HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE IV. — LA CONSPIRATION DU DUC D'ALENÇON.

 

 

1455-1456

 

Les débuts du duc d'Alençon ; il est fait prisonnier à la bataille de Verneuil et combat vaillamment avec Jeanne d'Arc. — Sa révolte ; ses intelligences avec les Anglais, avec le Dauphin, avec le duc du Bourgogne. — Il s'adonne à l'astrologie. — Premiers projets de conspiration le chic fait venir Thomas Gillet ; arrivée du héraut Huntington ; mission donnée. à Huntington et au héraut Pouencé, d'une part, et à pinot, de l'autre ; offres du duc aux Anglais ; ses prétentions. — Accueil fait par le duc d'York et les seigneurs anglais à ces propositions. — Le duc d'Alençon envoie Pierre Fortin à Calais, au devant de Pouencé et de Gillet ; il veut faire partir un autre messager ; retour de Pouencé et de Thomas Gillet. — Nouvelle mission donnée à Edmond Gallet ; prétentions croissantes du duc ; son envoyé est reçu froidement en Angleterre ; mécontentement du duc. — Il fait partir Pierre Fortin pour Calais et renvoie Gallet en Angleterre ; voyage du duc à Paris ; Fortin révèle sa conspiration ; il rejoint le duc, qui, jusqu'au dernier moment, reste dans l'ignorance de la découverte du complot. — Ordre d'arrestation donné par le Roi ; Dunois vient trouver le duc et le fait prisonnier. — Le duc est emmené en Bourbonnais ; son entrevue avec le Roi ; il est emprisonné et l'on instruit son procès.

 

Jean, duc d'Alençon, n'avait pas dix-huit ans quand il fut fait prisonnier à la bataille de Verneuil. L'année suivante, le duc de Bedford, passant par Le Crotoy où le jeune prince était enfermé, lui offrit de le mettre en liberté et de lui rendre tous ses biens s'il consentait à prêter serinent de fidélité à Henri VI. Jean d'Alençon répondit fièrement : Je suis ferme en mon propos de non, en toute ma vie, faire serment contre mon souverain et droiturier seigneur Charles, roi de France[1].

Quelques années plus tard, Jeanne d'Arc arrivait à Chinon. On vint prévenir le duc qui, sorti de prison après trois ans de captivité[2], chassait tranquillement aux cailles, à Saint-Florent près Saumur, tandis que les défenseurs d'Orléans luttaient en désespérés : il accourut. Soyez le très bien venu ! lui dit la Pucelle. Plus il y aura de ceux du sang du roi de France ensemble et mieux ce sera ![3] Jeanne saluait en lui le gendre du duc d'Orléans, le prisonnier d'Azincourt, pour lequel elle avait un culte. De Chinon, elle voulut aller à Saint-Florent visiter la jeune duchesse d'Alençon ; elle ne cessa de témoigner au duc une vive sympathie, l'appelant mon beau duc et le réprimandant quand, suivant sa triste habitude, il proférait un gros juron. A Senlis, durant la campagne qui suivit le sacre, on vit le duc s'agenouiller auprès de Jeanne pour recevoir la sainte eucharistie[4]. Nommé par le Roi lieutenant général ayant la charge de la Pucelle, il fut sans cesse à ses côtés, à Orléans, à Jargeau, à Patay, à Reims ; il figura au sacre comme pair de France en remplacement du duc de Bourgogne, et ce fut lui qui arma le Roi chevalier. Perceval de Cagny, le vieil écuyer d'écurie qui avait servi son père et son aïeul, pouvait alors s'écrier avec un légitime orgueil : Il n'est mémoire d'homme mieux renommé que lui[5].

Le duc d'Alençon devait, hélas ! donner un cruel démenti à la fière déclaration du Crotoy et aux belles promesses de sa jeunesse. On peut lui appliquer ce que Tacite a dit de Tibère : Sa fin démentit ses débuts, et une vieillesse ignominieuse vint flétrir une jeunesse pleine d'honneur[6].

En 1440, le duc est un des instigateurs de la Praguerie, et, dans sa révolte, il ne craint point de faire appel aux Anglais[7].

L'année suivante, mêlé aux négociations entamées avec les Anglais par le duc de Bretagne, qui s'était porté médiateur, il se compromet si gravement avec les ennemis du royaume que ceux-ci lui font l'injure de le traiter comme un des leurs[8].

En 1442, il prend part à la coalition formée entre les princes du sang sous l'inspiration du duc de Bourgogne, de qui il avait reçu l'ordre de la Toison d'or[9]. On raconte que, se rendant à Nevers pour joindre le duc, et passant par Semblançay, il dit à un de ses confidents, un Anglais attaché dès 1440 à sa personne comme valet de chambre : Voici belle place pour les Anglais à tenir frontière ! Et il ajouta : Je mettrai les Anglais en France si avant qu'ils viendront jusqu'en cette place[10].

Personne n'ignorait les relations que le duc d'Alençon entretenait dès lors avec les ennemis du Royaume : dans les instructions données par les princes assemblés à Nevers, ils faisaient dire secrètement au Roi qu'ils savaient que les Anglais avaient fait de grandes offres au duc, et que, quoiqu'ils fussent persuadés que ce prince ne voudrait faire que tout bien,  néanmoins, vu sa pauvreté et la façon dont il était traité par le Roi, il était à craindre qu'il ne fût, par certains de ses gens, conseillé de faire chose qui tournerait au grand dommage et prejudice du Roy et à très mauvaise conséquence et exemples[11].

En 1444, quand le comte de Suffolk vint en France pour traiter avec Charles VII, le duc, qui se trouvait à Tours pendant les négociations, en profita pour entrer en relation avec lui et avec Jean Wenlock, l'un des ambassadeurs de Henri VI. Il leur remit par écrit des propositions aux termes desquelles il s'engageait, si les Anglais lui rendaient ses terres et lui comptaient une certaine somme d'argent, à leur livrer Granville, récemment recouvrée par Charles VII.

Quelques années plus tard les Anglais, pressés par les armées victorieuses de Charles VII et de ses lieutenants, parmi lesquels figurait le duc d'Alençon, évacuaient la ville d'Alençon. Jacques Haye y commandait comme lieutenant de Richard Wideville, comte de Rivers, qui en était capitaine. Le duc eut alors, paraît-il, des intelligences avec le chef anglais, et l'an cite des propos fort compromettants qu'il aurait tenus[12].

Après la descente de Talbot eu Guyenne, au mois d'octobre 1452, le même Jacques Haye vint secrètement à Alençon, et entretint le duc d'un projet de mariage entre sa fille et le fils du duc d'York. Pour communiquer avec Haye, le duc convint d'un signe de reconnaissance[13].

C'est ainsi que le duc d'Alençon, aigri par la ruine de sa fortune ; mécontent du Roi qui, après sa rébellion de 1440, avait révoqué sa lieutenance générale, l'avait privé un moment de sa pension de 12.000 livres et avait repris Niort — tenu en gage d'un prêt fait à la couronne en 1423[14] — ; jaloux du comte du Maine pour lequel il avait conçu une haine mortelle[15], préludait à la trahison dont il n'allait point tarder à se rendre coupable.

Le duc n'était pas seulement en relation avec les Anglais : il entretenait des intelligences avec le Dauphin[16] ; il était en rapport avec le duc de Bourgogne, qui, en 1449, lui fit don d'une somme de six mille francs, payable en deux années[17].

Au printemps de 1452, le duc parut un moment à la Cour. On ne l'y avait vu qu'à de très rares intervalles : aux Montils, en mai 1444, lors de la conclusion de la trêve avec l'Angleterre ; à Chinon, en mars 1446. Le duc se plaignait de n'être pas traité et reçu par le Roi comme il aurait dû l'être, lui qui était sailly de la couronne, si prochain que chascun pouvoit savoir[18]. Bien que son attitude n'eût guère été satisfaisante, Charles VII lui faisait régulièrement payer sa pension[19] ; il lui donna part, en 1449-50, aux libéralités faites à l'occasion de la campagne de Normandie[20]. Dans des Lettres du mois de mai 1450, portant confirmation du rétablissement d'une foire à Argentan, le Roi, oubliant les torts du duc, rendait un public hommage aux services rendus à la couronne par ses prédécesseurs et par lui[21].

