HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE IV. — CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE AVEC L’ANGLETERRE - 1444-1449.

 

CHAPITRE V. — NÉGOCIATIONS AVEC L’ANGLETERRE. - LA GRANDE AMBASSADE DE 1445.

 

 

Négociations matrimoniales avec le duc d’York ; elles échouent. — Envoi d’une grande ambassade en Angleterre ; son entrée à Londres. — Portraits de Henri VI et de Suffolk. — Vote du Parlement en faveur de Suffolk. — Henri VI donne audience aux ambassadeurs exposé de leur créance ; gracieux accueil du jeune roi. — Nouvelle audience le lendemain ; protestations amicales de Suffolk ; discours de l’archevêque de Reims ; désignation de commissaires. — Ouverture des conférences ; propositions faites par l’archevêque, au nom de ses collègues ; discussions sur l’étendue des cessions territoriales. — Nouvelles réunions concessions faites parles ambassadeurs de France ; projet d’une convention entre les deux rois. — Nouvelle audience donnée par Henri VI à trois des ambassadeurs ; l’archevêque de Reims sollicite l’approbation du roi pour le projet de convention personnelle ; réponse du chancelier d’Angleterre ; le projet soumis au Conseil. — Avis favorable du Conseil ; pouvoirs donnés pour le renouvellement de la trêve ; traité de Londres. — Ambassades d’André Moleyns en France et de Cousinot et Havart en Angleterre ; ces deux ambassadeurs réclament l’abandon du comté du Maine. — Nouvelle prorogation de la trêve ; lettres de Henri VI à Charles VII relativement à la paix et à la cession du Maine.

 

Nous avons vu que la conclusion du traité de Tours, en date du 28 mai 1444, et la cérémonie des fiançailles de Marguerite d’Anjou et de Henri VI furent bientôt suivies de la célébration du mariage par procureur[1]. Pendant le séjour du marquis de Suffolk à Nancy, un autre projet d’alliance fut mis en avant : il s’agissait du mariage du fils aîné du duc d’York, lieutenant général en France, avec une fille de Charles VII. Le 19 février, répondant à une ouverture que Suffolk avait faite à ce sujet, Charles VII informait le duc d’York qu’il agréait la proposition et recevrait volontiers les ambassadeurs que le gouverneur anglais enverrait pour traiter cette affaire. A la date du 18 avril, le duc d’York écrivit au Roi[2] : il avait appris avec joie ses bonnes dispositions au sujet de l’union projetée ; il témoignait de son singulier et vrai désir d’acquérir l’amitié et l’accointence du Roi. La venue de la reine d’Angleterre, que le duc avait accompagnée jusqu’à son embarquement, l’avait empêché de donner suite à la négociation ; mais il envoyait deux ambassadeurs chargés de s’informer du lieu où le Roi se trouverait le 15 mai, date à laquelle il se proposait d’envoyer une ambassade pour conclure le mariage[3].

En réponse à ce message, Charles VII fit connaître au duc l’intention où il était d’accorder à son fils la main de Madeleine de France[4]. Le duc d’York écrivit aussitôt pour faire observer que madame Madeleine était bien jeune, qu’il désirait que son fils eût une compagne pouvant lui assurer une prompte lignée, et que madame Jeanne serait d’un âge plus convenable ; il demandait donc que cette princesse fût désignée. La lettre du duc est du 10 juin[5] ; elle fut portée au Roi à Châlons par une ambassade où figuraient Zanon de Castiglione, évêque de Bayeux, Richard Merbury, et Thomas Basin, docteur en droit canon et civil. Mais le Roi maintint la désignation qu’il avait faite et se refusa à substituer Jeanne à Madeleine. Malgré les protestations réitérées du duc d’York en faveur d’une bonne et effectuelle conclusion[6], la négociation ne tarda pas à être abandonnée[7].

Pendant son séjour à Nancy, le marquis de Suffolk avait fait avec Charles VII un nouvel arrangement au sujet des appatis ou contributions de guerre à lever sur les frontières des pays occupés par les Anglais[8]. A Rouen, à la date du 3 avril, Suffolk remit à Jean Havart et à un autre commissaire, agissant comme délégués du comte de Dunois, conservateur général de la trêve, un mémoire à ce sujet ; il y était question aussi de points litigieux qui n’avaient pu être réglés à Nancy et qui attendaient une solution : savoir la jouissance des droits royaux dans certaines places, telles que Beaumont-le-Roger, Pontorson, Saint-James-de-Beuvron, Sainte-Suzanne, etc. Ce mémoire devait être transmis au Roi[9].

Mais des négociations d’une importance bien plus considérable étaient à la veille d’être engagées.

Le 21 août 1444, Henri VI, en écrivant à son très cher oncle de France, au retour de l’ambassade qui avait signé la trêve et conclu son mariage avec Marguerite d’Anjou, le remerciait des gracieuses lettres que ses ambassadeurs lui avaient apportées, et témoignait de son désir d’arriver à finale conclusion de paix perpétuelle et amoureuse entre les deux royaumes. En outre, il déclarait que la nouvelle donnée par Charles VII du prochain envoi d’une notable ambassade, pour prendre avec lui final appointement et lui rendre visite, était accueillie avec autant de joie que de gratitude, et qu’il désirait de tout son cœur la venue des ambassadeurs[10].

Le dessein de Charles VII, retardé par les événements, allait recevoir son accomplissement. A peine arrivé à Sarry-les-Châlons, le 9 juin 1445, il donna des lettres patentes portant pouvoir au comte de Vendôme, à Jean Jouvenel, archevêque de Reims, au comte de Laval, aux sires de Gaucourt et de Précigny, à Guillaume Cousinot et à Etienne Chevalier de se rendre en Angleterre, pour conclure avec Henri VI une paix perpétuelle et prendre des arrangements au sujet d’une convention personnelle à tenir entre lui et le roi d’Angleterre[11]. Les ambassadeurs partirent à la fin de juin[12] ; ils étaient à Calais le 2 juillet, en compagnie d’Alphonse de Breçiano, ambassadeur du roi de Castille, et de représentants du duc de Bretagne[13] et s’embarquèrent le lendemain. Ils trouvèrent à Douvres les envoyés du duc d’Alençon, et à Canterbury ceux du roi de Sicile[14]. L’ambassade était au complet le 9 juillet à Rochester, où deux conseillers du roi d’Angleterre, Robert Roos et Thomas Hoo, chancelier en France, vinrent les joindre. Henri VI ne les attendait pas aussi promptement ; il s’empressa de délivrer des sauf-conduits pour les ambassadeurs[15], et leur fit dire par le marquis de Suffolk qu’il les recevrait à Londres le jeudi suivant, 15 juillet. Suffolk écrivait que les choses étaient en bonne voie, et que, s’ils voulaient s’y prêter, ils seraient expédiés sans retard ; mais, disait-il, pour cela il faut que vous n’ayez pas la bouche aussi close que de coutume[16].

L’entrée de l’ambassade à Londres s’effectua le 14 juillet. L’ordre du cortège avait été ainsi réglé : les ambassadeurs du Roi marchaient en tête, suivis de l’envoyé du roi de Castille, des représentants du roi de Sicile, du duc de Bretagne et du duc d’Alençon ; ils avaient une suite de trois cent cinquante chevaux. A une lieue de Londres, on rencontra le marquis de Suffolk, les comtes de Dorset, de Salisbury et de Shrewsbury, avec plusieurs évêques et un grand nombre de chevaliers et d’écuyers. Aux approches de la ville parut un autre groupe de princes et de conseillers de la Couronne : le duc d’Exeter, les comtes de Warwick et d’Huntingdon, les évêques de Norwich et d’Ely, le garde du sceau privé Moleyns, etc. Sur le pont de Londres se tenaient le lord-maire et les bourgeois, revêtus de leurs plus riches costumes. Et y avoit, dit la relation des ambassadeurs, moult, grant peuple à les veoir entrer, qui sembloit en avoir joye.

