LE CARACTÈRE DE LOUIS XV

 

— IV —

 

 

Jetons un dernier regard sur l'amant blasé de Mme de Mailly, avant d'étudier ce qu'il devint sous l'influence de la nouvelle favorite. La lueur d'espérance qui avait brillé aux yeux des honnêtes gens, comme parle d'Argenson, s'était bien vite évanouie. A trente ans — c'est le même d'Argenson qui en fait la remarque — le roi paraissait plus faible, plus indolent qu'à vingt-huit. Il semblait que, plus le vieux cardinal s'acharnait, malgré sa santé altérée et ses forces déclinantes, à garder le pouvoir, plus le roi se décourageait des affaires, renonçait à toute occupation sérieuse, et s'abandonnait à sa vie errante et dissipée[1]. Ce n'était plus assez des petits soupers ; il fallait les petites maisons, où le laisser-aller était plus grand et la liberté plus absolue : Choisy est acheté en septembre 1739[2]. La reine est de plus en plus délaissée, et le roi la traite à peine avec les égards qui lui sont dus[3].

On remarquait avec peine ces fâcheuses dispositions. Louis XV avait été douze jours sans vouloir rien signer. On ne sait plus que comprendre au caractère du roi, écrit d'Argenson en juillet 1740 ; les plus habiles et les plus fermes y sont tout désorientés. — Louis XV étai-il donc au-dessous du rien, papillotant, s'amusant et chassant ? Était-il, comme on le disait crûment, un imbécile ? N'était-il qu'un automate, un Louis XIII ? Tout le monde ne désespérait pas pourtant : on comptait sur une révolution favorable. Le moment approche, dit d'Argenson, où le roi gouvernera par lui-même... Je conviens qu'il faut une foi d'Abraham pour croire cela. Tous les jours, ce dilemme devient plus fort et ses propositions plus opposées et plus extrêmes : ou le roi est beaucoup, ou le roi est rien[4]. Et cependant, Louis XV n'ignorait pas l'état des choses : il connaissait la misère des provinces et la diminution des revenus ; on le voyait parfois étudier des mémoires avec application. Aussi chacun se disait : Mais qu'attend donc le roi pour sauver son honneur et son royaume ?[5]

Il n'y avait que quelques mois que Mme de La Tournelle, avec le froid égoïsme et cette cynique ambition qui la caractérisent, avait signé son traité, lorsque mourut le cardinal de Fleury[6] (29 juillet 1743). Qu'allait faire le roi ? Se mettrait-il enfin à la tête des affaires ? Subirait-il le joug d'un favori qui, prenant la place du vieux précepteur, permit au souverain de ne pas s'arracher à ses habitudes d'inaction et de plaisirs ?

Quand arriva cet événement depuis si longtemps attendu ; quand s'ouvrit cet héritage convoité par tant d'ambitieux désirs, le roi s'écria : Me voilà donc premier ministre ! Il s'occupa aussitôt des affaires avec habileté et prudence, sut se faire applaudir par d'heureux choix, travailla résolument avec ses ministres. On se loue fort de la façon dont tout ceci commence, écrit Barbier[7]. Et quelques jours après: On continue toujours dans l'admiration du roi... il est accessible, il parle à Versailles, il rend justice, et il travaille avec connaissance de cause. Je ne suis point étonné de cela : il y a longtemps que j'ai entendu dire qu'il a de l'esprit, qu'il parle bien, qu'il s'occupait utilement dans les petits cabinets[8]. Il n'était question que des bonnes qualités du roi. Ce mot avait couru aussitôt : Le cardinal de Fleury est mort ; vive le roi ! On croyait pourtant que Louis XV ne tarderait pas à se décharger des soins de la royauté, et que son goût de dissipation et de plaisir les lui ferait négliger[9].

Nous avons demandé tout à l'heure au marquis d'Argenson de nous peindre Louis XV pendant la période de transition où Fleury gouverne en maître absolu. Laissons maintenant le duc de Luynes nous tracer le portrait du roi au lendemain de son véritable avènement au pouvoir.

Le caractère de notre maître est peut-être plus difficile à dépeindre qu'on ne se l'imagine ; c'est un caractère caché, non seulement impénétrable dans son secret, mais encore très souvent dans les mouvements qui se passent dans son âme[10]. Le tempérament du roi n'est ni vif ni gai ; il y aurait même plutôt de l'atrabilaire ; un exercice violent et de la dissipation lui sont nécessaires. Il a souvent des moments de tristesse et d'une humeur qu'il faut connaître pour ne la pas choquer ; aussi ceux qui l'approchent étudient-ils ces moments avec soin, et quand ils les aperçoivent, remettent à un autre temps, s'il est possible, à prendre ses ordres. Ces moments sont-ils passés, la caractère du roi a beaucoup d'aisance et de douceur dans la société. On a vu plusieurs fois ses domestiques inférieurs, quelquefois même les principaux, manquer son service : il attend ou il s'en passe sans montrer aucune impatience. A Choisy, à Rambouillet, il parle familièrement à ceux qui ont l'honneur de lui faire la cour ; on est souvent tenté d'oublier qu'il est le maître, et j'ai vu quelquefois même qu'on l'oubliait et qu'il ne faisait pas semblant de l'avoir remarqué... Le roi aime les femmes, et cependant n'a nulle galanterie dans l'esprit[11]. On ne peut s'empêcher de convenir qu'il a de la dureté dans son caractère. Le détail des maladies, des opérations, assez souvent de ce qui regarde l'anatomie, les questions sur les lieux ou l'on compte se faire enterrer, sont malheureusement ses conversations trop ordinaires ; les dames même ne sont pas exemptes de ces questions... Accoutumé de tous les temps à se rapporter entièrement à quelqu'un du gouvernement, il n'a jamais marqué d'impatience de gouverner lui-même... Mais ce qui paraîtra sans doute singulier, un fonds de timidité naturelle, un embarras a toujours fait une partie du caractère de ce prince[12]. Il est vrai, comme je l'ai dit, qu'il est difficile à connaître, qu'il remarque souvent ce à quoi il a paru n'avoir point fait attention. Il y a des occasions ou l'on ne peut assez louer les marques d'attention et de bonté qu'il veut bien donner... On voit quelquefois qu'il a envie de parler la timidité le retient, et les expressions semblent se refuser... Les réponses aux ambassadeurs et aux harangues de toute espèce ne peuvent presque jamais sortir de sa bouche... En général le roi parle très bien quand il veut parler ; il s'exprime en très bons termes, et conte même agréablement. Les rites et les cérémonies de l'Église, les détails du calendrier font un peu trop souvent le sujet de ses conversations. On ne peut concevoir jusqu'à quel point il est instruit sur ces matières ; il l'est en même temps sur beaucoup d'autres ; il sait assez bien ce qui regarde l'histoire de France ; il a lu assez et lit encore. D'ailleurs tous ceux qui l'approchent lui content une infinité de faits, et comme il a beaucoup de mémoire, tous ces faits lui sont présents. Malheureusement il conte trop historiquement des faits qui sembleraient devoir l'affecter[13] ; mais la tranquillité d'esprit du feu cardinal a peut-être servi à former un caractère a peu près semblable ; nous l'avons cependant vu quelquefois ébranlé, touché, affecté ; peut-être l'est-il sans le paraître ; mais il serait a désirer qu'il le parût davantage[14].