Mais rien n'avait pu désarmer le courroux du duc. Pendant le séjour qu'il fit à la Cour en 1452, dans un entretien confidentiel, il se plaignit du Roi, disant qu'il savait bien que jamais le Roi ne t'aimerait et qu'il était mécontent de lui, et il ajouta : Si je pouvais avoir une poudre que je sais bien et la mettre en la buée où les draps et linges du Roi sont mis, je le ferais venir tout sec[22].

Comme la plupart des princes de son temps, le due d'Alençon avait grande confiance dans les astrologues. Vers cette époque, ayant appris que maitre Michel pars, prévôt de Wastines en Flandre, était fort expert en astrologie, il le fit venir et le chargea de calculer sa nativité, afin d'apprendre pourquoi la fortune lui avait été si contraire, et de connaître sa destinée. Le prévôt tarda beaucoup à donner sa réponse. Enfin il fit remettre au duc un écusson d'or, de la grandeur d'un demi-écu, sur lequel était figuré un lion au milieu d'un soleil, et une certaine poudre. Celui qui possédait cet écusson et le mettait dans sa bouche avait une parole si séduisante qu'il obtenait tout ce qu'il demandait : c'était un porte-bonheur, un préservatif contre le haut-mal, la pierre, etc., un moyen infaillible d'être agréable à toute personne. Quant à la poudre, entre autres vertus, elle chassait le poison qui pouvait se trouver sur une table ou dans un plat. Si, ayant lavé son visage avec de l'eau à laquelle elle aurait été mêlée, on se trouvait en compagnie de quelque ennemi, le visage de cet ennemi avait une apparence si horrible qu'on n'osait le regarder ; au contraire, avait-on en face de soi un ami, son visage semblait très plaisant, bel et clair. Voulait-on être renseigné sur quelque affaire sérieuse, on n'avait qu'a se mettre en état de grâce par la confession, et, en allant se coucher, à saupoudrer sa tête avec cette poudre : durant la nuit on était informé eu songe de ce qu'on désirait savoir. La poudre était fabriquée avec de la peau de serpents, prise au moment où ces animaux se dépouillent, et brûlée à certaines heures, suivant les constellations. L'écusson et la poudre avaient chacun douze propriétés qui en faisaient de précieux talismans[23]. Le prévôt de Wastines, se trouvant à Tours, vers 1452, donna un écusson et un peu de cette poudre à la Reine, à laquelle le duc d'Alençon avait dit tant de bien du prévôt qu'elle avait voulu le voir et lui avait demandé de calculer sa nativité. Le loi, ayant appris ce fait, fut très mécontent : il fit même arrêter un des secrétaires de sa femme qui avait été mêlé à l'affaire[24].

Le duc d'Alençon avait, eu outre, fait beaucoup de démarches pour se procurer une herbe fort rare, appelée Martagon qui avait des propriétés merveilleuses : C'est une herbe souveraine, avait dit le duc à l'un de ses secrétaires, et qui fait être en la grâce des dames[25]. On la chercha vainement en Angleterre et ailleurs.

Le duc eut aussi des rapports avec Hance de Saint-Dié, chirurgien du roi de Sicile, qu'il avait fait venir pour soigner un mal de jambe. Se croyant ensorcelé, il l'envoya par deux fois en Lombardie dans le but de consulter un saint ermite, afin d'avoir la compagnie de sa femme et de se mettre en la grâce de tout le monde. — Que le duc se mette en la grâce de Dieu, répondit l'ermite, et il aura ensuite la grâce et l'amour de tout le monde[26].

Nous avons dit que le duc d'Alençon entretenait des relations avec le duc de Bourgogne. Au printemps de 1453, un de ses serviteurs était à la cour du duc. Lui-même s'y rendit au mois de mars 1454 ; il fut reçu avec grand honneur, défrayé de toutes ses dépenses, comblé de dons ainsi que les gens de sa suite[27].

 

C'est au commencement de 1455 que le duc d'Alençon résolut de mettre à exécution le dessein qui, depuis longtemps, s'agitait dans son esprit.

Près de Domfront résidait un prêtre du nom de Thomas Gillet, âgé de trente-cinq ans. Vers la mi-carême, le duc l'envoya chercher. Gillet hésita à se rendre à cet appel : il savait que le duc, quand il avait besoin d'argent, était dans l'habitude de mettre en cause quelque riche vassal, et, sur la plus vaine accusation, de lui infliger le paiement d'une amende. Ce ne fut qu'à la réception d'un nouveau message qu'il se décida à partir pour Alençon, où il arriva la veille du dimanche de la Passion (22 mars). Le lendemain, il eut avec le duc un entretien secret. Celui-ci l'emmena dans sa garde-robe, et, après avoir soigneusement fermé les fenêtres : Voulez-vous, lui dit-il, être de mes gens et famille ? Je vous ferai donner de bons bénéfices et vous ferai plusieurs autres grands biens. — Je ferai volontiers tout ce que je pourrai, répondit le prêtre. — Tiendrez-vous bien secret ce que je vous dirai ? Je veux vous le dire sous Benedicite. Le duc prononça la formule, et Gillet répondit : Dominus. L'entretien commença. Pendant une demi-heure, il se passa en préliminaires. Gillet hésitait à promettre le secret avant de savoir de quoi il s'agissait : Ce n'est chose qui ne soit bonne, disait le duc, et que vous ne puissiez bien faire. Enfin il s'engagea à ne rien révéler. Le duc, très agité, marchait b grands pas dans la chambre : Gardez-vous bien, répétait-il, de ne rien dire à aucun de mes gens !Il faut, continua-t-il, que vous alliez pour moi à Calais. — Calais ? Où cela est-il ? dit Gillet, tout étonné. — C'est au parti des Anglais. — Dans ce cas, j'aimerois mieux aller à Rome qu'à Calais. — Il faut que vous y alliez. Gardez-vous bien d'en rien dire à aucun de mes gens, car, je vous en ferais repentir. Je vous y envoie pour que la chose soit plus secrète, attendu que vous n'êtes pas de mon hôtel. Revenez vers moi quand je vous manderai[28].

Un mois après, le duc fit appeler Gillet. Soyez le bien venu, lui dit-il, et allez vous loger en la ville. Quinze jours s'écoulèrent. Le duc quitta Alençon pour se rendre à Sées et à Argentan, et emmena Gillet avec fui. Au bout de trois semaines, il renvoya le prêtre en lui disant de se tenir prêt au premier signal. Vers la Saint-Jean, Gilet fut mandé de nouveau. Il suivit le duc à la Flèche, où celui-ci passa deux mois.

Un héraut anglais, Robert Holgilk, dit Huntington, ne tarda point à arriver en ce lieu. Ce héraut, attaché à la personne du due d'Exeter, se rendait près de l'amiral de Bueil pour réclamer, au nom de Thomas Hoo, relativement à la capture tlitti navire anglais. En passant par Calais, il avait été chargé par le capitaine de cette ville, Richard Wideville, d'une lettre pour le duc d'Alençon, et, sur sa demande, Wideville l'avait mis au courant de ce qu'il mandait au duc. Je m'en vais prochainement en Angleterre, écrivait-il. Je vous prie de m'envoyer Pouencé, votre héraut, avant que je ne parte, pour recevoir les haquenées que je vous garde. Faites qu'il soit muni d'un saut conduit en blanc.

Après qu'il eut pris connaissance de cette lettre, le duc fit venir Huntington. Le roi d'Angleterre, lui demanda-t-il, fait-il faire en Angleterre aucunes ordonnances de guerre ?On en fait, mais bien peu, répondit le héraut. — Combien pensez-vous que le roi d'Angleterre en ait ?Il peut bien en avoir trois cents. — Par la mort Dieu, par la mort Dieu ! dit le duc en le prenant par la main, j'ai, tant canons que bombardes, couleuvrines et serpentines, jusques à neuf cent pièces toutes prêtes, et je ne cesserai d'en faire jusques à ce que j'en aie mille. Je fais faire deux bombardes, les plus belles du royaume, dont l'une est en métal ; je les donnerai au duc d'York, avec deux coursiers de Pouille que Monseigneur le dauphin doit m'envoyer. Le héraut, s'agenouillant, dit alors au duc : Monseigneur, dites-vous ces paroles pour m'essayer ou à bon escient ?Par la mort Dieu ! reprit-il, je les dis au meilleur escient. Sur l'honneur et la foi que vous avez au roi d'Angleterre, revenez vers moi quand vous aurez fait votre sommation à l'amiral[29].

