HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE III. — LES SUITES DU TRAITÉ D'ARRAS.

 

 

1435-1438

Publication du traité d'Arras ; envoi d'une ambassade à Charles VII pour la ratification du traité. — Dispositions du Roi et de son entourage ; cérémonie de la prestation du serment. — Résultat de la mission diplomatique de Toison d'or en Angleterre ; rupture entre Philippe le Bon et Henri VI ; attitude des deux cours ; déclaration de guerre du duc ; son échec devant Calais. — Embarras de la politique bourguignonne. Conseils donnés par Hugues de Lannoy. — Libération de René d'Anjou, prisonnier du duc de Bourgogne, grâce à l'intervention de Charles VII ; traité de Lille. — Affaire de la libération du duc d'Orléans ; négociation en vue d'un mariage avec Marguerite de Savoie ; ouvertures de l'Angleterre au duc ; reprise des négociations sous les auspices de ce prince ; conférence de Vannes : les ducs d'Orléans et de Bretagne médiateurs pour la paix ; le Roi refuse de traiter sans la participation du duc de Bourgogne.

 

On n'attendit pas, pour publier le traité d'Arras, la ratification de Charles VII. Dès le 22 septembre, des lettres délivrées au nom du Roi par les ambassadeurs qui avaient siégé au congrès, ordonnèrent la publication du traité dans les taillages de Vermandois, de Troyes, de Vitry, de Chaumont, de Meaux et de Sens[1]. De son côté, le duc de Bourgogne, par lettres du 24 septembre, enjoignit à ses baillis de faire la même publication[2]. Pourtant la consécration royale était indispensable : une ambassade fut chargée de se rendre près du Roi et de recevoir son serment[3].

Charles VII avait vu avec satisfaction s'accomplir un acte qu'il estimait nécessaire au bien du royaume et au soulagement de son peuple[4]. Mais cette satisfaction n'était point sans mélange. Il se sentait atteint dans sa dignité par certaines stipulations que les plénipotentiaires français — et la responsabilité incombe surtout ici au duc de Bourbon — avaient, à la dernière heure, laissé introduire dans le traité[5]. Le sentiment d'équité que possédait à un haut degré le Roi était offusqué par le contraste entre la multiplicité des prescriptions relatives au meurtre de Montereau, et le silence gardé sur un autre meurtre dont l'assassinat de Jean sans Peur n'avait été que la sanglante représaille, ainsi que sur tous les crimes accomplis, durant les troubles, sous la pression du parti bourguignon. Enfin Charles VII avait été justement froissé de la déclaration faite par le duc de Bourgogne, avec un éclat qui la rendait encore plus blessante[6], qu'il entendait exclure le duc de Bar de la paix d'Arras. René d'Anjou était beau-frère du Roi ; c'est en luttant pour la défense de la Couronne qu'il était devenu le prisonnier de Philippe ; une telle exclusion pouvait à juste titre être considérée comme une injure personnelle. Thomas Basin, en parlant du traité d'Arras, écrit que le chagrin ressenti par le Roi d'avoir eu à subir d'aussi onéreuses conditions, l'empêcha toujours de traiter son nouvel allié en ami et d'entretenir avec lui des relations intimes[7].

Autour du trône, deux personnages, et des plus considérables, figuraient parmi les mécontents : Charles d'Anjou et le bâtard d'Orléans. Ce sentiment était commun aux anciens serviteurs de la maison d'Orléans qui figuraient encore dans le Conseil[8]. Dans les rangs des partisans de la guerre à outrance, qui formaient un parti très remuant, on attaquait vivement la politique suivie à l'égard du duc de Bourgogne, et on ne ménageait même pas la personne du Roi : au lieu de s'armer et de soutenir résolument le poids de la guerre, il préférait, disait-on, laisser entamer largement son patrimoine aux dépens de la Couronne[9]. Parmi les loyaux Français et de bon entendement, beaucoup étaient loin d'être satisfaits. Le traité d'Arras leur eût paru acceptable, si le droit et la raison y eussent été sauvegardés. N'était-ce point assez, pour le Roi, de pardonner au duc de Bourgogne et d'oublier les forfaitures dont lui et son père s'étaient rendus coupables ? N'aurait-il pas dû suffire de l'admettre à l'hommage, sans autre amendement ? Et si des fondations devaient être faites, peur le meurtre de 1419, pourquoi n'en point imposer également à la partie adverse pour le meurtre de 1407, sans parler des dédommagements si légitimes que les enfants de Louis d'Orléans auraient dû recevoir[10] ? A Arras même, au lendemain de la conclusion de la paix, on ne se gênait pas pour formuler lés plus acerbes critiques : Le traité, disait-on en présence des officiers du duc, le traité est tout à l'avantage de monseigneur de Bourgogne, et à la foule et charge du Roi. Dans les discussions engagées à ce propos, on allait jusqu'à le qualifier d'incivil, inique et dampnable, et très deshonnourable pour le Roy, et on ajoutait qu'il n'était pas vraisemblable que Charles VII avouât ceux qui avaient signé un acte où il était rançonné de la sorte par un de ses sujets[11].

En quittant Arras, après avoir pris, de concert avec le duc de Bourgogne, les arrangements dont il a été parlé plus haut[12], les ambassadeurs français se rendirent à Dijon, en compagnie du cardinal de Sainte-Croix, du chancelier Rolin et des conseillers désignés pour aller trouver le Roi. Le connétable de Richemont ne tarda pas à les rejoindre[13]. Là on s'occupa de diverses questions demeurées en litige. Puis les ambassadeurs se mirent en route, en compagnie de trois seigneurs désignés par le conseil de Dijon[14] ; voyageant à petites journées, ils arrivèrent à Tours dans les derniers jours de novembre[15].

Un rapport fut présenté au Roi par le chancelier. Avant d'en adopter les conclusions, Charles VII eut, paraît-il, un moment d'hésitation[16]. Mais les motifs d'un ordre si élevé qui, dans le cours des négociations, avaient dicté sa conduite, l'emportèrent sur des répugnances d'ailleurs naturelles et légitimes. Olivier de la Marche nous apprend que quatre considérations décisives engagèrent le Roi à donner son adhésion au traité : 1° il faisoit conscience du cas advenu en la mort du duc Jehan ; 2° il ne regardait pas comme possible de supporter plus longtemps, sans péril pour son royaume, le poids d'une double lutte avec les Anglais et avec les Bourguignons ; 3° il se voyait à la merci des capitaines, qui allaient jusqu'à forcer la porte de sa chambre pour lui imposer leur loi, et il voulait à tout prix se soustraire à ce joug odieux[17] ; 4° enfin il fut, ajoute le chroniqueur, si saige et si raisonnable Roy, qu'il aymoit mieulx l'utilité et le prouffit de son royaulme que de demourer en opinion inique, sans salut ne repos[18].

D'autres considérations, d'un ordre purement religieux, paraissent avoir été - d'un grand poids dans la détermination royale : en ne remplissant point les engagements contractés solennellement en son nom, Charles VII se serait trouvé sous le coup d'une sentence d'excommunication. Il donna donc ses lettres de ratification, conservant, paraît-il, le secret espoir que le duc de Bourgogne ne se montrerait pas trop rigoureux dans l'accomplissement de toutes les clauses du traité[19].

Les lettres de ratification sont du 10 décembre 1435. Le préambule de l'acte fait bien ressortir les sentiments qui animaient Charles VII. Le très glorieux Roy des Roys, y lit-on, Dieu, nostre createur, par lequel nous vivons et regnons, et duquel seulement nous tenons nostre royaume, nous enseigne et donne exemple par soy-mesme à querir, comme vray pasteur, le salut et repos de nostre peuple, et le preserver des très Brans et innumerables maux et dommaiges de guerre, laquelle chose nous avons tousjours desirée de tout nostre tuer et procurée à très soigneuse diligence, cognoissans que par le bien de paix est élevée et exercée justice par laquelle les Roys regnent, et les temps passez nostre royaume a esté essaucié et conservé[20].

C'est le 11 décembre 1435 qu'eut lieu, dans l'église Saint-Martin de Tours, en présence des ambassadeurs du duc de "Bourgogne et au milieu d'une grande affluence, la cérémonie de la prestation du serment. Elle s'ouvrit par une procession solennelle, où furent portées les reliques de saint Martin et de saint Maurice et la sainte ampoule conservée dans l'abbaye de Marmoutiers. La messe du Saint-Esprit fut célébrée par l'archevêque de Crête, ambassadeur du Concile de Bâle, alors en mission à la Cour[21]. Après la messe, l'archevêque, revêtu des ornements pontificaux, s'assit suie les marches de l'autel, tenant entre ses mains le livre des Évangiles. Le chancelier Regnault de Chartres, ayant pris place au milieu du chœur, prononça un discours : il insista sur le désir persévérant du Roi d'arriver à une paix qui devait procurer le soulagement de ses sujets ; il fit l'historique du congrès d'Arras et annonça que le Roi était disposé à ratifier le pacte conclu en son nom et à prêter serment. Charles VII s'avança alors vers l'archevêque, s'agenouilla à ses pieds, et, plaçant la main droite sur le livre saint, jura d'observer le traité. Le comte du Maine, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, et tous les seigneurs ou membres du Conseil présents prêtèrent serment à leur tour. Enfin, au nom du Roi, le chancelier ordonna à tous les assistants de lever les mains en signe d'adhésion. C'est ce qui fut accompli au milieu des cris mille fois répétés de Noël ! Noël ! La cérémonie se termina par le chant du Te Deum[22].

