HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE VII. — L'EXPÉDITION DE CHAMPAGNE ET LE SIÈGE DE PONTOISE.

 

 

Charles VII quitte le Bourbonnais ; il se prépare à entrer en Normandie. — La situation de la Champagne l'oblige à se diriger vers l'Est. — Ravages et courses incessantes des gens de guerre. — Le Roi à Troyes ; à Bar-sur-Aube : Procès et exécution d'Alexandre bâtard de Bourbon ; à Langres, à Vaucouleurs : traité avec le seigneur de Commercy ; à Châlons : sentence arbitrale entre le roi René et le comte de Vaudemont. — Séjour à Laon : soumission du comte de Saint-Pol ; visite de la duchesse de Bourgogne ; ses requêtes ne sont point accueillies ; mécontentement du duc Philippe. — Le Roi continue sa campagne. — Prise de Creil. — Siège de Pontoise : Talbot ravitaille la ville ; expédition du duc d'York ; le Roi bat en retraite ; danger qu'il court à Poissy ; énergie qu'il déploie pour la poursuite des opérations ; il s'établit à Confions et préside aux travaux du siège ; la place est emportée d'assaut. — Bravoure du Roi ; sa clémence ; récompenses données aux plus vaillants.

 

La Praguerie était terminée. Avant de quitter le Bourbonnais, le Roi pourvut à la sécurité de ses provinces méridionales. Dès le 5 juillet, le gouvernement du Languedoc, confié naguères (avril 1439) au Dauphin ; avait été remis aux mains de Charles d'Anjou, comte du Maine[1] ; Tanguy du Chastel, resté à l'écart depuis de longues années dans sa châtellenie de Beaucaire, fut nommé lieutenant du comte du Maine ; avec la charge de général-conseiller sur le fait des finances[2]. En partant de Charlieu, d'où il avait envoyé prendre possession des villes que, sur divers points, le duc de Bourbon détenait encore[3], le Roi se rendit à Saint-Pourçain. Les habitants de cette ville avaient participé à la rébellion ; le gouvernement de la cité leur fut enlevé et remis aux gens du Roi. Charles VII visita successivement Souvigny, Saint-Pierre-le-Moutier, où il installa une nouvelle garnison avec un capitaine désigné par lui, enfin La Charité, qu'il réduisit en son obéissance et où il mit bonne garde[4]. Quand il fut assuré que son autorité était partout respectée, il prit le chemin du Berry. Le 26 août il était à Bourges.

On se souvient que Charles VII avait convoqué dans cette ville une réunion plénière des États généraux, qui devait se tenir le 15 février. Le Roi y trouva encore un certain nombre de députés qui, conformément à ses instructions, étaient demeurés à leur poste, attendant sa venue. En outre, une grande assemblée du clergé, à laquelle devaient prendre part des ambassadeurs du Pape et des pères de Bâle, avait été convoquée à Bourges pour statuer sur les affaires de l'Église. Nous reviendrons plus loin sur ces réunions ; bornons-nous à dire qu'elfes retinrent le Roi pendant près d'un mois.

Il avait hâte, pourtant, de reprendre la lutte contre les Anglais, et il avait convoqué ses gens do guerre à Orléans[5]. Profitant des troubles survenus dans le royaume, l'ennemi avait assiégé Barfleur. Aussitôt arrivé à Orléans, Charles VII tint un conseil où fut arrêtée la marche des opérations. Une lettre, écrite à ce moment par Gaucourt[6], nous donne à ce sujet d'intéressants détails : Le Roy entretient son armée et meine avecques luy environ quatorze cens lances, sans ceulx de frontière, et en envoye huit cens pour secourir Harefleu ; et vont à Harefleu La Hyre, Monseigneur de Penevessac (Panassac), le bastart de Bourbon et d'autres capitaines. Et m'envoye le Roy avecques eux, et ay esperance que ceste saison sera bonne pour le Roy, à l'aide Nostre Seigneur. Deux corps d'armée furent formés : l'un, sous les ordres du comte d'Eu[7], du comte de Dunois et du sire de Gaucourt, devait marcher au secours d'Harfleur ; l'autre, sous les ordres de Pierre de Brezé, avec Floquet et Jean de Brezé pour lieutenants, devait opérer en Normandie dans la direction de Coaches et Louviers[8]. Pour appuyer ce dernier mouvement, le Roi vint s'établir à Chartres, où il séjourna pendant trois mois, s'occupant à faire venir des harnais de guerre et de l'artillerie[9], et prenant des mesures pour réprimer les désordres des gens de guerre. Comme il l'avait annoncé dans des lettres récentes aux habitants de Reims, Charles VII se disposait à entrer en Normandie, et à y poursuivre la guerre en personne, à la tête de la plus nombreuse armée qu'il eût réunie depuis longtemps : Nous avons espérance, écrivait-il, de faire aucun exploit, au plaisir de Nostre Seigneur, à l'encontre de nos ennemis[10].

Mais bientôt le Roi abandonna ce projet. Les excès commis par ses propres gens de guerre l'obligèrent à intervenir dans les provinces de l'Est, pour mettre un terme à l'anarchie qui régnait de ce côté.

La Praguerie était à peine terminée que les bandes qui, de part et d'autre, avaient pris part à la lutte, se répandaient le long de la Loire, menaçant d'envahir les pays du duc de Bourgogne. Fort émus de cette démonstration, les gens du Conseil de Dijon se préparèrent à repousser les agresseurs par les armes[11]. En même temps on envoya vers le Roi pour solliciter à cet égard des explications[12]. Sur ces entrefaites Charles VII apprit qu'un marchand, qui lui apportait des harnais de guerre, avait été arrêté par un chambellan du duc de Bourgogne, le seigneur de Ternant ; il envoya aussitôt le héraut Berry pour exiger la mise en liberté du marchand et la restitution des harnais[13]. L'invasion des bandes en Bourgogne fut pour le moment conjurée ; mais, quand Charles VII eut quitté le Bourbonnais, le péril devint plus pressant. Au mois d'octobre, le seigneur de Jonvelle écrivait au Conseil de Dijon qu'une partie des gens du Roi, commandés par Messire Charles d'Anjou, Jean de Brezé, Floquet et autres, marchaient sur Coulches[14]. Sur cette rumeur tout le monde se mit en armes. Quand le comte de Fribourg, nommé récemment maréchal de Bourgogne[15], revint dans la province, il donna ordre aux baillis de ruer jus et prendre tous les gens d'armes étrangers et inconnus qu'ils pourraient trouver ou dont on leur aurait signalé l'approche[16].

Dans le Nord comme en Bourgogne, les gens de guerre français ménageaient peu les pays du duc. La garnison de Milly, qui avait pour capitaine Pierre Regnault, frère de La Hire, envahit le Ponthieu et le ravagea. Une mêlée s'en suivit, au grand dommage des Bourguignons. Philippe le Bon envoya porter plainte au Roi. Celui-ci répondit que ces excès lui déplaisaient fort, qu'il y porterait remède, et qu'en attendant il autorisait le duc à ne point épargner ceux qui s'en rendraient coupables[17].

Le Cambrésis, le Hainaut, le Laonnais étaient ravagés par les gens de La Hire, en garnison près de Laon, et les comtes de Ligny et de Saint-Pol leur opposaient une vive résistance[18].

Ces continuels désordres, les plaintes qu'ils occasionnaient, et surtout l'impossibilité de faire respecter son autorité, étaient pour le Roi un sujet de vif mécontentement. Une des provinces qui avaient le plus à souffrir de cet état de choses était la Champagne : Charles VII résolut de s'y transporter. Ayant rassemblé une nombreuse armée, il s'avança jusqu'à Troyes[19], accompagné du Dauphin, du comte du Maine et du connétable de Richemont.

A peine arrivé, le Roi reçut les plaintes de ses sujets, qui lui parvinrent de tous côtés. La contrée avait été dévastée et les gens de guerre y avaient fait la plus grande mangerie qu'on pût voir[20]. Les religieux de Montier-la-Celle exposèrent que leur abbaye avait été brûlée et tous leurs édifices détruits[21]. Des pays voisins, les doléances arrivaient également : les gens du Conseil de Dijon envoyèrent des remontrances sur les grans et excessifs dommaiges et maulx que les escorcheurs faisoient de jour en jour dans les pays de Bourgogne, et réclamèrent remède et provision[22]. Le Roi avait mandé les capitaines de compagnie pour mettre un terme aux désordres qu'ils commettaient[23] ; il se fit délivrer les procès-verbaux des excès commis en Bourgogne, et, à la date du 26 janvier, il donna des lettres patentes portant défense aux capitaines de ravager cette contrée[24].

De Troyes Charles VII se rendit à Bar-sur-Aube. Les gens de guerre affluaient sur son passage : chaque jour il en venait de nouveaux s'enrôler à son service[25]. Mais ce n'était pas le nombre qui importait au Roi : c'était la discipline. Il résolut de faire un exemple. Un des plus fameux parmi les capitaines des routiers était Alexandre, bâtard de Bourbon. Il avait figuré en 1437 dans la prise d'armes de Rodrigue de Villandrando, et depuis il n'avait cessé de donner des marques d'insubordination ; il s'était fait l'agent de son frère le duc de Bourbon ; en 1439, il avait été trouver le duc de Bourgogne à Saint-Omer, et s'était engagé à le servir, si aucunes affaires lui survenoient[26] ; en 1440, il avait été mêlé à la Praguerie. De tous côtés des plaintes retentissaient contre les violences et les crimes dont il s'était rendu coupable. Le Roi, sachant qu'il voulait, sans autorisation, entreprendre avec ses routiers une expédition lointaine, donna ordre au connétable de le faire arrêter. Son procès fut aussitôt instruit et aboutit à une condamnation à mort. Par ordre du prévôt des maréchaux, le bâtard fut noyé dans l'Aube ; puis son corps fut retiré de la rivière et inhumé en terre sainte[27]. Huit de ses compagnons furent pendus ; dix ou douze capitaines eurent la tête tranchée[28]. Terrifiés par ces exécutions[29], les autres chefs de bande s'empressèrent de faire leur soumission[30]. Après délibération prise dans son Conseil, le Roi assigna à chacun des logements dans ses villes et forteresses et pourvut à leur solde. Les peines les plus sévères furent édictées contre ceux qui enfreindraient ses ordres[31].

