UN ORATEUR RÉPUBLICAIN SOUS AUGUSTE - CASSIUS SEVERUS

 

Th. FROMENT

 

 

L’avènement d’Auguste, on le sait, marque à Rome le triomphe de la déclamation sur l’éloquence. Mais ce triomphe n’eut pas lieu sans résistance et ne fut pas aussi complet qu’on le croit généralement.

Quand, après la bataille d’Actium, Auguste, seul maître du monde, eut, comme dit Tacite, attiré à lui l’autorité du sénat, des magistrats et des lois, la tribune aux harangues s’effondra avec la liberté sous les ruines de la république romaine ; mais l’éloquence survécut à leur chute. Bannie des comices et des élections populaires, reléguée par le prince dans l’enceinte des basiliques, entre les murs d’un temple, sous les voûtes du palais impérial ou de la curie, dépouillée de son ancien prestige et de sa puissance[1], elle n’abdiqua pourtant pas entre les mains du despotisme ; mais elle se transforma pour mieux vivre et s’adapta, sans hésiter, aux conditions du nouveau régime.

De quel usage, en effet, pouvait être l’éloquence de Cicéron dans le forum pacifié d’Auguste ? Le temps était passé de ces débats solennels, qui mettaient aux prises devant le peuple les premiers citoyens de l’État ; de ces causes, plaidées au grand jour, qui passionnaient Rome, l’Italie et les provinces et désignaient à la faveur des centuries l’orateur qui s’y était fait applaudir. Ceux qui jadis avaient connu ces débats, ceux qui s’y étaient mesurés, comme Asinius Pollion et Messala Corvinus, en étaient réduits à déclamer dans les écoles ou bien à dépenser dans des causes vulgaires un talent mûri pour d’autres luttes.

Ce Pollion, qui, malgré Pompée, avait à l’âge de vingt-deux ans traduit Caïus Caton en justice[2] ; ce Messala dont Cicéron avait encouragé les débuts et distingué le mérite naissant[3], semblaient déjà les représentants d’un autre âge[4]. Ils déployaient encore devant les tribunaux le nombre et l’harmonie de leurs périodes, l’élégance et la politesse de leur langage. Avocats, historiens, versificateurs, ils étaient encore appréciés des lettrés et des délicats : mais ils avaient, comme orateurs, perdu toute influence sur le goût et les idées de leur époque[5].

L’éloquence, comme la vertu, n’est rien si elle n’est active : In usus sui tota posita est[6]. Or Pollion et Messala s’étaient résignés à ne plus agir. En se ralliant au gouvernement impérial, ils s’étaient interdit eux-mêmes l’usage de cette éloquence libre et virile qu’ils avaient pratiquée jadis. Cet art de la parole, qui devait être une arme entre leurs mains, n’était plus qu’un instrument sans portée et la parure de leur inaction. Les deux anciens amis d’Antoine devenus les amis d’Auguste étaient admirés par les courtisans du prince et chantés par la clientèle poétique qu’ils honoraient de leur patronage. Virgile, Horace, Tibulle célébraient leurs succès et disaient leur gloire[7] : mais la jeunesse se tournait vers d’autres modèles.

A cette éloquence distinguée mais froide, à ce style noble mais compassé de Pollion et de Messala, elle préférait lino façon de dire plus vive et plus dégagée, moins correcte et plus brillante[8]. Dans ces procès dont le fond était souvent sans intérêt et sans importance, où le sujet n’échauffait plus l’esprit des juges et ne soulevait plus les passions de l’auditoire, il fallait piquer l’attention par un débit plus animé, des traits plus mordants, des expressions plus hardies et plus acérées[9]. Les lentes préparations de l’exorde, les détours et les ornements d’une exposition développée, toutes ces longueries d’apprêt que Montaigne reproche à Cicéron, étaient devenues insupportables à la génération nouvelle[10]. Écartée de la vie politique et de ses émotions violentes, celle-ci demandait aux discussions de l’école ou du barreau cet ébranlement de la pensée que ne lui donnait plus la tribune. Elle voulait être remuée, frappée, surprise, excitée plutôt qu’instruite ; éblouie plutôt qu’éclairée. Trop rapprochée de la République pour en avoir oublié le nom, trop éprise de l’éloquence pour ne pas regretter les orages de la liberté, elle cherchait dans les discours du forum d’Auguste un écho des tempêtes du forum romain.

Auguste, du reste, il faut le reconnaître, en renversant la tribune aux harangues, n’avait pas supprimé du même coup l’indépendance de la pensée et la liberté de la parole. En homme d’esprit, il avait d’abord souffert la critique et respecté la sincérité. Il laissait Pollion vanter dans ses livres Brutus et Cassius, les meurtriers de César ; et Messala appeler hautement Cassius son général[11]. Il tolérait les iambes et les poésies injurieuses de Bibaculus. S’il permit de rechercher et de poursuivre les auteurs de pamphlets pseudonymes, il laissa publier, sans les punir, les libelles injurieux dirigés ouvertement contre lui[12]. Un jour qu’il sortait de la curie avec colère, fatigué de la violence des débats : Les sénateurs ont le droit, lui dit-on, de discuter les affaires publiques ; et cette réponse ne lui déplut point[13]. Labéon lui tenait tête dans le sénat ; Timagène le raillait, lui et les siens, dans la maison même du Palatin[14]. Ainsi tolérée par le maure, la satire pouvait donc s’exercer impunément dans les tribunaux et les écoles. C’était la dernière arme laissée aux républicains sous l’empire. Les plus hardis n’en emparèrent et du’ tranchant de leurs discours mirent en pièces les abus du nouveau régime et les vices de la société.

Ainsi se forma, dans l’opposition, une école moins polie et moins cultivée sans doute due celle des disciples de Cicéron, mais plus originale, plus passionnée et plus vivante[15]. Le chef de cette école était Cassius Severus, ardent républicain et pamphlétaire redoutable.

