HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE VIII. — RELATIONS AVEC LA CASTILLE ET AVEC L'ÉCOSSE. - SUITE DES NÉGOCIATIONS AVEC LE DUC DE BOURGOGNE.

 

 

1454-1457

 

Henri IV succède en Castille à Jean II ; ambassade qu'il envoie à Charles VII ; ambassade de celui-ci en Castille ; traité de Cordoue. — Nouvelles ambassades de Henri IV en France ; questions litigieuses — Don Carlos, prince de Navarre, vient trouver le Roi pour le solliciter d'être médiateur dans sa querelle avec son père ; réponse faite à ce prince. — Intervention du roi de Castille dans l'affaire du Dauphin ; réponse donnée à ses ambassadeurs ; on agite la question de la formation d'une armée navale pour agir contre les Anglais. — Relations de Charles VII avec l'Écosse depuis 1451 ; échange d'ambassades ; affaire de la duchesse de Bretagne, Isabelle d'Écosse. — Jacques II demande à Charles VII son appui contre les Anglais. — Situation politique de l'Angleterre ; protectorat de duc d'York ; état mental et dispositions intimes de Henri VI ; ascendant de Marguerite d'Anjou sur son époux ; intelligences de la Reine avec Pierre de Brezé. — Nouvelles instances de Jacques II, qui soumet à Charles VII un plan d'attaque ; Charles VII envoie un ambassadeur en Écosse pour travailler à une pacification avec l'Angleterre ; ce projet n'a pas de suite ; nouvelle ambassade de Jacques II ; Charles VII est vivement sollicité d'agir à main armée ; il s'y refuse, — Dans l'été de 1456, Jacques II prend les armes ; il renonce à ses projets d'invasion quand la reine reprend le pouvoir, et signe avec Henri VI une trêve de deux ans. — Expédition de Sandwich. — Le duc de Bourgogne menacé d'une révolte à Liège ; arrivée de la grande ambassade française ; instructions données aux ambassadeurs ; discours de l'évêque de Coutances et de l'évêque d'Arras ; ultimatum des ambassadeurs.

 

Jean II, roi de Castille, était mort le 22 juillet 1454, et son fils Henri IV lui avait succédé ; le nouveau roi était âgé de vingt-neuf ans. Comme prince des Asturies, il s'était signalé par de continuelles révoltes contre son père ; comme Roi, loin de racheter ses torts, il devait s'attirer les plus sévères reproches des historiens[1]. Aussitôt après son avènement, il envoya une ambassade à Charles VII dans le but de renouveler les anciennes alliances entre les royaumes de France et de Castille. Les pouvoirs des ambassadeurs n'ayant pas paru assez amples, la négociation n'aboutit à aucune conclusion[2]. Au mois de janvier 1455, Jean Bernard, archevêque de Tours, Gérard Le Boursier, Guillot d'Estaing, Inigo d'Arçeo et le notaire Nicolas du Breuil partirent pour la Castille. Leurs pouvoirs portaient la date du 20 janvier[3]. Ils arrivèrent au moment où Henri IV, dont l'union avec Blanche de Navarre avait été déclarée nulle, allait épouser Jeanne de Portugal : ce fut l'archevêque de Tours qui célébra le mariage[4]. Les négociations entre les ambassadeurs et les conseillers du roi de Castille ne furent pas de longue durée[5] : le 10 juillet était signé à Cordoue un traité d'alliance entre Charles VII et Henri IV[6]. Au mois d'octobre suivant un envoyé du roi de Castille vint à Bourges. Il était porteur d'une lettre en date du 5 juillet, par laquelle Henri IV réclamait contre l'emprisonnement de marchands castillans, opéré en violation de leurs privilèges[7]. Le roi de Castille sollicitait en même temps le concours de Charles VII pour une expédition qu'il allait entreprendre contre les Mores[8].

Une nouvelle ambassade du roi de Castille vint, au mois de mai 1456, trouver le Roi au château du Châtellier. Les pouvoirs de Henri IV à ses ambassadeurs portaient la date du 10 janvier[9], et ils remirent à Charles VII une lettre de leur maitre, datée de Ségovie le 3 février[10]. L'ambassade avait pour but d'échanger les lettres de ratification du traité de Cordoue, et de régler certaines questions litigieuses entre les deux couronnes, telles que la possession de la Terre de Labour, d'Urtubie et de la Bidassoa, la construction d'une tour par Charles VII en vue de Fontarabie, la liberté des relations commerciales des marchands castillans, soit avec les sujets de Charles VII, soit avec les Anglais[11]. Un appointement, dont nous n'avons pas la teneur, fut passé à Gannat entre les ambassadeurs de Castille et les commissaires royaux[12].

Dans l'été de 1456, Don Carlos, prince de Navarre, qui, à la suite de ses longs démêlés avec le roi Jean II, son père, était passé en France, vint rendre visite au Roi[13]. Le comte de Foix, gendre du roi de Navarre, avait soutenu son beau-père, et les représentants de Charles VII en Guyenne avaient suivi son exemple. Le 3 décembre 1455 était passé à Barcelone un traité entre le roi de Navarre et le comte de Foix. Par ce traité, la succession du trône de Navarre et du duché de Nemours était assurée à Gaston IV, du chef de sa femme Éléonore de Navarre, à l'exclusion de Don Carlos. Le comte de Foix étant vassal du roi de France, sans l'assentiment duquel, lit-on dans l'acte de Barcelone, il n'était ni licite ni honnête d'entreprendre cette affaire ni aucune autre d'importance[14], le traité devrait être soumis à l'approbation de ce prince avant le 15 avril 1456 ; il serait nul en cas de non-acceptation de Charles VII. En outre, le comte de Foix devrait prêter en personne son assistance au roi de Navarre contre Don Carlos[15]. Le 16 décembre suivant, le roi de Navarre envoya à Charles VII un ambassadeur pour lui offrir son alliance, à la condition que, en cas de guerre contre les Anglais, il lui fournirait un contingent de trois cents hommes d'armes et que le Roi fournirait à Jean II pareil contingent pour soutenir la lutte contre son fils[16]. Nous ne savons quelle suite reçut cette proposition, mais il n'est pas douteux que Charles VII donna son approbation au traité passé entre Jean II et le comte de Foix[17]. Celui-ci se mit aussitôt en armes, et entra en Navarre, où il réduisit Pampelune et les attires villes qui tenaient encore pour Don Carlos[18].

En venant trouver Charles VII, Don Carlos voulait se justifier du reproche qui lui avait été adressé de s'être montré partisan des Anglais et de les avoir soutenus contre les Français ; il voulait aussi éclairer le Roi sur la situation qui lui était faite et solliciter son arbitrage dans sa querelle avec son père. Charles VII fit donner réponse au prince de Navarre le 5 juillet. Il déclarait qu'il ne pouvait accepter, sans le consentement des deux parties, la mission dont le prince voulait l'investir ; mais, ce consentement une fois donné de part et d'autre, II s'en chargerait volontiers ; il conseillait au prince de se mettre toujours en tel devoir et en telle obéissance envers le roi de Navarre comme il appartient au fils de faire envers son père ; il l'engageait à s'adresser au roi de Castille, chef de leur maison, auquel revenait plus spécialement le soin de travailler à la pacification[19]. Pourtant, s'il en faut croire le biographe du comte de Foix, Charles VII aurait envoyé un message au comte de Foix, qui guerroyait en Navarre, pour lui demander de cesser les hostilités et de se rendre à sa cour, en toute diligence, pour s'employer à pacifier le différend[20].