Le Roi s'avança jusqu'à Langres, sur les frontières de la Bourgogne. Il y reçut une ambassade du maréchal de Bourgogne et du Conseil de Dijon[32], venant s'informer s'il était vrai, comme le bruit en avait couru, que Charles VII eût l'intention d'occuper Champlitte, ville dépendant du domaine du duc. D'autres requêtes furent présentées relativement aux excès des gens de guerre. Le Roi, voulant mettre un terme aux luttes qui ensanglantaient la contrée, manda en sa présence les principaux fauteurs de ces désordres ; il interdit toute voie de fait, et proclama une amnistie générale pour les délits de ce genre commis dans cette partie du royaume et dans les pays de Bar et de Lorraine[33]. De Chaumont-en-Bassigny, le 21 février, Charles VII écrivit au maréchal de Bourgogne ; il lui annonçait qu'il avait nommé le seigneur de Saint-Georges — un des rares conseillers et chambellans pris parmi les sujets du duc Philippe — lieutenant en Champagne et dans le bailliage de Sens, avec charge de protéger les pays de son cousin de Bourgogne et de les préserver de toute attaque ; il prévenait en même temps le maréchal qu'il allait se rendre en Normandie, emmenant avec lui tous les gens d'armes qui résidaient dans la contrée ; afin de les employer contre les Anglais ; il lui recommandait de s'entendre avec le seigneur de Saint-Georges au sujet de la garde de ses provinces et de celles du duc, que le Roi entendait protéger comme les siennes[34].

Charles VII se transporta jusqu'aux confins de la Lorraine. Il suivait l'ancienne voie romaine allant de Langres à Verdun, qui passait par Neufchâteau, Domremy et Vaucouleurs[35], et traversa ainsi le pays de Jeanne d'Arc. Le 28 février, il était à Vaucouleurs. C'est là que fut signé le traité par lequel Robert de Sarrebruck, seigneur de Commercy, un des plus considérables et des plus acharnés parmi les chefs de pillards, faisait pleine soumission au Roi[36]. On a remarqué dans quels termes impératifs Charles VII imposa sa loi à ce seigneur, l'obligeant à crier merci pour les excès et outrages dont il s'était rendu coupable[37]. Le lendemain, ter mars, au château de Commercy, Robert vint rendre hommage pour toutes ses seigneuries[38].

Antoine de Lorraine, comte de Vaudemont, dont les prétentions à la succession de Lorraine n'avaient cessé d'être un sujet de discorde, s'était engagé à se soumettre à l'arbitrage du Roi. Il lui avait envoyé des ambassadeurs[39], et devait venir le trouver à Vaucouleurs ; au lieu de s'y rendre, il se fit excuser. Charles VII, bien décidé à profiter de sa présence dans la contrée pour terminer cette affaire, lui écrivit de Saint-Mihiel à la date du 4 mars ; il l'avertissait qu'il serait à Châlons dans cinq ou six jours, et lui donnait rendez-vous dans cette ville[40].

Avant de quitter Saint-Mihiel, le Roi rendit une ordonnance par laquelle il prenait toutes les mesures nécessaires pour réprimer les excès des gens de guerre et assurer la sécurité du pays[41]. On croyait que, de Saint-Mihiel, le Roi se porterait sur Verdun et qu'il en ferait le siège ; mais la ville se racheta moyennant le paiement de deux mille saluts d'or, et Charles VII prit la route de Châlons[42] ; il y passa deux semaines et se rendit ensuite à Reims.

Le principal objet du voyage était rempli. Il ne restait plus qu'à rendre la sentence entre René et le comte de Vaudemont : c'est ce que Charles VII fit à Reims, à la date du 27 mars. Le comte devait renoncer à toute prétention sur le duché de Lorraine et vivre en paix avec René ; il devait autoriser son fils à faire hommage à celui-ci des fiefs de Vaudemont et de Moustier-sur-Saulx. Le Roi s'engageait à lui assigner, dans un délai de deux ans, des terres pour une valeur de vingt-deux mille livres tournois ; cinq mille florins lui étaient attribués pour la délivrance des prisonniers restés entre ses mains ; enfin le revenu du grenier de Joinville était abandonné au comte et à son fils, pour en jouir leur vie durant[43].

Au retour de cette marche-triomphale à travers des contrées désormais pacifiées et rattachées étroitement à la couronne, Charles VII s'arrêta à Laon. Là, apprenant que les gens du comte de Saint-Pol s'étaient permis d'arrêter à Ribemont un convoi d'artillerie qui venait de Tournai et de s'en emparer, le Roi envoya La Hire, Antoine de Chabannes et Joachim Rouault, à la tête d'un corps d'armée, pour punir un tel attentat. Averti de cette attaque, le comte de Saint-Pol avait en toute hâte garni ses places ; mais quand ses gens virent paraître l'armée royale, ils n'osèrent résister, et évacuèrent Ribemont. La place fut aussitôt occupée par les Français. De là, ceux-ci se portèrent sur Marie, qui fut assiégé. Le comte de Saint-Pol, se voyant ainsi serré de près, sentit que toute résistance était inutile. Son suzerain, le duc de Bourgogne, lui refusait son appui ; il n'avait plus qu'à se soumettre. Sa mère, la comtesse de Ligny, venait de se rendre près du Roi pour lui faire hommage ; des ouvertures furent faites par son entremise. Le comte vint trouver Charles VII à Laon et implora le pardon royal. Un acte fut rédigé, par lequel Louis de Luxembourg était mis en la bonne grâce du Roi, moyennant hommage de ses seigneuries et de celles de sa femme, la comtesse de Marie. Le comte de Saint-Pol prêta serment et promit au Roi de le servir contre les Anglais[44].

Il semblerait que le voyage de Charles VII en Champagne, les mesures sévères prises contre les gens de guerre eussent dû calmer les plaintes de la diplomatie bourguignonne. Or, c'est au contraire pendant ce temps qu'elle se plut à former comme un faisceau de tous ses griefs contre la Couronne. La duchesse Isabelle fut chargée d'en porter l'expression au Roi[45].

Elle partit du Quesnoy le 9 avril, voyageant en litière, à cause de l'état de sa santé, et arriva le 11 à Laon[46], accompagnée du damoiseau de Clèves, son neveu, de mademoiselle d'Étampes, sa nièce, de la comtesse de Namur[47], et d'une brillante escorte. Le connétable se porta au-devant d'elle à une lieue de la ville et la conduisit au Roi, qui l'accueillit avec courtoisie. La duchesse prit son logis à l'abbaye de Saint-Martin.

Après la célébration de la fête de Pâques (16 avril), la conférence s'ouvrit. La duchesse traita d'abord la question de la paix entre la France et l'Angleterre ; elle parla ensuite de la situation faite au duc d'Orléans, que le Roi avait refusé de recevoir. Les points litigieux entre le duc de Bourgogne et la Couronne. furent enfin abordés[48]. Parmi ces points figurait l'affaire de Montagu, occupé par des Bourguignons et des Picards qui refusaient de rendre cette place sans le congé du duc de Bourgogne : le Roi avait menacé d'y mettre le siège ; l'évacuation fut enfin ordonnée. Une autre question parait avoir été agitée à Laon : celle du mariage du comte du Maine avec Isabelle de Luxembourg, sœur du comte de Saint-Pol.

La duchesse présenta au Conseil un certain nombre de requêtes. Monstrelet nous apprend que fort peu furent agréées. Isabelle fut très froissée de ces refus : Dont elle ne fut point bien contente, dit Monstrelet[49], et appercut, assés derement, et aussi firent cculx qui estoient avec elle, que les gouverneurs d'ieelny Roy n'avoient mie bien agreable le duc de Bourgongne ne ses besongnes. Voyant que sa mission n'aboutirait pas et que le Roi et son entourage étaient décidés à ne point céder à ses instances, elle prit congé du Roi, en le remerciant, dit le chroniqueur, de l'honneur et bonne reception qu'il lui avoit faite. — Monseigneur, ajouta-t-elle, de toutes les requêtes que je vous ai faites, vous ne m'en avez nulles octroyées ni accordées, ja soit-il que, selon mon avis, elles fussent assez raisonnables. — Belle cousine, répondit le Roi assez courtoisement, il nous déplait que autrement ne se puisse faire. Car, selon ce que nous trouvons, d'accord avec notre Conseil auquel nous en avons parlé bien au long, ces requêtes nous seraient moult préjudiciables à accorder[50].

Isabelle n'insista pas. Elle fut reconduite par le connétable, qui l'escorta pendant quelque temps. En traversant le Cambrésis, les gens de la duchesse rencontrèrent des gens du Roi qui étaient allés fourrager en Hainaut et revenaient chargés de butin. Les poursuivre et les mettre en déroute fut pour les Bourguignons l'affaire d'un instant. Trois ou quatre Français furent tués ; deux autres, faits prisonniers, eurent la tête tranchée, sans autre forme de procès[51].

Ceci se passait au Quesnoy, où se trouvait alors le due de Bourgogne, et ce prince semble n'avoir point été étranger à cet acte de violence. Furieux du résultat de l'entrevue de Laon et de ce que les seigneurs bourguignons, fort excités contre Charles VII, lui avaient rapporté des dispositions[52] du Roi et de son entourage, Philippe tint conseil avec ses plus intimes familiers. La conclusion fut qu'il importait de veiller à sa propre sûreté et à celle de ses pays, et de bien garnir ceux-ci de gens de guerre, car, à la première occasion, il devait s'attendre à ce qu'on lui fit quelque grief ou dommage[53].