Le sentiment de réserve dont il a été parlé plus haut apparut au grand jour en cette solennelle occasion. Le comte du Maine, tout en jurant le traité, déclara que son serment n'aurait de valeur que si son frère le duc de Bar était mis en liberté[23] ; le bâtard d'Orléans réserva son adhésion jusqu'à ce qu'il eût obtenu l'assentiment de ses frères le duc d'Orléans et le comte d'Angoulême, toujours prisonniers en Angleterre[24].

Au lendemain de la ratification du traité, deux questions apparaissaient donc comme une conséquence naturelle du pacte de réconciliation : la libération de René d'Anjou ; la délivrance des deux princes d'Orléans retenus en captivité depuis la bataille d'Azincourt. Nous verrons plus loin la solution qu'elles reçurent.

Tranquille du côté de la France, car, malgré les rumeurs mises en circulation et les murmures qui retentissaient de divers côtés, il n'avait jamais douté de l'adhésion de Charles VII, le duc de Bourgogne n'était pas sans inquiétudes du côté de l'Angleterre. De quel œil ses anciens alliés, verraient-ils la conclusion du traité ? Les propositions de paix, résumant les dernières offres faites à Arras, qu'une ambassade bourguignonne devait porter à Westminster, avaient-elles chance d'être agréées ? Enfin les rapports amicaux entretenus jusque-là avec les Anglais n'allaient-ils pas faire place à une hostilité déclarée ?

A la date du 26 septembre, Philippe avait adressé à Henri VI une lettre dans laquelle il exposait ce qui avait été fait à Arras pour la conclusion d'une paix générale, et sollicitait vivement le gouvernement anglais d'accepter les offres que, sur ses instances, les ambassadeurs français s'étaient décidés à produire[25]. Trois jours après, Jean le Fèvre, seigneur de Saint-Remy, roi d'armes de la Toison d'or, partait pour l'Angleterre, en compagnie du héraut Franche-Comté et d'un frère mendiant, docteur en théologie, chargé de remettre à Henri VI des lettres des cardinaux de Sainte-Croix et de Chypre en faveur de la paix[26]. Toison d'or avait pour mission de faire valoir les motifs qui avaient amené le duc à conclure une paix séparée : si, cédant à la nécessité, il avait consenti à traiter avec Charles VII, en lui pardonnant le meurtre dont il s'était rendu coupable, il n'entendait point pour cela entrer en guerre avec le roi d'Angleterre ; il voulait au contraire s'employer, par tous les moyens en son pouvoir, à la conclusion de la paix ; il avait déjà obtenu de la partie adverse d'importantes concessions, qui n'allaient à rien moins que l'abandon aux Anglais de la tierce et meilleure partie du royaume ; les offres qu'il transmettait au roi d'Angleterre lui semblaient donc mériter d'être acceptées[27].

Mais une telle mission n'avait aucune chance de succès. Un cri unanime de colère et d'indignation avait retenti parmi les Anglais, tant en France qu'en Angleterre, quand on avait vu le duc de Bourgogne séparer sa cause de celle de Henri VI et s'unir au prince qu'il considérait jusque-là comme son plus mortel ennemi. Rien, d'ailleurs, n'avait été épargné pour agiter l'opinion et pour mettre en lumière la trahison du duc. Dès le 5 septembre, avant de quitter Arras, les ambassadeurs anglais avaient rédigé un mémoire où étaient exposés les faits qui avaient précédé la rupture des négociations. Par décision du Conseil siégeant en France, ce mémoire avait été envoyé à toutes les villes de l'obéissance de Henri VI, avec ordre de le faire commenter, dans des sermons généraux, par des clercs notables, de bonne volonté, afin de faire apparaître aux yeux des populations les efforts sincères faits par le roi d'Angleterre en faveur d'une paix qui devait assurer le relevement du pauvre peuple, et de rejeter sur le duc de Bourgogne tout l'odieux de l'insuccès[28]. A peine débarqués à, Douvres, Toison d'or et ses compagnons se virent l'objet de mesures de rigueur : on les séquestra, et l'on s'empara des lettres dont ils étaient porteurs[29]. Ils furent amenés séparément à Londres, sous la conduite d'un héraut et d'un clerc du Trésor, et enfermés dans la maison d'un cordonnier. Soumis à la consigne la plus sévère, ils ne pouvaient sortir que pour aller à la messe et sous bonne escorte[30]. Toison d'or, au mépris de son caractère d'ambassadeur, fut accablé d'injures, menacé d'être noyé. Non seulement on le priva, en lui refusant d'être admis près du Roi ou des membres du Conseil, des moyens de remplir sa mission ; mais on lui fit entendre, sur le compte de son maitre, les paroles les plus blessantes[31].

Le 10 octobre, le Parlement fut saisi de la question qui occupait tous les esprits. John Stafford, évêque de Bath, chancelier d'Angleterre, fit l'exposé de ce qui s'était passé à Arras et mit en relief la trahison du duc de Bourgogne, convaincu d'avoir manqué à ses serments. Le Parlement fut sollicité de fournir au gouvernement les moyens d'agir pour la défense des droits du roi[32], et ne tarda point à répondre à cet appel[33]. La publicité donnée à la félonie du duc porta à son comble l'indignation populaire. L'orgueil anglais se révoltait à la pensée de supporter impunément une telle injure. C'est avec peine que les ambassadeurs échappèrent aux fureurs du peuple quand ils allèrent s'embarquer pour la Flandre. Toison d'or fut congédié par le chancelier avec ces rudes paroles : Thoison d'or, le Roy d'Angleterre et de France, mon souverain seigneur, a veu les lettres et offres que vous lui avez apportées, lesquelles luy ont moult despleu, et non sans cause. Pour lesquelles choses il a assemblé ceulx de son sang et lignage pour y avoir adviz ; et vous en povez bien retourner delà la mer[34]. Le religieux porteur du message des cardinaux ne reçut pas une meilleure réponse[35].

La démarche faite par le duc de Bourgogne, loin d'amener le résultat qu'il en espérait, ne fit donc que précipiter la rupture. On raconte qu'en lisant la suscription de la lettre de Philippe, qui, au lieu de la formule habituelle : A mon très redoubté seigneur monseigneur le Roy[36], portait : A très hault et puissant prince nostre très chier seigneur et cousin, le jeune Henri n'avait pu retenir ses larmes : Puisque, avait-il dit, le duc de Bourgogne s'est ainsi montré déloyal envers moi et s'est reconcilié avec le roi Charles mon ennemi, je vois bien que mes seigneuries du royaume de France en vaudront beaucoup pis[37]. Ce fut, autour du trône, un concert de récriminations et d'injures. Le duc de Glocester, se rappelant ses anciennes querelles, jura de tirer vengeance du rebelle. Dans les rangs du peuple, le même sentiment se fit jour : il n'était, dit Monstrelet, fils de bonne mère qui ne maudît le duc et ne l'accablât de vilenies, ainsi que tous ceux de ses pays[38]. La populace se rua sur les sujets de Philippe qui se trouvaient à Londres pour les intérêts de leur commerce, et le gouvernement dut intervenir pour assurer leur sécurité[39].

En même temps qu'il repoussait avec dédain les ouvertures du duc de Bourgogne, le Conseil anglais se mit en mesure de reprendre énergiquement la guerre. Dans la réponse à aine ambassade des États de Normandie, venue pour protester de la soumission de la province, on fit savoir (23 décembre) que, par l'avis du Parlement, on allait mettre sur pied une très grosse et puissante armée, et la plus grosse qui de mémoire d'homme passa delà la mer[40] ; qu'avant le 1er janvier partirait une belle compagnie, si le vent le permettait ; que d'autres troupes suivraient avant la fin de janvier, et qu'après viendrait la grosse armée, sous les ordres du duc d'York, ayant en sa compagnie les comtes de Salisbury, de Suffolk et de Mortain. Toutefois, Henri VI ne repoussait point des idées de conciliation qu'il savait conformes aux sentiments de ses sujets d'outremer : aussi déclara-t-il aux députés normands que, quelque fût la prospérité que Dieu daignât accorder à ses entreprises, il ne refuserait pas de se prêter à des négociations d'où pourrait sortir toute bonne et raisonnable paix, ferme et stable, pour la sûreté de ses bons, vrais et loyaux sujets, qu'il aimait tendrement, à cause de la bonne amour vraye, grande loyauté et obeissance, patience, fermeté et constance qu'il avait toujours trouvées en eux[41]. Des préparatifs de guerre, visant cette fois directement le duc de Bourgogne, furent faits sans délai : la garnison de Calais reçut l'ordre de commencer ses attaques contre les sujets du duc, et bientôt une entreprise fut dirigée contre la ville d'Ardres. Le duc de Glocester fut nommé lieutenant du roi à Calais et dans les provinces de Picardie, d'Artois et de Flandre. On se saisit des navires flamands qui naviguaient sur les côtes d'Angleterre. Des ambassadeurs furent envoyés à l'empereur, à l'archevêque de Cologne, à l'évêque de Liège, au duc de Gueldre[42], au comte de Meurs pour les rattacher plus étroitement à la cause anglaise. Une ambassade alla trouver le grand maître de l'ordre teutonique. Peu après un traité fut conclu, assurant à l'Angleterre le concours du comte Palatin du Rhin. Enfin des lettres furent adressées par Henri VI aux, villes de Flandre et de Hollande (14 décembre) pour les attirer à son parti, en invoquant la communauté des intérêts[43].