En face d’Asinius Pollion et de Messala Corvinus, ces orateurs consulaires, qui continuaient la tradition classique et parlaient gravement, en patriciens érudits, la langue noble et châtiée de l’aristocratie romaine, le plébéien Cassius Severus inaugurait un genre plus brusque, plus hardi, plus libre et plus populaire. Dédaignant le premier toute méthode, laissant de côté la modestie et la pudeur des mots, dit Tacite[16], il porta dés le début à l’extréme la fougue du style et l’anergie de la pensée.

Cassius Severus était originaire de Longula, ville du Latium, située dans l’ancien pays des Volsques, non loin de Corioles[17]. Issu d’une famille obscure, décrié pour ses mœurs, n’ayant pour lui ni la recommandation de la naissance ni l’autorité du caractère[18], il s’était pourtant fait de bonne heure une grande place au barreau de Rome. C’est que l’orateur valait mieux que l’homme chez Cassius.

Doué d’une haute taille, avant même qu’il eût parlé, il imposait par sa prestance et son attitude. Dès qu’il avait ouvert la bouche, il s’emparait de son auditoire par le charme, d’une voix admirable, à la fois douce et forte (qualités qui semblent s’exclure) et par la netteté d’un débit qui aurait fait la fortune d’un acteur sans avoir pourtant rien de théâtral[19]. Son visage toutefois semblait trahir par je ne sais quelle expression brutale ou vulgaire la bassesse de son origine et le désordre de sa vie. Il ressemblait, nous dit Pline l’Ancien, à un conducteur de bestiaux, Mirmillon le bouvier : et cette ressemblance lui fut souvent reprochée[20].

Plébéien, il haïssait l’aristocratie sur laquelle s’appuyait Auguste ; républicain, il détestait ces flatteurs du prince, ces gens d’esprit sans convictions, ces hommes du monde épris du repos, qui aimaient mieux le présent avec sa sécurité que le passé avec ses périls[21], et qui, sans souci de la liberté, s’accommodaient d’un changement dont profitait leur ambition ou leur mollesse. Il n’avait pour eux ni assez d’ironie, ni assez de colère.

D’une nature ardente, passionnée, excessive, Cassius Severus s’attaquait sans ménagement aux plus illustres personnages, parfois même aux plus inoffensifs. On a cru le reconnaître dans le poète médisant contre lequel Horace déchaîne la fureur de ses iambes : Pourquoi t’acharner ainsi sur d’innocents étrangers, chien sans courage contre les loups ? Que ne tournes-tu, si tu l’oses, de ce côté tes vaines menaces ? Que ne mords-tu qui te rendrait tes morsures ? Prends garde[22], etc. On a supposé qu’avant de devenir un orateur célèbre, Cassius Severus aurait pu, dans sa jeunesse, composer des vers injurieux contre quelques amis d’Horace. Mais sérieusement, est-ce bien lui qu’Horace peut nommer un chien sans courage contre les loups ? un dogue à la voix effrayante qu’un os à ronger fait taire ? (Projectum odoratis cibum ?) A défaut d’autres vertus, Cassius avait du moins le courage et l’indépendance, et rien ne le désigne ici qua sa réputation de médisant et de diffamateur[23]. .

Cette réputation il la soutint par des accusations fréquentes, où se déployait sans contrainte l’emportement de son caractère. Je ne sais pas, dit Sénèque, s’il lui est jamais arrivé de défendre un autre accusé que lui-même[24]. Il est vrai qu’il échouait la plupart du temps dans ses poursuites, ce qui faisait dire assez plaisamment à Auguste : Je voudrais bien que Cassius accusât mon forum ; il serait achevé (absolutum, absous ou achevé ; jeu de mots intraduisible)[25].

L’ardeur même que Cassius Severus apportait à la lutte semblait se retourner contre lui. Il se servait mal des armes qu’il avait choisies, dit Tacite, et, dans l’ardeur de frapper, se découvrant presque toujours, il avait plutôt l’air de quereller que de combattre[26]. C’est le reproche que lui adresse aussi Quintilien[27]. Accusateur, il paraissait, poursuivre tune vengeance particulière plutôt que réclamer un acte de justice. Jamais cet acharnement de l’avocat contre le prévenu ne se montra d’une façon plus éclatante que dans l’accusation qu’il porta contre un ami d’Auguste, Nonius Asprenas.

Ce Nonius Asprenas était d’une famille consulaire[28]. Il était, selon toute apparence, le fils de cet Asprenas qui, pendant l’expédition de J. César en Afrique, commandait deux légions en qualité de proconsul[29]. Le père avait été l’ami et le lieutenant de César ; le fils fut l’ami et le confident d’Auguste. C’est lui qui, durant la célébration des jeux troyens, ayant été blessé d’une chute de cheval, reçut du prince un collier d’or (torques), avec la permission pour lui et ses descendants de porter le surnom de Torquatus[30]. Honoré de la faveur d’Auguste, il était chanté par Horace qui lui dédiait la septième ode du IVe livre, et l’invitait, dans une charmante épître, à partager son petit plat de légumes sur un lit d’Archias, au déclin du jour[31]. Néglige la cause de Moschus et viens boire, lui disait le poète ; quel buveur n’a trouvé l’éloquence au fond d’une large coupe ? C. Nonius Asprenas Torquatus était en effet un avocat de mérite et un rhéteur distingué ; Sénèque le nomme plus d’une fois dans ses controverses. Or, c’est lui, ce familier d’Auguste et d’Horace, que Cassius Severus citait en justice comme coupable d’empoisonnement. Le crime était atroce. Il s’agissait de cent trente convives empoisonnés par Asprenas dans un seul festin[32]. Cent trente victimes lâchement immolées par l’ami du prince !