Huntington revint deux jours plus tard. Le duc était parti pour Angers ; il attendit sou retour. Un matin, au point du jour, Pouencé alla chercher le héraut, et, par des ruelles détournées, le conduisit au logis du duc, où il pénétra par une porte de derrière. Le duc était couché, tout nu[30], ayant dans sa chambre deux chèvres de Barbarie. Là, en présence de Pouencé, prenant Huntington par la main, il lui fit jurer de tenir secret tout ce qu'il lui avait dit et de ne le révéler à âme qui vive, sinon à ceux qu'il désignerait, savoir : le roi d'Angleterre, le duc d'York, le comte de Rivers (Wideville), le seigneur de Welles et Jacques Haye. Monseigneur, dit le héraut, dites-vous ces choses pour m'essayer ou à bon escient ?Par la mort Dieu ! dit le duc, je le fais à bon escient. Et cette fois je ferai un tel échec qu'il en sera mémoire à vie d'hommes. Par la mort Dieu il y en a d'aucuns qui ont cuidé me jouer d'un tour, mais je leur en jouerai d'un autre au vif. Et il ajouta : Faites-moi le serment, ou bien je vous ferai couper la tête ou jeter dans la rivière.

Quand Huntington eut prêté le serment demandé, le duc lui ordonna de dire au duc d'York qu'il savait bien que les Anglais ne pourraient descendre en France cette année, parce qu'elle était trop avancée, mais qu'ils ne devaient point manquer de descendre l'année suivante ; qu'il fallait que le duc d'York lui fit compter incontinent à Bruges trente mille écus, ou tout au moins vingt mille, afin qu'il pût pourvoir à ses places, car, si le Roi savait que les Anglais dussent faire une descente, il voudrait garnir lui-même ces places, et le duc ne pourrait agir à, son gré. Quand les Anglais viendraient, ils devraient amener leur roi, car sa personne faciliterait beaucoup la conquête de la Normandie ; il faudrait avoir trente mille combattants bien en point ; la descente devrait être opérée dans le Cotentin ; le due de Buckingham débarquerait de son côté à Calais pour envahir le pays de Caux et attaquer Rouen ; il convenait d'amener le plus possible d'artillerie ; quant aux ordonnances — bombardes, canons et couleuvrines —, il en fournirait assez pour combattre dix mille hommes en un jour. Le duc livrerait Domfront, où se trouverait une partie de son artillerie ; il recommandait d'éviter les sièges et de se porter toujours en avant jusqu'à Angers ; il se faisait fort de leur ouvrir les portes du Mans, et avait des intelligences à Rouen et à Caen. Venaient ensuite une foule de recommandations sur les mesures à prendre pour se rendre les Normands favorables : bonne discipline des troupes, suppression des impôts, révocation de tous dons antérieurs, etc. Moyennant cela, tous ceux du pays s'allieraient avec les Anglais et ne feraient nulle résistance. Quand les Anglais descendraient, le duc enverrait au-devant d'eux quelques-uns de ses gens qui feindraient d'escarmoucher ; l'un d'entre eux se laisserait prendre et indiquerait la marche à suivre. Dites au duc d'York, dit encore le duc, qu'ils fassent paix entre eux en Angleterre, de par Dieu ou de par le diable ; s'il veut jamais rien avoir en Normandie, il est temps ou jamais. Il insista sur les conditions favorables où l'on se trouvait : le duc de Bretagne n'était pas homme de guerre, mais un innocent qui ne demandait que paix et amour ; le roi de Sicile était mis hors de cour ; il n'y avait près du Roi que Charles d'Anjou, le bâtard d'Orléans, le comte de Dammartin, le chancelier, et un troupeau de rneschans gens qui le gouvernaient. Il ne fallait avoir aucune crainte du Roi, car il était parti pour faire la guerre au Dauphin ; son armée était partagée eu trois corps : l'un à Bordeaux, l'autre en Armagnac et le troisième sous ses ordres ; s'il voulait abandonner le pays où il était pour résister à l'invasion, la Guyenne se soulèverait ; d'ailleurs, les Anglais, avant sa venue, auraient conquis tout le pays jusqu'aux portes  d'Angers. Par la mort Dieu ! conclut le duc, je tiendrai au duc d'York et aux autres seigneurs d'Angleterre ce que je leur ai promis, et serai pour eux jusques à la mort ; et, à cette fois, je ferai un échec de quoi il sera parlé s'il ne tient aux Anglais.

Huntington s'agenouilla alors devant le duc et lui demanda s'il voulait être homme lige du roi d'Angleterre. — Je ne suis point encore avisé de cela, répondit-il ; il n'est pas temps, et ce ne serait pas le meilleur pour le roi d'Angleterre que je me déclarasse si tôt ; mais quand le roi d'Angleterre sera descendu en France et aura pris une partie de mes terres, il pourra m'envoyer sommer de demeurer en mes terres on de les délaisser. Par ce moyen, j'aurai bonne cause et couleur de demander congé au Roi et d'aller demeurer en mes terres. Si je le faisais autrement, ce me seroit charge et déshonneur à jamais, vu que mes prédécesseurs ont toujours servi le roi de France et sont morts à son service[31].

Le jour même, le duc fit remettre à Huntington une cédule pour les seigneurs anglais ; elle était écrite de sa main, mais non signée, car, avait-il dit, en de telles matières, il n'est pas besoin qu'on connaisse mon seing[32]. Le héraut partit aussitôt, en compagnie de Pouencé, pour remplir sa mission.

Deux mois s'écoulèrent. Le duc n'entendant parler de rien, était inquiet. Les nouvelles qui lui arrivaient de la Cour le rendaient fort courroucé et mérancolieux. Un jour, dans la salle de son hôtel, à Essay, il se promenait à grands pas : C'est grande pitié, dit-il à ceux qui l'entouraient, des termes que l'on tient à Monseigneur le Dauphin. Autrefois, il m'a écrit une lettre contenant ces mots : Mon parrain ! mon parrain ! ne me faillez pas au besoin, et ne faites comme le cheval au pied blanc[33]. Le duc se décida à faire partir Thomas Gillet pour Calais. Vers le 10 octobre, il le fit venir, et lui donna l'ordre d'aller trouver Richard Wideville, et de lui faire part de l'étonnement où il était de n'avoir aucune nouvelle. Gillet était chargé de communiquer au capitaine de Calais tout ce qu'il aurait à transmettre au duc d'York.

Il est temps plus que jamais de descendre, faisait dire le duc. Le Roi est allé en Dauphiné pour faire la guerre au Dauphin, emmenant avec lui tous ses gens d'armes ; il ne reste en Normandie que le grand sénéchal (Brezé) avec cent lances ; le connétable n'est point au pays ; si le duc d'York vient faire sa descente, personne n'y contredira : les Normands sont charges de tailles comme jamais ils ne l'ont été ; ils sont las d'être eu l'obéissance du Roi. Le duc d'York est celui que les Normands désirent avoir pour seigneur. Puis venaient une foule de renseignements, d'indications, de conseils déjà donnés en partie dans les instructions à Huntington ; mais le duc insistait sur ses prétentions personnelles. Il désirait avoir dix mille combattants afin de pouvoir résister au Roi si celui-ci, s'apercevant de son fait, le voulait grever ; il demandait, eu compensation de ce qu'il faisait pour les Anglais : 1° trente mille francs pour payer son artillerie, qui lui avait coûté plus de quarante mille ; 2° trente mille francs de pension en Normandie ; 3° un duché en Angleterre, afin que, si le roi de France demeurait le maître et qu'il dût se retirer au-delà du détroit, il eût de quoi vivre ; 4° tous les deniers provenant de sa seigneurie ; 5° la moitié de tous les profits des Anglais dans le royaume durant la guerre. Depuis longtemps, on avait fait briller aux yeux du duc la perspective d'un mariage entre sa fille et le fias du duc d'York ; il n'avait garde de l'oublier : si le duc d'York parlait de la fille du duc, on devait lui dire qu'elle était belle fille, tantôt en âge d'être mariée ; que le duc la lui garderait, et que, quand les Anglais seraient descendus en France, ou accomplirait le mariage[34].

