HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE IX. — L'AFFAIRE DU LUXEMBOURG.

 

 

1455-1458.

 

Alliances de Charles VII en Allemagne ; il veut s'allier avec le roi de Danemark et le roi de Hongrie. — Traité conclu avec le premier par la médiation du duc Frédéric de Bavière. — Ladislas, roi de Hongrie, revendique la possession du Luxembourg ; négociations à ce sujet avec le duc de Bourgogne ; la guerre éclate ; conclusion d'une trêve. — Ambassade de Charles VII à Ladislas ; ouvertures relatives à une alliance et au mariage de Ladislas avec Madeleine de France ; intervention du duc Sigismond d'Autriche, — Ambassade de Ladislas à Charles VII ; demande d'arbitrage au sujet du Luxembourg ; Charles VII agrée le projet de mariage. — Ladislas décide l'envoi d'une ambassade pour conclure sen mariage ; état des affaires de la chrétienté ; abris de Calixte III en vite de la croisade ; divisions dans l'empire ; grand rôle joué par le cardinal Carvajal, qui est chargé par le Pape d'assister au mariage. Départ de la grande ambassade envoyée en Franco par Ladislas ; elle trouve le Roi gravement malade à Tours. — Brillante réception qui lui est faite ; audience royale ; banquet du comte de Foix. — On apprend la mort de Ladislas ; stupeur causée par cet événement ; départ de l'ambassade. — Charles VII décide de prendre en sa garde le Luxembourg ; il envoie un ambassadeur à Prague pour soutenir la candidature de son fils Charles au trône de Bohême ; élection de Georges de Podiebrad. — Déclaration faite au duc de Bourgogne, de la part du Roi ; effet produit par le message royal ; indignation des seigneurs bourguignons ; réponse donnée à l'envoyé du Roi. — Occupation d'une partie du Luxembourg par Charles VII ; le duc décide qu'il restera sur la défensive.

 

Depuis longtemps Charles VII tournait ses regards vers la frontière allemande. En 1445, il avait conclu des traités d'alliance avec l'archevêque de Trèves, l'archevêque de Cologne, le comte Palatin du Rhin, le duc Frédéric de Saxe et son frère Guillaume, le duc de Julliers. entre 1451 et 1453, il avait négocié un traité avec le duc Frédéric de Bavière. Il était en relations avec Liège, dont l'évêque, Jean de Heinsberg, s'était montré favorable à la France, et avec le duc de Gueldre qui avait accepté son protectorat. Enfin un certain nombre de petits princes allemands, tels que le comte de Blanckenheim et le comte de Lutzelstein étaient alliés de la France et pensionnés sur le trésor royal. Par ces alliances multiples, il avait réussi à établir une barrière entre son royaume et l'empire, dont l'influence sur les princes électeurs se trouvait ainsi contrebalancée par celle qu'il exerçait personnellement, et à entourer le duc de Bourgogne d'un réseau de puissances prêtes à le soutenir en cas de lutte avec son puissant vassal. C'était de ce côté, plutôt encore que du côté de l'empire, que des dangers pouvaient être à redouter, car les relations avec Frédéric III, bien que peu intimes, n'avaient cessé d'être courtoises[1].

Mais cela ne suffisait point à Charles VII. Il voulut avoir pour alliés le roi de Danemark, dont le concours pouvait lui être utile, soit contre l'Angleterre, soit coutre le duc de Bourgogne, et le roi de Hongrie Ladislas, jeune prince plein d'ardeur et de vaillance, qui semblait appelé à jouer un rôle important dans les affaires de l'Allemagne, et qui, héritier du duché de Luxembourg, se trouvait à ce titre en antagonisme avec Philippe le Bon,

En 1447 des pourparlers avaient été entamés avec Christophe de Bavière, roi de Danemark, par l'entremise de plusieurs princes allemands, à la fois parents de Charles VII et de Christophe[2]. La mort du prince (1448) vint couper court à ces négociations. Elles furent reprises en 1455 avec son successeur, Christiern Ier, par la médiation du duc Frédéric de Bavière, devenu l'allié de la Couronne[3]. Dès le commencement de cette année, il était question du voyage de Danemark[4]. Au mois de mai, le duc Frédéric de Bavière recevait une lettre de Christiern Ier, relativement aux ouvertures qu'il s'était chargé de lui faire, et la transmettait au Roi[5]. Le 11 juin suivant Charles VII écrivait au duc de Bavière et lui envoyait une lettre à l'adresse du roi de Danemark[6]. Le 14 mars 1456, celui-ci donnait des pouvoirs pour traiter avec les ambassadeurs de France. De son côté, Charles VII, à la date du 15 mars, donnait commission à l'évêque de Coutances, à Jean de Hangest et à Jean Le Roy de conclure une alliance avec le roi de Danemark[7].

C'est à Cologne, par la médiation du duc Frédéric de Bavière que, le 21 mai 1456, un traité fut signé entre la France et le Danemark. Il portait alliance offensive et défensive entre les deux royaumes. Le roi de Danemark s'engageait à fournir, quand il en serait requis, une Hotte de quarante à cinquante vaisseaux et un corps d'armée d'an moins six à sept mille hommes contre le roi d'Angleterre ou contre ses sujets ; le roi de France paierait à son allié les frais de la guerre. De son côté, il prêterait assistance au roi de Danemark si, à cette occasion, le prince éprouvait quelque dommage ; les villes prises en Angleterre avec l'assistance du roi de Danemark seraient partagées. Le commerce entre les deux royaumes s'établirait suivant les lois de chaque pays. Le roi de France s'engageait à amener un rapprochement entre le roi d'Écosse et le roi de Danemark, et à obtenir du premier certaines satisfactions en faveur du second. Il en ferait autant à l'égard du roi de Suède et des villes hanséatiques[8].

Le lendemain, 28 mai, le duc Frédéric de Bavière, en sa qualité de médiateur, donna des lettres reproduisant les stipulations du traité[9]. Christiern Ier donna ses lettres de ratification le 20 septembre[10].

 

L'affaire du Luxembourg a déjà attiré notre attention[11]. Nous avons vu que, par suite d'un arrangement passé avec Élisabeth de Görlitz, duchesse de Luxembourg, le duc de Bourgogne avait, en 1443, occupé le duché à main armée. Le 29 décembre suivant, il obtenait du duc Guillaume de Saxe et de la duchesse Amie d'Autriche, sa femme, la cession de leurs droits sur le duché, sauf réserve du droit de rachat du jeune Ladislas, frère de la duchesse Anne. A la mort d'Élisabeth de Görlitz (3 août 1451), le duc de Bourgogne se fit reconnaître comme souverain et réunit à Luxembourg les États du duché, qui lui jurèrent fidélité (25 octobre 1451). Philippe n'avait plus à compter qu'avec le jeune Ladislas.

Fils posthume d'Albert, roi des Romains, Ladislas était né le 22 février 1440. Il avait eu pour tuteur l'empereur Frédéric III, qui avait fait bon marché des droits de son pupille sur le duché de Luxembourg. Mais, dès la fin de 1452, nous voyons les représentants du jeune prince revendiquer ses droits et demander à ses sujets du Luxembourg un serment de fidélité[12]. Par une lettre en date du 31 décembre, Ladislas faisait part au duc de Bourgogne de la mission donnée à ses conseillers et réclamait la remise entre leurs mains des villes du duché[13]. Le même jour, Ladislas confirmait les privilèges des habitants[14]. Un certain nombre de ceux-ci, répondant à l'appel de leur prince, vinrent faire obéissance à Trèves, le 21 février suivant.

Durant les premiers mois de 1453, les représentants de Ladislas entamèrent des négociations avec le duc de Bourgogne[15] ; elles n'empêchèrent pas la guerre d'éclater. Profitant de la lutte qui se poursuivait entre Philippe et les Gantois, Guillaume, duc de Brunswick, agissant au nom du roi de Hongrie, entra à main armée dans le Luxembourg et occupa Thionville. Sur plusieurs points, les habitants se soulevèrent ; mais l'envoi, par le duc, d'un corps d'armée, les força à déposer les armes et fit rentrer toutes les places au pouvoir des Bourguignons[16]. Pourtant Thionville resta fidèle à Ladislas. Par l'entremise de Jacques de Sierck, archevêque de Trèves, fut signée, le 8 septembre 1453, une suspension d'armes qui devait durer jusqu'an jour de la Pentecôte de l'année suivante ; une assemblée était fixée à Mayence, le premier dimanche de carême, pour travailler à la conclusion de la paix[17]. Le duc de Bourgogne y envoya des ambassadeurs[18]. Ces négociations n'aboutirent qu'à des prolongations successives de la trêve[19].

