HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE II. — LE ROI DE BOURGES - 1422-1435

 

CHAPITRE PREMIER. — ÉVÉNEMENTS MILITAIRES DEPUIS L'AVÈNEMENT DE CHARLES VII JUSQU'AU TRAITÉ D'ARRAS.

 

 

1422-1435

Situation de la France à l'avènement de Charles VII. — Dispositions des ducs de Bourgogne et de Bretagne : triple alliance d'Amiens. — Succès des armes anglaises : défaite de Crevant, compensée par une victoire près de La Gravelle. — Perte de la Champagne et désastre de Verneuil. — L'intervention du duc de Savoie amène la conclusion d'une trêve pour les provinces de l'Est, laquelle est successivement prolongée ; le comte de Richemont abandonne le parti anglais et accepte l'épée de connétable. — Diversion favorable amenée par la lutte entre le duc de Glocester et le duc de Bourgogne en Hainaut. — Le comte de Foix se rapproche du Roi et reçoit la lieutenance générale en Languedoc. — Les Anglais entreprennent la conquête du Maine ; siège du Mont-Saint-Michel ; la Bretagne menacée. — Défaite du connétable à Saint-James-de-Beuvron. — La guerre est portée par les Anglais dans le pays Chartrain et le Vendômois ; prise de Pontorson, que le connétable laisse sans secours. — L'invasion devient de plus en plus menaçante ; brillante rescousse de Montargis. — Campagne de Bedford en Anjou ; succès croissants des Anglais, que favorise la guerre civile soulevée par les princes du sang ligués contre La Trémoille. — Le comte de Salisbury arrive à la tête d'une nouvelle armée, et marcha sur Orléans, qu'il investit, après avoir soumis toutes les places voisines. — L'intervention miraculeuse de Jeanne d'Arc sauve la France. — Sacre du Roi à Reims ; soumission d'un grand nombre de places ; retraite sur la Loire, après l'échec de la tentative sur Paris. — Motifs de cette retraite ; trêve avec le duc de Bourgogne, qui ne tarde pas à reprendre les hostilités, sans même attendre l'expiration de la trêve. Le duc fait le siège de Compiègne, où Jeanne d'Arc est faite prisonnière ; il est obligé de lever le siège — Brillante campagne de Barbazan en Champagne ; le prince d'Orange, qui avait envahi le Dauphiné, est battu à Anthon. — La campagne de 1431 est dirigée contre le duc de Bourgogne, qui éprouve des pertes sensibles ; la défaite de René d'Anjou et la mort de Barbazan à Bulgneville viennent le dédommager. — Pressé de tous côtés, et menacé du côté de l'Allemagne, Philippe se décide à reprendre les négociations : il conclut une trêve de deux ans, bientôt suivie d'un traité de pacification générale durant six années. — La guerre est poursuivie activement avec les Anglais. — Luttes intestines entre le connétable et La Trémoille d'une part, les ducs de Bretagne et d'Alençon de l'autre. — Échec de Bedford devant Lagny. — La lotte se poursuit avec le duc de Bourgogne pendant les conférences diplomatiques et au mépris des trêves. — Grande prise d'armes du duc au mois de juin 1433 ; ses succès dans l'Est. — Chute de La Trémoille. — La lutte reprend avec acharnement au commencement de 1434 : triple campagne des Anglais. — Le comte de Clermont envahit le territoire bourguignon, mais l'arrivée du duc le tient en échec. — Premières négociations entre les deux princes ; elles aboutissent à une suspension d'armes. — Campagne du connétable dans le Nord ; après un brillant début, il s'arrête tout à coup devant Ham et signe une trêve de six mois avec le comte d'Étampes, lieutenant du duc de Bourgogne. — Préliminaires de paix conclus à Nevers entre le comte do Clermont, le connétable et le duc de Bourgogne. — Défaite et mort du comte d'Arundel à Gerberoy ; succès des Français ; prise de Saint-Denis. — Congrès et traité d'Arras. — Mort du duc de Bedford.

 

A son avènement, Charles VII ne régnait que sur une faible portion du territoire. Le plus puissant des grands vassaux, le duc de Bourgogne, était à la tête du parti ennemi, et il n'avait tenu qu'à lui de devenir régent au nom de Henri VI[1], cet enfant au berceau dont le front se trouvait chargé de deux couronnes ; le due- de Bretagne, après avoir signé en 1421 le traité de Sablé, faisait jurer par ses ambassadeurs d'observer le traité de Troyes, et les Bretons avaient récemment, pour la première fois, croisé le fer avec les Dauphinois ; le comte d'Armagnac et le comte de Foix avaient un pied dans le camp anglais ; la duchesse de Bourbon, dont le mari était prisonnier en Angleterre, et la comtesse de Nevers, qui avait perdu le sien à Azincourt, avaient promis au duc de Bourgogne la neutralité de leurs domaines[2]. Les possessions du jeune Roi se trouvaient réduites aux provinces du centre : Touraine, Berry, Poitou, Saintonge (en partie), Limousin, Auvergne ; au Lyonnais et au Dauphiné, menacés par les gens de guerre de Bourgogne et de Savoie ; au Languedoc, et à la partie française de la Guyenne placée entre les Anglais et les grands seigneurs féodaux dont plusieurs paraissaient déserter la cause royale. Parmi les provinces demeurées fidèles, on peut citer encore : l'Orléanais et le Blésois, domaines du duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre ; le Vendômois, dont le possesseur était également captif ; le Maine et l'Anjou, possédés par la reine Yolande et son fils. En Picardie, en Champagne, en Brie, dans l'Île de France, dans l'Angoumois, et jusque dans la Guyenne, quelques forteresses étaient occupées par de hardis capitaines du parti royal. Enfin, isolés au milieu des provinces ennemies, le comte d'Aumale et ses lieutenants au Mont-Saint-Michel, Jacques d'Harcourt au Crotoy et à Noyelles, Saintrailles à Guise, La Hire à Vitry, Jean Raoulet à Mouzon, d'autres encore luttaient vaillamment, se portant d'un point à un autre, unissant leurs forces au besoin, et tenant sans cesse l'ennemi en échec[3].

Livrée depuis de longues années à des rivalités implacables, aux invasions anglaises, aux courses et aux ravages des gens de guerre de tous les partis, la France était comme épuisée et anéantie. La tempête des guerres civiles s'élevait de toutes parts : entre les enfants d'une même maison, entre les hommes d'un même sang, se commettaient les attentats des guerres les plus cruelles ; les querelles multiples des seigneurs se mêlaient à tous ces conflits[4]. Dans les villes, de lourds impôts, absorbés en grande partie par les frais de la défense, ruinaient les habitants ; une cherté effroyable, des disettes continuelles[5], de fréquentes épidémies venaient ajouter aux maux dont on souffrait. A Paris, cent mille personnes périrent en quelques mois : on en était venu à jeter les morts pêle-mêle, dans de larges fosses, arangez comme lars, et puis un peu pouldrez par dessus de terre[6]. Les habitants furent réduits à abandonner leurs maisons, grevées de charges écrasantes, et s'en allèrent comme gens desesperez[7]. Les loups pénétraient toutes les nuits dans la ville et y faisaient d'affreux ravages. Dans les campagnes, les champs étaient déserts, privés de culture, couverts de ronces et de buissons[8]. De la Loire à la Somme, la culture fut pendant de longues années interrompue : on eût dit un sol ennemi[9] Partout les routes étaient interceptées. Plus de sécurité, plus de commerce, plus de culte même, car les églises étaient brûlées ou dévastées, et parfois il fallait célébrer l'office divin dans des granges. Toutes les conditions étaient bouleversées : on voyait le maître devenir valet ; les honnêtes femmes, oubliant leur devoir, mettaient corps et âme au désespoir. Sans cesse inquiétés, exposés à perdre leurs biens, menacés dans leur vie même, les cultivateurs ; affolés, quittaient leurs femmes et leurs enfants pour aller grossir le nombre de ceux que les contemporains appellent trop justement les brigands : Que ferons-nous ? disaient-ils. Mettons tout en la main du deable ; ne nous chault (importe) ce que nous devenons ; autant vault faire du pis qu'on peut comme du mieulx. Mieulx nous vaulsist (vaudrait) servir les Sarazins que les chrestièns, et pour ce faisons du pis, que nous pourrons. Aussi bien ne nous peut on que tuer ou que prendre ; car, par le faulx gouvernement des trestres gouverneurs, il nous fault renyer femmes et enfans, et fouir aux boys comme bestes esgarées. Non pas ung an ne deux, mais il y a ja quatorze ou quinze ans que ceste dance doloreuse commença[10]. Une soldatesque effrénée, composée d'aventuriers de tous les pays ne demandant, à la guerre que la satisfaction de leur convoitise et de leurs passions brutales, tenait sous son joug les populations. La France, pour nous servir d'une belle expression d'Alain Chartier, était comme la mer, où chacun a tant de seigneurie comme il a de force[11]. Bref, conclut le chroniqueur qui nous a laissé le tableau le plus saisissant de la situation, je ne cuide mie que, depuis le Roy Clovis qui fut le premier Roy chrestien, France fust aussi desollée et divisée comme elle est aujourduy... Car oncques puis que le nom vint en France de Bourguignon et d'Arrninac, tous les maulx que l'on pourroit penser ne dire ont esté tous commis ou royaulme de France, tant que la clamour du sang innocent espandu crie devant Dieu vengence[12].

Malgré les cruelles difficultés et les tristesses d'une telle situation, les partisans de la cause royale n'étaient pas sans espoir. Ils étaient d'ailleurs encouragés par le mouvement qui s'opérait dans les esprits et qui éloignait de la cause anglo-bourguignonne beaucoup de ceux qui, du vivant de Charles VI, avaient subi la loi des événements[13]. De toutes parts les préparatifs militaires se poursuivirent, et la guerre fut soutenue avec vigueur[14] : guerre le plus souvent localisée, il est vrai, mêlée de succès et de revers, et dont le résultat le plus clair était la misère du peuple[15].

Dès lors, cependant, des pensées de pacification se firent jour, et il ne dépendit pas du gouvernement royal qu'elles n'aboutissent à un résultat favorable. Mais le moment n'était pas venu ; le duc de Bourgogne était encore tout Anglais : à ce moment même (14 janvier), il écrivait aux villes de son obéissance pour les prémunir contre les démarches de Charles VII[16] ; il négociait le mariage de sa sœur Anne avec le duc de Bedford, et jetait les bases d'une étroite alliance dans laquelle devaient entrer, avec lui, le duc de Bedford et le duc de Bretagne, définitivement acquis à la cause anglaise. Le duc Jean VI, entraîné par son frère le comte de Richemont et malgré l'opposition des États de Bretagne, se rendit à Amiens, où divers traités furent signés entre les trois princes. Le comte de Foix et sou frère le comte de Comminges entrèrent en même temps dans l'alliance anglaise.

Pendant que se formait cette ligue redoutable, le gouvernement royal continuait énergiquement la lutte. Salisbury, qui s'était avancé jusque dans le Vendômois, fut repoussé et refoulé en Normandie[17]. Un coup de main heureux fit tomber de nouveau Meulan au pouvoir de Charles VII (1er janvier 1423) ; assiégée aussitôt par Salisbury, la place dut capituler le 1er mars, sans pouvoir être secourue par une armée qui s'était avancée pour la dégager, et que de fâcheuses divisions, survenues entre les chefs, réduisirent à l'impuissance[18]. Plusieurs places (Montlhéry, Marcoussis, etc.), qui étaient revenues à l'obéissance royale, se rendirent également. A Paris, une conspiration, nouée (décembre 1422) pour remettre la capitale aux mains de Charles VII, fut découverte ; mais l'importance des personnages compromis attestait la gravité du mouvement[19]. Dans le Maine, l'Angoumois et la Picardie, les hostilités se poursuivirent avec des chances diverses[20]. En Guyenne, Bazas, que les Français occupaient en plein pays ennemi, fut attaqué sans succès et délivré par une armée commandée par Guillaume d'Albret[21]. En Champagne Prégent de Coëtivy, en Nivernais le maréchal de Séverac continuèrent la lutte avec ardeur. Mais Salisbury, nommé gouverneur général de Champagne et Brie, réduisit bon nombre de places entre Nogent et Troyes, et, aidé dé Jean de Luxembourg, qui, après une rapide expédition en Laonnais[22], était venu se joindre à lui, refoula Coëtivy jusqu'à Monzon, aux limites de la frontière des Ardennes[23]. En Ponthieu, Jacques d'Harcourt, dont les courses incessantes ne laissaient pas à l'ennemi un moment de répit, fut vigoureusement attaqué par les troupes anglaises du pays de Caux. Forcé d'abandonner Rue et Noyelles, il vit bientôt (24 juin) assiéger Le Crotoy, où il avait planté si courageusement la bannière royale. Quelques mois plus tard, d'Harcourt était obligé de capituler, et prenait l'engagement, s'il n'était secouru, de livrer la place le 1er mars 1424[24].

