HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE VIII. — L'ASSEMBLÉE DE NEVERS.

 

 

Coalition des princes formée par le duc de Bourgogne ; attitude de l'Angleterre. — Le duc d'Orléans se rend à la cour de Bretagne, où il se rencontre avec le duc d'Alençon ; traités du 6 mars 1441. — Nouveau voyage du duc d'Orléans ; réunion des princes à Rennes ; ils reçoivent un message du duc d'York. — Le duc d'Alençon se met en rapport avec les Anglais ; le duc d'York reçoit à Rouen des envoyés du duc de Bretagne et du duc d'Alençon. — Projet d'alliance entre Charles d'Anjou, comte du Maine, et Marie de Gueldres, nièce du duc de Bourgogne ; ambassade française à Hesdin près du duc. — Le duc d'Orléans à Hesdin ; l'assemblée de Nevers est décidée en principe. — Nouveau voyage du duc d'Orléans à Rethel, en compagnie de Dunois, qui est envoyé vers le Roi à deux reprises. — Le duc Philippe se rend en Bourgogne ; son ambassade au Roi. — Résultat de la mission de Dunois ; le Roi consent à la tenue de l'assemblée et envoie deux ambassadeurs à Nevers. — Les princes à Nevers ; ouverture des conférences. — Les ambassadeurs retournent près du Roi, en compagnie de Dunois. — Réponse de Charles VII à Dunois. — Mémoire remis par les princes à Gaucourt. — Remontrances des princes, portées au Roi par une ambassade. — Mémorable réponse faite par le Roi à ces remontrances. — Conclusion.

 

Nous avons vu qu'au mois de décembre 1440 le duc de Bourgogne avait, de concert avec le duc d'Orléans, jeté les bases d'une coalition où devaient entrer le duc de Bretagne, le duc d'Alençon et d'autres princes du sang. Les relations entre Charles VII et Philippe le Bon prirent alors un caractère très tendu. Le voyage de la duchesse de Bourgogne à Laon, au mois d'avril 1441, ne fit qu'envenimer les choses. Il semblait que la rupture fût inévitable, et l'on crut déjà entendre comme un bruit d'armes.

C'est, en effet, une lutte qui se prépare entre le chef de la Maison royale et le représentant de la branche des ducs de Bourgogne, ou plutôt, comme on l'a dit justement, entre deux rois, car, de Charles ou de Philippe, le dernier n'est pas le moins roi des deux[1].

Ici apparaissent au grand jour les conséquences du traité d'Arras ; la politique bourguignonne se dessine avec netteté. Grâce à ses agrandissements de territoire, Philippe le Bon dispose d'une puissance considérable. Par ses alliances avec les princes ses voisins, il s'est assuré le concours des uns, la neutralité des autres. Par ses alliances avec les ducs d'Orléans, de Bretagne et d'Alençon, enrôlés dans son ordre de la Toison d'or, il occupe dans le royaume une foule de postes importants. Plus la royauté affermit son autorité et réprime avec énergie les menées ambitieuses des grands vassaux, plus le duc de Bourgogne s'efforce de contrebalancer un ascendant que, tôt ou tard, il redoute d'avoir à subir. Aussi ne laisse-t-il échapper aucune occasion de rattacher à sa cause tous les mécontents, et ils sont nombreux, d'accroître ses possessions territoriales, de façon à envelopper le royaume comme d'un inextricable réseau.

Dans cette politique, Philippe a pour auxiliaires beaucoup de ses sujets, qui redoutent l'influence française et ne veulent point se plier aux exigences des officiers royaux : les provinces bourguignonnes opposent une invincible résistance aux prétentions relatives à la juridiction, derrière lesquelles leur apparaissent d'onéreuses réclamations fiscales. En vain le Parlement de Paris ; voulant maintenir les droits de la Couronne, évoque à sa barre les causes des sujets du duc ; c'est une source de perpétuels conflits, car Philippe cherche, par tous les moyens, à se soustraire à la juridiction du Parlement, et il ne peut souffrir que les causes de ses sujets soient portées devant la cour souveraine du royaume.

Mais si le duc de Bourgogne rencontre, parmi ses sujets français, une sympathie qui l'encourage dans son opposition contre la Couronne, il n'en est pas de même chez ses sujets étrangers. Là, l'influence française va grandissant avec les succès de la cause royale, et cette influence s'exerce aux dépens du duc. Depuis longtemps Charles VII est en relations avec Liège : il y entretient des agents, il y envoie des ambassadeurs[2] ; un traité a même été conclu pour mettre les Liégeois en la bonne grâce du Roi et faciliter les relations commerciales[3]. Bientôt vont commencer des rapports avec les villes flamandes, Gand en particulier. Ajoutons, sans vouloir attacher à ce fait plus d'importance qu'il n'en comporte, que dans le sein même du Conseil ducal, Charles VII a des intelligences. Le chancelier Rolin est son obligé[4] ; Antoine de Croy, conseiller et premier chambellan, depuis longtemps le plus prochain de son maître, au dire d'un chroniqueur bourguignon[5], ne fait aucune difficulté d'accepter les dons du Roi[6]. C'était, il faut le dire, l'usage du temps, et l'on ne croyait point manquer par là au devoir de fidélité à l'égard de son seigneur[7].

Depuis l'échec subi à Laon, la diplomatie bourguignonne n'était point restée inactive. La duchesse Isabelle ne cherchait qu'une occasion de prendre sa revanche : elle espérait la rencontrer sur le terrain des négociations avec l'Angleterre.

Mais Charles VII connaissait les intrigues qui s'agitaient. Il ne voulait s'engager dans de nouvelles négociations qu'à bon escient et dans la pleine indépendance de son action. Aussi, dès le 28 avril 1441, au moment où la duchesse de Bourgogne venait de quitter Laon, avait-il, par délibération prise en Conseil, révoqué toutes lettres de pouvoir, scellées ou non, données par lui pour traiter avec les Anglais[8]. Si l'on se rappelle que le nom du duc de Bourgogne figurait en tète des plénipotentiaires désignés dans les lettres du 7 avril 1439, on pourra apprécier la portée de cette décision.

Une nouvelle conférence devait se tenir à Gravelines le 1er mai 1441, et, malgré la répugnance de Charles VII à envoyer sans cesse ses ambassadeurs dans des pays occupés par l'ennemi, il avait fait partir de moult notables ambassadeurs[9]. Mais, pas plus que l'année précédente, la conférence ne put être tenue. Et n'y fut rien besogné, lit-on dans un document émané de la chancellerie royale, pour la deffaulte des Anglois, qui n'y avoient envoyé que ung simple clerc, qui m'estoit point personne souffisante pour traictier de telle et si haulte matière[10].

Et pourtant, à la date du 10 avril 1441, Henri VI avait donné l'ordre de rédiger des instructions pour le baron de Dudley, Thomas Kyrie !, chevalier, Étienne Wilton, docteur en décrets, et Robert Whitingham, trésorier de Calais[11]. Le 14 mai suivant, des lettres de sauf-conduit, valables jusqu'au 16 août, étaient délivrées à dix ambassadeurs de Charles VII, qui devaient se rendre au lieu fixé pour la convention, sur les marches de Calais, savoir le comte d'Eu, l'évêque de Chàlons, le sire de Culant, Simon Charles, etc.[12] Le 22 mai, le roi d'Angleterre déclarait que, ses ambassadeurs ayant vainement attendu au lieu convenu les envoyés de son adversaire de France, depuis les premiers jours de mai, il donnait, à la requête du duc d'Orléans, de nouveaux pouvoirs au baron de Dudley, à Robert Roos, à Thomas Kyriel, etc.[13] Le lendemain, de nouvelles lettres de sauf-conduit étaient délivrées à une foule de conseillers de Charles VII, parmi lesquels figurent plusieurs princes, tels que le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, le duc d'Alençon, le vicomte de Lomagne, et des évêques : Guillaume de Montjoye, évêque de Béziers ; Guy de Rochechouart, évêque de Saintes ; Jean Jouvenel, évêque de Beauvais ; Guillaume de Champeaux, évêque de Laon. Ce n'est pas sans étonnement que, parmi les seigneurs auxquels ce sauf-conduit est donné, on rencontre le nom de Georges, sire de la Trémoille, ainsi qualifié : conseiller de nostre dit adversaire de France[14]. Le mois suivant, de nouveaux sauf-conduits sont délivrés au duc et à la duchesse d'Alençon, et à des seigneurs de leur suite, pour se rendre à l'assemblée qui doit se tenir sur les marches de Calais[15]. Enfin, le 28 juin, les ambassadeurs du comte d'Armagnac reçoivent également un sauf-conduit pour se rendre en Angleterre[16].

Quelle est la signification de ces actes ? Comment expliquer l'apparente contradiction qui existe entre certains d'entre eux et la déclaration de la chancellerie royale ? Nous croyons qu'en tout ceci le Conseil d'Angleterre agissait sous l'impulsion de la diplomatie bourguignonne. C'est elle qui tient les fils et qui, par tous les moyens dont elle dispose, tend à un but caché, connu seulement d'un petit nombre d'initiés.

Un revirement complet s'était opéré dans l'attitude du duc de Bourgogne. Ce n'était plus le temps où la duchesse Isabelle prenait résolument le rôle de médiateur et s'employait de tout son pouvoir à conclure la paix entre la France et l'Angleterre. Si la conférence du toc mai 1440 n'avait point été tenue, c'est qu'elle voulait traiter séparément l'affaire de la délivrance du duc d'Orléans. Ce résultat obtenu et ce prince ainsi conquis à l'alliance bourguignonne, elle était moins pressée de voir se rouvrir les négociations. Au lieu de se mêler, comme autrefois, à des conférences ayant pour objet la conclusion d'une paix générale, elle se préparait à traiter séparément avec l'Angleterre. Nous avons des lettres de Henri VI, en date du 11 juillet 1441, par lesquelles il nomme des commissaires — et ces commissaires sont les mêmes que ceux qui avaient été désignés pour traiter avec la France, — afin de conclure une trêve marchande avec le duc de Bourgogne[17]. Philippe avait son plan bien arrêté, et c'est le fils du prince assassiné par son père qui allait se faire l'instrument des desseins de la politique bourguignonne.

A. la fin de février 1441, le duc d'Orléans s'était mis en route pour la Bretagne. Le 1er mars il était à Nantes près du duc Jean[18]. Le duc d'Alençon y arriva de son côté. Les résultats de la mission du duc d'Orléans furent promptement obtenus. Par un acte en date du 6 mars, le duc de Bretagne déclara que, puisque il avait plu au Roi d'entendre à la paix générale entre les deux royaumes de France et d'Angleterre et d'ordonner que le duc d'Orléans, le duc de Bourgogne et lui intervinssent comme médiateurs, il s'engageait à tenir tout un chemin fermement, sans départir, avec ses deux beaux-frères, à la louange et gloire de Dieu, l'honneur du Roi, le profit et l'utilité des deux royaumes ; promettant en outre de protéger le duc d'Orléans et le duc de Bourgogne contre tous ceux qui s'aviseraient de leur porter dommage[19]. Le même jour le duc d'Alençon s'engagea à donner son appui aux princes médiateurs et à les défendre de tout son pouvoir si, à cette occasion, quelqu'un leur voulait courir sus[20]. Le lendemain, le duc d'Orléans prit un engagement analogue à celui du duc de Bretagne[21].

Ce qui prouve bien qu'il s'agissait d'un pacte d'alliance entre tous les princes du sang, c'est que, le 4 avril suivant, à Châteauroux, le duc de Bourbon contractait à son tour l'engagement de soutenir les ducs médiateurs et de les protéger contre toute attaque[22]. En retour, le 12 avril, le duc de Bretagne renouvelait les promesses contenues dans l'acte du 6 mars, et comprenait le duc de Bourbon dans l'alliance conclue entre les princes[23].