Dès lors, à la cour de Bourgogne comme à la cour de France, il y eut deux partis en présence : l'un disposé à pousser les choses à l'extrême et ne craignant pas d'en venir, s'il le fallait, à une rupture ; l'autre, cherchant à calmer les susceptibilités, à pacifier les querelles, et préoccupé avant tout de maintenir les bons rapports et la concorde[54].

Sans s'inquiéter des dispositions hostiles du duc de Bourgogne, Charles VII ne tarda pas à quitter Laon, pour poursuivre le cours de son expédition[55]. Il lui restait à soumettre les places occupées par l'ennemi au nord-est de Paris, afin d'assurer par là d'une manière définitive la sécurité de sa capitale. Il partit le 28 avril, après avoir pris en Conseil une résolution importante, sur laquelle nous reviendrons, et se rendit à Compiègne en traversant Soissons et Noyon. Les habitants de Compiègne lui avaient envoyé une députation pour le prier de ne pas quitter la contrée sans avoir pourvu à leur tranquillité. Le roi avait écouté bénignement les députés ; il avait promis de mettre justice sus, comme il avoit fait au-pays de Champagne et ailleurs où il avoit esté ; ajoutant même que encores il avoit entencion de leur mieulx faire[56]. Le Roi passa plusieurs jours à Compiègne, occupé à recevoir les députations qui arrivaient de tous côtés[57]. De là il vint rejoindre ses capitaines, qui faisaient le siège de Creil, et prit aussitôt la direction des opérations[58]. L'assaut fut donné le lendemain de son arrivée. Charles VII envoya à ses bonnes villes de la région une circulaire annonçant la prise de Creil et demandant assistance pour le siège qu'il se proposait de mettre devant Pontoise[59]. En même temps il convoqua le ban et l'arrière-ban dans une partie de son royaume[60].

Charles VII avait résolu de porter un coup décisif à la puissance anglaise, en lui enlevant une place fort importante par sa position stratégique. Mais, avant de s'engager dans une des plus difficiles entreprises qu'il pût tenter, il voulut implorer la protection de l'Esprit-Saint : il se rendit à Saint-Denis pour y célébrer la fête de la Pentecôte.

Le siège de Pontoise fut, comme on l'a dit[61], un véritable siège de Troie. Les historiens n'ont jamais raconté, dans tous ses détails, cette mémorable entreprise[62], à laquelle le Roi prit une part active. Il est de notre devoir de nous y arrêter. Le récit qu'on va lire montrera ce qu'il faut penser du reproche de couardise que, à ce propos, on n'a pas craint de formuler à l'égard de Charles. VII[63].

Le Roi partit de Saint-Denis le 6 juin, et alla installer son armée sous les murs de Pontoise ; il était accompagné du Dauphin, des comtes du Maine, de la Marche et d'Eu, du connétable, et de l'amiral de Coëtivy. Laissant aux deux derniers le soin d'entamer les opérations, Charles VII revint aussitôt à Saint-Denis. Il s'agissait de se procurer les ressources nécessaires au succès de l'entreprise. Le 11 juin, le Roi se rendit à Paris avec le Dauphin. Des prières publiques avaient été prescrites, et, pendant la durée du Siège, des processions solennelles furent faites dans toutes les paroisses de la capitale[64]. Le Roi appela en sa présence les bourgeois et les membres de l'Université. Aux uns il demanda une somme de vingt mille écus d'or ; il sollicita des autres un prêt. En dépit de la misère des temps, chacun répondit à son appel[65]. En outre, une aide de cent mille francs avait été imposée sur les pays situés au sud de la Loire[66] : nous avons une lettre du 12 juin, écrite de Paris aux habitants de Lyon, par laquelle Charles VII les pressait de lui envoyer leur contribution, fût-ce au moyen d'un emprunt[67].

Le siège de Pontoise avait été commencé sans perdre un instant. Bâtie en amphithéâtre sur la rive droite de l'Oise, la ville est bordée à l'est par cette rivière ; au sud un vaste étang, alimenté par les eaux de la Viosne, protégeait alors ses remparts ; au nord s'étendait une ceinture de fossés aussi larges que profonds. La ville était en outre fermée par une enceinte continue, formant boulevard, d'une élévation de huit à dix mètres, surmontée de parapets. Huit hautes tours s'élevaient çà et là. Pour pénétrer dans la ville du côté de Paris, il fallait franchir un pont de douze arches, protégé sur la rive gauche par un bastion, et sur la rive droite par deux tours. En face du pont, sur une éminence appelée le Mont-Bélien, se trouvait le château, bâti sur le roc, et s'élevant à plus de cinquante mètres au-dessus du niveau de l'Oise[68].

Une formidable artillerie, sous la direction de Jean Bureau, battit aussitôt l'entrée du pont. Dès le 11 juin, le premier bastion fut attaqué, mais sans succès. Le surlendemain, une tentative plus heureuse força les Anglais à battre en retraite : ils évacuèrent le bastion après l'avoir désemparé. Sous l'effort réitéré de nos canons, trois arches du pont s'écroulèrent. Le bastion conquis fut aussitôt reconstruit par les Français, qui s'y retranchèrent. Un, pont de bateaux fut établi sur l'Oise, en face de l'abbaye de Saint-Martin, et une grande bastille s'éleva en ce lieu[69].

A la nouvelle du premier succès remporté par ses troupes, le Roi était venu s'établir dans l'abbaye de Maubuisson, située à deux kilomètres et demi de la ville ; le comte du Maine et l'amiral de Coëtivy s'installèrent dans la bastille Saint-Martin avec trois mille combattants. Chaque jour, arrivaient de nouveaux renforts : d'abord les arbalétriers de Tournai et les milices de Paris et d'autres villes[70], puis le comte de Saint-Pol à la tête de six cents hommes d'armes, enfin le comte de Vaudemont avec un contingent de cent vingt hommes[71]. Le Roi accueillait avec empressement ces auxiliaires ; entouré des princes et de ses capitaines, il allait leur souhaiter la bienvenue. Bientôt dix à douze mille combattants, la fleur des gens de guerre, se trouvèrent réunis sous les murs de Pontoise[72].

Cependant le Conseil anglais à Rouen constatait avec terreur le progrès de nos armes. Depuis longtemps on lui avait promis de faire partir pour la France le duc de Glocester, et Glocester n'avait point paru ; on lui avait annoncé pour la fin d'avril la venue du duc d'York, et à la Saint-Jean le nouveau lieutenant-général n'était point arrivé. Le Conseil envoyait en Angleterre messages sur messages[73]. Il fit part successivement de la prise de Creil, l'une des notables places et passages de France ; de l'intention où étaient les Français d'assiéger Pontoise ; de la marche de l'adversaire principal et de son fils, qui étaient devant la ville à grande puissance de gens, merveilleusement fournis de toutes ordonnances et habillements de guerre. En même temps, il se plaignait amèrement de l'abandon où il était laissé : Nous sommes, disait-il, comme la nef gettée en la mer de divers yens, sans recteur, sans conduiseur, sans gouvernail, sans trep, sans voile, flottant, chancelant et voguant entre les ondes tempestueuses, Loing de port de salut et de secours humain[74]. Tout ce qu'on pouvait faire, en attendant la venue du duc d'York, était d'envoyer Talbot au secours de la place assiégée. Mais Talbot eut beau invoquer la gravité des circonstances et donner des ordres au nom du roi, les capitaines anglais se montraient peu disposés à répondre à son appel.

Sans se laisser arrêter par cet isolement, et avec une indomptable énergie, Talbot s'occupa de former un convoi de vivres et de munitions[75]. Destiné d'abord à protéger Creil, ce convoi se trouva prêt quand on eut à marcher au secours de Pontoise. Le vaillant capitaine assigna Vernon comme rendez-vous à ses gens[76], et ne tarda point à paraître à la tète de quatre mille combattants. Logé à Ennery[77], Talbot s'y reposa pendant deux nuits, et se présenta devant la bastille Saint-Martin, dont la construction était à peine achevée. Averti de son arrivée, le connétable avait fait disposer ses troupes pour l'attaque ; il était au moment de leur faire franchir le pont conduisant à la bastille, quand le Roi intervint. Si le connétable, lors de la Praguerie, s'était souvenu du roi Richard, cette fois Charles VII se souvint du roi Jean. A aucun prix il ne voulait livrer bataille aux Anglais : défense fut faite que personne ne bougeât[78]. Il n'y eut donc que de légères escarmouches. Talbot, informé par les assiégés que l'accès de la place était libre vers l'ouest et estimant avec raison que les, Français, groupés pour la plupart sur la rive opposée, n'auraient pas le temps d'intercepter sa marche, s'avança vers Pontoise. Protégé dans son mouvement tournant par deux mille archers, il n'eut point de peine à faire entrer un convoi de vivres. Puis il s'établit à un kilomètre de la ville et remplaça les gens de la garnison par quinze cents hommes sous les ordres de Scales et de Falconbridge. Satisfait d'avoir pu accomplir, sans coup férir, cette double opération, Talbot se retira dans la nuit du 24 juin, et reprit le chemin de la Normandie[79].

Pour empêcher le ravitaillement, il eût fallu pouvoir compléter l'investissement de la place à l'ouest et au nord. Charles VII en sentait l'importance et voulut tenter l'entreprise. Elle réussit tout d'abord ; mais on reconnut bien vite l'impossibilité de maintenir le blocus. La ligne d'investissement eût été d'une telle étendue, que, en cas d'attaque, on n'aurait pu se porter secours d'un point à un autre. Le Roi se borna à faire construire, dans la forêt de Compiègne, une grande bastille, qui devait être amenée par eau, et placée du côté opposé à Saint-Martin. On ne voit pas que ce projet ait reçu d'exécution[80].

