charge pénible et comme une obligation sacrée, était devenu, grâce aux délateurs, le plus lucratif et le plus scandaleux des métiers. Loin de l’exercer spontanément, les honnêtes gens hésitaient à se confondre avec ces détracteurs mercenaires et reculaient parfois devant la nécessité de soutenir une poursuite injuste, une accusation déloyale. Julius Grécinus, père d’Agricola, sénateur illustre, fut mis à mort par Caligula pour avoir refusé d’accuser, sur l’ordre du prince, le noble et vertueux Marcus Silanus[56]. Sous Nerva même et sous Trajan, l’accusation était si décriée ; le ministère rempli jadis par les Caton, les Scaurus, les Scipion Émilien et les Calvus avait été tellement dégradé par les dénonciateurs des Césars, qu’il ne se présentait plus d’accusateurs : il fallait que le Sénat lui-même en désignât d’office[57]. C’est ainsi que Pline fut désigné, sous Domitien, pour accuser Bæbius Massa[58] ; c’est ainsi qu’il fût désigné, sous Trajan, pour accuser Marius Priscus pet Cæcilius Classicus. Il était préfet du trésor (præfecti ærarii Saturni) quand les députés de la Bétique vinrent supplier le Sénat de leur donner Pline pour avocat. Ses collègues dans la préfecture du trésor, alléguant les engagements de leur commune charge, n’oublièrent rien pour écarter de lui cette obligation nouvelle. Sur leurs remontrances le Sénat rendit un décret portant qu’il donnerait Pline pour avocat à la Bétique, si cette province pouvait d’abord obtenir Pline de lui-même[59]. En présence d’un décret si flatteur Pline répondit : qu’il croyait n’avoir plus d’excuses pour résister aux instances qui lui étaient faites.

Il était d’ailleurs assez scrupuleux sur le choix des causes qu’on lui proposait. Il ne pensait pas que l’avocat dût faire pavois de son éloquence et de son crédit à tous les griefs, soit des particuliers, soit des provinces, sans distinction et sans réflexion. Il avait retenu de Thraséas cette maxime : qu’il y a trois sortes de causes qu’on doit accepter : celles de ses amis ; celles que personne n’appuie ; celles dont il sort une leçon et un exemple. A ces trois sortes de causes il en ajoutait, il est vrai, une quatrième : les causes importantes et fameuses, car il est juste, disait-il, de plaider quelquefois pour sa réputation et pour sa gloire, c’est-à-dire de plaider sa propre cause[60]. Malgré les avances d’un de ses amis, Octavius Rufus, nous le voyons refuser, par une lettre extrêmement adroite, de plaider pour un certain Gallus contre les habitants de la Bétique[61]. Et pourtant il avait reçu d’Octavius Rufus des figues, des morilles et des dattes excellentes ; qui devaient exciter sa bienveillance et prévenir son refus !

Mais quand il s’était chargé d’une cause nul n’y apportait plus de soin, plus de conscience et plus d’étude. Sa facilité naturelle, sa réputation établie ne lui semblaient pas des motifs suffisants de ménager son temps ou ses forces. Il avait, au contraire, pris pour son compte cette phrase d’Asinius Pollion : plaider aisément, m’a fait plaider souvent ; plaider souvent m’a fait plaider moins aisémentcommode agendo factum est ut sæpe agerem : sæpe agendo, ut minus commode. Quelle que fût son habitude de la parole et de l’audience, il n’affrontait pas la barre sans une, secrète appréhension. Il n’était jamais si sûr de lui-même qu’il ne crût avoir besoin de méditer davantage et de revenir à ses dossiers dans son cabinet d’étude. Je m’étais rendu, dit-il, à la basilique Julienne pour entendre des avocats à qui je devais répondre dans l’audience suivante. Les juges avaient pris place, les décemvirs étaient arrivés, les avocats se tenaient à leur banc, quand survient un ordre du préteur qui lève la séance. On nous renvoie, à ma grande satisfaction, car je ne suis jamais si bien préparé qu’un délai ne me fasse plaisirut non mora lœter.