Le due de Bourgogne n'avait point attendu que l'Angleterre prît à son égard une attitude hostile pour se mettre en garde contre l'éventualité d'une rupture. La question avait de bonne heure été agitée dans son Conseil, où l'on ne se faisait guère d'illusion sur l'issue de la mission de Toison d'or. Des conseillers habiles et expérimentés avaient longuement exposé les mesures à prendre afin de se mettre à l'abri des agressions ou des intrigues du gouvernement anglais[44]. Pour y parvenir, on comptait à la fois sur l'appui du roi de France, sur le concours de ses alliés les rois d'Écosse et de Castille, sur le résultat de démarches personnelles que le duc ferait auprès de ses sujets de Flandre, de Brabant, de Hainaut et de Hollande ; on comptait aussi sur les nobles et les milices des villes de Picardie, qui devaient être placés sous le commandement d'un capitaine général, chargé de la garde des frontières, et sur la puissante flotte qui devait tout ensemble inquiéter les Anglais, intercepter leurs communications avec la France, et au besoin porter le ravage sur leurs côtes ; enfin on ne désespérait point de triompher des dispositions hostiles de l'empereur : vieux, impotent, dénué d'ailleurs de ressources financières, Sigismond ne semblait pas disposé à poursuivre ses projets belliqueux ; on espérait entrer en composition avec lui et opérer en même temps un rapprochement avec les princes dont les états étaient voisins du Brabant, du Hainaut et de la Hollande[45].

C'est donc la guerre qui, de part et d'autre, se préparait de nouveau ; et tandis que l'Angleterre allait tenter un nouvel et puissant effort, toutes les ressources de la puissance bourguignonne, mises jusque-là à son service, devaient être tournées contre elle. Après une vaine tentative de conciliation, faite secrètement près des Anglais par l'intermédiaire du comte de Ligny[46], le duc de Bourgogne n'hésita plus. Il écrivit au roi d'Angleterre pour se plaindre des actes d'agression dont ses sujets avaient été victimes depuis le traité d'Arras, et lui déclara que son honneur ne lui permettait pas de les laisser passer impunément[47]. Il avait dressé son plan de campagne, et préparé les moyens d'exécution : c'est contre Calais que devait être dirigée la première attaque. Les Flamands furent mis en demeure d'intervenir, comme s'il s'agissait pour eux d'une querelle personnelle ; en faisant appel à leurs vieilles rancunes, on n'eut pas de peine à les persuader. Dans les premiers jours de juin, toutes les milices de Flandre furent sur pied. Le 9 juillet plus de trente mille hommes étaient réunis sous les murs de Calais. On sait le reste : le duc n'avait voulu compter que sur les Flamands, et les Flamands, découragés par les lenteurs du siège, l'incessante arrivée de renforts aux Anglais, le défaut de concours de la flotte du comte de Horn, lâchèrent pied tout à coup, forçant Philippe à abandonner le siège.

Les conséquences d'un tel échec devaient être fatales. Le mécontentement des communes flamandes se traduisit par une révolte, à laquelle sans doute l'influence anglaise ne fut point étrangère[48], et cette révolte prit de redoutables proportions.

La situation du duc de Bourgogne devenait critique. En lutte avec l'Angleterre, il avait à se défendre contre ses propres sujets ; en outre, il était exposé à voir les pays de Hollande et de Zélande, et les Flamands eux-mêmes, privés des relations commerciales qui contribuaient tant à leur prospérité, se rapprocher des Anglais et traiter avec eux sans son congé. Du côté du Brabant, de la Hollande, du comté de Namur, des complications étaient toujours à craindre. Les auxiliaires sur lesquels il avait compté ne lui offraient qu'un concours incertain et précaire. La chevalerie de Picardie ne se montrait point fort empressée, et la France, impuissante au point de vue financier, ne pouvait — l'expérience l'avait démontré lui envoyer que des troupes indisciplinées, plus propres à ruiner ses pays qu'à les défendre.

Une voix autorisée, qui, à plusieurs reprises, avait retenti au sein du Conseil du duc, poussa à ce moment (10 septembre 1436) un cri d'alarme ; cette voix était celle de Hugues de Lannoy. Au milieu de périls si redoutables, le vieux diplomate ne craignit point de formuler nettement le programme de la politique bourguignonne. Un seul moyen s'offrait, et ce moyen s'imposait en quelque sorte : il fallait que le duc s'employât à ménager la paix entre la France et l'Angleterre, car, tant que durerait la guerre, il serait exposé aux plus grands dangers.

Lannoy trace le tableau suivant de la situation dans les deux pays :

Et, pour parler de France, vous povez veoir quel prince est le Roy et de quel entendement, qui ne gouverne point de Boy meisme, mais est gouverné ; la très grant povreté qui est en son Estat et par tout son Royaume, pour l'occasion des guerres qui y ont esté et encores sont, et comment il est petittement obey de ses cappitaines ; la melancolie et desplaisance qu'il a et puet prendre de se trouver en telz tribulations et desolacions si longuement ; et aussi le grant desir que puent avoir et ont grant partie des nobles, les gens d'église et les bonnes villes de France de eulx trouver hors de ceste malerte guerre ; et se ils savent trouver ou veoir maniere raisonnable ad ce faire, il fait à croire qu'ilz y entendroyent de bon cuer.

Item, et quant au regart du Roy et Royaume d'Engleterre, le Roy en est joue, qui n'a pas eage souffisant pour gouverner ; les grandes excessibles finances qu'ilz ont mis hors pour le fait de la guerre de France, depuis vingt ans en ça ; le grant et mervelleux nombre de capitaines, de chevalerie et de gens qu'ilz ont perdu en France depuis ces guerres ; et que vous, mon très redoubté seigneur, estes parti d'eulx, et qu'il lehr faut faire toute la guerre de leurs gens d'Engleterre, et payer comptant, qui sont toutes choses moult dangereuses et pesantes pour eulx ; et aussi que renommée court que tout le commun de leur royaume est tant las et travellié de la guerre qu'ilz en sont comme tout desesperez ; et a esté vray qu'ilz ont esté en grans divisions entre eulx, pour ce que la plus grant partie des gens du Royaume ont fort blasmé au Conseil du Roy de ce qu'ilz n'entendoient aultrement à la paix generale quant ilz fuient à la journée d'Arras, et de ce que on refusa les offres qui aprez ladicte journée leur furent faictes. Et, tant pour les guerres qu'ilz ont en Escoce et en Yrlande, le dommage que le Roy et les marchans du Royaume reçoivent pour ce que marchandise y est empeschié, et ce que on a veu que, pour secourir Calais, a Palu vuydier les anciens seigneurs et chevaliers du pays, et, que plus est, que ilz voient que plus y mettent et plus y perdent, il est vraysemblable que, toutes choses bien considerées, ilz sont très las des guerres, et que, se ilz povoiént revenir à choses raisonnables, que de bon cuer ilz y entendraient ; et aussi ilz le puent mieulx faire que oncques mais, pour ce que le Roy, à ceste saint Nicolay, aura eage de quinze ans.

Les moyens pratiques indiqués par Lannoy étaient au nombre de trois. Citons textuellement son curieux exposé, qui jette une vive lumière sur l'histoire du temps.

L'un d'iceulx moyens qui est en vostre povoir est monseigneur de Bar, qui est vostre prisonnier, frère de la Royne de France et de Charles d'Anjou, qui a grant gouvernement autour du Roy ; et se vous faisiés aucune grace audit monseigneur de Bar, vous pouriez avoir l'ayde de la Royne de France sa sœur, de la Royne de Naples sa mère, et de Charles d'Anjou son frère, pour vous aidier à conduire ceste matière envers le Roy de France.

Le second moyen est que vous avez en engaigure la conté de Pontieu, Amiens, et les autres villes sur la rivière de Somme pour quatre cens mille escuz, comme vous savez ; et pour ce qu'il fait à doubler que le Roy de France se partira bien envis (contre son gré) de la ducié de Normandie, sans laquelle estre baillié et, delivrée au Roy d'Engleterre n'a point d'apparence de venir à paix generale[49], et que le Roy de Fradce se doye departir de la ducé de Normandie et vous avoir de lui tout ce que vous tenez, tant en leritage comme en engaigure du domaine de la couronne, sera forte chose et difficille que il s'y vuelle consentir ; mais pourroit estre vraysemblable, si vous lui vouliés rendre et quitter l'engaigure desdiz quatre cens mille escus, cela lui pouroit mouvoir à donner au Roy d'Engleterre la ducé de Normandie, qui pouroit estre très grant avanchement de ladicte paix generale.