Dans le courant de 1454, Louis, duc de Bavière, comte palatin du Rhin, intervint comme médiateur. Une nouvelle convention fut signée le 16 novembre, et une conférence eut lieu à Vienne au mois de mai 1455 ; l'archevêque de Trèves y représenta le duc de Bavière. Par acte du 14 mai, les ambassadeurs de Ladislas et du duc de Bourgogne acceptèrent de s'en remettre à l'arbitrage du duc Louis ; une assemblée devait se tenir à Spire, le 1er novembre suivant, pour régler définitivement la question en litige[20]. Au mois d'août, le duc de Bourgogne désigna des ambassadeurs pour se rendre à Spire[21].

Ladislas avait alors quinze ans. Dès l'Age de trois ans, Æneas Sylvius vantait son étonnante précocité[22]. On devinait chez l'enfant, dit un historien moderne, le brillant jeune homme qui allait devenir un type d'élégance et de noblesse. Il était grand, svelte, et toute sa personne respirait une grâce aristocratique[23]. Chacun lui présageait une haute destinée, et il était, regardé dès lors comme un des plus grands Roys de la chrestienté après le Roy de France[24]. Rien d'étonnant donc que Charles VII eût jeté les yeux sur ce prince pour lui donner la main de sa fille Madeleine.

Le 20 août 1454 passait par Metz une ambassade française, à la tête de laquelle était Richard Olivier, évêque de Coutances, et Robert, bailli de Chaumont, lequel n'était autre que Robert de Baudricourt, le capitaine de Vaucouleurs du temps de Jeanne d'Arc. On disait qu'elle avait mission de se rendre en Allemagne pour conclure une alliance avec Ladislas, roi de Hongrie, afin de seconder ce prince dans la guerre qu'il se proposait d'entreprendre contre les Turcs[25].

Quel fut le résultat de cette ambassade ? Les documents que nous possédons ne fournissent à cet égard aucune lumière ; mais il n'est pas douteux que, avec le renouvellement d'une alliance entre les deux Couronnes, il n'ait été question du mariage de Ladislas avec Madeleine de France. Au mois d'août 1455, le duc Sigismond d'Autriche envoya en France son conseiller Jacques Trapp, depuis longtemps investi de missions auprès de Charles VII[26]. Une lettre du même prince à Charles VII, en date du 27 juillet 1456, nous apprend que, à cette époque, la négociation relative à ce mariage était entamée. Le duc Sigismond connaissait les dispositions favorables du Roi ; il n'avait rien de plus à cœur que de voir promptement se conclure le mariage de la fille de Charles VII avec son cousin germain Ladislas. La chose devait être menée rapidement : tout délai serait fâcheux et plein de périls. Il savait que cette union était souhaitée, non seulement par Ladislas, mais par tous ceux de son royaume, qui le voyaient avec peine sans épouse et sans héritier. Il priait le Roi de lui faire connaître ses intentions d'une manière définitive ; et si, comme il l'espérait, le Roi était disposé à faire célébrer les fiançailles, il lui demandait de fixer les jour et lieu, afin qu'il pût envoyer ses ambassadeurs. Si cette affaire est conduite à bonne fin, ajoutait Sigismond, ce sera la confirmation de la foi orthodoxe. Les royaumes de France et de Hongrie en seront exaltés et fortifiés ; moi et les autres princes de la maison d'Autriche y trouverons une nouvelle preuve de l'affection du Roi[27].

Vers La fin de 1456, Charles VII envoya en Allemagne Blaise Greslé, archevêque de Bordeaux[28]. Quelques mois après arrivèrent à sa cour deux ambassadeurs du roi de Hongrie : Adam de Dalstein, seigneur de Maizembourg[29], et Frédéric, seigneur de Donin[30], étaient à Lyon le 17 mai 1457. Ils apportaient des lettres par lesquelles Ladislas implorait l'intervention de Charles VII dans son conflit avec le duc de Bourgogne relativement au Luxembourg ; il tai demandait de prendre le duché sous sa garde et de protéger ses sujets de toute agression, afin qu'il ne fust diverty ou empesché de s'employer à la deffense de la foy et invasion du Turc et ennemis d'icelle. L'ambassadeur avait mission de se plaindre au Roi de la conduite du duc Philippe. Celui-ci, lors de son voyage à Ratisbonne, s'était engagé à entreprendre la croisade de concert avec Ladislas. Confiant dans cette promesse, le roi de Hongrie avait fait de grandes dépenses : il en demandait le remboursement. Quant à l'affaire du Luxembourg, le duché, qui lui appartenait par héritage, était retenu injustement par le duc, lequel en avait chassé le comte de Gleichen et les autres représentants de Ladislas. Celui-ci sollicitait Charles VII, dont le duc de Bourgogne était le vassal, de lui prêter son appui, espérant que, grâce à son intervention, il obtiendrait satisfaction. Si le Roi acceptait de prendre le Luxembourg en sa protection et sauvegarde, l'ambassadeur avait les pouvoirs nécessaires pour mettre le pays en la main du Roi et pour lui faire rendre obéissance par les habitants. En outre Ladislas offrait, moyennant que le duc de Bourgogne en fit autant, de s'en remettre à l'arbitrage du Roi[31].

Charles VII voulut se donner le temps d'examiner l'affaire avec maturité. Il se contenta de répondre que, très prochainement, il devait envoyer des ambassadeurs au duc de Bourgogne : entre autres charges. il leur donnerait mission de s'occuper des intérêts du roi de Hongrie et de travailler à une pacification relativement à l'affaire du Luxembourg[32].

Des ouvertures paraissent avoir été faites alors, au nom de Ladislas, relativement à son mariage avec Madeleine de France. Charles VII fit savoir avait cette alliance pour agréable, et que, quand le roi Ladislas lui enverrait des ambassadeurs munis de pouvoir pour traiter de cette matière, il y entendrait volontiers[33].

Conformément à la promesse faite à l'ambassadeur de Ladislas, Charles VII chargea les ambassadeurs qu'il envoya, au mois de septembre, vers le duc de Bourgogne, de lui faire part des réclamations du roi de Hongrie relativement au Luxembourg ; il lui demandait de cesser toute entreprise contre les places et les sujets de ce prince dans le duché, et d'entendre à toute voie d'apaisement par tous bons et doux moyens ; si le duc ne voulait entrer immédiatement en négociations en vue d'un accommodement, les ambassadeurs le solliciteraient de faire connaître ses intentions, afin que le Roi pût en informer le roi de Hongrie ; ils devaient demander une cessation d'hostilités jusqu'à ce que la notification ait été faite à Ladislas[34].

Au moment même où l'ambassadeur du roi de Hongrie arrivait à Lyon, Charles VII mandait auprès de lui Jean de Cbampdenier, commandeur d'Issenheim, qui résidait en Alsace où il représentait le duc Sigismond d'Autriche ; il l'interrogea secrètement sur la situation du roi de Hongrie, l'étendue de ses états, les ressources dont il disposait. Peu de jours après, rendant compte de son voyage au duc Sigismond et à Jacques Trapp, conseiller de ce prince, le commandeur faisait part des dispositions favorables à l'alliance qu'il avait rencontrées chez le Roi et les seigneurs de sa cour ; il insistait pour que le roi Ladislas donnât promptement suite au projet et engageait Sigismond à envoyer des ambassadeurs pour conclure celte importante affaire à l'honneur des deux rois[35].

Une nouvelle intervention de Sigismond d'Autriche ne fut point nécessaire. Assurés à l'avance du consentement de Charles VII, les conseillers de Ladislas, à la date du 22 septembre, donnèrent pleins pouvoirs à des ambassadeurs pour conclure le mariage de leur maître avec la fille du Roi très chrétien[36].