Malgré les persévérants efforts du Roi, qui allait d'un point à un autre, s'employant à fortifier ses bastilles, à les pourvoir de vivres et de munitions[81], malgré le tir continuel de l'artillerie, le siège n'avançait pas. Les assiégés trouvaient moyen de réparer, la nuit, avec du bois et des tonneaux remplis de terre, les brèches faites à leurs murailles ; souvent ils faisaient des sorties meurtrières. Le Roi ne se lassait point d'écrire à ses bonnes villes pour avoir de l'argent et des renforts. Le 29 juin, il écrivit aux habitants de Reims. Sa caisse était vide ; si l'on ne venait à son secours, il allait être contraint de suspendre le siège ; ce serait à sa très grande déplaisance, et il ne voulait le faire pour rien au monde ; il suppliait donc qu'on se prêtât de bonne grâce à la levée d'un subside de trois mille six cents livres, qu'il ordonnait d'imposer à bref délai[82]. Pareille demande fut adressée à la ville de Senlis pour une somme de mille livres[83].

De leur côté, les Anglais pressaient l'envoi de nouveaux renforts[84]. Talbot rassemblait les gens des garnisons et faisait venir de l'artillerie. Trompant la surveillance des Français, il reparut une seconde fois, à l'improviste, et introduisit dans Pontoise des vivres et des munitions[85]. On attendait d'un moment à l'autre l'arrivée du duc d'York. Après des retards causés surtout par la pénurie des finances[86], le nouveau lieutenant-général parut enfin : il débarqua à Harfleur, avec son armée[87], dans les premiers jours de juillet, et se dirigea sur Rouen. Ayant opéré sa jonction avec Talbot et rassemblé ce qu'il y avait de meilleures troupes en Normandie[88], il s'avança par le Beauvaisis. Talbot commandait l'avant-garde, composée de huit à neuf mille combattants, et ne tarda pas à arriver à Hérouville. Le duc vint se loger à Ennery, et y passa trois jours. On put, une fois de plus, sans rencontrer d'obstacle, ravitailler la ville et y faire entrer des troupes fraîches[89].

Non content de cet exploit, le duc d'York ne craignit pas de provoquer le Roi à une bataille rangée. Mais Charles VII n'était point disposé à tenter le sort des armes ; c'était, chez lui, un système bien arrêté[90]. Retranché dans des positions jugées inexpugnables, il n'entendait pas renoncer à cet avantage[91] ; il savait d'ailleurs, que l'ennemi, dénué de vivres, ne pouvait tenir longtemps la campagne ; au lieu de s'exposer aux chances incertaines d'une bataille, mieux valait poursuivre le siège et garder les passages de l'Oise, afin d'empêcher l'armée anglaise de franchir cette rivière. Le Roi prit aussitôt ses mesures : le connétable fut investi du commandement de toutes les forces réunies devant Pontoise ; le comte de la Marche fut envoyé au sud, pour occuper la ligne s'étendant de Pontoise à Conflans-Sainte-Honorine ; le comte de Saint-Pol fut chargé de protéger au nord le cours de l'Oise jusqu'à L'Isle-Adam ; enfin le comte d'Eu eut mission d'opérer au-dessus de L'Isle-Adam, dans la direction de Creil : il emmena avec lui La Hire, Saintrailles, Brezé, Chabannes, Panassac, Floquet, tout ce qu'il y avait de mieux à cheval parmi les capitaines[92].

Il était d'une extrême importance de retenir le duc d'York sur la rive droite de l'Oise', car, cette rivière une fois franchie, les assiégeants se trouvaient pris à revers, et leur situation n'était plus tenable ; d'autre part, l'Île de France était ouverte à l'ennemi, et Saint-Denis sérieusement menacé.

Quatre jours après son arrivée, l'armée du duc d'York s'ébranla, et se porta au nord dans la direction de Chambly ; elle était munie de petits bateaux de cuir et de bois, ainsi que de tout le matériel nécessaire pour établir un pont[93]. Une fausse attaque fut dirigée contre Beaumont, et, tandis que les troupes du comte, d'Eu se groupaient sur ce point, les Anglais, filant pendant la nuit le long de l'Oise, vinrent tenter le passage en face de l'abbaye de Royaumont. Floquet était chargé de la garde de la rivière de ce côté ; mais, par une inconcevable négligence, personne ne faisait le guet. Trois ou quatre Anglais passèrent sur un batelet ; ils fixèrent une corde d'une rive à l'autre ; par petits groupes, l'armée traversa ainsi. A ce moment survinrent les gens de Floquet ; en vain se jetèrent-ils sur l'ennemi ; ils se firent tuer inutilement : au premier rang périt Guillaume du Chastel, neveu de Tanguy et parent de l'amiral de Coëtivy. Charles VII accorda plus tard à ce vaillant capitaine l'honneur de reposer à Saint-Denis[94].

Le mal était désormais sans remède ; il ne restait plus qu'à informer le Roi du passage de l'armée. A la première nouvelle, le connétable sauta à cheval et se porta sur l'Isle-Adam. Là il apprit que toute l'armée anglaise avait franchi l'Oise, et rebroussa chemin. Il fallait maintenant pourvoir à la sûreté de l'armée. Quittant l'abbaye de Maubuisson, le Roi et le Dauphin vinrent passer la nuit à la bastille Saint-Martin, afin de conforter leurs gens, et de présider au ravitaillement. Une grande partie de l'artillerie fut menée dans la bastille ; en même temps un détachement fut envoyé pour garder Saint-Denis. Le lendemain le Roi revint à l'abbaye de Maubuisson ; il fit du vaillant, dit un peu ironiquement Gruel, l'écuyer du connétable, et demeura le dernier ; puis emmenant le gros de son armée et laissant dans la bastille Saint-Martin l'amiral de Coëtivy avec un important contingent, il prit le chemin de Poissy[95].

Le Roi n'avait pas plutôt abandonné l'abbaye de Maubuisson, que le duc d'York y arriva. Il s'installa dans le logis royal et trouva encore des provisions qu'on n'avait pas eu le temps d'enlever. Il y passa trois jours, faisant rétablir les communications entre la ville et la rive gauche de l'Oise, réparer le pont, et reconstruire le boulevard. Talbot alla camper entre Pontoise et Conflans, afin de surveiller les mouvements de l'armée royale. Les Français restés dans la bastille s'attendaient d'un instant à l'autre à être attaqués, et se tenaient prêts à opposer une vigoureuse résistance ; mais tout se borna à de vaines menaces et à de légères escarmouches[96].

A peine installé à Poissy, le Roi envoya chercher des vivres à Paris, et fit diriger un premier convoi vers la bastille Saint-Martin. La rive droite de l'Oise était libre : le connétable, Floquet et Jean de Brezé purent faire passer le convoi sans entrave. Mais Conflans se trouvait menacé par le mouvement en avant de Talbot : dès le lendemain, le Roi s'y porta de sa personne, et s'occupa de fortifier la place. Puis il retourna à Poissy. Deux jours après il fit partir un nouveau convoi de vivres pour Saint-Martin. Le prévôt de Paris, Ambroise de Loré, avait amené ce convoi par la Seine jusqu'à l'embouchure de l'Oise. Passant à travers les bateaux montés par l'ennemi, il réussit à débarquer ses vivres sur la rive droite de la Seine : là on les plaça sur des chariots, et, sous l'escorte d'un corps de troupes commandé par le connétable, le comte de Saint-Pol et Saintrailles, on parvint sans encombre jusqu'à la bastille.

Cependant, ce jour-là même, le duc d'York se disposait à traverser l'Oise. Il avait quitté la veille l'abbaye de Maubuisson, et était venu rallier le corps de Talbot. A la nouvelle du passage du convoi sur la rive opposée, les Anglais, occupés à jeter un pont à Neuville, non loin d'Éragny, se hâtèrent de traverser la rivière et se lancèrent à la poursuite des Français ; mais, parvenus au sommet d'une colline, ils purent apercevoir le convoi qui entrait dans la bastille. Pendant ce temps le corps de troupes qui gardait le pont de Neuville ne fut pas plus heureux. Ambroise de Loré, monté sur le navire armé en guerre qui l'avait amené de Paris, s'était engagé dans l'Oise avec le dessein de gagner la bastille Saint-Martin. Il tomba sur les Anglais, et, dans un combat qui ne dura pas moins de deux heures, leur infligea de sérieuses pertes[97].

Un siècle plus tard, le cordelier Taillepied célébrait le Vexin comme le pays le plus commode au monde pour l'entretenement de la vie humaine'[98]. Au temps du siège de Pontoise, il était loin d'être dans cet état florissant. Le duc d'York n'avait pas de quoi nourrir son armée ; ses troupes mouraient de faim[99] ; aussi ne songeait-il qu'à regagner Rouen. C'est en vain que Talbot lui conseilla d'occuper le confluent de la Seine et de l'Oise, tandis qu'un détachement irait passer la Seine à Mantes et viendrait surprendre Charles VII à Poissy, de façon à le placer entre deux feux. Talbot, à la tète de mille chevaux, exécuta le mouvement tournant : le lendemain matin il arrivait sous les murs de Poissy. Instruit par ses courriers, une heure auparavant, Charles VII se lève à la hâte et sort de la ville avec une faible escorte. Il suit la rive de la Seine jusqu'au confluent de l'Oise. Là, par bonheur, le passage était libre, et le Roi put gagner Conflans sans encombre. On raconte qu'en pénétrant dans l'abbaye de Poissy, Talbot trouva le lit du Roi encore chaud. Furieux de sa déconvenue, le capitaine anglais fit livrer le monastère et la ville au pillage[100].