Une ambassade du duc de Bretagne partit pour faire connaître au duc de Bourgogne ce qui avait été conclu à Nantes[24]. De son côté, le duc envoya son roi d'armes Toison d'or porter au duc de Bretagne le collier de son ordre ; Toison d'or devait visiter au retour le duc d'Alençon et le duc d'Orléans[25].

A la fin de juin, au moment même où le connétable, le comte du Maine et d'autres princes du sang faisaient noblement leur devoir devant Pontoise, en compagnie du Roi, le duc d'Orléans quittait de nouveau son château de Blois. Du fond de la Hollande, le duc de Bourgogne lui avait envoyé plusieurs messages[26]. De Laon, puis de Saint-Omer, la duchesse de Bourgogne n'avait cessé de correspondre avec lui[27]. Charles d'Orléans se dirigea encore une fois vers la Bretagne : le 2 juillet il était à Rennes ; il se rendit à Plœrmel, où se trouvait Jean V, et revint à Rennes en sa compagnie. Le duc d'Orléans séjourna dans cette ville jusqu'au 1er août, défrayé de toutes ses dépenses[28]. Bientôt arrivèrent le comte de Dunois, le comte de Vendôme et le duc d'Alençon. Un envoyé de la duchesse de Bourgogne était accrédité près de Charles d'Orléans, et ne le quittait pas[29]. Les princes s'étaient mis en rapport avec le duc d'York, lieutenant général du roi d'Angleterre en France : on attendait un messager de ce prince, le roi d'armes Garter, qui était annoncé depuis quelque temps. Aussitôt sa venue, les princes tinrent conseil. Puis ils se dispersèrent. Le duc d'Alençon resta seul à la cour de Bretagne ; le duc d'Orléans, passant par Château-Gontier, La Flèche et Villedieu, retourna à Blois, en attendant le moment où, de concert avec les autres princes, il se rendrait près du duc de Bourgogne[30].

Le duc de Bretagne était en relations continuelles avec le duc d'York et la cour de Westminster. Le duc et la duchesse de Bourgogne avaient deux ambassadeurs en Angleterre[31]. Le duc d'Alençon, à son tour, entra en pourparlers avec les Anglais. Lui, le prisonnier de Verneuil, le compagnon de Jeanne d'Arc, le prince que l'héroïque Pucelle entourait de ses prédilections et appelait son beau duc, il ne craignit pas de s'aboucher avec les ennemis du royaume et de s'engager dans une voie qui menait droit à la trahison !

Un document en date du 21 juillet, sans indication d'année, mais qui, évidemment, se rapporte à 1441, ne peut laisser de doute à cet égard. Dans une lettre au chancelier d'Angleterre[32], le roi d'armes Garter[33] raconte que, descendant la Seine de Rouen à Honfleur, en se rendant, de la part du duc d'York, à la cour de Bretagne, il croisa plusieurs bateaux chargés de vivres. De l'un de ses bateaux s'éleva une voix : Garter est-il à votre bord ?Oui, répondit-on. Mais le temps était si mauvais, le vent tellement violent qu'il ne fut pas possible d'entamer une conversation : les deux bateaux continuèrent leur route, cinglant, l'un vers Honfleur, l'autre vers Rouen.

Sur ce dernier navire se trouvait un poursuivant du duc d'Alençon, chargé par son maître de conférer avec le héraut anglais. La nuit suivante, ce poursuivant envoya un message à Garter pour le prier de l'attendre, soit à Honfleur, soit à Caen. Dès qu'il eut pu le joindre, il lui fit la communication suivante. Le duc d'Alençon avait appris, de source certaine, que le donjon du château d'Argentan était au moment d'être livré par trahison aux Français, ainsi que plusieurs autres places de Normandie. Le duc avait fait partir en toute hâte son poursuivant pour en donner avis au cardinal de Luxembourg ; mais, auparavant, le messager avait passé par Argentan pour prévenir le capitaine et lui donner les noms des traîtres qui devaient livrer le château, lesquels avaient été emprisonnés. Et par ainsi, monseigneur, ajoutait Garter en rapportant le fait au chancelier d'Angleterre, ce doit estre remercié ledit duc d'Alençon, qui veult ainsi complaire au Roy[34].

Garter donnait ensuite des détails sur les dispositions du duc d'Orléans. D'après le poursuivant, ce prince et tous les autres seigneurs n'attendaient pour agir que la venue de Garter : Et semble, disait le héraut, puisque ces seigneurs se tiennent ensemble, que ne veulent point de guerre. Garter ajoutait que Jean d'Étampes et le héraut Bretagne venaient de traverser la Seine à Honfleur, se rendant près du duc de Bourgogne.

Le roi d'armes de l'ordre de la Jarretière, en écrivant au chancelier d'Angleterre,. et en le mettant si bien au courant des intrigues des princes, ne se doutait guère de la destination réservée à sa missive. Elle fut interceptée, et, au lieu de l'évêque de Bath, ce fut Charles VII qui l'ouvrit. Le Roi en fit faire aussitôt, par le capitaine de sa garde écossaise, Nicole Chamber, une traduction dont nous avons encore l'original, certifié par le notaire Adam Rolant[35].

On s'explique pourquoi le roi d'Angleterre montrait tant de bienveillance à l'égard du duc d'Alençon, et le traitait comme s'il eût été un prince de sa maison[36].

A peine le duc d'Orléans eut-il pris congé du duc de Bretagne, que celui-ci fit partir un de ses chambellans, chargé de rendre compte au duc d'York de ce qui se passait, et de lui exposer l'entier vouloir qu'il avoit au bien de la paix, à l'honneur du Roy (d'Angleterre) et au bien des royaumes de France et d'Angleterre. Le duc priait le lieutenant général de Henri VI en France, de lui prêter main forte, ainsi que Garter lui en avait apporté l'assurance, si aucuns de ceux qui sont devers l'adversaire du Roy vouloient porter dommage à ses pays et à ses sujets, et de prendre par lettres des engagements à cet égard. Le duc demandait les mêmes garanties pour le duc d'Alençon.

Le duc d'York, à la date du 5 septembre, répondit aux requêtes du duc de Bretagne : pleine satisfaction lui était accordée sur tous les points[37].

Le même jour, le gouverneur anglais fit délivrer, au nom de son maitre, un sauf-conduit au duc de Bretagne pour se transporter en Normandie, en compagnie du duc d'Alençon, et aller jusque dans le Calaisis au lieu où devait se tenir la convention pour la paix[38].

L'ambassadeur du duc de Bretagne, auquel avait été adjoint un envoyé du duc d'Alençon, séjourna à Rouen du 21 août au 5 septembre[39]. On était alors, au sein du conseil anglais, dans les anxiétés les plus vives au sujet du siège de Pontoise, que Charles VII venait de reprendre avec vigueur. Le duc d'York chercha à gagner du temps en entamant des négociations au sujet du fait du traité de la paix entre le roi d'Angleterre et ses ennemis et adversaires[40]. A la date du 7 septembre, il désigna trois ambassadeurs chargés de se rendre à Vernon, et de là, s'il en était besoin, à Mantes, pour s'y rencontrer avec de% ambassadeurs de l'adversaire de France, lesquels devaient y venir à bref délai. Jean de Mongomery, bailli de Caux, Walter Colles, conseiller du roi, et Jean de Rinel, secrétaire, partirent le 8. Le même jour un poursuivant, porteur de lettres et mandements du duc d'York pour Talbot, Scales et divers officiers royaux, était envoyé à Mantes. Talbot le fit partir aussitôt pour Paris, afin de solliciter des lettres de sauf-conduit pour les ambassadeurs anglais qui devaient prendre part aux négociations. Le poursuivant, retenu à Paris pendant huit jours, repartit en toute hâte dès qu'il eut obtenu les sauf-conduits. Mais les ambassadeurs, après avoir vainement attendu à Mantes jusqu'au 14 septembre, avaient repris le chemin de Rouen. Le poursuivant les joignit enfin le 17 à Pont-de-l'Arche, sur la route de Vernon, où le duc d'York les renvoyait. A Vernon, point de nouvelle des ambassadeurs français ; impossible de tenir la journée projetée. Le poursuivant fut envoyé à Mantes pour prendre des informations ; de là il poussa jusqu'à Conflans. Sur son chemin, il rencontra un messager de l'amiral de Coëtivy, apportant une excusacion, qui fut aussitôt transmise à Rouen au chancelier de Luxembourg[41].

Les actes où nous puisons ces détails ne nous disent pas quelle était la nature de cette excusation ; mais les dates parlent d'elles-mêmes. C'est le 17 septembre que les ambassadeurs anglais repartent de Rouen ; c'est le 22 qu'ils y rentrent. Or, entre ces deux dates, le 19, on l'a vu, Pontoise était tombé aux mains de Charles VII. Cet événement, qui, au point de vue militaire, avait une si haute importance, portait en même temps un coup funeste aux intrigues des princes, et rendait fort problématique la réunion de la conférence, fixée au Pr novembre, à laquelle devaient prendre part les dues de Bretagne et d'Alençon.

Malgré le refroidissement survenu entre les cours dé France et de Bourgogne, les relations n'avaient pas été interrompues[42]. Sur ces entrefaites fut mis en avant un projet d'alliance qui, en rapprochant les maisons d'Anjou et de Bourgogne, aurait pu améliorer les rapports de Charles VII avec son puissant vassal. Déjà, en février 1437, par le mariage de Jean d'Anjou, duc de Calabre, avec Marie de Bourbon, conclu sous les auspices du duc de Bourgogne, un premier pas avait été fait dans cette voie. Maintenant il s'agissait de faire épouser à Charles d'Anjou, comte du Maine, la propre nièce du duc Philippe, Marie de Gueldres. Le chancelier de France et Jean d'Aulon, écuyer d'écurie du Roi, se rendirent au commencement d'octobre à Hesdin, près du duc, et le prièrent de faire au duc et à la duchesse de Gueldres des ouvertures en vue de cette alliance[43]. Ces ambassadeurs avaient en outre mission de se rendre au lieu désigné pour la conférence avec les Anglais. Sur leur requête, le duc de Bourgogne envoya en Angleterre son roi d'armes Toison d'or, avec charge de prendre des arrangements à ce sujet[44]. Toison d'or repartit de Londres le 25 novembre, et fut bientôt suivi par trois ambassadeurs anglais[45].

Les envoyés de Charles VII venaient à peine de quitter Hesdin quand le duc d'Orléans y arriva. Convoqué officiellement à prendre part à l'assemblée des chevaliers de la Toison d'or[46], le duc, à la réception d'un nouveau message[47], avait hâté sa venue. Une escorte l'attendait à la frontière de France[48]. Il fit son entrée à Hesdin le 28 octobre, et y resta jusqu'après les fêtes de la Toussaint[49]. Que se passa-t-il dans cette entrevue entre les deux princes ? L'histoire ne nous apprend qu'une chose : c'est qu'il y eut entre eux plusieurs grans et estrois consaulx sur leurs affaires et besongnes, et qu'il fut décidé qu'une assemblée des princes du sang se tiendrait à Nevers, au commencement de l'année suivante[50].

Aussitôt après le départ du duc d'Orléans, Philippe fit ses préparatifs pour le voyage qu'il se proposait d'entreprendre. Par lettres du 6 novembre, il convoqua tous ses gens de guerre pour le 20, à Cambrai, afin de le suivre en Bourgogne[51]. En même temps, le maréchal de Bourgogne annonçait aux seigneurs de la contrée la prochaine arrivée du duc, pour résister aux écorcheurs, et leur donnait l'ordre de se mettre en armes[52]. La réunion annuelle des chevaliers de la Toison d'or fut décommandée, en raison des grandes affaires qui absorbaient le duc[53].