D'immenses préparatifs s'opérèrent alors pour la célébration d'un mariage que, dans toute l'Europe chrétienne, on considérait comme un événement de la plus haute importance. Chacun s'accordait à rendre hommage à la noble origine, à la beauté, aux qualités privées de la jeune princesse[37]. L'empereur et l'impératrice, les ducs de Saxe, de Bavière, de Silésie, le margrave de Brandebourg, d'autres princes encore, avaient promis de se rendre à Prague pour les noces. On de 'ait profiter de cette grande solennité pour arrêter le plan de défense de la chrétienté contre l'invasion musulmane[38].

Arrêtons-nous un instant pour examiner la situation des affaires d'Orient à la veille de l'événement qui s'annonçait comme devant favoriser si puissamment la lutte engagée contre l'Islamisme.

L'avènement de Calixte III au trône pontifical avait été le signal d'une impulsion nouvelle donnée aux projets de croisade. Le nouveau Pape avait pris l'engagement solennel d'employer tous ses efforts à organiser la guerre coutre les Turcs et â reconquérir Constantinople ; son serment avait été répandu par milliers d'exemplaires dans toute l'Europe[39]. Réunir toutes les forces de l'Occident chrétien contre le Croissant ; secourir la Hongrie, exposée aux plus grands périls ; construire et armer une flotte pontificale, telle était la triple tâche qui s'offrait à lui[40]. Il s'y consacra avec ardeur. En notifiant son avènement à Charles VII, il lui annonçait l'intention de poursuivre l'expulsion des infidèles, non seulement de Constantinople, mais de l'Europe entière[41]. Dès le 15 mai 1455, Calixte III lance une bulle de croisade, où le départ des croisés est fixé au 1er mars suivant. Des légats sont désignés pour se rendre dans les différentes contrées : le cardinal Carvajal en Allemagne et en Hongrie ; le cardinal de Cusa en Angleterre et en Allemagne ; le cardinal de Coëtivy en France[42]. Le noble vieillard déploie une infatigable activité. Dans les premiers mois de 1455, il prépare l'envoi d'une flotte, qui met à la voile le 6 août 1456[43]. Parmi les princes auxquels le Pape s'adresse pour les presser de le seconder, Charles VII est au premier rang. De nombreux brefs lui sont adressés dans le courant de 1456[44]. Au début, le vieux pontife parait confiant dans les promesses du Roi ; mais bientôt il s'étonne de ses lenteurs ; il s'indigne des obstacles qu'il rencontre pour la publication de la bulle de croisade et la levée du décime. Le Pape s'adresse aussi à son légat, qu'il réprimande de son peu de zèle[45].

Si le cardinal de Coëtivy se montrait inégal à la grande mission que Calixte III lui avait confiée, le cardinal Carvajal faisait preuve d'un zèle admirable. Nos efforts sont à la hauteur d'un pareil légat et le légat est à la hauteur de nos efforts, disait Ladislas dans une lettre au Pape[46]. A peine arrivé à Vienne, Carvajal s'était adressé à Charles VII pour lui exposer ce qu'il faisait pour la défense de la chrétienté ; il employait les arguments les plus pressants afin de le décider à agir[47]. Le légat avait fait convoquer la diète hongroise à Bude et emmené Ladislas en Hongrie pour le mettre à la tête de la résistance. Sur ces entrefaites, Mahomet II marcha sur Belgrade avec une armée formidable, et il ne fallut rien moins que les efforts de Carvajal, de saint Jean de Capistran, et surtout de Jean Hunyade, pour sauver la Hongrie. Deux victoires mémorables, remportées par Hunyade sous les murs de Belgrade (14 et 21 juillet), forcèrent Mahomet à la retraite. Ces succès ranimèrent l'ardeur des défenseurs de la Foi. Ladislas, à la tête de quarante mille hommes, s'avança jusqu'à Belgrade, en compagnie de son conseiller le comte de Cilly. Mais les divisions qui régnaient parmi les seigneurs hongrois et le meurtre du comte de Cilly empêchèrent cette expédition d'aboutir[48].

A la nouvelle des victoires de Belgrade, le Pape écrivit à tous ses légats pour leur enjoindre d'exhorter les princes chrétiens, et en particulier son très cher fils en Jésus-Christ l'illustre, roi de France, à rendre des actions de grâces à Dieu et à s'employer à détruire la puissance musulmane[49]. Il envoya ses félicitations au cardinal Carvajal[50] ; il écrivit à Charles VII pour le presser d'autoriser la publication de la bulle de croisade et l'engager à prendre part à la lutte contre les Turcs[51]. Charles VII se décida enfin à entrer dans les vues du Pape : le 10 avril 1457, dans un bref adressé à Carvajal, Calixte III annonçait que, conformément aux arrangements pris avec le Roi de France pour la levée du décime, celui-ci s'était engagé à fournir une flotte d'au moins trente galères[52]. Le même jour, le Pape écrivait à Ladislas pour le solliciter de se mettre en campagne[53]. Mais les divisions qui régnaient dans l'empire, la vieille querelle entre Frédéric III et Ladislas, plus vive que jamais, paralysaient tout[54]. Pour triompher de ces obstacles, le Pape s'adressa à l'empereur et au roi de Hongrie[55]. Enfin, voulant mettre Charles VII en demeure de lui prêter un concours efficace, il lui envoya la rose d'or, et accompagna cet envoi d'un bref très chaleureux[56].

Telle était la situation au moment où l'alliance de Ladislas avec Madeleine de France semblait devoir favoriser les desseins du Souverain Pontife, en amenant entre Frédéric III et Ladislas un rapprochement indispensable pour le succès de la croisade, rapprochement auquel le cardinal Carvajal employait tous ses efforts[57]. Le Pape comptait beaucoup sur cet événement pour arriver à la pacification ; il avait chargé Carvajal d'assister au mariage à titre de légat du Saint-Siège, et d'agir activement auprès des princes qui devaient se trouver réunis pour cette solennité[58].

L'ambassade envoyée par le roi de Hongrie à Charles VII, signalée par les chroniqueurs comme la plus belle et la plus grande qui oncques vint en France[59], se composait de l'archevêque de Colocza et de Ladislas Paloczy, représentants de la Hongrie ; de Rüdiger de Stahrenberg, d'Oswald Eyezinger, et de Jacques Trapp, conseiller du duc Sigismond, représentants de l'Autriche ; de l'évêque de Passau, de Zdenek de Sternberg, d'Henri de Michalowic, de Burian Terezka et de Henri de Lipa, maréchal de Bohême, représentants de la Bohême ; du seigneur de Rodemach, d'Adam de Dalstein et du prévôt de Trèves, représentants du Luxembourg. Des dépenses considérables avaient été faites pour donner à cette ambassade toute l'importance et toute la pompe qui convenaient en une aussi solennelle occurrence. Les ambassadeurs étaient accompagnés d'un grand nombre de seigneurs et de daines ; leur suite comprenait sept cents chevaux ; vingt-six chariots étaient chargés de vaisselle, de joyaux et de riches habillements pour les présents à faire à la jeune princesse et aux seigneurs et dames de la Cour[60].

Partie de Prague le 10 octobre[61], l'ambassade fut accueillie avec grand honneur. A Amboise, des seigneurs de la Cour vinrent la recevoir et la conduisirent à Tours, où elle lit son entrée le 8 décembre[62]. Une notable députation, où figuraient les comtes de la Marche, de Vendôme, de Poix, de Dunois, l'archevêque de Tours, les évêques de Coutances et du Mans, le chancelier de France, le marquis de Saluces et le jeune Philippe de Savoie, qui résidait alors à la Cour, s'était portée à sa rencontre. Ce fut le chancelier Jouvenel qui, dans une harangue latine, souhaita la bienvenue aux envoyés de Ladislas[63].

L'ambassade hongroise arrivait à Tours dans un moment critique. Le Roi venait de tomber malade, et la gravité de son état causait de vives alarmes[64]. Le bruit de sa mort se répandit dans le royaume ; il parvint à la petite cour de Genappe, où il fut accueilli avec une joie que le Dauphin ne prit pas la peine de dissimuler[65]. Les ambassadeurs durent attendre dix jours avant que leur réception solennelle pût s'effectuer. Elle eut lieu le 18 décembre, au château de Montils-les-Tours.