Tandis que le duc d'York regagnait Rouen, où il rentra le 1er août[101], le Roi alla s'établir à Saint-Denis, et tint conseil. Fallait-il ou non poursuivre le siège de Pontoise ? Plusieurs étaient d'avis de renoncer à reprendre les opérations. Le Roi était toujours plein d'ardeur. De Saint-Denis, le 2 août, il écrivit aux habitants de Reims de lui envoyer, dans la huitaine, des arbalétriers et des couleuvriniers[102] ; il s'adressa également aux autres villes de la contrée[103]. Vers le 15, il se rendit à Conflans, où il fit construire un pont sur la Seine pour communiquer avec une île située en face de cette ville ; un autre pont, protégé en tête par des fossés et par un fort, fut établi pour faciliter les arrivages de la capitale. Toutes les troupes qu'on faisait venir de divers côtés étaient concentrées à Conflans[104].

Cependant les Anglais n'abandonnaient point la partie : une armée fut réunie à Elbeuf le 16 août, et Talbot ne tarda point à reparaître[105]. Il s'avança jusqu'à Vigny, à peu de distance de Meulan. Le connétable, les comtes d'Eu, de la Marche, de Saint-Pol et de Vaudemont se portèrent de ce côté et vinrent camper à deux kilomètres. Mais, dans la nuit, Talbot délogea sans bruit, traversa la Viosne et gagna Pontoise. Ne trouvant plus personne devant eux, les chefs de l'armée française durent rebrousser chemin. Les assiégés furent ravitaillés pour la quatrième fois, et reçurent pour capitaine le sire de Clifton, avec un millier de combattants[106].

Monstrelet nous dit qu'à ce coup le Roi fut moult troublé. Dans son armée, des désertions se produisaient : les gens de guerre s'en alloient et se débandoient l'un après l'autre. Fatigués d'une lutte dont ils ne voyaient point l'issue, le comte de Saint-Pol et le comte de Vaudemont se retirèrent ; le comte de Joigny et l'évêque de Langres s'éloignèrent à leur tour[107]. D'autre part, les moqueries populaires n'épargnaient pas l'armée : c'était, dans la capitale, une pluie de quolibets : Partout, disait-on, où les Français se trouvent trois contre un, ils ne manquent pas de lâcher pied[108]. Mais Charles VII demeurait inébranlable. Il sentait bien que la retraite serait pour lui un déshonneur ; il n'ignorait pas, d'ailleurs, que, dans le parti des mécontents, on n'attendait qu'une occasion pour relever la tête[109]. Après avoir de nouveau consulté son Conseil, et conformément à l'avis des plus fidèles, le Roi déclara que le siège serait repris et poussé avec vigueur.

Jean Bureau, à la tête des nombreux artilleurs dont on disposait encore, se mit à l'œuvre. De Conflans, le Roi venait chaque jour animer ses gens par sa présence, diriger lui-même le tir, présider aux travaux d'approche[110]. Il s'avançait parfois jusque sous les murs ; en le voyant s'exposer de la sorte, plusieurs le supplièrent de se retirer en son logis ; le Roi s'y refusa, disant que là où ses ennemis le surprendraient ils le trouveraient sans reculer[111].

Inquiet de la tournure que prenaient les événements, Talbot se tenait à Mantes, toujours prêt à intervenir. Le 28 août, il envoya reconnaître la situation du siège et la force de l'armée réunie à Conflans[112]. Une cinquième tentative de ravitaillement, faite à ce moment, réussit comme les précédentes[113]. Mais c'était par la force des armes, et non par la famine, que Charles VII entendait triompher. Une lettre adressée par lui de Conflans, le 12 septembre, aux habitants de Reims, témoigne de la confiance dont il était animé[114]. Appelant à lui le maréchal de Lohéac, le vicomte de Thouars et le sire de Bueil, qui avaient réuni à Argenteuil un nouveau corps de troupe, il donna l'ordre de se préparer à l'attaque[115]. L'effort de l'artillerie était surtout dirigé contre l'église Notre-Dame, située sur une éminence, hors des murs, à l'ouest de la ville. Le 16 septembre l'assaut fut donné sur ce point ; il ne dura pas moins de quatre heures[116], et fut couronné d'un plein succès : les Anglais qui défendaient ce poste important furent tous tués ou faits prisonniers[117]. De cette hauteur les Français dominaient la ville ; ils dirigèrent sur elle un feu terrible. Trois jours après des mesures furent prises en vue d'un assaut général.

Nous possédons l'ordre de combat, dressé par l'amiral de Coëtivy, qui n'avait cessé de présider aux opérations du siège[118]. Du côté de l'église Notre-Dame, le comte du Maine et le connétable devaient assaillir la place sur deux points différents. Philippe de Culant, seigneur de Jalognes, nommé récemment maréchal de France, devait diviser ses gens en trois groupes : deux d'entre eux donneraient l'assaut à la tour du Friche ; un troisième se joindrait à ceux qui, montés sur des bateaux, attaqueraient la muraille du côté de la Viosne. Le vicomte de Thouars, le maréchal de Lohéac et Je sire de Bueil dirigeraient l'attaque du côté de l'abbaye de Maubuisson, partageant leurs gens en trois groupes, et secondant le corps d'armée qui agissait du côté de l'Isle-Adam. Panassac, Brusac, les deux Lestrac, La Hire et d'autres capitaines qui tenaient la campagne vers l'Isle-Adam et, Gisors afin de prévenir un retour offensif des Anglais, étaient chargés d'opérer à la fois par eau et par terre au nord de la place ; enfin, Valpergue et Salazar, avec les gens de l'enseigne royale et la garde du Roi, devaient assaillir la porte d'Ennery. Tous les points culminants devaient être occupés par des arbalétriers, des artilleurs et les cranequiniers du Roi.

Le 19 septembre, au matin, Charles VII et ses capitaines firent mettre leurs gens sous les armes, les exhortant à bien remplir leur devoir. L'attaque commença vers midi. Le Roi en personne, ayant à ses côtés les comtes d'Eu, de la Marche et de Tancarville, prit part à l'assaut de la Tour du Friche, située à l'angle sud de la ville[119]. Le Dauphin se joignit au comte du Maine et au connétable qui, secondés par le seigneur de Moy, opéraient du côté de l'église Notre-Dame. A l'assaut de la Tour du Friche, un simple archer se distingua par sa bravoure : s'aidant des infractuosités de la muraille, trouée par nos canons, il parvint à gagner le sommet ; là, de concert avec un homme- d'armes qui l'avait suivi, il se mit à cribler de pierres les ennemis et les força à battre en retraite. S'élançant à la suite de ces deux braves, les assaillants parvinrent sur la plate-forme, et s'avancèrent en, criant : Saint-Denis ! Ville gagnée ! Un pan de mur démoli livra passage au Roi, qui, pénétrant des premiers dans la place, s'avança en desconfisant ses ennemis, et les poursuivit jusqu'au château[120].

Pendant ce temps les assauts dirigés du côté de Notre-Dame, de la porte d'Ennery et de Maubuisson étaient couronnés du même succès. A trois heures on était maître de toute la ville. Le Roi, que le Dauphin était venu rejoindre, parcourut la ville monté sur un petit cheval. Sur sa route tout le monde s'agenouillait, implorant le pardon. Un Anglais, poursuivi l'épée à la main, vint chercher un refuge sous le ventre de son cheval ; le Roi cria de lui faire grâce ; mais ce fut en vain : l'ardeur des combattants était telle que ni ses ordres ni ses clameurs ne purent arracher le malheureux à la mort, et, dans la mêlée, le coursier royal fut grièvement blessé[121]. Cinq cents Anglais furent passés au fil de l'épée ; le reste fut fait prisonnier. Charles VII, précédé de sa bannière, visita les différents sanctuaires de la ville, et y pria moult dévotement et humblement ; il s'employa à préserver de toute violence les femmes et les pauvres gens ; il défendit de faire aucun mal aux habitants réfugiés dans les églises et à tous ceux qui ne portaient point les armes. Au moment où le Roi arrivait près d'une des églises, un Anglais en sortit et vint implorer sa merci : Charles VII le fit mettre en liberté sans rançon, après lui avoir fait de beaux présents[122].

Le lendemain le Roi fit procéder à une enquête pour connaître ceux qui s'étaient distingués et avaient les premiers pénétré dans la ville ; il les récompensa largement, donnant aux uns des sommes d'argent, à ceux-ci des rentes à vie, à ceux-là des lettres d'anoblissement et des armoiries pour perpétuer le souvenir de leur vaillance[123]. Plusieurs jeunes seigneurs, parmi lesquels on nomme Jean et Robert d'Estouteville, Regnault de Longueval, le bon de Relly, furent armés chevaliers[124].

Ainsi fut accompli, grâce à l'énergie, à la persévérance, et, on peut le dire, à la bravoure personnelle de Charles VII, ce brillant fait d'armes, dont les conséquences devaient être si décisives. Les pertes des Français furent insignifiantes[125]. Après avoir donné ses ordres pour le transport de l'artillerie et pourvu à la garde de Pontoise ; le Roi prit le chemin de sa capitale, où il fut joyeusement accueilli ; il se rendit en grande pompe à Notre-Dame pour remercier Dieu de la victoire accordée à ses armes[126].

 

 

 



[1] Nomination de Charles d'Anjou, comte du Maine et de Mortain, comme lieutenant-général et gouverneur en Languedoc et Guyenne au-delà de la Dordogne, avec vingt-quatre mille livres de gages. Vidimus aux Archives, K 67, n° 25 ; texte publié par D. Vaissète, t. IV, Preuves, col. 459.

[2] Le 4 août 1440, par lettres données à Saint-Pourçain, le comte du Maine désignait Tanguy du Chastel comme son lieutenant (Ms. fr. 26067, n° 4130 ; cf. D. Vaissète, t. IV, p. 495 ; t. V, p. 2 et 5). — La nomination de Tanguy comme général des finances résulte des lettres de Charles VII du 15 décembre 1440 (Chartes royales, XV, n° 134). Tanguy avait conservé le titre de conseiller et chambellan, et, par lettres du 28 juillet 1428, une pension de mille livres par mois lui avait été octroyée (Cabinet des titres, 684).