Le comte de Dunois avait été chargé de sonder le Roi relativement à l'assemblée que les princes se proposaient de tenir[54]. Le duc de Bourgogne fut bientôt informé que le Roi n'y mettait point d'obstacle. Le duc d'Orléans revint le trouver à Rethel le 7 décembre, en compagnie de Dunois. Il fut convenu que celui-ci retournerait en toute diligence vers le Roi, pour lui dire le bon vouloir des deux ducs au bien de lui et de sa seigneurie, et lui expliquer le motif du voyage du duc de Bourgogne ; Dunois devait en même temps faire connaître au Roi les dispositions favorables des deux princes au sujet du mariage de Charles d'Anjou avec Marie de Gueldres, et lui annoncer que le duc de Gueldres y avait donné son consentement[55]. En même temps un messager fut dépêché au duc de Bretagne pour le mettre au courant de la situation[56].

Le duc d'Orléans était de retour à Blois te 14 décembre. Nous avons une lettre qu'il adressa ce jour-là au Roi. En lui transmettant les lettres qu'il avait reçues du duc de Bourgogne et du chancelier Rolin, il s'informait de son bon plaisir. Devait-il se rendre directement à La Charité ? Devait-il auparavant se rendre à la Cour ? Le duc se déclarait prêt à suivre les ordres qui lui 'seraient donnés[57].

Parti de Rethel le 9 décembre, le duc de Bourgogne arriva le 21 à Dijon ; il s'empressa d'envoyer des ambassadeurs an duc d'Orléans et au Roi. Déjà il avait un ambassadeur accrédité près du Dauphin[58].

Les ambassadeurs bourguignons étaient Jean Jouffroy, doyen de Vergy, et Dreux, seigneur de Humières ; ils reçurent leurs instructions le 24 décembre. La première partie était relative au mariage du comte du Maine avec Marie de Gueldres et au voyage que le duc entreprenait dans ses pays de Bourgogne, afin de pourvoir à leur sûreté. Malgré les assurances données à Hesdin par le chancelier et Jean d'Anion au sujet des incursions des gens de guerre, ceux-ci étaient entrés dans ses possessions, y avaient longtemps séjourné, et s'y étaient rendus coupables d'innombrables excès, faisant tous explois de guerre que mortels ennemis peuvent faire en pays de conqueste, et proférant publiquement des paroles injurieuses contre le duc et ses gens, ce dont le duc était très desplaisant, et non sans cause. Le duc faisait connaître ces faits au Roi, tant pour s'excuser de n'avoir point répondu plus tôt relativement à l'affaire du mariage, que pour l'informer de la vérité ; il n'entendait d'ailleurs, pour le moment, faire aucune antre requête ou poursuite, afin qu'on ne pût dire qu'il voulait par là empêcher ou retarder le mariage projeté ; mais il se réservait, en temps et en lieu convenables, d'adresser au Roi de plus amples remontrances ; complaintes et doléances sur les torts et griefs qui lui avaient été faits, en plusieurs et diverses manières, depuis le traité d'Arras, au mépris de ce traité, espérant que bonnes et dues réparations lui en seraient faites ainsi qu'il appartenait.

La seconde partie des instructions avait trait à la mission des ambassadeurs près du duc d'Orléans. Ils devaient d'abord communiquer leurs instructions au duc, puis revenir près de celui-ci, après avoir exposé au Roi ce dont ils avaient charge, pour lui rendre compte du résultat de leur ambassade, et, conformément à ce qui avait été convenu à Rethel, rester près de sa personne, afin d'assister aux conférences qui se tiendraient entre le duc et les envoyés du Roi[59].

Un chevaucheur accompagnait les ambassadeurs, avec mission de tenir le duc de Bourgogne au courant des incidents qui pourraient se produire[60].

Charles VII était alors à Saumur. C'est là que le comte de Dunois était venu[61] le sonder relativement aux projets des deux ducs. Il semblait utile à ces princes, avait-il dit, de s'entretenir avec le Roi tant au sujet du mariage du comte du Maine que d'autres affaires touchant le bien du Roi et de sa seigneurie[62]. Le Roi mit l'affaire en délibération dans son Conseil, et ne tarda pas à donner une réponse favorable. Peu après il envoya son chancelier et Louis de Beaumont au duc d'Orléans pour confirmer ce qu'il avait dit à Dunois sur le bon vouloir dont il était animé et sur son désir de voir s'accomplir le mariage projeté. Les deux ambassadeurs devaient en même temps faire savoir au duc d'Orléans que le Roi avait pris envers le seigneur d'Albret l'engagement de se présenter en armes devant la ville de Tartas, conformément à la capitulation faite avec les Anglais, et que le jour fixé était le 1er mai. Le Roi ne pouvait séjourner longuement dans ses provinces du centre, car, pour rien au Monde, il ne voulait manquer à tenir la journée de Tartas ; il était donc nécessaire que le duc de Bourgogne avançât sa venue, et que le duc d'Orléans donnât à cet égard une prompte réponse au Roi. Aussitôt avisé, celui-ci se rendrait à Bourges, pour être à proximité du lieu où se réuniraient les princes.

Dès que le duc d'Orléans eut reçu la réponse du Roi, il envoya des messages dans toutes les directions : au Roi pour le prier d'écrire au duc de Bretagne afin qu'il hâtât sa venue ; au duc de Bretagne pour le presser de se mettre en route ; au duc de Bourgogne pour l'informer de la communication du Roi et le prier de se trouver le 28 janvier à Nevers. Enfin, tout en chargeant Philippe de prévenir le duc de Bourbon, il lui adressa directement une convocation.

Robert de Saveuses, que Charles d'Orléans députait au duc Philippe, avait charge de lui faire savoir que son maitre arriverait lui-même à Nevers le 28 janvier, en compagnie du duc d'Alençon et du comte de Vendôme, et qu'il amènerait avec lui le chancelier de France et Louis de Beaumont ; il devait en même temps le prévenir que, en présence des bonnes dispositions dont le Roi faisait preuve, il avait paru préférable de ne point donner suite à la mission dont le doyen de Vergy et le seigneur de Humières avaient été investis : ceux-ci allaient donc revenir, en la compagnie du duc d'Orléans, sans s'être rendus à la Cour[63].

Charles VII venait de quitter Saumur quand il reçut le message du duc d'Orléans lui annonçant que la réunion des princes était fixée au 28 janvier et lui demandant d'écrire au duc de Bretagne. Déjà il avait prévenu celui-ci par un de ses écuyers, Roland de Carné, alors en mission à la Cour. De Bressuire, où il se trouvait le 19 janvier, Charles VII envoya au duc une nouvelle lettre pour le presser de venir, ou tout au moins de se faire représenter, soit par son fils, le comte de Montfort, muni de ses pleins pouvoirs, soit par les plus notables d'entre ses conseillers. Le sire de Gaucourt fut chargé de porter cette lettre et de remettre en même temps au duc un sauf-conduit[64].

Le duc de Bretagne, n'étant point instruit du Changement survenu dans les projets des princes, fut tris surpris à la réception de la missive royale. Au lieu de répondre à l'invitation du Roi et de se mettre en route, il écrivit (27 janvier) au duc d'Orléans pour lui faire part de ses perplexités : Je ne puis aucunement connaître, disait-il, l'intention de monseigneur le Roi sur notre assemblée ; mais il me semble qu'il y a mutation de termes et autre latin, comme par ses lettres vous pourrez le voir à plein. Il se tenait, d'ailleurs, prêt à partir, et déclarait qu'il ne ferait rien sans le concours des princes, priant qu'on agit de même à son égard[65].

Cependant le duc de Bourgogne, après avoir séjourné à Dijon du 4 au 24 janvier[66], arriva à Nevers la date indiquée[67]. Le lendemain 29, Jean Jouffroy et Dreux de Humières lui présentèrent leur rapport[68]. Bientôt furent réunis, autour du duc, le duc et la duchesse d'Orléans[69], le duc et la duchesse de Bourbon, le duc d'Alençon, le comte de Vendôme, le comte d'Eu, le comte de Nevers et le comte de Montfort. Le Roi était représenté par deux ambassadeurs, le chancelier Regnault de Chartres et Louis de Beaumont, seigneur de Valens.

Les conférences ne tardèrent point à s'ouvrir. Les ambassadeurs déclarèrent tout d'abord que le Roi était satisfait de la réunion des princes et qu'il avait écrit au duc de Bretagne pour que ce prince se joignît à eux ; ils parlèrent ensuite du mariage du comte du Maine avec mademoiselle de Gueldres et des résultats favorables que ce mariage devait avoir pour tout le royaume ; ils annoncèrent que le Roi devait se rendre en personne à Tartes, afin de tenir la journée fixée au 1er mai, et que, dans ce but, il partirait, en compagnie du Dauphin, dans les premiers jours de mars ; que toutefois, s'il voyait les choses en bon train, il viendrait volontiers s'installer à Bourges, à proximité des princes ; mais qu'il faudrait que ce pût être à bref délai, de façon à ne point retarder son voyage, auquel rien ne le ferait manquer.

Les princes demandèrent alors aux ambassadeurs de leur faire connaître quels étaient les désirs du Roi et du comte du Maine relativement au mariage projeté, et de s'expliquer sur ce qu'ils avaient voulu dire en parlant des biens qui devaient en résulter pour le royaume.

Les ambassadeurs firent connaître les bases sur lesquelles ils avaient mission de traiter : 1° un million deux cent mille ridders devraient être payés comptant ; 2° sur les quatre cent mille écus d'or formant le montant du rachat des villes de la Somme, conformément au traité d'Arras, cent mille écus d'or seraient déduits, du consentement du duc de Bourgogne, pour convertir en l'avancement du mariage ; 3° le duc de Bourgogne abandonnerait ce dont le roi de Sicile lui était encore redevable sur ses pays de Bar et de Lorraine, en vertu du traité passé pour sa libération, savoir en principal une somme d'environ quatre-vingt-six mille écus ; 4° enfin les comtés d'Auxerre et de Gien-sur-Loire seraient donnés au comte du Naine.

Les princes s'étant récriés sur l'exagération de telles demandes, les ambassadeurs réduisirent finalement leurs prétentions à une somme de cent mille ridders et à l'abandon des comtés d'Auxerre et de Gien.

Quant aux grands biens qui, selon eux, devaient résulter du mariage, les ambassadeurs déclarèrent qu'il s'en suivrait l'amitié et appaisement des seigneurs du sang royal l'un avec l'autre, et leur réunion avec le Roi, sans vouloir entrer dans plus d'explications sur les autres grands biens qui vraisemblablement découleraient de cette alliance.

Après avoir entendu l'exposé des ambassadeurs et les explications fournies par eux, les princes firent donner leur réponse.

Sur  le premier point, savoir l'assemblée qu'ils tenaient à Nevers, les princes déclaraient qu'ils étaient si proches parents du Roi, que ses intérêts les touchaient de si près, qu'il leur était bien permis de se réunir et d'être et convenir ensemble quand bon leur semblait, tant pour le bien du Roi et de la chose publique que pour ce qui les concernait personnellement ; que toutefois, puisque le Roi se déclarait content de leur assemblée, ils en étaient joyeux et satisfaits.