Le tiers point s'entent par le moyen de monseigneur le duc d'Orleans, qui est prisonnier en Engleterre, et qui jà par longtemps et par moult de moyens a poursuy et cherquié, et poursuit encores, comme raison est, sa delivrance ; laquelle n'est point apparante de avenir, si non par paix generale entre les deux Royaumes. Et se le Roy de France se rendoit trop est.roit et difficille à ceste paix generale, on pouroit avoir grant ayde du bastart d'Orleans et de plusieurs capitaines grans amis audit monseigneur d'Orleans, de ses serviteurs et officiers, de ses pays en France qui, par leur requeste, pouroient, en la faveur de lui, faire eslargir le Roy et passer beaucop de choses bien servans à parvenir à ladicte paix. Et encores qui bien se y vouldroit employer, en tenant bonnes manieres par ostages et scellez de princes et bonnes villes, les Englès pouroient eslargir mon dit seigneur d'Orleans, et, s'il se trouvoit en la presence du Roy et des seigneurs de France, il pouroit, en faveur de sa delivrance, grandement avanchier ladicte paix. Et se sa delivrance se faisoit par vostre moyen, il en seroit à. tousjours tenu envers vous et vous en savoir gré.

 

Pour persuader à son maître d'entrer dans ses vues, Lannoy s'applique à réfuter les objections qui pourraient être soulevées. A ceux qui diraient qu'après l'échec de Calais, l'honneur du duc est intéressé à ne point traiter avec les Anglais, on peut répondre, sans flatterie que personne n'a songé à le rendre responsable de cet échec, car, par sa bravoure, il a tout fait pour le conjurer. A ceux qui prétendraient que l'abandon de l'engaigure des quatre cent mille escus et la libération du duc de Bar seraient de trop grands sacrifices, il oppose la nécessité urgente d'apporter dans le gouvernement et dans l'administration des réformes qui permettraient au duc de triompher de toutes les difficultés et de conquérir la confiance de son peuple. Il conclut en recommandant que, par tous les moyens et le plus hastivement que faire se pourra, le duc travaille à la pacification entre les deux royaumes[50].

Ainsi, par la force des choses, les deux questions laissées en suspens, la mise en liberté de René d'Anjou, la délivrance du duc d'Orléans, s'imposaient à l'attention du duc de Bourgogne ; car, plus que jamais, les événements l'obligeaient à ménager la France et à donner des gages au gouvernement royal.

Charles VII se préoccupait vivement de la situation de René d'Anjou. Ce prince n'avait cessé d'être l'objet du traitement le plus rigoureux. Au moment même où la mort de son frère aîné (12 novembre 1434) plaçait sur sa tête la couronne de Sicile, il s'était vu enfermé dans te fort de Bracon ; transféré ensuite à Dijon, il y avait été étroitement gardé. Un ambassadeur milanais, qui se trouvait dans cette ville au mois de mai 1435, put pénétrer jusqu'à lui, et le trouva la barbe inculte, dans le plus piteux état, et comme désespéré : Je vous en prie, lui dit René en pleurant, veuillez me recommander à mon cousin et lui dire que j'ai grand désir de le voir[51]. Mais c'est à peine si l'envoyé du duc de Milan eut la faculté d'échanger quelques paroles avec le malheureux prisonnier. Les prétentions du duc de Bourgogne étaient exorbitantes ; non seulement il exigeait une énorme rançon, mais il voulait que le duché de Bar lui fût remis en gage. Or René avait déclaré qu'il resterait toute sa vie en prison plutôt que de céder son duché.

Châles VII se décida à prendre résolument en main la cause de son beau-frère : une ambassade partit pour Saint-Orner au mois de mai 1436. A sa tête étaient le connétable de Richemont, le comte de Vendôme, l'archevêque de Toulouse et le sire de Gaucourt[52]. Le pape avait joint sep instances à celles de Charles VII. Mais cette démarche resta infructueuse : les exigences du duc de Bourgogne rendaient toute négociation illusoire[53]. Pourtant la marche des événements, et sans doute aussi les instances de Hugues de Lannoy modifièrent ces dispositions. René fut autorisé à quitter un instant sa prison pour se rendre en Flandre et y débattre en personne ses intérêts. Au mois de décembre 1436, une nouvelle ambassade, où figuraient le connétable, le duc de Bourbon et Regnault de Chartres, se rendit à Lille[54]. Les négociations durèrent pendant tout le mois de janvier. Enfin, le 28, le roi René s'engagea à faire au duc de Bourgogne l'abandon des terres de Cassel et du Bois de Nieppe, à renoncer à tous droits sur Dunkerque, Bourbourg et les autres terres de Flandre venant de l'héritage de Robert de Bar, et à payer au duc, pour sa rançon, une somme de quatre cent mille écus d'or. Le 3 février, Philippe donna son approbation au traité. Le même jour fut signé le contrat de mariage de Jean d'Anjou, fils aîné du roi René, avec Marie de Bourbon, sœur du duc Charles : la dot de la princesse était fixée à cent cinquante mille écus ; cent mille furent payés comptant et servirent à acquitter le premier terme de la rançon. Tous les arrangements particuliers étant conclus, le traité définitif fut signé le 7 février 1437. Philippe et René jurèrent sur la vraie croix de n'avoir plus aucune querelle, de vivre en bonne intelligence, et de ne point conclure d'alliance sans s'y comprendre mutuellement[55].

On a dit que le duc traita son prisonnier avec magnanimité, le mettant en liberté sans l'obliger à payer de rançon[56]. Les actes donnent, on le voit, un complet démenti à cette assertion. Quelque fussent les sacrifices que René dùt s'imposer, il s'estima cependant heureux ; car, s'il sortait de prison très appauvri par la somme exorbitante exigée de lui, il conservait son duché de Bar, et il était reconnu légitime possesseur du duché de Lorraine. Mais sa longue détention l'avait mis dans l'impossibilité de faire valoir ses droits sur le royaume de Sicile ; les chances qu'il pouvait avoir de s'emparer du trône se trouvaient par là fort compromises.

Ainsi fut obtenue la première réparation que Charles VII était en droit d'attendre du duc de Bourgogne. Remarquons toutefois qu'en accordant la liberté au chef de la maison d'Anjou, Philippe eut soin de l'envelopper dans le réseau d'alliances par lequel il voulait rattacher à sa cause tous les princes du sang. C'est en obéissant à la même pensée que Philippe allait s'intéresser à la délivrance du duc d'Orléans ; ne fallait-il pas, pour le triomphe de sa politique, que le fils de la victime de Jean sans Peur devînt l'obligé de la maison de Bourgogne ? Et le malheureux prisonnier se prêtait à ce rôle avec une singulière complaisance : on n'a point oublié le gracieux accueil que reçut lingues de Lannoy, quand il vint, au nom de son maître, faire les premières avances[57].

Dès le lendemain du traité d'Arras, le bâtard d'Orléans avait juré de ne rien épargner pour arracher le duc son frère à la captivité où il languissait depuis vingt-cinq ans. Dans ce but, le bâtard se mit en relations — et peut-être en relations personnelles[58] — avec le duc de Bourgogne, et il entama une négociation secrète avec le duc de Savoie.

Cette négociation, restée inconnue jusqu'ici, fut conduite par le président Louvet, lequel, on se le rappelle, avait fait épouser une de ses filles au bâtard. Retiré à Avignon depuis sa disgrâce, Louvet était loin de se désintéresser des affaires politiques ; il saisit avec empressement cette occasion d'y reprendre un rôle actif. Il s'agissait d'obtenir, pour le duc d'Orléans, la main de la dernière fille d'Amédée VIII, devenue veuve de Louis III, roi de Sicile, avant la consommation du mariage. La première pensée de cette union remontait au commencement de 1435 et était due au bâtard d'Orléans ; le duc, interrogé à ce sujet, l'avait encouragé à poursuivre son dessein[59]. De son côté, Louvet avait songé à faire épouser Marguerite de Savoie au comte d'Angoulême[60]. Bientôt il fut chargé de traiter l'affaire pour le compte du duc Charles, et de sonder habilement à ce sujet le duc de Savoie. Avec sa finesse et son sens politique, le vieux diplomate vit d'un coup d'œil les résultats qui pouvaient découler d'une telle union. Il connaissait de longue date la sagesse d'Amédée VIII ; il se rappelait la modération dont ce prince avait fait preuve au milieu des dissensions qui, depuis tant d'années, existaient entre les princes de la maison royale ; plus d'une fois, le duc était intervenu comme médiateur[61] ; Louvet était persuadé que s'il obtenait l'assentiment d'un prince qui, uni à la couronne par des liens de parenté, était à la fois l'ami du duc de Bourgogne et du comte d'Armagnac, et qui, d'un autre côté, entretenait de bonnes relations avec le Roi d'Angleterre, il en résulterait un grand avantage, non seulement pour la délivrance du duc d'Orléans, mais encore pour l'apaisement de tout le royaume ; car, malgré la conclusion du traité d'Arras, jamais la paix ne serait assurée ni la tranquillité rétablie d'une manière définitive, tant que le débat d'Orléans n'aurait point été terminé par une solution amiable[62].

Le président chargea un familier du duc de Savoie, Luc de Guya ou de Jouge, capitaine de Saint-André-les-Avignon, ea qui il avait pleine confiance, d'aller trouver son maitre, et de lui faire des ouvertures relativement au mariage de la jeune reine de Sicile avec le duc d'Orléans. Luc de Jouge partit aussitôt, et ne tarda pas à informer Louvet que sa communication avait été favorablement accueillie. Ceci se passait au mois de janvier 1436. Le président se hâta de faire part à son gendre de cette bonne nouvelle, afin qu'il la transmît au duc d'Orléans[63].

