HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE IV. — CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE AVEC L’ANGLETERRE - 1444-1449.

 

CHAPITRE XIV. — LA RÉFORME DE L’ARMÉE.

 

 

1445-1448

 

Premiers essais de réglementation. — Mesures préparatoires prises à Nancy ; le Roi met l’affaire en délibération ; elle est longuement étudiée dans le Conseil ; part personnelle du Roi aux discussions. — Formation des compagnies d’ordonnance ; leur composition, leur effectif. — Manière dont on procède ; licenciement de tous les gens de guerre, en dehors de ceux qui entrent dans les compagnies ; merveilleux résultat de cette réforme. — Solde et logement des compagnies ; règlements faits à ce sujet ; nomination de commissaires. — Application des ordonnances. — Création des francs-archers ; teneur des lettres du 28 avril 1448. — Caractère de cette mesure ; vices d’organisation. — Des commissaires sont envoyés pour procéder à l’établissement de la nouvelle milice ; règlements relatifs aux francs-archers.

 

Par la grande ordonnance du 2 novembre 1439, Charles VII avait, avec le concours des États généraux, fixé les principes qui devaient présider à la réforme de l’armée. Les circonstances ne lui avaient pas permis de donner une sanction à cet édit solennel. Le moment était venu d’arriver enfin à l’application, de guérir cette plaie toujours ouverte dont souffrait le royaume, livré depuis tant d’années aux excès d’une multitude avide de pillage et de sang.

Un premier essai de réglementation fut fait au commencement de 1444, à la veille de la conclusion de la trêve avec l’Angleterre. Pour obvier aux grans maulx et excessives pilleries qu’il voulait à tout prix réprimer, Charles VII avait ordonné que, à partir de la saison nouvelle, et jusqu’à ce qu’il eût fait à ses troupes assignation de places sur les frontières, il n’y aurait sur les champs que treize capitaines, ayant chacun sous ses ordres cent lances et deux cents hommes de trait ; il avait même procédé à la nomination des treize capitaines et prononce la révocation de tous autres[1]. En outre, il avait pourvu à la garde de ses places et désigné les seigneurs et capitaines qui en étaient chargés[2]. Des mesures furent prises, soit pour préserver l’Anjou, le Maine et la Bretagne des exactions ou des ravages des troupes royales[3], soit pour réprimer les excès qui se commettaient journellement dans le royaume : ordre était donné au prévôt de Paris d’appréhender et de punir tous gens de guerre, français ou anglais, qui troubleraient la sécurité publique[4].

Mais le meilleur moyen de mettre les populations à l’abri des déprédations et des violences, c’était d’éloigner ces bandes indisciplinées, et de les emmener, suivant l’expression usitée par la chancellerie royale, vivre hors du royaume. En réponse aux plaintes qui ne cessaient de lui parvenir, Charles VII disait, dans une lettre en date du 4 juin 1444, adressée aux habitants de Reims : Quant aux pilleries et oppressions qui, par lesdictes gens de guerre et autres, vous ont esté et sont faictes, nous en sommes bien desplaisans, et avons esperance, au plaisir de Nostre Seigneur, de y mectre brief tele provision que vous et noz autres subgetz de par delà vous en apercevrez en tout bien[5].

Dans des lettres patentes du 21 juillet suivant, par lesquelles il donnait commission au prévôt de Paris et aux baillis de Senlis et de Meaux de se saisir de tous les gens de guerre vivant sur le pays et en particulier de ceux qui ravageaient la vicomté de Paris, Charles VII faisait part en ces termes de la résolution qu’il avait prise : Comme, après la trêve prinse et accordée puis naguères entre nous et nostre nepveu et adversaire d’Angleterre, nous ayons ordonné que tous les capitaines et gens de guerre qui estoient et vivoient sur les champs en nostre royaume, et une partie de ceulx qui estoient ès garnisons ès places estans ès frontières de nos ennemis, s’en yroient, en la compaignie de nostre très chier et très amé filz le Daulphin de Viennois, lequel, par nostre ordonnance, les meine et conduit hors de nostre dit royaume, en aucunes parties que lui avons chargié, afin de eviter les grans pilleries et maulx que faisoient lesdiz gens de guerre sur nozdiz pays et subgets ; et à ceulx qui sont demourez èsdictes garnisons ayons fait ordonnances convenables pour leur paiement, et ordonné que aucun ne tenist plus les champs, sur peine d’encourir nostre indignacion et d’en estre pugniz2[6].

Pendant le cours de la double campagne du Roi et du Dauphin, des mesures furent prises pour contenir les troupes, et pour prévenir, autant que possible, soit des excès sur les territoires occupés, soit des incursions dans les pays voisins[7]. D’un autre côté Charles VII n’épargna rien pour pourvoir, dans la mesure où ses ressources le permettaient, à la solde des gens de guerre[8].

Durant son séjour à Nancy, Charles VII n’eut rien de plus pressé que de poursuivre l’œuvre si résolument entreprise. Dans des lettres du 9 janvier 1445, il s’exprimait en ces termes : Comme, le temps passé, pour la pitié et compassion que avions, comme bien avoir devions, des grans maulx que noz loyaulx subgetz et le povre peuple de nostre royaume avoient à souffrir à l’occasion de la guerre et de la pillerie qui, soubz umbre de ce, a longuement eu cours et régné en nostre dit royaume, ou grant detriment de nostre seigneurie et de noz diz peuple et subgetz, nous nous soions souventes foiz efforcez et mis en devoir par divers moiens de faire cesser ladicte pillerie, à quoy, jusques à nagueres n’avons peu parvenir, ainsi que bien eussions voulu, pour cause de ladicte guerre generale estant lors entre nous et les Angloys, noz anciens ennemis et adversaires ; pour laquelle cause, et pour trouver moien que nostre dit peuple et subgetz peussent avoir repos et demourer en aucune paix et seurté, et que justice peust aussi regner en nostre dit royaume pour le bien de la chose publicque, avons esté meuz et nous soions puis nagueres condescenduz de faire, prendre et accepter certaine treve et abstinence de guerre avecques nostre nepveu d’Angleterre, en bonne esperance de parvenir par ce moien à paix final ou autre bon appoinctement avecques lui. Pendant laquelle treve avons advisé que, pour extirper ladicte pillerie, estoit expedient, voire nécessaire, de trouver façon et manière de vuider et mettre hors de nostre dit royaume les gens de guerre qui y vivoient sur les champs, faisant ladicte pillerie et autres maulx importables à nosdiz subgetz ; laquelle chose, à l’ayde de Nostre Seigneur, et par la grant diligence que faicte y avons, et que aussi y a faicte nostre très chier et très amé filz le Daulphin, a esté de fait executée, parce que nous et nostre dit filz, en nos propres personnes, avons tiré, conduit et mené hors de nostre dit royaume lesdiz gens de guerre, et jusques ci les avons entretenuz et encores, entretenons, tant ou pays d’Alemaigne et ou vau de Metz que autre part ès marches de par deçà[9].