Sur le second point, relatif au mariage projeté, les princes déclaraient voir ce mariage d'un œil favorable. Les convenances y étaient en ce qui touchait aux personnes ; mais les demandes produites leur semblaient excessives. Madame Catherine de France, mariée à monseigneur de Charolais, n'en avait point eu autant ; de même feu mademoiselle Catherine de Bourgogne qui, mariée au roi Louis de Sicile, frère aîné de monseigneur Charles et chef de l'hôtel d'Anjou, n'avait point apporté de terre en dot ; de même madame la princesse de Viane et madame la duchesse d'Orléans, nièces de monseigneur de Bourgogne, et pourtant si hautement mariées. D'ailleurs les comtés de Gien et d'Auxerre appartenaient à monseigneur le comte d'Étampes, le premier par héritage, le second par don et transport, et l'on ne pouvait en disposer sans son consentement. Au surplus, si monseigneur de Bourgogne avait trouvé son neveu le duc de Gueldres bien disposé à cette alliance, il ne savait point encore d'une manière formelle à quoi s'en tenir à cet égard, et il ignorait ce qu'il voudrait donner en mariage à sa fille.

Les princes déclaraient en outre que le duc de Bretagne n'étant point encore arrivé, ils ne voulaient, sur cette matière comme sur toute autre, rien conclure sans sa participation.

Les termes un peu vagues dont s'étaient servis les ambassadeurs de France donnèrent lieu à des critiques assez vives. H était pourtant expédient, voire même nécessaire, disait-on, de s'expliquer et de faire connaître la bonne volonté et disposition du Roi d'une façon plus nette. On ajoutait que, quand le duc de Bretagne serait présent, les princes en conféreraient avec lui, et que tous ensemble aviseraient à ce que leur sembleroit à declarer et à dire, remonstrer, conseiller et requerir au Roy, pour le bien de luy et de son royaume, et qu'ils lui notifieraient leurs résolutions en même temps que la réponse relative au mariage, afin que toutes choses fussent réglées à la fois.

Les princes soulevèrent ensuite la question de la paix générale. L'époque déterminée pour la tenue d'une conférence approchait. Ne voulant point, d'une part, qu'un bienfait si important que celui de la paix fût retardé, dissimulé ou mis en oubli ; jaloux, d'autre part, de témoigner du grand desir et affection qu'ils avaient au bien du Roi et de sa seigneurie, et voulant dégager leur responsabilité, les princes firent à ce sujet aux ambassadeurs une communication spéciale.

Ils insistaient sur ce qui avait été tenté en vue de la paix, sur les difficultés soulevées au sujet du lieu de réunion des conférences, que le roi d'Angleterre n'avait point consenti à changer ; ils demandaient que leurs remontrances fussent transmises au Roi, en lui faisant observer que ce serait grande pitié qu'un si grand bien que la conclusion de la paix fût 'compromis.par un dissentiment de si minime importance, et en réclamant une solution avant qu'il ne prit le chemin de Tartas.

Les ambassadeurs furent vivement interpellés sur plusieurs points. Les princes se donnoient grant merveille de ce que le Roi avait écrit au duc de Bretagne de se rendre par devers lui, bien que les ambassadeurs leur eussent affirmé que le Roi avait consenti à la venue de ce prince à Nevers et lui avait envoyé le seigneur de Gaucourt pour lui faire connaître son assentiment. Ils se plaignaient de la novelleté dont le duc d'Alençon avait été victime : on lui avait, sans le prévenir, enlevé la ville de Niort, qu'il tenait en gage pour vingt-deux mille cinq cents écus par lui prêtés au Roi, et cela sans lui rendre son argent et au mépris de l'engagement de ne rien faire au préjudice des princes pendant leur assemblée.

En conclusion, les princes chargeaient le chancelier et Louis de Beaumont de communiquer au Roi leurs demandes et réclamations, en le priant de vouloir bien y faire droit, et tout d'abord d'écrire au duc de Bretagne pour lui mander de venir à Nevers, et de faire au duc d'Alençon remise de la ville de Niort ou restitution des sommes avancées.

Il fut décidé que, pour savoir le bon plaisir du Roi, le comte de Dunois retournerait près de lui, en compagnie de ses ambassadeurs.

Dunois avait pour instructions de faire connaître en détail toutes les observations échangées entre les princes et les ambassadeurs. Il devait insister sur l'urgence d'une solution relativement aux deux points concernant les ducs de Bretagne et d'Alençon, afin que les princes, s'étant concertés, pussent envoyer vers le Roi soit à Bourges, soit ailleurs, pour traiter la question du mariage et les autres matières touchant si grandement au bien du Roi et du royaume[70].

Le Roi fit donner réponse au comte de Dunois par son chancelier. S'il avait mis Niort en sa main, c'était à cause des intelligences que les habitants entretenaient avec les places anglaises situées au-delà de la Charente et pour remédier aux graves inconvénients qui pouvaient en résulter pendant son voyage de Guyenne. Au surplus le Roi, très au regret de ne pouvoir faire mieux pour le moment, donnerait satisfaction au duc d'Alençon de la manière suivante : six mille écus lui seraient comptés immédiatement à Bourges ; avant le 15 août, il recevrait, soit à Angers, soit à Tours, dix mille écus, et le reste lui serait payé à la Toussaint, avec les arrérages depuis la prise de possession.

Quant à sa lettre au duc de Bretagne, le Roi l'avait écrite en toute bonne intention, et dans la forme qui lui avait paru la plus pressante ; de plus, Gaucourt avait, de vive voix, dit au duc que le Roi le priait très instamment de se rendre à La Charité ou à Nevers auprès des princes. Le Roi désirait fort la venue du duc ; elle lui semblait nécessaire ; mais quant à le mander présentement, cela ne lui paraissait pas convenable. Au surplus, le temps ne le permettait pas : le duc, étant en Basse-Bretagne, ne pouvait se trouver à Nevers avant la fin de mars ou la mi-avril. Or, le Roi s'était engagé à être devant Tartas le 1er mai, et rien au monde ne le ferait manquer à l'accomplissement de sa promesse. Si donc sa venue à Bourges semblait nécessaire aux princes, il convenait qu'il en fût informé à Poitiers avant le 10 février, afin de se trouver le 20 à Bourges et de pouvoir, vers le 1er mars, prendre le chemin de la Guyenne.

Le Roi, d'ailleurs, avait pu constater, par le rapport de ses ambassadeurs, que, tant que le duc de Bretagne serait absent, les princes n'étaient point très désireux de le voir se transporter à Bourges. Aussi était-il décidé à prendre son chemin vers le midi le plus droit qu'il pourrait. Il n'entreprenait ce voyage que par le motif indiqué à l'avance et qui touchait si grandement à son honneur et au bien du royaume ; les princes pouvaient être persuadés que, s'il lui avait été possible de l'ajourner, il l'eût fait volontiers et se fût rendu à Bourges, pour entendre et besogner à toutes choses dont il eût été conseillé par les princes, à son bien et au bien du royaume, par toutes voies à lui possibles et raisonnables.

Le Roi faisait savoir que son intention était, dès qu'il serait revenu de la journée de Tartas, de se rendre dans ses provinces du centre, à Bourges ou ailleurs ; en attendant, il était enchanté de voir les princes, et tous ceux qui voudraient se joindre à eux, s'assembler à Nevers ou ailleurs ; une fois de retour, il écrirait volontiers au duc de Bretagne d'y venir, car il désirait fort la venue du duo et estimait que sa présence était nécessaire. Et si tous les princes, ou quelques-uns d'entre eux, voulaient venir le trouver, il les recevrait très volontiers et de cœur joyeux, en tout honneur et bonne chère, et écouterait débonnairement les conseils qu'ils voudraient lui donner par l'organe de leurs ambassadeurs. En quoy, lit-on dans le texte de la réponse, il veult user et faire tout ce qui lui sera possible et de raison, comme il doit, et tellement que Dieu et tout le monde pourra connaître qu'il est enclin à vouloir tout bien, et ce qui sera à l'honneur et bien de son royaume et de sa couronne.

Le Roi priait les princes d'avoir, en son absence, ses pays, serviteurs et sujets pour recommandés, tant au sujet de la résistance à opposer à l'ennemi que des entreprises qui pourraient être faites par d'autres, car il avait en eux parfaite confiance.

Le dernier point traité était la question de la paix avec l'Angleterre. Le Roi avait toujours été disposé à s'en occuper par toutes voies licites et convenables ; il exposait les motifs pour lesquels il ne lui semblait pas possible de poursuivre les négociations, et demandait qu'au moins la conférence projetée fût reculée du 1er mai au 1er septembre ou au 1er octobre. D'ici là le Roi serait de retour, il aurait pu voir les princes, s'entendre avec, eux ou avec leurs ambassadeurs, et prendre un parti.

Joignant les actes aux paroles, le Roi prit immédiatement le chemin du midi : le 4 février il était à Saint-Jean-d’Angély ; le 10, il s'installait à Saintes.

On peut deviner avec quels sentiments les princes accueillirent les déclarations royales. Le premier mouvement fut sans doute celui de la colère : comme son père à Montereau, le duc Philippe dut porter la main à la poignée de son épée. Mais Charles VII n'était plus le faible roi de Bourges, contre lequel une coalition était chose facile. Les princes continuèrent à récriminer ; ils n'osèrent point agir.

Le sire de Gaucourt, porteur d'une lettre du Roi, était venu à Nevers en compagnie du comte de Dunois. Les princes lui remirent un nouveau mémoire. Ils insistaient sur la tenue d'une conférence avec les Anglais, à la date du 1er mai, entre Calais et Gravelines, si l'on ne pouvait obtenir une prolongation, — prolongation que, d'ailleurs, le duc d'Orléans et la duchesse de Bourgogne ne demanderaient qu'au cas où il n'y aurait pas mutation de lieu ; ils demandaient qu'avant de partir pour Tartas le Roi laissât des pouvoirs pour les ducs d'Orléans et de Bretagne, la duchesse de Bourgogne et tels autres seigneurs de son sang et de son Conseil qu'il voudrait désigner. Les princes témoignaient, en outre, leur vif déplaisir du procédé dont le Roi usait à l'égard du duc d'Alençon.

Tandis que Gaucourt retournait vers le Roi, le duc de Bourgogne faisait partir (14 février) Jean de Vauldrey, pour demander au duc de Bretagne de joindre ses ambassadeurs à ceux que les princes se proposaient d'envoyer au Roi[71]. Quelques jours après (24 février), il lui écrivit de nouveau[72].

Un mois fut employé, au milieu des fêtes et des divertissements inséparables de toute réunion princière[73], à dresser la longue liste des remontrances et des griefs des princes. C'est à la date du 12 mars que, la rédaction étant achevée, une ambassade[74] fut chargée d'aller présenter au Roi le mémoire rédigé à Nevers[75].

Les princes faisaient d'abord l'historique de ce qui s'était passé depuis l'ouverture de leur assemblée, en rappelant l'exposé présenté au nom du Roi par le chancelier et Louis de Beaumont, les réponses faites à cet exposé, la mission donnée au comte de Dunois, les déclarations rapportées par le comte et par Gaucourt ; ils reproduisaient les observations que ce dernier avait été chargé de transmettre, et insistaient de nouveau sur le grave préjudice causé au duc d'Alençon.

Les princes abordaient ensuite l'appréciation de la situation générale du royaume.

Il n'y a point de justice, et il est urgent que le Roi apporte un remède à cet état de choses, en faisant bonne et vraie justice et en réprimant les abus.

Les désordres des gens de guerre sont arrivés à un tel point qu'au temps passé on ne vit jamais rien de semblable ; il semble que le royaume soit une seigneurie abandonnée et que chacun y ait loi de mal faire ; à tout prix, il faut couper court à ces désordres. Une organisation méthodique, une solde régulièrement payée, voilà le remède : on devra licencier ou punir ceux qui ne voudront point se soumettre.