Lorsque Thomas Gillet eut reçu toutes ces instructions, le duc lui remit une lettre de créance ; mais il lui recommanda, à voix basse, de la faire copier et d'en détruire l'original, afin qu'au besoin il pût désavouer son mandataire et jurer qu'il ne savait qui avait écrit la lettre : car, ajouta le duc, je sais que le Roi m'a soupçonné d'avoir quelque intelligence avec les Anglais[35]. Gillet se garda bien de brûler la lettre ; il la conserva comme une pièce à conviction, et, après son arrestation, la remit à l'archevêque de Narbonne : l'original est encore joint au manuscrit contemporain contenant le procès[36].

Thomas Gillet se rendit aussitôt à Calais près de Richard Wideville ; mais celui-ci ne voulant pas se borner à transmettre le message qu'il apportait, le fit partir pour l'Angleterre, en compagnie d'un poursuivant. Il arriva à Londres le 23 novembre, et ne tarda pas à y rencontrer Huntington et Pouencé. Quand celui-ci se trouva seul avec Gillet, ils échangèrent leurs confidences. Monseigneur d'Alençon, dit Pouencé en pleurant, est un grand fol de conduire cette matière ; jamais il n'en viendra à chef, et il lui en mescherra. Et Gillet de répondre, les larmes aux yeux : Monseigneur fait mal ; c'est contre Dieu et contre conscience. Cette conversation, qui a peut-être été inventée après coup, est rapportée par Gillet dans sa déposition[37] ; le témoignage de Pouencé manque au procès.

Le duc d'York était alors éloigné de Londres. Huntington et Pouencé avaient longuement attendu son retour ; il arriva enfin, vers le 26 novembre, et, à quelques jours d'intervalle, en tendit l'exposé des ouvertures faites au nom du duc d'Alençon, d'abord par Huntington et Pouencé, puis par Gillet. Ce dernier se présenta avec le signe du petit doigt, et fut accueilli avec empressement par le duc et par les seigneurs qui l'entouraient. Plût à Dieu, lui dit le duc, que la fille de beau frère d'Alençon fût en âge de marier, pour la donner à mon fils, dût-il m'en coûter dix mille écus ![38] Dans l'audience donnée a Pouencé, le comte de -Warwick avait pris le cachet portant les armes du duc et l'avait porté à ses lèvres, jurant qu'il vivrait et mourrait pour accomplir la volonté du noble prince d'Alençon, dût-il vendre et engager toutes ses terres[39].

Gillet attendit pendant un mois son expédition : on voulait, avant de lui répondre, que la session du Parlement fût close. Il eut de nombreux entretiens avec Jean Wenlock, chambellan de la reine, auprès duquel Richard Wideville l'avait accrédité. Wenlock lui dit un jour : Les Anglais descendront en France au nombre de quarante mille ; la Commune a octroyé les tailles pour le paiement de l'armée. Un autre jour, il apprit du même et de Jean Cley, trésorier du due d'York, que le roi d'Aragon et le comte d'Armagnac — beau-frère du duc d'Alençon — avaient fait offrir, par des ambassadeurs qui étaient alors en Angleterre, que toutes et quantes fois que les Anglais voudroient descendre eu France, qu'ils leur livreroient dix mille combattants[40].

Enfin Gillet fut reçu par le duc d'York. Le duc jura, par la foi qu'il devait à Dieu, qu'il descendrait en France à la tête de quarante mille combattants, et le chargea de dire au due d'Alençon que la descente s'opérerait avant le mois de septembre de l'année suivante ; il fallait seulement que le duc tu finance d'une belle place, comme Granville, pour opérer le débarquement. Le 20 décembre, Gillet fut reçu par le chancelier d'Angleterre, qui lui donna la réponse officielle : le duc d'York et les autres seigneurs d'Angleterre se recommandaient à Monseigneur d'Alençon ; il aurait tout ce dont il était convenu avec Wideville. Les Anglais enverraient demander au roi de France nu sauf-conduit, sous prétexte d'aller en pèlerinage à Saint-Jacques en Galice ; ils feraient dire au duc de se rendre au-devant d'eux, hors de son pays ; là serait fait l'échange des scellés. Le duc serait ensuite dédommagé de ce qu'il avait dépensé pour l'artillerie et recevrait les trente mille francs demandés[41].

 

Cependant le duc d'Alençon était toujours sans nouvelles de ses deux messagers. Au commencement de décembre[42], il fit partir un pauvre laboureur, Pierre Fortin, surnommé le tors-fileux parce qu'il bottait, avec mission de se rendre à Calais près de Jacques Haye, et d'y attendre le retour de ses envoyés[43].

Le duc avait entendu dire que Louis Gallet, maître des requêtes de l'hôtel du roi d'Angleterre[44], se trouvant à Bruges, s'était informé jadis auprès de son fils, Edmond Gallet, si le duc d'Alençon avait des enfants, et, sur la réponse affirmative qu'il avait reçue, avait dit : Ce serait un beau mariage que celui du fils du duc d'York avec la fille du duc d'Alençon. Le duc chargea un de ses secrétaires, Gilles Berthelot[45], de faire venir Edmond Gallet, qui résidait à Paris, où il suivait les cours de l'Université. Berthelot le lui amena à Essay, le 31 décembre[46].

Edmond Gallet était maitre ès arts et licencié en lois ; il croyait que le duc le mandait à l'occasion d'un procès qu'il poursuivait au sujet d'une chapelle située à Essay. Le duc l'interrogea sur le propos tenu par son père et demanda s'il avait parlé de lui-même ou d'après ce qu'il aurait entendu dire au duc d'York. Gallet répondit qu'il l'ignorait. — Iriez-vous volontiers en Angleterre ? demanda le duc. Sur la réponse affirmative qui lui fut faite, le duc poursuivit : Tiendriez-vous secrètes certaines choses que je veux vous dire ? Gallet le jura. J'ai envoyé en Angleterre, dit le duc, Pouencé, mon héraut, et un prêtre, avec charge de savoir du duc d'York et autres de la seigneurie d'Angleterre s'ils ne voudroient point descendre à main armée en Normandie, et que, s'ils le vouloient, je les aiderois et leur baillerois places et artillerie, et me joindrais à eux[47].

Edmond Gallet n'était point encore parti quand arrivèrent Pouencé et Thomas Gillet. Après qu'il eut entendu leur rapport, le duc les mit en relation avec Gallet ; deux jours après il expédia celui-ci avec des lettres pour le duc d'York, le comte de Warwick, le chancelier et d'autres seigneurs. Dans ces lettres, le duc disait qu'il se donnait grande merveille de ce qu'ils étaient si lâches de courage qu'ils ne descendaient en France, étant données les grandes offres qu'il leur faisait. Gallet avait mission de demander, au nom du duc, que le roi d'Angleterre lui envoyât son scellé et lui donnât, soit le duché de Clarence, soit le duché de Bedford, soit le duché de Glocester, avec une pension de vingt-quatre mille écus, et cinquante mille écus, dont vingt-cinq mille immédiatement et vingt-cinq quand il aurait livré Granville et Domfront. Quand les Anglais seraient descendus, ils devraient donner au duc une garde de deux cents archers, soldés à leurs frais. Le fils aîné du duc d'York épouserait la fille du duc d'Alençon, et le fils de celui-ci épouserait la fille du duc d'York. Le duc faisait dire au roi d'Angleterre que la duchesse d'Alençon était grosse et devait accoucher à la tin de septembre ; il le priait de se hâter de venir, afin de tenir sur les fonts l'enfant à naître. Le duc voulait avoir toutes les terres du comte du Maine enclavées parmi les siennes. Gallet avait en outre charge de rapporter un sauf-conduit pour Jean Fermen, valet de chambre du duc, afin que celui-ci pût se rendre vers les Anglais et toucher les sommes demandées ; il leur indiquerait comment le duc livrerait Granville et conviendrait des conditions de la descente en même temps que de l'époque où elle s'opérerait[48].