Auguste n’osa pas abandonner son ami dans une aussi grave conjoncture ; il ne voulut pas non plus paraître, en le protégeant, entraver l’action de la justice. Il consulta le Sénat sur ce qu’il devait faite, et, de l’aveu des juges, il fut convenu que le prince viendrait s’asseoir sur le banc des advocati, mais sans pouvoir dire un seul mot et sans témoigner autrement que par sa présence en faveur de l’accusé[33]. Asinius Pollion se chargea de la défense d’Asprenas.

On devine quelle attente excitait dans le public l’issue d’un pareil débat. Les relations d’Asprenas avec Auguste faisaient presque du procès d’un particulier une affaire d’État et un procès politique. Eh bien ! Cassius Severus, par l’animosité de sa parole, par l’accent de haine qui perçait dans ses reproches, ramena l’affaire aux proportions d’une cause privée, d’un duel entre son adversaire et lui-même. Au lieu de paraître effrayé de l’accusation terrible qu’il intentait à un si grand personnage, effrayé du crime inouï qui plongeait tant -de familles dans le deuil, il sembla dans son exorde se féliciter de l’occasion qui lui était offerte d’attaquer et de perdre un ami d’Auguste. Grands dieux ! s’écria-t-il, je vis et je vous en rends grâces, puisqu’il m’est donné de voir Nonius Asprenas accusé ! (Dii boni, vivol et quo me vivere juvet, Asprenatem reum video !) Ne semble-t-il pas, dit avec raison Quintilien[34], que s’il a pris Nonius à partie c’est moins pour des motifs fondés sur la justice nu la nécessité que pour le plaisir de se porter son accusateur ? Non seulement Auguste ne s’offensa point de la violence de cette attaque, mais peu de temps après il acquitta l’agresseur traduit à son tour devant les tribunaux pour ses mœurs[35].

L’animosité de Cassius lui fut reprochée une fois par le préteur dans une cause où il plaidait probablement pour lui-même. Le préteur, s’en prenant à lui de ce que ses advocati avaient insulté L. Varus, épicurien et ami de César : « Je ne sais pas, dit-il, quels sont ceux qui se sont permis cette insulte ; ce sont sans doute des stoïciens[36]. >r Il se tira d’affaire par une plaisanterie.

Cassius Severus, en effet, excellait dans la plaisanterie, dans la réplique vive et mordante. Quintilien et Tacite vantent la finesse, le sel, l’agrément de ses bons mots. Il a beaucoup d’esprit, dit Quintilien, et sait mêler une rare urbanité à ce que la raillerie a de plus acerbe[37]. Un jour qu’un avocat essayait d’être incisif, amer, injurieux en plaidant contre lui : Que ferez-vous tout à l’heure, dit Cassius en l’interrompant, quand je viendrai chasser sur vos terres ? quand je vous montrerai ce que c’est que médire ?[38] C’est lui qui remit gaiement à sa place un jeune avocat qui récitait, en se donnant l’air d’improviser, un plaidoyer longuement préparé et appris par cœur : Pourquoi me regardez-vous ainsi de travers ? s’écriait l’orateur novice, en apostrophant son adversaire. Moi ? répliqua Cassius, je n’y pensais seulement pas. Mais cela était sans doute écrit sur votre cahier. Eh bien ! soit. Et, pour répondre à l’apostrophe du malencontreux avocat, il lui lança un regard terrible (Quam potuit truculentissime eum adspexit)[39].

Un jour que son adversaire, dans le feu de la plaidoirie, avait quitté son banc pour venir droit à lui : Juges, s’écria Cassius, je demande que l’on élève une barrière entre nous deux ![40]

Il raillait avec beaucoup d’à-propos ces parleurs boursouflés, qui n’osent se servir du mot propre, de l’expression en usage, et qui croient produire plus d’effet en recourant à d’ambitieuses périphrases. Le nombre en était grand à Rome : depuis cet orateur célèbre, qui, pour dire de la salaison, disait des poissons conservés dans la saumure (duratos inuria pisces)[41], jusqu’à ceux qui, pour désigner la suie (fuligo) disaient, comme Pline l’Ancien, la farine des cheminées[42]. Cassius interrompit un avocat qui parlait avec pompe de l’herbe d’Ibérie. Il veut dire du jonc ! s’écria-t-il ; faisant ainsi ressortir aux yeux des juges l’emphase déplacée de son confrère[43]. Certain luxe d’expression, certaine emphase asiatique, qui ne choquait pas un homme de goût dans les débats en plein air du forum romain, sautaient aux yeux, comme un contresens, dans les salles étroites et les discussions abrégées des tribunaux d’Auguste.

Fabianus Maximus, homme de très haute naissance, avait mis en usage au barreau certaines locutions adverbiales ou conjonctives, en quelque sorte, pour ainsi dire, quasi. Cassius Severus releva vivement l’abus de ces nuances inutiles. Tu es quasi éloquent, quasi beau, quasi riche, dit-il à Fabianus Maximus, seulement tu n’es pas quasi coquin[44]. La leçon était dure. Plus tard, Fabianus Maximus le traduisit en justice.

N’eût été l’âpreté de sa plaidoirie et la violence de sa parole, Cassius Severus eût tenu, selon Quintilien, le premier rang parmi les orateurs romains[45]. Son discours tendait droit au but, sans digressions oiseuses, sans hors-d’œuvre. Il fallait le suivre avec attention, sous peine de perdre le fil des idées. Du reste, il était maître de son auditoire ; et ceux qui l’écoutaient n’avaient qu’une crainte, c’était de le voir finir trop tôt. Il devait plus à l’inspiration qu’à l’étude et ne parlait jamais si bien que lorsqu’il était pris à l’improviste (Ex tempore coactus dicere infinito se antecedebat)[46]. Il ne se fiait pas cependant à cette facilité naturelle. S’il plaidait plusieurs causes civiles le même jour, une le matin, l’autre l’après-midi, jamais il ne plaida qu’une cause publique dans la même journée. Il se préparait à la plaidoirie en écrivant, et ne se contentait pas d’esquisser un canevas, de tracer les grandes lignes de son action ; il en écrivait des passages entiers, notant jusqu’aux moindres détails (Illa quoque quæ salse dici poterant adnotabatitur)[47] : il aiguisait ses épigrammes à l’avance. Toutefois le hasard, une objection, une attaque imprévue lui suggéraient d’ordinaire ses plus beaux mouvements oratoires. Aussi était-il dangereux de l’interrompre ; et ses adversaires, sur leurs gardes, évitaient-ils de lui fournir l’occasion d’une réplique.