A la même époque (vers le 24 juin 1423) les Français s'emparèrent de Cravant ; mais ils furent bientôt forcés de rendre cette ville aux Bourguignons. Charles VII fit alors marcher de ce côté l'armée qui devait aller en Champagne porter secours à Coëtivy. Les ennemis, à leur tour, s'avancèrent en armes : une bataille s'engagea le 31 juillet. Les Français y furent battus, et subirent des pertes considérables[25]. Cette victoire, saluée à Paris par des feux de joie[26], ne semble pas avoir amené de résultats bien importants. La guerre se poursuivit en Mâconnais, en Champagne et en Laonnais. Dans le Maine un brillant succès vint même dédommager le parti royal : le comte d'Aumale défit et tailla en pièces, près de La Gravelle (26 septembre), une armée anglaise commandée par Suffolk[27]. Remontant ensuite jusqu'à Avranches, il investit cette place, parcourut toute la contrée jusqu'à Saint-Lô, et ne se retira qu'avec un riche butin, ramenant comme prisonnier le frère de Suffolk. En Picardie, Compiègne fut emporté par escalade le 10 janvier 1424, et L'Isle-Adam, venu pour reprendre cette ville, fut forcé de battre en retraite, après avoir subi des pertes considérables[28]. Établis à Compiègne, les Français purent reprendre l'offensive : ils s'emparèrent de Creil, pillèrent toute la contrée, et poussèrent leurs courses jusque sous les murs de Paris[29]. Dans l'est, les hostilités, un moment interrompues par les négociations entamées avec le duc Philippe sous les auspices du duc de Savoie, reprirent au mois de février 1424 : l'Auxerrois fut menacé, et Antoine de Vergy, nommé capitaine général à la mort de la duchesse douairière de Bourgogne[30], eut à protéger la Bourgogne contre de nouvelles attaques[31].

Dans le nord, les Anglais, qui faisaient peser sur la Normandie des charges incessantes et ruineuses[32], reprirent l'offensive. Compiègne fut assiégé en mars, et capitula au bout de trois semaines[33] ; de février à mai, La Fère, Montaguillon, où Salisbury fut retenu pendant de longs mois, Wiège, Oisy, Nesle, Sézanne, Châtillon, tombèrent en leur pouvoir[34]. Le Lyonnais avait été un instant menacé par Salisbury, et le Roi dut envoyer, pour protéger la contrée et pour rassurer les habitants de Lyon, d'abord le maréchal de la Fayette, puis Charles de Bourbon, avec des forces imposantes[35]. Gaillon, un moment au pouvoir des Français, fut assiégé au commencement de mai, et repris le 8 juillet. Guise et Ivry furent investis : la première de ces places tint pendant phis de cinq mois (6 avril-18 septembre) ; la seconde ne tarda pas à capituler[36]. Le gouvernement royal se décida à secourir Ivry. Un traité conclu avec le duc de Milan et un nouveau secours d'Écosse permettaient de disposer de nombreuses recrues étrangères[37]. Une armée, composée d'environ vingt mille combattants, s'avança jusqu'à Nonancourt ; mais, au lieu de se porter, comme on l'avait projeté[38], sur Ivry, où le duc de Bedford était établi dans une très forte position, ou marcha vers Verneuil, dont on s'empara par ruse[39]. Le 17 août, Bedford, qui venait de prendre possession d'Ivry, parut à la tête de quatorze mille hommes, parmi lesquels se trouvaient des milices communales et des nobles normands et picards[40]. La lutte fut courte, mais acharnée[41] : une attaque vigoureuse des archers anglais décida la victoire. Les pertes des ennemis s'élevèrent à environ seize cents hommes ; les nôtres à plus de sept mille[42]. Au nombre des morts se trouvaient les comtes d'Aumale, de Buchan, de Tonnerre et de Ventadour, le vicomte de Narbonne, le sire de Graville, etc. ; parmi les prisonniers, le duc d'Alençon, le maréchal de la Fayette, le sire de Gaucourt : l'armée française était comme décapitée.

Un tel désastre devait entraîner pour la cause royale des conséquences irréparables. Désormais, il n'était plus possible de lutter à forces ouvertes : on devait se borner à défendre pied à pied ses positions. Verneuil fut occupé le 18 août par les Anglais qui, se croyant déjà maîtres du comté du Maine, s'en partagèrent les terres à l'avance[43]. En Picardie, une ligue des seigneurs contre la domination bourguignonne, qu'avaient provoquée les procédés altiers et despotiques de Jean de Luxembourg, fut aussitôt comprimée par une vigoureuse répression[44] ; et le mouvement en faveur de Charles VII, qui, sur divers points, n'attendait pour se produire qu'un succès des armes françaises, s'arrêta soudain[45]. Guise capitula enfin le 18 septembre, et le 4 octobre La Hire signait le traité de reddition de Vitry[46]. En même temps, Suffolk était chargé de réduire les villes du pays Chartrain, de la Beauce et du Gâtinais qui tenaient encore pour le Roi, et le duc de Bourgogne prenait l'offensive en Mâconnais et en Charolais, où il s'empara de plusieurs places[47].

Cette diversion de Philippe fut presque aussitôt arrêtée par une intervention nouvelle du duc de Savoie qui, tandis que son neveu réduisait une à une les forteresses du Roi, avait repris les négociations, et promulgua, le 28 septembre, une trêve de sept mois, conclue de concert avec les ambassadeurs de France et de Bourgogne, d'une part pour le Nivernais, le Donziois, le Charolais et le Mâconnais, de l'autre pour le Bourbonnais, le Forez, le Beaujolais, le Lyonnais et la partie du Mâconnais appartenant à Charles VII[48]. Pendant ce temps, le Roi s'avançait vers l'Anjou, où des négociations, préparées de longue main par la reine de Sicile, devaient s'ouvrir avec les envoyés du duc de Bretagne. Le 19 octobre, il était à Angers ; le lendemain, le comte de Richemont faisait sa soumission, et s'engageait à servir Charles VII.

Au milieu de ces négociations, de graves affaires s'agitaient entre le duc de Bourgogne et le régent anglais. Comme l'a remarqué un judicieux érudit, la France, que les Anglais avaient mise, à Verneuil, à deux doigts de sa ruine, allait devoir son salut à un Anglais[49]. Le duc de Glocester, le plus jeune des frères de Henri V, marié à Jacqueline de Hainaut, revendiqua hautement les possessions qu'elle lui apportait en dot. Depuis plusieurs mois Bedford s'efforçait en vain de conjurer l'orage ; enfin, le 17 octobre[50], Glocester, qui avait pu impunément enrôler sous sa bannière les troupes destinées à combattre la France, débarquait à Calais avec Jacqueline.

Le duc de Bourgogne quitta son duché en toute hâte et se rendit à Paris. Là au milieu des fêtes auxquelles donna lieu le mariage d'un de ses familiers, Jean de la Trémoille, et à travers les joutes et les galanteries[51], furent traitées entre le duc et Bedford les affaires les plus délicates. Philippe fit entendre des plaintes très vives sur l'agression de Glocester. Bedford envoya message sur message à son frère, qui, sans tenir compte de ses avis, ou peut-être conformément à un plan concerté entre eux[52], marcha sur le lainant, l'occupa presque sans résistance, et reçut le serment des habitants[53]. A cette nouvelle, Philippe donna l'ordre de repousser Glocester à main armée.

Au moment où ce conflit éclatait, le duc de Bourgogne venait de célébrer en Bourbonnais son mariage avec sa tante Bonne d'Artois, veuve de Philippe de Bourgogne, comte de Nevers, tué à Azincourt. Du Bourbonnais, le duc s'était rendu à Mâcon, où il s'était rencontré avec le duc de Savoie, Charles de Bourbon, le comte de Richemont et les ambassadeurs de France. Rien ne fut conclu à Mâcon ; mais les bases des négociations qui devaient remplir les années suivantes y furent jetées. Tout ne semblait donc pas désespéré pour la cause royale : car si les Anglais avaient été victorieux sur les champs de bataille, ils semblaient à la veille de subir de graves échecs sur le terrain diplomatique, et la diversion du Hainaut, laissait à nos armes un moment de répit. Dès le 30 janvier 1425, une prolongation de trêve était stipulée par le duc de Savoie, et cette trêve fut renouvelée successivement, de façon à faire cesser presque entièrement — en droit, sinon en fait, — les hostilités entre Charles VII et Philippe du côté de la Bourgogne : désormais les forces royales étaient libres de se concentrer sur les points menacés par les Anglais.

Au commencement de 1425, d'autres négociations, poursuivies depuis plusieurs années avec le comte de Foix, et prolongées à dessein par sa déloyauté intéressée, arrivèrent enfin à leur terme. Après avoir semblé se mettre délibérément au service des Anglais, lors du traité d'Amiens, le comte, moins d'un an plus tard, chargeait un juriste d'apprécier la valeur des engagements qu'il avait contractés (5 mars 1424) ; il finit par accepter les offres de Charles VII : par lettres du 6 janvier 1425, le Roi l'investit, avec pleins pouvoirs, de la lieutenance générale en Languedoc et en Guyenne au delà de la Dordogne[54]. Dans le courant de l'année (août), le comte de Foix amena au Roi un corps d'armée considérable, destiné à combattre les Anglais en Normandie ; mais l'indiscipline des soldats gascons rendit ce secours plus nuisible qu'utile à la cause royale[55].

A la tête de ce mouvement qui rassemblait autour du trône toutes les forces du royaume[56], se plaça un homme auquel la Providence semblait assigner un grand rôle : le comte de Richemont reçut à Chinon, le 7 mars 1425, l'épée de connétable[57]. Le nouveau connétable prit immédiatement des mesures pour assurer l'exercice de ses hautes fonctions : il convoqua à Selles tous les gens de guerre pour procéder à une refonte complète de l'armée ; puis il réunit les seigneurs bretons, qui brûlaient de marcher sous sa bannière au secours de la France.

Malgré la diversion du Hainaut, les Anglais avaient mis à profit leur victoire de Verneuil. Dès la fin de 1424, Bedford préparait la conquête du Maine[58], et nommait Fastolf lieutenant général au delà de la Seine[59]. Sillé-le-Guillaume, Tennie et plusieurs autres places furent dès lors occupées[60]. Suffolk, nommé gouverneur du pays Chartrain et des contrées entre Seine et Loire[61], soumit Senonches (17 octobre), Nogent-le-Rotrou et Rochefort[62]. Au mois de septembre 1424, une attaque fut dirigée à la fois par mer et par terre contre le Mont-Saint-Michel, qui soutint vaillamment des assauts réitérés, et que Charles VII fit ravitailler à deux reprises[63]. En juin 1425, le comte de Salisbury, investi du titre de capitaine général du roi sur le fait de la guerre dans son royaume[64], quitta la Champagne, où il avait terminé le cours de ses succès ; il prit sur son passage Étampes, Rambouillet et Beaumont[65], et vint rejoindre ses lieutenants qui, dès le 12 juillet, avaient mis le siège devant Le Mans ; la ville capitula le 2 août[66]. Après une lutte glorieuse, mais stérile, soutenue par deux vaillants chevaliers, Pierre Le Porc, capitaine de Mayenne, et Ambroise de Loré, capitaine de Sainte-Suzanne, ces deux places tombèrent aux mains des Anglais, ainsi qu'un grand nombre de forteresses du Maine[67]. On s'étonne que le connétable n'ait rien tenté de sérieux pour arrêter les progrès de l'ennemi. La journée sur laquelle comptait la garnison du Mans ne fut point tenue. Tout ce qu'on fit pour secourir la ville fut d'envoyer de Poitiers, le 17 juillet, un capitaine avec une poignée d'hommes[68]. Richemont avait convoqué ses gens de guerre à Saumur où, le 3 août — le lendemain même de la capitulation du Mans — furent passées les montres[69]. Mais on ne voit pas qu'il en ait tiré aucun parti pour prêter main-forte aux capitaines chargés de la défense des places. Moins préoccupé de la lutte militaire que ; de la poursuite des négociations, il ne tarda pas à se rendre à Saumur, où, le 7 octobre, fut signé un important traité qui rattachait le duc de Bretagne à la Fiance, et le rendait en quelque sorte l'arbitre des destinées du royaume.

Il s'agissait maintenant de détacher le duc de Bourgogne de l'alliance anglaise : tous les efforts. du duc de Bretagne et du connétable furent dirigés vers ce but. Mais le duc de Bourgogne était alors trop occupé de ses propres affaires pour prêter une oreille attentive aux ouvertures de ses deux beaux-frères. Il avait eu, à la fin de juin, une entrevue avec le duc de Bedford, qui travaillait à pacifier le différend relatif au Hainaut et à empêcher qu'il ne fût donné suite au défi échangé entre le duc de Glocester et le duc de Bourgogne. Un nouvel incident vint encore compliquer la situation : Jacqueline, délaissée par Glocester, qui était retourné en Angleterre, s'enfuit de Mons, où elle était retenue prisonnière depuis le 13 juin, et passa en Hollande au mois de septembre. Elle y organisa la résistance et reçut des secours d'Angleterre. Le duc dut marcher contre elle en personne, et jusqu'à la victoire de Brouwershaven (19 janvier 1426), il fut absorbé par cette guerre.

Il était dans la destinée du duc de Glocester de compromettre, par son ambition démesurée et par sa politique turbulente, toutes les combinaisons de Henri V. Après avoir failli amener une rupture entre le duc de Bedford et le duc de Bourgogne, il allait troubler l'Angleterre, et, par ses démêlés avec le gouvernement de Henri VI, tarir la source qui avait jusqu'alors pourvu si abondamment aux charges de l'occupation anglaise en France. A peine de retour, Glocester entra en lutte — et bientôt à main armée — avec son oncle le cardinal de Winchester. Bedford dut traverser la Manche pour aller apaiser une querelle qui prenait d'alarmantes proportions : il s'éloigna.de Paris le ter décembre, et débarqua le 20 à Sandwich ; son absence devait se prolonger pendant quinze mois.

Il semblait que la France, en paix sur les frontières de Bourgogne grâce aux trêves conclues par l'entremise du duc de Savoie, protégée du côté de l'Anjou et de la Normandie par l'alliance bretonne, dût respirer un peu librement. Mais, pour cela, il fallait que fût opérée avec le duc de Bourgogne cette réconciliation, si ardemment désirée, au moyen de laquelle tous les efforts auraient pu être dirigés contre les Anglais divisés et affaiblis. La pacification se faisait déjà dans les esprits, et l'on avait pu voir pendant la guerre de Hainaut, au mois de février 1425, des capitaines français s'enrôler sous la bannière du comte de Saint-Pol[70]. D'autre part, tandis qu'à Paris un sourd mécontentement se manifestait[71], une députation de la ville de Rouen vint, au commencement de décembre 1425, trouver le Roi à Mehun, pour l'assurer de l'intencion, humble desir, et loyale volonte des bourgeois en sa faveur. Charles VII, considérant qu'ils étaient prestz et appareillez de soy exposer à tous perils de fortune pour rendre et remettre leur ville en son obeissance, leur délivra, à la date du 14 décembre, des lettres d'abolition relativement à tout ce qui s'était accompli depuis la rémission accordée par lui, lors de son voyage de Rouen, en 1417[72].