Ce préambule avait pour but de faire apparaître la nécessité d’un concours financier indispensable pour atteindre la solution désirée. Donc, en faisant observer que trop plus grevable chose, sans comparaison, seroit le retour des desdiz gens de guerre et la continuacion de leurs exploiz acoustumez que de contribuer à ung aide, le Roi annonçait qu’il avait décidé de lever sur ses pays de Languedoil une imposition de trois cent mille livres.

C’était là, en quelque sorte le prélude de la réforme projetée, car, pour discipliner l’armée, il fallait, avant tout, assurer sa solde.

Aussitôt après le traité conclu pour l’évacuation de l’Alsace (13 février 1445) et l’accord passé avec les habitants de Metz (28 février), le Roi mit la question en délibération dans son grand Conseil. Le Dauphin, le roi René, le connétable de Richemont, le comte du Maine, le maréchal de la Fayette, Pierre de Brezé, et tous les membres du Conseil prirent part à la discussion entamée à ce sujet.

Tout le monde était d’accord sur le but à atteindre. On estimait que, si l’on pouvait parvenir à réduire le nombre des gens de guerre et à assurer régulièrement leur solde, à les répartir sur différents points, enfin à licencier tous ceux qui ne seraient pas enrégimentés, ce serait moult honnourable, prouffitable et utile chose pour le Roy et son royaume. Mais on n’était pas d’accord sur le choix des moyens. Les uns pensaient que, si les gens de moyen et de petit état qui formaient la majeure partie de l’armée, apprenaient ce qu’on se proposait de faire, ils pourraient s’assembler, sous des capitaines de légère volonté, en si grande puissance et en telle multitude que le Roi éprouverait beaucoup de difficulté à les chasser du royaume : on l’avait bien vu au temps de Charles V, quand les grandes compagnies s’étaient rendues si redoutables. D’autres faisaient observer que le Roi était très affaibli par les guerres que pendant si longtemps il avait eues à soutenir ; que ses finances étaient fort diminuées ; que les provinces, les villes, et la plupart de ses sujets étaient en grande ruine et pauvreté, et qu’il serait bien malaisé d’en tirer les ressources nécessaires pour pourvoir à la solde des troupes sans causer la destruction totale du royaume. D’autres objections, de moindre importance, étaient encore soulevées.

Le Roi laissait les opinions se produire librement. Il avait longuement médité sur les difficultés de l’entreprise. Après avoir écouté avec bienveillance toutes les objections, il prenait la parole pour les réfuter, car il avait la chose fort à cœur, et voulait aboutir à une solution. Il fit décider que des ouvertures seraient faites, très secrètement, aux principaux capitaines. Les grands seigneurs du Conseil, qui avaient sous leurs ordres la plupart d’entre eux, eurent mission de les sonder relativement à la réforme qu’on voulait entreprendre ; une fois le consentement des capitaines obtenu, on devait charger ceux-ci de se mettre en rapport avec leurs compagnons et de les engager à condescendre aux volontés du Roi.

La démarche eut un plein succès. Assurés qu’ils seraient les premiers et les mieux pourvus, les capitaines n’hésitèrent pas, à promettre leur concours. Le noyau des compagnies d’ordonnance étant ainsi formé, on pouvait en toute confiance entreprendre la réforme[10].

Il importait, avant toutes choses, d’inspirer confiance aux nouveaux chefs et à leurs gens. Tous avaient plus ou moins participé aux désordres commis durant les guerres : une abolition générale leur fut donnée par Charles VII, sans parler des lettres de rémission accordées nominativement à de nombreux capitaines et hommes d’armes[11].

Cette formalité remplie, une première ordonnance fut rendue à Nancy, vers le mois de février ou de mars 1445[12]. Les capitaines devaient passer devant le connétable la revue de leurs gens. Celui-ci désignerait ceux qui seraient compris dans les compagnies de nouvelle formation ; les autres seraient congédiés et reconduits par groupes dans leurs pays respectifs, sous la direction des capitaines, pour y reprendre l’exercice de leur profession. Les compagnies d’ordonnance, composées chacune de cent lances[13], devaient être au nombre de quinze, et former un effectif de quinze cents hommes d’armes, deux mille cinq cents coutillers et trois mille hommes de trait. Chaque lance fournie devait comprendre un homme d’armes, un coutiller, un page, deux archers et un valet de guerre, tous montés. Quinze notables chefs seraient préposés au commandement des compagnies, lesquelles devraient être réparties dans les villes, et non point logées sur les champs[14].

Les quinze capitaines choisis furent amenés devant le Roi. Là il leur fut ordonné d’observer strictement les ordonnances, de choisir des hommes sûrs et dont ils pussent répondre, enfin de ne souffrir aucune violence de la part de leurs gens[15]. Avant de prendre possession de leur charge, ils durent prêter le serment suivant : Je promets et jure à Dieu et à Notre Dame que je garderay justice et ne souffriray aucune pillerie, et puniray tous ceux de ma charge que trouveray avoir failli, sans y espargner personne, et sans aucune fiction, et feray faire réparation des plaintes qui viendront à ma connoissance, à mon pouvoir, avec la punition des susdits, et promets faire faire à mon lieutenant semblable serment que dessus[16].