Ce génie vigoureux, cette parole enflammée, ce style mâle composé d’improvisation et d’étude, frappaient plus vivement le public que la diction savante de Pollion et de Memala. Ceux-ci étaient des raffinés et des puristes : et le public apprécie peu ces mérites. Tandis que Pollion accusait Tite-Live de patavinité et relevait des fautes dans le style de Cicéron[48] ; tandis que Messala pesait curieusement ses mots et trouvait barbare le latin de Porcius Latro[49], Cassius Severus, étranger à de tels scrupules, regardait d’abord au fond des choses. Il dut pourtant, en pleine audience, se débattre un jour contre un grammairien qui lui reprochait un solécisme. M. Pomponius Marcellus était pour la pureté du langage d’une sévérité inflexible. Plaidant contre Cassius, il surprit un solécisme dans le plaidoyer de son adversaire et se mit à le poursuivre avec tant d’acharnement, que celui-ci, s’adressant aux juges, demanda la reluise de la cause. Puisqu’il ne s’agit plus, dit-il, d’une question de droit, mais d’une controverse de langue, je demande que l’affaire soit ajournée, afin que nous puissions nous pourvoir d’une autre grammaire[50]. C’était finement critiquer le pédantisme du grammairien avocat. — Voilà pourtant dans quels excès tombaient alors les partisans de l’école classique. Ils cherchaient dans un plaidoyer, les uns, les grâces du style ; les autres, les curiosités de l’érudition. Plusieurs, à l’exemple de Cicéron, citaient des vers d’Ennius, de Pacuvius, de Lucilius ; et Pollion émaillait son discours de passages tirés des vieux poètes, pour laisser respirer l’oreille fatiguée de l’âpreté du style judiciaire[51].

Cassius ne manquait pas d’instruction et de lecture[52] ; mais il goûtait peu ce travail de marqueterie. Il appréciait surtout ce que chacun tire de son propre fonds. Il en voulait à ceux qui pillent les grands écrivains sans les nommer et qui démarquent le linge du voisin. Ces gens-là, disait-il, ressemblent à des voleurs qui changent les anses des vases d’autrui[53]. On en voit qui pour avoir ôté, ajouté ou modifié un mot dans une phrase, croient pouvoir s’approprier la pensée des autres (Putent se alienas sententias lucri fecisse). Quant à lui, il était vraiment original ; et son discours avait, suivant Sénèque le père, qui l’entendit, plus de sens que de mots[54].

Entre les divers ouvrages dont il s’était nourri, il avait une secrète préférence pour les mimes de Publius Syrus (C. Severus summus Publii amator). Il aurait dit volontiers de lui ce qu’en écrit Sénèque le philosophe : Combien y a-t-il de beaux vers dans la bouche des bouffons ! Combien de bonnes choses dont Publius est l’auteur, qui mériteraient d’être récitées non pas devant la canaille, mais devant l’élite de la société ![55] Un jour qu’on blâmait devant lui ces traits sentencieux dont les jeunes gens semaient alors leurs discours et qu’on attribuait à Publius Syrus l’introduction de cette mode nouvelle, Cassius Severus prit en main la défense de Publias et rejeta le blâme sur ses maladroits imitateurs. On trouve chez lui, dit-il, de plus beaux traits que chez n’importe quel poète comique ou tragique, Romain ou Grec[56]. Et il en cita quelques-uns comme exemples ; entre autres, ce vers, auquel il ne trouvait rien de comparable :

Tam decsi avaro quod habet quam quod non habet[57].

Cassius Severus contribua donc à répandre ce goût des traits brillants, des mots à effet que signale Aper dans le Dialogue des Orateurs : Les jeunes gens qui suivent les orateurs pour se former sur leur modèle sont jaloux d’entendre et d’emporter chez eux quelques traits saillants et dignes de mémoire. C’est de lui surtout que datent ces pensées profondes ou ingénieuses, ces sentences brèves, ces tours piquants et inattendus qui donnent au discours quelque chose de rare et qu’on retrouve, au siècle de Trajan, dans Tacite et Pline le Jeune.

Au sortir des luttes du barreau, Cassius Severus allait assister aux exercices de l’école. A l’exemple de Pollion, d’Haterius et de Messala, il fréquentait volontiers les rhéteurs, écoutait leurs déclamations et donnait son avis sur les divisions, les arguments et les couleurs de leurs controverses. Il s’intéressait surtout, semble-t-il, aux sujets qui de loin ou de près touchaient à la politique. Son nom figure rarement dans les controverses de Sénèque, qui mettent en scène des pirates ou des empoisonneuses, qui traitent de jeunes filles enlevées, de marâtres adultères, de fils déshérités ou d’autres fictions romanesques : mais qu’il s’agisse de Cicéron et d’Antoine, il intervient immédiatement dans le débat[58]. — Cicéron doit-il implorer la clémence d’Antoine ? — Non, répondait Haterius, Caton a préféré mourir que de subir le joug de César. — Albutius faisait comprendre an vieux consulaire que s’il était odieux à l’un des triumvirs, il était gênant pour l’autre et qu’il n’avait de secours à espérer de personne. Porcius Latro lui rappelait que la vie n’a plus de prix sans liberté. Quand bien même Cicéron pourrait obtenir sa grâce, il ne devrait pas la demander : s’il la demandait, il était sûr de ne pas l’obtenir. Mais Varius Geminus, laissant de côté l’alternative développée par Porcius Latro, osait engager Cicéron à fuir, à gagner la Macédoine, à se rendre au camp de Brutus. Voilà le meilleur discours ! s’écria Cassius Severus. Les autres ont déclamé. Varius seul a su donner un conseil.