L’alliance française n’était donc point aussi impopulaire qu’on l’a prétendu[17], puisque les ambassadeurs de Charles VII recevaient un tel accueil. C’est que la paix était partout ardemment souhaitée ; ou était las de cette guerre qui, depuis longtemps, n’imposait que des sacrifices sans profit et sans gloire.

L’entrée solennelle d’une ambassade française à Londres était un spectacle qu’on n’avait pas vu depuis la grande ambassade de juin 1415. A cette époque, l’Angleterre était fière, ardente, prête à entreprendre la conquête de la France, sous l’impulsion d’un roi plein de fougue et de bravoure. Trente années s’étaient écoulées, et les rôles se trouvaient singulièrement intervertis : il semblait que l’Angleterre eût notre Charles VI à sa tête[18], et que son Henri V fût sur le trône de France.

Conçu dans la haine, enfanté dans les larmes, peut-être à sa naissance regardé de travers par sa mère, le triste enfant de Henri V et de Catherine de France vint au monde sous de fâcheux auspices et pauvrement doué[19]. Élevé par Warwick, le capitaine fameux qui eut le triste honneur de présider au supplice de Jeanne d’Arc, il fut tellement morigéné, tellement châtié[20], qu’il ne resta plus rien : rien de l'homme, encore moins du Roi, une ombre à peine, quelque chose de passif et quelque chose d’inoffensif, une âme prête pour l’autre monde[21]. Henri VI a déjà vingt-quatre ans ; mais c’est presque encore un enfant ; ses qualités sont purement négatives, et il ne se distingue guère que par sa piété. On peut juger de l’ascendant que dut prendre sur lui une jeune fille belle, séduisante, d’un esprit supérieur, ayant tous les charmes et aussi tous les caprices de la femme. Longtemps dominé par son oncle, le cardinal de Winchester, élevé dans des sentiments d’aversion pour son autre oncle, le duc de Glocester, seul survivant des frères de Henri V, le jeune roi était, depuis que le vieux cardinal avait quitté la scène, tout à la discrétion de Suffolk, l’heureux et habile négociateur de son mariage. Ne lui fallait-il pas un gouverneur ? Certes il n’était pas de taille à se conduire lui-même[22].

Suffolk n’appartenait point à une vieille race : son aïeul, William de la Pôle, simple marchand à Kingston, avait été anobli par Edouard III. Il n’en était pas moins un des types les plus accomplis de la chevalerie anglaise au quinzième siècle. On se rappelle cet épisode du siège de Jargeau. L’un des derniers, Suffolk est resté sur le pont à soutenir le choc de l’armée française. Un jeune écuyer, Guillaume Regnault, lui porte des coups redoublés : Es-tu gentilhomme ? demande le capitaine anglais — Oui, répond-il. — Es-tu chevalier ?Non. — Eh bien ! sois-le de ma main ! Et, après l’avoir armé chevalier, il lui remet son épée[23]. Par l’élévation des sentiments encore plus que par la bravoure, Suffolk se distingue entre tous ses contemporains : on ne saurait lire sans émotion les admirables conseils que, cinq ans plus tard, banni de l’Angleterre, à la veille de trouver la mort dans un odieux guet-apens, il écrivit pour son fils[24]. Membre du conseil privé et grand-maître de l’hôtel de son souverain depuis 1438[25], il n’avait pas tardé à devenir comme un second roi, menant tout à sa guise[26]. Un seul homme se dressait en face de lui ; c’était un prince du sang, renommé pour sa prudence et ses brillantes facultés[27] : Glocester, dont l’ambition n’avait cessé de convoiter le pouvoir ; Glocester, que la rumeur publique accusait de viser au trône ; Glocester, que chaque jour on dénonçait au jeune roi comme voulant régner à sa place et conspirant même contre sa vie[28].

Au mois de septembre 1444, Suffolk avait reçu, avec le titre de marquis, un témoignage public de la satisfaction de son souverain pour la manière dont il avait conduit les négociations avec la France. Le 25 février, dans une session du Parlement tenue en l’absence de Suffolk, John Stafford, archevêque de Canterbury et lord chancelier d’Angleterre, prononça un grand discours. Prenant pour thème un verset du psaume 84 : Justicia et pax osculatæ sunt, il exposa ce que Suffolk et les autres ambassadeurs avaient fait, soit relativement au mariage, soit au sujet d’une suspension d’armes. Le chancelier termina en annonçant que Suffolk était alors en France pour ramener la jeune princesse, et qu’il espérait qu’avec la grâce de Dieu la justice et la paix régneraient dans le royaume mieux que par le passé[29].

Dans une session suivante, tenue le 2 juin, le marquis de Suffolk présenta l’exposé des négociations poursuivies en France, déclarant qu’il s’était conformé en toutes choses aux instructions royales[30]. Le 3, il présenta une requête tendant à ce que le Parlement approuvât sa conduite et délivrât à ce sujet un acte qui serait enregistré. Le 4 juin, le speaker de la Chambre des communes, William Burley, en son nom et au nom de ses collègues, fit une motion : il demanda que les éminents services rendus par Suffolk en procurant la conclusion d’une trêve entre les deux royaumes et du mariage du roi, et en amenant, à ses dépens, la nouvelle reine en Angleterre, reçussent l’approbation du souverain et du Parlement. Après le discours du speaker, on vit le duc de Glocester et un grand nombre de lords se lever, quitter leurs sièges, et se presser autour du jeune roi, en le suppliant d’accéder à la motion. Le lord chancelier répondit au nom de son maître : c’était avec un singulier plaisir que Sa Majesté déclarait tenir mylord de Suffolk en sa bonne et bénigne grâce, et lui donner pleine décharge à son perpétuel honneur et à celui de ses descendants. Un acte authentique de ce vote, rendu par acclamation, et de la déclaration royale, fut consigné dans les registres du Parlement[31].

Telle était la situation en Angleterre au moment où l’ambassade de Charles VII faisait son entrée solennelle dans la ville de Londres.

Le 15 juillet, à neuf heures du matin, le duc de Buckingham, le duc d’Exeter, le marquis de Suffolk, les comtes de Dorset et de Shrewsbury, et plusieurs autres grands seigneurs, vinrent chercher les ambassadeurs au domicile du comte de Vendôme, où ils se trouvaient réunis, pour les conduire au palais de Westminster. Le jeune roi était assis sur un haut siège, vêtu d’une riche robe longue de drap d’or vermeil, fourrée de martres zibelines. A l’approche des ambassadeurs, il se leva, souleva à trois reprises son chaperon, et, bien humblement, tendit la main aux envoyés de son oncle de France. L’archevêque de Reims prit la parole, et s’exprima en français, ainsi que cela avait été convenu entre lui et ses collègues et que l’avait conseillé Suffolk, avec lequel le cérémonial avait été réglé.

Très haut et très puissant prince et très noble Roi, dit-il, le très chrétien Roi de France votre oncle, notre souverain seigneur, envoie présentement noble et puissant prince monseigneur Louis de Bourbon, comte de Vendôme et de Chartres, souverain maître d’hôtel de France, son parent et de son sang et lignage, monseigneur le comte de Laval, seigneur de Vitré et de Gavre, son cousin et beau-neveu en affinité et votre cousin germain en affinité, monseigneur de Précigny, son conseiller et chambellan... et, désirant de tout son cœur savoir de votre bon état et prospérité, et en tout cordial désir de l’accroissement d’icelui en tout bien et honneur, il vous envoie ces lettres qu’il nous a chargés de vous bailler.