Les impôts sont ruineux : les sujets du Roi souffrent tellement que le royaume demeure en grande partie inhabité et qu'il deviendrait un désert si l'on n'y mettait un prompt remède. Les tailles sont imposées sans le concours des États, ainsi que cela devrait être et que les prédécesseurs du Roi avaient coutume de le faire. Le Roi doit cesser de pressurer ainsi ses sujets ; il ne doit point exiger d'eux plus qu'ils ne peuvent donner.

Le Roi devrait appeler les princes du sang à participer aux grandes affaires de son royaume, comme ses prédécesseurs l'ont toujours fait ; il sera donc requis de les convoquer désormais, et, en cela comme en autre chose, de leur attribuer l'autorité et les prérogatives auxquelles ils ont droit. Le Roi sera également requis de choisir, pour l'expédition des affaires, des gens notables, craignant Dieu et bien renommés de prud'homie, sages, experts, et étrangers aux divisions qui ont régné dans le royaume ; on lui demandera, en outre, d'avoir ces conseillers en nombre suffisant, sans laisser la direction dei affaires à un, deux ou trois seulement, comme cela a été fait plusieurs fois., et de s'appuyer principalement sur les princes et seigneurs de son sang, pour tout régler, de concert avec eux, au bien de son royaume.

En faisant ces remontrances, les princes sont mus par l'amour naturel qu'ils portent au Roi, par l'obligation qu'ils ont envers lui à cause des pairies, terres et seigneuries qu'ils tiennent dans le royaume, par leur intérêt personnel, car, après le Roi et le Dauphin, il n'est personne à qui la chose importe plus qu'à eux ; enfin par la grande pitié qu'ils ont du pauvre peuple et de la désolation qui est au royaume.

Les princes passaient ensuite à l'examen de leurs griefs particuliers.

Pour le duc d'Orléans, en faisant valoir ses anciens services et les infortunes qu'il avait subies, on demandait une provision convenable et la restitution de toutes ses terres et seigneuries.

Pour le duc d'Alençon, on exposait qu'il avait été ruiné par sa lourde rançon et par la perte de ses seigneuries, de telle sorte qu'il n'avait pas de quoi vivre ; et pourtant le Roi l'avait traité avec rigueur, détenant ses places, lui enlevant sa lieutenance générale, supprimant sa pension. On demandait pour ce prince justice et réparation de tous les torts qui lui avaient été faits ; on insistait sur ce point, en faisant observer que les Anglais lui avaient fait de grandes offres, et que, bien qu'assurément il n'eût que de bonnes intentions, en raison de sa pauvreté et de la manière dont le Roi le traitait, il pourrait se laisser entraîner à des actes qui tourneraient au préjudice du Roi et auraient de très fâcheuses conséquences.

Pour le duc de Bourbon, on rappelait les grands services rendus, soit par lui, soit par son père, mort prisonnier en Angleterre ; et pourtant il avait vu sa pension réduite. On en demandait le maintien intégral.

Pour le comte de Vendôme, on faisait valoir son long emprisonnement, la rançon qu'il avait eue à payer, la destruction de ses terres, la constante loyauté dont il avait fait preuve dans le service du Roi ; et cependant il avait été éloigné du Roi et de son hôtel ; les pensions et les biens qu'il avait reçus lui avaient été enlevés. On demandait qu'il fût rétabli dans sa charge de grand maître de l'hôtel et réintégré dans ses pensions et biens.

Pour le comte de Nevers, on invoquait les services rendus par son père et par lui, services qui lui avaient valu une pension de six mille livres et le profit des greniers à sel dans ses seigneuries ; or, on avait récemment mis empêchement à la jouissance du grenier d'Arcis-sur-Aube, et il n'avait pu encore obtenir le paiement de sa pension pour l'année présente.

Les princes se faisaient également les interprètes des réclamations du sire de la Trémoille, qui avait rendu au Roi de si grands et bons services, et qui, depuis son partement de l'hôtel royal, s'était vu retirer les places qui lui avaient été baillées en garde et avait été privé en outre d'une partie des sommes dont il devait jouir sa vie durant.

Les griefs personnels du duc de Bourgogne étaient enfin énumérés.

Le duc ne demandait au Roi ni office ni pension ; il désirait seulement que le traité fait entre le Roi et lui Rit strictement observé, comme le Roi s'y était engagé. Or ce traité n'était point encore exécuté dans son entier, et sur un grand nombre de points il avait été et était chaque jour violé, au grand préjudice du duc. Ses seigneuries étaient ravagées, ses sujets ruinés ; les gens d'armes du roi ne craignaient pas de vivre sur ses terres et de s'emparer de ses places, en commettant d'innombrables excès, en tenant à son égard le langage le plus injurieux. Jusque-là le duc s'était abstenu de faire aucunes sommations, requêtes et poursuites, ne voulant en rien compromettre les négociations entamées pour la paix générale du royaume ; il s'abstenait pour le même motif d'en faire autre poursuite, espérant que le Roi se déciderait à entendre par effet à cette paix générale. Mais il déclarait se réserver la faculté de produire, en temps et lieu, ses humbles requêtes et supplications, avec la confiance que le Roi y donnerait une juste provision, comme aussi de poursuivre toutes réparations, conformément au traité, lequel traité il restait d'ailleurs prêt à observer, et au surplus, ajoutait-il, être et demeurer toujours en l'amour et bonne grâce du Roi.

Les princes parlaient ensuite du mariage du comte du Maine avec Marie de Gueldres ; ils demandaient un délai, exprimant l'espoir que l'affaire aurait une solution favorable, et aussi que, par l'influence du comte  du Maine, le Roi donnerait provision aux choses sus énoncées, lesquelles étaient toutes pour le bien de lui et de son royaume, tellement et si complètement, que les princes, et en particulier le duc de Bourgogne, seraient d'autant plus enclins à l'accomplissement de ce mariage.

Toutes ces choses devaient être dites et remontrées au Roi, en la plus grande révérence et humilité et dans le plus doux et gracieux langage, de façon à ce qu'il n'ait cause de le mal prendre, mais au contraire de l'accueillir tout en bien.

Le duc de Bretagne devait présenter ses requêtes par l'organe de ses ambassadeurs, et les envoyés des princes devaient appuyer ces requêtes si le duc le désirait.

Dans le cas où le Dauphin n'aurait point été près de son père, les ambassadeurs avaient charge d'aller le trouver, de lui remettre les lettres des princes, et de lui présenter leurs requêtes, en le priant de s'employer près du Roi pour qu'elles fussent agréées.

Les ambassadeurs devaient demander réponse sur toutes choses et réclamer une prompte expédition, car les princes comptaient se réunir de nouveau à Nevers après les fêtes de Pâques, et ils étaient très désireux de connaître le bon plaisir du Roi.

Deux jours avant le départ des ambassadeurs, tous les princes avaient juré solennellement d'observer le traité d'Arras[76]. Ils ne tardèrent point à se séparer, en se donnant rendez-vous à Nevers aussitôt après réception de la réponse du Roi[77].

Charles VII était à Limoges, où il avait rassemblé son armée[78]. C'est là qu'il reçut les ambassadeurs des princes, et qu'il leur fit donner en sa présence, par l'évêque de Clermont, la mémorable réponse dont Monstrelet nous fournit le texte dans sa Chronique[79].

Sans revenir sur les points déjà traités, soit dans les communications faites en son nom, soit dans les déclarations de ses ambassadeurs ou du sire de Gaucourt, le Roi reprenait, article par article, les requêtes des princes.

Relativement à la paix avec l'Angleterre, le Roi déclarait qu'il n'avait cessé de la désirer et d'y tendre par tous les moyens qui étaient en son pouvoir, de façon à s'en tenir pour bien acquitté envers Dieu et le monde. Il avait, lors du congrès d'Arras, fait des offres très larges et plus amples qu'il ne l'aurait dû ; ces offres avaient été rejetées. Depuis, à la requête des ducs d'Orléans et de Bretagne, et avec l'agrément du duc de Bourgogne, en dehors duquel, malgré les ouvertures des Anglais, il n'avait rien voulu faire, il avait envoyé vers le duc de Bretagne ses ambassadeurs solennels, avec pleins pouvoirs pour fixer le lieu de la conférence à laquelle devait prendre part le duc d'Orléans, et dont le projet fut abandonné. Plus tard, quand, sur l'initiative du duc d'Orléans et de la duchesse de Bourgogne, il avait été décidé de tenir une conférence entre Calais et Gravelines, le Roi, pour complaire au duc d'Orléans et faciliter sa libération, y avait envoyé ses ambassadeurs, bien que le lieu de la réunion fût très lointain et en pays ennemi. Depuis la conférence de Gravelines, il n'avait cessé de se conformer à ce que la duchesse de Bourgogne avait stipulé pour la poursuite des négociations. Il avait réuni ses Trois États d'abord à Orléans, puis à Bourges ; c'est uniquement à cause de certaines divisions survenues alors, qu'il n'avait pu se rendre à cette dernière assemblée ; mais il avait envoyé ses ambassadeurs à la journée du 1er mai 1440, où les Anglais n'avaient point paru, et à celle du 1er mai 1441, où il n'était venu d'Angleterre qu'un simple clerc. Le Roi était prêt encore à envoyer ses ambassadeurs à une nouvelle journée, qui se tiendrait à la date du 25 octobre, soit entre Pontoise et Mantes, soit entre Chartres et Verneuil, soit entre Sablé et Le Mans. Il ne pouvait fixer une date plus rapprochée, parce qu'il voulait être revenu de son voyage de Tartas, parce qu'il tenait à convoquer à la réunion, avec les princes du sang, les prélats, nobles et gens notables de son royaume, et les représentants de la nation de Normandie, enfin parce qu'il voulait auparavant s'entendre avec les rois d'Espagne et d'Écosse, ses alliés, afin d'agir de concert avec eux, conformément aux traités qui unissaient ces princes à la couronne.

Mais, dès à présent, le Roi voulait faire connaître son sentiment aux princes, bien assuré qu'ils ne voulaient que sou honneur et le bien de sa Couronne. Faisant allusion aux paroles prononcées par l'archevêque d'York lors des conférences de Gravelines, le Roi déclarait que, pour rien au monde, il n'abandonnerait aux Anglais aucun territoire, si ce n'était pour le tenir en hommage, souveraineté et ressort de la Couronne, comme les autres vassaux de sou royaume. Car il ne voulait pas que ce que ses prédécesseurs avaient accru par leur vaillance, leur bon gouvernement et l'assistance de leurs sujets, fût ainsi perdu. Le Roi ne pouvait croire, d'ailleurs, que les princes du sang et les vaillants et notables hommes de son royaume y pussent consentir, ni même le souffrir, au cas où il s'y résignerait, eu égard à la noblesse et à l'excellence de la Couronne et Maison de France. Et pour que chacun pût connaître comment jusqu'ici le Roi avait rempli son devoir en poursuivant la conclusion de la paix, et qu'à l'avenir aucune charge ne lui pût être imputée, il faisait savoir aux princes que, pour qu'il en fût mémoire, il ordonnait d'enregistrer la présente réponse en sa Chambre des comptes.

Le Roi se refusait à écrire de nouveau au duc de Bretagne pour lui demander de se rendre à Nevers. Il ne lui semblait point, d'ailleurs, que ce fût chose raisonnable et convenable que les princes s'assemblassent, pour traiter des affaires du royaume, en son absence ou sans son commandement. Mais, à son retour du voyage de Tartas, il se proposait de les mander près de lui, pour avoir leur aide, conseil et secours, et mettre sur pied la plus nombreuse armée qu'il pourrait, afin d'entrer en Normandie et de travailler ainsi, soit à une conclusion plus favorable de la paix, soit au recouvrement de sa seigneurie par les armes, avec l'aide de Dieu et appui des princes.