Lui-même, s’il développait pour son compte une chrie, une thèse, une matière de controverse, saisissait toutes les occasions de signaler les hypocrisies, de flétrir les défections et les bassesses dont il était témoin. Il jetait dans les déclamations de l’école, avec une verve inusitée, des allusions directes aux événements de la veille, aux puissants du jour. A propos de ces enfants abandonnés qu’un bourreau inutile pour en faire des mendiants plus avantageux, il ne craignait pas de dénoncer ce tyran qui spécule aussi sur la misère et les souffrances de son peuple. Tandis que Labienus, prenant le parti du bourreau, le défendait ironiquement par l’exemple des princes et des grands seigneurs qui mutilent aussi leurs esclaves pour les faire servir à leurs plaisirs[59], Cassius s’apitoyait, avec horreur, sur les victimes de cette barbarie lucrative. Ici, s’écriait-il, errent des aveugles appuyés sur leurs bâtons ; ici, des manchots étalent leurs moignons : celui-ci a les jambes brisées, celui-là les reins rompus ; les épaules de cet autre ont été déformées en bosse, pour exciter le rire à force de cruauté. Allons, fais avancer ta troupe à demi-vivante, tremblante, aveugle, manchote, famélique : montre-nous tes captifs. Je veux, pardieu ! connaître ton repaire, cette officine de calamités humaines, ce lieu de torture de l’enfance[60] ! Chacun a son supplice désigné.... c’est ainsi qu’un tyran dispense les maux à l’humanité. — Le passage est d’un bout à l’autre étincelant d’ironie et d’indignation : ce sont des phrases saccadées, des antithèses, des images qui se heurtent et d’où l’éloquence jaillit comme un éclair.

Cassius Severus avait pourtant peu de goût pour la déclamation ; il y réussissait médiocrement et ne déployait pas à l’école les grandes qualités dont il faisait preuve au barreau. Non seulement il s’y montrait au-dessous de lui-même, mais encore il y était inférieur à des gens qui ne le valaient pas[61]. Comme Sénèque s’en étonnait, Cassius lui donna les raisons de cette apparente inégalité : C’est, lui dit-il, qu’autre chose est combattre, autre chose faire de l’escrime (Totum aliud est pugnare, aliud ventilare). L’école n’est qu’un lieu d’exercice, le forum est un champ de bataille. Quand je parle au forum, j’agis ; quand je déclame, je crois me débattre dans un rêve. Je ne songe pas à l’auditoire lorsque je plaide au tribunal : je ne vois que le juge. Ce n’est pas à moi-même que je donne la réplique, mais à mon adversaire. Préoccupé du succès, j’évite toutes les paroles superflues : mais dans une déclamation quelle parole n’est pas superflue, puisque rien n’est aussi superflu que la déclamation elle-même ? (In scholastica quid non supervacuum est, quum ipsa supervacua sit ?) — L’éloquence, du reste, est un art multiple et varié ; nul ne le possède en entier : heureux celui qui peut seulement en avoir sa part ! Produisez donc en public, au forum ou dans le sénat ces déclamateurs tant vantés ; une fois sortis de leur école, ils se chercheront et ne se trouveront plus. Ces tempéraments délicats, toujours enfermés, habitués à l’ombre, ne pourront supporter le grand air et le soleil. Et qu’attendre en effet de ces exercices puérils ? Juger un orateur d’après les controverses de l’école, c’est vouloir juger un pilote qui naviguerait dans une baignoire[62]. N’est-ce pas une critique mordante et sensée des rhéteurs et de la vanité de leur art ? L’impétueux athlète se sentait mal à l’aise au milieu des subtilités prétentieuses, des lieux communs et des formules vides de cette éloquence guindée et pédantesque. C’était le mirmillon embarrassé dans les filets du rétiaire. Aussi ne déclamait-il que rarement et lorsque ses amis l’y poussaient (Et non nisi ab amicis coactus).

D’autres que lui protestaient d’ailleurs contre le genre faux, les procédés captieux, le talent stérile des scholastici. Montanus Votienus, avocat distingué, rappelait en souriant la mésaventure de Porcius Latro, le plus célèbre des rhéteurs du temps, qui plaidant pour un de ses amis en Espagne, sur le forum, débuta par un solécisme. Confus, interdit, dérouté, le malheureux était resté court : il ne put retrouver ses esprits que quand les juges eurent bien voulu transporter le tribunal de la place publique dans une des basiliques voisines[63]. Que veut le déclamateur ? disait Montanus. Vaincre ? Non pas ; mais plaire. Il est donc en quête de toutes les séductions, de tous les attraits, de tous les artifices, et néglige les arguments qui n’ont pas assez de grâce ou d’éclat. Il cherche le succès pour lui-même et non pour sa cause. Jamais Montanus ne voulut se prêter à de pareils exercices. Il n’assistait aux controverses que pour faire ressortir le mauvais goût et les inepties des rhéteurs (elegantissime deridebat Montanus Votienus... ineptias rhetorum)[64]. Inepte en effet ce Sénécion emphatique, que ses confrères de l’école avaient surnommé Grandion, parce qu’il ne voulait dire que de grandes choses. Dans sa passion du grand, disait-on, il n’achetait que de grands esclaves, n’avait que de grands vases d’argent, ne portait que de grands souliers et n’aimait pour maîtresses que des géantes[65]. Inepte aussi ce Cestius, le bouffon de l’école[66], qui se croyait supérieur à Cicéron et ne craignait pas de le proclamer publiquement.