On attendait de part et d'autre une prise d'armes du Connétable : il avait assigné le rendez-vous de ses gens de guerre à Chinon, à la fin d'octobre 1425[73], et c'est sur-les contins de la basse Normandie et de la Bretagne, où opérait alors le comte de Suffolk, que ses efforts devaient se concentrer. Les Anglais ne tardèrent point à déclarer une guerre ouverte au duc de Bretagne[74], et portèrent le ravage jusque sous les murs de Rennes[75]. Établis dans la forteresse de Saint-James-de-Beuvron, ils inquiétaient toute la contrée. Tandis que le comte dauphin d'Auvergne recevait la mission de ravitailler le Mont-Saint-Michel[76], épuisé par un long investissement et sans cesse exposé à de nouvelles attaques, le comte de Richemont, sans paraître s'inquiéter du siège que Salisbury venait de mettre devant La Ferté-Bernard — où Louis d'Avaugour devait le retenir pendant quatre mois[77], — s'avança à travers la Bretagne jusqu'à Saint-James, qu'on assiégea. Il établit son ost à Antrain, et au bout de huit à dix jours ; arriva pour donner l'assaut. Mais, soit que ses mesures aient été mal combinées, soit que ses troupes non encore soldées, dit-on, par la faute du chancelier Jean de Malestroit — aient refusé de marcher, il échoua complètement, et, en voulant arrêter les fuyards, il faillit même être foulé aux pieds (6 mars 1426)[78]. Furieux, Richemont s'en prit au chancelier, qu'il fit saisir à La Touche, près de Nantes, et qu'il retint prisonnier dans son château de Chinon[79]. Quant au duc de Bretagne, il s'empressa d'acheter de Suffolk, à deniers comptants, une trêve de trois mois[80].

Un tel échec entama singulièrement le prestige du connétable : pour ses débuts, il avait fait battre, par une poignée d'Anglais, une almée de quinze mille hommes[81]. Il devait avoir hâte de prendre sa revanche. Mais au lieu d'opérer contre le comte de Warwick, nommé capitaine et lieutenant général du roi et du régent par toute France et Normandie, et qui vint (4 juillet) mettre le siège devant Bonneval[82], menaçant ainsi Orléans ; sans s'opposer au comte de Salisbury qui, de son côté, attaquait le Vendômois et se préparait à faire le siège de Montdoubleau (12 septembre)[83], Richemont se dirigea de nouveau vers la basse Normandie : il semble que le soin de protéger les frontières de son frère le préoccupât davantage que la défense des meilleures provinces du Roi, le Maine, le pays Chartrain, le Vendômois, attaquées simultanément par les Anglais, et déjà fortement entamées.

Tandis que le comte de Foix, à la tête des nombreuses compagnies rassemblées à grands frais, passait en revue à Jargeau ses trois mille Béarnais, qui selon lui devaient faire merveille, et qui, au lieu de protéger l'Orléanais, ne firent que manger pays[84], le connétable vint, au mois de septembre, prendre le commandement d'une armée où figuraient, à côté de ses Bretons, des Écossais sous les ordres de leur connétable Jean Stuart. Il s'agissait d'emparer, comme on disait alors, c'est-à-dire de mettre en état de défense la ville de Pontorson, située sur la frontière anglaise[85]. Un engagement eut lieu devant le Mont-Saint-Michel[86] ; puis, Pontorson ayant été fortifié, le connétable y laissa pour capitaine un de ses lieutenants, et se replia sur l'Anjou[87]. Pontorson ne tarda pas à être assiégé. Dans les premiers jours de janvier 1427, le comte de Warwick, nommé lieutenant général en Normandie et sur les marches de Bretagne, d'Anjou et du Maine[88], fit investir la place[89]. Richemont, poursuivant les négociations avec le duc de Bourgogne, était alors à Moulins, en compagnie du comte de Clermont. Quand, après son séjour à la Cour, signalé par l'exécution du sire de Giac, il revint en Touraine, sa première pensée fut de se porter au secours de Pontorson. Le connétable d'Écosse était dès le 19 mars[90] sous les murs de cette ville. Richemont assembla une armée à Angers ; et, ayant appris l'échec subi par les Français, le 17 avril, devant le Mont-Saint-Michel[91], il s'avança dans la direction de Pontorson.

Mais quelle dut être la surprise de tous ces gens de bien du pays de France[92] qu'il amenait avec lui, quand ils le virent, au lieu de marcher droit sur la place, se rendre à Dinan, près du duc de Bretagne ! Ce prince, dès avant le siège, avait voulu remettre Pontorson aux mains des Anglais[93], et n'eut garde de laisser le connétable tirer avant. Comment adventurer la noblesse de Bretagne pour si peu de chose que Pontorson[94] ? On avait pourtant levé le ban et l'arrière-ban, et la lande de Vaucouleurs était couverte de gens de guerre. Tous ces préparatifs furent en pure perte : les héroïques défenseurs de la place assiégée, qui jusqu'à la dernière-heure avaient compté sur le connétable, éprouvèrent une cruelle déception. Les Anglais eux-mêmes furent stupéfaits : dès le 19 mars, Warwick, s'attendant à être attaqué, demandait des renforts[95] ; le 8 mai, on était à Paris dans de vives inquiétudes : une procession générale fut ordonnée par le gouvernement, pour demander à Dieu que les troupes anglaises fussent victorieuses devant Pontorson[96]. La journée assignée pour la reddition s'écoula[97] ; personne ne parut. Le 8 mai, les Anglais occupèrent la place[98].

Cependant l'invasion anglaise, dont le connétable n'avait pas su arrêter les progrès, devenait de plus en plus menaçante. Après la prise de Bonneval et de Montdoubleau, Vendôme fut assiégée à son tour par Suffolk (26 mai) ; puis Montargis vit apparaître sous ses murs (1er juillet) les deux armées de Suffolk et de Warwick[99]. Dans l'Est, on préparait une prise d'armes, concertée avec le duc de Bourgogne, qui fit fortifier ses places en Bourgogne et en Charolais, et dont un dès lieutenants, le sire de Vergy, fut nommé par Henri VI (12 août) gouverneur de Champagne et Brie[100]. Profitant d'une agression commise par des capitaines du parti royal, les Bourguignons prirent les armes : ils attaquèrent, dans l'Auxerrois, Mailly-le-Châtel (mai-juin), qui fut emporté d'assaut[101]. Dans le Midi, le comte de Foix, bien qu'il rassemblât des forces assez considérables[102], avait fort à faire pour tenir tête aux Anglais. Dans l'Ouest, l'Anjou était enfin menacé, et cette attaque était d'autant plus redoutable qu'elle coïncidait avec l'abandon de la cause française par le duc de Bretagne, à la veille de passer à l'ennemi[103]. Ce n'était pas seulement par terre qu'on avait à lutter contre les Anglais : une flotte de cent vingt voiles parut le 6 août près de La Rochelle, et tenta de surprendre cette ville ; les habitants se mirent aussitôt en état de défense, et réunirent une petite armée dont. Antoine de Clermont, seigneur de Surgères, prit le commandement. Mais ce fut à un Breton que revint l'honneur de sauver La Rochelle : monté sur un baleinier, Bernard de Karquebeu fit une courageuse démonstration contre la flotte anglaise, qui, voyant la côte si bien gardée, battit en retraite le 19 août[104].

Montargis, vaillamment défendu par le gascon Bouzon de Fages et par le sire de Villars, résistait toujours à l'ennemi. De Niort, le Roi avait envoyé un de ses capitaines au secours de la place[105], et le connétable avait assigné à Gien le lieu de réunion de toutes les troupes qu'on avait pu rassembler[106]. Mais si Richemont présida aux préparatifs il n'eut aucune part à l'expédition elle-même : la gloire de la brillante rescousse qui sauva Montargis appartient au bâtard d'Orléans et à La Hire. Le 5 septembre 1427, quinze cents Anglais tombèrent morts ou blessés sous les murs de cette ville, qui célébra sa victoire par un Te Deum, et qui, en mémoire de l'événement, institua une fête annuelle qu'on célébra jusqu'en 1792[107].

Quatre jours après ce beau fait d'armes, qui fut comme un rayon de soleil apparaissant dans un ciel sombre[108], une autre victoire paraît avoir été remportée par Louis d'Estouteville, capitaine du Mont-Saint-Michel : les Anglais auraient laissé deux mille morts sur le champ de bataille[109]. En même temps, Ambroise de Loré, qui luttait si vaillamment dans le Maine, battit à Ambrières deux mille Anglais sous les ordres de Fastolf[110]. Mais la situation n'en continuait pas moins d'être fort alarmante. Si Montargis barrait à l'ennemi la route du Berry ; si diverses places redevenaient françaises dans le Vendômois, le pays Chartrain, le Perche et le Maine[111] ; si, au moyen d'une trêve conclue par le bâtard d'Orléans au nom dé son frère, le duché d'Orléans, le comté de Blois et le comté de Dunois se trouvaient momentanément protégés[112], les Anglais, de plus en plus audacieux, n'attendaient que le moment favorable pour pénétrer au cœur du royaume. L'Anjou, abandonné par le duc de Bretagne devenu hostile ; mal protégé par le connétable, trop indifférent à la défense nationale, semblait à Bedford, qui venait de rentrer en France, une proie facile à saisir : le régent s'avança en-personne pour en faire la conquête[113].

Le comte de Richemont, aussitôt après la délivrance de Montargis, avait rassemblé ses gens de guerre à Angers, et s'était porté sur La Flèche. Déjà les Anglais avaient soumis plusieurs places aux environs de Laval, et Fastolf, lieutenant du duc de Bedford, assiégeait La Gravelle. Le connétable, avec plus de résolution que de délicatesse, trouva moyen d'empêcher la reddition de cette place[114]. On s'attendait, après cette rapide excursion dans le bas Maine, à lui voir prendre la route de l'Anjou, et s'y établir pour défendre cette province. Mais Richemont venait de se brouiller avec La Trémoille : ligué avec les comtes de Clermont et de Pardiac, il ne songeait qu'à se venger de son ancienne créature, et à lui infliger le même sort qu'au président Louvet. Tandis qu'Ambroise de Loré et Pierre Le Porc soutenaient vaillamment, au nom de Charles VII, l'effort de la lutte, le connétable s'avança vers Châtellerault à la rencontre des deux princes. Nous verrons plus loin quel fut le résultat de cette prise d'armes, qui ajoutait aux périls de l'invasion le scandale et les tristesses d'une guerre civile. Si l'Anjou ne devint pas une province anglaise, si nos pertes dans l'automne de 1427 ne furent pas plus considérables, l'honneur en revient à Ambroise de Loré et aux seigneurs de Raiz et de Beaumanoir, qui disputèrent pied à pied le terrain à l'ennemi ; mais ils ne purent empêcher Laval de succomber devant une attaque dirigée par Talbot[115]. Un retour offensif de Bedford dans le pays Chartrain amena la reddition de Rambouillet (fin d'octobre)[116].

De toutes parts les Anglais semaient l'épouvante et la ruine : à quelques lieues de -Chinon, résidence de la duchesse de Guyenne, femme du connétable, la fertile contrée de la Vallée fut ravagée par un traître à la solde de l'ennemi, et l'abbaye de Bourgueil, après douze années, ne s'était point relevée de ce désastre[117]. Les femmes n'étaient pas épargnées : de prétendues laronnesses du Maine furent emmenées à Pontorson et exécutées pour leurs démérites[118].

Tandis que le voyage de Bourges, comme on appelait la campagne que les princes ligués obligèrent le Roi à entreprendre[119], faisait dépenser en pure perte les faibles ressources qui restaient en hommes et en argent, les Anglais, ayant enfin trouvé l'occasion qu'ils cherchaient depuis Verneuil, se hâtèrent d'en profiter. Le parti royal, plus divisé que jamais, était réduit à l'impuissance. Le duc de Bretagne était devenu le vassal de Henri VI[120]. Le duc de Bourgogne qui, s'il n'avait pas rompu avec Bedford, ne s'était pas pourtant rapproché de Charles VII, séjournait toujours en Hollande et semblait s'être désintéressé des affaires de France ; il laissait ses gens de guerre se mettre à la solde de l'Angleterre : l'un de ses lieutenants était à la tête des forces rassemblées sur les frontières de la Lorraine ; un autre, qui commandait en Champagne, était également au service de Henri VI[121]. Le duc de Bar venait de faire un premier pas du côté des Anglais[122]. Le prince d'Orange occupait le château d'Anthon (avril), d'où il menaçait le Dauphiné. Beaumont-en-Argonne fut pris au mois de mai par Jean de Luxembourg, que ce succès rendit maitre de toute la contrée[123]. Une tentative des Français sur Le Mans, un moment occupé par eux ; une menace de sédition à Rouen[124] n'arrêtèrent pas Bedford dans l'exécution du plan qu'il préparait de longue main[125], et dont il arrêta définitivement l'exécution à Paris, dans des réunions du grand Conseil auxquelles prit part le duc de Bourgogne[126].