Sur ces entrefaites éclata la rupture entre le Roi et le Dauphin. Au lieu de s'employer à apaiser la querelle entre le Roi de Navarre et son fils, le roi de Castille voulut travailler à réconcilier le Dauphin avec son père[21]. Il songea un instant à s'approcher des frontières de la France afin d'agir comme médiateur ; mais, appelé dans le royaume de Grenade par sa lutte contre les Mores, il dut se contenter d'envoyer une ambassade[22]. Don Juan Manuel et le docteur Alfonso de Paz arrivèrent à Lyon le 19 mai 1457 ; ils étaient porteurs d'une lettre de leur maître en date du 30 janvier[23]. Les ambassadeurs demandèrent au Roi que, pour l'honneur de Dieu, le bien de son royaume et la gloire de sa très haute couronne, il voulût bien remettre le Dauphin en sa grâce et en sa bienveillance paternelle, et le traiter, lui et toutes ses affaires, par humaine et paternelle dilection, afin de lui permettre de se soumettre et de faire obéissance filiale. Après plusieurs conférences, le Roi fit donner sa réponse : il remerciait très affectueusement le roi de Castille du bon et grand vouloir et de l'affection qu'il témoignait à l'égard du Roi et de sa seigneurie ; le Roi avait l'intention, après le retour des ambassadeurs qu'il envoyait en Flandre, de faire savoir au roi de Castille, comme son frère et allié, l'état des choses, et le devoir dans lequel il s'était mis, de sa part, pour ramener son fils à l'obéissance ; et puisque le roi de Castille, montrant la bonne amour et affection qu'il portait au Roi, avait bien voulu envoyer vers lui pour cette cause, il remettait aux ambassadeurs un exposé complet de l'affaire, afin qu'ils pussent renseigner exactement son frère et allié[24].

Les ambassadeurs castillans avaient mission d'agir également auprès du Dauphin, auquel leur maître avait écrit. Mais, après avoir pris connaissance des faits, ils se bornèrent à envoyer le roi d'armes Séville pour lui porter les lettres de Henri IV et lui demander en quoi ils pourraient le servir[25]. Séville se rendit à la cour de Bourgogne, où il arriva à la fin de juillet[26]. Sa mission fut sans résultat ; la grande et haute ambassade dont il annonça le prochain envoi à la cour de Bourgogne n'y parut jamais[27].

Les ambassadeurs castillans n'avaient point seulement à s'occuper de l'affaire du Dauphin. Outre certaines questions litigieuses, toujours pendantes, il s'agissait de déterminer le contingent que la Castille devait fournir à une armée navale que Charles VII s'occupait alors à former. Le roi voulait mettre si puissante armée sur la mer que les Anglais, par quelque entreprise, ne pussent nuire aux sujets des deux royaumes[28] ; il offrait de fournir douze nefs et trois galères, armées, équipées et avitaillées, et le roi Henri IV ne consentait à donner que dix nefs et six galères. Il fut convenu que les ambassadeurs soumettraient de nouveau la question à leur maître, et que celui-ci ferait connaître sa réponse avant la Saint-Martin[29]. Les ambassadeurs castillans devant se rendre en Bretagne avant de retourner dans leur pays, Charles VII les fit accompagner par un de ses conseillers, chargé de s'entendre avec le duc de Bretagne sur le contingent qui serait donné par ce prince[30].

L'appui de la Castille était nécessaire pour que Charles VII pût réaliser les desseins qu'il méditait du côté' de l'Angleterre. Celui de l'Écosse, notre antique alliée, ne l'était pas moins.

 

Le roi d'Écosse s'était réjoui des succès remportés sur les Anglais en Normandie. Informé de la rupture des trêves par une ambassade, Jacques II avait, à plusieurs reprises, écrit à Charles VII pour le féliciter de ses conquêtes[31]. Au printemps de 1451, le Roi envoya une ambassade en Écosse ; elle se composait de Guillaume Cousinot, Guillaume de Menypeny, Pierre Dreux et David Lindsay[32], et avait mission de renouveler les alliances entre la France et l'Écosse[33]. En revenant de cette ambassade, Cousinot et ses compagnons firent naufrage sur les côtes d'Angleterre, où ils demeurèrent prisonniers : le bailli de Rouen devait rester pendant trois ans aux mains des ennemis, sans pouvoir se libérer, et ne reconquit sa liberté qu'au prix d'une énorme rançon[34]. A deux reprises, en septembre 1451 et en février 1452, le roi d'armes Normandie fut envoyé en Écosse, porteur de lettres pour Jacques II et pour les ambassadeurs du Roi[35]. Dans le courant de 1451, John Creighton, fils de l'amiral d'Écosse, était auprès de Charles VII[36]. La même année, à la fin de décembre, le Roi reçut à Montils-les-Tours une lettre du roi d'Écosse, tout entière de sa main : Beau frère, écrivait Jacques II, j'ai entendu que los Bretons parlent de marier ma sœur la duchesse au pays de Bretagne. Je vous certifie que, si ainsi était, plus grand déplaisir ne me pourroit-on faire. Et sur ce je vous en prie que vous ne le souffrez point, car je ne consentirai jamais que ainsi se fasse, mais veux qu'elle soit mise là où je l'ai ordonné, comme Menypeny vous le dira plus à plein[37].

Cette lettre, dont l'emprisonnement des ambassadeurs avait retardé la remise à Charles VII, faisait allusion à un projet de mariage entre Isabelle d'Écosse, veuve du duc François Ier, et Don Carlos, prince de Navarre. A la fin de l'année suivante, Jacques II envoya en France Thomas de Spens, évêque de Galloway, et Thomas de Cranstoun, qui furent reçus par le Roi à Moulins le 4 janvier 1453. Ils étaient porteurs d'une lettre de leur martre[38] et d'instructions où l'affaire de la duchesse Isabelle était exposée tout au long. La duchesse n'était point traitée à la cour de Bretagne avec les égards qui lui étaient dus ; elle y vivait, comme prisonnière, sans jouir de son douaire, de ses meubles et de ses autres bleus ; ses filles, les princesses Marguerite et Marie, avaient été exclues de la succession au duché de Bretagne dont le duc Pierre s'était mis en possession. Les ambassadeurs avaient charge de demander au Roi de faire remettre les jeunes princesses entre ses mains et d'obtenir que le 'duché fût mis en séquestre sous sa garde.

La matière était grave et délicate. Charles VII remit la décision à prendre au moment où il serait revenu à Tours. Tandis que Cranstoun retournait en Écosse, l'évêque de Galloway suivit le Roi dans la capitale de la Touraine[39], où l'affaire fut examinée par le Conseil. Le résultat ne fut point favorable aux prétentions du roi d'Écosse. Comme l'évêque de Galloway insistait sur le peu de liberté laissé à la duchesse, Charles VII l'engagea à se rendre en Bretagne pour constater par lui-même ce qu'il en était, et lui offrit d'envoyer avec lui deux de ses conseillers. Guy Bernard et Pierre Aude, porteurs de lettres du Roi pour Isabelle, allèrent rejoindre l'ambassadeur. Il fut reconnu que la duchesse jouissait pleinement de sa liberté, mais que sa dot ne lui avait point été payée. Isabelle écrivit au Roi pour lui fournir toutes les explications désirables, le priant de rassurer le roi d'Écosse et d'employer ses bons offices pour faire opérer le paiement de sa dot[40].

On pouvait croire que Jacques II se tiendrait pour satisfait : il n'en fut rien. Dans le courant de 1453, il renvoya l'évêque de Galloway, avec mission de poursuivre ses réclamations relativement à la succession au duché de Bretagne. L'année suivante, il écrivit encore au Roi[41], et fit partir une nouvelle ambassade qui fut reçue à Montbazon le 19 mai 1454. Nous ignorons l'accueil fait aux prétentions du roi d'Écosse. L'évêque de Galloway revint encore en 1455, porteur d'une lettre de son maître en date du 28 février[42] ; il fut reçu le 20 mai, à Bourges, par le Roi, et présenta l'exposé de sa charge ; elle était relative à la succession au duché de Bretagne, à la situation de la duchesse Isabelle, enfin à la princesse Annebelle, qui résidait en Savoie, où elle avait été fiancée à Louis de Savoie, comte de Genève. Charles VII chargea le comte de Dunois et l'évêque de Coutances de conférer avec les ambassadeurs. Ceux-ci exprimèrent, à cette occasion, les regrets de Jacques II au sujet de la conspiration des Écossais de la garde royale, et demandèrent au Roi d'en faire justice, lui donnant l'assurance que leur maître eu avait été très déplaisant, et que si les délinquants se réfugiaient en Écosse ils seraient sévèrement châtiés[43].