Cassius Severus était impitoyable pour ces prétentions ridicules et cette insolente affectation. Il entra un jour dans l’école de Cestius au moment où celui-ci allait réciter un plaidoyer contre Milon. C’était une réfutation de la fameuse Milonienne. Suivant son usage, Cestius commença par se décerner d’avance la victoire et par célébrer ses propres louanges : Si j’eusse été pantomime, j’eusse été Bathylle ; cheval, j’eusse été Mélission... Cassius Severus ne put se contenir : Égout, s’écria-t-il, vous eussiez été le grand égout (Si cloaca esses, maxima esses)[67]. Ces mots soulevèrent un rire général. Cestius, qui s’apprêtait à répondre à Cicéron, ne trouva rien à répondre à Cassius. Il déclara même qu’il ne continuerait pas son discours si celui-ci ne se retirait sur-le-champ. Cassius déclara qu’il ne sortait d’un bain public qu’après s’être baigné. De plus, il se porta comme le vengeur de Cicéron outragé et réclama de Cestius une rétractation publique. Il l’assigna devant le préteur : et l’ayant assailli de plaisanteries et de sarcasmes, il demanda que le préteur admît l’accusation pour un crime non prévu par la loi (ut prætor nomen ejus reciperet lege inscripti maleficii). Il le traîna ensuite devant un autre tribunal sous la prévention d’ingratitude. Les amis de Cestius étant alors intervenus, Cassius déclara qu’il ne se désisterait de ses poursuites que si Cestius consentait à se reconnaître moins éloquent que Cicéron. Il ne put jamais obtenir cet aveu[68].

Tant que Cassius Severus s’en prenait à des pédants et citait en justice des parleurs grotesques, il usait du droit qu’ont toujours eu les gens d’esprit de se moquer des sots. Mais son tempérament fougueux et ses ressentiments politiques l’entraînèrent plus loin. Il outragea dans des libelles diffamatoires les plus hauts personnages de Rome, des femmes illustres par leur rang et leur naissance. L’audace de ses médisances finit par lasser la patience d’Auguste, qui étendit aux libelles scandaleux la loi de lèse-majesté[69]. Les pages secrètes que l’historien Labienus écrivait pour être lues après sa mort, furent saisies, condamnées au feu et brûlées. — Il faut donc me brûler aussi, dit Cassius Severus, en apprenant cette nouvelle ; car je les avais apprises par cœur.

Cassius lui-même fut frappé par un arrêt du Sénat, rendu sous la religion du serment (judicio jurati Senatus)[70]. On l’exila dans l’île de Crète. Mais l’éloignement ne l’apaisa point. Au contraire, toujours plus aigri, cédant toujours au démon qui le poussait à médire, il s’attira de nouvelles inimitiés et réveilla les anciennes. Alors, par une seconde décision du Sénat, dépouillé de ses biens, privé du feu et de l’eau, il fut relégué sur le rocher de Séripho[71]. C’est là, dans la plus pauvre des Cyclades, sur un rocher presque désert, que vieillit seul et misérable l’accusateur d’Asprenas, le républicain Cassius Severus. Sa détresse était profonde. Il avait à peine quelques haillons pour couvrir sa nudité[72]. Il mourut sous le règne de Tibère, après vingt-cinq ans d’exil, la trente-quatrième année de l’ère chrétienne, l’an de Rome 786.

Quand on lit ce que Sénèque le rhéteur, Quintilien et Tacite rapportent de Cassius Severus et des tempêtes de sa parole, on comprend que Cicéron ait paru froid à la génération qui suivit[73]. Les trop courts fragments qui nous restent de Cassius, épars dans trois ou quatre auteurs, nous permettent à peine d’entrevoir les lueurs que jetait, sous Auguste, la liberté mourante[74]. Ils attestent du moins que l’éloquence n’était pas morte et qu’elle tâchait de garder encore son empire sur les esprits[75]. Dans la Rome républicaine, l’éloquence semblait être le privilège de l’aristocratie. Presque tous les orateurs cités par Cicéron dans le Brutus vont nobles. Les plus humbles sont chevaliers ; les autres sont des consulaires, des patriciens, des grands seigneurs. Avec Cassius Severus la plèbe prend sa place dans l’histoire de l’éloquence romaine. Bien qu’il eût plus de nerf que de sang, plus de force que de politesse, plus de colère dans le cœur que d’élévation dans la pensée, Cassius Severus, avec sa parole brusque et saccadée, avec sa raillerie acerbe, son langage bref et mordant, était un orateur[76]. Ses contemporains disaient de lui : Il commande en maître dès qu’il parle[77]. Il marque le point précis où l’éloquence romaine commence à changer de direction (der berühmte Redner, der in der Entwickelung der römischen Beredsamkeit.... den Wendepunkt bezeichnet) : il est le modèle de cette école que représente Aper dans le Dialogue des orateurs de Tacite[78].

 

Annales de la Facultés des Lettres de Bordeaux — 1879

 

 

 



[1] V. Tacite, Dialog. orat., § 39. Quantum virium detraxisse orationi auditoria et tabularia credimus, in quibus jam fore plurimæ causæ explicantur ? — Auguste avait décidé que les causes criminelles (publica judicia) seraient débattues dans le temple de Mars Vengeur, sur l’emplacement du nouveau forum et non plus sur la forum romain. V. Suétone, Octave, § 29. Necdum perfecta Martis æde, publicatum est cautumque ut sepamtim... publica judicia fierent. Cf. Ovide, Fastes, liv. V, 545. Templaque in Augusto conspicienda foro. — Auguste lui-même donnait audience et jugeait dans sa litière, ou parfois au lit, dans sa chambre : Lectica pro tribunali collocata, vel etiam domi cubans. Suétone, Octave, § 33.

[2] V. Sénèque, Rhet. Controvers. VII, 19. Ed. Burslan. — Tacite. Dialog. orat. 131. — Aulard. De Cati Aginii Pollionis vita et scripis. Thèse, 1877.

[3] Cicéron, Epistol ad Brutus. — V. L. Fontaine, De V. Messala Corvino. Thèse, 1878.