Le comte de Vendôme tenait entre ses mains la missive royale, et la remit au roi d’Angleterre, qui la reçut bénignement et joyeusement. John Stafford, archevêque de Canterbury, chancelier d’Angleterre, prit alors la parole en latin. Il déclara que le roi son maître était fort joyeux de savoir des nouvelles de très haut et très noble prince son oncle de France, et qu’il demandait des nouvelles de sa santé. L’archevêque de Reims répondit en français qu’il remerciait le roi d’Angleterre, et qu’au départ de l’ambassade le Roi son oncle était en très bon point. Le jeune roi fit répondre que Dieu en fût loué et qu’il en était fort content. Il prit alors ses conseillers à part ; le chancelier ouvrit la missive royale et en donna lecture. Puis le chancelier dit aux ambassadeurs que le roi était très joyeux des bonnes nouvelles qu’elle contenait, qu’il voyait clairement la bonne affection que le seigneur son oncle témoignait à son égard et l’inclination qu’il avait à la paix.

L’archevêque et les autres ambassadeurs s’agenouillèrent alors pour faire l’exposé de leur créance. Le Roi avait su par la relation de monseigneur de Suffolk l’amour et bonne affection que le roi son neveu lui portait ; il en avait été et il en était fort joyeux, et il l’en remerciait très affectueusement ; de son côté, il avait pareillement pour lui un cordial amour et une entière dilection, et singulièrement entre tous les autres seigneurs de son sang après son fils le Dauphin ; le roi son neveu était d’ailleurs des plus proches parmi ses parents. Le Roi avait su ses dispositions favorables à la paix ; il en était très satisfait et en remerciait Dieu ; il désirait avant toutes choses, pour l’honneur de Dieu, afin d’éviter l’effusion du sang humain, et aussi à cause de la proximité de lignage et de l’affection qu’il lui portait, qu’il y eût entre eux bonne et raisonnable paix. Dans ce but, il avait envoyé ses parents et féables conseillers à cette double fin : 1° pour le visiter et s’informer de son bon état, de sa prospérité et de sa santé, car il prenait un singulier plaisir à en entendre dire du bien ; 2° pour entamer les négociations en vue de la paix ; ses ambassadeurs avaient certaine créance qu’ils exposeraient au moment qu’il plairait au roi d’indiquer.

En écoutant ces paroles, le jeune roi parut satisfait et fort joyeux. Tandis que le représentant du Roi exprimait les sentiments dont celui-ci était animé à son égard, il semblait, dit la relation, que le cœur lui rît : tantôt il regardait le duc de Glocester, placé à sa gauche, tantôt le chancelier, le marquis de Suffolk et le cardinal d’York, placés à sa droite, en souriant ; et sembloit bien qu’il fist quelque signe. Les ambassadeurs apprirent, à l’issue de l’audience, qu’il avait dit en anglais à son chancelier, en lui prenant la main : Je suis très joyeux de ce que certains, qui sont ici, entendent ces paroles ; ils ne sont pas à leur aise.

L’archevêque de Canterbury prit la parole après l’archevêque de Reims, remerciant Dieu et le Roi de la bonne amour et inclination que le Roi avait en faveur de la paix, et déclarant que son maître ferait savoir le moment où il entendrait l’exposé des ambassadeurs. Tandis qu’il parlait, le jeune roi s’avança et lui dit quelques mots en anglais. C’était pour reprocher à son chancelier de ne point dire des paroles de plus grande amitié. Et de fait Henri VI s’approcha des ambassadeurs, et, portant la main à son chaperon, en le soulevant de sa tête, il leur dit à deux ou trois reprises : Saint Jehan, grand merci ! Et, dit la relation, les toucha arrière chacun, faisant plusieurs très joyeuses manières. En outre, il leur fît dire par le marquis de Suffolk qu’il ne les tenait point pour étrangers, qu’ils pouvaient agir en sa maison comme en celle du Roi son oncle, et y aller et venir à toute heure.

L’archevêque de Reims, s’agenouillant de nouveau, dit au jeune roi que plusieurs ambassadeurs étaient venus assister ceux du Roi et s’employer avec eux au bien de la matière, selon qu’il en serait besoin ; il lui présenta les envoyés du roi de Castille, du roi de Sicile, du duc de Bretagne et du duc d’Alençon ; il annonça la venue d’ambassadeurs d’autres princes du sang, qui n’étaient point encore arrivés ; il ajouta que les ambassadeurs présents étaient porteurs de lettres qu’ils remettraient au roi quand il le voudrait. Les ambassadeurs des princes s’agenouillèrent tour à tour et remirent leurs lettres. Le jeune roi leur donna la main. Puis tous prirent congé et retournèrent à leur hôtel, reconduits par les seigneurs du Conseil Le lendemain vendredi, les ambassadeurs eurent audience à trois heures. Tandis qu’ils attendaient dans la chambre du roi avant d’être admis dans sa chambre de retrait, le marquis de Suffolk leur rapporta plusieurs paroles de son maître. Suffolk ajouta à haute voix, de façon à être entendu par tout le monde — il y avait là plusieurs princes et seigneurs anglais —, qu’il voulait que chacun sût qu’il était le serviteur du roi de France, et que, sauf la personne du roi d’Angleterre son maître, il le servirait contre tous de corps et de biens. Je dis, continua-t-il, sauf la personne de mon maître ; je ne parle point des seigneurs, et je n’excepte ni Dauphin, ni Glocester ou autres, fors sa personne. Et comme l’archevêque de Reims et les comtes de Vendôme et de Laval le remerciaient de ses bonnes paroles, il les répéta avec force à trois ou quatre reprises, disant qu’il savait bien que son maître voulait qu’il en fût ainsi, que le Roi était la personne que son maître aimait le mieux après sa femme, et qu’il savait bien que son maître lui saurait bon gré de parler ainsi. J’ai tant vu chez le roi de France, ajouta-t-il, de grand honneur et bien, que je veux que chacun sache que je le servirai envers et contre tous, sauf la personne de mon maître.

Tous les ambassadeurs étant réunis, on les introduisit près du roi d’Angleterre. Il faisait fort obscur dans la pièce où il se trouvait. Le jeune roi était adossé à un dressoir ; il était vêtu d’une robe de velours noir, traînant jusqu’à terre. Après les salutations, l’archevêque de Reims exposa sa créance, et, tout en entrant dans les développements convenables, évita, suivant la recommandation de Suffolk, de lui donner une forme trop solennelle. Il insista sur l’affection que son maître portait au jeune roi ; il fit remarquer que, même pendant la durée de la guerre, le Roi n’avait cessé de faire traiter honorablement les Anglais, quelque part qu’il les trouvât, fût-ce lors des prises de villes, et que, lorsqu’ils étaient prisonniers, il les laissait approcher de sa personne. Depuis la venue du marquis de Suffolk, l’amour du Roi pour son neveu s’est encore accru. Le Roi a parlé au marquis familièrement, et dans l’intimité. Ayant su l’amour que son neveu lui témoignait, il s’est employé aux négociations, nonobstant la maladie dont il souffrait alors ; il s’est occupé de l’affaire du mariage, il a fait examiner en Conseil la matière de la paix ; bien que son armée fût toute prête, et que les seigneurs de son sang fussent à sa disposition pour le servir, il a consenti à la conclusion d’une trêve, espérant qu’elle conduirait à la paix ; il a fait opérer le plus promptement possible la remise de la reine d’Angleterre aux mains de ceux qui étaient venus la chercher ; si cela n’a pas été fait plus tôt, la cause en est dans les occupations qu’ont eues lui et le roi de Sicile. Il a appris avec joie l’arrivée de la jeune reine auprès de son époux, car il désire leur bon état et prospérité, l’accroissement de leur honneur en bonne lignée et génération, au bien de l’amitié perpétuelle des deux rois et de leurs royaumes. Le Roi est très désireux de savoir des nouvelles du bon état du roi et de la reine, et de leur prospérité. C’est une des causes pour lesquelles il a envoyé son ambassade, qui a charge de lui en faire un rapport auquel il prendra très grand intérêt et plaisir.