C’était le soin du style, le beau tour des phrases, l’élégance et la variété des figures, autant que la disposition des preuves et la discussion juridique qui préoccupaient certainement le brillant disciple de Quintilien. Pline était plus orateur que jurisconsulte. Il savait au besoin traiter sérieusement une question de droit ; mais il la traitait avec effort, et il n’attendait pas du public plus de faveur et plus de goût pour sa harangue qu’il n’y en avait mis lui-même[62]. Il estimait la force, mais appréciait surtout la grâce et n’imitait la vigueur de Démosthène qu’en y mêlant quelque agrément de sa façon[63].

Les deux écoles que représentaient, au temps de César, Brutus et Cicéron, se trouvaient encore en présence au temps de Trajan. Regulus allait droit au fait et saisissait son adversaire à la gorge ; Pline avant d’étrangler son ennemi lui paralysait lentement les mains, les bras et les jambes. Regulus et ses émules affectaient un style laconique ; Pline préférait l’ampleur des périodes cicéroniennes. Les uns étaient nerveux et violents ; l’autre abondant, aimable et fleuri. A quoi bon relever dans une cause tant de menus faits et de petits détails ? disait Regulus à Pline, un jour qu’ils avaient le même client. C’est ma méthode, répondit Pline ; je fais valoir ma cause comme on fait valoir une ferme. On n’en cultive pas seulement les vignes, mais on y prend soin des moindres arbrisseaux. On n’y sème pas seulement du blé, mais de l’orge, des fèves, des légumes de toute espèce. De même je sème à pleines mains dans mon discours les- faits et les arguments ; je récolterai plus tard ce qui aura germé dans l’esprit des juges[64].

Avec un tel système, on comprend qu’il trouvât souvent les juges trop pressés et réclamât pour les avocats plus de temps que n’en accordait le tribunal. Sous l’empire, une clepsydre placée à côté de l’orateur fixait la durée de sa plaidoirie. Cette durée, variable suivant l’importance de la cause, était d’une, deux ou plusieurs clepsydres, au gré du juge ; et la plaidoirie devait finir quand l’eau de la dernière clepsydre était épuisée[65]. On essayait de prévenir ainsi de fastidieuses divagations. Y réussissait-on toujours ? Non, s’il faut en croire Martial. Le juge, dit le poète à Cæcilianus, vaincu par tes bruyantes instances, t’a permis, quoique à contre cœur, d’épuiser jusqu’à sept clepsydres. Et te voilà, le cou tendu, demi-renversé, pérorant et buvant à longs traits des verres d’eau tiède. De grâce, Cæcilianus, pour tarir à la fois ta soif et ton verbiage, bois au moins l’eau de la clepsydre[66]. — Lorsqu’au début du règne de Trajan Pline accusa Marius Priscus devant l’empereur, on lui accorda dix clepsydres : et comme son discours n’était pas terminé avec la dixième, le Sénat voulut bien lui en accorder quatre autres — decem clepsydris, quas spatiosissimas acceperam, sunt additœ quatuor[67]. C’est ce qui s’appelait dare aquam. Regulus, ainsi que Pline, savait obtenir des juges un nombre de clepsydres suffisant pour donner carrière à sa verve et développer tous ses moyens. Mais après la mort de Regulus, les juges et les avocats semblèrent vouloir d’un commun accord écourter les plaidoiries et restreindre le temps de la défense. On vit prévaloir la coutume de ne donner et de ne demander qu’une ou deux clepsydres pour plaider, quelquefois même une demie[68]. Pline s’afflige d’un pareil usage. Il blâme ces juges et ces avocats impatients, qui précipitent ainsi les affaires et qui consacrent moins de clepsydres à débrouiller un procès que leurs ancêtres n’y consacraient de jours. Il déplore la décadence de l’art oratoire que tout contribue à faire déchoir de son ancien éclat : la paresse des uns et le charlatanisme des autres ; chez les juges, la hâte de se soustraire aux obligations de leur charge et d’expédier une cause qu’ils devraient instruire en conscience ; chez les avocats, le mépris des études, l’amour du gain, l’oubli des périls qu’ils font courir par négligence à leurs clients. Pour lui, quand il siégeait comme magistrat, il donnait libéralement aux orateurs tout le temps qu’ils réclamaient, persuadé que la patience du juge est une partie de sa justice — patientiam debeat, quœ pars magna justitiœ est.