[4] Tacite. Dialog. Orat., § 21. — Asinius, quanquam propioribus temporibus valus sit, videtur mihi inter Menonios et Appios studuisse.

[5] Sénèque, Rhet. Excerpt. Controvers. III, p. 363. Éd. Bursian : ... Nisi scirem et Pollionem Asinium et Messalam Corvinum minus bene videri quam Costium aut Latronem.

[6] Cicéron, De Republica, Liv. I, chap. 2.

[7] V. Virgile. Bucol Eclog. III, IV, VIII. — Horace, Odes, II, 1. — III, 91. — Sat. I, X, v. 85 — Tibulle, Carmin., Liv. IV, 1. Panegyricus ad Messalam. Te Messala, canam... Nec quisquam majora gerit castrisve forove.

[8] Tacite. Dialog. orat., I 20. Vulgus assietentium assuevit jam exigere lætitiam et pulchritudinem crationis. — Et § 21 : Nolo Corvinum insequi, quia non pur ipsum sletit quominus lætitiam nitoremque nostrorum temporum exprimeret.

[9] V. Schmidt. Geschichte der Denk und Glaubensfreihet. Kap. XI. (Berlin, 1847.)

[10] V. Tacite. Dialoq. orat., § 20.

[11] Tacite. Annales, IV, 84.

[12] Suétone. Octave, § 55 : Etiam sparsos de se in curia famosos libellos nec expavit et magna cura redarguit ac ne requisitis quidem auctoribus, etc... — Cl. Egger. Examen critique des historiens de la vie d’Auguste, Chap. II. — et Schmidt, loc. cit., Kap. IV.

[13] Suétone. Octave, § 54. — Nec ideo libertas aut contumacia fraudi cuiquam fuit.

[14] V. Sénèque, de Ira, III, 23. Timagenes historiarum scriptor quaedam in ipsum, quaedam in uxorem eius et in totam domum dixerat, nec perdiderat dicta... Saepe illum Caesar monuit, moderatius lingua uteretur.

[15] V. Boissier. L’opposition sous les Césars, chap. II, § 4, p.99, — et chap. VI, § 2, 203.

[16] Tacite. Dialog. orat., § 26. — Cf. Sénèque, Rhet. Excerpt. Controv. III, p. 861, éd. Bursian.

[17] Pline l’Ancien (Index Autor. lib. XXXV, t. Ier, collect. Lemaire) l’appelle Cassius Severus Longulanus. Sur Longula, v. Tite-Live, II, 33 et IX, 39. Cf. Weichert, de L. Vari et Cassii Parm. vita, p. 192.

[18] V. Tacite. Annales, IV, 21. Cf. Sénèque, Rhet. Excerpt. Controv. III, p. 360, éd. Bursian.

[19] V. Sénèque, Rhet. Excerpt. Controv.

[20] Pline l’Ancien. Hist. Nat. l. VII, cap. 10. — Mirmillon est-il un nom propre, comme le veut Hardouin ? ou faut-il comprendre, avec Saumaise, le gladiateur Armantarius ? Grammatici certam. — Nous avons suivi le texte de la collection Lemaire. La question du reste a peu d’importance.

[21] V. Tacite. Annales, I, 2, édit. Jacob.

[22] Horace. Epodon lib. Carmen VI (inscript. volg. in Cassium Severum). In quam invehatur incertum est. Plerique eum Acrone, commentar. Cruq. Et Codd. aliq. referunt ad C. Severum. Orelli.

[23] V. Walekenaër, Histoire de la vie et des poésies d’Horace (t. I, liv. III). — De même qu’Orelli, M. Walekenaër hésite à reconnaître dans l’épode d’Horace, l’orateur Cass. Severus, qui n’aurait eu que vingt ans environ quand ces iambes furent composés. — Cf. Kirchner. Quæstiones Horatiana. Weichert au contraire se range à l’opinion d’Acron et du scholiaste de Cruquius.

[24] Sénèque, Rhet. Excerpt. Contr., III, p. 360, éd. Bursian.

[25] V. Macrobe, Saturnales, II, 4. — Cf. Egger, Examen des historiens d’Auguste (chap. II, sect. I).

[26] Tacite. Dialog. orat., § 28.

[27] Quintilien, Institut. orator., Liv. IX, cap. I.

[28] V. Pline l’Ancien, Hist. Nat., XXX, 20. (Collect. Lemaire).

[29] V. Hirtius, De Bello Africano, cap. 80.

[30] V. Suétone, Octave, § 43. Cf. Weichert, de L. Vari et Cassii Parmenti vita, p. 187. Thorbeck (Commentar de Asin. Pollion) et Meyer (Orator. Rom. fragm.) croient que c’est le lieutenant de César qui fut accusé par Cassius Severus. Nous croyons avec Weichert que c’est plutôt l’ami d’Auguste, C. Nonius Asprenas Torquatus.

[31] Horace, Épist. V, lib. I. La plupart des commentateurs regardent le Torquatus de l’ode 7, lib. IV et de la cinquième épître comme le fils ou le petit-fils de L. Manlius Torquatus sous le consulat duquel naquit Horace. D’autres y voient cet Aulus Torquatus dont parle Cornelius Nepos (Attis. XI). — Cf. Orelli, t. I, p. 570. — L’opinion la seule plausible, selon nous, est celle de Weichter, qui y reconnaît Nonius Asprenas Torquatus. (Excursus de C. Nonio Asprenate, p. 810.)

[32] V. Pline l’Ancien, Hist. Nat., XXXV, 12.

[33] V. Suétone, Octave, § 56.

[34] Quintilien, Instit. orat. XI, 11.

[35] V. Dion Cassius, liv. LV, 4.

[36] Quintilien, Instit. orat. VI, § 3. — L’épicurien Varus dont il est là question est sans doute ce L. Quintilius Varus auquel Horace adresse l’ode XVIII du Ier livre, et dont il parle encore dans la 5e Épode, v. 755. — Cf. Meyer, Orator. Romanor. fragmenta.