On a dit que Mme de la Tournelle s'empara, dès le début, de l'esprit du roi, et lui inspira la résolution de se mettre à la tête des affaires. La future duchesse de Châteauroux avait, en effet, par l'éclat de sa beauté, captivé le cœur du facile monarque. Louis XV était sorti de lui-même, et avait montré une animation et une gaieté inusitées. Mais le roi ne subissait pas son ascendant en ce qui concernait la politique. En décembre 1742, il continuait de correspondre avec Fleury tous les jours : Mme de la Tournelle ayant voulu voir, malgré le roi, une lettre dont un passage lui avait été communiqué, le roi jeta la lettre au feu[15]. Après la mort de Fleury, les choses ne se modifièrent pas. En juin 1743, le duc de Luynes dit formellement qu'il n'était question entre le roi et la favorite d'aucune affaire importante, et il ajoute que Mme de Mailly n'aurait pas montré tant d'indifférence au milieu de circonstances aussi graves[16]. Des influences sinon hostiles, au moins étrangères à celles de l'entourage de Mme de la Tournelle, prédominaient dans les conseils. Lors des nominations au ministère, ou remarqua avec surprise que Chauvelin et Belle-Isle étaient écartés, et qu'Amelot et le maréchal de Noailles leur étaient préférés. Le cardinal de Tencin n'avait, quoique ministre, aucune part à la faveur royale. Enfin, on vit Noailles passer du commandement général en Allemagne au rang de ministre. Un jour que, comme simple courtisan, il conduisait le roi, qui se rendait au conseil : Entrez, Monsieur le maréchal, lui dit Louis XV ; nous allons tenir conseil[17]. — D'Argenson, qui avait contre Noailles une antipathie personnelle[18], dit que le maréchal était un inspecteur importun donné aux ministres et se mêlant de tout sans être le maître de rien[19].

C'est ici que Louis XV va se révéler sous un jour nouveau. Dès avant la mort de Fleury, le roi avait commencé à entretenir avec le maréchal de Noailles un commerce épistolaire. Je suis très aise de recevoir vos idées, lui écrivait-il à la date du 10 octobre 1742, et encore plus de les exécuter[20]. Le maréchal répondit qu'il ne pouvait parler que sur l'objet confié à ses soins, à moins que le roi ne lui donnât l'ordre formel de rompre le silence. Alors Louis XV, le 26 novembre 1742, adressa au maréchal un appel direct en ces termes :

Le feu roi, mon bisaïeul, que je veux imiter autant qu'il me sera possible, m'a recommandé en mourant de prendre conseil en toute chose et de chercher à connaître le meilleur pour le suivre toujours ; je serai donc ravi que vous m'en donniez : ainsi je vous ouvre la bouche, comme le pape aux cardinaux, et vous permets de me dire ce que votre attachement pour moi et mon royaume vous inspireront[21].

Les communications s'établirent ainsi ; elles durèrent plusieurs années. Le secret fut exigé par le roi, car Louis XV n'accordait sa faveur et sa confiance qu'à cette condition[22].

A la mort de Fleury, le maréchal, dans un mémoire auquel il joignit l'instruction de Louis XIV à Philippe V[23], s'adressa au roi en ces termes :

Toute l'Europe, Sire, est attentive à l'événement présent, et il est de votre gloire de lui faire connaître que, si quelque autre a paru jusqu'ici gouverner sous votre nom, Votre Majesté n'en est cependant ni moins attentive au bien de son royaume, ni moins capable de le connaître et de le procurer ; que vous êtes seul le Roi de cette grande et noble monarchie ; que vos lumières et votre autorité l'animent, et que rien ne s'y fait, sous votre nom, que ce qui s'y fait par des ordres émanés de votre pleine et parfaite connaissance. Que l'attente, Sire, de toute l'Europe ne soit pas trompée ! Comblez vos peuples de joie ; ils ne sauraient en avoir de plus touchante que de n'avoir qu'à obéir à Votre Majesté[24].

Frédéric II a prétendu que Louis XV travailla avec ses ministres pendant huit jours, et qu'au bout de ce terme, son ardeur s'éteignit[25]. Frédéric s'est trompé et l'histoire s'est trompée avec lui. Louis XV, nous l'avons dit, se mit résolument à l'ouvrage. Il travailla comme il ne l'avait point encore fait, renonça pour un moment à la chasse, à ses voyages de Choisy[26], déclara qu'il n'expédierait plus de lettres de cachet sans en connaître les motifs et sans les signer de sa main[27], et voulut être instruit non plus seulement de ce qui se disait[28], mais de ce qui se faisait. La meilleure preuve, indépendamment de toutes celles que nous offrent les auteurs du temps[29], en est fournie par sa correspondance assidue avec le maréchal de Noailles. Le roi écrivait aussi fort souvent au cardinal de Tencin[30], mais c'étaient des lettres sans importance ; Noailles seul avait toute sa confiance. Aussi ne cessait-on de le desservir[31]. On ne savait pourtant pas bien à quoi s'en tenir sur son crédit. Le curieux Journal de police, qui, par ordre exprès, enregistre tout ce qui se dit sur le compte même du roi, contient ce passage, à la date du 12 août 1743 :

On se persuade que le Roi se conduit par d'autres lumières que celles de son Conseil, et que Sa Majesté est instruite par d'autres voies que les ordinaires. On s'aperçoit qu'elle est presque toujours prévenue sur toutes les affaires qui lui sont rapportées, et qu'elle décide rarement selon l'esprit des ministres ; on s'étudie en vain pour pénétrer ce mystère. Le Roi parle si peu et donne si peu prise aux conjectures que jusqu'ici l'on n'a encore rien pu deviner sur ce point.... On dit que M. de Noailles est plus en faveur que jamais, et que, pour ce qui a rapport au militaire, le Roi se conduit par les avis de ce maréchal[32].

A ce moment, en effet, le maréchal de Noailles avait toute la confiance du roi, qui ne se laissait pas influencer par les intrigues hostiles. Certains avis avaient été donnés au roi, et, chose piquante, ce fut le cardinal de Tencin que Louis XV chargea d'en prévenir le maréchal. Celui-ci remercia Louis XV par une lettre du 14 mai 1743. Le 20 mai, le roi répond :

L'avis me venait par le cardinal de Tencin lui-même ; mais lui, je sais d'où il lui venait. Comme j'étais bien persuadé de la fausseté de l'avis, je ne me suis pas tourmenté de ce qu'on y disait sur vous... Les envieux mourront, mais non jamais l'envie, et tant que vous n'y donnerez pas plus de prise, souciez-vous peu de ce qu'ils feront et diront. Qui est-ce qui est à l'abri des discours ?[33]

Il faut bien montrer le roi peint par lui-même, puisque l'occasion s'en offre à nous. Ouvrons donc ces deux volumes de correspondance, et donnons un moment la parole à Louis XV.