Dans le courant de 1455, le héraut Rothsay apporta une lettre de Jacques II, en date du 8 juillet[44]. Le roi d'Écosse annonçait à Charles VII que la rébellion du comte de Douglas avait été comprimée et que ses partisans avaient été mis à mort ; le roi d'Écosse, ayant appris que les Anglais avaient mis le siège devant Berwick, s'était avancé pour secourir cette place, comptant surprendre ses ennemis ; mais ceux-ci, avisés de sa venue, s'étaient mis en état de défense, et Jacques II avait dû battre en retraite ; il espérait pourtant, avec l'appui de Charles VII, pouvoir renouveler sa tentative[45].

Quelle était alors la situation des affaires en Angleterre ? Nous avons vu que, le 22 mai 1455, le duc d'York avait remporté une éclatante victoire à Saint-Alban[46] ; son rival, le duc de Somerset, y avait trouvé la mort, ainsi que le duc de Northumberland et d'autres seigneurs du parti de Henri VI ; le roi d'Angleterre avait lui-même été blessé et était tombé aux mains des rebelles[47]. Le duc d'York, maître du faible roi, le ramena à Londres ; accueilli avec enthousiasme, il devint l'arbitre des destinées du royaume[48]. Peu après, Henri VI, ébranlé par cette terrible secousse, retomba malade. Dans la session du Parlement tenue du 13 au 19 novembre, le duc d'York fut une seconde fois nommé protecteur, avec cette clause que, si le roi recouvrait l'usage de ses facultés, les pouvoirs du duc ne cesseraient point pour cela, et qu'il ne renoncerait au protectorat qu'après que le Parlement aurait été consulté et aurait constaté que le roi était en état de reprendre l'exercice de ses fonctions[49]. Aussi quand, au mois de janvier 1456, Henri VI sortit de sa crise, le duc d'York conserva le pouvoir, et son attitude montra qu'il n'était point disposé à l'abandonner. C'est en vain que la reine Marguerite d'Anjou, tenue à l'écart, s'efforça de ressaisir les rênes du gouvernement[50].

Un des émissaires du duc d'Alençon, Edmond Gallet, venu à Londres au commencement de 1456, révèle, dans sa déposition faite au cours du procès, quels étaient alors les sentiments intimes du roi d'Angleterre. Dans l'audience qu'il lui accorda Henri VI lui demanda en quels termes étaient le duc d'Alençon et le duc de Bourgogne. Je pense qu'ils sont bien ensemble, répondit Gallet. J'aimerois mieux, reprit le roi, que le duc d'Alençon et le comte du Maine fussent bien ensemble, et que le duc d'Alençon et le duc de Bourgogne fussent mal l'un avec l'autre ; car le duc de Bourgogne est l'homme du monde avec lequel j'aurais le plus volontiers guerre, parce qu'il m'a abandonné dans ma jeunesse, combien qu'il m'ait fait le serment, et sans que oncques lui eusse meffait. Si je vis longuement, je lui ferai guerre. Et Henri VI ajouta : Je voudrois que mon oncle de France et ceux de son royaume eussent bonne paix avec moi et avec ceux. de mon royaume : il m'aideroit à corriger mes ennemis, et je l'aiderois à corriger les siens[51]. Au mois de mars suivant, donnant une nouvelle audience à Edmond Gallet, que le duc d'Alençon avait renvoyé en Angleterre, Henri VI lui posa cette question : Quelle personne est mon oncle de France ?Je ne l'ai vu oncques à cheval que une fois, répondit Gallet, et il me sembla gentil prince, et une autre fois le vis à l'abbaye d'Ardaines près Caen, où il lisoit en une chronique, et me semble être le mieux lisant que je vis oncques. — Je me donne grande merveille, reprit le roi, comment les princes de France ont si grande volonté de lui faire déplaisir.... Au fait, autant m'en font ceux de mon pays ![52]

Tel était l'état d'esprit du malheureux prince. Ballotté entre les factions rivales, condamné à servir de jouet à ceux qui se disputaient le pouvoir, il était impuissant à faire prévaloir ses sentiments personnels. Bien qu'il fin, selon le témoignage de Georges Chastellain, pauvre de sens et de petit effet[53], il avait une intelligence assez nette de la situation pour démêler deux choses : l'une, que la paix avec la France était alors la seule politique qui convint à l'Angleterre ; l'autre, que c'était en s'appuyant sur Charles VII qu'il pouvait triompher de la faction Yorkiste, dont le chef ne tendait à rien moins qu'à s'emparer de la couronne. A côté de Henri VI était une princesse, française de cœur, dont l'ascendant sur son mari était très grand et qui ne cessait de le pousser dans cette voie. Marguerite d'Anjou était  alors âgée de vingt-six ans, et Georges Chastellain nous la dépeint comme un des beaux personnages du monde représentant dame[54]. Comment le roi d'Angleterre, dont la pureté de mœurs et la fervente piété sont vantées par les contemporains[55], n'aurait-il pas ressenti un amour profond pour une femme jeune, belle, aussi séduisante par la vivacité de son esprit que par les charmes de sa personne, et qui possédait à un si haut point ce don précieux qui manquait à sou époux : l'énergie du caractère[56] ?

Après le triomphe du duc d'York, la reine Marguerite avait, — tout porte à le croire — fait appel au roi d'Écosse. Des intelligences secrètes semblent dès lors avoir existé entre elle et Jacques II. Dans la session du Parlement écossais tenu à Stirling le 13 octobre, il fut question de projets d'invasion en Angleterre[57]. La reine parait aussi s'être mise en relation avec Pierre de Brezé, qu'elle avait en grande affection[58]. Le grand sénéchal de Normandie, ancien serviteur de la Maison d'Anjou et l'un des principaux négociateurs du mariage de Marguerite, avait pour la jeune reine un vif attachement ; il suivait d'un œil attentif les événements qui se passaient au-delà du détroit, se tenant prêt à agir au moment opportun[59].

Au mois de novembre 1455, le héraut Rothsay avait été renvoyé à la Cour de France avec des instructions détaillées pour les ambassadeurs d'Écosse qui s'y trouvaient encore. Charles VII était sollicité de prêter assistance à Jacques II, conformément aux traités. Les Anglais, ayant dû évacuer la Normandie et la Guyenne, concentraient toutes leurs forces contre l'Écosse, leur antique ennemie, et se préparaient à l'attaquer à la fois par terre et par mer. D'un autre côté, Douglas et ses partisans, dont la révolte avait été comprimée, avaient cherché un refuge en Angleterre, et tout indiquait qu'ils y rencontraient un chaleureux appui. Enfin, en Angleterre, une faction s'était rendue maîtresse du pouvoir : le roi Henri VI était à la merci des rebelles. Jacques II réclamait donc instamment un secours armé, sans lequel il ne pouvait résister à ses ennemis. Il était du devoir de Charles VII de lui venir en aide, maintenant que le royaume de France était en paix. En outre, le Roi était intéressé à ce que son neveu d'Angleterre ne demeurât pas plus longtemps prisonnier : il fallait l'arracher aux mains des rebelles et attaquer les Anglais par terre et par mer, jusqu'à ce que la libération de Henri VI tilt opérée. Si Charles VII voulait assiéger Calais, le roi d'Écosse, pendant ce temps, attaquerait Berwick, dont les Anglais s'étaient emparés[60].

Ce plan fut soumis à Charles VII aussitôt après la venue du héraut, qui arriva le 14 février 1456 au château du Bouche près Saint-Pourçain, et présenta au Roi une lettre de Jacques II, en date du 20 novembre[61].

Dans les premiers jours de l'année 1456, Charles VII envoya Guillaume de Menypeny en Écosse. Soit qu'il cédât à de nouvelles sollicitations de la cour de Rome[62], soit qu'il voulût protéger la reine Marguerite contre la faction victorieuse, le Roi donnait mission à son ambassadeur de solliciter Jacques II de travailler à la conclusion d'une paix perpétuelle entre l'Angleterre et l'Écosse, pour le bien universel de la chrétienté et la défense de la religion chrétienne. Au cas où cette alliance entre les trois royaumes ne pourrait être opérée, le Roi sollicitait le concours de Jacques II pour attaquer vigoureusement les Anglais, contre lesquels toutes les forces de la France et de l'Écosse seraient dirigées, afin de les exterminer[63]. Jacques II entra dans les vues de Charles VII, et, fit tous ses efforts pour réaliser l'alliance en question[64]. La tentative fut infructueuse. Il ne restait plus qu'à mettre à exécution la seconde partie du programme : réunir les forces communes contre les Anglais. Jacques II se montrait d'autant plus disposé à agir de la sorte que les Anglais ne cessaient d'exercer leurs déprédations contre ses sujets, tant sur terre que sur mer, sans que ses réclamations réitérées fussent suivies d'effet. Le moment était favorable : l'Angleterre était plus que jamais en proie à des dissensions intestines ; le duc d'York, le comte de Salisbury et leurs adhérents s'étaient mis en révolte contre l'autorité royale ; on disait même que le duc voulait faire valoir ses droits à la couronne[65].