Il est du moins une réforme, à laquelle il applaudit sincèrement : c’est la réforme entreprise par le préteur Nepos pour réprimer la vénalité des avocats, qui, tout en abrégeant leurs plaidoyers, élevaient le chiffre de leurs honoraires. Quintilien avait déjà dénoncé l’odieuse coutume de rançonner les plaideurs comme un pirate rançonne ses captifs — paciscendi quidem ille piraticus mos. Le mal, qui datait de loin, vainement combattu sous Auguste, sous Claude et sous Néron, était devenu un véritable fléau public. Sous Trajan, Tuscilius Nominatus, choisi pour avocat par les habitants de Vicence, se lit avancer par eux dix mille sesterces ; et, le jour de l’audience, ne comparut pas. Après avoir touché l’argent, il laissait ses clients sans défenseur. Le tribun Nigrinus saisit cette occasion de s’élever, dans le Sénat, contre la dépravation des causidici. Dans une remontrance énergique, il se plaignit que les avocats vendissent leur ministère et vendissent même leurs prévarications. Le patronage n’était plus qu’un trafic. A la gloire, qui jadis était le seul prix d’un si noble emploi, les orateurs préféraient aujourd’hui les dépouilles des citoyens, dont ils faisaient leurs revenus. Il rappela les anciennes lois sur la matière, cita les sénatus-consultes et conclut en exprimant le vœu que le prince avisât aux moyens d’abolir de pareils désordres. Peu de jours après, Trajan engageait le Sénat, en termes sévères mais modérés, à prendre les mesures convenables pour corriger les abus qu’on lui signalait. Le Sénat rendit un décret ordonnant aux plaideurs de jurer, avant toute plaidoirie, qu’ils n’avaient rien donné, rien promis, rien fait promettre à personne pouf défendre leur cause[69]. C’est ce décret que Nepos voulut faire appliquer à la lettre. — Le public s’étonna d’abord de cette sévérité nouvelle. Le préteur, qui présidait les centumvirs, hésita lui-même à s’y conformer. Pline approuva au contraire ce retour aux anciennes mœurs qu’il avait préparé par son exemple. Il y aura sans doute, ajoute-t-il, moins de gloire à mon désintéressement, lorsque tout le monde fera par force ce que je faisais de mon plein gré. Je jouis cependant du plaisir d’entendre les uns m’appeler devin ; et les autres me répéter en plaisantant qu’on va mettre enfin un terme à mec cupidité et à mes rapines.

Un genre de désintéressement plus rare et tout aussi difficile à pratiquer, c’est la faveur que témoigne Pline aux jeunes talents qui se produisent à ses côtés. Qu’il entende deux avocats plaider avec esprit et avec succès : Ô jour heureux, s’écrie-t-il, j’ai entendu plaider Fuscus Salinator et Numidius Quadratus ! Leur tenue est excellente (decorus habitus) ; leur langage est pur, leur voix male, leur mémoire fidèle, leur jugement sûr, leur intelligence élevée[70]..... Ils marchent sur mes traces. Puissent-ils un jour me dépasser ! — Prié par un ami de se charger d’une cause importante, il n’accepte qu’à une condition, c’est qu’il s’adjoindra comme collègue Cremutius Ruso, jeune orateur d’un grand avenir, dont il veut ainsi favoriser les débuts[71].

Le barreau comptait alors, malgré les reproches que Pline adresse parfois aux avocats de son temps, des orateurs encore capables d’honorer les lettres et l’éloquence latine. Dans le procès de Varénus, devant le Sénat, Nigrinus parle d’une manière serrée, forte et brillante (presse, graviter, ornate)[72] ; Bruttianus se défend lui-même devant Pline avec netteté, véhémente et précision[73]. Les consulaires Lucceius Albinus et Titius Homullus déploient dans le procès de Bassus des qualités de premier ordre[74]. Nous avons cité, au début de ce travail, toute une pléiade d’hommes distingués que l’exil des délateurs avait ramenés au forum. — De leur côté, les magistrats, encouragés par le prince, s’efforçaient, on vient de le voir, de rendre à la parole son véritable honneur, sa légitime autorité. Non content de réprimer les exactions des causidici, le préteur Nepos rappelait les juges eux-mêmes à la discipline et au devoir. Un sénateur fut condamné à l’amende pour s’être dispensé de l’audience. Soyez exact au tribunal, écrit aussitôt Pline à Romanus, on ne s’absente plus impunément aujourd’huinon impune cessatur[75].