Les capitaines s’occupèrent aussitôt de former leurs compagnies, en choisissant les hommes les plus experts et les mieux habillez[17]. L’habillement des gens de guerre était très simple : ils avaient un hoqueton de cuir de cerf ou de mouton, et une robe courte de drap de couleur de vingt à vingt-cinq sous l’aune[18]. Les hommes d’armes avaient cuirasse, harnais de jambes, salade, bavière, dague et épée, en un mot tout ce qu’il faut à un homme armé au cler[19] ; chacun avait trois chevaux de prix, l’un pour lui, les deux autres pour son page et son valet ; le coutiller, les archers et le valet de guerre étaient armés de salades, brigandines, harnais de jambes, jacquettes ou haubergeons ; le valet portait hache et guisarme[20]. Les capitaines avaient pleins pouvoirs sur leurs gens ; ils pouvaient les casser s’ils étaient ivrognes, tapageurs, et s’ils blasphémaient le nom de Dieu ; défense leur était faite de mener à leur suite femmes, chiens ni oiseaux[21].

Après avoir ainsi pourvu à la réorganisation de son armée, Charles VII publia une ordonnance par laquelle il était enjoint à tous ceux qui n’étaient point portés sur les rôles de se retirer hastivement et sans delay ès pays d’où ils estoient originaires, sans piller ni desrober le pauvre peuple[22]. En cas de contravention, les officiers royaux avaient ordre de traiter les délinquants comme gens abandonnés et sans aveu. Tel était l’ascendant du pouvoir royal que, dans un délai de quinze jours, cette masse de gens se dispersa et qu’on n’en entendit plus parler[23].

En racontant la réforme accomplie par Charles VII, les auteurs contemporains constatent unanimement le merveilleux résultat obtenu : Dedans deux mois ensuivans, dit l’un d’eux[24], les marches et pays du royaume furent plus seurs et mieux en paix qu’ils n’avoient esté trente ans auparavant. Sy sembla à plusieurs marchans, laboureurs et populaires, qui de long temps avoient esté en grans tribulacions par le moien de la guerre, que Dieu, nostre createur, principallement les eust pourveus de sa grâce et misericorde. — Il n’y avoit si hardy ni si maulvais desdictes gens d’armes, dit un autre[25], qui osassent personne desrober ne riens prendre de l’aultrui. Ains passoient marchans et toutes aultres bonnes gens aussi seurement par les lieux où ils se tenoient que parmy les bonnes villes. Et ainsi faisoit-on par tout le royaulme de France puis qu’on avoit passé le pays de Picardie ; et eust-on porté par les champs son poing plein d'or ; ny oncques n’y avoit si seur, car mesme larrons ne brigands ne se osoient tenir en France que tantost ne feussent prins par les justices ou les gens d’armes. — Fist cesser les tyrannies et exactions des gens d’armes, dit un troisième, aussi admirablement que par miracle. Fit d’une infinité de meurtriers et de larrons, sur le tour d’une main, gens résolus et de vie honneste ; mist bois et forests meurtrières passages asseurés, toutes voyes seures, toutes villes paisibles, toutes nations de son royaume tranquilles[26].

Charles VII régla en même temps, par des ordonnances, ce qui était relatif au logement et à l’entretien des compagnies d’ordonnance ; il fixa le nombre de lances qui résideraient dans chaque localité, et qui devaient être logées chez l’habitant ; il détermina les conditions de leur nourriture. La solde serait payée en nature[27]. Chaque homme aurait par an une charge et demie de blé et deux pipes de vin ; les six hommes formant une lance auraient, par mois, deux moutons, un demi-bœuf ou vache, ou autre viande équivalente, et par an quatre lards (bacons de porc) ; pour le sel et l’huile, la chandelle, les œufs et le fromage, servant à la nourriture les jours d’abstinence, et les autres menus besoins, on devait fournir, pour les six hommes, vingt sous tournois par mois. La nourriture des chevaux était aussi réglée[28].

Les heureux résultats de la réforme opérée permirent bientôt de substituer aux fournitures en nature une solde en argent. C’était d’ailleurs un vœu formulé, sur plus d’un point, par les États provinciaux[29]. Charles VII décida qu’à partir du ler janvier 1446, les compagnies d’ordonnance seraient payées de la sorte. Chaque homme d’arme toucherait, par mois, dix livres tournois ; les archers et le valet de guerre toucheraient dix livres tournois ; vingt sous seraient payés en outre pour l’état du capitaine : cela faisait donc vingt-une livres tournois par lance fournie. En outre, on devrait fournir par mois des vivres représentant une somme de dix livres : savoir une charge trois quarts de blé, froment et seigle par moitié — la charge pesant deux cent cinquante livres du poids de Paris — ; trois charretées de bois ; six charges d’avoine ; deux charretées (mille livres) de foin et paille (deux tiers de foin et un tiers de paille). Tout le monde devait contribuer à cette dépense ; étaient seuls exemptés les gens d’église[30], les nobles vivant noblement, et ceux qui avaient été exemptés par de précédentes ordonnances[31].

Pourtant le Roi n’imposait point d’une manière absolue l’obligation de fournir la solde en argent. Un règlement destiné à être mis en vigueur le 1er janvier 1446, détermina trois modes que l’on pouvait adopter indifféremment pour l’entretenement et nourrissement des compagnies d’ordonnance : 1° Le paiement en nature, conformément aux premières ordonnances ; 2° le paiement en argent comptant (vingt-une livres tournois par mois), plus l’équivalent de dix livres en nature, conformément à l’ordonnance du 4 décembre ; 3° le paiement entièrement en argent, soit trente-une livres par lance fournie. En même temps, le Roi déclarait que les habitants chez lesquels ses gens de guerre seraient logés n’auraient à leur fournir que le linge de table et de lit, et les ustensiles qui leur seraient nécessaires tant pour eux que pour leurs chevaux ; les gens de guerre devraient changer de logement tous les trois mois, afin que chacun supportât sa part du fardeau imposé à ses sujets[32].

Des commissaires étaient institués pour passer la revue des compagnies, veiller à ce qu’elles fussent toujours au complet, à ce que l’équipement fût soigneusement entretenu, à ce qu’aucun harnais ou cheval ne fût vendu[33]. La justice ordinaire devait connaître de tous les délits qui pourraient être commis.