L’archevêque aborda alors la question diplomatique. Quoique, dit-il, on ait coutume, en pareille matière, d’user de langage solennel, de magnifier de part et d’autre son fait et son droit, et de garder plusieurs autres étranges manières, le Roi veut se conduire présentement d’une façon toute différente ; il veut procéder pleinement et ouvertement, sans craindre de faire connaître ses intentions ; il veut et désire bonne paix bien plutôt que guerre ; il vous fera dire et remontrer ce qui le meut à cela et ce qui doit vous y mouvoir, savoir l’honneur et révérence de Dieu, qui a ordonné à Moïse et à ses apôtres d’éviter l’effusion du sang ; la proximité de lignage, plus grande actuellement entre vos deux maisons qu’elle ne fut jamais ; l’amitié personnelle qui vous unit. Nous sommes donc venus pour besogner, suivant votre bon plaisir, avec ceux qu’il vous plaira de désigner.

A ces paroles, le jeune roi manifesta une vive satisfaction. Prenant à part les princes de son sang et le garde du sceau privé, il s’entretint un instant avec eux. Puis le marquis de Suffolk, s’approchant des ambassadeurs, leur dit que le roi avait grande joie d’entendre des nouvelles du Roi son oncle, et qu’il avait à son égard plus d’amour qu’envers quelque personne qui fût au monde après la reine sa femme ; tout son désir était de s’employer à la paix ; il allait désigner plusieurs de ses conseillers pour communiquer avec les ambassadeurs du Roi.

Le comte de Vendôme, prenant à son tour la parole, dit que monseigneur de Suffolk avait fait au Roi si bon rapport du roi son neveu qu’il avait gagné son cœur. Puisque ces deux princes sont en telle amitié, ajouta-t-il, maudit soit celui qui leur conseillerait d’avoir guerre ensemble !Amen ! Amen ! dirent les assistants.

Le jeune roi appela alors à lui les ambassadeurs, et la conversation s’engagea sur le ton le plus familier. Le Roi et vous, dirent les ambassadeurs, pouvez mieux que nuls autres princes conclure la paix, car chacun d’entre vous a ses sujets bien unis sous ses ordres. Suffolk dit tout haut que, durant son séjour en France, on avait fait courir le bruit que monseigneur de Glocester faisait empêchement au roi, et que le jeune prince s’était offert à venir en personne en France pour seconder son envoyé ; mais que lui, Suffolk, avait déclaré qu’il n’en croyait rien ; que monseigneur de Glocester ne voudrait faire telle chose, et que, d’ailleurs, il n’en avait pas le pouvoir. Et il répéta que la seconde personne du monde que le roi d’Angleterre aimait le mieux, c’était le Roi son oncle. Henri VI s’empressa de souligner ces paroles, en répétant, en français ou en anglais, à plusieurs reprises : Saint Jehan, oui ! Et comme les ambassadeurs manifestaient l’intention de prendre congé, il les retint en disant : Nenni, nenni !

Finalement il fut convenu que le cardinal d’York, le marquis de Suffolk et Raoul le Bouteiller, seigneur de Sudley, grand trésorier d’Angleterre, entreraient eu pourparlers avec les ambassadeurs pour traiter de la paix. Ces trois personnages reçurent les pouvoirs nécessaires à la date du 20 juillet[32].

Sur ces entrefaites, arrivèrent de France des lettres du Roi, et aussi du chancelier et du comte d’Évreux (Brezé), faisant part des arrangements conclus à Châlons avec la duchesse de Bourgogne ; elles étaient accompagnées du texte des conventions. Après en avoir pris connaissance chez le comte de Vendôme, les ambassadeurs résolurent de n’en pas faire grand bruit ni grand semblant. Le sire de Précigny recommanda au chevaucheur qui avait apporté les nouvelles de garder le secret.

Ceci se passait le 15 juillet. Le même jour arriva un autre chevaucheur, porteur de lettres du duc de Bourgogne pour les ambassadeurs. Philippe s’excusait de n’avoir point encore fait partir ses envoyés, alléguant, comme motif de ce retard, qu’il n’avait pas reçu le sauf-conduit demandé en Angleterre. Ce sauf-conduit avait pourtant été donné par lettres patentes du 5 juillet[33]. Le duc chargeait son messager de réclamer le saufconduit et priait les ambassadeurs de France de s’employer à le faire promptement délivrer ; il déclarait n’attendre que sa réception pour envoyer incontinent ses ambassadeurs. En même temps il demandait que rien ne fût conclu avant leur arrivée, conformément au traité d’Arras et aux déclarations qui lui avaient été faites au nom du Roi. Les ambassadeurs résolurent de faire une ouverture au marquis de Suffolk relativement au sauf-conduit attendu par le duc de Bourgogne.

Le même jour, et sans attendre la production des lettres de pouvoir des commissaires de Henri VI, qui ne furent scellées que le lendemain, les conférences s’ouvrirent, à huit heures du matin, dans l’hôtel des Jacobins.

Après un échange d’observations sur la question de savoir qui entamerait les négociations, Suffolk prit la parole. Quand il s’était rendu près du Roi à Tours, le Roi lui avait fait la faveur de l’autoriser à communiquer avec lui bien privément, et il lui avait nettement exposé sa charge : elle consistait à réclamer la possession de la Guyenne et de la Normandie, sans obligation d’hommage, et des autres terres auxquelles les rois d’Angleterre avaient droit avant que la question de la Couronne fût posée ; cette concession faite, le roi d’Angleterre déclarerait renoncer à toute prétention à la Couronne. Suffolk ajouta qu’il n’avait point alors d’autres pouvoirs ; que, puisque le Roi envoyait ses ambassadeurs pour besogner sur la matière, et qu’ils étaient venus dans ce but, il convenait qu’ils exposassent leurs vues.

Le comte de Vendôme et le sire de Précigny demandèrent à l’archevêque de Reims de prendre la parole. Jean Jouvenel s’exprima en ces termes :

Messeigneurs, comme vous le savez et comme tous nous le pouvons apercevoir, l’intention du Roi notre souverain seigneur, et celle du roi son neveu, est de besogner pleinement et privément, et non par grandes solennités ni étrangetés, ainsi qu’on avait coutume de faire autrefois ; d’où venaient de grandes longueurs et de l’obscurité dans les matières. Les deux Rois sont si proches, et, par la grâce de Dieu, de si bonne amour et affection l’un envers l’autre, qu’on ne doit point faire les difficultés de procéder sommairement et de plein qu’on aurait pu faire au temps passé. Et pour cela je vous dirai, pour commencement de ces matières, l’état d’icelles où il semble qu’il les faut reprendre, sans réciter tout au long les sérieuses et solennelles protestations accoutumées en de telles matières, les tenant pour faites et répétées.

Et premièrement, Messeigneurs, — la grâce de Dieu requise à notre commencement, lequel nous la veuille octroyer et nous donner bonne issue et grâce de faire chose qui soit à l’honneur et bien de nos deux princes, des deux royaumes et seigneuries, et de nous tous, — il semble qu’il faut présupposer en bref le demené de ces matières à Tours, où par vous, monseigneur de Suffolk, furent faites certaines demandes et ouvertures, sur lesquelles le Roi, par l’avis et le conseil de tous les seigneurs de son sang se trouvant là en personne, excepté monseigneur de Bourgogne, représenté par une notable ambassade, fit faire certaines offres sur lesquelles rien ne fut conclu. Mais on procéda au mariage et puis à la trêve, en espérance de besogner pendant sa durée. Ces offres sont : Guyenne, Quercy, Périgord, Calais et Guines, sous les protestations et conditions alors faites.

Suffolk répondit aussitôt qu’à Tours il avait fait connaître au Roi tout ce dont il avait charge, qui était de demander les terres auxquelles son maître avait droit, en dehors de la question de la Couronne, savoir Guyenne, Normandie, etc. Quant aux offres produites alors, il n'en avait rien dit, parce qu’elles n’étaient pas sérieuses et qu’il les considérait comme de nulle valeur[34].

L’archevêque reprit en disant que c’était pourtant chose de grande conséquence, puisqu’il s’agissait de la paix, et qu’il en serait encore de même si la paix était au bout. De telles offres méritaient bien d’être prises en considération, car, avant qu’il fût question de la Couronne, les Anglais n’avaient aucune prétention sur la Normandie et réclamaient seulement l’ancien duché de Guyenne et le Ponthieu.