Le Roi était assis sur un trône reluisant d'or, ayant à ses côtés les princes du sang et un grand nombre de seigneurs. Les ambassadeurs furent introduits ; ils présentèrent leurs lettres de créance et firent les salutations accoutumées. L'archevêque de Colocza porta la parole. Dans un pompeux discours latin, il s'étendit longuement sur l'affinité de lignage existant entre Charles VII et le roi son maître, sur l'antique et singulière amitié qui, de tout temps, avait uni les rois de Hongrie et de Bohême à la très chrétienne Maison de France. Le roi Ladislas, désirant renouveler ces alliances, envoyait dans ce but ses ambassadeurs ; il les avait chargés de demander au Roi la main de sa fille. Par ce mariage, les liens qui unissaient deux si nobles et si puissants rois se trouveraient resserrés et renouvelés. Et quand une étroite concorde serait établie entre eux, personne au monde ne serait en état de leur nuire. Sire Roi, dit en terminant l'archevêque, tu es la colonne de la chrétienté et mon souverain seigneur le roi Lancelot en est l'écu ; tu es la très chrétienne maison, et mon souverain seigneur en est la muraille[66]. Le chancelier Jouvenel des Ursins répondit à l'ambassadeur.

Les ambassadeurs sortirent ensuite du château et se rendirent dans une grande salle, richement décorée, qui avait été construite dans le jardin. Ils y trouvèrent les dames et demoiselles de la Cour, se livrant à la danse. Non loin était un pavillon fermé, où se tenaient la Reine et sa fille Madeleine. A l'arrivée des ambassadeurs, les portes du pavillon s'ouvrirent, et la Reine parut, conduisant la princesse, sur laquelle se portèrent tous les regards : sa grâce et sa beauté excitèrent une satisfaction générale. La nouvelle du mariage fut annoncée au son joyeux des trompettes, et l'ambassade reprit le chemin de la ville[67].

Le 22 décembre, un banquet, où l'on s'efforça d'égaler et même de dépasser les splendeurs du fameux banquet du Faisan, donné en 1454 par le duc de Bourgogne, fut offert aux ambassadeurs par le comte de Foix. On dressa douze tables dans l'abbaye de Saint-Julien de Tours ; sur chacune il y avait cent quarante plats d'argent, qui furent sept fois renouvelés pour sept services successifs, et sept entremets suivirent les sept. services. Les dames de la Cour prirent place à côté des seigneurs de l'ambassade. Après le quatrième service, on apporta mystérieusement sur la grande table un paon vivant, afin de faire vouer ceux qui vouer voudroient. Ce paon était placé sur un navire, et avait à son cou les armes de la Reine ; autour du navire étaient blasonnées les armes des dames et demoiselles de Marié d'Anjou. Jacques Trapp, qui était près de mademoiselle de Villequier, voua que pour l'amour de la damoiselle emprès laquelle il estait assis, jamais il ne serait à table, ne à liner, ne à souper, jusques à ce qu'il eust fait armes pour l'honneur d'elle[68]. Un chevalier hongrois qui était placé près de mademoiselle de Châteaubrun (Agnès de Vaux), voua aux dames et au paon que, un mois après son retour, il romprait en son honneur deux lances à fers émoulus et que, à sou exemple, il ne s'habillerait jusque-là que de noir[69], Le banquet fut suivi de danses, où figurèrent les belles jeunes filles qui étaient venues pour faire cortège à la jeune reine[70].

Une autre fête, qui devait suivre la cérémonie des fiançailles, se préparait, sous les auspices du comte du Maine, quand éclata, comme un coup de foudre, une nouvelle qui frappa tout le monde de stupeur : le roi Ladislas avait été emporté par une mort subite[71] ! Les ambassadeurs, dans la relation de leur voyage, racontent que, quatre ou cinq nuits auparavant, Charles VII avait eu un songe : il avait rêvé que son épée était brisée en deux tronçons. Inquiet de ce présage, il en avait fait part à son entourage. Le comte du Maine, tirant l'épée royale du fourreau, lui dit : Voyez, Sire, l'épée est entière !Oh ! reprit le Roi, quand il nous vient un songe, c'est que Dieu veut nous envoyer quelque épreuve. Ce rêve signifie, j'en suis sûr, un grave événement. D'autre part, durant deux nuits, la princesse Madeleine avait rêvé que le roi Ladislas lui apparaissait et qu'il était mort. Elle fut si frappée que la Reine et les dames de son entourage s'en aperçurent à sa mine bouleversée, à sa tristesse, à ses plaintes sur ce que ses vêtements lui pesaient. Qu'est-ce que cela ? lui dit la Reine. Vous devriez être joyeuse ! C'est aujourd'hui jour de fête ; les étrangers viendront sans doute ; il faut vous parer. Peu après la Reine revint trouver sa fille : Si votre robe vous est trop lourde, lui dit-elle encore, mettez-en une noire. — Oh ! répondit la princesse, le rêve pourrait bien être vrai !

Grande fut l'affliction qu'apporta ce message, continue la relation des ambassadeurs. Ce fut parmi les Français une lamentation générale. Ou ne voyait plus personne dans les rues, naguère remplies de monde. Les enfants qui se rencontraient pleuraient eu criant : Hélas ! le roi Ladislas est mort. Le roi de France étant malade, personne n'osait lui apprendre la nouvelle. Ses conseillers, qui doutaient encore, dépêchèrent des exprès en Allemagne pour aller aux informations. Mais bientôt arrivèrent les messagers du duc Sigismond, confirmant la triste vérité. La Reine, aussitôt informée, recommanda aux ministres, à tous les officiers royaux de garder le silence, de peur que le Roi, instruit de l'événement, ne fût frappé à mort[72]. Chastellain dit également[73] : Si fut avisé que ceste mort du Roy Lancelot lui seroit celée encore par aucuns jours, de peur qu'il n'en rechust arrière en son mal, car moult craignoient son dueil et le demener qu'il en feroit, et que la parversité d'une telle aventure ne lui devenist matière de mort ; et pour tant lui voulurent-ils celer le meschief jusques il seroit fort au dessus du danger... Et l'on avait fait deffense, sur peine capitale, que nul au inonde ne s'avançast de lui faire semblant de riens, ne homme, ne femme, jusques il seroit heure et conclu par les seigneurs du sang.

La Reine fit en secret tout préparer pour la célébration d'un service solennel dans l'église Saint-Martin. Environ huit cents écussons, aux armes des cinq pays de notre roi, dit la relation des ambassadeurs, avaient été fabriqués en deux jours, dont trois cents furent suspendus partout dans l'église. La nuit, au chant des Vigiles, on disposa cinq cents hommes, tout de noir habillés, tenant chacun un grand cierge dans la main. Le lendemain, pour l'office des morts, tous les autels furent tendus de noir et ornés des écussons des cinq pays, et lesdits cinq cents hommes portaient chacun les mêmes écussons suspendus à leur cierge. Les seigneurs de l'ambassade et tous les gentilshommes furent rangés d'un côté du chœur ; de l'autre côté se placèrent les conseillers du Roi, le frère de la Reine, et beaucoup de princes et de grands personnages, tous vêtus de noir ainsi que leurs serviteurs, et la ligure voilée jusqu'aux yeux. Tout cet appareil causait une telle impression de tristesse que le cœur le plus endurci en eût été ému. On avait également dressé un catafalque haut de quatre toises, sur lequel brûlaient environ trois mille cierges[74]. Ce fut seulement le 30 décembre, au lendemain de la cérémonie, que Brezé, qui savait manier le Roi mieux que nul autre, se rendit au château des Montils, et, avec tous les ménagements possibles, lui annonça le fatal événement. Charles VII manifesta une vive émotion ; toutefois, il prit patience en son adversité, disant que puisqu'il plaisoit à Dieu qu'ainsi en fust, force lui estait bien de le tolerer et de le prendre en gré[75]. Le 31, les ambassadeurs hongrois allèrent prendre congé ; ils offrirent au Roi quatre chevaux blancs conquis sur les Turcs, et partirent le lendemain, comblés de présents[76], après avoir rends à fade-laine tous les dons que Int destinait leur maitre.