Les mesures prises furent aussitôt mises à exécution : dès le mois de mai 1445 des commissaires étaient désignés pour procéder à la répartition des gens de guerre[34] ; des logements furent assignés aux compagnies d’ordonnance dans les diverses provinces[35]. Les tentatives isolées de résistance qui se produisirent furent aussitôt comprimées[36]. Dans des lettres du 4 décembre 1445 et du 5 janvier 1446, Charles VII constatait qu’il avait mis ordre au fait des gens d’armes et qu’il les avait répartis dans tous ses pays de Languedoil[37]. L’effectif des compagnies logées dans les provinces du Languedoil s’élevait à quinze cents lances, et il y en avait cinq cents autres logées en Languedoc ; en outre, un certain nombre de gens de guerre étaient préposés à la garde des places situées sur la frontière ennemie[38].

Des lettres patentes du 29 septembre 1446 nous montrent la façon dont les ordonnances étaient appliquées. Le Roi ayant appris que, nonobstant la défense expresse par lui faite à ses gens de guerre de rien prendre sans paiement, certains de ses gens, et notamment ceux qui étaient logés au pays de Rouergue, quand ils allaient et venaient pour passer leurs montres, se permettaient de vivre sur ses pauvres sujets et de prendre et exiger pain, vin, foing, avoine, argent et autres choses ; que, de plus, après avoir été ainsi fournis, ils emportaient à leur logis lart, poulaille, vivres et autres choses [autant] qu'ils en peuvent porter sur leurs chevaulx, et qu’ils faisaient en outre plusieurs autres grans exactions et excès, ordonna d’en faire telle punition que ce fut exemple à tous, et d’obliger les gens de guerre et leurs capitaines à restituer tout ce qui apparaîtrait dûment avoir été pris, ou à en faire rabattre la valeur sur la solde des gens de guerre et du capitaine[39].

Nous pouvons enfin constater, par les rares extraits de comptes qui nous ont été conservés, avec quel soin et quelle vigilance on s’occupa de l’organisation et de la surveillance de la nouvelle milice[40].

Par la formation des compagnies d’ordonnance, Charles VII avait donné à la cavalerie une organisation définitive. Une autre tâche restait à remplir : il s’agissait de créer l’infanterie.

Jusque-là, l’infanterie s’était composée : 1° des milices communales que les villes mettaient, pour un temps déterminé, à la disposition du souverain ; 2° de compagnies d’archers et arbalétriers étrangers. Les archers et arbalétriers des villes, constitués en confréries, fournissaient ainsi un contingent qui, durant la guerre contre les Anglais, rendit de grands services. Charles VII n’avait cessé d’entourer de sa protection ces confréries, les maintenant dans la possession de leurs privilèges, leur en accordant de nouveaux, les exemptant de toutes tailles[41]. On en rencontrait non seulement dans les villes, mais dans de simples bourgades.

Nul doute que la formation de ces corps d’élite, au sein de la bourgeoisie, n’ait grandement facilité l’exécution des desseins du Roi.

C’est au mois d’avril 1448 que Charles VII résolut de créer un corps spécial, sous le nom de Francs archers, destiné à être le noyau de l’infanterie française.

Dans l’ordonnance rendue à la date du 28 avril, en rappelant que, après avoir détruit la grande et desordonnée vie et pillerie qui longuement avoit duré, il avait établi dans son royaume un certain nombre de gens de deffense dont il se pût servir dans ses guerres, sans qu’il fût besoin de recourir à d’autres que ses propres sujets, il avait décidé, conformément à l’avis de plusieurs princes et seigneurs de son sang, des membres de son grand conseil, et d’autres gens notables, de constituer un corps spécial.

Voulons et ordonnons, disaient les lettres, pour le plus aisé et à moins de charge pour nos subjects, que, en chascune paroisse de nostre royaume aura ung archer qui sera et se tiendra continuellement en habillement suffisant, et armé de sallade, dague, espée, arc et trousse, jaque ou huque de brigandine, et seront appeliez les Francs archers, lesquels seront esleuz et choisis par vous (les élus sur le fait des guerres) ès prevostez et élections, les plus duiz et aisez pour le fait et exercice de l’arc qui se pourront trouver en chascune paroisse, sans avoir regard ni faveur à la richesse ni aux requestes que on vous pourroit faire sur ce. Et seront tenuz de eulx entretenir en l’habillement dessus dit et de tirer de l'arc et aller en leur habillement toutes les festes et jours non ouvrables, afin qu’il soient plus habilles et usitez audit fait et exercice, pour nous servir toutes fois qu’ils seront par nous mandez ; et nous les ferons paier de quatre frans pour chascun moys pour le temps qu’ilz nous serviront.

Et afin que lesdiz archers aient mieulx de quoy et qu’ils soient plus curieux de eulx mestre et entretenir audit estât et habillement, avons ordonné et ordonnons, par cesdictes présentes, qu’ilz et chascun d’eulx soient frans, quictes et exemps, et iceulx affranchissons, quictons et exemptons de toutes les tailles et autres charges quelconques qui seront mises sus par nous en nostre royaume, et tant du fait et entretenement de nos diz gens d’armes, de guet, de garde de porte, que de toutes autres subvencions quelzconques, excepté du fait des aides ordonnées pour la guerre et de la gabelle du sel, en deffendant par ces dictes présentes aux commissaires qui seront commis à mectre sus et asseoir les tailles et autres impostz qui seront mis sus de par nous qu’ils ne les y asseient, et aux seigneurs, capitaines ou chastelains des chastellenies qu’ils ne les contraignent doresenavant à faire lesdiz guet et garde.

Et à ce qu’ilz soient plus astrainctz de nous servir et eulx entretenir en l’habillement dessus dit, voulons et ordonnons que lesdiz archers, et chascun d’eulx, feront le serment en voz mains de bien et loyaument nous servir en leur dit habillement envers et contre tous en eulx exercitant en ce que dit est, et mesmement en noz guerres et affaires, toutes fois qu’ils seront par nous mandez ; et ne serviront aucun en fait de guerre, ni oudit habillement, sans nostre ordonnance, sous peine de perdre leur dicte franchise et d’en estre pugny.