Gallet partit aussitôt. II débarqua à Sandwich et se rendit à Londres, où il descendit chez son père, auquel il fit part de l'objet de sa mission. Louis Gallet l'accompagna chez le duc d'York. Le duc accueillit assez froidement ce nouveau messager. Il trouvait les prétentions du duc d'Alençon fort élevées ; toutefois, il se montra sensible aux propositions relatives au mariage de son fils avec la fille du duc. Il congédia Gallet, en lui disant qu'on lui donnerait réponse dans une douzaine de jours.

Ce délai écoulé, Edmond Gallet alla trouver le duc d'York, qui lui dit que le roi d'Angleterre devait venir dans deux jours pour lui ôter le gouvernement, et qu'il ne pouvait donner aucune réponse. Henri VI, une fois arrivé, envoya chercher Gallet et s'informa de ce qui portait le duc d'Alençon à agir ainsi contre son souverain. Gallet répondit que le comte du Maine était l'ennemi mortel du duc et lui faisait du pis qu'il pouvait ; que le duc de Bretagne, qui avait pris Fougères en garde comme gage d'une somme qu'il devait au duc, ne voulait pas rendre cette ville ; que le Roi s'était refusé à appuyer les réclamations du duc. Celui-ci voulait se venger à la fois du Roi, du duc de Bretagne et du comte du Maine[49].

Gallet attendit longtemps une réponse. Finalement, on lui dit que le roi d'Angleterre devait envoyer des ambassadeurs à Bruges pour traiter avec la duchesse de Bourgogne au sujet de vaisseaux anglais capturés par les Hollandais, et que le duc d'Alençon n'avait qu'a envoyer à Bruges deux ou trois hommes de bien, munis de ses pleins pouvoirs : ils prendraient conclusion avec les ambassadeurs du roi d'Angleterre. Gallet repartit, porteur d'une lettre de Henri VI, en date du 24 mars : le roi remerciait le duc de son bon vouloir et l'engageait à y persévérer ; il annonçait que les ambassadeurs qu'il devait envoyer à Bruges recevraient des pouvoirs pour traiter avec les représentants du duc[50].

Tandis que le duc d'Alençon attendait le retour de son envoyé, il fut prévenu que le Roi avait eu vent d'un complot tramé pour introduire les Anglais en France ; on lui écrivait qu'il eût toujours l'œil au Roi[51]. Vers le 18 avril, étant à Essay, il dit à son chancelier et au vicomte de Domfront : Il est passé un messager, allant tout battant devers le Roi, lequel disait que les Anglais vouloient descendre à grande armée : ils doivent descendre en Gascogne et en Bretagne, et le roi d'Angleterre doit venir en personne, et grande quantité de seigneurs d'Angleterre avec lui[52]. Le duc s'informait à tout venant de ce qu'on disait des Anglais et répétait sans cesse qu'il avait appris que les Anglais se vantaient de descendre en Bretagne et en Normandie avec une grande armée. Par la mort Dieu ! ajouta-t-il, tant que le Roi tiendra la conduite de ses gens d'armes ainsi qu'il la tient, je ne les crains pas plus qu'un tas de poux en une chausse[53]. Un jour, chevauchant d'Essay à Argentan, le duc posa à l'un de ses familiers la question suivante : Qu'y aurait-t-il à faire si les Anglais descendaient en Normandie ?Monseigneur, répondit-on, vous feriez comme vous avez eu coutume de faire. Vous avez plus de pays et plus de places qu'autrefois, et vous garderez mieux d'eux que ne fîtes oncques. — Je suis gras et pesant, reprit le duc ; je ne pourrois faire comme par le passé[54].

A la même époque, étant sur le pont d'Essay, il dit à Raoul Tesson, son chancelier, en présence de tous ses gens : Il convient que vous alliez devers le Roi pour lui remontrer que ses places sont mal emparées et ne sont pas tenables contre les Anglais, s'ils descendoient. Vous lui demanderez de m'envoyer de l'argent pour les mettre en point, de telle manière qu'elles puissent résister aux Anglais. Le duc voulait envoyer le vicomte de Domfront en la compagnie du chancelier ; de là, le vicomte se rendrait près du comte d'Armagnac au sujet de certaine dette contractée par lui[55]. Le duc entretenait des intelligences avec son beau-frère, alors en révolte ouverte contre le Roi : Si le comte vouloit tenir ferme ès marches de par delà, avait-il dit à Fermes, mon entreprise avec les Anglais pourroit réussir[56].

Le duc avait envoyé son valet de chambre Jean Fermen, à Granville, pour reconnaître la place et y nouer des intelligences[57] ; il envoya aussi un émissaire à Cherbourg[58]. Vers la mi-avril, Edmond Gallet revint de sa mission. Les nouvelles qu'il apportait n'étaient point satisfaisantes. Le duc fut surtout très mécontent en apprenant que les Anglais le feraient attendre jusqu'à la conférence de Bruges pour avoir de l'argent, et qu'ils ne lui donneraient que vingt-quatre mille écus ; de plus, Gallet ne rapportait pas le sauf-conduit demandé pour Jean Fermen. Le duc résolut de le renvoyer en Angleterre pour le réclamer. Mais Gallet commençait à douter que ce prince fût en mesure de tenir tout ce qu'il promettait aux Anglais. Il s'informa des auxiliaires qu'il pouvait avoir : le duc lui montra un rôle où figuraient les noms de cent à cent vingt personnes sur lesquelles il fondait des espérances de concours ; il nomma à son confident ceux qui devaient lui livrer Granville. Mais, Monseigneur, demanda Gallet, n'avez-vous pas de plus grands seigneurs que ceux dont vous avez écrit les noms ? Monseigneur de Bourgogne ne sait-il rien ?Non, répondit le duc ; mais quand j'aurai fait ce que tu sais, le due de Bourgogne n'en sera point courroucé. Et il ajouta : Tu serois bien ébahi, quand je l'aurois fait, si Monseigneur le Dauphin en faisoit autant que moi[59]. Le duc remit alors à Gallet des lettres pour le roi d'Angleterre, le duc d'York et le comte de Warwick. Je me donne grande merveille, disait-il, de ce que vous n'entendez à plus grande diligence aux offres et services que je vous veux faire, vous priant que, en toute diligence, j'aie de vos nouvelles, ou autrement je ne serai pas content. Et gardez que chicheté ne vous fasse dommage'[60].

Peu après, le duc partit pour Paris, où l'appelaient des affaires litigieuses, emmenant avec lui un grand nombre d'hommes de loi. Il descendit à l'hôtel de l'Etoile, situé rue de la porte Baudoyer, en face de l'hôtel de l'Ours[61]. Au bout de quelques jours, il fit venir Gilles Berthelot, l'un de ses secrétaires ; il était fort en colère : Ces gens-ci, dit-il, me veulent ôter mes terres et mes droits pour aucuns paillards, et me tiennent allant par le palais comme on feroit un pauvre homme. Si je devais aller jusques en Angleterre quérir les Anglais, si irois-je, car je ne saurois plus avoir patience. — Monseigneur, répondit Berthelot, je vous prie de ne plus penser à cela, car s'il plan à Dieu, avant que vous partiez, ils vous feront si bon appointement que vous en serez bien content.

Le duc, pendant son séjour à Paris, fut appelé à déposer dans le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc : le 3 mai, il comparut devant les commissaires institués pour procéder aux informations ; sa déposition est consignée parmi les documents de la cause[62].

Cependant l'orage grondait sur sa tête ; il ne devait pas tarder à éclater.