Avant de quitter Tours, les ambassadeurs de Ladislas avaient demandé à Charles VII de prendre en sa garde' le duché de Luxembourg. Il fut convenu que tout se passerait comme si le roi de Hongrie était encore vivant[77]. Par lettres du 8 janvier 1458, Charles VII, en considération de l'antique alliance de la Couronne avec les rois de Bohême et de Hongrie, et de son affinité avec Ladislas, qui avait recherché la main de sa fille, déclarait prendre en sa garde la ville de Thionville et les autres villes du duché de Luxembourg. Thierry de Lenoncourt, bailli de Vitry ; Tristan Lermite, prévôt des maréchaux, et Jean de Veroil étaient chargés de se rendre dans le Luxembourg et d'y faire exécuter celle ordonnance[78]. Ils partirent aussitôt. Le 1er février suivant, ils dressaient un procès-verbal constatant qu'ils avaient fait apposer les panonceaux et bâtons royaux aux portes des villes, châteaux et forteresses de Rodemach, Hesperange, Boulay, Richemont, Neuerbourg, Cronemberch, Useld, Esch, Montmédy, etc., et fait proclamer par cri public la mise du duché de Luxembourg sous la protection du Roi[79].

En recueillant l'héritage de Ladislas en ce qui concernait le Luxembourg, Charles VII nourrissait un dessein plus ambitieux : il songeait à briguer pour son second fils la succession au trône de Bohême. Thierry de Lenoncourt était chargé de se rendre à Prague à la réunion des États de Bohême ; il cm-portait des lettres pour les États et pour Georges de Podiebrad, en date du 9 janvier. Le Roi leur notifiait la décision qu'il avait prise à l'égard du duché de Luxembourg et accréditait auprès d'eux son ambassadeur[80]. Lenoncourt accompagna la grande ambassade de Ladislas, qui arriva le 14 février à Prague. Le 27 s'ouvrit la diète. Dès le lendemain, communication lui fut donnée des propositions du roi de France. Charles VII promettait, si son fils était élu roi de Bohème, de racheter à ses frais tous les domaines hypothéqués de la Couronne et aussi les domaines du clergé ; il s'emploierait à rattacher à la Bohême le duché de Luxembourg ; vu le jeune âge de son fils, il pensait qu'il convenait d'attendre que celui-ci eût atteint sa seizième année pour se rendre en Bohême : pendant quatre ans le royaume serait donc administré par un gouverneur, lequel devrait être Georges de Podiebrad. Le Roi était entré en négociations avec le roi de Pologne : si son fils était nommé, il pourrait épouser une fille de Casimir[81].

Malgré l'accueil favorable que rencontra, auprès de certains membres de la Diète, la proposition de Charles VII relative à l'union du Luxembourg à la couronne de Bohème, la candidature de son fils Charles n'avait aucune chance de succès. De nombreux compétiteurs se présentaient : les députés des princes de la Maison d'Autriche, du duc de Saxe, du roi de Pologne firent valoir les droits de leurs maîtres. Mais un courant irrésistible se manifesta, au sein de la Diète, en faveur de Georges de Podiebrad : le 2 mars, il fut élu par acclamation[82].

 

Après le départ de l'ambassade hongroise, Charles VII envoya au duc de Bourgogne Raoulin Regnault, un de ses écuyers d'écurie, pour lui faire savoir qu'il prenait le Luxembourg eu sa garde. Dans sa lettre, que Georges Chastellain qualifie de bien estrange et assez minatoire sous un couvert style[83], le Roi signifiait qu'il avait pris en sa garde la ville de Thionville, le seigneur de Rodemach et ses places, avec toutes tes antres villes, terres et seigneuries qui étaient en l'obéissance du feu roi de Hongrie ; il déclarait toutefois qu'il n'entendait pas que, en raison de cette garde, aucune entreprise fût faite coutre le duc et contre ceux de ses sujets qui étaient en son obéissance dans le duché de Luxembourg, et il demandait à Philippe d'agir de même[84].

Le duc de Bourgogne n'avait pas vu sans alarme grossir l'orage qui s'élevait du côté du Luxembourg. Au moment où les ambassadeurs de Ladislas se rendaient à la cour de France, le comte de Vernembourg, poursuivant les hostilités contre les partisans du roi de Hongrie, venait de mettre le siège devant la ville de Malburg. Philippe envoya en toute hâte un messager pour lui enjoindre de lever incontinent le siège[85]. Puis il fit partir pour Tours son roi d'armes Toison d'Or[86], avec une mission qui, vraisemblablement, consistait surtout à observer ce qui se passerait pendant le séjour des ambassadeurs hongrois, et à en faire part à son maitre. A la même époque le duc se mit en relations avec les ambassadeurs du duc de Saxe, qui étaient alors à Nuremberg[87].

Quels que fussent les témoignages de regret prodigués par Philippe au sujet de la mort soudaine de Ladislas[88], il ne fut pas sans se réjouir, au fond du cœur, d'un événement qui venait si à propos le délivrer de ses craintes. Quand Raoulin Regnault arriva à Bruges et présenta la lettre du Roi, il le reçut. eu présence des seigneurs de sa Cour et des membres de son Conseil. Mais, dit l'historien bourguignon[89], pour ce que ses lettres estoient longues et drues d'escriture, les bailla à son chancelier ; et, appelant le seigneur de Croy, les fit lire tout au long. Nicolas Rolin, durant la lecture, accompagna les passages les plus saillants de hochements de tête et de sourires moqueurs, en lançant des coups d'œil à son maitre. Si se percevoit bien chascun alors, au satnblant qu'ils monstroient, que les lettres n'estoient point de bon goust, mais aigres et de dure digestion. Un sourd murmure s'éleva parmi les barons, qui ne savaient encore quelle attitude prendre, mais qui regardaient l'envoyé du Roi d'un fort mauvais œil.

La lecture terminée, le duc prit à part son chancelier et le sire de Croy dans l'embrasure d'une fenêtre, et leur dit : Je ne sais ce que me demande le Roi, ni ce qu'il se demande lui-même de guérir coutre moi ces questions foraines qui ne lui compètent en rien, si ce n'est par volonté oblique. Vraiment toutefois, s'il me quiert par là il me trouvera par çà. Le pays de Luxembourg ne lui est en rien sujet ; il n'est pas de son royaume ; il n'y a ni querelle ni titre, sinon la convention qu'il a prise avec feu beau cousin le roi Lancelot, duquel lever la querelle, maintenant qu'il est mort, n'est point honnête, ce me semble, sinon que volonté le meuve sur moi plus que raison. A quoi je ne saurois que dire, sinon que je defendrai le mien et mettrai Dieu et mon bon droit au front de mes ennemis. Mais je voudrois bien qu'il plût au Roi me laisser en ma paix en gardant la sienne, car sans que j'encommence jamais contre lui — ce dont Dieu me défende ! —, je deffendrai, assailli, à l'aide de Dieu, mon honneur et ma querelle. Puis il fit approcher l'envoyé du Roi, auquel le chancelier demanda s'il avait quelque charge spéciale à communiquer au duc. Regnault répondit que non, priant seulement qu'on voulût bien l'expédier sans retard. Nicolas Rolin prit alors la parole : Le Roi, dit-il, écrit à Monseigneur tout à plein sur le fait de Luxembourg et sur l'alliance faite entre lui et feu le roi Lancelot — que Dieu absolve ! —, et signifie beaucoup de choses touchant cette alliance. Vos lettres ne portent nulle créance sur vous, et pourtant Monseigneur s'avisera de répondre au Roi et lui répondra par écrit ; et aussi vous serez temprement délivré[90].

Selon d'autres chroniqueurs ; le duc aurait adressé lui-même la parole à Raoulin Regnault : Je voudrais bien savoir, lui aurait-il dit, si le Roi veut tenir la paix qui fut faite à Arras entre lui et moi ; car, ad regard de moi, je ne la briserai pas ; mais dites-lui que je lui prie qu'il me fasse savoir sa volonté ; et me recommanderez à sa bonne grâce, car je sais bien qu'il y en a en son Conseil qui ne m'aiment guère[91].