Et en oultre voulons et ordonnons que lesdiz francs archers seront par vous enregistrez par noms et surnoms, et les paroisses où ils seront demourans, et que de ce soit fait registre en la court de vous, esleuz, afin que nous en puissions aider et les recouvrer promptement toutes fois que par nous seront mandez[42].

Le caractère de cette mesure est ainsi apprécié par un juge compétent : Ce n’était pas, à proprement parler, une armée permanente, mais une sorte de landwehr, car, pendant le temps où ils ne servaient pas, les francs-archers demeuraient dans leur village, où ils se livraient à des occupations agricoles ; mais le principe de levée adopté par Charles VII était une révolution politique. Ce mode de recrutement établit des rapports directs entre la royauté et le peuple ; car l’intermédiaire des seigneurs fut écarté. Cela apprit aux hommes libres à obéir à une autre autorité qu’à celle du seigneur, et au seigneur à respecter les ordonnances du Roi ; ce fut en un mot l'origine de l’infanterie, c’est-à-dire l’abaissement de la noblesse et l’élévation du peuple... Grâce à l’établissement de l’infanterie, le peuple porta les armes de droit, et fut appelé avec la noblesse à concourir à l’entretien de l’ordre et à la défense du royaume. Ce ne fut plus une multitude qu’on appelait au temps du danger, à peine armée, et qui n’allait à la guerre que pour y périr. Charles VII établit l’aptitude de tout homme libre, habitant le royaume, à être soldat ; le recrutement était forcé, mais il ne se faisait pas par la voie du sort : les officiers du Roi choisissaient les hommes les plus propres au service[43].

Assurément, tout n’était point irréprochable dans une telle organisation ; les vices du système apparurent bientôt, et plus tard des réformes devinrent nécessaires ; mais l’institution resta, et si Charles VII ne réalisa pas du premier coup ce qui devait être l’œuvre du temps, il eut au moins le mérite d’avoir devancé son époque et ouvert la voie à ses successeurs.

Au mois de juillet 1448, des lettres furent adressées par le Roi à ses bonnes villes pour assurer l’accomplissement de l’ordonnance du 28 avril. Les commissaires des aides procédèrent aussitôt à l’organisation de la nouvelle milice[44].

Les commissaires devaient tout d’abord dresser un état du nombre des paroisses, de leurs ressources, en ayant égard au nombre des feux pour l’établissement des francs-archers. Ce travail fait, ils devaient se transporter dans chaque paroisse, ou tout au moins dans chaque châtellenie, pour se mettre en rapport avec les habitants, s’informer de ceux qui seraient les plus habiles à se servir de l’arc ou de l’arbalète, et procéder à la réception du franc-archer. Chacun recevra des lettres de franchise, conformément à l’ordonnance du Roi. Un homme de bien sera désigné, dans chaque pays, pour visiter les francs-archers, vérifier s’ils sont en règle et les convoquer toutes les fois qu’il plaira au Roi de les appeler ; les commissaires lui remettront l’état des francs-archers, portant leurs noms et surnoms et le lieu de leur résidence ; s’il y a dans la paroisse un bon compagnon usité de guerre, et qu’il n’ait pas de quoi s’équiper, les commissaires engageront les habitants à lui venir en aide, en faisant ressortir les avantages qui en résulteraient pour eux. L’archer était tenu de tirer de l’arc aux fêtes et de s’exercer avec les autres qui voudraient s’habituer au tir ; les habitants des paroisses devaient veiller à ce que l’archer ne s’absentât point, ne vendît ni n’engageât son habillement, et informer les élus des irrégularités qui se produiraient ; le seigneur châtelain, ou son capitaine, était tenu de visiter tous les mois les archers de sa châtellenie et d’aviser les élus de ce qu’il remarquerait de répréhensible ; enfin les commissaires et élus devaient faire prêter serment à chaque franc-archer de servir le Roi bien et loyalement envers et contre tous, en ses guerres et autres affaires, toutes et quantefois il seroit mandé par le Roi, et non autrement, sous peine de perdre sa franchise[45].

Un auteur contemporain[46] dit qu’il y eut sous Charles VII huit mille francs-archers ; nous savons d’une manière positive que, sous Louis XI, leur nombre s’élevait à seize mille[47].

 

 

 



[1] S'ensuivent les ordonnances faictes par le Roy pour la conduite et entretenement des gens de guerre et pour obvier aux grans maulx et excessives pilleries qui se souloient faire. Fragment sur papier dans les archives du duc de la Trémoille. — Nous avons signalé ces ordonnances plus haut (t. III, chap. XV in fine). — Les capitaines maintenus en exercice étaient : Le Louvet (Blain Loup), seigneur de Beauvoir, Antoine de Chabannes, le bâtard de Culant, Pierre Aubert, Jean de Blanchefort, Boniface de Valpergue, Robin Petilo, Jean de Mongommery, Joachim Rouault, Etienne de L'Espinasse, Pochon de Rivière, Olivier de Coëtivy, Olivier de Broon, etc. Plusieurs étaient préposés en commun, par groupe de deux, au commandement d'une compagnie.

[2] Le Sixième compte de Jean de Xaincoins (Cabinet des titres, 685, f. 83 v°) nous fournit à cet égard les renseignements suivants pour l'année 1443-1444 : Lusignan : Jean du Mesnil (2,500 l.) ; Loches : Jamet de Tillay (1.200 l.) ; La Charité : Jean du Mesnil Simon, seigneur de Maupas (1.000 l.) ; Beauté : Gaspard Bureau (100 l.) ; Sainte Menehould : Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny (1.200 l.) ; la Bastille : Guichart de Chissé (1.200 l.) ; Montargis : Pierre de Brezé (400 l.) ; Montereau : le bâtard d'Orléans (1.200 l.) ; Saint Pierre-le-Moutier : Henri de Villeblanche (200 l.) ; Nogent-le-Roi : Tristan l'Hermite ; Amboise : Fouquet Guidas (1.200 l.) ; Tours : Guillaume d'Avaugour (400 l.) ; Chinon le sire de Gaucourt (1.200 l.), etc.