La réponse adressée au Roi par Jacques, en date du 28 juin 1456, attestait pourtant un changement dans l'attitude du roi d'Écosse. Lui qui jusque-là s'était montré favorable au parti du duc de Somerset, il se rapprochait du duc d'York : il annonçait au Roi que, ayant reçu, à plusieurs reprises, des ouvertures très pressantes du duc d'York, il s'était décidé à écouter ses propositions, et lui avait promis de le soutenir dans sa querelle et d'appuyer ses droits an trône d'Angleterre[66]. Il n'en sollicitait pas moins Charles VII de s'unir à lui pour travailler d'un commun accord à exterminer leurs anciens ennemis les Anglais, principaux perturbateurs de la chrétienté tout entière et qui étoffent cause de l'impossibilité de défendre la religion chrétienne contre les Turcs. Le roi d'Écosse envoyait donc une nouvelle ambassade pour prendre des mesures eu vue d'une action combinée des deux royaumes.

Charles VII reçut ce message et la communication des ambassadeurs d'Écosse au moment où le Dauphin venait de prendre la fuite. Absorbé par cette grave affaire, il ne put donner une réponse immédiate aux propositions qui lui étaient soumises et retint longtemps l'ambassade. Jacques II, ayant appris l'événement qui jetait le trouble dans le royaume en même temps qu'il compromettait l'exécution de ses projets, écrivit à Charles VII, à la date du 9 octobre, pour le supplier de faire taire son juste courroux et de pardonner à son fils ; il offrait sa médiation et, dans ce but, il envoyait un de ses secrétaires, John Kennedy, prieur de Saint-André[67]. Ce message ne parvint au Roi que le 10 janvier 1457, au château de Saint-Priest[68].

Dans l'intervalle, le 15 décembre précédent, Charles VII avait reçu une autre lettre du roi d'Écosse, apportée par l'archidiacre de Glascow et le roi d'armes Lyon ; elle était datée du 13 octobre. Jacques II manifestait son étonnement de ce qu'il n'avait encore reçu aucune réponse à la demande d'une intervention armée, faite par ses ambassadeurs, qui avaient séjourné pendant deux mois à la cour de France. Les Anglais poursuivaient leurs courses et leurs déprédations ; il était plus urgent que jamais d'y mettre un terme ; le roi d'Écosse envoyait donc une nouvelle ambassade pour requérir Charles VII, en vertu des alliances existant entre les deux royaumes et qui toujours avaient été si fidèlement observées, de lui prêter assistance[69]. A la lettre de Jacques II était jointe une lettre des trois États du royaume d'Écosse assemblés en Parlement, réclamant le secours de Charles VII contre les Anglais[70]. Les ambassadeurs avaient mission de demander au Roi d'opérer une descente en Angleterre et d'attaquer les Anglais, pendant que le roi d'Écosse agirait de son côté. Si le Roi ne pouvait entreprendre cette expédition, il était sollicité de prêter son assistance au moyen de subsides, et aussi d'artillerie, car le roi d'Écosse ne pouvait continuer longtemps la guerre à ses dépens[71].

En présence de cette mise en demeure, Charles VII ne différa pas davantage sa réponse. Tout en se réjouissant des succès remportés par le roi d'Écosse sur les Anglais et en l'en félicitant, il se refusait a lui donner un conseil relativement à une attaque dirigée contre l'Angleterre : Nul, bonnement, en ces matières, disait-il, ne peut donner seul raisonnable conseil, s'il ne voit les choses de près. Il faut en cela avoir sa principale confiance en Dieu, et au surplus se gouverner par bon et notable conseil, selon qu'on voit le cas advenir. Quant à l'assistance armée sollicitée par le roi d'Écosse, la situation du royaume ne permettait pas de la donner. Au temps où les Anglais occupaient la Normandie et la Guyenne, le Roi n'avait à veiller que sur certaines frontières, et si les Anglais voulaient faire de plus grands exploits, il le savait à l'avance et pouvait prendre ses mesures en conséquence. Présentement il avait à garder continuellement toutes les côtes du royaume depuis l'Espagne jusqu'à la Picardie, c'est-à-dire plus de quatre cent cinquante lieues de pays ; il lui fallait pour cela des gens d'armes en grand nombre, payés de leurs gages, ne bougeant point de leurs garnisons. En Normandie, il avait de ce chef un déficit de cent mille francs, et, en Guyenne, les ressources de la contrée étaient insuffisantes d'une somme de trois cent mille francs. Il fallait aussi veiller sans cesse en Bretagne, en Poitou et en Saintonge. En outre, certains seigneurs du royaume avaient fait des entreprises contre le Roi au préjudice de son royaume et en faveur des Anglais ; le Roi avait dû y pourvoir immédiatement pour prévenir les inconvénients qui auraient pu en résulter ; le roi d'Écosse pouvait voir que ce n'était point sans cause qu'il se tenait sur ses gardes de tous les côtés. De plus, la grande affaire de la défense de la chrétienté, au sujet de laquelle le Pape avait envoyé plusieurs fois vers lui, exigeait que le Roi usât de ménagements, tant en ce qui concernait ses gens de guerre que ses finances. Assurément le roi d'Écosse ne voudrait pour rien que jamais, à cause de lui, quelque inconvénient pût advenir au Roi et au royaume[72].

Privé de l'appui sur lequel il comptait, Jacques II n'avait pas moins résolu de prendre les armes. Le 10 mai 1456, il avait envoyé à Henri VI une dénonciation de la trêve conclue trois ans auparavant (23 mai 1453)[73] ; vers le mois de juillet[74], il était entré en Angleterre et avait porté le ravage dans les comtés du Nord[75]. Mais le changement survenu, au mois d'octobre suivant, dans la direction du gouvernement, lui fit abandonner ses projets d'invasion[76] : la reine Marguerite, après avoir réussi à emmener son mari à Coventry, s'empara du pouvoir. Le chancelier Bourchier, qui était à la discrétion du duc d'York, fut remplacé par William Waynflete, évêque de Winchester ; plusieurs autres partisans de la reine furent pourvus de postes importants[77]. Dans les premiers mois de 1457, des négociations furent entamées entre l'Angleterre et l'Écosse : elles aboutirent à la conclusion d'un traité, signé le 6 juillet 1457, portant trêve entre les deux royaumes pendant deux années[78]. Ainsi la reine Marguerite avait repris les rênes dut gouvernement, et le conflit entre les royaumes d'Angleterre et d'Écosse était momentanément apaisé. Si la faction d'York restait toujours menaçante, elle semblait avoir désarmé pour le moment.

C'est ici que se place l'expédition entreprise par Charles VII contre Sandwich. Était-elle, comme le prétend Georges Chastellain, le résultat d'une entente avec le parti de Marguerite d'Anjou, dans le but d'opérer une diversion[79] ? La chose parait douteuse : étant donnés les faits que nous venons d'établir, une telle diversion n'avait plus de raison d'être du moment que, d'une part, le roi d'Écosse avait déposé les armes, et que, de l'autre, la reine Marguerite était en possession du pouvoir. Avait-elle pour véritable objet une attaque contre les possessions maritimes du duc de Bourgogne ? Ce prince semble avoir conçu des craintes sérieuses à cet égard ; son chroniqueur officiel parle des mesures de défense qu'il s'empressa de prendre à la première nouvelle de cette démonstration navale[80]. — Voulait-on uniquement empêcher les Anglais de ravitailler Calais, et, en faisant main basse sur tout ce qui se trouvait à Sandwich, port d'embarquement dont disposait le parti yorkiste, préparer une attaque que Charles VII n'avait cessé de méditer ? Depuis la perte de la Normandie et de la Guyenne, les Anglais s'attendaient, d'un moment à l'autre, à voir assiéger Calais[81], et, au mois d'avril précédent, on avait pris des mesures pour ravitailler cette ville[82].