Sur ces entrefaites, les Anglais, furieux de la conclusion du traité d'Arras et définitivement brouillés avec Philippe, firent des ouvertures au duc Charles. Ils lui promirent de le mettre en liberté s'il voulait embrasser leur parti contre le duc de Bourgogne, lequel, à les entendre, n'aurait cessé, à l'exemple de son père, de s'opposer par tous les moyens possibles à la délivrance de son cousin. Le duc d'Orléans répondit qu'il était disposé à tout faire pour sortir de prison, pourvu que son honneur fût sauf ; il ajouta que, lorsque le roi d'Angleterre lui aurait fait connaître ses intentions, ce prince recevrait une réponse qui serait de nature à le satisfaire. Le duc n'entendait point, cependant, épouser la querelle personnelle des Anglais : il avait vu avec plaisir le rapprochement opéré entre le Roi et le duc de Bourgogne, et avait conseillé à ses amis d'accepter le traité, espérant en voir sortir pour lui-quelque moyen de libération[64].

Dès que le duc d'Orléans eut été informé des dispositions favorables du duc de Savoie, relativement au mariage projeté, il fit partir une ambassade chargée d'aller trouver ce prince et de poursuivre secrètement l'affaire. Louvet n'en restait pas moins investi de la direction supérieure des négociations. Sur leur route, les ambassadeurs s'arrêtèrent à Tours, où se trouvait alors la Cour : là ils apprirent qu'il était question du mariage de la reine de Sicile avec le roi de Chypre ; ils jugèrent inutile de poursuivre leur route avant de s'être assurés si ce bruit avait quelque fondement. Louvet, qui les attendait avec impatience, fut très contrarié de ce retard : il s'empressa d'écrire au duc de Savoie, avec lequel il était en correspondance suivie, pour en prévenir l'effet[65].

Mais d'autres incidents vinrent entraver le voyage des ambassadeurs. Le duc de Bourgogne avait été sondé relativement au concours qu'il consentirait à prêter à son cousin d'Orléans pour le tirer de prison, et l'on attendait sa réponse[66]. En Angleterre, l'influence du cardinal de Winchester ayant prévalu sur celle du duc de Glocester, on venait de décider qu'une ambassade serait envoyée en France pour traiter de la paix[67]. Enfin le duc de Bretagne, vivement pressé par le bâtard d'Orléans, qui s'était rendu près de lui, allait prendre l'initiative d'une nouvelle négociation avec l'Angleterre, et travaillait déjà à procurer la délivrance du comte d'Angoulême, qu'il voulait marier à l'une des filles du vicomte de Rohan.

La correspondance entre Louvet et le duc de Savoie se poursuivit durant tout l'automne, sans que les négociations fissent un pas. Le président s'efforçait d'entretenir le duc dans des dispositions favorables ; de son côté, celui-ci ne cessait de donner des marques de son bon vouloir[68].

Cependant, en Angleterre, les choses paraissaient prendre une meilleure tournure : on en était arrivé à poser les conditions d'un accord en vue de la libération du duc d'Orléans. Le roi d'Angleterre consentait à ce que le duc se portât médiateur de la paix avec la France, et se déclarait prêt à accepter une paix raisonnable, qui, si elle venait à être conclue, aurait pour conséquence la mise en liberté du duc. Dans le cas où cette éventualité ne se réaliserait pas, le duc d'Orléans pourrait être délivré, moyennant rançon ; mais il serait tenu de faire la guerre au duc de Bourgogne, avec le concours du roi d'Angleterre, qui promettait d'ailleurs de ne point l'abandonner avant la fin de l'entreprise. Enfin, si le duc d'Orléans n'était point en état de payer la rançon exigée de lui, le roi d'Angleterre le mettrait néanmoins en liberté, mais à la condition qu'il entrepregne courir sus au duc de Bourgogne, et le roy d'Angleterre lui aidera de gens, de tout ce, qu'il pourra[69].

Le duc d'Orléans ne se faisait point illusion sur les difficultés d'un arrangement conclu sur de telles bases ; mais, quoi qu'il pût arriver, il était décidé à profiter, pour recouvrer sa liberté, d'une occasion qui pouvait ne plus se présenter[70].

En portant à la connaissance du duc de Savoie les propositions formulées par le gouvernement anglais, le président Louvet donnait son appréciation.sur les éventualités de la situation. Le Roi, disait-il, ne consentira point à la première combinaison, car il s'est engagé à ne point traiter avec les Anglais en dehors et sans l'agrément du duc de Bourgogne. La seconde ne pouvait être acceptée par le duc d'Orléans qu'a la condition de contracter une alliance qui lui permît de trouver dans le douaire de sa femme les ressources indispensables pour le paiement de sa rançon : en quoi, ajoutait-il, il avait grande espérance en monseigneur de Savoie. Quant à la troisième combinaison, le duc ne s'y résignerait que si les autres solutions étaient reconnues impraticables, et il l'avait dit au Roi ; mais cependant il avait la ferme résolution de se tirer dehors.

Louvet annonçait en outre au duc la prochaine venue du bâtard d'Orléans, qui devait accompagner le Roi en Languedoc, et qui, aussitôt arrivé à Lyon, se rendrait à la cour de Savoie pour traiter lui-même l'affaire du mariage.

Quelques jours après, le président reçut une lettre de son gendre. Monseigneur (le duc d'Orléans), écrivait le bâtard, est sur le point de se délivrer ou jamais, et, avant qu'il soit un mois, j'en ferai une fin. Le bâtard allait se rendre à Meulan, pour y conférer avec le comte de Suffolk, récemment arrivé avec pleins pouvoirs pour traiter de la délivrance du duo ; il se proposait ensuite de prendre en main la négociation entamée avec le duc de Savoie ; il faisait part à Louvet de sa venue à Lyon, afin que celui-ci pût le joindre et l'accompagner près du duc Amédée ; enfin il le chargeait de faire connaître à celui-ci ses intentions[71].

Nous manquons de détails sur les suites données à cette affaire ; nous savons seulement que l'issue n'en fut point favorable. Le projet de mariage ne tarda pas à être abandonné. D'ailleurs, les espérances conçues par le bâtard d'Orléans au sujet de la prompte libération de son frère, ne devaient point se réaliser ; il fallait encore de longs et persévérants efforts pour atteindre ce résultat..

Pourtant un mouvement analogue à celui qui avait abouti d'abord au congrès, puis à la paix d'Arras, se produisait hors du royaume. Le pape d'un côté, le concile de Bâle de l'autre, firent auprès du roi d'Angleterre de nouvelles démarches en faveur de la paix. Le roi de Portugal, allié de l'Angleterre, intervint, à la sollicitation du pape[72] : il fit des ouvertures à l'empereur Sigismond, et celui-ci promit de s'interposer auprès de Charles VII. De son côté, le duc de Bretagne, cédant aux instances du bâtard d'Orléans, entra en négociations avec le comte de Suffolk et avec le Conseil d'Angleterre[73]. Le gouvernement anglais consentit à ce que, moyennant le paiement d'une somme déterminée, le duc d'Orléans se rendît en Normandie, sur les frontières de Bretagne, pour traiter de la paix[74]. Des ambassadeurs furent même désignés à cet effet et des sauf-conduits donnés à des serviteurs du duc pour se rendre en France et y préparer les voies à leur maître[75].

La grande difficulté était de trouver, à bref délai, la somme exigée. Dans les premiers jours de mai, le bâtard d'Orléans, investi pour cela d'une mission spéciale de son frère[76], était à la cour de Bretagne, où l'on attendait René d'Anjou et le duc de Bourbon[77]. A la date du 9 mai, le duc de Bretagne annonçait que l'argent serait prêt au moment fixé[78]. Mais le délai s'écoula sans que le paiement pût être effectué. Le bâtard d'Orléans envoyait message sur message à son frère[79] ; il était en communications incessantes avec le comte de Suffolk et avec le Conseil anglais en Normandie ; il traitait avec Jean de Luxembourg de la vente du comté de Porcien et de la baronnie de Coucy ; il s'occupait également de la vente du comté de Périgord[80] ; il était en rapports avec le comte d'Armagnac[81], qui, de concert avec le sire d'Albret, venait de faire des ouvertures aux Anglais pour la conclusion d'une trêve[82].