[37] Quintilien, Instit. Orat., X, § 1. — Le mot urbanité ici est pris dans le sens de plaisanterie agréable. Cf. Tacite, Dialog. orat., § 26.

[38] Quintilien, Inst. orat., VIII, § 8. Le texte de cette phrase a été fort discuté quelques critiques retranchent nescire. V. Weichert, De Cassio Parmensis, p. 194.

[39] Quintilien, Inst. orat. VI, § 1.

[40] Quintilien, Inst. orat. XI, § 3.

[41] Quintilien, Inst. orat., VIII, § 3.

[42] Pline l’Ancien, Hist. Nat., XXVIII, chap. XXIII. — Cf. Grellot-Dumazoan. Le Barreau Romain. Style du Barreau.

[43] Quintilien, Inst. orat., VIII, § 9.

[44] Sénèque, Rhet. Controv. II, 12. Le texte de ce passage est très discuté.

[45] Quintilien, Inst. orat., X, § 1.

[46] Sénèque, Reth. Excerpt. Controv., III, p. 360, éd. Bursian.

[47] Tous ces renseignements sont empruntés à la préface des Excerpt. Controv., III de Sénèque le Rhéteur. Cf. Examen critiques des historiens d’Auguste, chap. IV.

[48] Quintilien, Inst. orat., l. I, §5. Pollio deprehendit la Livio Patavinitatem, et sur Cicéron, liv. XII, § 1.

[49] V. Sénèque, Rhet. Controv., II, 12.

[50] Suétone, De illustribus Grammaticis, § 22.

[51] Quintilien, Inst. orat., l. I, § 8.

[52] Tacite, Dialog. orat., § 26, et § 19.

[53] V. Sénèque, Rhet. Controv., l. X, 34. Pour l’expression ansas mutare, v. A. Dumont, Inscriptions céramiques de la Grèce (1871).

[54] Sénèque, Excerpt. Controv., III

[55] Sénèque, Epistol ad Lucii, VIII.

[56] Sénèque, Rhet. Controv., VII, 18.

[57] Quintilien (Inst. orat., Liv. VIII, § 5) cite aussi ce vers de Publius Syrus comme type de ce que les Latins appelaient Sententia et les Grecs γνώμαι. Est autem hæc vox universelis, quæ etiam citra complexum causæ possit esse laudabilis, etc.

[58] V. Sénèque Rhet., Sussoriarum, lib. VI.

[59] V. Boissier. L’opposition sous les César, chap. II, § 4. L’opposition dans les écoles. Labienus, Cassius Severus regrettaient amèrement la république et ne se cachaient pas pour le dire, etc. — Cf. Schmidt, loc. cit., Kap. XI. Die Monarchie im Conflict mit der Ersichung, p. 104-148.

[60] V. Sénèque Rh., Controv., X, 33. — On nommait Spoliarium l’endroit de l’amphithéâtre où l’un dépouillait les gladiateurs tués. (V. Lampride, Commode, 18 et 10. Inscript. apud Grut., 489, 12) Cf. Rich, Dictionnaire des antiquités romaines.

[61] Sénèque Rhéteur, p. 361.

[62] V. Sénèque Rhet., Excerpt. Controv., III, Préf.

[63] V. Quintilien, Inst. orat., X, 5. — Cf. Sénèque Rh., Controv., IX, p. 212, éd. Bursian.

[64] V. Controverses, 29. Liv. IX. Sénèque Rhéteur.

[65] Suasoriarum, lib. II. Sénèque.

[66] Cf. Egger, Examen critique des historiens de la vie et du règne d’Auguste, chap. IV.

[67] Sénèque Rhéteur, Excerpt. Controv., III.

[68] C’est ce même Cestius que le fils de Cicéron, étant alors préteur en Asie, fit fouetter à la suite d’un festin, pour le punir des propos qu’il avait tenus sur son père. V. Sénèque, Suasoriarum,  lib. VII.

[69] V. Tacite, Annales, I, 72.

[70] Tacite, Annales, IV, 21.

[71] Juvénal, Satires, X, v. 170.

[72] V. Eusèbe, Chroniques. Cassius Severus orator egregius XXV exsilii sui anno summa inopia moritur, vix panso verenda contectus, anno Domini 34. Cf. Meyer, Orator. Romanor. fragmenta.

[73] V. Tacite, Dialog. orator., § 22.

[74] Le grammairien Priscien cite deux ouvrages de Cass. Severus dont il ne nous est rien parvenu : 1° Cassius ad Mæcenatem ; 2° Cassius ad Tiberium. V. Prisciani opera, ex officina Ascensiana. Lib. VII, f° XLI et lib. IX, f° LXI. Trois mots seulement du livre ad Mæcenatem, conservée par Charisius, nous font penser que Cassius y raillait les mœurs efféminées du conseiller d’Auguste. — Gausupo purpereo salutatus. Ce vêtement de laine dont se couvraient les voyageurs (gausapum) Mécène le faisait teindre en pourpre. Les écrite de Cass. Severus supprimés par un sénatus-consulte, sous Auguste et sous Tibère, purent être recherchés et lue sous Caligula. V. Suétone, Caligula, § 16. — Cf. Weichert, de Cassio Parmensi, p. 205, (Grimœ, 1886.)

[75] L’éloquence n’est pas réduite à l’alternative d’être tout ou de n’être rien : souple comme la liberté, elle prend mille formes, elle s’accommode aux situations difficiles et ce fait une place datte les constitutions les plus sévères. Aubertin, L’Éloquence politique et parlementaire (1878).

[76] Tacite, Dialog. orat., 26.

[77] V. Sénèque Rhéteur, Excerpt. Controv., III.

[78] V. Schmidt, Geschichte der Deuk- und Glaubensfrelhiets im estern Jahrhundert. — Cf. Tacite. Dialog. Orat. : Cassium Severum quem primum affirmant flexisse ab illa vetere atque directa dicendi via. (§ 9.)