31 mai 1743. J'étais au conseil quand votre lettre m'est arrivée ; ainsi j'y ai fait lire sur-le-champ la lettre que vous m'écriviez et dont vous m'envoyez la copie. Je l'ai trouvée très bonne, et j'ai vu avec plaisir que vous ne faisiez pas de peine de détacher de votre armée le secours que je vous avais ordonné d'envoyer au maréchal de Broglie. J'approuve aussi le choix que vous avez fait des officiers qui commandent le corps. Pour ce qui est de la défense du Neckre ou du Mein, je ne vous avais prescrit votre retour sur le Neckre qu'au cas que vous ne fussiez pas assez en force présentement pour soutenir le Mein ; puisque vous vous croyez en état de cela, j'en suis ravi, et le serais encore bien davantage, Si je voyais arriver le duc d'Ayen avec la nouvelle que vous avez frotté d'importance le superbe Stairs et sa nation insulaire. N'oubliez pas pourtant que nous avons une armée en Bavière assez en presse, et que l'on en est plus près sur le haut Mein que sur le bas. Du reste, puisque vous vous souvenez de vos instructions et que vous n'avez pas changé les projets que vous aviez en partant d'ici, je m'en rapporte entièrement à vous, et vous pouvez être assuré avec cela que votre absence ne vous a fait nul tort dans mon esprit ; mais j'avais craint seulement que le voeu de toute l'armée pour ne pas vous approcher de la Bavière, ne vous eut séduit... Je sais que vous avez été incommodé, mais que votre coeur a fait marcher votre corps ; ménagez l'un et l'autre, je vous prie, et soyez sûr que j'ai été très en peine de vous, parce que je vois que vous me servez bien. Faites toujours de votre mieux pour la cause commune ; prenez garde à la persuasion d'autrui, et soyez toujours sûr de mon amitié[34].

4 juin 1743. ... Ma lettre n'est pas trop bien conçue, mais je suis pressé, il est plus d'une heure, je vais demain à la chasse à Rambouillet, et votre ambassadeur (du Mesnil) sera vraisemblablement parti quand je reviendrai. De plus, je ne suis pas plus spirituel que cela ; mais ce qui est de sûr, c'est que je fais de mon mieux. La Bavière me tourne la tête, Si cela est possible, et ce qui m'a fait une peine extrême, c'est ce que j'ai appris du régiment des Vaisseaux (où il y avait eu du désordre), quand il a su qu'il allait en Bavière[35].

19 juin 1743. ... Vous ne trouverez pas mon écriture bonne ; mais c'est que je me dépêche, parce que le courrier va partir et moi que je vais souper. Il est neuf heures, et il faut que je me lève demain de bonne heure pour la procession. Heureusement il a fait plusieurs orages aujourd'hui, car sans cela je crois que nous y serions tous morts de chaud. Je me doute qu'il ne fait guère plus froid où vous êtes et si messieurs les Anglais ne vous ont pas échauffé par leur feu[36].

Le roi désirait vivement voir le maréchal obtenir un succès. Il lui écrit le 22 juin :

Nos ennemis ne sont pas si scrupuleux que nous. J'espère que vous les préviendrez aux défilés, ou au moins que vous ne les y laisserez pas passer impunément, désirant autant que le comte de Noailles que vous puissiez frotter d'importance ces messieurs Anglo-Autrichiens. Vous voyez que je me conforme aux mots nouveaux, quand ils me paraissent bons[37].

Le 21, un combat était livré à Dettingen, et l'issue n'en était pas heureuse. Au rapport et à la lettre particulière du maréchal, le roi répond :

Je suis bien persuadé que ce n'est pas votre faute ai le combat que vous avez donné à Dettingen n'a pas été plus heureux ; tout le monde vous rend cette justice, et moi plus qu'aucun, connaissant votre zèle pour mon service et votre expérience. M. d'Argenson vous répondra de ma part à la longue lettre que vous m'avez écrite ; ainsi je ne répondrai ici qu'à celle particulière. Je suis très aise que les princes aient marqué autant de courage et d'activité que vous me le marquez ; témoignez leur en ma joie et le gré que je leur en sais, et surtout à MM. de Chartres et de Penthièvre... J'ai toujours été bien persuadé aussi de la valeur de nos jeunes seigneurs ; mais ce qu'il convient que vous étudiiez en eux, c'est les talents qu'ils développeront, pour que vous les cultiviez, afin qu'ils puissent devenir bons généraux, ce dont tout le monde convient que nous manquons absolument, et pourtant ce dont cet État-ci aura toujours un besoin extrême... Je serais très fâché qu'il arrivât malheur au duc d'Harcourt ; mais si le cas arrivait, je n'oublierais pas, dans la personne du fils, les services du père et du grand-père... Je ne suis pas moins fâché que vous me dites de ma Maison, et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ; tenons-nous-le pour dit pour l'avenir. Je garderai le secret que vous m'en demandez ; mais le tout est déjà public, et peut-être même plus enflé qu'il n'est, car vous savez qu'en ce pays, l'on y va fort vite, soit d'une façon, soit d'une autre. Certainement il faut apporter tous ses soins et tout son argent à l'état militaire ; car je vois bien que c'est le soutien de l'État, surtout étant aussi jalousé qu'il l'est par nos voisins. Dans l'hiver, nous verrons ce qu'il y aura à faire pour l'année prochaine, et à la paix pour l'avenir, laquelle il ne faut pas faire honteuse qu'on n'y soit contraint par la très grande force, et j'y suis bien déterminé, au péril même de ma vie[38].

Le maréchal ne ménageait pas au roi les expressions : Louis XV lui avait ordonné de parler avec franchise et vérité[39] ; il se regardait donc comme devant la vérité tout entière. Le roi lui répond :

J'excuse votre liberté et je vous en remercie, sachant d'où cela part. Tenez-vous tranquille, et continuez toujours à me donner des marques de votre amitié et de l'intérêt que vous prenez à ma gloire[40].

A propos de la pénurie des finances et des charges qui pèsent sur l'État, le roi écrit :

Je vous dis tout cela, non pas pour ne pas faire ce qu'il faut, mais pour le faire comme il faut, et n'en pas user avec prodigalité et volerie comme nous avons fait jusqu'à présent[41].

Louis XV voit donc le mal. Il se plaint de la pénurie des hommes[42] ; il sent que ses ambassadeurs dans les cours étrangères sont peu de chose, qu'il manque de sujets pour tous les objets[43], et il écrit dans une de ses lettres :

Ce siècle-ci n'est pas fécond en grands hommes, et il serait bien malheureux pour nous si cette stérilité n'était que pour la France[44].

Voici comment le roi juge cet empereur Charles VII, dont la France défendait alors les droits en Allemagne :

Le portrait que vous me faites de l'empereur me paraît conforme à celui que je me suis fait de lui ; mais comptez qu'il ne démordra jamais de ses projets, et que tous ceux qui lui en feront envisager quelque réussite seront bienvenus de lui, et les autres, au contraire, mal. Il est entouré de gens qui ne nous peuvent souffrir et qui voudraient nous voir cent pieds sous terre ; pour lui, sûrement, il ne pense pas comme cela, et je vous autorise à le maintenir toujours dans ces sentiments, et à faire en conséquence tout ce que vous croirez faire ou devoir faire pour cela. Nous étions liés avec lui bien auparavant la mort du feu empereur. Ce qui est passé est passé ; ainsi ne songeons plus qu'au présent et à l'avenir ; le présent est de soutenir cette guerre de toutes nos forces, et l'avenir est de faire la paix le plus tôt possible, et la moins onéreuse qu'il soit possible[45].