Le 24 juin, le comte de Salisbury était débarqué à Calais. Après avoir conféré à Paris avec Bedford, ail lieu de 'se porter sur l'Anjou comme on s'y attendait, il s'avança à travers la Beauce, soumit ou reprit sur son passage Rambouillet, Nogent-le-Roi, Rochefort, Le Puiset, Janville, etc., et s'établit dans cette dernière ville, menaçant Orléans, au mépris de l'engagement solennel pris avec le duc d'Orléans et récemment renouvelé[127]. En même temps, le prince d'Orange envahissait le Dauphiné, que le comte de Comminges, gouverneur de cette province, lui laissa ravager sans opposer de résistance. Le 5 septembre, Salisbury était maître de Meun ; le 8, il faisait son apparition sous les murs d'Orléans ; le 25, il occupait Beaugency ; après avoir soumis Marchenoir, La Ferté-Hubert, Jargeau, Château-Neuf-sur-Loire, et s'être emparé le 7 octobre d'olivet, un des faubourgs d'Orléans, il mit (12 octobre) le siège devant cette ville, à laquelle un premier assaut fut donné le 21 octobre. Mais, trois jours plus tard, il était frappé par un boulet, et mourait le 3 novembre des suites de sa blessure. Cet événement donna aux défenseurs d'Orléans un moment de répit : Charles VII n'épargna rien d'ailleurs pour les mettre en mesure de résister à l'ennemi. Le siège se prolongea durant plusieurs mois. Un convoi destiné à renforcer la garnison et à ravitailler la place fut attaqué par les Anglais, et la funeste journée des harengs (12 février), porta le dernier coup à la cause royale, privée de plusieurs de ses meilleurs champions.

C'est au moment où Orléans, enfermé dans un cercle qui se rétrécissait chaque jour davantage, semblait à la veille dé succomber, qu'un secours inespéré lui arriva : Jeanne d'Arc parut ; elle accomplit en quatre jours ce qu'avaient vainement tenté pendant des mois les guerriers les plus consommés. Arrivée à Chinon le 6 mars, elle était le 25 avril à Blois, à la tête des gens de guerre ; le 29, elle pénétrait dans Orléans sans coup férir ; le 4 mai, elle attaquait les assiégeants, et les délogeait successivement de la bastille Saint-Loup, de la bastille Saint-Augustin et du fort des Tourelles ; le 8 mai, les Anglais battaient en retraite : Orléans était délivré.

Une ère nouvelle se levait pour la France. Le bras de Dieu, qui lui avait si longtemps fait sentir le glaive de la justice divine, s'étendait sur elle pour l'arracher à une ruine presque certaine. Ce fut une suite d'éclatants triomphes : la victoire de Patay montra que, sous l'étendard de Jeanne d'Arc, les troupes royales étaient invincibles ; la campagne de Reims attesta qu'aucun obstacle humain ne pouvait arrêter la Pucelle inspirée de Dieu. Auxerre, Troyes, Châlons ouvrirent leurs portes sans résistance : le 16 juillet, Charles VII fit son entrée à Reims, où il fut sacré le lendemain. Le Dauphin, comme on appelait encore Charles dans la moitié de la France, était enfin le Roi, et ce sceau, imprimé sur son front par l'onction sainte, valait pour lui toutes les victoires[128].

Au lendemain du sacre, toutes les villes voisines firent leur soumission. La marche sur 'Paris était naturellement indiquée : c'est de ce côté que Charles VII se dirigea tout d'abord. Il occupa Vailly le 22 août, Soissons le 23. C'est là qu'il reçut la nouvelle de l'adhésion de Château-Thierry, Crécy, Épernay, Coulommiers, Provins, etc. Mais les négociations aussitôt entamées avec le duc de Bourgogne empêchèrent qu'on se portât sur la Picardie : de Soissons, l'armée se replia sur Château-Thierry et Provins. Une démonstration militaire du duc de Bedford, du côté de Corbeil et Melun, tint l'armée en éveil. Mais Bedford recula, et Charles VII continua sa marche rétrograde jusqu'à Bray. Nous raconterons plus loin les péripéties de cette retraite, qui se termina par une attaque infructueuse sur Paris (8 septembre).

Durant le cours de la campagne, une trêve de quatre mois avait été conclue entre Charles VII et le duc de Bourgogne (28 juillet) ; elle comprenait les pays situés au nord de la Seine, depuis Nogent jusqu'à Harfleur, sauf les villes ayant passage sur le fleuve. Il n'avait fallu rien moins que les espérances fondées d'une réconciliation avec le duc de Bourgogne pour qu'on eût renoncé à poursuivre les hostilités dans le Nord. Les populations étaient admirablement disposées : non seulement dans les pays soumis à la domination anglaise, mais dans les possessions même du duc Philippe, toutes les portes étaient prêtes à s'ouvrir. Senlis, Creil, Pont-Sainte-Maxence, Beauvais avaient déjà fait obéissance, et les villes de Picardie n'attendaient qu'un signal pour redevenir françaises 2. Les Anglais, à bout de ressources[129], défendaient mollement la Normandie, attaquée vigoureusement par les troupes royales[130] et par des capitaines picards qui s'étaient déclarés pour le Roi : Aumale, Étrépagny, Torcy, Blangy furent soumis[131] ; Évreux aurait été pris si Bedford ne s'était hâté de le secourir[132] ; Rouen était à la veille de faire une nouvelle tentative pour secouer le joug anglais[133] ; Paris même donnait des espérances de soumission[134]. C'est là ce qui avait décidé le Roi à se porter sur Saint-Denis et à tenter une démonstration armée contre la capitale. Après l'échec du 8 septembre, Charles VII revint à sa politique de temporisation : dans un conseil tenu le 12 septembre, il fut décidé que l'on se replierait sur la Loire, laissant dans les provinces récemment soumises un lieutenant général et une délégation du Conseil.

Ainsi l'occasion, qu'il aurait fallu saisir au lendemain du sacre, avait été perdue : la campagne se terminait par un échec. L'effet produit par la tentative manquée sur Paris fut considérable. Mais ce qui compromit surtout les résultats obtenus, ce fut que, loin de mettre les pays récemment soumis à l'abri de retours offensifs de l'ennemi, le gouvernement royal fut impuissant à les protéger contre ses propres soldats. Était-ce pour se voir sans cesse menacés dans leurs possessions et dans leur existence que les populations avaient si facilement secoué le joug anglais ? Charles VII fit ce qu'il put pour calmer leurs plaintes et pour les préserver du double ennemi qu'elles redoutaient si justement[135] ; mais il n'était pas en son pouvoir de réprimer les excès de ses gens de guerre, trop souvent encouragés par ceux-là même qui auraient dû les punir. Cette désorganisation des forces royales et le manque de ressources financières expliquent la stérilité des opérations militaires qui suivirent la campagne de 1429.

Charles VII avait plus compté sur le concours du duc de Bourgogne que sur la puissance de ses armes : les ménagements que cette politique lui avait fait garder allaient tourner contre lui. Philippe, revenu à Paris le 30 septembre à la tête de ses gens de guerre, ne tarda pas à accepter, non plus seulement le commandement de la capitale, mais une lieutenance générale qui faisait de lui le véritable régent[136]. Il concerta avec Bedford le plan d'une campagne qui devait être reprise aussitôt après l'expiration de la trêve[137]. Une trêve illusoire et d'ailleurs fort mal observée ; des divisions profondes à la Cour de France, réduite à l'impuissance par le manque de ressources financières ; des divisions non moins grandes au sein du gouvernement anglais, à Londres aussi bien qu'à Paris ; un mécontentement général contre la domination étrangère[138] ; des plaintes unanimes contre les désordres commis par les gens de guerre au delà de la Seine, tels sont les traits de la situation dans les derniers mois de 1429. Les hostilités se poursuivirent, au mépris de la trêve, sans résultats importants. Les Bourguignons se joignirent aux Anglais pour attaquer les troupes royales : dans un engagement près de Creil, Jacques de Chabannes, capitaine de cette place, fut fait prisonnier ; Troyes et Reims étaient sur le qui-vive, craignant toujours une attaque des Anglais[139]. Laval, dans le Maine (25 septembre), Louviers en Normandie (décembre), furent enlevés aux Anglais. La Pucelle s'empara de Saint-Pierre-le-Moutier, et fit une tentative infructueuse sur La Charité (novembre)[140]. Les Anglais reprirent l'offensive en Normandie : ils s'emparèrent de Torcy, Aumale, Étrépagny, Couches et Blangy[141]. Kyriel tenta, au mois de janvier, une expédition en Beauvaisis, et battit le comte de Clermont. Mais ces avantages de l'ennemi furent compensés par la prise de Château-Gaillard, dont La Hire s'empara et demeura maître, malgré un retour offensif de l'ennemi[142].

Le duc de Bourgogne n'attendit même pas, pour reprendre les hostilités, l'expiration de la trêve[143]. Il semblait qu'il eût hâte de tenir ses engagements avec Bedford, qui n'épargnait rien pour s'assurer son concours actif[144]. Philippe convoqua ses gens de guerre en Bourgogne pour le 29 mars[145] ; lui-même fixa à Péronne, au 15 avril, le rendez-vous de ses troupes dans le Nord[146]. Le moment paraissait critique pour les Anglais : une nouvelle conspiration se tramait à Paris, et d'audacieux coups de main avaient été tentés sur la capitale et sur Saint-Denis[147] ; Barbazan, nommé lieutenant général en Champagne au sortir de sa prison de Château-Gaillard, se préparait à entrer en campagne. Dès le mois de mars, des capitaines bourguignons vinrent prêter main-forte aux Anglais dans l'Île-de-France et la Champagne[148] ; le 20 avril, Philippe ouvrit les hostilités par le siège de Gournay-sur-Aronde[149] ; de là il marcha sur Choisy, bientôt soumis, et sur Compiègne (20 mai), qui devait retenir pendant longtemps les forces bourguignonnes. Un corps d'armée, sous les ordres du sire de Ternant, vint occuper l'Île-de-France, où Jeanne d'Arc luttait vaillamment, et où Charles VII obtint quelques avantages, tandis que d'autres Bourguignons allèrent défendre la cause anglaise en Champagne, où Barbazan les tailla en pièces et s'empara de plusieurs places. Mais c'est à Compiègne que se concentra l'intérêt de la lutte. Jeanne d'Arc, qui, après sa tentative sur Pont-l'Évêque, avait couru au secours de la place, y fut prise le jour même de son arrivée (24 mai)[150], et le duc annonça triomphalement cette importante capture[151]. Cependant la politique royale suscita bientôt de sérieux embarras à Philippe : le soulèvement des Liégeois le força à réduire les forces engagées devant Compiègne et à quitter lui-même le siège[152]. Jean de Luxembourg, aidé des Anglais envoyés par Bedford, continua de presser vivement la place ; la ténacité et la vaillance des assiégés eut sa récompense : une armée française, commandée par le comte de Vendôme et le maréchal de Boussac, Marcha à leur secours, traversa avec une singulière facilité les rangs ennemis, et procura (24 octobre) la délivrance de Compiègne[153]. La levée du siège entraîna la soumission au Roi de la plupart des places environnantes[154].

Des avantages non moins appréciables signalèrent la campagne de Champagne, où Barbazan s'empara d'un bon nombre de villes et défit (13 décembre) une armée bourguignonne[155], et en Dauphiné, où une brillante victoire, remportée à Anthon (11 juin) par le sire de Gaucourt et Rodrigue de Villandrando sur le prince d'Orange, secondé par les troupes du duc de Savoie[156], prévint un démembrement du Dauphiné et nous ouvrit le chemin du Mâconnais et du Charolais[157]. Le gouvernement royal avait aussi dirigé des forces en Guyenne pour y inquiéter l'ennemi[158], et le maréchal de Boussac, de concert avec Poton de Saintrailles, opérait en Vermandois, où le duc de Bourgogne tenta, au mois de novembre, de prendre sa revanche de l'échec infligé à ses armes devant Compiègne. Quelques succès des Anglais dans l'Île-de-France et la Brie, la perte de Château-Gaillard (juin), furent compensés par l'occupation de Melun (août) et de plusieurs places voisines. De toutes parts les populations se montraient fatiguées du joug anglais et disposées à renoncer à un serment imposé par la violence.

L'année 1430 avait donc été favorable à nos armes. Malgré tous les efforts des Anglais et la présence de leur jeune roi, débarqué à Calais le 23 avril ; malgré le vaste déploiement de forces du duc de Bourgogne, on avait, sur tous les points, résisté aux ennemis et obtenu d'importants avantages[159]. Des chefs habiles et expérimentés étaient à la tête des forces qui occupaient les diverses provinces : Barbazan en Champagne, La Hire en Normandie, Boussac dans les contrées entre la Seine, la Marne et la Somme[160] se préparaient à pousser vigoureusement les hostilités et à poursuivre l'œuvre de la délivrance.

C'est contre le duc de Bourgogne que, au commencement de 1431, fut dirigé le principal effort. En Normandie, dans l'Île-de-France, dans le Maine, il y eut bien des engagements partiels[161] ; en Champagne, Barbazan poursuivit le cours de ses succès, soumit plusieurs places et défit un corps anglo-bourguignon[162] ; mais c'est en Bourgogne, en Picardie, en Artois, en Cambrésis et jusque dans le comté de Namur que les coups les plus sérieux furent portés. Le propre beau-frère du duc Philippe, le comte de Clermont, dirigea en Bourgogne les opérations, avec Jacques de Chabannes pour lieutenant et les comtes de Montpensier et de Dreux (Charles d'Albret) pour auxiliaires. Le maréchal de Toulongeon, mal secondé par la noblesse du pays qui était lasse d'une lutte devenue odieuse à tous les bons Français, dénué d'ailleurs de ressources financières, se vit enlever un grand nombre de places et demanda en vain des renforts à son maitre. Philippe, inquiété dans le Nord par les Français, qui avaient pris Rambures, la clef du Vimeu, et plusieurs autres places, et qui ravageaient le comté de Namur, ne pouvait rien pour le protéger[163]. Il se plaignait vivement au gouvernement anglais de ce qu'on lui laissait supporter ainsi tout le poids de la guerre. Les conditions de la lutte allaient lui être rendues plus désavantageuses encore : le duc de Lorraine était mort (25 janvier 1431), et son héritage devait être recueilli par l'époux de sa fille Isabelle, René, duc d'Anjou, beau-frère du Roi ; le duc de Bourgogne allait avoir un ennemi de plus sur sa frontière. Mais René rencontra pour compétiteur Antoine de Vaudemont, neveu du feu duc, qui prit le nom et les armes de Lorraine. Antoine avait toujours suivi le parti bourguignon : il fut soutenu par le duc. Le maréchal de Toulongeon se mit à la tête de son armée, composée de Picards, de Bourguignons et de quelques auxiliaires anglais et savoisiens[164]. De son côté, Charles VII envoya Barbazan, avec un faible contingent, au secours de René, dont l'armée fut grossie par des auxiliaires allemands envoyés par le duc d'Autriche, avec lequel le Roi venait de conclure une alliance[165]. Les deux armées se trouvèrent en présence, le 2 juillet, à Bulgnéville ; la fougue de René triompha de la sage prudence de Barbazan : le comte de Vaudemont battit René et le fit prisonnier ; Barbazan fut tué dans la bataille[166].