Quoi qu'il en soit, le 20 août 1457, une flotte nombreuse, portant quatre à cinq mille hommes, prit la mer à Honfleur. Elle avait à sa tête Pierre de Brezé, grand sénéchal de Normandie ; Robert de Flocques, dit Floquet, et Charles des Marais, capitaine de Dieppe. On nomme aussi, parmi les autres personnages notables faisant partie de l'expédition, Jean de Lorraine et le bailli de Rouen Guillaume Cousinot[83]. La flotte était munie d'échelles, d'appareils de siège, en un mot de tout ce qui pouvait être nécessaire pour l'attaque des villes. On avait, paraît-il, réuni un si grand nombre de gens de guerre, que tous ne purent trouver place sur tes navires. Le départ s'effectua, dit Georges Chastellain, hautainement, en fier arroy de gens, à estendars desploiés qui vantilloient en l'air et à trompettes et clairons retentissans, comme si tous eussent été rois ou empereurs[84]. De quel côté allait-on se diriger ? Pendant plusieurs jours on tint la mer, en vue des côtes de l'Angleterre, sans trouver aucune aventure, ni descendre en terre, par la grande importunité et contrariété du temps[85]. Les Anglais, qui redoutaient fort le sénéchal de Normandie, ne savaient de quel côté se garder. Et par ainsi, dit Chastellain, comme ces gens cy estaient estoffés d'escheiles et de tout ce qui besongnoit en tel cas, fait à penser que leur emprise devait estre grande et de concert entendement, et que, si le beau se fun offert pour mettre à execution ce que queroient, leur descente eust esté ailleurs peut estre que ne la monstroient[86].

Enfin, tes vivres commençant à manquer, on se décida à faire une entreprise qui pût porter dommage aux Anglais. Le 28 août, vers six heures du matin, an descendit à deux lieues de Sandwich. Seize à dix-huit cents hommes, partagés en trois corps, marchèrent en avant, étendards déployés, tandis que Brezé et le reste de ses gens s'avançaient sur Sandwich par mer. La concentration des forces s'opéra suivant le plan adopté et la ville fut occupée après une lutte sanglante. Le grand sénéchal fit alors publier que personne, sous peine de mort, ne touchât aux biens des églises ; que l'honneur des femmes fût gardé ; que le feu ne fût mis nulle part et qu'aucun homme ne fat tué de sang-froid. Après une journée d'escarmouches, car sans cesse de nouveaux Anglais arrivaient du dehors pour attaquer les Français, Brezé ordonna la retraite ; mais il demeura pendant six heures devant le port et envoya un héraut défier les ennemis qui, au lieu de lui offrir la bataille, sollicitèrent une trêve jusqu'au lendemain. Oncques si haut honneur ne m'advint ni si honorées trêves ne furent données, dit le sénéchal, qui accéda à la requête, disant grand mercy au roy d'Angleterre de l'honneur que fait avait à un seneschal de Normandie de lui demander trêves en son propre lieu[87]. Plusieurs navires détruits, dont trois vaisseaux de guerre ; un immense butin, montant à deux ou trois cent mille livres bon nombre de prisonniers, tel fut le résultat de ce coup de main[88].

Tandis que les préparatifs militaires de Charles VII sur les frontières de Picardie et l'armement d'une flotte causaient de sérieuses alarmes au duc de Bourgogne, celui-ci se vit de nouveau menacé au sein de ses propres États. Alors qu'il visitait les villes de la Somme, on lui rapporta que les Liégeois avaient mis leurs bannières sur le marché en signe de guerre et se voulaient mouvoir contre luy et envahir son pays de Haynau[89]. Depuis quelque temps Liège était en démêlés avec le seigneur de Fontaine, vassal du duc, relativement à la possession de Fontaine-l'Évêque, près de Charleroi, et les Liégeois avaient décidé d'entreprendre le siège de Fontaine. Philippe ne s'émut pas outre mesure de cette nouvelle : Plût à Dieu, dit-il, quelque affaire que j'aie autre part, qu'ils y viennent a au nombre de vingt ou trente mille et que Dieu me donne la a grâce de les voir à l'œil ! J'ai bien ailleurs à entendre, mais je laisserais tout pour les aller combattre. Il envoya Jacques de Harcies, avec deux cents hommes, pour occuper Fontaine et pourvoir à la défense de la place ; il donna l'ordre de mettre sous les armes les nobles du Brabant et de la Bourgogne, ainsi que les archers des villes, et de tenir son artillerie prête, et écrivit à son neveu Louis de Bourbon, qui venait d'être nommé à l'évêché de Liège, pour le mander auprès de lui. Grâce à l'énergie déployée par le duc, l'affaire n'eut pas d'autre suite[90]. Mais, à la cour de Bourgogne, les méchantes langues ne manquèrent pas de dire que l'influence française n'avait point été étrangère à cette menace de soulèvement : les Français n'étaient-ils pas coutumiers du fait et n'avaient-ils pas, de longue date, pratiqué les Liégeois[91] ?

Si le démêlé avec Liège fut promptement apaisé, un conflit plus sérieux allait éclater du côté du Luxembourg. Nous le montrerons au chapitre suivant, en reprenant l'historique de cette longue querelle où Charles VII ne devait point tarder à intervenir.

Les affaires litigieuses qui n'avaient cessé d'être agitées entre les cours de France et de Bourgogne, étaient aussi l'objet des préoccupations du duc. Au mois de mai 1457, une conférence avait été tenue à Villefranche : on y était revenu sur toutes les questions traitées dans les conférences de Paris, en novembre 1448, et de Bourges, en août 1455 ; un long cahier de doléances y avait été présenté au nom de Philippe le Bon[92].

C'est au milieu de toutes ces complications qu'arriva l'ambassade annoncée par Charles VII et depuis longtemps attendue[93]. Elle se composait de Richard Olivier, évêque de Coutances, Jean Le Boursier, seigneur d'Esternay, François Halle et Jean Le Roy[94]. Les ambassadeurs firent leur entrée à Bruxelles le 21 septembre.

Les instructions dont ils étaient porteurs concernaient principalement l'affaire du Dauphin. Il y avait dix ans que ce prince demeurait éloigné de la Cour ; quand il était parti, en compagnie des seigneurs que le Roi avait placés auprès de lui, il avait demandé un congé de quatre mois. Durant son long séjour en Dauphiné, il avait tenu d'étranges termes ; il avait résisté à toutes les instances du Roi pour le ramener auprès de lui et manifesté des craintes vagues que jamais il n'avait voulu préciser. Le Roi tenait à savoir en quoi consistaient ces craintes et envoyait ses ambassadeurs pour sommer le Dauphin de le déclarer. Si celui-ci se refusait à le faire, les ambassadeurs avaient charge de lui dire qu'il donnerait occasion à plusieurs de penser que ces craintes étaient imaginaires, et qu'il n'y avait là qu'un prétexte pour se tenir éloigné du Roi. Si les ambassadeurs, après avoir insisté sur ce point, n'obtenaient satisfaction, ils devaient mettre le duc de Bourgogne en demeure d'intervenir, conformément à l'offre faite par lui au Roi, et de s'employer auprès du Dauphin pour qu'il reconnût l'autorité royale.

Après s'être occupé de l'affaire du Dauphin, les ambassadeurs devaient entretenir le duc en particulier : 1° de la question du Luxembourg ; 2° de la saisie des terres du comte de Saint-Pol ; 3° d'affaires litigieuses concernant la ville de Tournai.

L'évêque de Coutances et ses collègues firent au Dauphin la communication dont le Roi les avait chargés en présence du duc de Bourgogne, du comte de Charolais et de tous les membres du Conseil du duc. L'évêque porta la parole :

Très haut et très puissant prince et notre très redouté seigneur, dit-il, nous avons ici été envoyés par le Roi votre père, notre souverain seigneur, pour vous dire trois choses : premièrement le bon, doux et raisonnable vouloir du Roi votre père, disposant de votre noble personne ainsi qu'il peut le faire ; secondement vous sera dit et persuadé obéir à son dit raisonnable vouloir et disposition, et que ainsi le devez faire ; tiercement serez incité par nous à déclarer votre volonté sur aucunes choses que le Roi désire savoir.