Mais le roi va enfin paraître : le sang du Bourbon s'échauffe, et il s'ouvre en ces termes au maréchal de Noailles :

24 juin 1743. Ceci ne vous surprendra pas, vous m'en aviez déjà ouvert quelque chose; voici, je crois, le moment venu de vous en parler, puisque toutes nos troupes sont réunies. Selon toute apparence, nous allons avoir la guerre personnellement. La déclarerons-nous, ou attendrons-nous qu'on nous la déclare, soit de fait, soit autrement. Dans tous les cas, il faudra faire quelque chose, soit à la fin de cette campagne, soit au commencement de l'autre ; vous savez ce que vous m'avez promis, et ce n'est pas d'aujourd'hui que j'en grille d'envie... Je me hasarde peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ; mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le moi avec votre franchise ordinaire. Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que je désire, et qui n'ont pas été possibles jusqu'à présent, ou du moins qu'on n'a pas cru telles, et je saurai encore me contenir sur celle-ci, quoique je puisse vous assurer que j'ai un désir extrême de pouvoir connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué, et qui jusqu'à présent ne m'a pas réussi par la voie d'autrui, ainsi qu'il y avait lieu de s'en flatter. Je ne m'étendrai pas davantage pour cette fois-ci, mais j'attendrai votre réponse avec honnêtement d'inquiétude[46].

Je ne puis exprimer à Votre Majesté, répond le maréchal, la satisfaction infinie que m'a causée la lettre dont elle m'a honoré ; j'y reconnais le sang et les sentiments de Louis XIV et de Henri IV ; j'en félicite Votre Majesté, son État, et tous ceux qui, comme moi, s'intéressent à sa gloire[47]. Et Noailles exhorte le roi à prendre les mesures nécessaires, et surtout à garder sur sa résolution un inviolable secret. Le secret est d'autant plus nécessaire, écrit-il, que Votre Majesté doit s'attendre à ce que quelques-uns de ses ministres feront l'impossible pour s'opposer à ses désirs ; on en a peu vu dans tous les temps assez zélés et assez attachés à leur maître pour souhaiter qu'il vit et approfondît lès choses par lui-même[48].

La correspondance continue sur ce sujet. Le 16 août, Louis XV écrit:

Si ma présence était nécessaire à mon armée avant la fin de la campagne, je vous prie de m'en avertir, et je vous promets que je ne serais pas longtemps à vous joindre, quelque part que ce fût. Je sais parfaitement le misérable état où nous sommes, mais je vous avoue que je ne verrais pas de sang froid prendre une de nos places, ni mettre nos frontières à contribution, ou à courir le risque d'être pillées, saccagées ou brûlées[49].

Dans une autre lettre du même jour, le roi annonce qu'il fait ses préparatifs, et qu'il tâchera d'apporter avec lui le moins de bouches inutiles qu'il pourra : Je vous réponds que quand il faudra partir, je partirai à la légère. Le 3 septembre, il s'adresse encore en ces termes au maréchal :

Je ne répondrai pas pour aujourd'hui à l'article principal de votre lettre, de main propre, qui regarde la mienne du 16 du mois passé. Je vous dirai seulement que si je suivais une vaine gloire, je ne prendrais certainement pas le parti que vous me proposez ; si je consultais quelqu'un, toutes les apparences sont qu'il penserait de même ; reste donc à moi seul à imaginer et balancer le commodo et incommodo. Ma tête a déjà fait du chemin et en fera d'ici à quelques jours. Si la saison était moins avancée, l'on pourrait prendre du temps ; mais il me paraît qu'il n'y a pas à en perdre. La seule visite de mes frontières ne me convient en nulle façon en ce moment. Je vais faire mes dispositions secrètes, et attendrai une nouvelle lettre de vous pour me déterminer ; envoyez-la moi prompte ; vous aurez sans doute mûrement réfléchi depuis le 30 août[50].

Le maréchal répond qu'il serait imprudent et téméraire de donner un conseil au roi, dans des circonstances aussi incertaines et aussi critiques, et qu'une pareille résolution ne doit paraître venir et ne venir réellement que de sa pure et seule volonté ; pourtant il incline vers un ajournement. Le roi, dont l'ardeur paraît s'être un peu calmée, discute avec le maréchal sur les considérations qui militent en faveur du retard, et examine les cas qui le détermineraient à partir immédiatement : Quelque désir que j'aie d'être à mon armée, est-ce le moment d'y aller pour moi, moi qui ai le malheur de ne m'y être jamais trouvé ?[51] Le lendemain, il écrit encore : Jusqu'à la fin du mois, je serai bien perplexe et comme l'oiseau sur la branche ; dans le courant du mois prochain, je serai un peu plus tranquille, mais je désirerai de vieillir à un point inexprimable[52]. Dans cette même lettre, on lit ces lignes :

Mme de la Tournelle m'avait communiqué, comme vous croyez bien, la lettre qu'elle vous a écrite. Je doute qu'on pût la retenir si j'étais une fois parti ; mais elle est trop sensée pour ne pas rester ou je lui manderais. Les exemples que vous lui citez ne l'arrêteraient pas, je crois, et elle a de bonnes raisons pour cela, que je ne puis vous dire, mais qu'il vous est permis de penser.

Si je consultais quelqu'un, écrivait le roi le 3 septembre, toutes les apparences sont qu'il penserait de même. Ce quelqu'un avait-il été consulté ? On a dit et répété que Mme de la Tournelle avait été l'Agnès Sorel de ce nouveau Charles VII, et l'avait arraché à sa vie d'insouciance et de plaisirs, pour lui faire prendre goût aux affaires de l'État et l'entraîner à se mettre à la tête de ses armées : Vous me tuez, aurait dit Louis XV — Tant mieux ! il faut qu'un roi ressuscite, aurait répondu ardente maîtresse[53]. Il faut ici laisser parler Mme de la Tournelle. Elle-même va nous apprendre à quoi nous en tenir à ce sujet. Le 3 septembre, le jour même où le roi écrivait au maréchal, — on voit que le faible Louis XV n'était pas resté longtemps à imaginer à lui seul et à balancer le commodo et imcommodo, — Mme de la Tournelle s'adressait en ces termes au maréchal de Noailles :