[3] Lettres du 26 janvier 1444, déjà citées, publiées par Lecoy de la Marche, le roi René, t. II, p. 252 ; lettres du Roi, en date du 4 mai, et du Dauphin en date du 10 juin, portant engagement à l'égard du duc de Bretagne d'empêcher toute agression des gens de guerre dans son duché. Archives de la Loire-Inférieure, E 94 et 105.

[4] Lettres du 27 février 1444. Archives nationales, Y4, f. 79 ; éd. par Cosneau, le Connétable de Richemont (1886, in-8°), p. 605. Cf. lettres du 6 octobre 1447, édictant une mesure analogue : Ordonnances, t. XIII, p. 509.

[5] Archives de Reims.

[6] Archives nationales, Y4, T. 85 v° ; éd. Cosneau, le Connétable de Richemont, p. 607.

[7] Voir plus haut, chap. IV. — On lit dans le Huitième compte de Xaincoins (l. c., f. 109 v°) : Perrenet de la Coudre, escuier, naguères capitaine de gens d'armes, pour un voyage de Tours vers les marches de Montbeliart devers Joachim Rouaut et autres capitaines qu'ils ne fissent pilleries par les lieux ou ils passeroient. — Pierre de Fontenil, escuier d'escurie, LX l. pour semblable cause.

[8] Nous voyons par les documents du temps qu'une somme de 60.000 l. t., fut employée à cette dépense (Ms. fr. 26429, n° 136). Au mois de janvier 1445, une aide de 300.000 l. fut imposée tant pour le paiement et entretenement des gens d'armes et de trait hors de nostre royaume, pour garder que la pillerie et lesdiz gens d'armes ne retournent en icelui nostre royaume, que pour autres nos affaires. Pièces originales, 249 : BEAUPOIL.

[9] Archives, K 68, n° 9. Ces lettres ont été éditées partiellement par Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 307 note.

[10] Tous ces détails sont donnés par Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 52 et suivantes.

[11] Nous n'avons pas le texte de ces lettres d'abolition générale, mais elles sont visées dans de nombreux documents. Quant aux lettres de rémission, nous devons forcément renvoyer à notre Catalogue des Actes. Il est à remarquer qu'un grand nombre de ces lettres furent données à Bourges dans les mois d'août et de septembre 1447.

[12] Cette date est fixée par le sauf-conduit donné par le connétable de Richemont, à la date du 20 avril 1445, où il est fait mention de l'ordonnance de monseigneur le Roy pour faire cesser les pilleries et voleries (Ms. fr, 4054, f. 46 ; éd. Bibliothèque de l'École des chartes, t. VIII, p. 124 note, et Cosneau, l. c., p. 609) ; par le rapport présenté au Conseil de Ville de Tours au nom des ambassadeurs envoyés vers le Roi à Nancy, du 2 avril au 5 mai, afin de obtenir provision sur les ordonnances que ledit seigneur avait faictes de mettre ses gens d'armes pour vivre ès villes de son obéissance, mesmement ès pays de Touraine, Berri, Poitou, Xaintonge et autres pays voisins, et pour avoir rabais de la somme de XIIIIIII francs qui n'avoit gières avoit esté mise sus audit pays de Touraine. (Registres des comptes, XXIX, f. 139.) — On lit dans la Chronique abrégée publiée par Godefroy (p. 347) : Au depart de Nancy, le Roy publia une ordonnance pour le payement des gens d'armes, afin qu'ils n'endommageassent plus le peuple. On lit encore dans la Cronique martinienne (f. 288 v°) : Et audit Nancy le Roy mist XVc hommes d'armes sus, payez à la souldoye, c'est assavoir les hommes d'armes de XV l. par moys, et les archiers sept l. X s. t.... — Les ambassadeurs milanais, à la date du 26 mai, écrivaient à leur maitre qu'ils lui envoyaient copie de l'ordonnance.

[13] Sur ce nombre de cent hommes d'armes par compagnie, voir l'ordonnance de Charles V du 13 janvier 1374, article XIII. Ordonnances, t. V, p. 600.

[14] Ordonnance du 26 mai 1445. Archives, K 68, n° 14 ; éditée partiellement par Vallet de Viriville dans la Bibliothèque de l'École des chartes, l. c., p. 121, et in extenso par Cosneau, l. c., p. 610 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 55 ; rapport des envoyés de la ville de Tours, présenté le 7 mai 1445, l. f., f. 134.

[15] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 57.

[16] Le texte de ce serment est donné par le P. Daniel, dans son Histoire de la milice française, (t. I, p. 165) tel qu'il était prêté sous Louis XI, en 1467. L'auteur pense que la formule remontait au temps de l'institution des compagnies d'ordonnance.

[17] Mathieu d'Escouchy, p. 57.

[18] Henri Baude, p. 11.

[19] Berry, p. 456-457 ; Chartier, t. II, p. 235 ; Jacques du Clercq, livre I, ch. XXXVII.

[20] Berry ; Chartier ; du Clercq. Voir Du costume militaire des Français en 1446, par René de Belleval (Paris, 1866, in-4°). Olivier de la Marche constate (t. II, p. 60) que les chevaux devinrent hors de prix : Et la cause de celle chierté fut telle que l'on parlait de faire ordonnance sur les gens d'armes de France et de les deppartir soubz chiefs et par compaignies, et de les choisir et eslire par nom et surnom.

[21] Henri Baude, p. 11.

[22] Mathieu d'Escouchy, p. 57.

[23] Mathieu d'Escouchy, p. 56 ; Thomas Basin, t. I, p. 167. — La Chronique martinienne rapporte qu'Antoine de Chabannes fut l'un des capitaines auxquels on enleva leur commandement. Chabannes, au désespoir, revêtit aussitôt une robe noire et un chaperon de deuil. Averti du fait, le Roi le manda et lui dit : Qui vous meut ainsi à porter chaperon de deuil ?Sire, répondit Chabannes, vous m'ôtez la vie de me ôter mes gens d'armes, car l'espace de vingt ans j'ai avec eux vécu sans vous faire faute. — Comte, reprit le Roi, servez moi bien, et mon fils aussi, et je vous ferai des biens et vous donnerai six cents livres pour votre état. Chabannes se résigna ; il devait bientôt se retrouver à la tête de ses hommes d'armes.