 

Le messager boiteux, du nom de Pierre Fortin, que le duc avait envoyé à Calais, au mois de décembre, avait été chargé, dans le courant d'avril, d'une nouvelle mission. En se rendant à Calais, il passa par Lisieux, où il rencontra un gentilhomme qu'il connaissait de longue date. Soupçonnant quelque trahison de la part du duc, il avait résolu de révéler le complot dès qu'il le pourrait ; il s'ouvrit à ce gentilhomme, qui le mena à Rouen et le conduisit aussitôt chez Louis d'Harcourt, archevêque de Narbonne, qu'il trouva en compagnie du bailli de Rouen, Guillaume Cousinot. Fortin leur confia tout ce qu'il avait fait, et leur fit part du nouveau message dont il était chargé : Faites votre voyage, lui dirent-ils ; entendez bien tout ce qu'on vous dira, et revenez à Rouen. Le 8 mai, Fortin était à Calais, où il-vit Jacques Haye et Richard Wideville, qui le chargèrent de donner au duc les meilleures assurances. Le bruit courait à Calais qu'il y avait en Angleterre une des plus belles armées qui y eût été faite, toute prête à descendre en Normandie. Fortin repartit le 11, et alla taire son rapport à l'archevêque de Narbonne et à Brezé ; de là il retourna à Domfront ; puis Jean de Sahurs, vicomte de Domfront, l'emmena à Paris pour rendre compte de sa mission. Il trouva le duc dans une chambre de l'hôtel où il couchait, au moment de sortir pour se rendre à la messe ; il lui fit part de ce qu'il avait su à Calais. Le duc fut très joyeux de ces nouvelles[63].

Le lundi suivant (31 mai), le duc dînait à l'hôtel de L'Ours, en compagnie de Brezé, quand Fortin entra dans la salle pour prendre son repas. Un page le vint quérir et l'emmena à l'hôtel de t'Étoile en disant à la dame du logis de le mettre en un lieu où personne ne le vit. Celle-ci, en lui apportant son repas, dit à Fortin : Mon ami, je ne voudrois pas qu'on vous trouvât ici ; je ne sais pourquoi vous y êtes ai ce que vous y faites. Il y a des gens de monseigneur d'Alençon qui sont pris. Je vous conseille de vous en aller. Fortin se retira en son logis, à la Clef rouge en Grève. Le lendemain, il se présenta à l'hôtel du duc. Il le trouva sur la porte de sa chambre. Le duc fit entrer Fortin et lui parla en particulier. Je croyois, dit-il, que tu t'en étois allé. Il y a de mes gens pris ; va-t-en, de par Dieu ou de par ta mère ! Le duc ajouta que lui-même était en état d'arrestation ; il tremblait de tous ses membres. Il voulut d'abord cacher Fortin dans une privée ; puis il se ravisa : Je crois, dit-il, que c'est le mieux que tu t'en ailles à Calais, que tu parles à Jacques Haye, et que tu lui dise qu'ils ne bougent et ne fassent aucun semblant d'armer, et que celui que j'ai envoyé en Angleterre ne revienne point, car il serait pendu, et moi avec. Dis à Jacques Haye que Jean Fermen, maître Gilles, Pouencé et Jean de Sahurs sont faits prisonniers, et moi-même aussi, et que maître Gilles nous a accusés. Mais je les ai payés de si belles paroles que je m'en vais devers le Roi, et là m'excuserai bien, s'il plaît à Dieu.

Que s'était-il passé dans l'intervalle du voyage de Pierre Fortin à Calais et de son retour à Paris ?

Le Roi était en Bourbonnais, quand une lettre de l'archevêque de Narbonne vint lui révéler le complot du duc d'Alençon[64]. Cette nouvelle l'affecta vivement : Je vis déplaisamment, dit-il à ceux qui l'entouraient, quand il faut que je me donne de garde de ceux en qui je devrois me fier, mêmement de ceux de mon sang ![65] Il fit aussitôt partir le comte de Dunois pour procéder à une enquête et prendre les mesures nécessaires. Bientôt l'archevêque de Narbonne et Brezé confirmèrent les détails relatifs au complot. Charles VII réunit aussitôt son Conseil : l'arrestation du duc fut décidée. Jean Le Boursier et Guillaume Cousinot, en compagnie d'Odet d'Aydie, bailli de Cotentin, porteur d'instructions spéciales pour Dunois, partirent le 15 mai. Dunois avait ordre d'agir sans retard ; le Roi prévenait le connétable et chargeait Dunois d'aviser le comte d'Eu ; toutefois l'exécution des mesures à prendre ne devait point être retardée par l'absence de ces deux princes.

Dunois arriva à Paris le jour du Saint-Sacrement (27 mai) ; il s'entendit secrètement avec le prévôt de Paris, Robert d'Estouteville, qui se tint prêt à lui prêter main-forte, et il plaça le sire de Mouy, avec quarante lances, près de la porte Saint-Antoine.

Tous les préparatifs étant faits, le 31 mai Dunois se rendit à l'hôtel du duc d'Alençon. Il était quatre heures après-midi ; le duc, ne se doutant de rien et croyant que Dunois venait lui faire révérence, le reçut avec empressement. Après qu'ils eurent devisé quelque temps, Dunois, assuré que chacun avait eu le loisir de se rendre à son poste, dit au duc : Monseigneur, pardonnez-moi, le Roi m'a envoyé devers vous et m'a baillé charge de vous faire son prisonnier ; je ne sais proprement les causes pour quoi. Et, lui mettant la main sur l'épaule, il ajouta : Je vous fais prisonnier du Roi. A ce moment, la chambre se remplit, d'hommes armés ; toute résistance était impossible.

On laissa pourtant un certain répit au duc ; nous avons vu qu'il put, le lendemain, s'entretenir librement avec son messager, Pierre Fortin ; il eut aussi la faculté d'écrire à sa femme : M'amie, lui disait-il, je me recommande à vous. Je suis sain et en bon point. Ne vous souciez et croyez Jehan le Conte de ce qu'il vous dira[66]. Jean le Conte reçut de son maitre des instructions secrètes sur ce qu'il aurait à dire, soit à la duchesse sa femme, soit à plusieurs de ses serviteurs[67]. Ayant demandé au duc comment il se sentait de la charge qu'on lui donnait, celui-ci répondit : Je m'en suis bien excusé, et si je ne m'en étois bien excusé, j'aurois été envoyé au Louvre[68].

Ce jour même (1er juin), Dunois revint près du duc : Monseigneur, dit-il, sans ici plus faire séjour, il faut partir de cette ville et prestement Monter à cheval. — Je suis bien ici, répondit le duc, et il n'est point besoin de me transporter hors de la ville. Il dut céder pourtant et fut emmené, suivi de ceux de ses serviteurs qu'il avait désignés. En passant près de la Bastille, le duc aperçut le détachement du sire de Mouy : Quelles sont ces gens-là ? dit-il. N'ai-je rien à craindre pour ma vie ?N'ayez garde, répondit Dunois, ce sont les gens du Roi qui viennent pour vous mener devers lui. On conduisit le duc à Melun, où le connétable vint procéder à son interrogatoire ; mais il répondit qu'il diroit son fait au Roi et non à autre. Durant son entretien avec les commissaires royaux, il ajouta : Quand je me trouverai devant le Roi, je ne lui célerai rien ; je sais qui m'a baillé le bout. Il ne faut pas croire que je sois Anglais ; oncques je ne l'ai été et n'ai volonté de l'être ; niais il me déplaît beaucoup des manières que le Roi tient contre moi et contre ceux de son sang ; il ne tient autour de lui qu'un nombre de méchants gens et de méchant état, issus de petite lignée, qui à présent le gouvernent[69].

Le duc d'Alençon, sous la garde du sire de Mouy, fut conduit en Bourbonnais et enfermé dans le château de Nonette, où se trouvait alors le Roi. Celui-ci fit comparaître le duc et lui reprocha sa trahison : Monseigneur, répondit-il avec hauteur, je ne suis pas traître. Il se peut que j'aie fait aucunes alliances avec certains grands seigneurs pour recouvrer ma ville de Fougères, que le duc de Bretagne tient encore à tort, et duquel je n'ai pu avoir raison en votre cour. — Je n'ai jamais, dit le Roi, refusé de faire à chacun raison et justice. Il n'étoit pas besoin, sous ombre de telles couleurs, de prendre de semblables alliances avec rues ennemis et adversaires. Vous ne les pouvez ignorer : j'ai les lettres signées de votre propre main. Le duc sollicita le Roi de le mettre en liberté. Ce n'est pas, dit celui-ci, chose à jeter en molle, ni à y besogner si légèrement sans grande délibération. Je suis bien déplaisant quand il convient que je me garde de ceux de mon sang, et je ne saurai plus en qui me fier. Sans faute on vous fera votre procès tout au long[70].