Je sais bien, monsieur le Maréchal, que vous avez autre chose à faire qu'à lire mes lettres, mais pourtant je me flatte que vous voudrez bien me sacrifier un petit moment tant pour la lire que pour y répondre ; ce sera une marque d'amitié à laquelle je serai très sensible. Le roi a eu la bonté de me confier la proposition que vous lui faites d'aller à l'armée dès ce moment ; mais n'ayez pas peur, quoique femme, je sais garder un secret. Je suis fort de votre avis, et crois que cela sera très glorieux pour lui, et qu'il n'y a que lui capable de remettre les troupes comme il serait à désirer qu'elles fussent, ainsi que les têtes, qui me paraissent en fort mauvais état, par l'effroi qui gagne presque tout le monde. Il est vrai que nous sommes dans un moment bien critique. Le roi le sent mieux qu'un autre ; et pour l'envie d'aller, je vous réponds qu'elle ne lui manque pas ; mais moi ce que je désirerais, c'est que cela fut généralement approuvé, et qu'au moins il recueillit le fruit qu'une telle démarche mériterait. Pour un début, ne vaudrait-il pas faire quelque chose, et d'aller là pour rester sur la défensive, cela ne serait-il pas honteux ? Et si d'un autre côté le hasard faisait qu'il y eût quelque chose avec le prince Charles, on ne manquerait peut-être pas de dire qu'il a choisi le côté où il y avait le moins d'apparence d'une affaire. Je vous fais peut-être là des raisonnements qui n'ont pas le sens commun, mais au moins j'espère que vous me direz tout franchement que je ne sais ce que je dis. N'imaginez pas que c'est que je n'ai pas envie qu'il aille, car au contraire, premièrement, ce serait ne lui pas plaire, et en second lieu, tout ce qui pourra contribuer à sa gloire et l'élever au-dessus des autres rois, sera toujours fort de mon goût. Je crois, monsieur le Maréchal, que pendant que j'y suis, je ne saurais mieux faire que de prendre conseil de vous généralement sur tout. J'admets que le roi part pour l'armée : il n'y a pas un moment à perdre et il faudrait que cela fût très prompt. Qu'est-ce que je deviendrai ? Est-ce qu'il serait impossible que ma sœur et moi le suivions, et au moins, si nous ne pouvons pas aller à l'armée avec lui, nous mettre à portée de savoir de ses nouvelles tous les jours. Ayez la bonté de me dire vos idées et de me conseiller, car je n'ai point d'envie de rien faire de singulier et rien qui puisse retomber sur lui et lui faire donner des ridicules. Vous voyez que je vous parle comme à mon ami et comme à quelqu'un sur qui je compte ; n'est-ce pas avoir un peu trop de présomption ? Mais c'est fondé, monsieur le maréchal, sur les sentiments d'amitié et d'estime singulière que vous a voués pour sa vie votre Ritournelle[54].

J'ai voulu citer cette lettre tout entière, parce qu'elle est singulièrement instructive, et qu'aucun document n'est plus propre à nous éclairer sur la situation et la disposition du roi à cette époque importante de sa carrière. C'est ici, bien mieux que dans les lettres de Mme de Tencin, qui ont trop influé sur l'opinion[55], qu'on peut juger Louis XV et apprécier le rôle de sa maîtresse. Ainsi le mouvement d'ardeur et de bravoure est spontané chez le roi ; c'est sa maîtresse qui, loin de l'exciter ou de l’entretenir, intervient avec ses mesquines vanités et son étroit égoïsme[56]. Louis XV hésite alors de plus en plus. Bref, il ne part pas.

Il partit pourtant un jour : le 3 mai 1744, il quittait Versailles pour se mettre à la tête de son armée. D'Argenson écrit à ce moment :

Le roi fait merveille à l'armée : il s'applique, il se donne grands mouvements pour savoir et pour connaître, il parle à tout le monde. La joie est grande parmi les troupes et les peuples en Flandre. Aurions-nous un roi ?[57]

Barbier, de son côté, se fait l'écho de la satisfaction publique :

On ne parle ici que des actions du roi, qui est d'une gaieté extraordinaire, qui a visité les places voisines de Valenciennes, les hôpitaux, les magasins ; il a goûté le bouillon des malades, le pain des soldats. Il veut connaître tous les officiers et leur parle avec politesse. Suivant les apparences, le roi restera à l'armée jusqu'au mois d'octobre, et il n'est pas question de femmes[58].

Mme de la Tournelle, — ou plutôt la duchesse de Châteauroux, car elle avait ce titre depuis le 21 octobre 1743, — ne suivait donc pas le roi[59]. Grande joie parmi le peuple, qui n'aimait point la favorite ! Mais tout à coup, le 8 juin, on apprend le départ de la duchesse et de sa sœur pour Lille[60] : Mme de Châteauroux, bravant les ordres du roi et ne se contentant plus des billets doux qu'elle recevait fidèlement, cédait aux instigations de Richelieu, et venait reprendre une place qu'elle craignait qu'on ne lui fit perdre[61]. Quelques jours plus tard elle écrivait à Richelieu :

Je suis au comble de la joie. Prendre Ypres en neuf jours, savez-vous bien qu'il n'y a rien de si glorieux ni de si flatteur pour le roi, et que son bisaïeul, tout grand qu'il était, n'en a jamais fait autant ? Mais il faudrait que la suite se soutînt sur le même ton, et que cela allât toujours de cet air-là. Il faut l'espérer et je m'en flatte, parce que vous savez qu'assez volontiers je vois tout en couleur de rose et que je crois que mon étoile, dont je fais cas et qui n'est pas mauvaise, influe sur tout ; elle nous tiendra lieu de bons généraux, ministres, etc. Il n'a jamais si bien fait que de se mettre sous sa direction[62].

Pendant ce temps Louis XV, après avoir fait dignement son métier de roi, s'exposait au feu avec une résolution qui le faisait adorer de ses troupes[63].

On disait qu'il avait fait ses dévotions le jour de la Pentecôte[64]. N'était-il pas temps que Mme de Châteauroux vînt l'arracher à cette vie nouvelle, à ce retour vers le devoir, à ces qualités de bravoure, de soin et de bonté pour ses troupes, d'intelligence pour tous les détails, de politesse pour les officiers et de travail pour les affaires dont s'émerveillait le public ?[65] Le roi n'avait-il pas le mauvais goût, depuis le renvoi d'Amelot (22 avril 1744), de vouloir être lui-même son ministre des affaires étrangères ? Ne se montrait-il pas, depuis qu'il était sorti de tutelle, attentif, brave, prudent, exact, laborieux et surtout discret ?[66] Ne fallait-il pas, en un mot, que la coterie dont la duchesse de Châteauroux était l'instrument s'emparât de l'esprit du roi, qui s'émancipait un peu trop ?[67] Mme de Châteauroux reconquit le roi à Dunkerque, et, quand la marche sur le Rhin fut décidée, elle obtint de suivre le roi. A Laon, elle réunit incognito dans un souper son royal amant et son mentor le duc de Richelieu. A Reims, elle tomba malade, et déjà le roi ne s'entretenait que de sa mort. Mais Louis XV ne s'arrêta qu'un jour et continua sa route à marches forcées : Je sais me passer d'équipage, écrivait-il, et, s'il le faut, l'épaule de mouton des lieutenants d'infanterie me nourrira parfaitement[68]. Enfin il arriva à Metz.