La défaite de René, la mort d'un si vaillant capitaine, portaient un coup terrible à la cause royale. Charles VII s'occupa immédiatement d'en prévenir les suites : le sire d'Albret fut chargé de remplacer Barbazan en Champagne, où Louis de Luxembourg était au moment d'attaquer le Rethelois ; Regnault de Chartres et le maréchal de Boussac furent envoyés sur la frontière de Beauvaisis ; le duc d'Alençon et le comte de Vendôme reçurent des commandements ; enfin le comte de Clermont reprit l'offensive en Bourgogne avec une vigueur nouvelle[167]. Cette énergie, cette persévérance dans la lutte découragèrent le duc de Bourgogne, las de poursuivre à ses dépens une guerre ruineuse et sans issue, et qui le déclara très nettement au gouvernement anglais[168]. Philippe se voyait en outre menacé du côté de l'Allemagne, où Charles VII avait conquis de précieux auxiliaires ; enfin le duc de Bretagne lui donnait l'exemple d'un rapprochement avec la couronne[169] : aussi n'hésita-t-il pas à entamer des négociations qui aboutirent à une trêve de deux ans, signée à Chinon le 8 septembre 1431[170].

Pendant que les choses étaient ainsi en voie de pacification, les Anglais, renforcés par un corps de troupes débarqué à Calais le 30 juin, avaient poussé vigoureusement l'attaque dirigée par eux contre Louviers, et, après un siège de cinq mois, pendant lequel La Hire était tombé entre leurs mains, la place avait dû capituler (28 octobre). Les Bretons, dont Charles VII avait obtenu le concours, leur avaient fait perdre quelques places dans le Maine[171] ; mais, en Vermandois, ils avaient attaqué Beauvais, battu les troupes de Boussac et de Saintrailles, et fait ce dernier prisonnier[172]. Maîtres de Louviers, ils se préparaient à reprendre l'offensive. Ils n'étaient point d'ailleurs systématiquement hostiles à des pensées de conciliation. Le conseil anglais en France sentait bien que la guerre allait devenir de plus en plus difficile ; que le temps n'était plus où l'on n'avait point à compter avec les forces de l'ennemi, où l'on pouvait user de ses alliés sans réserve et sans ménagements. L'Allemagne, qu'on avait eue pour amie, était devenue hostile ; le duc de Bretagne, toujours prêt à se tourner vers le soleil levant, n'attendait qu'une occasion pour revenir à Charles VII ; le duc de Bourgogne se fatiguait d'une fidélité qui ne pouvait plus être assez grassement payée. Plus d'armée à attendre d'Angleterre, où les divisions étaient toujours profondes ; plus de finances à extorquer de provinces ruinées et dont les habitants auraient volontiers secoué un joug odieux[173]. On comprend dès lors que le gouvernement anglais, voyant son meilleur auxiliaire lui échapper, dût suivre la pente qui poussait chacun vers la paix et se prêter aux négociations qui allaient s'ouvrir sous les auspices des légats du pape ; le 13 décembre fut signé à Lille un traité de pacification générale, durant six années, qui permettait de travailler sérieusement à la conclusion d'une paix définitive.

Mais tandis que l'horizon politique semblait ainsi s'éclaircir, des conflits étaient survenus dans l'intérieur du royaume. Le démêlé persistant entre La Trémoille et le connétable, que la récente condamnation de Louis d'Amboise avait ravivé, fut le signal d'une lutte armée, à laquelle furent mêlés, d'une part, le connétable et le duc, de l'autre, le sire d'Albert, envoyé de La Trémoille. Cette guerre, où les forces royales étaient mises une fois de plus au service des mesquines passions et des déloyales intrigues du premier ministre, ne dura pas moins d'un an, et ne se termina que le 25 mars 1432 au moyen d'un traité signé à Rennes par l'entremise de la reine de Sicile[174].

Comme si ce n'était point assez de ces divisions intestines, toujours si funestes à la cause royale, le duc d'Alençon avait également, sous un prétexte plus ou moins fondé[175], gravement indisposé son oncle de Bretagne, en arrêtant son chancelier, qu'il avait enfermé dans son château de Pouancé ; et le gouvernement de Charles VII avait eu le tort d'épouser la querelle du jeune duc[176]. Au commencement de janvier 1432, le duc de Bretagne, accompagné de son fils et du connétable de Richemont, vint à la tête d'une armée où se trouvaient des auxiliaires anglais[177], mettre le siège devant Pouancé, que le duc d'Alençon abandonna lâchement, y laissant sa femme alors enceinte, et sa mère. Deux mille Français, commandés par le bâtard d'Orléans et le sire de Gaucourt, vinrent au secours de la place, qui soutint un siège d'un mois[178]. Enfin l'intervention du connétable, les efforts d'un des plus habiles capitaines du parti royal, Ambroise de Loré, qui était en même temps maréchal du duc d'Alençon, amenèrent un accommodement[179] : le 28 mars 1432, au moment même où le traité avec le connétable se signait à Redon (25 mars), le duc d'Alençon faisait à Nantes sa paix avec le duc de Bretagne[180].

Malgré la perte de Louviers, les Français continuaient d'inquiéter l'ennemi eu Normandie, où une courageuse entreprise tentée par Ricarville le 3 février 1432, et qui le rendit un moment maître de la grosse tour de Rouen, échoua, faute d'avoir été soutenue[181]. Dans le Maine, les Anglais assiégèrent (en avril) Saint-Célerin, dont Ambroise de Loré les força à lever le siège, et virent tous leurs efforts annihilés par l'habileté entreprenante et les ruses hardies de ce capitaine, dont les exploits rappellent les heureux coups de main du connétable Du Guesclin. Ambroise de Loré porta la guerre jusqu'aux environs de Caen, et toujours ses armes furent victorieuses[182]. Une surprise rendit l'ennemi maître de Montargis ; dans le même mois une autre surprise nous livra Chartres (12 avril), et la possession de cette ville avait une haute importance. Le ter mai, Bedford fit commencer le siège de Lagny, dont la garnison inquiétait sans cesse les contrées voisines de Paris ; lui-même arriva pour porter les derniers coups. Mais la vigilante activité du gouvernement royal lui fit rencontrer une défaite sous. les murs de la place (10 août) : il fut contraint de lever brusquement le siège, abandonnant ses canons et ses vivres[183].

La prise de Provins (2 octobre) ne dédommagea que faiblement les Anglais de cet échec, et les conspirations ourdies à Pontoise et à Paris, — où les ambassadeurs anglais, revenant après l'insuccès de la conférence d'Auxerre, furent accueillis par de violents murmures[184], — devaient leur faire craindre que leur domination ne fût sérieusement compromise. Aussi se montrèrent-ils disposés à poursuivre les négociations[185].

Malgré la trêve existant entre le Roi et le duc, les hostilités ne discontinuaient point. D'un côté, les Bourguignons, revêtus ou non de la croix de Saint-André, ne se faisaient point faute d'attaquer les Français ; de l'autre, les capitaines du parti royal ne cessaient de guerroyer pour le compte de leur maître ou pour le leur propre[186]. En Picardie, en Vimeu, en Champagne, en Bourgogne, c'étaient de perpétuelles entreprises[187]. Le duc de Bourgogne, bien que ses relations avec les Anglais devinssent chaque jour moins cordiales, hésitait toujours à se rapprocher de la France. La trêve du 13 décembre 1431 était considérée comme non avenue. De toutes parts les possessions bourguignonnes étaient menacées ; et les succès obtenus, dans les premiers mois de 1433, par le comte de Clermont et par les autres capitaines français, causaient au conseil du duc les plus vives inquiétudes[188]. Au même moment, des troupes anglo-bourguignonnes, envahissant la Champagne, s'emparèrent de Pont-sur-Seine, de Fougeon, de Sailly, d'Épernay et de plusieurs autres places, et s'avancèrent jusque sous les murs de Troyes[189].

Après les conférences de Seine-Port (mars 1433) et en dépit du traité particulier conclu à grand peine, par le conseil du duc, avec le comte de Clermont[190], la guerre reprit avec une nouvelle ardeur[191] ; elle eut bientôt un caractère menaçant pour la France. Le duc de Bourgogne s'était décidé à reprendre vigoureusement l'offensive : il donna des ordres en Bourgogne pour un armement général[192], et lui-même réunit en Picardie et en Flandre ses meilleures troupes. Dans un conseil de guerre qui fut tenu à Arras vers le 25 juin 1433, le duc décida que le comte de Saint-Pol irait faire le siège dé Saint-Valery dont les Français s'étaient récemment emparés ; que Jean de Luxembourg se tiendrait sur les rives de la Somme pour protéger la Picardie contre les incursions des garnisons françaises, et que lui-même s'avancerait vers la Bourgogne pour réduire les places dont les garnisons inquiétaient sans cesse ses possessions[193]. Philippe arriva devant Troyes le 3 juillet ; mais la ville où s'était signé l'odieux traité qui faisait couler tant de sang fit preuve d'une fidélité et d'une vigilance qui ne se démentirent pas un instant[194]. Il marcha alors sur Mussy, dont il s'empara, et s'avança jusqu'à Châtillon, d'où il envoya dans le comté de Tonnerre réduire toutes les places qui tenaient pour Charles VII. Le duc fit en passant le siège de Pacy et de Lézinnes, et, maitre de vingt-quatre forteresses, il se rendit à Dijon pour y attendre l'époque de la journée de Pacy, fixée au 1er septembre. Il parut sous les murs de la ville à la tête d'une brillante armée, grossie de seize cents Anglais que lui avaient amenés Talbot et l'Isle-Adam, lequel venait d'être créé maréchal de France par Henri VI et investi de la garde de Paris[195]. Puis il congédia une partie de son armée, ne conservant que les troupes des sires de Vergy et de Créquy qui opéraient en Champagne contre le seigneur de Châteauvillain et le damoiseau de Commercy, et celles des sires de Charny et de Croy, chargées d'assiéger Avallon. Cette place arrêta pendant plus d'un mois toutes les forces bourguignonnes ; elle capitula enfin, et par suite d'un honteux marché conclu avec quelques capitaines français, sa prise fut suivie de la reddition de Cravant, de Mailly-le-Château et de Mailly-la-Ville, que le duc opéra ainsi sans coup férir. La campagne fut terminée par la prise de Pierre-Perthuis. Le duc n'avait rencontré que peu de résistance ; aucune armée française ne s'était montrée pour défendre les places attaquées, et un traité, conclu sous les auspices de la comtesse de Clermont, vint lui garantir la neutralité du comte jusqu'à la fin de l'année[196].

Dans le Nord, la campagne, un moment interrompue par la mort du comte de Saint-Pol, avait pourtant été également favorable au duc de Bourgogne. Saint-Valery et Monchaux, dans le pays de Caux, avaient été pris ; Jean de Luxembourg s'était emparé de Haplincourt ; mais La Hire, tandis que Jean de Luxembourg était retenu à Lucheux par la mort de son frère, avait porté le ravage dans tous les pays du duc, et avait pu revenir librement à Laon sans être inquiété. Luxembourg, après avoir tenu la journée de Monchaux (15 octobre), voulut prendre sa revanche ; il fit peu de mal aux Français[197].

Tandis que le duc de Bourgogne pouvait ainsi impunément détruire en Champagne l'œuvre de Barbazan, une révolution de palais s'était accomplie : la prodigieuse fortune de La Trémoille, ce ministre insolent qui plaçait ses intérêts au-dessus de ceux de l'État, et entravait tout par ses intrigues, sa déloyauté et ses dilapidations, s'était écroulée sous le poids de haines et de vengeances longuement accumulées (juin 1433) ; le pouvoir passait à des mains plus dignes, et l'influence de la reine Yolande redevenait prépondérante. Il faut reconnaître toutefois que le nouveau Conseil ne fit, dans le cours de l'année 1433, aucun effort sérieux pour arrêter la marche triomphante des armées bourguignonnes.

Un différend entre le comte de Clermont, devenu duc de Bourbon par la mort de son père (janvier 1434), et les ducs de Bourgogne et de Savoie, compliquait encore la situation. On se préparait de part et d'autre à une lutte acharnée. Les Anglais mirent en mouvement trois armées. La première, commandée par le comte d'Arundel, opéra dans le Maine : Saint-Célerin, investi au commencement de janvier 1434, capitula après un long siège ; Sillé-le-Guillaume et Beaumont-le-Vicomte tombèrent au pouvoir de l'ennemi, malgré l'intervention d'une armée à la tête de laquelle étaient le connétable, le comte du Maine et le duc d'Alençon. Le comte d'Arundel se porta ensuite dans le pays Chartrain, où il s'empara de plusieurs places. La seconde armée, sous les ordres de Talbot, arriva d'Angleterre au mois de mai, se dirigea sur Paris en s'emparant de Joigny sur sa route, et alla réduire successivement Beaumont-sur-Oise, Creil, Pont-Sainte-Maxence, Crépy et Clermont. Enfin, une troisième armée, sous les ordres des sires de Scales et de Willoughby, opéra dans la basse Normandie, où un nouveau siège fut mis devant le Mont-Saint-Michel[198].