D’où vient donc que malgré ce réveil de la justice et cet affranchissement de la parole, malgré cette émulation de la jeunesse pour se signaler au barreau, malgré le mérite réel des orateurs qui plaident à l’époque de Trajan, l’éloquence judiciaire reste encore loin des modèles de l’âge précédent, des Hortensius, des Calvus et des Cicéron ?

Est-ce, comme le prétend Tacite dans le Dialogue, parce que l’orateur, limité par la clepsydre, ne dispose plus, comme autrefois, du temps qui lui serait nécessaire ? parce que l’éclat du sujet (splendor rerum) et l’importance des affaires ont diminué ? parce que la puissance oratoire ne donne plus le crédit, l’autorité, le rang, l’immense clientèle qu’elle donnait sous la République[76] ? — Mais les limites fixées par la clepsydre ne sont pas tellement étroites que Pline ne parle sept heures de suite à la barre des centumvirs et cinq heures de suite dans le procès de Marius Priscus au Sénat (dixi horis pœne quinque). Les procès de concussion plaidés devant l’empereur, en présence des premiers personnages de l’univers, ne diffèrent pas tant des procès que César intentait à Dolabella, Cicéron à Verrès, Asinius Pollion à C. Caton. Le fond du débat est le même et la qualité des accusés n’a pas changé. Quant aux récompenses attachées à l’art de bien dire, ce sont toujours les honneurs, la fortune ; la renommée. L’avocat, sous Trajan comme avant Auguste, a des provinces et des nations parmi ses clients. Pline est le patron des Africains et des Espagnols de la Bétique. Pomponius Rufus est le patron des Bithyniens dont il soutient la plainte contre Bassus. C’est par leurs succès au forum que Domitius Afer, Vibius Crispus, M. Servilius, depuis Tibère et depuis Néron, ont atteint les plus hautes charges et sont devenus les premiers de l’État[77]. D’où vient donc cette décadence de l’art que Pline signale et reconnaît presque à son insu, même quand il vante ses plaidoyers et se promet une gloire immortelle ?

C’est que l’art de cette époque, tout en restant au service des intérêts publics ou privés, se place au-dessus des intérêts qu’il défend et des opinions qu’il exprime. Il s’admire et se complaît en lui-même. Produit factice d’une société désœuvrée, il a les grâces précieuses et les séductions éphémères de la mode. Il lui manque l’inspiration qui fait les œuvres originales et durables. Rien n’y parait, rien n’y transpire des passions ou des idées qui s’agitaient au fond de la conscience humaine et qui germaient alors dans l’esprit des peuples. Il est fait à l’image du monde élégant et superficiel, qui vit à Rome de plaisirs, de curiosité, de mouvement frivole et stérile. Il pèche par excès de culture et d’imitation (litterarum intemperantia). Depuis un siècle, à l’école des rhéteurs, il s’est poli, raffiné, subtilisé au point de perdre sa vigueur et sa vitalité. Le fond des discours peut être sérieux : la forme y dépasse toujours la matière. Qu’il se règle sur Cassius Severus ou sur Cicéron, l’orateur n’échappe pas à la contagion du goût qui domine.

Pline a pris pour modèles Cicéron et Démosthène. A Cicéron il emprunte sa phrase harmonieuse et son large développement ; car il goûte peu le style haché des prétendus Attiques (amputata oratio et abscissa). Il aime à s’étendre en plaidant, pour offrir à chacun des juges l’idée qui lui convient le mieux, l’argument le plus propre à le toucher et à le convaincre. Il sait que les dispositions des hommes varient à l’infini et que quand les esprits s’accordent, c’est presque toujours pour des motifs différents[78]. En même temps, il demande à Démosthène le secret de sa véhémence et de ses figures (tentavi imitari Demosthenem)[79] ; il lit et relit la harangue de l’orateur athénien contre Midias. Il est ravi de ce style hâle et nerveux ; mais il ne peut se priver de cueillir, en passant, des fleurs sur la route (tempestivœ amœnitates)[80]. Il ne lui suffit pas de gagner sa cause ; il veut que son discours soit apprécié des auditeurs curieux et des lecteurs délicats que charme le rhéteur Isœus. Un ami sévère, un homme de goût comme Lupercus, lui signale-t-il dans ses plaidoyers quelques passages superflus et déclamatoires, quelques traits risqués et quelques mots prétentieux, Pline se défend par l’exemple des danseurs de corde : Voyez quelles acclamations ils provoquent, quand ils risquent, sur la corde raide, un pas hardi, que peut suivre une chute[81]. Ainsi de l’orateur : c’est en laissant la route unie, en côtoyant les précipices, qu’il étonne et frappe un public avide de difficultés. Ce que Lupercus trouve ampoulé, Pline le trouve sublime : ce qui parait au premier excessif et redondant, le second le trouve riche et magnifique. Pline a dit d’un parleur froid mais correct : Je ne lui reproche qu’un défaut, c’est de n’en pas avoir. Il se garderait bien de mériter lui-même le reproche qu’il adresse aux autres. II préfère les défauts aimables, les témérités attrayantes, les vices du langage à la mode.