On sait le reste : la maladie du roi, le soin jaloux que prit Mme de Châteauroux d'écarter de son lit les vrais amis et le clergé, le retour du roi mourant à la religion et au devoir, l'éclatant renvoi de la maîtresse. Ce qu'on sait moins, c'est dans quels sentiments celle-ci s'éloigna. Sa correspondance avec Richelieu nous fournit à cet égard des révélations précieuses et que nous ne devons point négliger. La duchesse, au lieu de gagner Paris, s'arrêta d'abord à Sainte-Menehould. De Bar-le-Duc, elle fait connaître cette résolution à Richelieu : elle ne peut croire que le roi meure ; tant qu'il aura la tête faible, il restera dans la grande dévotion. Mais dès qu'il sera un peu remis, je parie, écrit-elle, que je lui trotterai furieusement dans la tête, et qu'à la fin il ne pourra pas résister et qu'il parlera de moi, et que tout doucement il demandera à Lebel ou a Bachelier ce que je suis devenue ; comme ils sont pour moi, mon affaire est bonne. Elle se tient donc à portée. En attendant, dit-elle, il faut souffrir avec patience tous les tourments que l'on voudra me faire ; si il en revient, je l'en toucherai davantage, et il sera plus obligé à une réparation publique ; s'il en meurt, je ne suis pas pour faire des bassesses, dût-il m'en revenir le royaume de France ; jusqu'à présent je me suis conduite tel qu'il me convenait, avec dignité ; je me soutiendrai toujours dans le même goût ; c'est le seul moyen de me faire respecter, de faire revenir le public pour moi, et de conserver la considération que je crois que je mérite... S'il en revient, que cela sera joli ! Vous verrez, je suis persuadée que ceci est une grâce du ciel pour lui ouvrir les yeux et que les méchants périront. Si nous nous tirons de ceci, vous conviendrez que notre étoile nous conduira bien loin, et que rien ne nous sera impossible.

On croirait peut-être que la maîtresse congédiée qui écrivait : Je vous assure que je regretterai le roi toute ma vie, car je l'aimais à la folie et beaucoup plus que je ne le faisais paraître, vivait dans des angoisses cruelles sur l'état de son royal amant. Qu'on lise cette seconde lettre, qui achève de peindre Mme de Châteauroux[69]. Voici ce qui la préoccupait au moment où, renonçant à son premier projet, elle s'acheminait vers Paris : Si vous m'écrivez par la poste, mandez-moi simplement des nouvelles du roi, sans aucunes réflexions ; mais je voudrais savoir comment Faquinet (Maurepas) aura été reçu. Je compte sur des courriers de temps en temps. Qu'est-ce que Mme de Boufflers dit de notre triste aventure ?... J'espère que vous n'aurez pas de scènes à essuyer ; ce serait aussi trop fort... Tout ceci est bien terrible... Tout ce que je voudrais par la suite, c'est que l'on réparât l'affront que l'on m'a fait et n'être pas déshonorée[70].

Mais c'est assez nous occuper de Mme de Châteauroux. Voilà la maîtresse fidèle et dévouée, l'amante du roi ramené dans le chemin de l'honneur et de la gloire ![71] Retournons près de ce lit de mort où Louis XV — on le lui a bien reproché ! — fut assez faible pour s'humilier devant son créateur, et pour faire un public aveu de ses fautes et de son repentir[72]. La reine arriva, et le roi moribond implora son pardon. Enfin la France en larmes, la France qui, comme le remarque M. Michelet, gardait beaucoup de cet amour de mère qu'elle avait eu pour l'enfant Louis XV[73], apprit que le roi était sauvé. Quelques jours plus tard, il assistait au siège de Fribourg ; le 12 novembre 1744, il rentrait dans Paris. Louis XV s'était ému des témoignages d'affection de son peuple : Qu'ai-je fait, disait il, pour être tant aimé ? Pendant sa convalescence, il écrivait au maréchal de Noailles :

Je serai ravi de vous revoir, monsieur le Maréchal. Vous me trouverez avec bien de la peine à revenir ; il est bien vrai que c'est de la porte de la mort. Ce n'a pas été sans regret que j'ai appris l'affaire du Rhin[74] ; mais la volonté de Dieu n'était pas que j'y fusse, et je m'y suis soumis de bon coeur, car il est bien vrai qu'il est le maître de toutes choses, mais un bon maître. En voilà assez, je crois, pour une première fois[75].

Une crainte très répandue avait tempéré la joie populaire à l'entrée de Louis XV dans Paris: la duchesse de Châteauroux ne retrouverait-elle pas les faveurs royales ? Celle-ci n'en avait jamais douté : elle écrivait en ce moment même à Richelieu : J'ai une petite lettre toute prête, et que je n'attends que le moment pour lui lâcher... Mais il faut bien prendre son temps, car il ne faut pas manquer son coup.. je vous dis que nous nous en tirerons, et j'en suis persuadée. Ce sera un bien joli moment ; je voudrais déjà y être[76].

Mme de Châteauroux entrevoyait même un autre rôle, moins dangereux et plus décent :

Je ne connais pas le Roi dévot, mais je le connais honnête homme et très capable d'amitié... Il restera dévot, mais point cagot ; je l'aime cent fois mieux, je serai son amie, et pour lors je serai inattaquable. Tout ce que les Faquinet ont fait pendant sa maladie ne fera que rendre mon sort plus heureux et plus stable. Je n'aurai plus à craindre ni changements, ni maladie, ni le diable, et nous mènerons une vie délicieuse[77].

Richelieu avait travaillé le roi, qui, entraîné par la force de l'habitude, rebuté, dit-on, par la reine[78], revint à ses anciennes amours. Ce fut toute une négociation, encore plus épineuse que celle de 1742. La duchesse mettait de nombreuses conditions à son retour : on s'attendait à des mesures de rigueur et à de nombreuses mutations.

Ce sera un bien joli moment, avait écrit Mme de Châteauroux ; et quand Maurepas était venu, le mercredi 25 novembre, sceller le traité au nom du roi, la maîtresse triomphante avait répondu, du fond du lit où la retenait une indisposition : Je suis fâchée de n'être pas en état d'aller, dès demain, remercier le roi. Mais j'irai samedi prochain, car je serai guérie.

Le joli moment ne vint jamais, et Mme de Châteauroux ne devait pas reparaître à la cour : le samedi, elle était mourante ; quelques jours plus tard, elle était morte.

La mort, qui avait épargné Louis XV, frappait encore une fois autour de lui. Fut-il insensible à ses leçons et sourd à ses enseignements ? Que va devenir le faible monarque ? De nouveaux liens, hélas ! vont l'enlacer ; après un court interrègne, un nouveau règne va commencer, règne long et funeste, car cette fois la maîtresse ne dominera pas seulement l'homme : elle dominera le roi. Mme de Pompadour va être le premier ministre d'une royauté avilie et dégradée.

 

 

 



[1] Voir sur la vie du roi, le duc de Luynes, t. IV, p. 15, 96, 127, 152.

[2] Voir le duc de Luynes, t. III, p. 51, 67 et suiv.

[3] Voir le duc de Luynes, t. III, p. 211 et 384 ; t. IV, p. 6.

[4] D’Argenson, t. III, p. 133-34, 147, 172, 183.