Après que Regnault se fût retiré, le duc de Bourgogne tint conseil avec le comte de Charolais, le comte d'Étampes, Adolphe de Clèves et les seigneurs de sa cour, et leur communiqua le message apporté par l'écuyer du Roi. Ce fut un cri général d'indignation. Comment, disait-on[92], le Roi veut lever la querelle d'un homme mort, avec lequel l'alliance n'a jamais été consommé ! C'est malséant à un roi de. France. Est-ce ainsi que le Roi reconnait l'amour et les grands services de Monseigneur au temps passe ? Maintes fois on nous avait dit qu'il en seroit ainsi ! Par Dieu, jamais bien ne nous fera et les apparences en sont bonnes. Plût à Dieu que les choses fussent encore en leurs vieux termes ! L'orgueil des Français ne seroit pas si grand qu'il est à présent. Au moins si la fortune leur est bonne, qu'ils nous laissent en paix avec la a notre, nous qui ne leur demandons rien ! Si nous avons ici Monseigneur le Dauphin qui, contraint, est venu s'y rendre, que ne l'ont-ils gardé eux-mêmes ! Quel bien nous en est venu ? quel avancement ? quel profit en avons-nous ? Depuis qu'il est entré ici, oncques paix ne nous fut, oncques biens ne nous vinrent, mais toujours querelles et contentions entre le Roi et Monseigneur. Nous-mêmes nous sommes tombés en division tantôt avec sa venue. De lui nous n'avons ni amour, ni familiarité, pas plus que de ses gens. Même il défend à ceux-ci de converser avec nous, ce qui n'est pas bon signe, et il ne les laisse venir ni à nos joutes, ni à nos fêtes. Monseigneur lui fait tout l'honneur et lui rend tout l'amour qu'il peut et lui complait jusqu'au pied baiser ; et, à l'aventure, quand une fois il sera au dessus de ses besognes, il le reconnaîtra aussi peu que son père. Les Français sont tous tels : il n'y convient avoir foi nulle, au moins en cette maison, laquelle ils haïssent plus que les Sarrasins. Dont, au fort, il faut être reconforté, car trop plus vaut être envié que plaint.

Ainsi s'exprimaient tous les seigneurs de la cour du duc, jeunes et vieux, unis dans un même sentiment, en présence de ce message royal portant aucunement deffiance ouverte et menace d'ennemi[93].

A la date du 1er février, le duc remit à Raoulin Regnault sa réponse à la lettre du Roi. Elle était brève et hautaine. A la suite d'une ouverture du Roi sur la même matière, laquelle était de tout autre nature, il avait déjà envoyé à ce sujet Toison d'Or, qui était encore auprès du Roi. L'affaire était de grand prix et de haute importance ; elle touchait grandement son honneur ; il voulait en délibérer avec maturité ; après cela il en écrirait plus amplement au Roi[94].

Cependant l'exécution des ordres du Roi n'avait point tardé. A cette même date du Pr février, on l'a vu, les étendards royaux étaient arborés sur bon nombre de villes du duché de Luxembourg. En même temps, Floquet vint, à la tête d'un corps d'armée, s'établir à Thionville, où il fut reçu avec enthousiasme. De là il se porta sur Luxembourg, où il demanda, au nom du Roi, que les portes lui fussent ouvertes ; mais les lieutenants du duc de Bourgogne faisaient bonne garde : ils avertirent leur maître du danger où ils se trouvaient, et celui-ci envoya aussitôt des renforts ; non pas, dit son chroniqueur officiel, dans l'intention d'entrer en guerre avec le Roi, mais pour défendre la ville et la garantir contre des envahisseurs qui n'y avaient nul titre. Chastellain ajoute que, en faisant Occuper Thionville, le gouvernement royal avait voulu fournir au duc de Bourgogne une occasion de commencer les hostilités, estimant que, en chaleur et mouvement de sang, il se mespasseroit premier sur les gens du Roy, et qu'alors le Roy, qui n'avoit sçu trouver excuse legitime pour lui mouvoir guerre, maintenant parvenu à ses fins, lui imputeroit l'infraction de la paix[95]. Pendant ce temps, Toison d'Or était toujours à la cour de France, et, le duc ne cessait de correspondre avec lui[96]. Philippe envoya aussi un message aux ambassadeurs de Ladislas au moment où ils reprenaient le chemin de la Bohême[97]. Dès le 15 janvier, il avait pris des mesures pour résister à une attaque du Roi, si elle se produisait[98] ; mais il entendait rester sur la défensive. Son indiciaire, qui ne manque jamais de lui donner le beau rôle, nous dit que, tout injurié et tout menacé qu'il fût, poursuivi par devant et par derrière, le duc tousjours dissimuloit et souffroit, sur espoir que Dieu pourverroit en tout, et que les proposemens du Roy et des hommes se changeraient eu quelque bon play, meilleur que les apparences[99]. Mais l'attente de Philippe devait être trompée : le procès du duc d'Alençon allait envenimer les choses encore davantage, et faillir entraîner une rupture ouverte entre le Roi et le duc.

 

 

 



[1] On lit dans un document émané de la chancellerie royale, en date du 7 mars 1459 (Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 406) : En toutes les aliances que le Roy a faictes avecques autres princes, il excepte nomméement l'empereur ; et, pareillement, s'il a fait paix ou trêves avec ses ennemis, il y comprend l'empereur comme son alyé.

[2] Voir Réponse aux ambassadeurs de Bourgogne en date du 7 mars 1459, dans Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 402-403.

[3] Même document, et extraits d'un registre du grand Conseil, publiés par M. Noël Valois, p. 62.

[4] Extraits d'un registre du grand Conseil, publiés par M. Noël Valois, p. 58.

[5] Extraits d'un registre du grand Conseil, publiés par M. Noël Valois, p. 62.

[6] Extraits d'un registre du grand Conseil, publiés par M. Noël Valois, p. 62.

[7] Les lettres des deux rois sont reproduites dans les lettres du duc Frédéric de Bavière en date du 28 mai 1550, citées ci-dessous. — Paiement de 825 livres à l'évêque de Coutances, pour son ambassade. Ms. fr. 20979, f. 320 ; ms. lat. 17025, f. 154. On lit dans le huitième compte de Mathieu Beauvarlet (Cabinet des titres, 685, f. 192) : Mgr Richard, evesque de Constances, VIIIc XXV l., 10 avril 50, pour un voyage en Allemagne à Cologne pour appointer avec les ambassadeurs du Roy de Dannemarc. — Messire Jehan de Hangest, chevalier, seigneur de Genly, conseiller et chambellan du Roy, Vc L l., id. — Me Jehan Le Roy, notaire et secretere du Roy, IIc LXXV l., id.

[8] Léonard, Recueil des traitez, t. I, p. 56.

[9] Archives nationales, J 457, n° 12. — Charles VII sut reconnaître les bons services de Frédéric. On lit dans le huitième compte de Mathieu Beauvarlet : Mgr le conte palatin Frederich, duc de Bavière et conte de Spanheim en Allemagne, IIm IIc l., le dernier may 56, en consideration des services qu'il en a reçeu par longtemps au fait et conduite des alliances et confederations nouvellement prinses entre le Roy, d'une part, et celuy de Danemarche, d'autre, et pour les frais qu'il y a fait, et VIxx XVII l. X s. pour departir à plusieurs personnes qui ont travaillé estes besognes. Cabinet des titres, 685, f. 191 v°.

[10] Original, Archives, J 457, n° 11.

[11] Voir tome III, chapitre XII.

[12] Table chronologique des chartes et diplômes relatifs à l'histoire de l'ancien pays de Luxembourg, par M. Würth-Paquet, dans Publications de la section historique de l'Institut royal grand-ducal, t. XXX (1875), p. 26. — On voit par une lettre d'Ulrich, comte de Cilly, et d'Ulrich Eytzinger, adressée aux habitants du Luxembourg, en date du 8 juillet 1452, que le premier s'était adressé, à Charles VII et lui avait demandé de protéger les gens du pays. Choix de documents luxembourgeois inédits, publiés par M. Van Werveke dans le t. XI, des Publications de la section historique de l'Institut royal grand-ducal (1889), p. 200-201.