Du côté des Français, La Hire, qui avait été nommé capitaine général dans les pays au nord de la Seine[199], et dont le quartier général était à Laon, ne cessait d'inquiéter les Anglais, et les poursuivait jusque sous les murs de Paris[200]. Un de ses lieutenants s'empara (janvier 1434) de Saint-Valery, dont la prise jeta l'alarme en Ponthieu et dans les pays environnants[201]. La Bourgogne était toujours tenue en échec : Rodrigue de Villandrando occupa (6 janvier) le Mont-Saint-Vincent, avec ses terribles routiers ; de là il dirigea ses incursions dans le Charolais et le Mâconnais, où il fit de grands ravages[202]. Les Bourguignons répondirent par une attaque contre le Beaujolais ; aucun engagement n'eut lieu, mais les populations eurent à subir les déprédations des gens de guerre. Bientôt le due de Bourbon, profitant de la retraite du bâtard de Saint-Pol sur Mâcon et Chaton, prit à son tour l'offensive, et envahit le Mâconnais, tandis que d'autres troupes pénétraient dans l'Autunois et l'Auxerrois, et que le seigneur de Châteauvillain attaquait la Bourgogne par le nord. Jean de Vergy, capitaine général en l'absence du duc, qui avait regagné la Flandre (28 mars), tint tête à l'orage, et alla assiéger Grancey, l'une des places du seigneur de Châteauvillain, située entre Dijon et Langres. Le duc de Bourbon s'était avancé jusqu'à Dôle ; il fut forcé de battre en retraite, et dut se borner à occuper le Charolais, en attendant un renfort, amené par Gaucourt, qui lui permit de s'emparer de Chaumont-la-Guiche et de marcher au secours de Langres, menacé par l'ennemi[203]. La capitulation de Grancey et la présence du duc de Bourgogne, revenu à la tête d'une armée formidable, arrêtèrent la marche du duc de Bourbon. Il se replia sur Villefranche, tandis que son adversaire reprenait Chaumont et s'emparait de toutes les forteresses du Mâconnais, et du Charolais. Philippe envoya même des troupes dans le Beaujolais, où l'on assiégea Belleville, et fit pousser jusqu'à Villefranche, dans le dessein de cerner le duc de Bourbon. Mais celui-ci, dont l'ardeur belliqueuse avait été bien vite refroidie par cette marche vigoureuse[204], ne tarda pas à envoyer des ambassadeurs à son beau-frère. Les négociations furent reprises, sans qu'on interrompît pourtant les opérations militaires. Non content de s'être emparé de Belleville, le duc de Bourgogne poursuivit ses armements, et envoya le comte de Fribourg dans le pays de Dombes et jusqu'aux portes de Lyon[205]. De son côté, le Roi fit appel aux comtes de Foix, de Comminges et d'Armagnac, et à ses vassaux du Languedoc[206]. Enfin, le 16 septembre, des conférences s'ouvrirent à Pont-de-Veyle ; elles ne tardèrent point à amener une suspension d'armes qui, cette fois, devait être définitive[207].

Pendant cette longue campagne, si mollement conduite par le duc de Bourbon, la France s'était vue attaquée dans le Nord : une expédition, commandée par le jeune comte d'Étampes, lieutenant du duc de Bourgogne en Picardie, fut dirigée contre les villes soumises à l'obéissance du Roi. Saint-Valery fut assiégé. L'évêque de Thérouanne, chancelier de Henri VI, vint joindre le comte d'Étampes, et tous deux, après la prise de Saint-Valery, allèrent réduire Monchaux, qui fut démoli[208]. Mais le connétable, mettant à exécution un plan d'attaque combiné avec le Roi, qu'il avait récemment été trouver à Vienne[209], ne tarda pas à paraître sur les frontières de Picardie. Tandis que Gaucourt opérait en Bourgogne, de concert avec le duc de Bourbon, et que le duc d'Alençon attaquait les Anglais en basse Normandie, Richemont, en compagnie du bâtard d'Orléans, du maréchal de Rochefort, de La Hire et de Saintrailles, s'avança sur Laon, réduisit Saint-Vincent, dont les Bourguignons s'étaient emparés trois mois auparavant, et alla mettre le siège devant Ham. Chacun s'attendait à voir la brillante armée réunie sous les murs de cette place poursuivre ses exploits. Mais tout à coup on apprit que le connétable, renonçant à occuper Ham, remettait la ville aux mains de Jean de Luxembourg, moyennant le payement de six mille saluts ; qu'il s'engageait même à lui livrer Breteuil, et qu'une trêve de six mois était conclue avec le comte d'Étampes[210]. Après la signature du traité du 17 septembre, le connétable quitta aussitôt la Picardie, pour se rendre en Champagne où, loin de chercher par une utile diversion à seconder le duc de Bourbon, il se borna à tenir les champs entre Châlons et Reims, s'occupant à réduire quelques places et travaillant à réprimer les excès des gens de guerre. Puis, comme pour tenir ses troupes en haleine, il se lança à la poursuite du damoiseau de Commercy, qui d'ailleurs lui avait donné de justes motifs de plainte, séjourna quelque temps dans le Barrois, et ne revint à Châlons (janvier 1435) que pour se rendre aux conférences qui furent tenues à Nevers[211].

Nous exposerons plus loin les négociations de Nevers. Constatons seulement qu'elles aboutirent bientôt à la conclusion de préliminaires de paix (6 février 1435). Tandis que le duc de Bourgogne se préparait à la réunion du congrès qui devait avoir lieu à Arras au mois de juillet, les Anglais subirent une défaite : le comte d'Arundel, en marchant contre les communes de Normandie qui s'étaient de nouveau levées en masse, fut battu sous les murs de Gerberoy, et, grièvement blessé, ne tarda point à mourir (premiers jours de mai)[212]. Sur d'autres points les Anglais ne furent pas plus heureux : Jean de Brézé, lieutenant du maréchal de Rochefort, secondé par l'intrépide capitaine de Dieppe, Charles des Marais, se mit en campagne à l'embouchure de la Somme, soumit Rue et Le Crotoy, brûla Étaples, et se porta jusqu'aux environs de Boulogne et de Calais[213]. D'un autre côté, Saint-Denis fut enlevé par un hardi coup de main (1er juin), et le bâtard d'Orléans, secondé par La Hire, Guillaume de Flavy et d'autres capitaines, s'empara de plusieurs places des alentours de Paris, menaçant ainsi la capitale[214].

C'est sous le coup de ces échecs multipliés des armes anglaises que s'ouvrit le congrès d'Arras. Les Anglais ayant bientôt renoncé à traiter, le duc de Bourgogne conclut avec Charles VII une paix particulière (21 septembre) mettant un terme aux luttes, si prolongées qui avaient divisé la maison royale et ensanglanté la France.

Au moment même où la cause anglaise recevait ce grave et décisif échec, la mort frappait le seul prince qui fût de taille à poursuivre l'œuvre si brillamment inaugurée par le vainqueur d'Azincourt : le 14 septembre, le régent Bedford suivit son frère dans la tombe ; il n'était âgé que de quarante-huit ans[215]. L'Angleterre perdait donc à la fois, et le puissant allié qui soutenait depuis plusieurs années tout le poids de la lutte, et le grand politique dont la rare habileté et la persévérante énergie avaient su jusque-là triompher de difficultés chaque jour croissantes, et retarder le déclin, devenu imminent, de la domination anglaise, dans notre pays.

 

 

 



[1] C'est sur son refus que le duc de Bedford prit la régence du royaume.

[2] Voir t. I, chapitre II. Il résulte d'une lettre de Charles aux habitants de Lyon, en date du 6 juin 1420 (Archives de Lyon, AA 22, f. 30) que la duchesse de Bourbon n'avait agi qu'avec l'assentiment du Dauphin. Les trêves entre le duc de Bourgogne et la duchesse de Bourbon furent confirmées par lettres des 5 novembre 1422 et 7 juin 1423. Archives, P 13591, cote 651, et 13601, cote 860.

[3] Il faut nommer ici une ville qui, englobée dans les possessions bourguignonnes, ne tarda pas à se prononcer ouvertement en faveur de Charles VII, et dont la fidélité ne se démentit pas : nous voulons parler de Tournai. Voici ce que dit à ce sujet la Chronique anonyme, dans sa partie inédite (Ms. fr. 23018, f. 341 v°) : En cel an (fin de 1422), fist aisés grand yver et beaucop de nesges, dont ceulx de Tournay, qui fleroient l'Armignac, firent plusieurs marmouses et daulphins en reverence dudit Daulphin, dont le duc de Bourgongne et ceulx de Gand furent très mal contends. C'est le 8 novembre 1422 que la question se posa au Conseil de ville. Les députés de Tournai, envoyés à Gand, annoncent que les quatre membres de Flandre ont déclaré formellement vouloir savoir si la ville de Tournai veut tenir le Dauphin pour Roi ou si elle demeurera neutre. Le 10 décembre, les Consaux décident qu'une députation sera envoyée au Dauphin ; le 4 janvier, on reçoit des lettres closes de Charles VII ; en mars, les députés de la ville déclarent aux quatre membres de Flandre que la ville considère justement Charles VII pour son roi et son souverain, et a résolu de lui obéir en tout ce qu'il ordonnera. Extraits analytiques des anciens registres des Consaux, t. II (1863), p. 9-21. — Voir les lettres de Charles VII en faveur des habitants de Tournai (janvier 1423 et 4 juin 1425). Le Roi y rappelle leur antique fidélité, et constate que leur ville est demourée comme toute seule des parties de par delà Saine en son obéissance. Ordonnances, t. XIII, p. 18 et 103.

[4] Jean Chartier, Chronique latine, dans l'édition de M. Vallet de Viriville, t. I, p. 13.

[5] Il y a dans les auteurs contemporains de ces traits à peine croyables : Quant le tueur des chiens avoit tué des chiens, les pouvres gens le suyvoient aux champs pour avoir la char ou les trippes pour leur menger. Journal d'un bourgeois de Paris, p, 153. — liz mengeoient ce qne les pourceaulx ne daignoient menger. Idem, p. 151.

[6] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 115 ; Guillebert de Metz, Description de la ville de Paris au XVe siècle (Paris, 1855), p. 86.

[7] Journal, p. 162. Ne vous eussiez esté en [quelque] compaignie, dit un témoin oculaire, que vous ne veissiez les ungs lamenter ou plourer à grosses larmes, maudisant leur nativité, les autres fortune, [les autres] les signeurs, les autres les gouverneurs, en criant haulte voix, bien souvent et asseurement : Hélas ! vray tres doulx Dieu, quant nous cessera ceste pesme douleur et ceste doloreuse vie et de dampnable guerre ? Id., ibid., p. 162-63.

[8] Voir en particulier Thomas Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 44 et s., et Nicolas de Clemanges, lettre LIX, sur les désordres des gens de guerre, adressée à Gerson : Nicolaii de Clemangiis Catalaunensis archidiaconi Baiocensis opera omnia, 1613, in-4°, part. II, p. 160 et s.

[9] Arva ut hostile solum vastabantur (Tacite).

[10] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 164.

[11] L'Esperance ou consolation des trois vertus. Œuvres d'Alain Chartier, p. 271.

[12] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 134-135.

[13] Voir, sur ces curieux indices d'opposition à la domination anglaise, l'introduction placée par M. d'Arbois de Jubainville en tête de son excellent Inventaire des Archives ecclésiastiques de l'Aube (Troyes, 1869-73, in 4°), p. VIII. — On lit à ce propos dans Holinshed (p. 585) : And suerlie the death of this King Charles caused alterations in France, for a great manie of the noblitie, which before, either for feare of the English puissance, or for this King Charles (whose authoritie they followed) held on the English part, did now reuolt to the Dolphin, with all indevour to drive the English nation out of the french territories.

[14] Voir Jean Chartier, t. I, p. 14, et Raoulet, dans Chartier, t. III, p. 174-75.

[15] En ce temps les Anglois prenoient aucunes foys une forteresse sur les Arminalx au matin, et si ils en perdoient aucunes foys deux au soir ; ainsi duroit la guerre de Dieu mauldite. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 190.

[16] Moreau, vol. 248 (Chartes et diplômes), f. 58, d'après l'original aux Archives de Saint-Quentin.

[17] Cousinot, p. 190.

[18] C'est alors qu'apparut clairement l'anarchie qui régnait dans l'armée française, où l'introduction des auxiliaires étrangers n'avait fait qu'augmenter le désordre et les rivalités. Le grave auteur de la Geste des nobles ne ménage point ici Tanguy du Chastel : il nous le montre s'arrêtant à Orléans pour faire finances, envoyant en avant les Écossais, puis, sans s'occuper du paiement des gens de guerre, employant l'argent obtenu en ses usages, tant en achat de vaisselle comme de joyaulx et pierrerie. Son corps d'armée se débanda, tandis que les troupes qui s'étaient portées sur Meulan battaient en retraite après des dissensions survenues entre leurs chefs. Geste des nobles, par Cousinot, p. 189-90 ; Cochon, p.191 ; Monstrelet, t. IV, p.137 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 182-83 ; Chronique anonyme, Ms. fr. 23018, I, 433. Cet auteur évalue à 14.000 hommes les forces royales, tandis que Monstrelet ne parle que de 6.000 hommes. Voir lettres de Charles VII du 7 février 1423, aux Pièces justificatives.