[3] C'étaient Loches en Touraine, Sancerre et Sainçoins en Berry, Corbeil et Brie-Comte-Robert dans l'Île-de-France.

[4] Berry, p. 412.

[5] Berry, p. 412 ; Monstrelet, t. V, p. 416.

[6] Cette lettre est adressée aux gens du Conseil Delphinal à Grenoble ; elle est datée d'Orléans, le jour de saint Mathieu (21 septembre). Mss. Le Grand, vol. VI, f. 101.

[7] Le comte d'Eu est nommé par Monstrelet.

[8] Berry, p. 412 ; Chartier, t. I, p. 258 ; Monstrelet, t. V, p. 419.

[9] Achat fait à Clermont de trois cents a harnois à armer, s moyennant 11,705 livres ; paiement à compte en date du 3 octobre 1440 (Ms. fr. 26427, n° 105). — Arbalétriers amenés du Limousin vers le Roi à Chartres et de là à Louviers ; paiement de 40 l. t. par lettres du 6 décembre 1440, à Tandonnet de Fumel, écuyer d'écurie, qui avait rempli cette mission (Pièces originales, 1258 : FUMEL.). — Le 2 novembre 1440 les généraux des finances font remettre, par le receveur du diocèse de Nioles, 4,500 l. t., pour convertir au paiement de certains harnois, lances et trait, pour le fait et armée du Roy nostre dit seigneur, à son passage pour tirer en Normandie (Pièces originales, 475 : BOUSANQUET). Cf. document du 17 février 1442 dans le dossier BEC (Pièces originales, 259).

[10] Lettres des 6 et 25 septembre 1440, aux Archives de Reims. Il est également question de cette campagne en Normandie dans des lettres patentes du 7 novembre. Ms. latin 9178, f. 48.

[11] Dès le 1er juillet, le Conseil de Dijon prenait dei mesures de défense ; le 15 il faisait écrire au bailli de Nivernais pour savoir l'intention des capitaines et gens d'armes du Roy et du Daulphin, que l'on disoit avoir proposé et conclud devenir briefvement vivre esdiz pais de Bourgogne. Convocation fut faite pour le 28 juillet, à Dijon, afin d'aviser à la résistance à opposer aux écorcheurs qui traversaient la Loire pour venir porter dommage au pays. Deuxième compte de Louis de Visen, aux Archives de la Côte-d'Or, B 1673, cité par Canat, l. c., p. 402-403.

[12] Archives de la Côte-d'Or, B 1673, f. 112 v° et 114. Cf. Canat, p. 403.

[13] Cette prise, disent les comptes, avait été faite, à Marcigny-les-Nonains, par le seigneur de Ternant et autres estant en sa compaignie. (Archives de la Côte-d'Or, B 1673, f. 116 et 118 v° ; Canat, p. 404.) II ne sera point inutile de faire remarquer que ce même seigneur de Ternant était alors employé, de la part du duc de Bourgogne, à une mission secrète auprès du Dauphin, laquelle dura du 15 mai au 2 septembre 1440. (Archives du Nord, B 1975, f. 55 v°.)

[14] Archives de la Côte-d'Or, B 1673, f. 123 v° ; Canat, p. 404.

[15] Le 6 mai 1440.

[16] Canat, l. c.

[17] Monstrelet, t. V, p. 426-428.

[18] Monstrelet, p. 428-429.

[19] Le Roi arriva à Troyes le 16 janvier 1441.

[20] Martial d'Auvergne dans ses Vigilles de Charles VII, t. I, p. 179, dit :

C'estoit la plus grant mangerie

Que l'on sçauroit dire et penser.

[21] Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. III, p. 9-10.

[22] Canat, p. 408.

[23] Aux capitaines cy après nommés, 1.940 l., pour le payement et deffroy en la ville de Troyes, où le Roy les avoit mandés pour osier les pilleries et roberies que certaines gens de guerre d'aucunes places de Champagne font sur les sujets du Roy. Extrait du Compte quart de maistre Antoine Raguier, trésorier des guerres du Roi, du 1er octobre 1440 an 30 novembre 1441, dans le dossier LANGEAC : Pièces originales, 1639, f. 150 v°.

[24] Canat, p. 408.

[25] Monstrelet, t. V, p. 462.

[26] Monstrelet, t. V, p. 458.

[27] Monstrelet, t, V, p. 458 ; Berry, p. 412 ; Chartier, t. II, p. 12 ; Gruel, p. 391. Chronique d'Adrien de But, dans la collection des Chroniques belges, par M. Kervyn de Lettenhove, p. 266. Voir sur ce fait Tuetey, Les écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 75 et suivantes.

[28] Les chroniqueurs disent que Charles VII fit grâce aux capitaines d'écorcheurs, sauf au bâtard de Bourbon. Cette assertion est démentie par une lettre de Jean d'Esch, secrétaire de la ville de Metz, au magistrat de Strasbourg, qui mentionne ces exécutions. Tuetey, l. c., p. 76-77.

[29] Dont maints larrons furent esbahis, dit le prieur Maupoint dans son Journal. Voir Mémoire de la Société de l'histoire de Paris, t. IV, p. 27.

[30] Chronique du doyen de Saint-Thiébaut, dans D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, col. XCIII.

[31] Chartier, t. II, p. 12.

[32] L'ambassadeur était Pierre de Vauldrey, conseiller du duc, et gruyer du comté de Bourgogne ; sa mission dura du 10 au 26 février. Archives de la Côte-d'Or, B 1677, f. 91 ; 1678, f. 93 ; Canat, l. c., p. 408.

[33] Ces détails nous sont fournis par des lettres de rémission du mois d'août 1447. Archives, JJ 179, n° 10.

[34] Lettre publiée par Tuetey, l. c., p. 51 note, d'après les Archives de la Côte-d'Or, B 11881.

[35] Voir l'intéressant article récemment publié par M. Siméon Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mai 1885, p. 65.

[36] Le texte est dans Dumont, Histoire de Commercy, t. I, p. 242-244.

[37] Tuetey, Les écorcheurs, t. I, p. 79.

[38] Du Puy, 206, f. 117. — Le même jour, 1er mars, Charles VII donnait des lettres d'anoblissement à deux bourgeois de Vaucouleurs. Ms. fr., 4139, f. 61 v°.

[39] Dès les 8 et 15 février, des ambassadeurs du comte de Vaudemont étaient à Langres. Compte d'Othin d'Amante, publié dans le Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine, publié par H. Lepage, t. I, p. 155.

[40] Original, Collection de Lorraine, 9, n° 15.

[41] Voir D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, col. 72-74.

[42] D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, col. 72.

[43] Leibniz, Codex diplomaticus, part. I, p. 371 ; Du Mont, Corps diplomatique, t. III, part. I, p. 144.

[44] Monstrelet, t. V, p. 461-467.

[45] Le 26 mars 1441, Michel Garnier, secrétaire, partait de l'Écluse avec des lettres closes de la duchesse pour le Roi. Le 31 mars suivant, Bertrandon de la Broquière fut envoyé par le duc au Dauphin, pour aucunes matieres secretes. Archives du Nord, B1972, f. 82 v°, et 1978, f. 81.

[46] L'itinéraire de la duchesse est donné par Gachard, Collection des voyages des souverains des Pays-Bas, t. I, p. 81-82.

[47] La comtesse de Namur était cette même Jeanne d'Harcourt que nous avons vu (t. I, chap. VII) figurer au mariage de Charles VII ; elle mourut fort âgée en 1449.

[48] Pendant ce temps le duc de Bourgogne envoya de nouveaux messages au Roi : le 5 avril, Michel Garnier partait de Mons, porteur de lettres closes, avec charge de rapporter la réponse ; il fut renvoyé du Quesnoy vers le Roi et le connétable. — Le 16 avril, le duc envoyait du Quesnoy une lettre à sa femme. Archives du Nord, B 1972, f. 84 v°, 85 et 103 v°.

[49] Monstrelet, t. V, p. 468-469 ; Berry, p. 413 ; Gruel, p. 391. Cf. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 449.

[50] Monstrelet, t. VI, p. 4.

[51] Monstrelet, t. VI, p. 4-3 ; Vinchant, Annales du Hainaut, t. IV, p. 183-84 ; Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, 4e série, t. VI, p. 339 et 400-401.

[52] C'est ce que prétend Monstrelet, t. VI, p. 3.

[53] Monstrelet, l. c. — Voir, sur ces préparatifs militaires, les comptes conservés aux Archives du Nord, B 1972, f. 85 et suivants. — En même temps Chasteaubelin le héraut fut dépêché en Angleterre pour aucunes choses secretes. Id., ibid., f. 97 v°.

[54] Monstrelet, t. VI, p. 3.

[55] Malgré tous ses efforts, le Roi ne pouvait empêcher les rapines de ses troupes. Pendant son séjour à Laon, des gens de son artillerie, chartlers et autres, se répandirent dans le Laonnais pour avoir vins, vivres, et fourrages pour leurs chevaulx. On peut lire le récit d'une rixe, suivie de mort d'homme, qui eut lieu au village de Laval, dans des lettres de rémission du mois de juillet 1441. Archives, JJ 176, n° 20. — Voir sur les présents de vin faits par le conseil de ville, pendant le séjour du Roi, une note des Éphémérides de M. Vallet, d'après les comptes de Laon. Ms. nouv. acq. 1483, année 1441, n° 20.

[56] Extraits des Comptes de la ville de Compiègne, dans D. Grenier, 20 bis, 2e partie, f. 19. Le Roi arriva le 7 mai à Soissons et le 14 à Compiègne ; les habitants lui donnèrent deux queues de vin et offrirent au Dauphin un gobelet d'argent.

[57] Et lors venoient gens de pluiseurs parties dudit royaume de France devers le Roy, qui par avant avoient esté mandés. Monstrelet, t. VI, p. 5.