Le cardinal d’York interrompit, affirmant qu’on demandait le Poitou. — Non, répliquèrent les ambassadeurs, car aussi, au temps de saint Louis, le roi Henri avait renoncé à tout, moyennant l’abandon de la Guyenne.

Puisque, reprit le cardinal, le roi se contente des terres appartenant à ses prédécesseurs avant qu’il fût question de la Couronne et au temps où le royaume était dans sa plus grande splendeur, ce serait là une paix raisonnable.

La discussion se poursuivit sur ce terrain. Le marquis de Suffolk y coupa court : Laissons ces débats, dit-il. Nous avons toujours dit que nous voulions procéder pleinement. Je vous en prie, dites-nous présentement le dernier mot de votre charge, et, à notre tour, nous vous dirons privément le dernier mot de notre volonté. Si nous nous accordons, Dieu en soit loué ! Sinon, nous aviserons après à ce qu’il y aura à faire. Ne nous tenons point dans ces lenteurs, allant d’offre en offre.

Les ambassadeurs répondirent qu’ils restaient dans la limite de leurs instructions, et que leurs offres étaient grandes et raisonnables.

Si vous ne pouvez aller au-delà, reprit Suffolk, il n’en faut plus parler ; mais, au fait, il est tard ; allons dîner, et pensons à abréger.

Le cardinal d’York invita les ambassadeurs de France à dîner pour le lendemain. Dans l’après-midi, on ne fit rien de plus : on se borna à convoquer chez le comte de Vendôme les ambassadeurs des princes, pour les mettre au courant de la situation. Ils ne montrèrent pas beaucoup d’empressement : seuls les ambassadeurs bretons répondirent à l’appel.

Le 20 juillet, après le repas offert par le cardinal, les ambassadeurs et les commissaires anglais se rassemblèrent dans une petite chambre. Là le marquis de Suffolk insista de nouveau pour que les ambassadeurs fissent connaître pleinement leur dernier mot ; on en ferait autant du côté des Anglais ; car, si l’on voulait aller d’offre en offre, on n’en finirait jamais.

Après s’être concertés, les ambassadeurs déclarèrent que, puisqu’ils étaient sollicités d’exposer pleinement toute leur charge, ils allaient revoir le texte des instructions reçues par eux et s’expliqueraient le lendemain ; ils demandèrent en même temps que, de leur côté, les commissaires anglais parlassent clairement et ouvertement, disant leur dernier mot. Ceux-ci promirent de le faire.

Le 21 juillet, une nouvelle conférence fut tenue au couvent des Jacobins. Les ambassadeurs ajoutèrent à leurs offres précédentes le Limousin, sous les protestations et conditions accoutumées.

Le cardinal d’York prit la parole. Il déclara qu’après les bonnes paroles dites par le Roi au marquis de Suffolk, après celles que le Roi avait fait transmettre au roi son neveu, à la suite de la conclusion du mariage, il ne pouvait croire que le Roi n’eût donné d’autre charge à ses ambassadeurs ; il supplia donc ceux-ci de s’expliquer pleinement, sans différer plus longtemps. — Pour Dieu, ajouta le marquis de Suffolk, dites tout pleinement, et nous parlerons à notre tour !

Les ambassadeurs conférèrent entre eux, et se décidèrent à faire l’abandon de la Saintonge et de tout le reste[35]. Le sire de Précigny n’avait-il pas laissé entendre à Suffolk jusqu’où l’on devait aller dans la voie des concessions ? Puisqu’on les requérait aussi doucement de se déclarer ouvertement, en leur remontrant que le Roi voulait sincèrement la paix et qu’il l’avait bien prouvé, ils n’avaient plus à persévérer dans leur réserve ; ils mettraient ensuite en avant le projet d’une convention à tenir entre les deux Rois.

L'archevêque de Reims prit donc la parole, et, rappelant tout ce que le Roi avait fait pour témoigner de son désir de la paix, il fit les dernières ouvertures ; il sollicita en même temps la partie adverse d’en faire autant, exprimant son étonnement de ce que, jusque-là, elle ne se fût pas expliquée plus franchement.

Après s’être entendu avec ses collègues, le cardinal d’York répondit que les commissaires de Henri VI n’avaient point fait d’ouvertures plus amples pour deux motifs : le premier, parce que les offres des ambassadeurs étaient les moindres qui eussent jamais été produites, et cependant les Anglais occupaient une plus grande étendue de territoire que dans le temps où l’on se montrait plus généreux ; le second, parce que leur maître était à portée, et qu’il fallait auparavant prendre son avis.

Plût à Dieu, s’écria alors le sire de Précigny, que les deux rois fussent ensemble et qu’ils pussent se voir ! Sans nul doute, ils feraient la paix. — Amen ! amen ! dirent tous les assistants.

On aborda aussitôt la question de la convention entre les deux rois. Chacun s’accorda à regarder cette solution comme la meilleure. Finalement, les ambassadeurs demandèrent aux commissaires anglais de voir leur maître sans retard et de l’entretenir de ce projet. Suffolk promit d’aller après dîner trouver le roi à Windsor.

Trois jours s’écoulèrent dans l’attente. Enfin, le vendredi 30 juillet, le roi d’Angleterre donna audience au comte de Vendôme, à l’archevêque de Reims et au sire de Précigny. Les trois ambassadeurs se rendirent à Fulham, manoir de l’évêque de Londres, situé à quatre milles de Westminster. Ils furent introduits dans la chambre de retrait. Henri VI était en compagnie de son chancelier, de Suffolk et du grand trésorier. L’archevêque porta la parole. Il exposa l’état des négociations. Les matières étaient grandes et touchaient les deux rois plus que chose au monde. Comme leurs serviteurs redoutaient d’y mettre la main, il avait semblé que, s’il pouvait se faire que les deux rois s’assemblassent et communiquassent entre eux, la chose prendrait meilleure et plus brève conclusion. A la vérité, ils savaient que le Roi avait très grand désir de voir le roi son neveu et qu’une telle entrevue lui serait très agréable. L’archevêque insista sur le bienfait de la paix, les maux de la guerre, la proximité du lignage, l’amitié qui existait déjà entre les deux princes ; il supplia le jeune roi de prendre la chose en main chacun était persuadé que, au plaisir de Dieu, les deux Rois ne se sépareraient pas sans conclure une bonne paix. Si donc il plaisait au jeune roi de consentir à ce que, durant la saison nouvelle, une convention fût tenue, on pourrait se borner à prolonger jusqu’à la Toussaint la trêve qui expirait le 1er avril suivant. Les pouvoirs des ambassadeurs les y autorisaient, car le Roi, désirant voir son neveu et estimant le délai suffisant, leur avait donné charge de consentir à cette stipulation. Et si le jeune roi voulait envoyer, en leur compagnie, certains de ses gens vers le Roi, ils s’emploieraient de tout leur pouvoir à faire aboutir ce projet, persuadés que si l’on demandait au Roi du temps ou toute autre chose raisonnable, il y donnerait son assentiment, car il était disposé à tout faire pour le bien de la matière et pour complaire au roi son neveu.

Le jeune roi parut prendre ces paroles très en gré : sa contenance témoignait de la satisfaction qu’il éprouvait. Chaque fois que le nom du Roi était prononcé, et que l’archevêque insistait sur l’affection que ce prince lui portait et sur le désir qu’il avait de le voir, le jeune roi soulevait son chapeau, en disant de très bon cœur ces paroles : Saint Jehan, grand merci !