[19] Voir Monstrelet, t. IV, p. 135, et Chronique anonyme, Ms. fr. 23018, f. 341. Au nombre des bourgeois se trouvait un personnage notable, Michel Lallier, que Henri V avait compté parmi ses adhérents (voir Bréquigny, vol. 80, f. 225 v°). Certains furent décapités ; les autres furent bannis et virent leurs biens confisqués.

[20] Voir Cousinot, p. 212 ; lettres de Charles VII du 20 juin 1423, pour la garde de défense de l'Angoumois. — Rendez-vous avait été assigné aux troupes royales dans les premiers jours de mai. Extraits des registres des Consaux de Tournai, t. II, p. 28.

[21] Voir les lettres de Charles VII du 20 mai 1424, ordonnant de payer 2.000 livres tournois pour les frais de la journée de Bazas. Pièces originales, 24 : ALBRET.

[22] Voir Monstrelet, t. IV, p. 136. M. J. Le Fizelier a consacré à cet épisode un article dans la Revue historique et archéologique du Maine, t. I (1876), p. 28-42.

[23] Monstrelet, t. IV, p. 151 ; Berry, p. 369 ; Cousinot, p. 214.

[24] Après avoir soutenu cette lutte contre l'invasion anglaise de la façon la plus brillante, Jacques d'Harcourt finit misérablement. Voyant qu'il n'avait plus rien à faire en .Ponthieu, il réalisa sa fortune, s'embarqua, et alla s'établir en Anjou, dans le dessein de continuer à y servir la cause royale. Mais en voulant forcer son oncle, le sire de Parthenay, à embrasser le parti de Charles VII, il se prit au piège qu'il lui avait tendu, et fut mis à mort par les gens du sire de Parthenay, au moment où il allait faire celui-ci prisonnier. Voir M. Vallet, t. I, p. 397 et s.

[25] Voir sur ces faits Monstrelet, t. IV, p. 157 et s. ; Saint-Remy, édit. Morand, t. II, p. 76-79 ; Berry, p. 369 ; Cousinot, p. 214 ; Wavrin, p. 240, 247 et s., etc. Cf. le précieux recueil de M. J. Stevenson, Letters and Papers illustrative of the wars of the English in France during the reign of Henry the sixth, King of England (London, 1863-64, 3 vol. gr. in-8°), t. II, p. 385.

[26] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 187. Il y eut aussi processions sur processions. Id., ibid., note 2.

[27] Voir Cousinot, p. 214-216 ; Chartier, t. I, p. 33-37, Berry, p. 370 ; Geste des nobles, p. 193 ; Cronicques de Normendie, p. 74, etc.

[28] Monstrelet, t. IV, p. 174 ; Fenin, p. 210 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 192 ; Geste des nobles, p. 194 ; Chronique anonyme, l. c., f. 445 v° ; Ms. fr. 4485, p. 396.

[29] Le Journal d'un bourgeois de Paris constate (p. 192) qu'à ce moment les arminalx étaient hardiz et entreprenans.

[30] La duchesse mourut le 23 janvier 1424.

[31] Les lettres nommant Antoine de Vergy capitaine général sont du 27 janvier 1424. Voir sur les hostilités, Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 86, et preuves, p. XXXVIII et s. C'est à tort que l'auteur de cette Histoire (et M. de Barante le suit ici, comme toujours, aveuglément) prétend qu'on violait la trêve : cette trêve n'existait pas, comme on le verra plus loin dans l'exposé des affaires diplomatiques.

[32] Voir Beaurepaire, Les États de Normandie sous la domination anglaise, p. 19-23.

[33] Monstrelet, t. IV, p. 176 ; Fenin, p. 212 ; Chronique anonyme, l. c., f. 447.

[34] Monstrelet, t. IV, p. 154, 179, 181, 186-87 ; Fenin, p. 209, 212, 213 ; Chronique anonyme, f. 439, 447, 449 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 193 ; Geste des nobles, p. 195.

[35] Lettres de Charles VII aux habitants de Lyon, en date des 29 mars et 5 avril 1424.

[36] Chronique anonyme, f. 447 ; Cronicques de Normendie, p. 10 et 229 ; Pierre Cochon, p. 293 ; Monstrelet, t. IV, p. 186 ; Beaurepaire, Administration de la Normandie, p. 46 ; Ms. fr. 4485, p. 280-82, 292.-94, 401-403.

[37] Par lettres du 24 avril 1424, Charles VII avait retenu les comtes de Douglas et de Buchan pour le servir avec 2.500 hommes et 4.000 archers du pays d'Écosse. Compte de Hemon Raguier, dans le Ms. fr. 20684, p 541.

[38] La Journée d'Yvry devait se tenir le 14 août. Voir D. Villevieille, Titres originaux, 23, n° 454. Cf. Cousinot, p. 197.

[39] Voir Cousinot, p. 223 ; Geste des nobles, p. 197 ; Chartier, t. I, p. 41 ; Raoulet, t. III, p. 185-87 ; Berry, p. 371 ; Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48, etc.

[40] La plupart des seigneurs picards furent envoyés, sous les ordres de l'Isle-Adam et de Montagu, au siège de Nesle. Wavrin, t. I, p. 261. — Un certain nombre de nobles normands et picards refusèrent de combattre les Français, et se rendirent fugitifs. Monstrelet, t. IV, p. 197. Cf. Wavrin, p. 271 ; Fenin, p. 222, et Chronique anonyme, f. 449 v°.

[41] Je vey l'assamblée d'Azincourt, ou beaucop avoit plus de princes et de gens, et aussi de Crevent, quy fut une très belle besongne ; mais pour certain celle de Verneul fut du tout plus à redoubter et la mieuz combatue. Wavrin, t. I, p. 262.

[42] Les évaluations des contemporains varient beaucoup ; ainsi, d'après Fenin, les Français auraient perdu 4.000 hommes ; d'après Berry, 4.500 ; d'après le Journal d'un bourgeois de Paris, 9.000. M. Vallet évalue les pertes des Anglais à 4.000 hommes, et celles des Français à plus de 9.000. J'ai adopté les évaluations de Wavrin, témoin oculaire, corroborées par un curieux document publié dans la Chronique anonyme (fol. 451), savoir une lettre de Bedford à Jean de Luxembourg, datée du 19 août, en nostre oost devant Verneuil, où on lit : Auquel furent mors, de la partie d'iceull anemis, VIIm IIc et LXII personnes. Bedford ajoutait : Et y a demouré bien peu d'Escochois qui ne soient mors.

[43] Voir Declaratio dominorum, terrarum et tenementorum datorum soldariis gentium Anglicæ nationis pro eorum bond gestu apud bellum de Verneylle contra Francos. Stevenson, Letters and Papers, etc., t. II, p. [550].

[44] Ce fut plus encore le désastre de Verneuil que les répressions sanglantes de Luxembourg qui arrêta ce mouvement.

[45] A Paris, une sédition contre les Anglais était au moment d'éclater (Journal d'un bourgeois de Paris, p. 200). En Normandie, où le sentiment français était encore puissant, on aurait vu se lever ces seigneurs qui, à la veille de la bataille, avaient abandonné Bedford, croyant à un échec de ses armes (Fenin, p. 222 ; Monstrelet, t. IV, p. 19).

[46] Voir Monstrelet, t. IV, p. 199 et 206. Il donne le traité de capitulation de Guise, qui portait que la ville devait être rendue le 1er mars 1425, si elle n'était secourue.

[47] Beaurepaire, Administration de la Normandie, p. 48 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 92, et preuves, p. XLIII.

[48] Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. XLIV. Cf. p. 93-94. Sauf le Lyonnais et le Mâconnais, tous ces pays formaient l'apanage du duc de Bourbon.

[49] Stevenson, Letters and Papers, etc., Introduction, t. I, p. XLVII.

[50] Cette date est établie, contrairement à l'assertion de M. Vallet (qui place le débarquement du 1er au 4 octobre), par un document publié par M. Stevenson, l. c., t. II, n 397. Cf. Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut. Mons, 1838, in-8°, p. 71-73 ; Fr. von Lœber, Jakobœa von Bayern und ihre Zeit, Nordlingen, 1862-69, 2 vol. in-8°, t. II, p. 149 et s. et 542 ; Beitrœge sur Geschichte der Jacobœa von Bayern, dans le Recueil de l'Académie royale de Bavière, Histoire, t. X (1865-66).

[51] Voir sur l'intrigue du duc avec la comtesse de Salisbury, Fenin, p. 224. Cf. Monstrelet, t. IV, p. 209.

[52] Certains documents tendraient à faire croire que Bedford et Glocester tramaient à ce moment un complot contre le duc ; nous discuterons plus loin la réalité de ce complot, que M. Vallet semble admettre (t. I, p. 433).

[53] Le 7 novembre, Glocester était devant Mons ; le 1er décembre, les États de Hainaut s'assemblaient ; le 4, ils décidaient que Glocester serait reçu comme souverain ; le 5, le duc prêtait serment connue comte de Hainaut. Voir Particularités curieuses, etc., p. 75-78.

[54] Le Roi était alors à Espally, à l'assemblée des États de Languedoc. Le comte reçut en même temps une pension de 2.000 livres par mois ; le 13 février, un traité, conclu à Mazères par l'évêque de Laon, Guillaume de Meulhon, et Thierry le Comte avec Gaston de Foix, réglait tous les points de détails ; le 25 février, le comte prêtait serment.

[55] Voir Geste des nobles, p. 199, et Gruel, p. 364.

[56] De toutes parts, l'excès du péril amena un redoublement d'énergie. Les, auteurs du temps constatent qu'après Verneuil les barons d'Auvergne et de Bourbonnais, avec cinq cents chevaliers et écuyers, vinrent offrir leurs services au Roi. Il en vint aussi de Guyenne et de Languedoc.

[57] Le 9, Richemont fut retenu au service du Roi, avec deux mille hommes d'armes et mille hommes de trait.

[58] Dès le 25 août 1424, il nommait des commissaires pour traiter de gré on de force avec les habitants. Vallet, t. II, p. 7.

[59] Lettres de Bedford des 27 et 28 novembre 1424, 25 janvier et 18 février 1425. Fontanieu, 113-114 ; Archives, K 62, n° 15 bis ; Clairambault, 161, p. 4575.

[60] Sillé capitula le 1er octobre ; dès le 8 décembre, il y avait une garnison anglaise à Montfort, à cinq lieues environ du Mans. Vallet, l. c. ; Cousinot, p. 236 ; Auguste Longnon, Les limites de la France, etc., p. 32 (Extrait de la Revue des questions historiques).

[61] Quittance du 26 septembre 1424. Clairambault, 188, p. 7125.

[62] Beaurepaire, Administration de la Normandie, etc., p. 19-48 ; Vallet, l. c.

[63] Voir sur cet épisode, dont la date n'avait point été précisée par les auteurs contemporains, Cousinot (p. 219-220), Chartier (p. 38-39), Monstrelet (t. IV, p. 275). M. de Beaurepaire (l. c., p. 49 et s.) donne, d'après les comptes du receveur général Pierre Sureau (Fr. 4491), des détails très précis et fixe les dates ; cf. M. Vallet, t. II, p. 4 et s. Voir en outre : une importante lettre de Charles VII, du 20 juin 1427, dans Le Grand, vol. VI, f. 9 ; Clairambault, 188, p. 7125 ; Pièces originales, 462 : BOURDOT ; Montres, vol. 4, n° 122 ; Archives, K 62, n°. 182 et s. — Depuis que ces lignes sont écrites, M. Siméon Luce a publié (1879) le tome Ier de la Chronique du Mont-Saint-Michel, en l'accompagnant de documents qui élucident entièrement la question : le siège fut mis le 29 septembre 1424 ; le blocus avait commencé le 12 septembre. Voir pages 26, 27, 146-161, 163.167, 170-195, 199-205 ; il a donné en outre (p. 259-6) le texte de la lettre de Charles VII, du 20 juin 1427, citée ci-dessus, d'après l'original (Pièces originales : VOISINES).

[64] Archives, K 62, n° 187.

[65] Il était le 12 juillet devant Beaumont. Archives, K 62, n° 187.

[66] Voir Cousinot, p. 227 ; Saint-Remy, t. II, p. 115 ; Berry, p. 373.

[67] Château-du-Loir, Châteaulx-L'Hermitage, Montdoubleau, Savigny-sur-Braye, Saint-Calais, Le Lude, La Boissière, etc. Salisbury eut soin de se faire payer les frais de la guerre par les habitants. Voir Cousinot, p. 228-29 ; Raoulet, p. 100 ; Salmon, Supplément aux Chroniques de Touraine, 1856, p. XXXVI et 41 ; Longnon, l. c., p. 32.

[68] Lettres de Charles VII du 17 juillet, portant paiement à Jean Girard, capitaine de gens d'armes. Compte de Hemon Raguier, dans Ms. fr. 20684, p. 545.

[69] Le 2 août, le vicaire de l'archevêque de Reims écrivait aux Lyonnais que le connétable partait le lendemain pour aller faire ses monstres à Saumur. Le 1er août, le sire de Graville était retenu pour servir le Roi avec 200 hommes d'armes et 200 hommes de trait ; le 2 un paiement considérable fut fait au sire de Villars, qui servait le Roi avec 200 hommes d'armes et 100 hommes de trait, etc. Voir Compte de Hemon Raguier. Fr. 20684, p. 542-44.

[70] C'étaient Poton de Saintrailles, Regnault de Longueval et plusieurs autres. Voir Monstrelet, t. IV, p. 227.

[71] Voir l'ordonnance rendue au nom d'Henri VI, le 14 janvier 1426, relativement aux dommages causés aux fortifications de la capitale et au préjudice en résultant pour la défense. Ordonnances, t. XIII, p. 109. M. Vallet en cite un passage, t. I, p. 474, note 2.