[5] D’Argenson, t. III, p. 113.

[6] Je ne puis résister à la tentation de transcrire ici les termes que M. Michelet ose employer, en enregistrant la mort de Fleury : Vingt jours après, le dévoiement de Fleury évacua le peu qu’il avait d’âme. (Louis XV, p. 205.)

[7] Journal de Barbier, t. III, p. 418.

[8] Journal de Barbier, t. III, p. 420. Journal de police (tenu pour le lieutenant général de police), publié d’abord dans la Revue rétrospective, et réimprimé à la suite de Barbier, t. VIII, p. 221-222.

[9] Journal de Police, l. c., p. 222, 224, 232, 237.

[10] Son caractère essentiel est la vérité, dit ailleurs le duc de Luynes (t. IV, p. 305).

[11] La vivacité de son goût pour Mme de la Tournelle, écrit Luynes en décembre 1742, est toujours la même ; mais c’est un empressement qui n’a pas l’air mêlé de galanterie, parce que ce n’est pas le caractère du roi. (T. IV, p. 299)

[12] Voir Luynes, t. IV, p. 244, et l’exemple qu’il en donne. Le roi disait à Mme de Mailly, à propos de la maréchale de Belle-Isle : Vous connaissez mon embarras et ma timidité j’en suis au désespoir. J’ai eu dix fois la bouche ouverte pour lui parler.

[13] On peut être surpris avec raison, dit encore le duc de Luynes à la date du 15 juin 1743, que, dans de pareilles circonstances, où les expéditions militaires sont les plus essentielles et les plus importantes à décider, le roi n’en parle qu’historiquement à M. de Belle-Isle, et n’ait pas voulu lui demander son avis. (T. V, p. 37)

[14] Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 93-96.

[15] Journal de Police, l. c., p. 209.

[16] T. V., p. 55. Et en octobre 1743 : Elle paraît toujours vouloir ne se mêler de rien, et se défier beaucoup des empressements nouveaux que l’on veut lui marquer (p. 155).

[17] Journal de Barbier, t. III, p. 436.

[18] Le Noailles est un bon homme, écrit d’Argenson, mais il est bilboquet (léger et frivole), t. IV, p. 69.

[19] D’Argenson, t. IV, p. 61.

[20] Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Rousset, t. I, p. 3.

[21] Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. I, p. 10-11.

[22] Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. I, p. 89, 92, 96, 107. Voir ce que dit d’Argenson (t. II, p. 337) sur cette disposition du roi : Bachelier est devenu plus boutonné que jamais, avec tout ce qu’il a de plus dur au monde. Qu’est-ce que cela veut dire ? Car sa faveur est augmentée au lieu d’avoir diminué : c’est que le roi se montre plus amoureux du secret et plus fâché quand on y manque qu’il n’a jamais été.

[23] D’Argenson enregistre le fait, t. IV, p. 63.

[24] Corresp. de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. I, p. 25.

[25] Hist. de mon temps (Mém. de Frédéric II, publ. par MM. Boutaric et Campardon, t. I, p. 179).

[26] Journal de Barbier, t. III, p. 438.

[27] Journal de Police, l. c., p. 246 et 248.

[28] Journal de Police, l. c., p. 266. Cf. p. 276.

[29] Voir le Journal de Police, l. c., p. 220 et suiv. ; Barbier, t. III, p. 420 et suiv. et 438 ; le duc de Luynes, t. IV, p. 415. t. V, p. 18, 65, 79, 104, 115 ; et un curieux mémoire du duc de Chaulnes, p. 269 et 274.

[30] Lettre de Mme de Tencin à Richelieu du 13 août 1743, dans les Lettres de Mme de Villars, de La Fayette et de Tencin (Paris, 1805), p. 171.

[31] Lettre de Mme de Tencin, du 13 août, p. 171.

[32] Le Journal de Police, l. c., p. 301. Idem, p. 339-40.

[33] Correspondance, t, I, p. 69-70.

[34] Correspondance, t. I, p. 91-94.

[35] Correspondance, t. I, p. 98.

[36] Correspondance, t. I, p. 108.

[37] Correspondance, t. I, p 109.

[38] Correspondance, t. I, p. 126-135.

[39] Presque en même temps, le duc de Chaulnes disait au roi, en lui envoyant son long mémoire : C’est l’étude que j’ai faite de votre caractère et de cet amour que je vous ai toujours connu pour la vérité qui m’engage, Sire, à vous présenter ces réflexions. Ailleurs il disait : Je ne l’ai montré (son mémoire) qu’à deux de mes amis, qui faute de connaître V. M. le trouvaient trop fort, et craignaient par cette raison qu’il fit plus de mal que de bien ; mais moi qui la connais mieux qu’un autre, et qui sais combien elle est susceptible de la vérité même la plus désagréable, je passe par-dessus... (Mém. du duc de Luynes, appendice à l’année 1743, t, V, p. 255 et 57)

[40] Correspondance, t. I, p. 167.

[41] Correspondance, t. I, p. 164.

[42] Correspondance, t. I, p. 222.

[43] Correspondance, t. I, p. 163.

[44] Correspondance, t. II, p. 49.

[45] Correspondance, t. I, p. 166.

[46] Correspondance, t. I, p. 172-174.

[47] Correspondance, t. I, p. 181.

[48] Correspondance, t. I, p. 185.

[49] Correspondance, t, I, p. 219.

[50] Correspondance, t. II, p. 12.

[51] Lettre du 26 septembre, t. II, p, 16.

[52] T. II, p. 18.

[53] Fragment des Mém. de Mme la duchesse de Brancas, à la suite des Lettres de L. B. Lauraguais à madame *** (Paris, 1802, in-8°), p. 224. — Frédéric II dit aussi (Hist. de mon temps, l. c., p. 225) : Une femme, par amour pour la patrie, entreprit de tirer Louis XV de la vie oisive qu’il menait, pour l’envoyer commander ses armées : elle sacrifia à la France les intérêts de son coeur et de sa fortune ; c’était Mme de Châteauroux. Elle parla avec tant de force, elle exhorta, elle pressa si vivement le roi, que le voyage de Flandre fut résolu.

[54] L’original de cette lettre se trouve dans le Ms. fr. 12767 (anc. suppl. fr. 1134). Elle a été publiée, avec cinq autres lettres, en 1852, dans le Bulletin de la Société de l’Histoire de France, p. 288-89. On a publié en 1806 2 vol. d’une Correspondance inédite de Mme de Châteauroux. Ce recueil est apocryphe.