[13] Cette lettre est publiée par M. Van Werveke, l. c., p. 202.

[14] Publications, etc., t. XXI, p. 28.

[15] Van Werveke, l. c., p. 203-226.

[16] Voir extraits des auteurs contemporains donnés par M. Würth-Paquet, Publications, etc., t. XXX, p. 31 et suivantes ; Comptes du duc de Bourgogne, aux Archives du Nord, B 2012, f. 260 v° et 211. — Le 12 juillet, Philippe envoyait le héraut Charolais en ambassade vers Ladislas (B 2017, f. 124 v°).

[17] Würth-Paquet, l. c., p. 30 et suivantes ; Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. II, p. 25 et suivantes.

[18] Archives du Nord, B 2017, f. 124 v° et 125 v° ; cf. f. 134 ; B 2020, f. 182 v°, 231 v°, 237. — Les instructions donnés par le duc à ses ambassadeurs, en date du 24 février 1454, sont publiées in extenso par Würth-Paquet, l. c., p. 53-73. Sur la conférence de Mayence, voir Würth-Paquet, p. 74-97, et Van Werveke, l. c., p. 229-244.

[19] Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire de Belgique, 3e série, t. VI, p. 224.

[20] Berthold, Histoire du duché de Luxembourg, t. VIII, preuves, p. LXXXII et suivantes ; Fontes rerum austriacarum, l. c., t. II, p. 15-18 ; Würth-Paquet, l. c., p. 119-122.

[21] Archives du Nord, B 2020, f. 271, 281 et suivantes.

[22] Voir Chmel, Geschichte Friedrichs IV, t. II, p. 261, note.

[23] Saint-René Taillandier, Bohème et Hongrie, p. 58.

[24] Jacques du Clercq, livre II, ch. XLIV.

[25] Chroniques de Metz, publiées par Huguenin, p. 283.

[26] Lettre de Sigismond au Roi, en date du 31 juillet 1455. Ms. fr. 20587, n° 57. A ce moment un autre mariage se négociait pour Ladislas : il s'agissait de lui faire épouser Catherine de Portugal. Au mois de juillet 1456 on attendait à la cour de Portugal des ambassadeurs du roi de Hongrie. Voir les instructions données par le roi de Portugal à son ambassadeur envoyé à Alphonse V, roi d'Aragon, au sujet de la croisade à laquelle le roi de Portugal devait prendre part. Ms. lat. 10152, f. 100.

[27] Original, Du Puy, 762, f. 135.

[28] Cabinet des titrés, 685, f. 192.

[29] Le 15 août suivant, Ladislas nommait Adam de Dalstein prévôt de Thionville. Publications de l'Institut royal grand-ducal, t. XXXVI, p. 218.

[30] Ils sont nominés dans les documents cités ci-dessous et dans une lettre de Charles VII à Georges de Podiebrad en date du 9 janvier 1458.

[31] Instructions à Adam de Dalstein (en allemand). Copie du temps, Le Grand, IV, n° 34. — Instruction du Roi à ses ambassadeurs près du duc de Bourgogne : Hongrie. Ms. Fr., 15537, f. 70. — Réponse de Charles VII aux ambassadeurs du duc de Bourgogne, dans Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 466. Cf. Chastellain, t. III, p. 320-321.

[32] Chastellain, t. III, p. 321.

[33] Chastellain, t. III, p. 368.

[34] Ms. fr. 15537, f. 70 ; Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 466.

[35] Lettre en date du 28 juin 1457. Urkunden, Briefe end Actenstücke zur Geschichte der Habsburgischen Fürsten K. Ladislaus Posth., etc. herausg. von Joseph Chmel, dans Fontes rerum Austriacarum, Diplom. et acta, t. II, p. 177 et 178.

[36] Urkundliche Beiträge zur Geschichte Böhmens und seiner nachburländer im Zeitalter Georg's von Podiebrad, par Palacky, dans Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. XX, p. 113-114.

[37] Voir la lettre d'Æneas Sylvius à Ladislas en date du 1er octobre 1457 (éd. de Nuremberg, n° 353 ; éd. de Bâle, n° 339), et comment il parle de la future reine de Hongrie, Æneas Sylvius, Historia Bohemica, cap. XIX.

[38] Palacky, Geschichte von Böhmen, t. IV, part. I, p. 416.

[39] Voir le texte dans Spicilegium, t. III, p. 797.

[40] Pastor, Histoire des Papes, t. I, p. 323.

[41] Spicilegium, t. II, p. 797. — Cf. lettre des cardinaux, en date du 15 avril 1455. Original ms. lat. 11831, n° 9 ; éd. Spicilegium, t. III, p. 797.

[42] Voir Pastor, t. I, p. 324-25. Le 8 septembre 1455, Calixte III attacha de sa main la croix à l'épaule des cardinaux Carvajal et de Coëtivy.

[43] Voir les détails donnés par Pastor, t. I, p. 233 et suivantes.

[44] Spicilegium, t. III, p. 799 et 800 ; Raynaldi, ann. 1456, §§ 3, 43 ; Pastor, t. I, p. 350 et suivantes.

[45] Pastor, t. I, p. 351-352.

[46] Pastor, t. II, p. 362.

[47] Voir cette lettre dans d'Achery, Spicilegium, t. III, p. 804.

[48] Voir Pastor, t. II, p. 381-383.

[49] Theiner, Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustranlia, t. II, p. 281.

[50] Theiner, Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustranlia, t. II, p. 282.

[51] Raynaldi, ann. 1456, § 3 ; Wadding, Annales minorum, t. XII, p. 380.

[52] Theiner, Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustranlia, t. II, p. 287.

[53] Theiner, Vetera monumenta historica Hungariam sacram illustranlia, t. II, p. 288.

[54] Voir Æneas Sylvius, Epistolæ, éd. de Nuremberg, n° 252, 271, 276, 282.

[55] Æneas Sylvius, Epistolæ, n° 345 et 385 (éd. de Nuremberg) ; n° 331 et 371 (éd. de Bâle).

[56] Original, ms. fr. 20417, n° 20 ; éd. Raynaldi, année 1457, § 52.

[57] Voir brefs du Pape à Carvajal, 1er et 16 octobre 1457. Æneas Sylvius, Epistolæ, éd. de Nuremb., n° 354 et 351 ; Opera, n° 339 et 330.

[58] Voici comment s'exprimait Calixte III, dans un bref à Carvajal en date du 1er octobre 1457 : Verum cum novissime nobis relatum sit, dictum Hungarie et Bohemie regem circa festum sancti Martini proxime futurum, decrevisse Bohemiam petere, ut sibi sponsam suam, carissimi filii nostri Karoli regis Francia natam, conduci faciat, et cum eadem ibidem solennes nuptias celebret, pro qua jam fertur oratores misisse. Committimus tibi, et harum serie mandamus, ut omnibus aliis posthabitis, ad ipsum regem quam celerrime le conferas, ejusque nuptias, tam sui quam dicti regis Franciæ consideratione, nostro et Apostolicæ Sedis nomine, ut dignum est, tua presentia honores. Voir la lettre tout entière dans Kaprinai, Hungaria diplomatica, 1767, in-4°, t. I, p. 239, et dans les Œuvres d'Æneas Sylvius, épître 339.

[59] Olivier de la Marche, t. II, p. 408.

[60] Chartier, t. III, p. 74-15 ; Chastellain, t. III, p. 30 ; Du Clercq, l. III, ch. XXX ; Chronique allemande dans Senckenherg, Selecta juris et historiarum, t. V, p. 35, 38 et 49 ; Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. XLII, p. 203 ; Palacky, Geschichte von Böhmen, t. IV, partie I, p. 418 ; Ad. Bachmann, Georgs von Podiebrad Wahl, Krönung und Auerkennung, dans Archiv für vesterreichische Geschichte, t. LIV, p. 69.

[61] Palacky, l. c., p. 417.

[62] Voir Relation allemande de l'ambassade, citée plus loin, et les chroniqueurs français.

[63] Chartier, t. III, p. 76-79 ; Chastellain, I. III, p. 369-371 ; Continuateur de Monstrelet, t. III, f. 72 v°.