Relativement au fait de la justice, le Roi déclarait qu'il n'avait cessé de choisir les membres de son Parlement parmi les plus sages et les plus habiles ; à la requête du duc de Bourgogne, il avait nommé douze conseillers désignés par ce prince ; jamais il n'avait négligé de faire droit aux requêtes des autres princes, quand elles s'étaient produites en faveur de gens capables de remplir les offices de judicature ; il désirait de tout son pouvoir la bonne administration de la justice et l'abréviation des procès, sans partialité pour personne. Aucune plainte ne lui avait été adressée à cet égard ; néanmoins, il écrirait à son Parlement et à ses autres officiers, et leur ferait les plus expresses recommandations pour que bon droit et prompte justice fussent faits à toutes les parties.

En ce qui concernait les gens de guerre et les désordres dont ils s'étaient rendus coupables, le Roi avait toujours eu les pilleries en horreur ; il n'avait rien épargné pour les faire cesser. Mais ses efforts avaient été paralysés : on lui avait fait plusieurs traverses qui l'avaient empêché d'y donner provision. Il était d'ailleurs bien décidé à y porter remède et à chasser toutes gens inutiles pour la guerre ; il demandait aux princes de ne point donner asile à ceux qui enfreindraient ses ordonnances.

Quant à la situation du royaume, le Roi était très déplaisant de la pauvreté de son peuple et voulait de tout son pouvoir le soulager. Déjà, l'année précédente, il s'était transporté en Champagne et y avait fait cesser les pilleries ; il en ferait de même dans les autres parties de son royaume, et ne cesserait d'agir jusqu'à ce que ce résultat ait été obtenu. On s'est plaint de l'excès des impôts : le Roi a plus ménagé les sujets des princes que les siens propres ; quand ceux-ci ont eu deux tailles par an à payer, les premiers n'en ont eu qu'une à leur charge ; encore les princes ont-ils pris cette taille à leur profit, ou en ont-ils empêché en bonne partie le recouvrement. Aussi a-t-il fallu que le Roi se créât d'autres ressources que celles qui lui seraient venues des pays des princes, pour subvenir aux frais de la guerre et à ses autres dépenses. Quoi qu'on ait pu dire, les aides ont été imposées par les princes et avec leur consentement. Pour les tailles, le Roi a convoqué les princes quand il l'a pu, ou les a avisés. Et pourtant, dans la situation critique où est son royaume, dont les ennemis occupent une grande partie et détruisent le surplus, le Roi aurait pu, de son autorité privée, lever des tailles, ce qui est interdit à tout autre sans son consentement. Point n'est besoin pour cela d'assembler les États, car ce n'est que charge et dépense pour le pauvre peuple, qui doit encore payer les frais de voyage des députés. Plusieurs seigneurs ont demandé qu'on cessât de faire de telles convocations, et ont consenti que des commissions pour lever les tailles fussent données par le Roi, selon son bon plaisir.

Le Roi ne s'était jamais occupé d'aucune matière importante sans en avoir donné connaissance aux princes, ou à la plupart d'entre eux ; il ne comptait point procéder autrement, car il entendait les maintenir dans leurs prérogatives et dans leur autorité. Il comptait que les princes se conduiraient de même à son égard, aussi bien que leurs sujets, comme ils étaient tenus de le faire.

Quant aux membres de son Conseil, il les avait choisis parmi les plus notables du royaume, sans s'inquiéter des divisions qui avaient existé dans le passé, divisions qu'il a tenu et qu'il tient pour oubliées.

Le Roi déclarait d'ailleurs prendre en très bon gré les remontrances des princes, convaincu qu'elles étaient faites en bonne intention.

Arrivant aux griefs particuliers de chacun, le Roi répondait article par article aux plaintes formulées.

Aucune terre n'a été enlevée au duc d'Orléans. Ce dont il se plaint a été fait au temps du feu Roi. Mais il peut être tranquille. Le Roi sait qu'il a été longtemps prisonnier, qu'il a beaucoup souffert ; aussi peut-il compter sur l'assistance financière du Roi et du royaume ; que les princes en fassent autant en ce qui concerne leurs terres et seigneuries, et lui prêtent pour cela leur concours.

Le duc d'Alençon a déjà été en partie désintéressé relativement à la prise de possession de Niort par le Roi, et ne tardera pas à l'être entièrement ; quant à sa lieutenance et à sa pension, lorsqu'il se conduira ainsi qu'il le doit faire, le Roi le traitera comme son parent et sujet, en se souvenant de la proximité du lignage et' des services que lui et les siens ont rendus au Roi et au royaume. Si le Roi n'a pas toujours agi ainsi à son égard, la faute en est à lui.

Le duc de Bourbon a si bien été payé de sa pension, que, sur les quatorze mille quatre cents francs de la présente année, le Roi a donné l'ordre de lui payer neuf mille francs, somme que ses gens n'ont point voulu recevoir à Bressuire, au mois de janvier dernier. Le Roi s'étonne donc qu'il puisse réclamer à ce sujet.

Le comte de Vendôme n'a point été mis hors de l'hôtel du Roi : c'est lui-même qui en est sorti ; quand il se conduira conformément à son devoir, le Roi fera ce qu'il appartiendra.

Le Roi veut bien continuer au comte de Nevers le paiement de sa pension, malgré les charges énormes imposées par la guerre ; mais il n'entend point que le comte laisse ravager la Champagne par ses garnisons du Rethelois, et il espère avoir' prompte satisfaction au sujet de ces pilleries. En ce qui touche le grenier à sel d'Arcis-sur-Aube, la Chambre des comptes prononcera.

Le Roi ne doit rien au sire de la Trémoille. Il fera faire une enquête à la Chambre des comptes pour savoir tout ce qu'il a eu de lui, contre raison, durant le temps qu'il a été, contre son gré, en sa compagnie, et depuis. Il fera aussi examiner ce qu'il a eu et pris, par voies obliques et induement, des habitants de Limoges et d'autres lieux. Cette enquête faite, si le Roi lui doit quelque chose, il le fera payer. Quant à la pension de neuf mille francs qu'il réclame, les pensions ne sont point des héritages ; elles sont données à volonté, par la faveur du prince, à ceux qui les méritent. Le Roi s'est montré, sous ce rapport, autant qu'il l'a pu, très libéral à l'égard des princes du sang et autres qui ont perdu leur fortune à son service, aussi bien qu'à l'égard de ceux qui se sont employés de leurs personnes aux grandes affaires de l'État.

Le duc de Bourgogne donne à entendre que le traité d'Arras n'a point été exécuté dans certaines de ses clauses et même qu'en un grand nombre d'articles il a été violé. Le Roi a toujours désiré et voulu avoir avec le duc de Bourgogne paix, amour et bon accord. Pour cela, il n'a rien épargné, et s'est montré fidèle observateur du traité ; il agira de même dans l'avenir. Pour mieux en favoriser l'accomplissement, il a bien voulu consentir au mariage de sa fille avec le comte de Charolais. Si quelque clause du traité n'a pas reçu encore son exécution, c'est que les grandes affaires qui ont absorbé le Roi ne lui ont point permis de le faire, ainsi qu'il l'eût voulu ; mais il a l'intention d'y : pourvoir au mieux et le plus promptement possible, de telle façon que le duc devra être content. Si des attentats directs au traité ont été commis, le Roi, l'ignore. Il ne voudrait pas que la moindre infraction se produisît de sa part. Il aurait bien, lui aussi, des plaintes à faire ; mais il s'en abstient pour le moment.

On a parlé des roberies et graves oppressions dont les gens de guerre du Roi se seraient, à diverses reprises, rendus coupables à l'égard des pays du duc. Mais cela a été au mépris des défenses édictées par le Roi et à sa très grande déplaisance. Dès que les faits allégués ont été portés à sa connaissance, il a envoyé le connétable pour faire évacuer les contrées occupées, et cette évacuation a eu lieu à bref délai ; car le Roi veut protéger les pays du duc autant et plus que les siens propres. On ne devrait point produire de semblables griefs, car, sous ce rapport, le Roi aurait, s'il le voulait, de justes motifs de plainte. Les gens d'armes du duc de Bourgogne n'ont-ils pas sans cesse passé et repassé sur les terres du Roi, en y faisant de, grands maux ? Faut-il rappeler le secours donné au comte de Vaudemont ? Et dernièrement, lors du voyage du duc et de la duchesse de Bourgogne, le pays de Langres et tous les environs n'ont-ils pas été dévastés et détruits, les gens et officiers du Roi saisis et rançonnés pour de grosses sommes, sans que, malgré toutes les poursuites, aucune réparation ait été faite ? N'a-t-on pas, par deux fois, fait abattre la place de Montagu appartenant à un sujet du Roi, pillé d'autres places, emprisonné les fils et les neveux de Jacques et d'Antoine de Chabannes, saisi deux jeunes filles en bas âge, confisqué ce qui appartenait à ces deux capitaines, alors employés au service du Roi ? Le Roi demandait qu'une réparation immédiate fût faite à ce sujet.

Relativement au mariage du comte du Maine, le Roi déclarait que, puisqu'on ne voulait point donner les terres dont il avait été question, son beau-frère n'était pas disposé à traiter sans possessions territoriales.

Enfin, en réponse à une réclamation présentée au nom du duc de Bretagne, le Roi consentait à donner main levée de certains biens saisis, sans toutefois porter préjudice à un arrêt du Parlement rendu contre le duc, et non obstant, disait-il, que, en Bretagne, on ne fait l'obéissance qu'on doit ni qu'on a fait du temps passé.

 

Telle était cette réponse, singulièrement habile, et d'autant plus accablante qu'elle était plus douce et plus modérée[80]. La féodalité apanagère put constater qu'elle avait trouvé son maitre. Durant leur séjour à la Cour, les ambassadeurs des princes purent être édifiés sur les dispositions du Roi et de son entourage. Si Charles VII avait obéi au sentiment des plus grands personnages de sa Maison et de son grand Conseil, il n'eût point usé de tels ménagements à l'égard des princes. Ce n'étaient, autour de lui, que rapports défavorables sur leurs agissements coupables, sur les démarches qu'ils faisaient pour attirer à leur parti les nobles, les gens d'église et le peuple, afin de réformer le gouvernement, et d'inaugurer un régime nouveau, au mépris de l'autorité royale, avec le concours des États généraux. Mais Charles VII se refusait à. croire que les princes voulussent sérieusement attenter à la majesté royale ; il témoignait en particulier beaucoup d'indulgence envers le duc de Bourgogne, disant que certainement, en raison du traité conclu récemment avec lui, il ne voudrait consentir à rien qui fût à son préjudice. Le Roi déclarait cependant que, s'il savait de source certaine que les princes eussent quelque mauvais dessein contre lui ou sa Couronne, il marcherait contre eux, toutes affaires cessantes, et ne les épargnerait pas plus que ses ennemis les Anglais[81].

 

 

 



[1] Dès maintenant la lutte est entre Charles VII d'une part, de l'autre Philippe le Bon et sa femme Isabelle, lutte entre le Roi et le duc, entre deux rois plutôt, et Philippe n'est pas le moins roi des deux. Michelet, Histoire de France, t. V, p. 311. Michelet dit ailleurs (p. 197), en parlant du traité d'Arras : Le Roi demandait pardon au duc, et le duc ne lui rendait pas hommage ; en cela il devenait lui-même comme Roi.