Quand l’archevêque eut terminé, le cardinal fit retirer à l’écart les trois ambassadeurs, et les conseillers du trône s’entretinrent un instant avec leur maître. Puis le cardinal, s’exprimant dans un latin bien orné, déclara que le roi avait entendu ce qui avait été dit et avait pris connaissance de la requête faite par les ambassadeurs relativement à la convention entre les deux Rois ; le roi savait le grand bien résultant de la paix et les maux et inconvénients qu’entraînerait une guerre nouvelle, et emploierait volontiers à la conclusion de la paix une grande partie de l’héritage qu'il avait en France ; il aurait grand plaisir à voir le Roi son oncle ; si les offres faites par les ambassadeurs n’étaient pas de nature à le satisfaire, néanmoins, afin qu’on sût bien qu’il ne voulait épargner aucun labeur pour parvenir à la paix, il n’hésiterait pas à se transporter en France pour se réunir au Roi son oncle. Toutefois, comme une telle convention était affaire d’importance ; le roi ne pouvait l’entreprendre sans mûre délibération, grande mise et grand fondement, et aussi sans une prolongation de la trêve ; il fallait donc avant toutes choses que la question fût soumise à son Conseil[36].

Les premiers jours d’août furent employés à cet examen. Le Conseil privé ayant émis un avis favorable, des lettres patentes furent données, le 11 août, portant pouvoir à Adam Moleyns, garde du sceau privé, de traiter avec les ambassadeurs de France du renouvellement de la trêve[37]. Deux jours après un acte fut passé à Londres, par lequel les ambassadeurs de France, en vue de faciliter la tenue d’une convention entre les deux Rois, ce qui avait paru le meilleur moyen d’aplanir les difficultés pendantes, et pour donner aux deux parties le temps de préparer cette entrevue, déclaraient proroger la trêve jusqu’au 1er novembre 1446[38].

Les ambassadeurs quittèrent l’Angleterre après la conclusion du traité. Ils furent accompagnés par Adam Moleyns, personnage considérable, promu dès lors à l’évêché de Chichester, et qui devait jouer un rôle important dans les négociations subséquentes[39]. Le 18 septembre, à Tours, le Roi donnait son approbation au traité de Londres[40]. Adam Moleyns ne fit point un long séjour à la Cour, et repartit aussitôt avec une lettre de Charles VII pour le roi son neveu[41].

La diplomatie royale n’avait jusqu’ici obtenu que de bonnes paroles ; elle voulait autre chose : il lui fallait un gage. L’envoi d’une nouvelle ambassade fut décidé ; les envoyés choisis furent Guillaume Cousinot et Jean Havart.

Dans les lettres de pouvoir données le 17 octobre à ses ambassadeurs, le Roi disait qu’une ambassade ayant été envoyée en Angleterre en vue de la paix, on n’avait pu aboutir à aucun résultat, mais qu’on avait adopté un projet de convention personnelle entre lui et son neveu ; en même temps on avait prolongé la trêve. Depuis ces arrangements, le roi d’Angleterre lui avait envoyé le garde de son sceau privé, pour l’entretenir de plusieurs matières agitées à Londres avec les ambassadeurs de France. Adam Moleyns avait fait observer que le terme assigné à la prolongation de la trêve n’était point suffisant, et avait demandé une prolongation nouvelle, afin de faciliter le passage outre mer de son maître. Mais certaines difficultés n’avaient point permis d’arriver à un accord sur ce point. Le Roi avait donc décidé de renvoyer une ambassade en Angleterre pour s’occuper des questions en litige ; il désignait Cousinot et Havart, et les investissait de la mission de prolonger la trêve et de promettre en son nom qu’il se rendrait, dans le lieu et au temps convenus entre ses ambassadeurs et les conseillers du roi d’Angleterre, à la convention qui devait se tenir avec ce prince[42].

Ce n’était pas là l’objet principal de la mission des deux ambassadeurs.

Le jour même où Charles VII donnait à Montils-les-Tours les lettres que nous venons d’analyser, le roi René en donnait d’autres, au château d’Angers, portant procuration à Cousinot et à Havart. René exposait que récemment, par le bon plaisir et vouloir de monseigneur le Roi, le mariage de sa fille Marguerite et de Henri, roi d’Angleterre, avait été accompli, dans l’espoir que, pour l’affinité et l’amour qui raisonnablement, à cause dudit mariage, se devaient ensuivre entre son très cher fils et lui, on pût résoudre plus facilement aucunes différences étant encore à appointer sur le traité de paix finale entre le Roi et le roi d’Angleterre. Et mesmement, ajoutait René, que esperons fermement que, par le moyen dessusdit, la délivrance de la comté du Maine, ou de ce que nostre dit très cher fils y tient, nous sera faicte, ainsi que de ce l’avons requis. En même temps René avait proposé la conclusion d’une alliance à vie et d’une trêve de vingt ans entre lui et son très cher fils, pourvu qu’il plût au Roi de lui en donner congé et licence. Le Roi y ayant consenti, et lui ayant fait remettre à cet égard ses lettres patentes, René, espérant que par le moyen desdites alliances et trêves, et autres choses dessusdites, quelque bonne voie se pourrait trouver, et qu’on parviendrait plus facilement à la conclusion de la paix, donnait pouvoir à Cousinot et à Havart de traiter en son nom avec le roi d’Angleterre de bonne et vraie alliance, ligue et confédération à vie ou à temps[43].

Une lettre de créance pour le roi d’Angleterre, portant la même date, fut remise par René aux deux ambassadeurs[44], qui partirent avec des lettres de Charles VII pour le roi d’Angleterre et la reine Marguerite[45].

Que se passa-t-il entre les conseillers de Henri VI et les ambassadeurs français ? Les documents sont muets à cet égard. Tout ce que nous savons, c’est que, le 12 novembre, Henri VI, donnait des pouvoirs au marquis et comte de Suffolk, à Adam Moleyns, à Jean, vicomte de Beaumont, et à Ralph Butler, lord Sudeley, pour traiter avec les ambassadeurs de Charles VII[46]. Le 19 décembre suivant, plusieurs actes étaient passés. Par le premier, la trêve entre la France et l’Angleterre était prolongée jusqu’au 1er avril 1447[47] ; par le second, les commissaires du roi d’Angleterre promettaient en son nom qu’il passerait la mer avant le 1er novembre 1446 pour se trouver à la convention qu’il devait tenir avec Charles VII[48] ; par le troisième, les ambassadeurs de France promettaient au nom de leur maître qu’il se rendrait, avant le jour fixé à Paris où à Chartres, pour l’entrevue qu’il devait avoir avec le roi d’Angleterre[49].

Cousinot et Havart reprirent aussitôt le chemin de la France. Ils étaient porteurs d’une lettre de la reine Marguerite et de deux lettres de Henri VI.

La lettre de Marguerite était datée du manoir de Sheen, le 17 décembre. La jeune reine se félicitait de la bonne amour et du vouloir entier que le Roi son oncle témoignait au roi son seigneur et à elle, et de la fructueuse disposition et libérale inclination qu’il avait en faveur de la paix ; elle l’en remerciait de bon cœur et si chèrement qu’elle pouvait, car, disait-elle, greigneur plaisir ne pourrions en ce monde avoir que de voir appointement de paix finale entre Monseigneur et vous, tant pour la prouchaineté de lignage en quoy attenez l’un l’autre, comme pour le relievement et repos du peuple chrestien, qui tant longuement par guerre a esté perturbé. Quant à la délivrance du comté du Maine, désirée par le Roi, et aux autres choses contenues dans ses lettres, elle savait que le roi son seigneur lui écrivait à ce sujet. Neantmoins, disait-elle, en ce ferons pour vostre plaisir au mieulx que faire pourrons, ainsi que tousjours avons fait[50].