La faveur dont jouit alors l’éloquence judiciaire semble se retourner contre elle : elle se pervertit par le succès. Quand Pline a prononcé devant les centumvirs un plaidoyer retentissant, il le retouche, l’embellit ; l’accommode au goût du jour pour le lire devant ses amis et préparer ainsi sa publication[82]. II est vrai que des gens d’esprit osent le blâmer de cette habitude. Pline se justifie aussitôt, mais par les raisons mêmes qui le condamnent. C’est, dit-il, pour recevoir les avis d’une élite de juges scrupuleux, et profiter de leurs remontrances. Quelle est devant ce petit cercle ma crainte, mon inquiétude ! avec quel respect j’écoute ses décisions ! Et c’est justement dans ces réunions littéraires, loin du grand jour de la place publique, que l’éloquence s’effémine, se farde et devient la langue d’une coterie, au lieu d’être l’interprète d’un peuple, ou seulement l’expression sincère d’un cœur droit et d’un esprit juste !

La paresse ou l’indifférence des juges, la cupidité des causidici, le charlatanisme de quelques aventuriers, orateurs obscurs de procès de gouttières et de murs mitoyens, contribuent moins à la décadence de l’art que ces lectures à huis-clos et ces admirations gratuites. Les applaudissement& pués d’un esclave, dans la basilique Julienne, ne coûtaient guère que trois deniers : ceux que Pline obtient de ses amis sont plus chers en réalité, car il ne les obtient qu’en flattant les travers d’esprit de ceux qui l’écoutent, en acceptant leurs avis et leurs exigences, en pliant la langue de Calvus et de Cicéron aux caprices de la rhétorique bâtarde des déclamateurs en crédit. S’il glisse une description dans un discours, s’il marie la poésie à la prose, il faut bien donner, écrit-il, quelque chose au goût des jeunes gens, quand le sujet s’y prêtesunt enim quœdam adolescentium auribus danda[83]. Il faut offrir quelque antithèse imprévue, quelque sentence neuve et piquante, quelque récit agréable à ces imaginations en éveil : et l’admirateur éclairé de Démosthène, l’ami de Tacite et de Trajan achète par cette concession les suffrages de la jeunesse.

Le rang qu’il tenait au barreau, ses talents, son intégrité devaient mettre Pline au-dessus de pareils moyens. Il devait guider les jeunes gens, non les suivre. Il eût mieux servi les intérêts de sa gloire et ceux de l’art qu’il aimait, en retrempant l’éloquence aux sources vives de la liberté renaissante plutôt que de l’énerver et de l’affadir dans ces lectures de parade, qui rappelaient les lectures de Stace et sa confrérie poétique. Par ses qualités, comme par ses défauts, il n’en reste pas moins le chef de cette ingénieuse phalange d’orateurs et d’hommes de lettres (studiosi) que vit éclore le règne de Trajan. Il a attaché son nom à des réformes utiles, à des mesures équitables[84] ; il a fait entendre aux sénateurs et aux centumvirs les accents d’une éloquence apprêtée sans doute et plus fleurie que vigoureuse[85], mais honnête, élevée, souvent pathétique. Génie souple, adroit, avisé ; doué de plus de tendresse que de force et de distinction que de grandeur ; écrivain aimable, châtié, spirituel et plus près de Quintilien que de Tacite, il est le seul avocat illustre qu’on puisse citer après Cicéron.

 

Annales de la Facultés des Lettres de Bordeaux — 1881

 

 

 



[1] V. Panégyr., Excidisti intestinum malum... (§ 34) — Jam non delatores, sed leges timentur. (§ 36) — Éd. H. Keil., Lipsiæ, in ædibus Teubneri, 1840.