[55] Nous nous éloignons complètement ici du jugement porté par M. Sainte-Beuve, qui déclare que rien n’est plus propre à faire connaître Louis XV au moral que les huit lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu et le fragment des Mém. de la duchesse de Brancas. Jamais, dit l’éminent critique, Louis XV n’a été plus jugé à fond et avec des sentiments de mépris plus clairvoyants et mieux motivés que dans ces lettres. (Causeries du lundi, t. II, p. 245 et 381.) Or Mme de Tendu écrit le 22 juin 1743, au moment même où la correspondance entre le roi et le maréchal de Noailles a le plus d’activité, alors que tous les contemporains attestent la part personnelle du roi au gouvernement : Il faudrait, je crois, écrire à Mme de la Tournelle, pour qu’elle essayât de tirer le roi de l’engourdissement où il est sur les affaires publiques. Ce que mon frère a pu lui dire là-dessus a été inutile : c’est, comme il vous l’a mandé, parler aux rochers. Je ne conçois pas qu’un homme puisse vouloir être nul quand il peut être quelque chose... Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder il n’est affecté de rien ; dans le conseil il est d’une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui est présenté (p. 158 ; cf. p. 167-68). — On prétend que le roi évite même d’être instruit de ce qui se passe, et qu’il dit qu’il vaut mieux ne rien savoir que d’apprendre des choses désagréables (p. 160). — Et le 20 mars 1744 : Vous savez sans doute qu’il est question que le roi doit prendre ce printemps le commandement de son armée ; on dit que c’est l’ouvrage de Mme de Châteauroux... Vous devez bien penser que cela ne transpire pas... Voilà donc le voeu de mon frère exaucé, et j’ai peine à croire que Mme de Châteauroux n’en ait pas eu connaissance. Elle est enfin parvenue à donner une volonté au roi : ce n’est point un petit ouvrage, on doit lui en avoir obligation... On assure qu’elle a employé les plus grands moyens pour réussir (p. 155-56).

[56] Comment, en présence de cette lettre, peut-on accorder la moindre valeur au fragment de prétendus Mémoires de Mme de Brancas, réimprimés, comme un bijou historique et littéraire, par M. L. Lacour en 1865, et où on lit des passages comme ceux-ci ? Voyez, me dit le roi, comme elle (Mme de Châteauroux) me traite, et dites-lui ce que vous en pensez. Elle ne se mêle des affaires de personne ; cela n’est pas digne d’elle ; mais des ministres, du parlement de la paix, de la guerre, elle ne cesse de m’en parler (p. 224). Et plus loin : Vous ne serez donc pas étonné que Mme de Châteauroux ait déterminé le roi à se mettre à la tête de son armée et à faire la campagne de Flandre... Après cette campagne, Mme de Châteauroux ne fut même pas tentée de revenir à Versailles ; et le roi, subjugué par le caractère de Mme de Châteauroux, consentit à s’approcher de son armée d’Alsace et d’attendre à Metz qu’il fut possible d’entreprendre le siége de Fribourg (p. 225).

[57] D’Argenson, t. IV, p. 101.

[58] Barbier, t. III, p. 513.

[59] En revanche le roi se faisait suivre par son confesseur. J’ai encore oublié d’écrire que le P. Perusseau, confesseur du roi, est allé en Flandre ; le roi a voulu qu’il le suivît et qu’il arrivât presque en même temps que lui. (Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 425.)

[60] D’Argenson fait à ce propos cette remarque : On prétend que c’est une tâche à la gloire du roi que d’avoir fait venir (erreur) sa maîtresse à l’armée... Convenons que cela ne peut être estimé que suivant le préjugé. Quel sot préjugé que celui de combattre des plaisirs qui ne font de tort à personne ! (t. IV, p. 103-104.)

[61] Que l’on me donne des faits (contre Maurepas) et je serai bien forte, écrit-elle de Plaisance à Richelieu le 3 juin ; mais il faut que je sois présente, car c’est tout différent. Lettre publiée par MM. de Goncourt, Les maîtresses de Louis XV, t, I, p. 134, et provenant de la collection Leber à la bibliothèque de Rouen.)

[62] Lettre du 25 juin, l. c., p. 137-38.

[63] Journal de Barbier, t. III, p. 507 ; voyez aussi p. 521. Tout le monde convient que le roi a visité les travaux et s’est fort hasardé ; les bombes et les canons, qui n’allaient pas loin de lui, ne l’empêchaient pas de causer avec sang-froid. Il a visité lui-même l’hôpital du siège et les blessés.

[64] Journal de Barbier, t. III, p. 518.

[65] Journal de Barbier, t. III, p. 5.

[66] D’Argenson, t. IV, p. 103.

[67] Barbier parle de la mauvaise humeur que ce changement causait à certaines gens. T. III, p. 518.

[68] Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. II, p. 175.

[69] Lettre publiée par MM. de Goncourt, l. c., t. I, p. 148-51. Elle finit en disant : Brûlez mes lettres. Heureusement pour l’histoire, Richelieu les a conservées.

[70] Lettre du 18.

[71] Les portraits que l’on a fait de la duchesse de Châteauroux sont de véritables portraits de fantaisie. Voir ce qu’en dit le duc de Luynes, qui la montre paresseuse de corps et d’esprit (t. V, p. 97). Voir surtout les lettres publiées par MM. de Goncourt, d’après les mss. Leber, et celle qu’ils reproduisent d’après le catalogne de la collection Martin : Sûrement, Meuse vous aura mandé la peine que j’ai eue à faire déguerpir Mme de Mailly... Vous croyez peut-être que c’est une affaire unie ? Point du tout ; c’est qu’il est outré de douleur, et qu’il ne m’écrit pas une lettre qu’il ne m’en parle et qu’il me demande de la faire revenir, et qu’il ne rapprochera pas, mais qu’il me demande de la voir quelquefois... Comme il me conviendrait fort peu qu’elle fût ici, je compte tenir bon. Comme je n’ai pas pris d’engagement, dont je vous avoue que je me sais bon gré, il décidera entre elle et moi... Il vous a mandé que l’affaire était finie entre nous, car il me dit dans sa lettre de ce matin de vous détromper parce qu’il ne veut pas que vous en croyez plus qu’il y en a. Il est vrai que, quand il vous a écrit, il comptait que ce serait pour le soir ; mais j’ai apporté quelques difficultés à l’exécution, dont je ne me repens pas (t. I, p. 56-85). MM. de Concourt n’ont-ils pas bien raison de dire : Nul portrait qui vaille cette confession : c’est la femme elle-même, avec le cynisme et la légèreté de ses sécheresses, le sang-froid et l’impudeur de ses ingratitudes, de ses partis pris, de son esprit et de son coeur ?

[72] On ne peut oublier ici les sentiments de résignation, de piété et d’humilité que le roi a marqués dans ces circonstances : détachement de la vie, ne souhaitant point que Dieu lui rendît la santé, souhaitant plutôt, si c’était sa volonté, qu’il le retirât de ce monde pour que ses peuples fussent mieux gouvernés. (Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 46.)

[73] Louis XV, p. 231.

[74] Le maréchal avait laissé échapper le prince Charles et son armée.

[75] Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. II, p. 181. L’influence de Noailles n’était plus sans rivales. On avait remarqué la froideur avec laquelle le roi l’avait accueilli à Metz. A son retour à Paris, il nomme le marquis d’Argenson ministre des affaires étrangères. C’était une autre direction qui se substituait à celle du maréchal.

[76] Lettres provenant de la collection Leber, dans MM. de Goncourt, t. I, p. 156-57.

[77] Lettre du 13 septembre, ibid., p. 158-56.

[78] Voir les Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 145. Cf., p. 154, ce que dit Luynes sur les démonstrations inaccoutumées du roi a l’égard de la reine.