Les deux lettres du roi d’Angleterre portaient la date du 22 décembre. Dans la première, il assurait le Roi qu’il était entièrement disposé à conclure la paix moyennant des conditions honorables pour les deux Couronnes. Ne revoquez point en doubte, disait-il, que nous avons envers vous vraye amour et entière dilection, et nous seroit bien grant soulaz et entier reconfort de vous povoir veoir et familièrement communiquer avec vous, comme avec celui à qui nature nous incline à toute bonne amour et que sur tous les autres plus desirons de veoir[51]. — Dans la seconde, il prenait en ces termes l’engagement de faire l’abandon du comté du Maine :

Très hault et puissant prince, nostre très chier oncle, pour ce que savons que seriez très joyeux que fissions la délivrance de la cité, ville et chastel du Mans, et de tout ce que avons et tenons en la comté du Maine, à très hault et puissant prince et nos très chiers père et oncle le Roy de Secille et Charles d’Anjou, son frère, ainsi que par vos gens et ambassadeurs, présentement envoyez devers nous, nous a esté plus à plain dit et exposé, et lesquels bien affectueusement de par vous nous en ont requis, et en outre dit qu’il vous sembloit que c’estoit un des meilleurs et convenables moyens pour parvenir au bien de paix entre nous et vous, voulans monstrer par effect le grant voloir et affection que avons de entendre oudit bien de paix et de quérir tous moyens convenables pour y parvenir, pour l’amour et affection que avons à vostre très noble personne, à laquelle, en tout ce qui nous seroit honnorablement possible et licite, voudrions complaire de très bon cuer ; en faveur aussi de nostre très chière et très amée compaigne la Royne, qui de ce par plusieurs foiz nous a requis, et pour contemplacion de nos diz père et oncle, pour lesquels bien raisonnable chose est que fissions plus que pour autres qui ne sont pas si prouchains de nous et que nous esperons avec ce que la matière de paix principale s’en conduira mieux et prendra plus briève et meilleure conclusion, ainsi que avons entendu par vos diz gens et ambassadeurs, vous signifions, promettons en bonne foy et en parole de Roy, de baillier et délivrer realment et de fait, en faveur et contemplacion de vous principalement, à nos diz père et oncle le Roy de Secille et Charles d’Anjou son frère, ou à leurs commis et depputez en ceste partie, cessans et non obstant toutes excusacions et empeschemens, lesdictes cité, ville et chastel du Mans, ensemble toutes les villes, chasteaux et forteresses, et tout ce que avons et tenons et qui est en nostre obéissance en la comté du Maine, dedans le dernier jour d’avril prouchainement venant, et d’envoyer do nos gens et officiers par devers vous avec povoir suffisant pour faire ladicte délivrance, ainsi que dessus est dit, et tout sans fraude et deception quelconques, en nous baillant les lettres originales de congé de par vous donné à nos diz père et oncle le roy de Secille et Charles d’Anjou, son frère, de prendre aliances à leurs vies et faire trêves avec nous pour le pays d’Anjou et du Maine durant vingt ans, en la forme et manière dont par vos diz ambassadeurs nous a esté baillée la copie sous leurs sceaux et seings manuels.

Et en oultre, pour plus grant seurté des choses dessus dictes, et pour vous complaire, et ad ce que y àjoustiez plus grant foy, nous avons voulu ces présentes signer de nostre main et à icelles faire mettre et poser nostre scel de secret.

Henry[52].

Ce document, qui devait servir de base aux revendications de Charles VII pour la délivrance du Maine, est d’une si haute importance, qu’il convenait de le transcrire in extenso. Il permet d’apprécier dans quelles circonstances et à quelles conditions fut pris l’engagement de Henri VI. En même temps il fait justice des accusations et des erreurs accumulées à ce sujet par les historiens[53].

Quelques jours après, le héraut Garter partit pour la France, porteur d’une nouvelle lettre en date du 2 janvier 1446, dans laquelle le roi d’Angleterre renouvelait l’assurance de ses dispositions favorables à la paix et à la convention projetée[54].

Tout semblait donc indiquer qu’on tendait à un prochain accord et à une complète pacification.

 

 

 



[1] Voir plus haut chapitre III.

[2] C'est ainsi que le duc d'York n'hésitait point à qualifier Charles VII ; la lettre portait cette souscription : A très hault, très excellent et très puissant prince, et très redoublé seigneur le Roy.

[3] Lettre originale signée, en date du 18 avril 1445. Ms. fr. 4054, n° 35. Éd. Stevenson, t. I, p. 79.

[4] Lettre datée de Keurres-les-St-Mihiel (Kœur), le 14 mai, visée dans celle du duc du 10 juin.

[5] Lettre originale signée. Le Grand, vol. IV, n° 2.

[6] Lettres du duc d'York au Roi, en date des 21 septembre et 21 décembre 1445. Originaux signés, Ms. fr. 4054, n° 34 et 85. Éd. Stevenson, t. I, p. 160 et 168.

[7] Un auteur du temps a mentionné ce fait : En ce temps, de par le duc d'York d'Angleterre, estoit audit lieu de Chaalons grant ambassade devers le Roy, nostre dit sire, afin de demander une des filles de France pour ledit duc d'York, laquelle luy fut refusée. Journal du prieur Maupoint, l. c., p. 36.

[8] Nous n'avons pas rencontré le texte de ce traité, qui est visé dans divers documents émanés de la chancellerie anglaise. Voir Archives nationales,68, n° 12 et 127, et Beaurepaire, les États de Normandie, p. 86. Voici d'après des lettres de Charles VII en date du 15 juillet 1444 (Archives du Nord, B 1538), quelles avaient été les stipulations précédemment faites : Ès lieux et paroisses de nostre oheissance qui, durant la guerre, ont esté appatichées tant aux Anglois que aux gens de nostre party, doresenavant lesdictes treves, seront prins et lever, par maniere de taille, par nostre receveur general sur le fait des appatis ou ses commis, semblables taux ausquelx ils ont este imposez et qu'ils paioient à iceulx du party des Anglais, et aussi par tels et semblables taux que on a levé pour les gens de nostre party par forme de taille depuis le premier jour de janvier derrain passé, ou lien des appatis qui par avant ledit jour estaient prins et levez ès aultres lieux et paroisses de nostre obeissance esquelx lesdiz Anglais ne percevaient aucuns appatis, et qui, depuis ledit premier jour de janvier, ont paié taille aux gens de nostre parti ou lieu des appatis que paioient par avant ledit jour, pareille taux qu'ilz ont paié par fourme de taille, comme dit est. — A Nancy, il fut décidé que les Anglais paieraient annuellement une somme de 22.500 l., plus une somme de 2.156 l. par semestre à la garnison de Bellême.

[9] Voir l'original signé par Suffolk. Pièces originales, 1494 : HAVART, n° 16.

[10] Et mesmement de ce que nous avez escript par vos dictes lettres que, pour plus amplement nous declairer vostre entencion et traictier final appointement avecques nous sur le fait de ladicte paix, et aussi pour nous visiter et savoir la certaineté de nostre bonne prosperité, avez deliberé de briefment envoier par devers nous de voz gens notables, sommes très joyeux, et vous en remercions si effectueusement et de cueur comme plus povons; desquelles gens desirons la venue et les verrons joyeusement, voulontiers et de cuer. Original, ms. fr. 4054, n° 24 ; éd. Stevenson, l. c., t. II, p. 356-360.

[11] Ms. fr. 4054, f. 39 ; Rymer, t. V, part I, p. 143. — Plusieurs paiements relatifs à cette ambassade sont mentionnés dans les comptes. Le comte de Vendôme reçut 1.500 l. t.; le comte de Laval, 2.000 l. ; le sire de Précigny, 600 l. ; Cousine, 300 l. ; Cousinot et Chevalier reçurent ensemble 400 l. Huitième et neuvième comptes de Jean de Xaincoins. Cabinet des titres, 625, f. 100, 104 v°, 105 et 110 v°.

[12] Ils passèrent par Paris le 20 juin. Journal du prieur Maupoint, l. c., p. 36.

[13] C'étaient Guillaume de Malestroit, évêque de Nantes ; le seigneur de Guémenée, chancelier du duc, et Henri de la Villeblanche.

[14] C'étaient, pour le duc d'Alençon, Jean Gillain et le héraut Alençon, et, pour le roi René, Baudoin de Champagne, seigneur de Tucé, trésorier d'Anjou, conseiller et chambellan, et Guillaume Gauquelin, dit Sablé, secrétaire.