[2] Epistularum ad Traj. lib. — Epist. 97, éd. Keil. (Ep. 98, éd. Nisard.)

[3] V. Quintilien. Duo genre sunt testium, aut voluntariorum, aut eorum quibus judex in judiciis publicis lege denuntiare solet ; quorum altero pars utraque, utitur, alterum accusatoribus tantum concessum est. Instit. Orat., V, § 7.

[4] Digeste, XLVIII, 18, I, § 21. — Cf. Essai sur le règne de Trajan, par C. de la Berge, ch. X. (Bibliothèque de l’École des Hautes Études, 1877).

[5] Absentem in criminibus damnari non debere.... sed nec de suspicionibus debere aliquem damnari divus Trajanus Severo rescripsit.... Digeste. — Cf. C. de la Berge, op. cit.

[6] Panegyr. In omnibus cognitionibus quam mitis severitas, quam non dissoluta clementia ! (§ 80.)

[7] Panegyr. Siquidem pleraque ad prætores remittebat. (§ 77.)

[8] Panegyr. Sæpius vincitur fascus, cujus mala causa nunquam est, nisi sub bono principe. (§ 36)

[9] V. Dion Cassius, LXVIII, 5.

[10] Panegyr. § 68. L’édition Keil adopte la leçon promere in medium, au lieu de proferre.

[11] Sur la vie et le rôle de ces différents personnages, voir l’Index Nominum ajouté par Théodore Mommsen à l’édition des lettres de Pline le Jeune de Henri Keil.

[12] Pline le Jeune, Epist. II, 14. In media basilica, tam palam sportulæ quam in triclinio dantur.

[13] Pline le Jeune, Epist. I, 16. Audivi causas agentem acriter et ardenter, nec minus polite et ornate, sive meditata, etc.

[14] Pline le Jeune, Epist. II, 13. Ille meus in urbe, ille in secessu contubernalis. Ingenium excelsum, subtile, dulce, eruditum....

[15] Pline le Jeune, Epist. II, 9. Anxium me habet petitio Sexti Eruci mei...

[16] Pline le Jeune, Epist. IV, 22. Trebonius Rufinus, vir egregius... agit ipse causam non minus feliciter, quam diserte.

[17] Pline le Jeune, Epist. V, 8. Me vero ad hoc studium impellit domesticum quoque exemplum.

[18] C. Plinius Lucii filius Oufentinus Secundus. — Sur les noms de Pline le Jeune, V. Mommsen, Zur Lebensgeschite des jungeren Plinius (Hermès, III, 1868. Cf. Traduction C. Morel, Bibliothèque des Hautes Études.

[19] Le père de Pline le Jeune appartenait à la noblesse municipale, peut-être même à la noblesse équestre. (V. Mommsen, op. cit., 2e partie.) Son père adoptif avait la nobilitas equestris.

[20] Quintilien, Instit. Orat., X. I. Sunt enim summa hodie quibus illustratur forum ingenia, etc.

[21] V. Mommsen, Zur Lebensgeschite des jungeren Plinius.

La différence d’âge qui séparait Pline de Tacite, son aîné, est en rapport avec la distance qui sépare leurs prétures : le premier fut préteur en 88, le second en 93.

[22] Pline le Jeune, Epist. VII, 20.

[23] Valère Maxime, V, chap. 4, § 4 : M. Cotta eo ipso die, quo togam sumpsit virilem..., Cn. Carbonem postulavit peractumque reum judicio afflixit.

[24] Tacite, Dial. Orat., § 34 : Nonodecimo ætatis anno L. Crassus C. Carbonem... insecutus est. — Cicéron (De Oratore, III, 20) fait, il est vrai, débuter Crassus deux ans plus tard : Annos natus unum et viginti, etc. — Il n’y avait pas d’âge fixé pour les débuts du jeune avocat. Dès qu’en prenant la toge virile il avait pris possession de ses droits de citoyen, il pouvait plaider, s’il se croyait assez préparé. Cf. Quintilien, Instit. Orat., XII, § 6. Agendi autem initium sine dubio secundium vires cujusque sumendum est : neque ego annos definiam, etc.

[25] Pline le Jeune, Epist. IV, 1. Oppidum est prœdiis nostris vicinum (nomen Tiferai Tiberini) quod me panne adhuc puerum patronum cooptavit — …Templum pecunia men extruxi.