[58] Devant ladicte ville furent assises plusieurs bombardes et autres artilleries. Et de ce faisoit le Roy très Brant diligence en personne. Chartier, t. II, p. 16. — Le Roi avait écrit au gouverneur et aux habitants de Compiègne pour faire hâter l'envoi des vivres qui devaient venir de Noyon. D. Grenier, l. c., f. 19 v°.

[59] Lettre du 27 mai aux habitants de Reims (Archives de Reims) ; lettres du 28 mai aux habitants de Saint-Quentin (Collection Moreau 250, f. 217 ; publiées par Mathon, Histoire de la ville et du château de Creil, p. 48, et dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Paris, t. II, p. 131, d'après Archives de Saint-Quentin, liasse 150, dossier G), et aux habitants d'Amiens (Registres des délibérations de la ville d'Amiens, vol. V, f. 81). Le 30 mai, par lettres données à Saint-Denis, le Roi faisait faire un paiement aux capitaines et chefs de guerre qui avaient été employés au siège de Creil (extrait du quatrième compte d'Antoine Baguier, dans le dossier LANGEAC : Pièces originales, 1639, f. 152). On avait ordonnancé le 26 mai le paiement de 16.157 l. 10 s. t. pour les dépenses durant quinze jours (Id., ibid.).

[60] Voir lettres de rémission du mois de juillet 1447. Archives, JJ 178, n° 188. Cf. Boutiot, Histoire de Troyes, t. III, p. 12.

[61] Michelet, Histoire de France, t. V, p. 233-234.

[62] M. de Barante est le seul qui ait donné quelque développement au récit de cet épisode.

[63] On n'entendait qu'un cri à Paris contre la couardise de Charles VII. Henri Martin, Histoire de France, t. VI, p. 401.

[64] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 361, et note de M. Longnon.

[65] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 361.

[66] Il est fait mention de cette aide dans plusieurs documents. Voir en particulier les lettres des généraux des finances en date du 12 juin 1441. Ms. fr. 26427, n° 140.

[67] Le Roi envoyait trois de ses conseillers, chargés de rapporter l'argent. Archives de Lyon.

[68] Voir la description donnée par l'abbé Trou dans ses Recherches historiques sur la ville de Pontoise (Pontoise, 1841), p. 128-132 ; le plan de 1589 et le profil de Silvestre, avec la légende, dans les Antiquités et singularités de la ville de Pontoise, réimpression de l'ouvrage de Taillepied, par MM. A. François et H. Le Charpentier (Pontoise, 1876, gr. in-8°). Cf. Appendice, p. 131 et suivantes. — Nous devons en outre à M. J. Depoin, secrétaire de la Société historique et archéologique de l'arrondissement de Pontoise et du Vexin, qui a bien voulu nous donner son utile concours pour celte partie de notre travail, la communication d'une Description des fortifications, extraite des Mss. de Pihan de la Forest, à la Bibliothèque municipale de Pontoise (n° 2859).

[69] Berry, p. 413-414 ; Monstrelet, t. VI, p. 7.

[70] Le 26 juin, le conseil de ville de Compiègne faisait partir des manœuvriers, maçons et charpentiers, au nombre de soixante-quinze, avec quantité de bois pour les affuts de canon. Comptes de Compiègne, dans D. Grenier, 20 bis, 2e partie, f. 19 v°.

[71] Ce sont les chiffres donnés par Monstrelet. — Un court fragment des Comptes d'Antoine Baguier (ms. fr. 20684, p. 454) donne les indications suivantes : Messire Antoine de Lorraine, conte de Vaudemont, 31 hommes d'armes, 31 archers. — Monseigneur le conte de Saint-Pol, 193 hommes d'armes, 335 archers.

[72] Monstrelet, t. VI, p. 8-9.

[73] Le 13 mai, partait de Rouen Villiers, poursuivant d'armes, chargé d'une lettre close du cardinal de Luxembourg pour Henri VI ; il revint, retourna une seconde fois en Angleterre, et fut ainsi employé jusqu'au 18 août. Ms. fr. 26069, n° 4471.

[74] Voir la curieuse lettre du conseil anglais à Henri VI, dans Stevenson, t. II, p. [603] et suivantes.

[75] Dès le 17 mai, Talbot s'occupait à réunir à Pont-de-l'Arche tout ce qui était nécessaire pour secourir Creil ; il était donc en mesure de marcher sur Pontoise. (Quittances, 77, Ms. fr. 26068, n° 4346, 48, 51. Cf. 4294, t45, 98, 345, 361. Montres, XII, n° 1520 ; XIII, n° 1521-23 ; Ms. fr. 26467, n° 49.) — Un autre rendez-vous fut donné à Pont-Audemer, par lettres de Henri VI, à touz Angloys et autres gens d'armes et de trait... et à touz ceulx qui nouvellement sont venuz d'Angleterre. (Mandement du 27 mai, ms. fr. 26472, n° 75).

[76] Il était le 20 juin à Vernon, d'où il envoya le poursuivant Bonne Adventure porter des lettres closes au cardinal de Luxembourg et aux membres du conseil. Ms. fr. 26068, n° 4310.

[77] Monstrelet (t. VI, p. 10) dit : Cheverin, assés près dudit lieu de Pontoise, et M. Douët-d’Arcq met en note : Chauvry, arr. de Pontoise. Mais Chauvry est un hameau de la commune de Montmorency, et il suffit de jeter les yeux sur une carte pour reconnaître l'impossibilité de cette identification. Nous voyons qu'il faut y substituer celle d'Ennery, qui est sur la rive droite de l'Oise, tout près de Pontoise.

[78] Et le Roy lui dit qu'il avoit conclu que point ne seraient combattus, et ainsi ne le furent point. Gruel, p. 392.

[79] Berry, p. 414 ; Monstrelet, p. 10.

[80] Monstrelet, p. 11.

[81] Monstrelet, p. 11.

[82] Le Roi annonçait en même temps l'envoi de deux de ses officiers, chargés de percevoir cette somme et de la lui apporter dans le plus bref délai. Archives de Reims.

[83] Extrait en bref de ce qui s'est passé à Sentis de 1440 à 1494, par Manet, dans Bernier, Monuments inédits, p. 23.

[84] Le 30 juin, par lettres délivrées à Rouen, au nom de Henri VI, on ordonnait de se procurer promptement dans la vicomté de Rouen huit charrettes bien attelées pour aller à Pontoise. Teulet, Archives de France, p. 470.

[85] C'est ce qu'affirme Monstrelet (p. 11) ; Berry, il est vrai, ne parle pas d'un retour offensif de Talbot avant sa venue en la compagnie du duc d'York ; mais Jean Chartier dit (t. II, p. 22) que les Anglais ravitaillèrent Pontoise à cinq reprises, et Gruel mentionne aussi (p. 395) ces retours offensifs.

[86] Par lettres du 2 février 1441, Henri VI avait autorisé à mettre en monnaie, vendre ou engager tous les joyaux de la couronne pour le paiement de l'armée ; les 13 février et 16 mai le duc d'York obtenait l'ordre de lui délivrer l'artillerie dont il avait besoin, conformément aux articles présentés par lui et à l'endenture passée entre le Roi et lui le 13 mai. Proceedings, etc., t. V, p. 132, 133-34, 145-16. Cf. Stevenson, t. II, p. 463, et [605].

[87] Thomas Basin l'évalue à dix mille hommes ; ce chiffre paraît exagéré.

[88] C'est à Jusiers que rendez-vous fut donné aux gens de guerre. Leurs montres furent passées le 13 et 14 juillet. Archives, K 67 ; n° 1 23-28 ; Montres, XIII, n° 1528 et 1529. — Il résulte d'un document émané de Talbot que le mouvement en avant dut commencer le 15 juillet. Ms. fr. 26068, n° 4340.

[89] Monstrelet, t. VI, p. 12 ; Chartier, t. II, p. 22 ; Gruel, p. 392. — Le 18 on passe à Pontoise les montres des gens d'armes et de trait de la retenue du seigneur de Faucomberge, sous les ordres du duc d'York. Archives, K 67, n° 129. — Sur le ravitaillement de Pontoise et de l'année du duc d'York, voir Pièces originales, 504 : BRETON, n° 18 ; Idem, 2051 : MORHIER, n° 24 ; Ms. fr. 26068, n° 4333, 4335, 4338, etc. ; Ms. fr. 26069, n 4588.

[90] Le chroniqueur officiel Jean Chartier émet à ce propos une théorie qui parait avoir été celle de Charles VII : Donner bataille aux Angloiz ou autres estrangiers est une très perilleuse chose, et est principallement ce que euh requièrent, et qu'on ne doit jamais bailler à son ennemy ce qu'il demande (t. II, p. 14).

[91] Voir Chartier, t. II, p. 23 ; Monstrelet, t. VI, p. 13. Thomas Basin loue cette tactique (t. I, p. 140) : Sed Anglorum impetus sagaci patientia declinantes, in suis manebant castris.

[92] Gruel, p. 392. Cf. Monstrelet, t. VI, p. 13.

[93] Voir à ce sujet des lettres de Simon Morbier, données à Mantes le 3 août. Ms. fr. 26068, n° 4339.

[94] Monstrelet, t. VI, p. 13-15 ; Gruel, p. 392 ; Berry, p. 414-415. — Guillaume du Chastel était bien vu du Roi : en mai 1437, il lui avait fait don d'un cheval. Voir une quittance du 28 mai 1437 : Pièces originales, 209 : BASILHAC.

[95] Monstrelet, t. VI, p. 15-16 ; Berry, p. 415 ; Gruel, p. 392. Thomas Basin loue le Roi de n'avoir pas cherché à résister aux Anglais : Declinans sapienter illius Anglorum exercitus occursum. Cf. Chartier, t. II, p. 23.

[96] Monstrelet, p. 17-18.

[97] Chartier, t. II, p. 23-25 ; Monstrelet, t. VI, p. 17 ; Berry, p. 415.