[15] A la date du 5 juillet. Voir Carte, Catalogue de rôles gascons, t. II, p. 314. Le même jour, un sauf-conduit fut délivré pour les ambassadeurs que le duc de Bourgogne devait envoyer à Londres (Rymer, t. V, part I, p. 143).

[16] ... Que les choses estoient en bons termes et seroient brief expediez mais qu'il ne tenst à eulx, et qu'ils n'eussent pas la bouche si close comme avoient acoustumé. Relation, p. 96. — La curieuse relation de cette ambassade, à laquelle nous empruntons les détails qui vont suivre, se trouve en minute à la Bibliothèque nationale dans le ms. 4054 ; elle a été donnée in extenso par M. Stevenson dans son précieux recueil de documents. Jusque-là, on ne la connaissait que par l'analyse qu'en avait faite Gaillard, d'après une copie moderne (anc. f. 8448, nunc. Fr. 3384) dans les Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. IV, p. 25-36.

[17] C'est ce qu'a très-justement reconnu M. James Gairdner, dans la remarquable préface des Paston Letters (p. XXXIV) : The people at large rejoiced in the marriage of their King ; the bride, if poor, was beautiful and attractive : the negociator received the thanks of Parliament, and there was not a man in all the kingdom — at least in all the legislature — durst wag his tongue in censure.

[18] La sagesse anglaise s'était jouée elle-même ; elle s'était chargée de rendre la France sage et c'est elle qui devint folle. Par la victoire, la conquête et le mariage forcé, l'Angleterre réussit à se donner un Charles VI. Michelet, Histoire de France, t. V, p. 182.

[19] Michelet, Histoire de France, t. V, p. 182.

[20] Nous avons choisi le comte de Warwick, disait Henri VI dans son ordonnance du 1er juillet 1428, ad nos erudiendum.... in et de bonis moribus, literatura, idiomate vario, nutritura et facetia. La première chose que Warwick stipula en prenant la charge de gouverneur, fut le droit de châtier. Voir Michelet, t. V, p. 113, note 1.

[21] Michelet, t. V, p. 183.

[22] Le Roy Henry n'estoit mie de bien vif ne aigu entendement pour savoir gouvrener de lui meisme son Royalme, mais lui convenoit avoir des gouverneurs qui pour lui entendissent à ses besoingnes. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 115.

[23] Chronique de Cousinot, p. 302.

[24] Wreten of myn hand, the day of my departyng fro titis land. Voir ce curieux document dans the Paston Letters, éd. de M J. Gairdner, t. I, p. 421.

[25] Dans l'acte d'accusation dressé contre lui en 1450, on lit que depuis douze ans il avait été the next and pryvyest of your counseill and steward of your honorable housbold. Rotuli Parliamentorum, t. V. p. 179.

[26] Monté jadis au trone anglois comme un second Roy, menant Francois et Anglois à deux mains en coupple. Chastellain, t. VII, p. 88.

[27] Prudens vir et in litteris satis competentur institutus erat. Thomas Basin, t. I, p. 189.

[28] Ils donnaient à entendre au Roy, secrettement, que sondit oncle de Clocestre ne desiroit autre chose qu'à le faire mourir et le debouter de son Royaulme... Et de ce les croyoit le Roy assez legièrement ; car de luy miesme estoit assez enclin à oyr telz rapports ou samblables. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 116.

[29] Rotuli Parliamentorum, t. V, p. 66 ; cf. Lingard, History of England (4e édit. Paris, 1826), t. V, p. 133, et Gairdner, the Houses of Lancaster and York (3e edit. London, 1879), p. 142.

[30] Rotuli parliamentorum, t. V, p. 74.

[31] Rotuli parliamentorum, t. V, p. 73-74.

[32] Rymer, t. V, part. I, p. 146.

[33] Il est, comme nous l'avons dit, dans Rymer, t. V, part. I, p. 133.

[34] Et que de ces autres euffres lors n’y respondit riens, pour ce qu’elles n’ont quelque apparence et que tout ce qui y est ne voult riens. Relation, dans Stevenson, p. 133.

[35] Et là conclurrent de dire tout Xantonge et tout. Relation citée.

[36] Relation citée. — Le récit qui s'y trouve prend fin ici.

[37] Bréquigny, 82, f. 237.

[38] Rymer, t. V, part. I, p. 147.

[39] Il était l'ami d'Æneas Sylvius, qui le mentionne avec éloge dans son Europœ status (chap. XLI).

[40] Copie du temps (sans date), dans le Ms. fr. 4054, f. 43 ; Rymer, t. V, part. I, p. 149.

[41] Lettre mentionnée dans celle de Henri VI, en date du 22 décembre suivant. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 151.

[42] Rymer, t. V, part. I, p. 149.

[43] Copie certifiée par Jacques Jouvenel, archevêque de Reims, Pierre de Brezé et Charles d'Haraucourt, aux Archives nationales, P 133418, n° 105, édité par Lecoy de la Marche, le Roi René, t. II, p. 458. — Une autre procuration fut donnée, à la même date et dans le même but, à Auvergnas Chaperon et Charles de Castillon, seigneur d'Alboigne, conseillers du roi de Sicile (P 133418, n° 106) ; mais celle-ci était conditionnelle, et Haraucourt a ajouté de sa main sur le document : Il y a ung aultre povoir en meilleur forme, duquel il se fauldra ayder, et non pas de celuy-ci, sinon en cas de necessité et pour eviter la rompture de la delivrance du Maine. Voir Lecoy, t. I, p. 250, note.

[44] Copie certifiée par Charles d'Haraucourt. Archives, P 133418, n° 117, édité par Lecoy, le Roi René, t. II, p. 259.

[45] Lettres visées dans la lettre de Henri VI du 22 décembre et dans celle de Marguerite du 17 décembre (Stevenson, t. I, p. 164). — On voit par le Huitième compte de Jean de Xaincoins qu'une somme de 687 l. 10 s. fut versée aux ambassadeurs, pour partie de leur voyage qu'ils avoient fait en Angleterre. Jean Havart reçut en outre 400 l. Cabinet des titres, 685, r. 101 v°.

[46] Rymer, t. V, part II, p. 150.

[47] Rymer, t. V, part II, p. 151 et 155.

[48] Rymer, t. V, part II, p. 153 (avec la date du 10, évidemment fautive). — Henri VI ratifia ces deux actes le 2 janvier suivant.

[49] Rymer, t. V, part II, p. 156.

[50] Original, Ms. fr. 4054, f. 37, édité par M. Stevenson, t. I, p. 164.

[51] Original, Ms. fr. 4054, f. 96 ; édité dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 151.

[52] Cette curieuse lettre, extraite des Worcester's Collections, a été publiée par M. Stevenson, t. II, p. [639-643].

[53] Tous les historiens anglais (et en France on les a fidèlement suivis) prétendent que, dès le mois de mai 1444, lors de la conclusion de la trêve, Suffolk avait pris l'engagement de céder à Charles VII l'Anjou et le Maine. Sans parler des actes d'accusation dressés en 1449 et 1450 contre Suffolk, le passage suivant de Berry (p. 430) semblait les autoriser à émettre cette assertion : Le Roy d'Angleterre, par le traité de son mariage fait entre luy et la fille du Roy de Sicile, avait promis, incontinent après ledit mariage, rendre ladite ville du Mans et les autres places qu'il tenoit en la comté du Maine. M. James Gairdner lui-même, le plus récent et le mieux informé des historiens qui se sont occupés de cette époque, donne le fait comme acquis (The Houses of Lancaster and York, 3e édit., 1879, p. 142). Et pourtant, dans la préface placée par lui, en 1872, en tête des Paston letters, le même écrivain disait, à propos du rôle de Suffolk lors de la conclusion du mariage (p. XXXIV) : If he had really commited any mistakes, they were as yet unknown, or at all events uncritised. Even the cession of Maine and Anjou at this time dœs not seem to have been speaken of.

[54] Original signé, Ms. fr. 4054, f. 38. Éd. par Stevenson, t. II, p. 368.