[26] Pline le Jeune, Epist. V, 8. Avunculus meus idemque per adoptionem pater. II avait été adopté par Pline l’Ancien en l’année 79. Cette adoption avait eu lieu par testament. (V. Th. Mommsen, op. cit., 2e partie. Trad. C. Morel.)

[27] Pas plus pour lui que pour les autres tribuni militum honores petituri, il ne saurait avoir été question d’un service militaire effectif... (Mommsen.)

[28] Suétone, Domitien, VIII. Jus diligenter et industrie duit, plerumque et in foro pro tribunali. — Cf. § IX.

[29] Pline le Jeune, Epist. VI, 2. Oculum modo dextrum, modo sinistrum circumlinebat ; dextrum, si a petitore esset acturus.

[30] Epist. I, 18.

[31] V. Mommsen, op. cit., 2e partie, § 14. Trad. C. Morel.

[32] Pline le Jeune, Epist. II, XI. Plinius Arriano suo.

[33] Jurés, Judices jurati (Cicéron, pro Cluent., 29). — Cf. Lois criminelles des Romains, par Laboulaye. Les judices jurati des Romains étaient, comme nos jurés, de simples particuliers chargés momentanément d’un jugement criminel.

[34] Tacite, Dialogue des Orateurs, § 98.

[35] Pline le Jeune, Epist. IV, 16.

[36] Pline le Jeune, Epist. II, 14. Heri duo nomenclatores mei ternis denariis ad laudandum trahebantur : tanti constat ut sis disertissimus.

[37] Pline le Jeune, Epist. II, 14.

[38] Pline le Jeune, Epist. IX, 23. Frequenter mihi evenit, etc.

[39] Pline le Jeune, Epist. VI, 83.

[40] L’édition Keil et l’Index Nominum de Th. Mommsen portent Attia Viriola. Nous avons préféré suivre la leçon vulgaire, qui est celle de Meyer, Fragmenta Orat. Roman., p. 370.

[41] Pline le Jeune, Epist. VI, 38.

[42] Sidonius Apollin., Epist. VIII, 10. Plinius pro Attis Viriola plus gloriæ de centumvirali suggestu domum retulit, quam cum M. Ulpio, incomparabili principi, comparabilem Panegyricum dixit.

[43] Pline le Jeune, Epist. I, 5. — Cf. Notre étude sur l’Éloquence des Délateurs, dans les Annales de la Faculté de Bordeaux, n° 1, 2e année (1880).

[44] Expression d’Étienne Parquier à propos d’Achille de Harlay.

[45] Pline le Jeune, Epist. VII, 6. Non minus oratorium esse tacere, quam dicere.

[46] Sur Julius Africanus. V. Quintilien, Instit. Orat. X, 1 ; VIII, 5. — Cf. Boissier, l’Opposition sous les Césars, ch. IV, p. 195.

[47] Pline le Jeune, Epist. VII, 6.

[48] Pline le Jeune, Epist. V, 20. Egi ego pro Vareno, non sine eventu.

[49] Pline le Jeune, Epist. III, 9. Locum hoc fine conclusi, Dicet aliquis : Judicas ergot ? Ego vero non judicio : memini tanem me advocatus es judicibus datum.

[50] Pline le Jeune, Epist. III, 9. Tam multi testes interrogandi, sublevandi, refutandi... toties altecandum.

[51] Tacite, Histoires, IV, 50. Bæbius Massa, e procuratoribus Africæ, jam tum optimo cuique exitiosus, et in causas malorum quæ tulimus sæpius rediturus.

[52] Pline le Jeune, Epist. VII, 83.

[53] Pline le Jeune, Epist. IX, 13. Inter multa scelera multorum, nullum atrocius videbatur, quam quod in senatu senator senatori... manus intulisset.

[54] Pline le Jeune, Epist. IX, 13. ... Quod denique senatum invidia liberassem, qua flagrabat apud ordines alios...

[55] Cicéron, Divinat. is Cæcilium, § 2. Tuli graviter et acerbe, judices, in eum me locum adductum..., ut tempore et officio coactus ad accusandum traducerer.

[56] Tacite, Vie d’Agricola, § 4. Namque M. Silanum accusara jussus, et quia abnuerat, interfectus est.