[2] M. Jehan de Hely, pour un voyage an pays de Liège devers l'evesque, XXX l. Extrait du compte de Guillaume Ripault (18 avril 1436-30 décembre 1438). Cabinet des titres, 685, f. 54 (nos citations de ce manuscrit, jusqu'à présent, ne portaient point l'indication du folio ; c'est tout récemment qu'il a été paginé).

[3] En chi temporal brut furent alloianche entre le Roy de Franche et monsangneur l'evesque de Liege et son paiis, si que tout che que les Liegeois poroient avoir forfait contre ledit Roy ne adamagiet, ilh les quittoit del tout et les pardonna, et que tout marchandise pusist alleir de l'onc paiis en l'autre. Chronique de Jean de Stavelot, publiée par Ad. Borgnet, p. 383. — Le P. Bouille, dans son Histoire de la ville et pays de Liège (t. II, p. 34), dit que ce traité fut passé au mois de juillet 1437.

[4] Le chancelier Rolin s'était enrichi par la confiscation : la plus grande partie de sa fortune se composait de biens confisqués sur des gentilshommes bourguignons restés fidèles à la cause royale. Lors de la conclusion du traité d'Arras, il fut convenu que, pour la grande affection qu'il avoit temoignée audit traité, il ne serait point tenu de restituer, conformément aux stipulations faites, les terres dont il jouissait. Cet arrangement fut confirmé par lettres du Roi, en date du 21 décembre 1435, attribuant à Nicolas Rolin la possession des seigneuries de Martigny-le-Comte, la Perrière, le Plessis, Lugny, Bragny et Gyé-sur-Seine. Le Roi s'engageait à dédommager les seigneurs ainsi privés de leurs héritages. Ce fut l'objet de contestations de la part de ces seigneurs ; on en peut voir le récit dans l'intéressante brochure de M. J. d'Arbaumont : Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne (extraite de la Revue nobiliaire, 1865, in-8°), p. 8 et suivantes. En 1439, Nicolas Rolin présenta au parlement des lettres patentes et des lettres closes données en sa faveur par le Roi. D'Arbaumont, l. c.

[5] Georges Chastellain, t. II, p. 63.

[6] Dans les négociations qui précédèrent le traité d'Arras, le duc de Bourbon, le connétable et d'autres ambassadeurs français, pour se rendre le premier chambellan favorable, lui avaient fait de belles promesses. Par lettes du 21 décembre 1435 — de même date que celles en faveur de Nicolas Rolin, — le Roi, en considération des grans peines. labours et travaux pris par Antoine de Croy à la conclusion de la paix, soit avant, soit pendant le congrès, et de ses bonnes et fructueuses diligences, ayant égard à la promesse de lui faire donner trois mille livres de rente ou une somme de trente mille écus d'or, lui octroya les château, ville et châtellenie de Bar-sur-Aube, avec assignation sur les greniers à sel et des aides jusqu'à concurrence de trois mille livres (Archives, P 2531, t. 170). Par d'autres lettres du 4 juillet 1438, le Roi déclara que la prévôté de Bar était comprise dans le don fait par lui (id., ibid., f. 169 v°). Enfin, par lettres du 22 avril 1441, données à Laon pendant le séjour de la duchesse de Bourgogne, Charles VII, en considération des grandes dépenses qu'Antoine de Croy avait dû supporter et des services rendus au Roi dans la conclusion de la paix avec le duc de Bourgogne, lui fit don d'une somme de dix mille réaux d'or. Bulletins de la commission royale d'Histoire, t. XII, p. 183.

[7] Pourtant les plus scrupuleux ne se permettaient pas de telles licences. On se rappelle le refus de Barbazan (voir t. I, chap. V).

[8] Délibération prise par le Roi en son grand Conseil à Laon, le 28 avril 1441, constatée par acte notarié, portant révocation de toutes lettres, tant en blanc que scellées et signées, données par le Roi pour traiter avec les Anglais, et annulant tout ce qui, en vertu de ces lettres, a pu être fait jusqu'à ce jour, à six heures du soir. Le texte est dans Brienne, 34, f. 311. On y lit : Et pour ce que ledit seigneur se doubtoit que lesdictes lettres, blancz mitez et signetz et autres n'eussent esté ne fussent toutes rapportées par devers luy et son conseil, et que les aucunes d'icelles pouroient estre ou avoir esté perdues, ou mises en autres mains que desdiz ambaxadeurs ; par lesquelles et par vertu d'icelles l'en a peu ou pouroit ou temps advenir faire aucuns traictiez, accords, obligations ou autres choses qui seroient ou pouroient estre ou grant prejudice et dommage dudit seigneur, icelluy seigneur voulans eviter ce que dit est, etc. Le Roi exceptait de l'annulation prononcée le pouvoir donné par lui le même jour à ses ambassadeurs, et les lettres ou blancs scellés signés de la main de ses secrétaires Dreux Budé, Jean de Dijon et Charles Chaligaut, ou de l'un d'entre eux.

[9] Ces ambassadeurs étaient à leur poste le 24 mai, car ce jour-là la du-chasse de Bourgogne envoyait de Saint-Omer à son mari des lettres closes pour aucunes choses secrètes pour lesquelles les ambassadeurs du Roi avaient été envoyés par deçà (Archives du Nord, B 1972, f. 97). On voit par les comptes de Compiègne que le chancelier et le comte d'Eu passèrent par cette ville le 26 mai (D. Grenier, 20 bis, 2e partie, f. 19).

[10] Réponse du Roi aux remontrances des princes, dans Monstrelet, t. VI, p. 30.

[11] Proceedings and Ordinances, t. V, p. 139-140. Le 6 mai, un poursuivant de la duchesse de Bourgogne allait du Quesnoy à Calais porter un sauf-conduit du Roi aux ambassadeurs qui devaient se rendre à la nouvelle conférence. Archives du Nord, B 1972, f. 87.

[12] Voir le texte de ce document dans Rymer, t. V, part. I, p. 107.

[13] Rymer, t. V, part. I, p. 108.

[14] Rymer, t. V, part. I, p. 108.

[15] 19 juin : sauf-conduit an duc d'Alençon et à 400 hommes de sa suite ; idem : sauf-conduit à la duchesse ; idem : sauf-conduit à Jean de Camberon, chambellan du duc d'Alençon, et à d'autres chambellans ou serviteurs de ce prince. Bréquigny, 82, f. 121, 126 (mention), 121, 131 v° (mentions).

[16] Bréquigny, 82, f. 135.

[17] Bréquigny, 82, f. 139.

[18] Ce jour-là il donna deux sauf-conduits à Raoul de la Houssaye et à Roland de Carné, serviteurs du duc de Bretagne, qu'il envoyait vers le Roi et ailleurs. D. Morice, t. II, col. 1346. — On voit par les Registres des comptes de Tours (vol. XXVIII, f. 52 v°) que le duc avait traversé Tours avant le 25 février.

[19] Original signé et scellé, aux Archives nationales, K 66, n° 17.

[20] Deux originaux simplement scellés, aux Archives de la Loire-Inférieure, E 121, et aux Archives nationales, K 66, n° 15.

[21] Original signé et scellé, aux Archives de la Loire-Inférieure, E 121.

[22] Original signé et scellé, aux Archives de la Loire-Inférieure, E 121.

[23] Considérant que le duc de Bourbon s'était allié avec les princes médiateurs et avait promis d'approuver tout ce qui serait fait par eux, le duc de Bretagne déclarait que, pour le grant desir et entière affection qu'il avait au bien de la paix, il s'engageait à tenir tout bon chemin fermement, sans departir, en la conduite et bien d'icelle paix avec lescliz beaux frères et nostre dit beau cousin de Bourbon ainsi ajoint avec eux et nous, comme dit est, à la louange et gloire de Dieu, l'honneur de mon dit seigneur (le Roi) proufit et utilité desdiz royaumes et de tout le peuple crestien ; il ajoutait que si quelqu'un voulait porter dommage à ses dits beaux-fières et au duc de Bourbon, ou à l'un d'eux, ou à leurs possessions, ou à leurs adhérents et alliés, il l'empêcherait, et leur donnerait assistance contre tous ceux qui peuvent vivre ou mourir. Enfin, le duc promettait de ne faire d'autre alliance avec personne sans le consentement de ses dits beaux-frères et cousins. D. Morice, t. II, col. 1327. — L'original, qui était parmi les titres du Bourbonnais (P 13591, cote 645), est en déficit. Voir Titres de la maison ducale de Bourbon, t. II, n° 5638.

[24] Le duc d'Orléans ne tarda pas à quitter Nantes ; il y était encore le 8, jour où il reçut en prêt de l'évêque Jean de Malestroit 3.000 réaux, qu'il s'engagea à rendre à la Toussaint. Ms. fr. nouv. acq. 3643, n° 801.

[25] Le 4 mai, Toison d'or allait du Quesnoy porter à Saint-Omer aux ambassadeurs du duc de Bretagne des lettres de la duchesse. Il remplit ensuite l'autre partie de sa mission, et revint le 8 juillet. Archives du Nord, B 1973, f. 87 et 109.

[26] Le duc envoyait en toute hâte, de Middelbourg, le 17 mars 1441, porter des lettres closes au duc d'Orléans, à Blois ou ailleurs, pour aucunes choses secretes. Le 23 mars, Bertrand, roi d'armes d'Artois, partit de Middelbourg, chargé d'un message pour le duc. Archives du Nord, B 1972, f. 81 v° et 126 v°.

[27] La duchesse avait reçu à Laon, le 15 avril, le rapport de Bertrand ; elle le renvoya aussitôt à Blois vers le duc (Id., ibid., f. 127). Il avait été question d'un voyage da duc d'Orléans vers la duchesse, car, au mois d'avril, un chevaucheur allait à Amiens donner au sire de Saveuses l'ordre de se mettre en armes pour aller au-devant du duc (Id., ibid., f. 87). Le 28 mai, Bertrand repartit de Saint-Omer, avec lettres closes de la duchesse an duc d'Orléans, touchant certaines matières secretes (f. 97 v°).

[28] Ces dates nous sont fournies par des comptes qui se trouvent dans le dossier ORLÉANS (Pièces originales, 2158, n° 548-551), et qui sont reproduits en partie dans l'ouvrage de M. A. Champollion, Louis et Charles d'Orléans, t. II, p. 339-340.

[29] Bertrand, roi d'armes d'Artois, fut renvoyé, le 7 juin, de Saint-Omer vers le duc d'Orléans à Rennes. Il fut employé dans cette mission jusqu'au 31 août. Archives du Nord, B 1972,  f. 127.

[30] C'est ce qui résulte de la réponse du duc d'York, en date du 5 septembre, citée plus loin, et d'une lettre du duc de Bourgogne, en date du 26 août, recommandant à Robert de Saveuses, alors à Coucy, de l'aviser de la venue du duc d'Orléans. Archives du Nord, B 1972, f. 111.

[31] Le 29 juillet 1441, Robinet de Vaulx, chevaucheur de l'écurie du duc, partait de Bruxelles pour porter des lettres closes du duc et de la duchesse à Henri Utenhove et Toison d'or, alors en Angleterre, pour certaines matieres secretes, et rapporter réponse Archives du Nord, B 1972, f. 104.

[32] Le chancelier d'Angleterre était alors John Stafford, évêque de Bath. Voir Proceedings and ordinances, t. V, passim.

[33] Le roi d'armes Garter se nommait John Smert. Stevenson, t. II, part II, p. 569.