En traitant le premier point, l'évêque de Coutances fit l'historique des faits accomplis depuis que le Dauphin avait quitté la Cour, et, après avoir fait ressortir les dispositions bienveillantes que le Roi n'avait cessé de témoigner à l'égard de son fils, il insista sur les droits du père et sur l'étendue de la puissance paternelle.

Dans le second point il développa les raisons qui obligeaient le Dauphin à obéir à la volonté de son père : il y était tenu en vertu du droit naturel, du droit divin, du droit canon et civil, par le dû de toute bonne justice, par les exemples des bons enfants, honorés pour leur soumission, et des mauvais, punis à cause de leur révolte.

Enfin, dans le troisième point, il s'étendit sur les craintes manifestées par le Dauphin et invoqua toutes les raisons qui, soit en droit, soit en fait, rendaient ces craintes sans fondement. Veuillez donc, mon très redouté seigneur, dit-il en terminant, vous montrer comme bon et obéissant fils, venir au Roi, et vous réduire vers lui, à la louange de Dieu, désir et bon plaisir du Roi, à l'honneur et au bien de vous, salut de votre âme, repos de votre corps, à la joie et plaisir de nos seigneurs du sang et autres rois et princes bienveillants et alliés de la couronne, au profit et utilité de la chose publique et à la confusion et crainte des ennemis du royaume[95].

C'est à un conseiller du duc de Bourgogne, Jean Jouffroy, évêque d'Arras, qu'incomba la tâche de répondre à l'évêque de Coutances. Il le fit dans un compendieux discours, auquel certains historiens ont fait l'honneur d'une longue analyse[96], et qui brille par le luxe des citations bien plus que par la solidité des arguments : c'est une apologie complète de la conduite du Dauphin, un résumé de tous les griefs qu'il n'avait cessé d'alléguer contre son père. Monseigneur, disait l'évêque en terminant, appelle Dieu pour témoin que oncques adversité ne fit fléchir son cœur de l'autour entière de son seigneur et père ; et estime Monseigneur que les duretés qu'il porte ne viennent pas tant seulement du courage du Roi comme d'aucunes particulières instigations lesquelles lui ont ceci procuré... N'est-ce pas misérable chose que d'être mis hors de tout le sien ? Plus est misérable d'y être mis sans cause et sans dettes. N'est-ce pas chose déplaisante que le fils voie sur soi la déplaisance du père ? Plus amère est d'autant que le père est plus noble et plus vertueux. N'est-ce pas plorable chose du voir un fils de Roi, plus riche de tout le monde, être le plus pauvre gentilhomme du monde ? Plus plorable est de voir avec la directe demeure de la suspicion du peuple, comme s'il eût forfait énormément !... Pour Dieu, plaise au Roi, père de bonté, dont il est renommé par tout le monde, ne le presser plus avant, ains le laisser encore reposer en sûreté ! Plaise au Roi avoir pour recommandé la fame et bonne renommée de Monseigneur, et soutenir l'autorité de son aîné fils, considéré son âge et l'état de Madame sa femme, selon l'espoir qu'il a d'avoir lignée au plaisir de Dieu ![97]

Ces beaux discours n'avancèrent point les négociations. Comme cela était facile à prévoir, on discuta longuement sans pouvoir parvenir à s'entendre. Aussi, conformément à la rédaction préparée à l'avance, les ambassadeurs français firent au duc la déclaration suivante : Monseigneur, vous savez comment, la première fois que vos ambassadeurs vinrent d vers le Roi, vous leur donnâtes charge de lui dire que, de la venue de Monseigneur le Dauphin dans vos états, vous ne saviez rien, et qu'il ne pensât point que vous fissiez partie avec Monseigneur le Dauphin ; mais que vous aviez vouloir de vous employer si avant que seroit son plaisir à réduire mon dit seigneur envers lui. Après ces paroles le Roi, se confiant en vous, et pour ne pas interrompre la bonne intention que vous aviez témoignée, n'a pas voulu que d'autres princes s'en mêlassent ; lesquels princes sont, entre autres, les rois de Castille et d'Écosse. Et combien qu'il y ait neuf ou dix mois que Monseigneur son fils est en vos mains, toutefois le Roi n'a point connu ni aperçu aucune apparence de soumission, mais au contraire la volonté de persévérer dans les termes du passé, qui ne sont ni à son honneur et bien, ni au plaisir du Roi et de ceux de son c royaume... Et pour ce, Monseigneur, que le Roi vous a donné à connaître qu'il a eu fiance et espérance que à la réduction de maudit seigneur son fils vous vous conduiriez a et acquitteriez ainsi que lui avez fait dire et que par raison êtes tenu de faire, il voudrait bien que cette matière prit une bonne et brève fin. La continuation d'icelle est très déplaisante au Roi, et il ne s'en pourrait ni devrait contenter. Aussi n'est ladite continuation selon l'ordonnance de Dieu, au bien de la chrétienté, ni au plaisir de ceux qui aiment l'honneur et le bien du Roi et du royaume. Pour ce, Monseigneur, vous plaise avoir bon regard sur cette matière, par manière que inconvénient n'en puisse advenir[98]. Sur ces paroles les ambassadeurs prirent congé du duc, le laissant dans l'incertitude sur l'issue qui serait donnée à cette grave affaire.

 

 

 



[1] Voir, entre autres historiens, Lafuente, Historia general de España, t. VIII, p. 496-497 ; Cavanilles, Historia de España, t. IV, p. 191.

[2] Cette ambassade était composée de D. Juan Manuel, du docteur Ortudo Velasquez de Cuellar, doyen de Segovie, et du docteur Alfonso de Paz. Voir le Memorial de Diego de Valera, dans les Cronicas de los Reges de Castilla, p. 4 ; Cronica de Palencia, ms. espagnol 112, f. 2 v° ; cf. Ferreras, Histoire d'Espagne, t. VII, p. 3.

[3] Voir le traité du 10 juillet 1455, visé plus loin.

[4] Cabinet des titres, 685, f. 181 v°. Voir Valera, chap. VII, p. 7, et Palencia, f. 19 et s. et 24.

[5] Voir sur ces négociations le document qui se trouve dans le ms. lat. 6024, f. 54.

[6] Archives J 604, n° 80 bis ; Léonard, t. I, p. 144 et suivantes ; Du Mont, t. III, part. I, p. 509 et suivantes.

[7] Original, ms. lat. 6024, f. 91.

[8] Voir plus haut, chapitre III.

[9] Ms. lat. 5956A, f. 221.

[10] Original, ms. lat. 6024, f. 113.

[11] Voir documents dans le ms. latin 5955A, f. 227, 233, 235 et 238 ; cf. ms. 6024, f. 110 v°-111.

[12] Il est fait allusion à cet appointement dans les documents du ms. lat. 6024, f. 111 et 131 v°.

[13] Il était question de cette visite dès l'année précédente. Voir Valois, Extraits d'un registre du grand conseil, p. 30.

[14] Non le seria cosa licita ne honesta de emprender et dicho negocio ni otro alguno que de importantia fuese, sin subiduria é licencia del dicho senior Rey de Francia.

[15] Traité du 3 décembre 1455, dans Coleccion de documentos ineditos para la historia de España, t. XL, p. 542 et suivantes. ; cf. Çurita, Anales de la Corona de Aragon, t. IV, f. 40-41.

[16] Voir Çurita, l. c., f. 41 v°-42, et Ferreras, Histoire d'Espagne, t. VII, p. 231.

[17] Voir Coleccion de documentos, l. c., p. 501.

[18] Voir sur l'expédition du comte de Foix les détails contenus dans l'Histoire manuscrite de Guillaume Le Seur. Ms. fr. 4992, f. 80 et suivantes.

[19] Le texte de cette réponse est dans le ms. lat. 5956%, f. 213 ; cf. le document qui se trouve au fol. 223. — Observations du prince de Navarre sur le réponse du Roi, communiquées au Conseil le 14 juillet : ms. lat. 10152, f. 98. — Nouveau mémoire présenté le 19 juillet : Du Puy, 761, f. 27.