[24] Mathieu d'Escouchy, p. 59.

[25] Jacques du Clercq, l. IV, ch. XXIX.

[26] Georges Chatellain, t. II, p. 184. — Les chroniqueurs les plus hostiles à Charles VII sont unanimes à constater les merveilleux résultats de la réforme. On lit dans le Livre des trahisons de France (Collection des chroniques belges, p. 218) : Ainssy de là en avant fut le royaume gouverné, quy moult avoit esté foulé par lesdis escorcheurs et par autres, et fut tenu paisible en telle faichon que oncques puis ne fut nouvelle de roberie nulle parmi le royaume ; et sy avait par ainssy faire tousjours ses gens prests, au moien desquels le Roy fist de belles conquestes. — Cf. Jean Germain, Liber de virtutibus Philippi Burgundiæ ducis (même Collection, textes latins, p. 66).

[27] Tanta esset exiguitas, pauperies atque inopia populorum, quod... necessarium fuit in illis exordiis magna ex parte stipendia militibus non in numerata pecunia, sed in quantitate certæ annonæ et victualium necessariorum, tam pro personis quam equis taxari. Thomas Basin, t. I, p. 168.

[28] Ordonnance du 26 mai 1445, citée plus haut.

[29] Voir Thomas, les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 155 et suivantes.

[30] Dès le 3 août, Sarry-les-Chalons, une ordonnance avait été rendue pour mettre les gens d'église à l'abri des agissements des commissaires chargés de pourvoir à l'entretien des troupes (Ordonnances, t. XIII, p. 442) : Voulons, ordonnons et declarons par ces presentes que nostre intention et volonté ne fut oncques ne est que les personnes degliz gens d'Eglise de nostre dit royaume fussent ou doivent estre compris ne aucunement estre contraints à contribuer auxdis vivres, provision et ordonnance destliz gens de guerre, ne à les loger en leursdictes habitations et demeures, ains voulons et nous plaist qu'ils soient et demeurent de ce francs, quittes et paisibles, comme raison est. — Cette exemption était pourtant accompagnée de réserves : Toutefois nous entendons en autre maniere requerir lesdiz gens d'Eglise qu'ils aideront à supporter les charges de nosdiz gens d'armes, et pour ceste cause leur escririons (sic) en chascun diocese lettres particulières.

[31] Lettres du 4 décembre 1445. Original (signalé par M. Thomas). Ms. fr. 21427, (ancien Gaignières 8323), n° 10 ; édité (d'après une copie authentique conservée au British Museum) par Vallet de Viriville, l. c., p. 127.

[32] Ms. fr. 5909, f. 216 v° ; éd. Cosneau, l. c., p. 614-616.

[33] Mathieu d'Escouchy. p. 58-59.

[34] Voir Thomas, les États provinciaux, t. I, p. 275 et 315 ; t. II, p. 227.

[35] Voir à ce sujet, outre l'ordonnance du 26 mai : Ms. fr. 26429, n° 166 ; 20583, n° 26 ; 26074, n° 5324, 5343 et 5350 ; Registres des Comptes de Tours, vol. XXIX, f. 134, 135, 136 v° et 200 ; Archives nat., P 13771, cote 2839 ; Manet, Extrait en bref, etc., dans les Monuments inédits de Bernier, p. 24, et Flammermont, Histoire des Institutions municipales de Senlis, p. 104 et s., 261 et s. — On trouve dans ce dernier ouvrage de curieux détails sur la résistance opposée par le clergé, à Senlis, aux exigences des commissaires royaux.

[36] Les gens de guerre du duc de Bourbon occupaient encore Corbeil : Denis de Chailly alla les chasser ; il fallut un siège de quinze jours pour en avoir raison. (Archives, X2a, 24 au 27 juin 1448 ; cité par Cosneau, l. c., p. 359.) — Jean de Lesparre, écuyer, fut envoyé de Chinon en Lorraine vers Joachim Rouault pour qu'il amenât sur la Loire les gens de guerre de sa compagnie qui devaient être cassés. (Huitième compte de Xaincoins, l. c., f. 105). — Aux mois de juin et juillet 1446, l'archevêque de Reims envoya, de Nîmes, apporter certaines lettres closes, articles et memoires au Roy et à messeigneurs de son grant Conseil, faisans mention des gens de guerre lors logez en Velay soubz messire Martin Garde, lesquelz icellui seigneur avoit ordonné estre logez, par mondit seigneur de Reims et autres ses conseillers et commissaires, au pays de Gascongne ; lesquels desnyoient et reffusoient, au moins les aucuns d'eulx, d'y aler en la compaignie dudit messire Martin, obstant certains debats et discours qu'ilz avaient eu avecques lui pour le fait de leurs vivres et paiement. (Lettres des généraux des finances en date du 11 janvier 1447, dans Fontanieu, 119-120.). — On lit dans le Neuvième compte de Xaincoins, l. c., f. 116, qui comprend l'année écoulée du 1er octobre 1446 au 30 septembre 1447 : Robert de Haranvillier, escuier, IIIIXX II l. X s. pour son voyage de Chinon en Loraine devers Joachim Rouault, escuier, capitaine de gens d'armes, pour le fait desdites gens d'armes qui faisoient plusieurs excez et domages en Barrois et Loraine.

[37] Lettres du 4 décembre, citées ci-dessus ; lettres du 5 janvier. Mss. fr. 24031, et 10369, f. 59 ; éd. Thomas, t. II, p. 237 et suivantes.

[38] C'est ce qui résulte de lettres des commissaires royaux en date du 26 avril 1446 et de lettres de Charles VII du 26 novembre suivant. Archives nat., K 68, n° 24 et 24 bis ; Chartes royales, XV, n° 189 ; Ms. fr. 14031 ; Archives nat., K 68, n° 22.

[39] Doat, 217, f. 328.

[40] Voici quelques passages empruntés au Ms. 685 du Cabinet des titres.