Toute l'année s'écoula ainsi. Le 16 juillet 1437, Henri VI ordonnait à son chancelier en France de délivrer des sauf-conduits aux conseillers du duc d'Orléans qui devaient aller trouver ce prince en Angleterre[83]. Le 31, en réponse à une communication du pape, il lui écrivait pour l'assurer de ses dispositions favorables à la paix[84]. Une grande assemblée se tint à Skene au mois d'octobre : le duc d'Orléans fut appelé à y comparaître[85]. En janvier 1438, on se préoccupait plus que jamais d'arriver à une paix devenue pour les Anglais une nécessité ; on semblait disposé à avancer l'argent nécessaire au voyage du duc, plutôt que de laisser manquer l'occasion[86] ; on parlait du départ de ce prince pour Cherbourg. Jean Popham, trésorier du roi d'Angleterre, fut désigné pour se rendre à la cour de Bretagne[87]. Le 17 mars, de nouveaux pouvoirs furent donnés pour traiter sur les bases arrêtées avec le duc d'Orléans[88]. Les ambassadeurs partirent le 19 mars : après s'être arrêtés à Rouen, ils arrivèrent à Vannes vers le milieu de mai. La conférence s'ouvrit aussitôt. Par un acte du 30 mai, rédigé en présence du bâtard d'Orléans et des ambassadeurs anglais, le duc de Bretagne déclara se porter médiateur, de concert avec le duc d'Orléans[89]. Cet acte fut aussitôt porté à Westminster, où l'on était si désireux d'entrer en négociations avec la France qu'il avait été question d'envoyer directement, en ambassade vers le Dauphin, les lords Stafford et Beaumont[90]. A la date du 17 juillet, Henri VI confirma de nouveau le traité conclu avec le duc d'Orléans pour son passage en Normandie et régla les termes de paiement des trente-six mille saluts d'or que le duc devait verser ; dans le cas où toutes les formalités voulues auraient été remplies, le duc devait être conduit, avant le 15 février 1439, dans un port, pour faire voile vers la Normandie[91]. Quelques jours plus tard (28 juillet), des pouvoirs furent donnés à plusieurs conseillers du roi d'Angleterre pour conclure une trêve avec la France[92].

Le secrétaire du Conseil siégeant en France, Jean de Rinel, qui figurait parmi les ambassadeurs, fut envoyé vers le comte de Warwick et le Conseil de Rouen. Il arriva dans les derniers jours d'avril, porteur de lettres de Henri VI ; il confirma la nouvelle qu'on ne devait compter sur l'envoi d'aucun secours, et déclara qu'il fallait négocier une trêve avec le Dauphin[93]. A la réception de ce message, Warwick et le chancelier de Luxembourg écrivirent au bâtard d'Orléans et à d'autres membres du grand Conseil, afin d'être fixés sur les dispositions de Charles VII, et de savoir où et quand les négociations pour la conclusion d'une trêve pourraient être entamées. Mais Charles VII vit bien que ces avances n'avaient d'autre but que de l'amener à traiter séparément, en dehors du duc de Bourgogne. Fidèle à la parole donnée à celui-ci, il déclara qu'il ne voulait s'occuper ni de la conclusion d'une trêve, ni de négociations en vue de la paix, jusqu'à ce qu'il eût envoyé des ambassadeurs au duc d'Orléans et que la réponse de ce prince lui fût parvenue[94]. Les choses en restèrent là pour cette année.

Les pourparlers relatifs à la paix ne devaient pas tarder à être repris. Cette fois, ce fut sous les auspices d'une princesse naturellement désignée pour prendre l'initiative et jouer le rôle de médiateur. Nous voulons parler de la duchesse de Bourgogne, Isabelle de Portugal, issue de la maison de Lancastre par sa mère Philippe, sœur de Henri IV d'Angleterre. La duchesse avait vu avec regret la rupture de l'alliance anglo-bourguignonne ; tous ses efforts allaient tendre à un rapprochement ayant pour bases la paix avec la France.

Mais avant d'entrer dans l'exposé de ces négociations, il faut examiner quels avaient été les rapports de Charles VII et de Philippe le Bon, depuis la conclusion du traité d'Arras.

 

 

 



[1] Vidimus aux Archives de Reims.

[2] Lettre du duc de Bourgogne, extraite des Registres aux chartres de l'hôtel de ville d'Amiens, dans la collection de D. Grenier, vol. 100, p. 43 ; autre texte dans Canat, Documents inédits, etc., p. 262.

[3] Le chancelier Rolin, l'évêque de Noyon, Jean de Croy, Jean de Terrant et plusieurs autres conseillers du duc partirent le 8 octobre ; ils avaient charge d'aller vers le Roi pour lui signiffier le traictié de paix qui, par la grace de Dieu, avoit esté faicte, traictié, et accordé audit lieu d'Arras... et procurer devers lui la ratifficacion et approbacion dudit traictié. Journal de la paix d'Arras, p. 110 ; Archives du Nord, B 1957, f. 123 v°, 127, 127 v° et 136 v°.

[4] Les auteurs bourguignons insistent sur la joie du Roi. Il fut de ce moult joyeux, dit Monstrelet (t. V, p. 199). — Si fut le Roy moult joyeux et bien le devoit estre, dit Saint-Remy (t. II, p. 365). — Charles VII lui-même, dans une lettre adressée au duc de Bourgogne à la date du 4 février 1436, s'exprimait en ces termes : Et comme aultrefois vous avons escript, et que, par vos gens et ambasseurs retournez devers vous avez peu savoir, nous avons esté très contens et parfaitement joyeux quant, par la relation de beaux cousins de Bourbon, de Richement et de Vendosme, de nostre amé et feal chancelier, de nostre cousin Cristelle de Harcourt et d'aultres nos gens qui ont esté à Arras devers vous, avons esté adcertenez plainement du bon et final appointement pris et fermé avec vous, touchant la bonne amour, paix et union de entre nous et vous, qui estoit la chose en ce monde que tousjours avons plus perquise et desirée. Saint-Remy, t. II, p. 367 ; texte corrigé d'après la leçon donnée par D. Grenier, vol. 100, p. 66.

[5] Le président Louvet, dans un curieux document déjà cité, parle en ces termes des dispositions du Roi : De ladicte paix le Roy a esté content. Mais de la perticularité de pluseurs articles qui sont en la dicte paix, n'a pas esté content. Et, au sujet du rôle joué par le duc de Bourbon, il dit : Semble à pluseurs que, au fait de ceste paix, il a laissier couler plusieurs choses à peu de honneur du Roy, desquelles autrefoys l'en se pas-soit plus honnestement. Archives de Turin, Archivio camerale. La Chronique d'Alençon dit que Ceux qui ont conduit le fait du Roy en ceste cause vouloient bien estre et demeurer en la grace dudit duc de Bourgoigne. Sur les stipulations introduites dans le traité, voir notre t. II, chapitre XII.

[6] Voir l'acte notarié en date du 21 septembre 1435, dans Ms. lat. 1502, f. 13. Cf. Lecoy de la Marche, le roi René, t. I, p. 116, note.

[7] Vix erat ut non proinde peenitentia eum sequeretur animique mœstitia, quod tain insignes suorum regalium portiones ipse du : pro inimicitiis et guerris, quas adversus ipsum duxerat et sustinuerat, reportaret, quarum occasione totum pane regnum in desolationem devenisset ; cum potins rex existimaret, ob hujuscemodi contra se, regem et superiorem dominum, a vassallo admissa et confœderationes cum antiquis regis et regni bostibus factas, pcenas ab eo reposci, quam tuera et luta compendia consequi jure debuisse. Unde pax tune quidem, sed profecto concordia atque amicitia aut nulle, aut perrninima conciliata fuit. Thomas Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 101.

[8] Les parciaux de monseigneur d'Orliens et d'Armaignac, dit Louvet, ne sont point contens de ce que en la paix a esté faicte mencion de la mort monseigneur de Bourgoigne et grant reparacion sur ycclle, et de la mort de monseigneur d'Orliens ne d'Armaignac n'a point esté parlé, ne des officiers du Roy tuez à Paris. Archives de Turin, mémoire cité.

[9] Le Roy et sesdiz conseillers  depuis ladicte prinse (de la Pucelle), se trouvèrent plus abessiez de bon vouloir que par avant. Et tant que aulx d'entre eulx ne savoient aviser ne trouver autre manière comment le Roy peust vivre et demourer en son royaume, sinon par le moyen de trouver appoinctement avecques le roy d'Engleterre et le duc de Bourgoigne. Pour demeurer en paix le Roy monstra bien qu'il en avoit très grant vouloir, et ayma mieulx à donner ses heritaiges de la couronne et de ses meubles très largement que soy armer et soustenir le fais de la guerre. Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48, f. 99.

[10] Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48, f. 99.

[11] Voir la déposition faite le 6 novembre 1451 par Raoul le Bouvier, chanoine d'Angers, envoyé du duc d'Alençon au congrès d'Arras. Ms. fr. 5044, f. 18.

[12] Voir t. II, chapitre XII, in fine.

[13] Ils partirent d'Arras le 8 octobre. Le 13, ils étaient à Reims, où le chancelier Regnault de Chartres régla l'affaire de la reddition d'Épernay. Le 24 arrivèrent à Reims le duc de Bourbon, le connétable, le comte de Vendôme, Christophe d'Harcourt et le maréchal de la Fayette. On partit aussitôt pour Dijon, où l'on arriva à la On du mois. Chartier, t. I, p. 214-215 ; Canat, Documents inédits, p. 371.