[64] En ce temps fut le Roy Charles de France si griesvement malade à Tours en Touraine, que l'on cuida qu'il deust mourir ; et furent faictes en plusieurs lieux de son royaume processions et prières à Dieu, afin qu'il lui envoyast santé. Et tantost après il reposa et fut gueri. Continuateur de Monstrelet, t. III, f. 74 : En ce temps, Charles, Roy de France... feust sy malade que on disait touts les jours qu'il estoit mort... Du Clercq, l. III, ch. XXXII. Cf. Chastellain, t. III, p. 371.

[65] Comme de long temps il avoit eu desir de regner et d'avoir couronne en teste, et encore plus maintenant pour cause que son père lui tenait la main roide, quant ce vint que le mal de la jambe lui estait pris et duquel on le jugeait en peril, fit à tout lez calculer sur le mal de son père pour savoir s'il en pourrait eschapper sans mort. En quoy plusieurs laborans rapportèrent par jugement et certifièrent que non, et mirent terme prefix dedens lequel les influences de là sus demanstroient sa fin. Sy le certifièrent sa très à l'estroit, et tant et tellement y adjousta foy le Dauphin qu'à peine lui sembloit la chose estre de necessité qu'ensi ce fist. Chastellain, t. III, p 446-448.

[66] Georges Chastellain, t. III, p. 371-72, et Jacques du Clercq, l. III, ch. XXXII. Cf. Ms. latin 11414, f. 23-24 v°.

[67] Ces détails nous sont fournis par une relation allemande de l'ambassade tirée du Copey-Buch de Vienne et publiée dans Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. VII, p. 125 et suivantes.

[68] Chastellain, t. III, p. 376.

[69] Les filles l'honneur de la Reine s'habillaient volontiers de noir, à l'exemple de leur maîtresse.

[70] Chartier, t. III, p. 74 ; Chastellain, t. III, p. 313-316 ; Continuateur de Monstrelet, t. III, p. 73 ; De Clercq, l. III, ch. XXX ; Relation allemande de l'ambassade, l. c. ; Histoire de Gaston, comte de Foix : Ms. fr. 4492, f. 99 v°, etc.

[71] Sur la mort de Ladislas, voir Kaprinai, Hungaria diplomatica, t. I, p. 211-268, Dissertatio VI : De obitu Ladislai postumi regis Hungariæ et Zeugenverhör über den Tod König Ladislaw's von Ungarn und Böhmen im Jahre 1457. Eine kritische Zusammenstellung und Würdigung der daruber vorhandenen Quellenangaben, von Franz Palaky. Prag, 1856, in-4°. — Malgré tout ce qu'ont pu dire à cet égard plusieurs auteurs contemporains, il est avéré que Ladislas fut emporté par la peste et qu'il ne périt pas victime d'un empoisonnement. — Parmi les témoignages les plus considérables en faveur de la mort accidentelle, il faut citer celui de Johann Rote, secrétaire de Ladislas, écrivant le 20 décembre à Æneas Sylvius : Magna est varietas summum, quo genere mortis fatum obierit. Ego vero etsi scie, nemini promus me cedere oportere habitudine notitiæ hujusce rei, qui quam creberrime apud regem etiam ægrotantem sim versatus : tamen solendum potius esse dica hoc tempore, quam loquendum, cum sciam rem iliam in dies magis clarestere. An adolescentem regem robutissimum, nullum prorsus vel doloris indicium sentientem, cum quo die lunæ præeunte modem usque ad noctis horam tertiam summa postrema et faciti lætitia fui, XXXVII horarum intervalle aliquod genus mortis naturalis prosternere potuisset ? Ante quem vel minimus quisque ex ejus familia, neque post eum ullus, etiam eorum qui ei ægrotanti quotidie astitimus, aut aliorum quispiam minimæ sortis hoc genere mortis interiit.

[72] Relation allemande de l'ambassade.

[73] Chastellain, t. III, p. 381.

[74] Relation allemande de l'ambassade.

[75] Chastellain, t. III, p. 381-382.

[76] Ces présents étaient d'une valeur de plus de trente mille livres.

[77] Si le congé pendre estoit piteux à oïr et voir du costé des Hongres, aussi estait-il lamentable aussi et plein d'amertume du costé du Roy, qui tout ce paroffroit à eux et à leurs affaires et aux affaires du deffunt, tout aussi comme s'il vivoit. Chastellain, t. III, p. 382.

[78] Ordonnances, t. XIV, p. 445.

[79] Publications de... l'Institut, etc., t. XXIII, p. 212, et t. XXXI, p. 10.

[80] Ces deux lettres ont été publiées par Palacky, Fontes rerum austriacarum, l. c., t. XX, p. 122 et 123.

[81] Palacky, Geschichte von Röhmen, t. IV, part. II, p. 29 et suivantes ; Tomek, Histoire de la ville de Prague (en tchèque), t. VI, p. 292 et s. (Nous devons à l'obligeance de M. L. Leger, professeur au Collège de France, les renseignements tirés de ce dernier ouvrage) ; Bachmann, l. c., p. 73 et 88-92. Cf. Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. XX, p. 126, 129 et suivantes ; t. XLII, p. 208 et suivantes. ; Æneas Sylvius, Hist. Bohemica, cap. LXXII.

[82] Palacky, Temek et Backmann, ll. cc. Cf. Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. XX, p. 133-135 ; t. XLII, p. 213.

[83] Chastellain, t. III, p. 389.

[84] Lettre visée dans la réponse du duc de Bourgogne, citée plus loin. On lit dans la réponse faite aux ambassadeurs de Charles VII en décembre 1459 que le Roi fit signifier au duc que, à la requête des ambassadeurs de Ladislas, il avait pris en sa garde tous ceux qui, dans le duché, obéissaient au feu roi de Hongrie, et qu'il n'avait agi ainsi que parce que le duché était resté sans seigneur, et que son intencion n'estoit que de le tenir jusques il y eust Roy esleu oudit royaume de Behaingne, duquel iceluy duchié est membré. Bibl. royale de Bruxelles, ms. 14487-14488.

[85] Fin novembre. Archives du Nord, B 2026, f. 306 v°.

[86] A la date du 1er décembre. Archives du Nord, B 2030, f. 181. — Toison d'Or ne revint de cette mission que le 2 mars.

[87] Archives du Nord, B 2026, f. 305 v°.

[88] Voir Chastellain, t. III, p. 383-384 : Le duc pour ceste mort se vesti de noir et tint chambre par aucuns jours sans vuidier dehors, remenant au conte souvent son cousin le Roy deffunt par manière de complainte, là ou se monstra prince de bonne nature et de bon sens, car ne fut onques homme qui en tirast un mot autre que honneste et de grant los à lui, ne en quoy on pust percevoir que aise fut de sa mort.

[89] Chastellain, t. III, p. 390.

[90] Chastellain, t. III, p. 390-391.

[91] Continuateur du Monstrelet, t. III, f. 14 ; J. Du Clercq, l. III, ch. XXXII.

[92] Chastellain, t. III, p. 391-393.

[93] Chastellain, t. III, p. 393.

[94] Original, ms. fr. 5041, f. 3 ; éd. Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CCXXVI.

[95] Chastellain, t. II, p. 393-394.

[96] Lettres closes envoyées par un chevaucheur le 18 décembre 1457 ; autres lettres envoyées en date des18 janvier et 4 février 1458. Archives du Nord, B 2026, f. 305 ; 2030, f. 213 et 214 v°.

[97] Le 15 janvier, Fusil, poursuivant d'armes, parlait de Bruges porteur de lettres closes du duc pour les ambassadeurs de Ladislas, lesquels l'en dit estre devers le Roy, par lesquelles ledit seigneur leur rescript aucunes choses secrètes dont autre recitacion ne doit estre faicte. Archives du Nord, B 2030, f. 214.

[98] Le 28 janvier, un chevaucheur de l'écurie partait de Bruges pour porter hastivement trente-deux lettres cluses adressées par le duc à plusieurs seigneurs et nobles des pays d'Artois et Picardie touchant matières secrètes. Archives du Nord, B 2030, f. 213 v°.

[99] Chastellain, t. III, p. 395.