[34] M. Stevenson, qui a publié ce document d'après le ms. fr. 4054, n° 13, avec la date fautive de 1447, placée en marge, a lu ici : Et par ainsi, monseigneur, ce droit est, remercie, etc. Nous avons rectifié le texte d'après le manuscrit.

[35] Ms. fr. 4054, n° 13 ; Stevenson, t. I, p. 189-193.

[36] Voir les sauf-conduits cités plus haut.

[37] Réponse du duc d'York à Bertrand de Boisriou, chambellan du duc de Bretagne, dans D. Morice, t. II, col. 1347.

[38] D. Morice, t. II, col. 1349.

[39] Lettres de Henri VI du 11 septembre 1441. Archives, K 67, n° 143.

[40] Quittance du 5 octobre, citée dans la note suivante.

[41] Lettres de Henri VI du 7 septembre 1441, données à la relation du duc d'York ; Quittance de Jean de Rinel, en date du 30 septembre ; Quittance notariée du poursuivant d'armes Graville, en date du 5 octobre ; Quittance de Walter Colles, du 17 septembre. Archives, K 67, n° 142 et 152 ; Bibl. nat., Ms. fr. 46068, n° 4406 ; Pièces originales, 818 : COLLES.

[42] Dès le mois de juillet, Bernard de Gère, panetier du duc, et le héraut Chasteaubelin furent envoyés en mission près de Charles VII, alors au siège de Pontoise. Peu après, Houdescote le poursuivant partit hastivement de Bruxelles pour porter de nouvelles instructions à Bernard de Gère (9 août). Le 30 septembre, Bonne Querelle le poursuivant portait de Hesdin au Roi des lettres closes. Archives du Nord, B 1972, f. 83 v°, 105 v°, 113 v° ; 1978, f. 65 v°. — Le 22 août, le duc avait fait apporter de Lille à Bruxelles le traité d'Arras, pour en besongner audit lieu de Bruxelles. B 1972, f. 110 v°.

[43] Voir Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 31.

[44] Le duc était alors en relations suivies avec les Anglais. Nous avons vu qu'Utenhove et Toison d'or y avaient été envoyés. Au mois de septembre, un messager alla leur porter des instructions du duc. La duchesse avait des agents à Calais. Le 7 octobre, Toison d'or partit de nouveau pour l'Angleterre, à la requête du chancelier de France et antres ambassadeurs du Roi, touchant la continuation d'une journée qui estoit prise à la Toussaint ensuivant pour le fait du traictié de la paix d'entre France et Angleterre. s Dans le courant d'octobre, Bertrand, roi d'armes d'Artois, fut envoyé en Angleterre, de par le duc et la duchesse, e pour aucunes matieres secretes, touchant mon dit seigneur. Archives du Nord, B 1972, f. 113 et 123 ; Lettres du 24 juillet 1444, id., B 1983.

[45] Ces ambassadeurs étaient Stephen Wilton, Edward Grymston et William Port. Proceedings and ordinances, t. V, p. 169 et 176.

[46] Mandement du 6 octobre : voyage de Toison d'or vers les ducs d'Orléans et d'Alençon et les comtes de Meurs et de Varnembourg. Archives du Nord, B 1975, f. 57 v°.

[47] Le 10 octobre, de Hesdin, Bertrand, roi d'armes d'Artois, allait lui porter une lettre du duc et demander la réponse. Archives du Nord, B 1972, f. 115 v°.

[48] Voir quittance de P. Bladelin du 29 octobre 1441. Archives du Nord, B 1974, n° 1. Cf. B 1972, f. 118.

[49] Le duc repartit le 3 novembre. Voir l'itinéraire du duc de Bourgogne, dressé par Gachard pour cette année. Collection des voyages des souverains des Pays-Bas, t. I, p. 85.

[50] Monstrelet, t. VI, p. 25-86. — Le duc de Bourgogne, par mandement du 2 novembre, fit compter au duc d'Orléans une somme de mille francs. Archives du Nord, B 1972, f. 187.

[51] Canat, l. c., p. 413.

[52] Canat, p. 414.

[53] Lettre en date du 20 novembre, visée dans les Comptes. Archives du Nord, B 1972, f. 120.

[54] Cela résulte des instructions données à Nevers par les princes à leurs ambassadeurs, instructions publiées dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 59.

[55] Instructions à Robert de Saveuses. Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 35.

[56] Chasteaubelin le héraut part de Rethel le 9 décembre pour porter des lettres closes au duc de Bretagne, touchant certaines matieres secretes ; il vacque durant cinquante jours. Archives du Nord, B 1975, f. 58 v°.

[57] Voici le texte de cette lettre :

Mon très redoubté et souverain seigneur, je me recommande tousjours tant et si très humblement comme je puis à vostre bonne grace. Et vous plaise savoir, mon très redoublé seigneur, que Jehan d'Amancier m'a envoyées les lettres que beau frère de Bourgogne et son chancellier m'ont escriptes, lesquelles presentement je vous envoye, affin que puissiez veoir le contenu d'icelles ; vous suppliant qu'il vous plaise me faire savoir bien au long comment vostre bon plaisir sera que je face, et se je tireray mon chemin droit à la Charité, ou se voulez que je passe par vous ; et s'il est ainsi que je doye par vous passer, me faire savoir vers quel temps je nie y trouveray ; et on cas que vouldrez que je tiengne l'aultre chemin, il vous plaise me mander vostre bon plaisir, et comment, en ensuivant icellui, me auray à gouverner. En moy tousjours mandant et commandant vos bons plaisirs et commandemens, pour les accomplir de tout mon pouvoir, comme raison est et tenu y suis, à.l'aide de Nostre Seigneur, qui, mon très redoubté et souverain seigneur, vous ait en sa sainte garde et vous doint bonne vie et longue. Escript au chastel de Blois, le XIIIe jour de decembre. Vostre très humble et très obeissant parent, subgiet et serviteur, le duc d'Orleans, etc. — CHARLES. — LEBOYS. — A mon très redoublé et souverain seigneur monseigneur le Roy. — Original, Ms. fr. 10288, f. 78.

[58] Du 1er décembre au 19 mai, Louis de Manimes (et non Marene), écuyer tranchant de duc, fut employé dans une mission près du Dauphin. Canal, l. c., p. 418 ; Archives du Nord, B 1975, f. 52 v°.

[59] Nous avons publié le texte de ces instructions dans les Preuves de notre édition de Mathieu d'Escouchy, p. 29-35.

[60] Ce chevaucheur, nommé Jean Coq, fut employé à cette mission pendant quarante jours commençant le 24 décembre. Les deux ambassadeurs partirent ce même jour et revinrent près du duc le 29 janvier. Archives du Nord, B 1975, f. 52 et 59 v°.

[61] Le 24 décembre 1441, le comte de Dunois donnait quittance de 100 écus d'or, à lui payés pour avoir été, par ordre du duc d'Orléans, trouver le Roi à Saumur. Original, Catalogue Joursanvault, n° 142 bis ; Catalogue Leber, n° 5696 (t. III, p. 129), actuellement à la Bibliothèque de Rouen.

[62] Documents reproduits dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 35 et 38.

[63] Instructions à Robert de Saveuses, l. c., p. 37.

[64] Le texte de la lettre a été donné dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 38-40. On remarquera le passage suivant : Et pour ce que bien vouldrions et desirons l'accomplissement dudit mariage et que volentiers vous verrions tous ensemble, serions bien joyeux, se possible vous estoit, que venissiez par devers nous nous accompaigner à leur dicte venue.

[65] Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 40-41.

[66] Itinéraire, dans Canat, p. 491. — Le 22 janvier, le duc fit partir un chevaucher, avec des lettres closes pour le duc de Savoie, touchant certaines matieres saintes. Archives du Nord, B 1975, f. 60 v°.

[67] Le 28, avant de quitter Decize pour se rendre à Nevers, le duc envoya un chevaucheur porter des lettres closes au duc de Bourbon, touchans la venue de mondit seigneur à Nevers, en luy signiffiant le petit logiz estant audit lieu pour la prouchaine assemblée qui y devoit estre. Archives du Nord, B 1975, f. 61.

[68] Le 29, le duc envoya son huissier d'armes, Jean Viguier, au sire de la Trémoille, quelque part qu'il soit, touchans aucunes choses secretes. Archives du Nord, 1975, f. 61 v°.

[69] Le 30, le duc envoya Jean Coq, chevaucheur de l'écurie, à Fontenay et ailleurs, pour rapporter nouvelles certaines de la venue de monseigneur d'Orleans à Nevers. Archives du Nord, 1975, f. 61 v°.

[70] Instructions données par les princes au bâtard d'Orléans. Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 41-43.

[71] Jean de Vauldrey, écuyer tranchant du duc, partit de Nevers le 14 février et revint près de son maitre le 4 avril. Archives du Nord, B 1975, f. 54. Cf. Canat, p. 416, et Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 90.

[72] Deuxième compte de Pierre Bladelin, dans Canat, l. c. — Le 18 février, il avait été question d'envoyer le doyen de Vergy et Dreux de Humières au Roi, pour certaines grandes affaires secretes. Il est probable que le duc ayant été avisé à ce moment du départ du Roi, retarda le départ de l'ambassade.

[73] Et y fit on moult grant feste, jouxtes, banquets et divers festimens les ungs avec les aultres. Olivier de la Marche, t. I, p. 250.

[74] Cette ambassade se composait de Jean Jouffroy et de Dreux de Humières. Ils partirent le 12 mars, accompagnés de Fusil le poursuivant et de Chasteaubelin le héraut ; celui-ci avait charge de revenir aussitôt que les ambassadeurs seraient arrivés à destination ; les deux ambassadeurs furent employés à cette mission jusqu'au 25 mai. Archives du Nord, B 1975, f. 52 et 83.

[75] Ce mémoire porte la date du 9 mars. Archives de la Côte-d'Or, B 11905. — Je l'ai publié en 1864, d'après une minute conservée à la Bibliothèque nationale (Collection de Bourgogne, 91), dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 52-91.

[76] Il y a aux archives de la Côte-d'Or quatre actes, en date du 10 mars 1442, portant les signatures du duc d'Orléans, du duc de Bourbon, du duc d'Alençon et du comte de Vendôme (ce dernier acte sans date). Archives de la Côte-d'Or, B 11904. Le 17 mars, Willequin Parmentier partait de Chaton après monseigneur le duc de Bourbon, jusques à Mascon, pour le fait de certain scellé concernant le traictié de la paix ; il revint près du duc de Bourgogne, à Dijon, le 6 avril. Archives du Nord, B.1975, f. 65 v°.

[77] Le duc de Bourgogne partit le 13 ou le 14 mars ; il était le 15 à Autun (Itinéraire, dans Canat, p. 491). Le 13 il envoyait, de Nevers, son panetier Bernard de Gère aux comtes de Foix et de Comminges (Archives du Nord, B 1975, f. 56). — Le duc attendait la duchesse Isabelle, qui ne tarda point à le rejoindre à Chalon.

[78] Il y séjourna du 1er au 26 mars. Le moine de Saint-Martial, que nous avons cité plus haut, mentionne l'entrée de Charles VII, avec la date fautive du 1er mai, et fait allusion en ces termes à cette ambassade. Et ibi tenuit magnum consilium suum, ubi aplicuerunt multi ambaciatores plurimorum dominorum, principum et ducum ; ut videlicet domini Aurelianensis, domini ducis Burgundie et domini ducis Borbonensis et domini ducis de Alanson, et multi alii ibi venerunt, quod tediosum esset audire. Chroniques de Saint-Martial de Limoges, p. 213-214.

[79] Monstrelet, t. VI, p. 27-49.

[80] Michelet, Histoire de France, t. V, p. 236.

[81] Monstrelet, t. VI, p. 49-50.