[57] Tacite, Annales, XV, 93. Jussi accusatores objicere, etc. — Cf. Laboulaye, Les lois criminelles des Romains, III, 3e section, chap. I.

[58] Pline le Jeune, Epist. VI, 29. Egi enim quasdam a senatu jussus...

[59] Pline le Jeune, Epist. III, 4. Factum est senatus consultum perquam honorificum, ut darer provincialibus patronus, etc.

[60] Pline le Jeune, Epist. VI, 29. Æquum enim est agere non nunquam gloriæ et famæ, id est, suam causam.

[61] Pline le Jeune, Epist. I, 7.

[62] Pline le Jeune, Epist. II, 18. Porro ita nature comparatum est, ut ea quæ scripsimus cum labore, cum labore etiam audiri putemus.

[63] Pline le Jeune, Epist. I, 9.

[64] Pline le Jeune, Epist. I, 20. ... Sic in actione plura quasi semina latius spargo, ut quæ provenerint colligam.

[65] Sur la forme de la clepsydre, voir Apulée, Métamorphoses, lib. III, c. 3. ... et ad dicendi spatium vasculo quodam in vicem soli graciliter flatulato ac per hoc guttatim defluo infusa aqua, p. 155, éd. Oudendorp. — Cf. Schol. Aristophane. — Cf. Antony Rich, Dictionnaire du Antiquités romaines, Image d’une clepsydre d’après un bas-relief du palais Mattei à Rome.

[66] Martial, Epigrammes VI, 35.

Septem clepsydres magna tibi voce petenti

Arbiter invitus, Cæciliane dedit.

[67] Pline le Jeune, Epist. II, 11.

[68] Pline le Jeune, Epist. VI, 2. Qui dicunt, egisse malunt quam agere.

[69] Pline le Jeune, Epist. V, 4 ; V, 14 et 21. — CF. Grellet-Dumazeau, Le Barreau romain, chap. VI : Des honoraires.

[70] Pline le Jeune, Epist. VI, 1. O diem lætum !... audivi ex diverso agentes.

[71] Pline le Jeune, Epist. VI, 28.

[72] Pline le Jeune, Epist. V, 20.

[73] Pline le Jeune, Epist. VI, 92. Defensus expeditissime, accusavit vehementer.

[74] Pline le Jeune, Epist. IV, 9. Egerunt pro Basso Titius Homullus et Fronto, mirifice.

[75] Pline le Jeune, Epist. IV, 29. Nepos prætor acer se fortis vir, muletam dixit etiam senatori.

[76] Tacite, Dialogue des Orateurs, §§ 36, 37, 38. Modum dicendi sibi quisque sumebat, et numerus neque dieram neque patronorum finiebatur. — Hi clientelis etiam exterarum nationum redundabant, etc.

[77] Tacite, Annales, XIV, 19. Domitius Afer et M. Servilius qui summis honoribus et multa eloquentia viguerant.

[78] Pline le Jeune, Epist. I, 20. Varia sunt hominum judicia, variæ voluntates... omnibus ergo dandum est aliquid, quod teneant, quod agnoscant....

[79] Pline le Jeune, Epist. I, 2.

[80] Pline le Jeune, Epist. I, 2. — Non tamen omnino Marci nostri τάς ληκύθους fugimus.

[81] Pline le Jeune, Epist. IX, 26. Vides, qui per funem in somma nituntur, quantos soleant excitare clamores, quum jam jamque casuri videntur, etc.

[82] Pline le Jeune, Epist. VII, 17. Quo scripsi, mecum ipse pertracto ; de duobus aut tribus lego ; mox aliis trado adnotanda, etc.

[83] Pline le Jeune, Epist. II, 5. Quoties ad fastidium legentium deliciasque respicio, etc.

[84] C’est sur la plaidoirie de Pline le Jeune que le Sénat accorda pour la première fois aux accusés le droit de citer des témoins à décharge. Impetravimus rem nec legs comprehesam, nec satis usitatam, justam tamen. (Epist. V, 20.)

[85] V. Macrobe, Saturnales, V, I, 7. Quatuor sunt genera dicendi : copiosum, in quo Cicero dominatur ; breve, in quo Sallustius regnat ; siccum, quod Froutoni adscribitur ; pingue et foridum in quo Plinius Secundus quondam, et nunc noster Symmachus luxuriatar.