[20] Histoire manuscrite de Guillaume Le Seur, ms. fr. 4902, f. 95 v°.

[21] Voir Valera, l. c., p. 17 ; Palencia, l. c., p. 44.

[22] Voir créance des ambassadeurs de Castille. Minute dans le ms. fr. 20490, f. 79. Cf. Chastellain, t. III, p. 343.

[23] Original, Fontanieu, 881, f. 7 ; — le 7 février, l'archevêque de Séville écrivait au Roi pour lui recommander son frère Jean Manuel. Ms. lat. 6024, f. 115.

[24] Réponse aux articles baillés par les ambassadeurs de Castille. Ms. lat. 5956A, f. 223.

[25] Créance des ambassadeurs. Ms. fr. 20490, f. 79. Chastellain dit (t. III, p. 343) que le Roi s'opposa à ce qu'ils y allassent, et qu'ils renoncèrent à ce voyage pour ne point lui déplaire.

[26] Chastellain dit qu'il trouva le duc de Bourgogne à Hesdin. Or le duc y séjourna du 18 juillet au 4 août environ.

[27] Chastellain, t. III, p. 343.

[28] Le 23 février 1457, Nicolas du Breuil avait été envoyé en Castille pour prendre part à une conférence où devait être discutée la question des limites des deux royaumes. Cabinet des titres, ms. 685, f. 192 v°.

[29] Voir le document du ms. lat. 6024, f. 110.

[30] Voir le document du ms. lat. 6024, f. 110.

[31] Lettres des 23 avril et 1er juillet 1450. Orig., ms. lat. 10187, n° 23 et 16 ; éd. Stevenson, t. I, p. 299 et 301.

[32] Paiement de 1980 L pour les frais de celte ambassade (Ms. fr. 26081, n° 6539) ; quittance de 499 l. 10 s. t., en date du 22 juin 1451 pour les passage, frais et despenses que faire nous convendra sur la mer (Clairambault, 155, p. 4089) ; paiement à Menypeny sur son voyage d'Écosse, 55 livres. Cabinet des titres, 685, f. 144 v°.

[33] Pouvoir (sans date) dans le ms. fr. 5909, f. 181 v°.

[34] Pour le paiement de sa rançon, fixée à vingt mille écus, Charles VII mit un impôt sur le soi, en Normandie, pendant trois ans. Voir lettres du 4 juin 1455, aux archives de l'Eure, publiées par M. Vallet de Viriville, Chronique de Cousinot, p. 76. Cf. Cabinet des titres, 685, f. 188 v° et 195. Dans un rôle du 7 mai 1454 (ms. fr. 26683, f. 46), le Roi inscrivit une somme de 350 l. t. pour don à Mathurin Brisson, clerc de Guillaume Cousinot, afin de l'aider à payer sa rançon. Menypeny reçut une somme de 4.000 écus d'or dans le même but (Ms. fr. 5909, f. 169). Don de 27 l. 10 s. à Gilles du Mont, chevalier, pris avec Cousinot (Cabinet des titres, 685, f. 158). A la date du 15 décembre 1451, Henri VI donna à plusieurs des gens de la suite des ambassadeurs un sauf-conduit pour retourner en France (Carte, Catalogue des rôles gascons, t. II, p. 327).

[35] Ms. fr. 26081, n° 6539. — Quittance de Normandie en date du 14 septembre 1451. Ms. fr. 40971, f. 209.

[36] Il reçut 137 l. 10 s. pour s'en retourner en Écosse. Ms. 685, f. 144.

[37] Pièce communiquée à M. Charavay par M. Charles Labussière, et donnée par lui en fac-simile dans la Revue des documents historiques, t. II, p. 170. On la trouve en copie dans la collection des Blancs Manteaux, ms. fr. 22333, f. 104.

[38] Lettre, sans date, publiée par D. Morice, t. II, col. 1616.

[39] On lit dans le quatrième compte de Mathieu Beauvarlet (ms. 685, f. 165 v°) : Thomas Aspens, evesque de Calvay en Escoce venu en ambaxade devers le Roy de par le Roy d'Escoce, IIIIc XII l. X s. en avril pour sa despense. — David Lindezay, escuyer du pays d'Escosse, venu avec ledit evesque, C l. idem.

[40] Relation des ambassadeurs, dans D. Morice, t. II, col. 1618-1625.

[41] Original, Archives, K 69, n° 12 ; éd. D. Morice, t. II, col. 1644.

[42] Le texte de cette lettre se trouve dans la collection du Languedoc, vol. 182 ; voir la brochure de M. Valois déjà citée, p. 27-98. L'évêque était accompagné de trois autres ambassadeurs.

[43] Valois, l. c., p. 28-29.

[44] Original, ms. fr. 15537, f. 1£2 ; éd. Spicilegium, t. III, p. 801.

[45] Voir, sur l'attaque dirigée contre Berwick, les lettres de Henri VI en date du 9 juillet, publiées dans Proceedings and ordinances, t. VI, p. 247 et suivantes. Cf. Gairdner, Introduction aux Paston Letters, p. CXXVI, et préface des Three fifteenth-century Chronicles, p. VII.

[46] Voir chapitre II.

[47] M. Baudot a tiré des archives de la Côte-d'Or et publié en 1836 dans le tome 1 de la Revue de la Côte-d'Or et de l'ancienne Bourgogne (p. 196-200) une  Relation de la bataille qui a esté en Angleterre le XXIIe jour de may l'an mil CCCC LV, envoyée d'Angleterre au duc de Bourgogne. Cette relation est curieuse ; elle montre quelle était à Londres l'impopularité du dur de Somerset. Voir sur la bataille de Saint-Alban, Archaeolagia, t. XX, p. 519-523 ; Three fifteenth-century Chronicles, p. 70 et 151-152 ; An English Chronicle, ed. by Rev. Davies, p. 71-72 ; Gregory's Chronicle, dans The historical collections of a citizen of London, p. 198 ; Paston Letters, t. I, p. 327-334.

[48] Voir Paston Letters, t. I, p. 333-334.

[49] Voir Rotuli Parliamentorum, t. V, p. 284-89.

[50] Voir Paston Letters, t. I, introduction, p. CXXV-CXXVIII et p. 377-378, 386-387, 392.

[51] Disposition d'Edmond Gallet. Ms fr. 18441, f. 112 v°.

[52] Ms fr. 18441, f. 120.

[53] Chastellain, t. V, p. 239.

[54] Chastellain, t. IV, p. 294.

[55] Voir Blakman, De virtutibus et miraculis Henrici VI, dans Duo rerum anglicarum scriptores veteres, éd. Hearne, 1732, t. I, p. 288 et suivantes.

[56] Deux plumes féminines ont, en Angleterre, noblement rendu hommage à cette glorieuse mémoire : Miss Agnès Strickland (Lives of the queens of England, t. III (1844), p. 178-306 ; trad. en français : Vie de Marguerite d'Anjou. Paris, 1850, in-18), et Miss Hookham (The life and times of Margaret of Anjou. London, 1872, 2 vol. in-8°).

[57] Voir The acts of the Parliaments of Scotland, t. II, p. 44-45 ; cf. Tytler, History of Scotland, t. III, p. 139-140.

[58] Voir Chastellain, t. IV, p. 228.

[59] Il est fait allusion dans le Procès du duc d'Alençon aux intelligences que Brezé entretenait en Angleterre. Edmond Gand ayant demandé au duc s'il avait congé du Roi pour envoyer des agents en Angleterre, celui-ci lui répondit qu'il y povoit bien envoyer de soy, car il estoit per de France, et le povoit mieulx faire que ne faisoit le seneschal de Normandie et autres cappitaines qu'il ne lui nomma point, qui y envoyoient bien d'eulx mesmes sans congé. Ms. fr. 18411, f. 104 v°.

[60] Voir ces instructions dans Stevenson, t. I, p. 319-22 ; elles sont données d'après le ms. latin 10187 de la Bibliothèque nationale.

[61] Original, ms. lat. 10187, n° 31 ; Stevenson, t. I, p. 317.

[62] Voir au sujet de cette tentative de pacification, Raynaldi, ann. 1455, § XXVII ; Ms. fr. 5044, f. 167.

[63] Voir lettre de Jacques II en date du 23 juin 1456, dans Stevenson, t. I, p. 323.