[98] Bref (comme je doibs dire) il n'y a pays au monde plus commode à l'entretenement de la vie humaine, tant pour la serenité de l'air que pour l'abondance des vivres qui y sont quand il court boa temps. Réimpression des Antiquités de la ville de Pontoise, p. 67.

[99] A tel point que, quand les Anglais revinrent à Rouen, les hommes avaient le visage tellement hâve, les chevaux avaient une telle maigreur qu'on reconnaissait à première vue ceux qui avaient fait la campagne. De là, dit Thomas Basin (t. I, p. 142), le dicton normand : Il a l'air de venir de Pontoise.

[100] Cet épisode est relaté par Thomas Basin. Cf. Berry et Chartier.

[101] Cette date est donnée par M. de Beaurepaire : les États de Normandie, p. 76.

[102] Archives de Reims.

[103] Voir une de ces lettres, Ms. fr. 25945, n° 204.

[104] Monstrelet, t. VI, p. 18.

[105] Le 10 août des lettres de Henri VI, données à la relation du duc d'York, et adressées au vicomte d'Auge, prescrivaient de faire publier que tous marchands et autres vinssent en toute hâte à Rouen avec bœufs, vaches, moutons, pourceaux, etc. (Archives, K 67, n° 131). D'autres lettres du même jour convoquaient tous les gens de guerre à Elbeuf pour le 16 août (id., n° 132). Les montres furent passées à Pont-de-l'Arche les 20 et 22 août. Voir Archives, K 67, n° 12, 133, 134 ; Ms. fr. 26427, n° 153 et 154 ; 26068, n° 4352 ; Montres, XIII, n° 1530-1532 ; Pièces originales, 2051 : MORHIER, n° 19.

[106] Chartier, t. II, p. 25 ; Monstrelet, t. VI, p. 18. — Les 22, 23 et 24 août, le sire de Scales et d'autres capitaines donnaient des reçus pour des setiers de blé, des bœufs, etc., devant servir à l'alimentation de la garnison. Ms. fr. 26068, n° 4354, 55, 57 et 58.

[107] Berry, p. 415 ; Monstrelet, p. 18-19.

[108] Voir le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 362.

[109] Et avec ce estoit du tout adverti comment les princes de son royaume, et mesmement de son sang, n'estoient point bien contens de son gouvernement, et luy avoit esté dit qu'ilz se debvoient assembler ensemble, et que ce n'estoit point pour son bien. Monstrelet, t. VI, p. 19.

[110] Contemplatur rex, loci munitionem explorans, qua parte commodius faciliusque insultus dari et perfici posset. Th. Basin, t. I, p. 111. Cf. Berry, p. 417.

[111] Et durant ledit siège le Roy eut envye d'aller veoir ses trenchées où estoient avec luy trois petites compaignies, entre lesquelles estoient pour capitaines La Hire, Poton de Saincte-Treille et Amboine de Chabannes, conte de Dampmartin. Si advint que iceulx Anglois firent semblant de saillir. Et iceulx capitaines conseillerent au Roy de soy retirer en son logis, ce qu'il ne voulut faire. Disant de sa bouche que là où ses ennemis l'auraient surprins, ilz le trouveroient sans reculler. Et telles furent les parolles du Roy. Cronique martinienne, fol. CCLXXXVII.

[112] Paiement, en date du 28 août, à deux messagers envoyés à Pontoise et à Conflans par ordre de Talbot. Stevenson, t. II, p. 320.

[113] Il y a une montre, passée à Pont-de-l'Arche le 29 août, de quatre lances et dix archers, lesquels sont allez ledit jour à Pontoise en la compagnie de noble et puissant seigneur monseigneur de Talbot, mareschal de France. (Archives, K 67, n° 130 ; cf. n° 137, 138.) Talbot était dans Pontoise le 6 septembre. Nous avons une quittance, datée de ce jour, à Pontoise, portant sa signature originale, par laquelle il déclare avoir reçu 734 l. 19 s. 2 d. t. sur les gages de cinq hommes d'armes à cheval de nostre retenue à nous ordonnée pour entre en tour nostre personne et nous accompaigner ou service du Roy nostre sire, lesquelssont ordonnez servir icelui seigneur et demorer en la ville de Pontoise..... pour leur service de ung mois commençant le jour d'uy que montres ont esté faictes au dit lieu de Pontoise par devant messire Simon Morbier, chevalier, et Jehan de la Perreuse. (Ms. fr. 36068, n° 4363.) La montre passée par Simon Morbier se trouve en original dans le recueil des Montres, vol. XIII, n° 1533.

[114] Archives de Reims.

[115] Chartier, t. II, p. 26.

[116] Ce détail nous est fourni par une lettre en date du 20 septembre, écrite par Guillaume Cousinot au seigneur de Targie (Gabriel de Bernes, seigneur de Targes), lieutenant du Dauphiné et publiée (avec quelques incorrections) par M. l'abbé Ulysse Chevalier, dans son Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné, p. 384-85.

[117] Même source.

[118] Ce curieux document a été communiqué en 1866 par M. Marchegay au Comité des travaux historiques, et publié dans la Revue des sociétés savantes, 4e série, t. IV, p. 471-473.

[119] C'était une tour carrée de quatre à cinq toises sur tous les sens, située sur le bord de l'Oise, à l'extrémité des remparts faisant face à Saint-Martin ; elle avait l'étang d'un côté et de l'autre tenait au boulevard joignant la porte du Bucherel sur lequel elle faisait saillie. Le chemin ou chaussée du Bucherel, large de sept toises environ, la séparait de la rivière. Ce chemin servait aussi de digue à l'étang. Entre cette tour et la porte du Bucherel, était alors l'embouchure du Ru qui, dans l'espace de soixante-dix toises, c'est-à-dire depuis la Tour Penchante, dite aussi Tour du Diable, cotoyait ce rempart, une langue de terre entre deux ; cette langue de terre dont la largeur allait en diminuant depuis huit jusqu'à trois toises, formait un talus qui servait d'épaulement au rempart. Almanach historique de Pontoise, 1803, cité dans l'appendice dé la réimpression de Taillepied, p. 132 note.

[120] Le récit de ce brillant fait d'armes est donné en ces termes par la chancellerie royale dans des lettres en date du 22 septembre : Le 19 septembre vers midi, l'assaut fut, par nous et nos gens, donné de quatre côtés à la fois, et c'est à la prise de la tour da Friche, où nous étions en personne, que monta le premier notre amé Jean Becquet, archer, natif de Rouen, l'un de nos gens, que suivit de près et presque immédiatement notre amé Étienne Gantier, homme d'armes, natif de Brie. A eux deux, ils lancèrent sur les défenseurs de la tour, qui n'avaient cessé jusque là de résister opiniâtrement à tous nos efforts, une grêle de pierres détachées des man où l'artillerie avait fait brèche, et réussirent à lés inquiéter tellement que les Anglais chargés de defendre cette position s'enfuirent en désordre. C'est alors, et par là, que nous et nos gens pénétrâmes par cette tour dans la place, avant que nul y fût encore entré d'aucun autre côté, et ainsi Pontoise fut prise et emportée d'assaut. Quant aux ennemis qui s'y trouvaient et en fort grand nombre, ils furent tous pris ou tués sans qu'il en échappât un seul, à notre connaissance da moins. — Traduction de M. Chazaud, dans le mémoire cité plus loin.

[121] Thomas Basin, t. I, p. 146. L'évêque de Lisieux rapporte qu'il tenait ce détail de la bouche même du Roi ; il ajoute que la rage des Français tenait à ce que Talbot avait frappé de sa hache et tué sans pitié un écuyer qui, sorti du camp et fait prisonnier, avait été conduit en sa présence.

[122] Monstrelet, I. VI, p. 23. — Voir sur l'assaut de Pontoise, Monstrelet, Basin, Berry et Chartier.

[123] On a vu plus haut la brillante conduite de Jean Becquet et d'Étienne Guillier. Pour perpétuer le souvenir de la victoire et récompenser d'une manière digne de lui les deux braves qui y avaient si vaillamment contribué, le Roi leur accorda à l'un et à l'autre les privilèges de la noblesse héréditaire, plus cent livres parisis de rente annuelle et perpétuelle sur des biens confisqués à Pontoise, Saint-Denis, l'Île Adam et Beaumont ; en outre les deux ennoblis reçurent les armes suivantes, blasonnées dans la charte originale : Becquet, d'azur à trois tours demi rompues d'or ; Guillier, d'or à trois tours demi rompues d'azur. Le texte des lettres de Charles VII, données à Pontoise même, le 22 septembre 1441, et contresignées par le Dauphin, les princes du sang, les deux maréchaux de France, l'amiral, etc., a été publié de nos jours par M. Chazaud, d'après l'original, en mauvais état, conservé aux archives du château de Lévy, commune de Lury-Lévy (Allier) : Anoblissement de deux simples soldats après la prise de Pontoise, dans les Mémoires lus à la Sorbonne dans les séances au Comité des travaux historiques en 1866, p. 130-145. — On lit dans la Bibliographie de la ville et du canton de Pontoise par Léon Thomas (p. 16) : M. Chazaud croyait cette pièce inconnue ; mais on en trouve déjà la copie dans les manuscrits de M. Pihan de la Forest. Elle complète même en partie les lacunes de l'imprimé. — Ajoutons que, comme l'a indiqué M. Chazaud, La Roque a visé ces lettres dans son Traité de la noblesse (Rouen, 1734, p. 65), et que Monstrelet mentionne le fait dans sa Chronique (t. VI, p. 23).

[124] Berry, p. 418 ; Monstrelet, t. VI, p. 22.

[125] Tous noz amis sont en bon point, écrivait Cousinot ; il n'y a eu homme mort de nostre part. Bien est vray qu'il y en a beaucop de bléssés ; aussy autrement ne se puet-il fere. Lettre citée.

[126] Berry, p. 417.