Le duc d'Alençon tint prison dans le château d'Aigues-Mortes, jusqu'au jour où il devait comparaître, à Vendôme, devant la cour des pairs présidée par le Roi.

 

 

 



[1] Monstrelet, t. IV, p. 241. — Voici comment s'exprime son écuyer d'écurie, Perceval de Cagny : Et quant, en sa prison, il luy souvenait de tres grans griefs, dommages et extorcions que les anciens ennemis de ce royaume ont fait, long temps et par plusieurs fois, à l'ostel d'Alençon dont il est le chief et seigneur, comme en avoir mis à mort son heséel à la bataille de Crecy en Picardie, et moult griesvement navré et blecié son ayl qui tenait le siège devant la ville de Hanebon en Bretaigne, et mis à mort son père à la journée d'Agincourt, et luy desherité, il ne lui chaloit à quel pris il vendist ne mesvendit ses meubles ne ses heritages, affin qu'il peult yssir et eschapper des mains de ses ennemis. Et ainsi le fist, à ce que, venu par deça, à l'aide de Dieu, il se peult monstrer et employer au service du Roy et au recouvrement de sa seigneurie. Ms. Du Chesne, 48, f. 68 v°, et Ms. fr. 20176. f. 566.

[2] Il avait été libéré le 30 octobre 1427, moyennant une rançon de deux cent mille saluts.

[3] Déposition du duc d'Alençon, dans le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc. Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. III, p. 91.

[4] Voir Procès de Jeanne d'Arc, t. II, p. 450 ; t. III, p. 73, 99 ; t. IV, p. 10-11 et suivantes.

[5] Perceval de Cagny écrivait en 1433 ; En son eage de XXVI ans ou environ, que il avoit quant ce cy dessus fut escript, il n'estoit memoire de homme, de quelque estat que il eust esté, mieulx renommé de luy... Et il ajoutait : Nostre Seigneur, par son saint plaisir, lui doint parfaire et finer ses jours honorablement !

[6] Cesseruntque prima postremis, et bona juventæ senectus flagitiosa obliteravit. Tacite, Annales, VI, XXXII.

[7] Voir t. III, chapitre V.

[8] Voir t. III, chapitre VIII.

[9] Voir t. III, chapitre VIII.

[10] Procès du duc d'Alençon. Déposition de Jean Fermen, valet de chambre du duc. Ms. fr. 18441, f° 37 v°. — Ce Jean Fermen était un homme de mauvaise vie. Voici te que dit de lui un écuyer d'écurie du duc : Il est ung mauvais homme et de mauvaise conscience, et esté trouvé traître quatre foys : l'une au Roy d'Angleterre, son souverain seigneur, quant il rendist Saincte-Suzanne audit seigneur d'Alençon ; l'autre qu'il cuida trahir le seigneur de Bueil, pour lors capitaine de Saincte-Suzanne, duquel il estoit de sa soulde et à ses gaiges, et vouit bailler ladicte place audit seigneur d'Alençon ; l'autre parce qu'il a vendue sa fille audit seigneur d'Alençon pour en faire sa voulenté ; et la quarte si est que il a voulu trahir le Roy nostre sire auquel il a fait le serement. Déposition de Jean Meurdrac, dit Robes. Procès, f. 91 v°. Plus loin, le témoin dit que Fermen et son maitre parlaient souvent ensemble du fait de ribaudise. Un valet de chambre du duc, Colinet de Thou, qui avait été pendant trente-deux ans à son service, formule les mêmes accusations contre Fermen (f. 98-99 v°).

[11] Procès du duc d'Alençon. Déposition d'Edmond Gallet. Ms. fr. 18441, f. 107.

[12] Un témoin entendu dans le procès, Edmond Gallet, soutire en arts et licencié en lois, rapporte que le duc, en renvoyant en Angleterre, lui donna, entre autres instructions, la charge suivante : Et aussy leur dirait que, depuis que le pays avait esté redduist en l'obeissance du Roy et que la ville d'Alençon fut pareillement redduite, au partement que lesdis Anglois firent de ladicte ville d'Alençon, il avoit parlé à Jehan (sic pour Jacques) Haye, lieutenant dudit lieu d'Alençon, pour messire Richard Houdeville, anglais, et lui avait dit que toutes et quantes fois que lesdis Anglois vouldroient retourner en Normandie, qu'il leur aideroit et secourroit de ses places et pays, en lui faisant par lesdis Anglois ce qu'il avoir dit audit Jehan Haye. Procès, l. c., f° 107 v°.

[13] Jean Fermen raconte que le duc lui avait dit : qu'ils avoient prins certaines enseignes ensemble de faire assavoir l'un à l'autre des nouvelles chascun de son parti, et les enseignes estaient que quant ledit seigneur envoirrait aucune personne devers ledit Jacques Haye ou autre, cellui qui ainsi serait envoyé devait prendre par le poule ledit Jacques Haye pour enseigne ; et pareillement se ledit Jaques Haye envoirait aucune personne devers ledit seigneur, celui devint prendre ledit seigneur par le poulce. Procès, l. c., f. 23 v°.

[14] La somme de 22.500 écus, due au duc, lui avait été remboursée après que la ville de Niort eut été remise en la main du Roi. On lit dans le sixième compte de Jean de Xaincoins, finissant en septembre 1414 (Cabinet des titres, 685, f. 80) : Mgr le duc d'Alençon, IIm IIIIxx VIII l. X s., restant de XXVIIIm VIIIc XXXVIII l. X s. pour le fait de Nyort, que le Roy lui avoit baillé en gage jusques à plein payement.

[15] Voir Procès, f. 52 v°, 106 v°-107.

[16] En 1450, après la réduction de la Normandie. Voir Thomas Basin, Apologia, dans Quicherat, t. III, p. 244.

[17] Par lettres patentes du 18 mars 1449, le duc de Bourgogne ordonnait de lui verser une somme de trois mille francs, en déduction de celle de six mille francs à prendre eut deux années ; par lettres du 2 mars 1450, le complément des six mille francs lui fut payé. Archives du Nord, B 2002, f. 169, et B 2004, f. 268 v°.

[18] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 318. — On lit dans la déposition de Colinet de Thou, l'un des plus anciens valets de chambre du duc (Procès, l. c., f. 100) : Bien lui a oy dire plusieurs foys en general, devant ses serviteurs, qu'il avoit servi bien loyaument le Roy, niais qu'il en estait petitement récompensé, et recongnoissoit mal les services qu'a lai avoit fais.

[19] Une pension de douze mille livres avait été attribuée au duc dès 1435. (Ms. fr. 30371, f. 60) ; elle figure dans les comptes de Jean de Xaincoins (Cabinet des titres, 685, f. 98 v°), et l'un a une quittança originale du duc, de la somme de 15.000 I., en date du 31 juillet 4153 (Ms. fr. 20373, Ir 59 ; cf. Ms. fr. 56428, n° 71, et Archives, KK 328, f. 90). C'est donc contrairement à la vérité que le duc disait à l'un de ses confidents que sa pension avait été réduite de 12.000 à 6.000 livres (Procès, l. c., f. 106 v°).

[20] Le duc reçut alors 800 livres. Voir rôle publié dans Supplément aux Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 14.

[21] On lit dans les considérants : Aussi pour contemplacion et faveur de nostre dit neveu et cousin qui pour sa très grant loyauté monstrer el acquitter envers nous et la couronne de France, dès son troimiesme age, laissa et l'abandonna ses pays et terres et seigneuries, qui entre celles de nostre royaume sont très gravis et très notables, et si test qu'il se must mettre sus en armes nous a oui ce, en très grans frais et despens, servis, et mesmement à la bataille de Vernueil, allencontre de nos anciens ennemis les Anglais, en laquelle bataille il fut prisonnier d'eulx ; à l'occasion de laquelle prison il a eu souffert et porté très longtemps très grans pertes, dommages et maulx, a esté mis à rancon et finances très excessives, et depuis sa délivrance a par plusieurs fois exposé sa personne en nostre service allencontre de nosdiz ennemis, et mesmement ou recouvrement de notre pays de Normandie, et fait encores chascun jour. Archives, JJ 180, n° 107.