[64] Voir Burnett, The Exchequer rolis of Scotland, t. VI, p. XL, 123, 135.

[65] Stevenson, t. I, p. 323-326.

[66] Hac igitur causa, et certis aliis nos moventibus, præfato inclitissimo duci Eboracensi promisimus ipsam in querela diadematis et coronæ Angliæ auxiilare et juare, qui nos desuper intermissis honorabilibus personis et litteris tenerrime requisivit. Stevenson, t. I, p. 325. — On voit par la lettre du duc d'York en date du 24 août, citée plus loin, que ce rapprochement ne fut que passager.

[67] Original, ms. lat. 10187, f. 45 ; éd. Stevenson, t. I, p. 326.

[68] Voir Stevenson, t. I, p. 227.

[69] Original, ms. lat. I0181, n° 17 ; éd. Stevenson, t. I, p. 328.

[70] Stevenson, t. I, p. 330.

[71] Voir l'exposé de ces demandes dans la réponse de Charles VII. Stevenson, t. I, p. 332-334.

[72] Ms. lat. I0187, f. 47 ; éd. Stevenson, t. I, p. 332-351.

[73] Le texte de cette lettre est publié dans Bekynton's Correspondence, t. II, p. 139. La trêve avait été conclue le 23 mai 1453.

[74] Cette date est établie par les instructions du duc d'York au héraut Garter, chargé de remettre au roi d'Écosse la réponse de Henri VI et une lettre du duc d'York en date du 24 août. Bekynton's Correspondence, t. II, p. 143.

[75] Voir Appendix ad Joh. de Fordun Scotichronicon, dans Fordun, ed. Hearne, t. V, p. 1566 ; Extracta e variis chronicis Scocie (Edinburgh, 1842, in-4°), p. 243 ; Réponse de Charles VII aux ambassadeurs d'Écosse, dans Stevenson, t. I, p. 332. Cf. Lesley, De rebus gestis Scotorum, etc., p. 397, et Pinkerton, History of Scotland, t. I, p. 238.

[76] Ce projet est mentionné dans la réponse de Charles VII publiée par Stevenson, t. I, p. 333.

[77] Voir Rymer, t. V, part. II, p. 69 ; Proceedings and ordinances, t. VI, p. 333 et 365 ; Paston Letters, t. I, p. 407-408.

[78] Rymer, t. V, part. II, p. 71 et suivantes. ; Rotuli Scotiæ, t. II, p. 379.

[79] Ceste emprise... se fit à certain propos et en entendement avec aucuns Anglès qui s'en cuidèrent avancier et taire prevaloir leur parti. Car tout l'espoir et le fort qu'attendoit le parti de la Royne c'étaient les Franchais... Chastellain, t. III, p. 351. Mathieu d'Escouchy (t. II, p. 353) et Du Clercq (l. III, ch. XXVIII) prétendent que l'expédition avait pour objet de venir en aide au roi d'Écosse contre Henri VI ou le duc d'York ; mais les faits démentent cette assertion.

[80] Le duc commanda à toutes villes qui avoient des ports d'entendre à eulx et d'y avoir l'œil, car ne savoit s'ils en vouloient à lui ou non, pour cause du Dauphin, et estoient les choses entre le Roy et luy alors si estranges et de si mauvaise disposition, que ledit duc, volant ce navire ainsi vautrer devant ses pays et encore à tel effort et orgueil, devait bien faire prendre garde à leur contendre et à la fin de leur emprise. Chastellain, t. III, p. 349-350. Nous voyons par les comptes, que, le 16 août, un chevaucheur de l'écurie allait d'Amiens porter des lettres closes du duc au sénéchal de Boulogne, aux capitaines de Gravelines, Neuport, Dunkerque et l'Écluse et au seigneur de Vere en Hollande, par lesquelles il leur mandait aucunes choses secrètes. Archives du Nord, B 2026, f. 275 v°.

[81] Voir Proceedings and ordinances, t. VI, p. 234-238 ; Paston Letters, t. I, p. 392.

[82] On lit dans une lettre du 1er mai, insérée dans les Paston Letters (t. I, p. 416) : Yt ys seyd the sege shall com to Calix... The erle of Warwyk hath had the folks of Caunterbury and Sandwych before hym, and thanked hem of her gode herts and vytaillyng of Calix, and prayeth hem of contynuance. — Calais était alors à la discrétion des Yorkistes, dont le comte de Warwick, capitaine de Calais, était l'un des chefs.

[83] Mathieu d'Escouchy cite (t. II, p. 353) parmi les chefs de l'expédition, le maréchal de Lohéac et Joachim Rouault, qui ne paraissent pas y avoir pris part. Le continuateur de Berry (p. 475) donne encore les noms de plusieurs capitaines.

[84] Chastellain, t. III, p. 349.

[85] Berry, p. 475.

[86] Chastellain, t. III, p. 351.

[87] Chastellain, t. III, p. 352-353.

[88] Sur cette expédition, voir Chastellain, t. III, p. 349 et suivantes ; Berry, p. 475-477 ; Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 353 ; Three fifteenth-century chronicles, ed. by James Gairdner, p. 70-71, 152-153 et 166, Une chronique anglaise dit : At the laste a knyghte the contre called ser Thomas Kyryel drope them to the see and kylde many or them. An english chronicle, ed. by Rev. Davies, p. 74. Le récit du continuateur de Berry ne permet pas d'ajouter foi à cette assertion.

[89] Chastellain, t. III, p. 365.

[90] Chastellain, t. III, p. 335-368. — Sur les préparatifs militaires, en date des 25 août et jours suivants, voir les comptes : Archives du Nord, B 2026, f. 277-280 et 284.

[91] Chastellain, t. III, p. 335-368.

[92] Voir Le Grand, VIII, f. 110, et Collection de Bourgogne, 99, p. 514 ; cf. p. 892-902.

[93] Le 1er juillet 1457, Thierry de Vitrey écrivait au comte de Vaudemont : Les ambassadeurs du Roy ne sont point encores venuz, ne il n'est nouvelle de leur venue. (Collection de Lorraine, VIII, n° 60.) Pourtant, le 8 juillet, le duc de Bourgogne envoyait porter des lettres closes aux évêques d'Arras et d'Amiens, leur mandant de se transporter à Tournai vers certains ambassadeurs du Roi pour los conduire à Bruxelles. (Archives du Nord, B 2026, f. 281 v°). — Le 4 septembre, Georges Chastellain était envoyé de Nivelle à Valenciennes et à Cambrai au-devant des ambassadeurs ; il se rendit de là à Saint-Quentin, à Péronne, et en d'autres lieux, pour savoir et enquerir de venue desdiz ambaxadeurs. (Id., f. 287 v°.) Le 9, Jean de Cluny partit de Nivelle pour aller à Tournai vers les ambassadeurs, lesquels doivent estre brief audit lieu de Tournay. (Id., f. 282.)

[94] Paiements à l'évêque de Coutances et à Jean Le Roy. Cabinet des titres, 685, f. 192 v°.

[95] Ce discours se trouve in extenso en copie du temps, dans le ms. fr. 17517 (anc. Saint-Germ.) fr. 974, f. 1-12 v°. Il est en abrégé sous te titre : L'effect — alias l'estaten abrégé de la creance qui de bouche a esté exposée par les gens du Roy, c'est assavoir par Monseigneur de Coustances et Monseigneur d'Esternay, à très hault et très puissant prince Monseigneur le Dauphin, en la presence de Monseigneur le duc de Bourgogne et de son conseil, dans le ms, fr. 5943, f. 14, et dans le ms. fr. 15537, f. 167. Cf. Duclos, p. 185-191.

[96] Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, t. VIII, p. 216-224. C'est par erreur que ce discours est donné rumine se rapportant à l'ambassade de 1459.

[97] Le discours de l'évêque d'Arras est, en copie contemporaine, dans les mss. 5943, f. 19 v°- 25 ; 2861, f. 187195, et 5734, f. 76 v°-92. Il a été publié par Duclos, avec quelques retranchements, dans son Recueil de pièces, p. 191-215.

[98] Fragment de l'Instruction donnée par le Roi à ses ambassadeurs. Ms. fr. 15537, f. 69 v°.