[14] C'étaient, d'après le Dixième compte de Mahieu Regnault, Jean de Croy, grand bailli de Hainaut, Jean de Poitiers, seigneur d'Arcey, et Guy de Pontailler, seigneur de Talemer ; ils partirent vers le 9 novembre (Archives de la Côte d'Or, B 1659, f. 127 ; Collection de Bourgogne, 65, f. 153 v°). Saint-Remy nomme Jean de Croy, le seigneur de Harsy (nom que l'éditeur, M. Morand, n'a pu identifier et qu'il a même passé sous silence dans sa table), et le seigneur de Crèvecœur (t. II, p. 365). L'acte de prestation du serment, cité plus loin, nomme avec Croy, Pontailler et Poitiers, Jean de Terrant, conseiller et maitre des requêtes, et Jean du Plessis, secrétaire. Cf. Archives du Nord, B 1957, f. 123 v°, 127, 134 et 136 v°.

[15] Les ambassadeurs de France étaient à Beaune le 13 novembre, jour où ils rendirent une ordonnance au nom du Roi. Le connétable les avait quittés pour aller en Champagne. Le 24, il était à Chitons, et le 2 décembre à Reims. Gruel, qui est muet sur ce voyage à Dijon et en Champagne, nous dit (p. 379) qu'il était à Tours le 10 décembre.

[16] Et y fit le Roy un peu de difficulté, dit Gruel (p. 379).

[17] A l'occasion de la guerre, il se trouvait gouverné et soubz la main de tant de maniere de gens d'armes estranges et privez, qu'il n'y avait si petit capitaine en France à qui l'on osast fermer l'uis ou la chambre du Roy, quelque affaire qu'il eust. Olivier de la Marche, édit. de MM. Beaune et d'Arbaumont, t. I, p 239-240.

[18] Olivier de la Marche, p. 240.

[19] Ces deux points très importants sont établis par le mémoire déjà cité du président Louvet : Et l'a le Roy ainsi jurée principalement pour les excommuniemens à quoy ses ambaxeurs ayant povoir l'avoient soubmis ; et aussi pensant que monseigneur de Bourgoingne s'en passera à beaucop moins que en ne lui a accordé.

[20] Original, Archives de la Côte d'Or, B 11902 ; texte collationné sur l'original, dans l'édition d'Olivier de la Marche donnée par MM. Beaune et d'Arbaumont, t. I, p. en et suivantes. — C'est seulement le 24 janvier 1436 que l'acte fut publié en Parlement et le 13 février suivant qu'il fut enregistré en la chambre des comptes.

[21] C'était Fantinus Valareso, noble Vénitien, archevêque de Crête en 1425, mort le 18 mai 1443, à l'âge de 51 ans. Creta Sacra, 3e partie, p. 72–75.

[22] Acte de prestation du serment de Charles VII. Original, Archives de la Cille d'Or, B 11902 ; copie dans la Collection de Bourgogne, 95, p. 890. Cf. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 220 ; Saint-Remy, t. II, p. 365.

[23] Mémoire du président Louvet.

[24] Saint-Remy, t. II, p. 365.

[25] Amplissima collectio, t. VIII, col. 863-864.

[26] Archives du Nord, B 1954, f. 89 v°, et 1957, f. 118 v° ; Saint-Remy, t. II, p. 362 ; Monstrelet, t. V, p. 190-191 ; Amplissima collectio, t. VIII, col. 861-863.

[27] Saint-Remy, t. II, p. 364.

[28] Ces détails se trouvent dans des lettres de Jean de Montgomery, bailli de Caux, en date du 15 octobre 1435, publiées par M. Stevenson, à la suite de la préface du tome II de son recueil, p. XLVI.

[29] Saint-Remy glisse sur ces faits, qui sont consignés par Monstrelet dans sa relation de cette ambassade.

[30] Monstrelet, t. V, p. 191.

[31] Ces détails sont donnés dans l'exposé fait à Gand par Jean de Commines, souverain bailli de Flandre, au nom du duc de Bourgogne, le 8 mars 1436, et dont le texte est publié par Saint-Remy, t. II, p. 374 et suivantes.

[32] Rotuli Parliamentorum, t. IV, p. 481.

[33] Délibération du 23 décembre 1435. Rotuli Parliamentorum, t. IV, p. 486-488. Cf. The Parliamentary history of England, t. II, p. 238.

[34] Saint-Remy, t. II, p. 363.

[35] Saint-Remy, t. II, p. 363. — C'est à tort que des doutes ont été émis par sir Harris Nicolas (Préface du tome IV des Proceedings and ordinances, p. CI) sur la réalité des faits se rapportant à cette ambassade. Le témoignage personnel de Le Fèvre de Saint-Remy, qui n'est autre que Toison d'Or, est absolument péremptoire.

[36] Voir la formule d'une lettre publiée dans les preuves de l'Histoire de Bourgogne, t. IV, p. CX.

[37] Monstrelet, t. V, p. 192.

[38] Monstrelet, t. V, p. 192.

[39] Monstrelet, t. V, p. 192. ; Rymer, t. V, part. I, p. 27-28. — Les deux envoyés bourguignons étaient de retour près de leur maitre le 14 novembre (Archives du Nord, B 1597, f. 108 v°).

[40] Savoir deux mille cent lances et neuf mille archers au moins.

[41] Lettres des rois, etc., t. II, p. 429-30 ; cf. lettre de Henri VI à ses bonnes villes, id., ibid., p. 433-35.

[42] Voir deux lettres de Henri VI au duc de Gueldre, publiées dans l'Official correspondence of Thomas Bekynton, t. I, p. 104 et 125.

[43] Monstrelet, t. V, p. 204-205. — Nomination de Glocester en date du 1er novembre : Rymer, t. V, part. I, p. 23. — Paiement du 15 décembre aux ambassadeurs envoyés aux princes allemands et pouvoirs donnés à ces ambassadeurs (même date) : Proceedings and ordinances, t. IV, p. 308 ; cf. p. 332 ; Rymer, l. c., p. 24.— Pouvoirs pour traiter avec le grand maître de l'ordre teutonique (17 décembre) : Rymer, l. c., p. 24.— Traité avec Louis, comte palatin du Rhin (1er mars 1436) : Rymer, l. c. p. 26-27.— Lettres aux bourgmestres, échevins, etc., de Zierik-See : Monstrelet, l. c., p. 206-209 ; et, pour autres lettres, Stevenson, t. II, p. X, note. — Etienne Wilton, un des ambassadeurs envoyés aux princes allemands, fut fait prisonnier par les Bourguignons et resta aux mains du duc Philippe du 26 avril an 16 mai 1436.

[44] Voir le curieux Avis sur la guerre des Anglais, rédigé au mois d'octobre 1435 par Hugues de Lannoy, seigneur de Sentes. Il se trouve dans le ms. fr. 1278, f. 40, et a été publié par M. Charles Potvin : Hugues de Lannoy, br. in-8°, p. 13-24. (Extr. du Compte rendu des séances de la commission royale d'histoire, 4e série, t. VI. Bruxelles, 1879).

[45] Mémoire de Lannoy.

[46] Jean de Luxembourg, comte de Ligny, n'avait point juré le traité d'Arras ; il était donc bien placé pour faire cette démarche. Il écrivit à son frère l'évêque de Thérouanne, chancelier du roi d'Angleterre en France. Le chancelier en référa à Londres. Peu après le comte de Ligny reçut cette réponse : Aucune entreprise ne sera faite contre le duc de Bourgogne, ses pays et ses sujets, s'il s'engage à agir de même à l'égard du roi. Mais le duc estima que les Anglais avaient fait, contre lui et ses sujets, de trop grandes dérisions, en diffamant en plusieurs lieux sa personne et son honneur : il fût donner une réponse négative par l'évêque de Tournai.

[47] Il est fait mention de cette lettre dans la déclaration de Henri VI en date du 17 mars 1436, publiée dans Proceedings and ordinances, t. IV, p. 329 et suivantes, et Monstrelet en donne l'analyse (t. V, p. 211). Henri VI, relevant tous les griefs allégués par le duc : les hostilités contre les Flamands et la capture de cinq navires ; les lettres envoyées aux sujets du duc en Hollande et en Zélande pour les exciter à la révolte ; l'alliance projetée avec l'empereur ; la tentative faite pour s'emparer de la ville d'Ardres, etc., s'efforçait de répondre à ces reproches. Voir Proceedings, t. V, p. CVI-CVIII, et 329-334.

[48] Cette influence se rencontre partout. Au moment même où la rupture entre l'Angleterre et la Bourgogne était imminente, Henri VI renouvelait ses alliances avec Édouard, roi de Portugal, le propre frère d'Isabelle, duchesse de Bourgogne. Voir traité du 25 novembre 1435, confirmé le 18 février suivant par Henri VI, dans Rymer, t. V, part. I, p. 23 et 25. — Le 1er mai 1436, le héraut Carter recevait mandat d'aller porter l'ordre de la Jarretière au roi de Portugal (id., p. 29).

[49] On a mis en marge dans le manuscrit : Nota. Se ladicte paix generale se povoit faire sans vostre dommage, ce serait bien fait ; et ad ce contendre tant que l'en poura.

[50] Ms. fr. 1278, f. 34-39. Cf. Programme d'un gouvernement constitutionnel en Belgique au quinzième siècle, par M. Kervyn de Lettenhove, dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 24, série, t. XIV (1862), p. 224 et suivantes. C'est à tort qu'en publiant celle curieuse pièce M. Kervyn lui donne la date du 10 février 1437. On lit dans la minute : Escript et fait à Gand le Xe jour de septembre IIIIc XXXV[I]. La date de septembre 1436 est d'ailleurs établie d'une manière indubitable par le texte même du document.