[22] Déposition de Jean Fermen. Procès, l. c., f. 38.

[23] Déposition de Gilles Berthelot. Procès, l. c., f. 15 et suivants.

[24] Déposition de Gilles Berthelot. Procès, f. 16-17.

[25] Déposition de Gilles Berthelot. Procès, f. 10, v°, et suivants.

[26] Déposition de Hance de Saint-Dié. Procès, f. 94 et suivantes.

[27] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 114-115. On lit dans la déposition d'Edmond Callot : Interrogué pourquoy il demanda plus tost audit seigneur d'Alençon se ledit seigneur de Bourgongne en estait consentant qu'il en faisait d'un autre, dit par son serement que ce fust pour ce que lors n'avait gueres ledit seigneur d'Alençon avait esté en Flandres devers ledit seigneur de Bourgongne, et pensoit qu'il lui oust parlé de ceste matière. Procès, f. 117 v°-118. — Il est fait aussi allusion à ce voyage dans les dépositions de Jean le Conte et de Jean Meurdrac, dit Bobes (Procès, l. c., f. 72 v° et 92.). Le duc fut alors en relations avec André Trolop et Jacques Haye (f. 72 v°). Nous voyons par les comptes que le duc de Bourgogne donna au duc 2.000 fr. pour employer en vaisselle d'argent et autres ses affaires, et 690 fr. pour la depense et deffraiement de luy, ses gens et chevaulx pendant sept jours et demi finis le 17 mars. Archives du Nord, B 2017, f. 222 ; cf. f. 135 v°-136 v°.

[28] Déposition de Thomas Gillet. Procès, f. 40-41.

[29] Déposition de Robert Holgilk, dit Huntington. Procès, f. 56-51.

[30] C'était l'habitude, au moyen âge, de coucher entièrement déshabillé.

[31] Déposition de Huntington. Procès, f. 58-61.

[32] Cette cédule était conçue en ces termes : Seigneurs, vueillés croire le porteur de cestes de ce qu'il vous dira de par moy, etc. Car j'ay bon vouloir s'il ne tient à vous. A Dieu soiés. Signé : N. Procès, f. 61 v°.

[33] Déposition de Jean le Conte, secrétaire du duc. Procès, f. 80 v°.

[34] Déposition de Thomas Gillet. Procès, f. 42 v° et suivantes.

[35] Déposition de Thomas Gillet. Procès, f. 44, 45 v°.

[36] Petite bande en parchemin qui a été pliée en quatre et qui porte au verso une note de la main de Gillet, f. 45 du ms. 18441. Le texte est ainsi conçu : Seigneur, etc., je me recommande à vous, et vous prie qu'en toute haste me fasses savoir de voz nouvelles ; et pensées de moy, ce il est temps ; et pour Dieu metés dilgence en vostre fait, et vous aquités à ceste fois, car trop ennuie à qui atent. Et en toute haste m'envoiez argent, car vostre fait m'a cher cousté. Et à Dieu, qui vous doint ce que desirez. Escript ubi supra. — Le tout vostre, N.

[37] Procès, f. 46 v°.

[38] Procès, f. 47-48.

[39] Procès, f. 63.

[40] Procès, f. 48 et 52.

[41] Procès, f. 49.

[42] Environ la Nostre-Dames-des-Avons. Déposition de Pierre Fortin. Procès, f. 21.

[43] Procès, f. 91 v°, — Ung tort ou boiteux d'emprès Damfront. Id., f. 13 v°.

[44] Louis Gallet, échevin de Paris, avait été un des ambassadeurs désignés, à la fin de 1435, pour se rendre en Angleterre près de Henri VI au nom de la ville de Paris et des États de Normandie. Voir Champollion Figeac, Lettres des rois, etc., t. II, p. 423-441, et en particulier p. 437. Il figura en 1448 aux conférences de Louviers, avec le titre de maitre des requêtes de l'hôtel du roi d'Angleterre (Stevenson, t. I, p. 224), et prit part à la plupart des conférences qui précédèrent la rupture avec l'Angleterre (Id., ibid., p. 226, 225.)

[45] Ce Gilles Berthelot était, d'après un témoin, homme de dissolue vie, fréquentant bordeaulz et tavernes publiquement. Procès, f. 92 v°.

[46] Dépositions de Gilles Berthelot et d'Edmond Gallet. Procès, f. 4 et 104.

[47] Dépositions de Gilles Berthelot et d'Edmond Gallet. Procès, f. 4 v°, 5, et 104 v°.

[48] Déposition d'Edmond Gallet. Procès, f. 105 v°, 106 v°, et 109 v°.

[49] Déposition d'Edmond Gallet. Procès, f. 110 et suivantes. — Le duc avait dit à Gallet que son intention étoit de soy venger du Roy, du duc de Bretaigne et du comte du Maine... Et se les Angtois ne lui vouloient aider ad ce faire, il envoiroit querir avant le Turcq qu'il ne s'en vengast. Id., ibid., f. 107.

[50] Déposition d'Edmond Gallet. Procès, f. 112 v°. Cf. Déposition de Jean Fermen, f. 32.

[51] Déposition de Jean le Conte, secrétaire du duc. Procès, f. 80 v°.

[52] Déposition de Jacques de Sahurs, vicomte de Domfront. Procès, f. 87.

[53] Déposition de Jean le Conte. Procès, f. 75 v°-76 v°.

[54] Déposition de Jean Meurdrac, dit Bobes, écuyer d'écurie du duc, Procès, f. 90.

[55] Déposition de Jean de Sahurs. Procès, f. 61 v°-68.

[56] Déposition de Jean Fermen. Procès, f. 35 v°.

[57] Dépositions de Jean Fermen et de Thomas Gillet. Procès, f. 31, 51, 53 v°.

[58] Déposition de Jean Fermen. Procès, f. 37.

[59] Déposition d'Edmond Gallet. Procès, f. 117 v°. Le témoin ajoute : ni s'il (le Dauphin) s'allait avecque moy ; lequel des deux il lui dist n'en est recors.

[60] Déposition d'Edmond Gallet. Procès, f. 118.

[61] L'hôtel de l'Ours, rue de la porte Baudoyer, était un hôtel célèbre, dont il est souvent question dans les chroniques. Voir Monstrelet, t. III, p. 141 et 264 ; Pierre de Fenin, p. 91 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 71-72. — Le duc couchait à l'hôtel de l'Étoile et prenait ses repas à l'hôtel de l'Ours. Voir Procès, f. 9. 10, 26-27, 34 v°, 38, 77.

[62] Procès de Jeanne d'Arc, t. III, p. 90 et suivantes.

[63] Déposition de Pierre Fortin : Procès, f. 24-25 v°. Les détails sur les révélations raites par Fortin sont confirmées par des lettres de Charles VII, données en sa faveur, à la date du 3 novembre 145J3 (Ms. fr. 5009, 237 v°). Plusieurs dons lui furent faits par le Roi, de 1455 à 1458. Voir Cabinet des titres, 685, f. 192 ; Archives, KK 51, f. 105.

[64] Instructions du 15 mai 1456, données à Odet d'Aydie, envoyé à Dunois, Fontanieu, 881, f. 4.

[65] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 319.

[66] Ledit seigneur dit à il qui parle qu'il falloit qu'il alast devers madame sa femme lui porter une lettre que ledit seigneur lui escrivit de sa main en la presence de lui qui parle. Et après les monstra audit grant seneschal en lui disant ces parolles : Vecy une lettres que jenvoye à ma femme par cestui men serviteur, en monstrant lui qui parle. Déposition de Jean le Conte. Procès, f. 78.

[67] Déposition de Jean le Conte. Procès, f. 78 v°-79 v°.

[68] Déposition de Jean le Conte. Procès, f. 78.

[69] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 322.

[70] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 323-354.