Année 1445 : M. Gerard le Boursier, conseiller et maistre des requestes de l'hostel, IIc XL l. t. pour partie d'un voyage de Tours en Nivernois (?) pour le fait des gens d'armes et faire une information à Sens de certaine commotion qui y avoir esté faite par le populaire contre les gros bourgeois, f. 104 v°. — Pierre de Cannelles, escuier, LX l. t. sur un voyage de Chinon en Lorraine querir 30 lances estans sous le seigneur de Lespinace et LX l. t. pour un autre voyage en Lorraine voir les monstres. Autre mention de deux voyages de Pierre de Fontenil en Lorraine (id.) — Pierre de Courcelles, escuier, LX l. t. pour un voyage au mois d’aoust 45 de Chinon voir en Champagne le fait des gens d’armes logez audit pays (f. 105 v°). — Jacquet de Saint Romain, XXX l. t. pour partie d’un voyage de Chinon en Loraine devers Joachim Rouaut, capitaine de gens d’armes, pour le faire loger ses C lances et deux cens archers en la place d’Ernay (?) et en l’abbaye de Goze (sic) (f. 104 v°). — M. Jehan Chevrier, conseiller du Roy, CL l. t. pour un voyage en Gastinois, Nivernais et autres pays sur la rivière de Loire pour pourvoir au fait des vivres des gens d’armes estans sous la charge de Poton de Xaintrailles (f. 105). — Messire Georges de Clere, chevalier, LX l. t. pour un voyage de Chinon en Limosin et en la Marche visiter les gens d’armes qui y estoient (id.). — Brunet de Longchamp, escuier, XL l. t. pour un voyage de Chinon en Berry visiter les gens d’armes qui y estoient (id.).

Années 1446 et 1447 : Guillaume Bellier, maistre d’hostel du Roy, bailly de Troyes, C l. pour son voyage en octobre 46 de Chinon à Grandville et au Mont Saint-Michel pour la monstre des gens d’armes (f. 116). — Pierre de Courcelles, escuier, XXX l. pour son voyage en octobre de Tours en Poictou et à Chasteauroux (?) pour voir les monstres des gens d’armes du mareschal de Loheac — Au même, L l. pour un voyage en avril (1447) de Mehun en Lorraine recevoir les monstres (f. 116 et 116 v°). — Messire Georges de Clere, chevalier, CI l. V. s. pour son voyage de Chinon en Limousin visiter le logis des gens d’armes et informer sur le fait de leur payement (f. 116). — Gonsalles d’Ars, escuier, huissier d’armes, XXIIII l. VI s. pour un voyage en Agenois, Condomois, Bigorre, Armagnac, Comminge, Perdiac et Astarac, pour pourveoir aux vivres de cent lances et deux cens archers (f. 116 v°). — Jehan de Bar, général des finances, IIIc l. pour son voyage en Bourbonnois, Forest, Lyonnois et Auvergne pour le payement des gens d’armes (id.). — Pierre de Fontenille, escuier d’escuierie du Roy, C l. pour un voyage de Bourges en Lorraine devers Mgr de Calabre et les seigneurs de la ville Mez touchant le fait de Joachim Rouault et des cent lances qu’il avoit sous luy logez en Barrois et Lorraine (f. 117 ; cf. f. 126 v°). — Gonsalles d’Ars, huissier d’armes, IIIIXX l. pour un voyage en octobre de Bourges en Gascogne pour faire l'assiete des vivres des gens d’armes (f. 126 v°).

Année 1448 : Jehan de Loucelles, escuier, LXVIII l. XV s. sur son voyage en aoust en Auvergne de Rouergue devers le mareschal de la Fayette voir les monstres des gens d’armes logez en Bourbonnois, Lyonnois et autres (f. 127 v°). — Pierre de Dinteville, escuier, pannetier du Roy, XXX l. pour un voyage en aoust de Chinon en Poitou voir les monstres des gens d’armes de Jacques de Clermont, Flocquet et du mareschal de Loheac (f. 128).

[41] Nous avons cité déjà les lettres de Charles VII en faveur des archers et arbalétriers de Paris (22 octobre 1436 ; 23 septembre 1437) ; des arbalétriers de Châlons (17 octobre 1431). 11 faut mentionner encore celles en faveur des arbalétriers de Tournay (16 décembre 1446) et des archers et arbalétriers de La Rochelle (novembre 1447).

[42] Ordonnances, t. XIV, p. 1. — Voici en quels termes le héraut Berry parle de la création des francs-archers (p. 432) : En ce temps, ordonna le Roy à avoir en chascune paroisse de son royaume un archier armé et prest toutes fois que bon luy sembleroit, pour faire guerre à son plaisir quand il lui seroit besoin. Et à cette occasion et afin qu'ilz feussent subgietz à ce faire, les affranchist de non paier toutes subsides courans en son royaume, et fut ordonné aux baillis dudit royaume, chascun en droit soy, pour choisir en chascun bailliage et paroisse à prandre les plus habilles et ydoines. Texte corrigé d'après l'édition que prépare le comte A. de Bourmont.

[43] Boutaric, Institutions militaires de la France, p. 319-320.

[44] Dès le mois d'avril on s'occupait de la mise à exécution. On lit dans un état de paiement des sommes votées par les États d'Auvergne : Item, à Robin Ogier, chevaucheur de l'escuierie du Roy, pour avoir esté, par l'ordonnance de mesdessusdiz seigneurs, ès païs de Touraine, Poictou et Berry savoir comment on se gouverneroit en mettant sus le fait des francs arbalestriers et nobles que le Roy a nouvellement ordonné estre mis sus. Clairambault, 119, p. 139. — Voir le Compte de la despense faicte pour mectre sus et en point en la ville de Poictiers douze francs archiers, ordonnez y estre mis sus par le Roy nostre sire, selon son ordonnance generalle faicte en ce Royaulme desdiz francs archiers pour la tuicion et deffense d'iceluy, publié par M. Rédet dans les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, t. VII, p. 437 et suivantes.

[45] Ordonnances, t. XIV, p. 1 et suivantes.

[46] Henri Baude.

[47] Ordonnance faite touchant le fait des francs-archers, dans le ms. fr. 18442, f. 161 : Item a esté ordonné que on levera par tout ce royaume seize mille francs archiers.