[51] E si lo retrovay in una Camera molto guardato e destreto, con la barba grande ; il quale, in presentia d'ogni persona, quasi lacrimando, me disse queste parole : e Te prego, mi voglie recommandera al signor mio casino, e digli che o gran desiderio de vederlo. Relation de Candido Decembrio, publiée par M. Lecoy de la Marche, le roi René, t. II, p. 221. Cf. t. I, p. 117.

[52] Voir lettres de Charles VII en date du 27 décembre 1436, portant paiement de 800 l. t. à Denis du Moulin, archevêque de Toulouse, pour un voyage naguère fait par lui, de concert avec le sire de Gaucourt, vers le duc de Bourgogne. Ms. fr. 20889, p. 73.

[53] Lecoy de la Marche, t. I, p. 119. Cf. Gruel, p. 383.

[54] Le 23 novembre, le chancelier et le comte et la comtesse de Richemont passaient par Paris pour se rendre en Flandre. Archives, LL 217, f. 122.

[55] Chartier, t. I, p. 233 ; Lecoy de la Marche, le roi René, t. I, p. 12. Voir les documents originaux dans la Collection de Lorraine, vol. 238, n° 11 et suivants.

[56] C'est le bourguignon Georges Chastellain qui n'a pas craint de porter cette prétendue libéralité au compte de son maitre : Quitta au roy Renier sa rencon gratis, dit-il dans sa Declaration des hauts faits du duc de Bourgogne. Œuvres, t. VII, p. 216-17.

[57] Voir tome II, chapitre X.

[58] Cela parait résulter de ce fait qu'une lettre, écrite par le bâtard d'Orléans au président Louvet, porte la date de Bruges, ce mardi XXII jour de may. Archives de Turin, Archivio camerale.

[59] Mon dit seigneur m'a faite responce que audit fait il a voulenté sur toutes riens et plus que nulle autre part, et que bien cognoissoit la chouse convenable pour toutes les parties, me faisant savoir que je travailliasse en la ehouse tellement que ladicte Reine ne fust aultre part mise. Lettre du bâtard d'Orléans à Louvet, 22 mai 1436. Archivio camerale.

[60] Le président Louvet avait suggéré cette idée du duc par l'intermédiaire du héraut Orléans, venu le consulter de la part de son maitre sur les moyens de faire finance pour payer la rançon du comte d'Angoulême. Le duc d'Orléans, en lui répondant, lui dit que, toutes choses considérées, c'était pour son propre compte, et non pour celui de son frère, qu'il entendait poursuivre le projet de mariage. Instructions de Louvet en date du 26 novembre 1435. Archivio camerale.

[61] Et n'ay point veu qu'il ait tenu nulle extreme partialité ès brouillis et debatz de France ; mais s'est tousjours gouvernés comme moyen. Mêmes instructions.

[62] Car Luques, queque chouse qui se die de la paix, ne faites doubte que le royaume ne sera jamais bien paisible se le desbat d'Orliens n'est rapaisé ; et vous en ourrez brief aucunes nouvelles. Mêmes instructions.

[63] C'est ce qui ressort d'une lettre du bâtard à son beau-père, en date du 8 juillet 1436. Archivio camerale.

[64] Mémoire de Louvet : A celle fin, etc. Archivio camerale.

[65] Lettres de Louvet des 7 juin et 28 juillet ; Réponses du duc de Savoie des 16 juin et 4 août. Archivio camerale.

[66] Lettre du 10 août.

[67] Voir les pouvoirs donnés par Henri VI le 20 mai 1436, pour traiter avec son adversaire de France, ou avec les ambassadeurs de celui-ci, de paix finale, et de trêve ou abstinence de guerre. Rymer, t. V, part. I, p. 30. Le 19 mai 1436, Henri VI délivrait au comte d'Armagnac un sauf-conduit, valable jusqu'à la fête de Piques, pour que ce prince pût envoyer certains de ses gens, jusqu'au nombre de trente, vers le duc d'Orléans, afin de conférer avec lui. Id., ibid., p. 29.

[68] Lettres de Louvet des 10 août, 1er, 4 et 16 octobre ; Réponses du duc des 19 août et 15 octobre 1436.

[69] Exposé qui porte ce titre : Les choses que Luque a à dire à Monseigneur de Savoie de par le President ; il fut présenté à Ripaille le 22 novembre 1436.

[70] Vray est que par ceste voie (la troisième) mon dit seigneur d'Orliens fauldra que face autres que messes, et li desplairont fort à fere. Mais il a si longuement esté prisonnier que si à ceste fois il n'en saut, il en est sans nul espoir à tousjours mais. Même exposé.

[71] Lettre datée de Blois le 18 novembre. La copie contenue dans le cahier des Archives de Turin auquel nous avons fait de fréquents emprunts, offre des lacunes provenant de déchirures.

[72] Il y a dans Raynaldi (année 1436, § 22), une lettre du pape au roi de Portugal ressortant à intervenir en faveur de la paix. — La démarche du roi de Portugal près de l'empereur nous est révélée par le Journal de la légation du concile de Bâle en Bohème (au t. I des Monumenta conciliorum generalium sec. XV, p. 855), à la date du 8 mars 1437.

[73] Lettres du duc d'Orléans, données à Blois (à la relation de son conseil), le 17 janvier 1437 ; quittance de Porc Espy, son poursuivant, en date du 29 janvier. British Museum, Additional Charters, n° 4400 et 3793. — Jacques Godard, secrétaire du duc de Bretagne, et le héraut Bretagne arrivèrent en Angleterre au mois de mars. Voir lettres de Henri VI au duc Jean VI et au seigneur de Saint-Pierre en date du 16 juillet, et exposé du chancelier. Proceedings and ordinances, t. V, p. 52, 54 et 65.

[74] Voir Proceedings, t. V, p. 12, 14, 20 et 24.

[75] C'étaient le comte de Suffolk, l'archevêque d'York, l'évêque de Lincoln, etc. Lettres du 19 avril 1437. Rymer, t. V, part. i, p. 38. — Le 11 juillet on préparait les sauf-conduits pour les gens de la suite du duc. Proceedings, t. V, p. 44-45. Cf. p. 51. Lettres du roi d'Angleterre à son chancelier en France, en date du 16 juillet.

[76] Procuration en date du 2 avril 1437 pour vendre des biens du duc, jusqu'à concurrence de 42.000 écus (Archives, K 64, n° 3714). Procuration (même date) pour vendre le comté de Périgord (Archives de la Loire-Inférieure, E 27).

[77] Lettre du duc de Bretagne au sire de Saint-Pierre, en date du 9 mai 1437, citée dans Proceedings, t. V, p. 52.

[78] Voir Lettres de Henri VI du 16 juillet au duc de Bretagne et au seigneur de Saint-Pierre. Proceedings, t. V, p. 52 et 54.

[79] British Museum, Additional charters, n° 3797, 3798, 3802.

[80] British Museum, Additional charters, n° 3796, 3806, 3818, 3820, 3822, 3824, 3828, 3829, 4400, 4409, 4410 et suivants ; Pièces originales, 2239 : PERRIER.

[81] British Museum, Additional charters, n° 4413.

[82] Lettres de Henri VI du 15 juillet 1437. Rymer, t. V, part. I, p. 42.

[83] D'abord de mai à juillet, puis de juillet au 29 septembre. Proceedings, t. V, p. 65.

[84] Bréquigny, 82, f. 17.

[85] Proceedings, t. V, p. 65.

[86] On lit dans les minutes du Conseil privé : As touching to the matiere of pees, rather than it sholde brek, etc., the [King] to ordeine hiere monnoie for the conduyctyng over of the duc of Orleance. Proceedings, t. V, p. 86.

[87] Proceedings, t. V, p. 87, 88, 95, 98, 101 ; Stevenson, t. II, p. LXXV et suivantes.

[88] Rymer, t. V, part. I, p. 45.

[89] Voir Rymer, t. V, part. I, p. 54.

[90] My Lords of Stafford and Beaumont have graunted to [go to be of the Kings Consail in France, etc., go in ambassade to the Dolph.]... Proceedings, t. V, p. 98, à la date du 13 mai 1438. Le passage entre crochets est barré dans la minute originale.

[91] Rymer, t. V, part. I, p. 54-55. Le duc devait verser 14.000 saluts avant le 1er octobre 1438 et le restant au mois de mai suivant.

[92] Rymer, t. V, part. I, p. 55.

[93] And told hymme that there sholde comme no manne out of Engelonde like as the Kinge hadde wrytyn by the Pryve Ceilles, but broagte a new comicione... by the wheeche the Kyng ordeynte him und other for to bygynne a new trete withe the Dolfynes parts for a trew to by takyn bylwyne the Kyng and the saide Dolfyne. Stevenson, t. II, p. LXXIX-LXXX.

[94] Stevenson, t. II, p. LXXV et suivantes, 495 et suivantes. Voir lettres de Henri VI du 3 mai 1438, Ms. fr. 20904, p. 63, et Réponse du Roi aux remontrances des princes (1442), dans Monstrelet, t. VI, p. 28. — La lettre du bâtard, contenant la substance de la réponse faite par le Roi, est datée de Blois, le 20 septembre ; elle parvint à Rouen le 30.