[72] Combien, dit le Roi dans ses lettres, que leurs corps et leurs biens ayent esté par contraincte soubzmis à la force et violence dudit adversaire... neantmoins leurs cuers et affections sont et demeurent en leur vraye et parfaicte loyaulté vers nous et nostre seigneurie, comme celui que ilz congnoissent estre leur droicturier seigneur naturel et souverain seigneur... Copies du XVIIe siècle, dans Du Puy, 480, f. 17-20 et dans le Ms. fr. 16536 (ancien fonds Harlay), pièce 35. Une copie du XVe siècle, visée par M. Vallet (t. I, p. 474) se trouve dans le Ms. fr. 8861, f. 219 v°. — Voir, sur les intelligences que Charles VII avait à Rouen parmi les bourgeois, les lettres de Henri VI du 31 août 1427. Archives, JJ 174, pièce 29.

[73] Morice, t. II, col. 1183.

[74] La déclaration est du 15 janvier 1426. Voir Rymer, t. IV, part. IV, p. 118.

[75] Monstrelet, t. IV, p. 284.

[76] Lettres de Charles VII du 11 janvier 1426. Fr. 20392, f. 19.

[77] Sur le siège de La Ferté-Bernard, voir Cousinot, p. 237 ; Chartier, t. I, p. 46, et Ms. fr. 4491, f. 26 v°.

[78] Gruel, p. 363-64 ; Geste des Nobles, p. 199 ; Chartier, t. I, p. 49-50 ; Cousinot, p. 236 ; Monstrelet, t. IV, p. 285.

[79] Gruel, p. 364.

[80] Moyennant 4.500 francs. Monstrelet, t. IV, p. 287.

[81] Cousinot dit (p. 240) que le connétable avait quinze à seize mille combattants ; Chartier donne (t. I, p. 49) le chiffre de vingt mille, et pour les Anglais, il en estime le nombre à six ou sept cents.

[82] Lettres de Richard de Beauchamp, comte de Warwick, en date du 4 juillet 1426, et montres de lord Willoughby du 6 juillet. Montres, vol. 4, n° 155 et 156.

[83] Quittance de Thomas Montagu, comte de Salisbury, en date du 21 octobre 1426 : paiement des gens employés du 1er au 28 septembre au siège de Montdoubleau. Pièces originales, 2004 : MONTAGU.

[84] Qui devoient faire merveille : et si firent-ils sur le pauvre peuple, car oncques ne passèrent la Croix Verte à Saumur. Gruel, p. 304. — Nombreuses montres passées à Jargeau les 17, 23, 24, 27, 28 adit : Montres, vol. 4, n° 162 et 164 ; Clairambault, 135, p. 2236 et 37 ; Archives, K 62, n° 282 ; Pièces originales, 1077 : ESTAING, et 2233 : PERELADE.

[85] Gruel, p. 365 ; Cousinot, p. 253.

[86] Cet engagement, qui parait avoir eu lieu la veille de Saint-Aubert (9 septembre), a été placé en 1427 et transformé en une grande victoire. Voir Vallet de Viriville (t. II, p. 5), d'après des sources qui auraient besoin d'être sérieusement contrôlées. Pourtant Monstrelet, que l'historien n'a point cité, dit (t. IV, p. 275-76) : En ces jours eut ung terrible et grand - rencontre auprès du Mont Saint Michiel entre les Anglois qui tenoient le Mont de Hellem, d'une part, et les François et Bretons, d'autre part. Mais en conclusion lesdiz Anglois y furent mors et desconfis. Si obtinrent les François victoire, et par conséquent gaignèrent ladicte forteresse. — Il faut constater le silence complet gardé par la Chronique du Mont-Saint-Michel sur cet événement.

[87] Gruel, p. 365-66 ; Chartier, t. I, p. 59 ; Cousinot, p. 253.

[88] Il a ce titre dans une montre du 13 novembre 1426. Clairambault, 186, p. 6946

[89] Le 11 janvier le siège était commencé. Archives, K 62, n° 32 (pièce éditée récemment par M. Luce, Chronique du Mont-Saint-Michel, t. I, p. 253). Nous ne savons pourquoi M. Vallet donne la date du 10 février. Voir sur ce siège : Montres, 4, n° 144, 197 et s. ; 5, n° 219 et s., et 268 ; Clairambault, II, p. 685 et 166, p. 5067 ; D. Villevieille, Titres originaux, 12, f. 103, 104, 105 ; Pièces originales, 659 : BUSCH, et trois autres documents publiés par M. Luce, l. c., p. 255-57, 263-64.

[90] Ms. fr. 20884, p. 548.

[91] Le Jeudi absolu. Gruel, p. 366 ; Cousinot, p. 253 ; Chartier, t. I, p. 60 ; Monstrelet, t. IV, p. 288. Cf. Chronique du Mont-Saint-Michel, t. I, p. 29.

[92] Expression de son écuyer Gruel, p. 366.

[93] Si voulut le duc Jehan, par l'enhortement d'aucuns de ses gens, bailler Pontorson en la main des Anglois avant que le siège y fust mis. Mais ceux qui estoient dedens refuserent de le rendre, et disoient qu'ils tiendroient pour monseigneur le connestable. Gruel, p. 366.

[94] Gruel, p. 367.

[95] Warwick ne pouvait croire qu'on le laisserait tranquille. Le connétable était encore à Bourges (où il devait séjourner jusqu'au 4 avril au moins) que le lieutenant général anglais le voyait déjà sur ses trousses ; il écrivait le 19 mars au bailli de Rouen : Pour ce que presentement nous sont venues certaines nouvelles que devons estre combattus samedi prouchain venant, ou dimence au plus tact, par les ennemis et adversaires du Roy, entre les queulx seront et doivent estre, pour tout certain, celui qui se dit Dalphin, le duc de Bretaigne, Artur de Bretaigne, et autres, tous ensemble et comme chiefs... Stevenson, t. II, p. 68 ; cf. p. 71-76. — On voit que Warwick était bien renseigné ! — Le 24 mars, il y eut une grande concentration de troupes anglaises à Avranches.

[96] Archives, LL 414, f. 72. Cité par M. Vallet, t. II, p. 24, note 1.

[97] Elle avait été fixée au 1er mai. Voir Chronique anonyme, f. 475 v°, et Archives, X1a 9195, f. 276.

[98] Gruel, p. 367 ; Cousinot, p. 254 ; Chartier, t. I, p. 60 ; Monstrelet, t. IV, p. 278 et 287-88 ; Chronique anonyme, f. 475 v° ; lettres de Charles VII du 21 janvier 1428 : Archives, X1a 9195, f. 276.

[99] Ms. fr. 26050 (Quittances, 59), n° 807 ; Gruel, p. 367. — Pithiviers avait été pris avant le 9 mai. Longnon, Les limites de la France, p. 42.

[100] Le P. Anselme, t. VII, p. 31.

[101] Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 120-121 ; Collection de Bourgogne, 65, f. 142 v°.

[102] On a de nombreuses montres, passées à Brisetête le 19 juin 1427, Collection de Languedoc, 109, f. 132, 138, 141, 143, 144, 144 v°, 152 v° ; Clairambault, 188, p. 7147, etc.

[103] Dès le mois de mai, une trêve était conclue entre le duc et les Anglais (D. Lobineau, t. I, p. 571). Le 3 juillet, un traité était signé par le chancelier Malestroit (D. Lobineau, t. I, p. 573, et t. II, col. 1006 ; D. Morice, t. II, col. 1198). Le 8 septembre, le duc déclara donner son adhésion au traité de Troyes et s'engagea à faire hommage à Henri VI (D. Lobineau, t. II, col. 1004 ; D. Morice, t. II, col. 1200). Les 8 et 9 septembre, une partie de la noblesse bretonne approuva cette déclaration (D. Morice, t. II, col. 1201).

[104] Cet épisode a été mis en huilière par M. Vallet de Viriville (t. II, p. 24) d'après un document tiré de la Collection Gaignières, 6495 (maintenant Fr. 20583), pièce 47.

[105] Lettres du 17 juillet, citées également par M. Vallet (p. 18), d'après Gaignières, 7721 (maintenant Fr. 20684), p. 546.

[106] Gruel, p. 367.

[107] Cousinot, p. 245-47 ; Geste des nobles, p. 201-202 ; Gruel, p. 367 ; Chartier, t. I, p. 54-55 ; Berry, p. 374 ; Monstrelet, t. IV, p. 273-74 ; Raoulet, p. 192 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 221 ; Chronique anonyme, Ms. fr. 23018, f. 478 v° ; Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48 ; Mémoire sur le siège de Montargis en 1427, par M. F. Dupuis. Orléans, 1853, gr. in-8° de 50 pages, avec planches ; Documents relatifs à la ville de Montargis et au siège de 1427, par le baron de Girardot et le docteur Bellot. Montargis, 1853, in-4°, p. 26 et s.

[108] Qui a esté le commencement et cause de nostre bon heur en tel cas, à l'encontre de nos diz ennemiz. — Qui fut et a esté le premier et principal heur que ayons en tel cas eu sur nos diz ennemis et comme le commencement de la recouvrante depuis par nous faicte de plusieurs nos pays que occupoient iceux ennemis. Lettres de Charles VII de mai 1430 et de mars 1431. Les privileges, franchises et libertez des bourgeois el habilans de la ville et fauxbourgs de Montargis le Franc. Paris, 1608, in-8°, f. 8 v° et 15.

[109] Cousinot, Geste des nobles, p. 199.

[110] Cousinot, p. 253 ; Chartier, t. I, p. 56.

[111] Marchenoir, Montdoubleau, La Ferté-Bernard, Nogent-le-Rotrou, Le Lude, Nogent-le-Roi, etc. Geste des nobles, p. 202 ; Cousinot, p. 250 ; Raoulet, p. 190-91 ; Chartier, t. I, p. 57-58. La date de la prise des deux premières places doit être placée dans la même semaine (un peu avant) que la délivrance de Montargis. Lettre du connétable de Richemont aux Lyonnais, dans la Revue du Lyonnais de 1859, p. 343 (d'après Archives de Lyon).

[112] Acte du 17 juillet 1427, Ms. fr. 20379, f. 45. Cf. Cousinot, p. 256 et 269 ; Ms. fr. 25986, n° 11 (pièces des 20 et 25 juillet) ; Pièces originales, 914 : COUSINOT (pièce du 23 juillet) ; et 571 : CAILLY (pièce du 30 juillet).

[113] Bedford partit (d'après Gruel, p. 367), à la fin de septembre.

[114] Cousinot, p. 249 ; Gruel, p. 367 ; Chartier, t. I, p. 56.

[115] Cousinot, p. 242-43, 250, 254 ; Raoulet, p. 194. — Laval succomba le 13 mars 1428.

[116] Lettres de Bedford du 8 novembre 1427, portant paiement à des capitaines employés devant la place de Rambouillet, prise récemment. Clairambault, 290, p. 39.

[117] Salmon, Supplément aux Chroniques de Touraine, p. XXXVII et 42.

[118] Document du 27 octobre 1427 : Pièces originales, 59 : ANDREW.

[119] Voir plus loin, chapitre III.

[120] Le 28 janvier 1428, Henri VI donnait ordre de faire proclamer partout que le duc lui avait fait hommage et prêté serment. Rymer, t. IV, part. IV, p. 132.

[121] Lettres du 20 janvier 1428, nommant Jean de Luxembourg lieutenant sur les frontières de Lorraine. Le 3 février, Bedford instituait une commission générale en Champagne, dans laquelle figuraient Antoine de Vergy, gouverneur de Champagne, et Jean de Luxembourg, avec d'autres Bourguignons ; elle était présidée par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais. Fontanieu, 115-116.

[122] Le 28 mai, il conclut une trêve avec Jean de Luxembourg.

[123] Le 22 juin, Antoine de Vergy fut chargé de soumettre Vaucouleurs.

[124] Le 25 mai, les Français entrèrent au Mans ; ils perdirent cette place presque aussitôt. Voir sur la tentative de certains habitants de Rouen pour livrer la ville aux Français (en avril), Pierre Cochon, édit. de M. de Beaurepaire, p. 298.

[125] Le 7 février 1428, des lettres patentes ordonnaient d'assembler des troupes à Dreux, sous les ordres de Suffolk et de Willoughby, pour se joindre au duc de Bedford (Archives, K 62, n° 40). Le 24 mars, une endenture entre Henri VI et Salisbury réglait les conditions auxquelles le comte servirait en France. Rymer, t. IV, part. IV, p. 134.

[126] Le duc de Bourgogne était arrivé à Paris le 22 mai, en habit bien descogneu ; il en repartit le 2 juin. Chronique anonyme, f. 480 v° ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 225. — Dès le 28 avril, plusieurs membres du grand Conseil avaient quitté Rouen pour prendre part à cette délibération ; ils séjournèrent à Paris jusqu'au 17 juin. Stevenson, t. II, p. 76. Cf. Monstrelet, t. IV, p. 294.

[127] Traités des 16 et 17 juillet conclus entre le bâtard d'Orléans, au nom du duc son frère, et Suffolk et Bedford. Voir Fr. 20379 (Gaignières, 894), fol. 45. Cf. Cousinot, p. 256.

[128] Pierre Cochon dit (p. 301) en parlant de la campagne d'Orléans et de Reims : Et conquit en deux mois ce que les Anglois avoient mis à conquerre plus de trois ans. Et cregnoit l'en mout celle Pucelle ; car elle usoit de soumissions, et disoit que se l'en ne se rendoit, elle prendroit d'assaut. Il est en effet très remarquable que, jusqu'à Reims, on n'eut pas un seul siège à faire.

[129] Dès le siège d'Orléans, les Anglais étaient à bout de ressources. Bedford fit le sacrifice d'une partie de ses trésors ; il ordonna à tous les officiers du roi de prêter un quartier de leurs gages. L'Angleterre ne pouvait plus rien fournir, appauvrie et divisée comme elle l'était : Too many discordant interests were now springing up among the nobles and people of England to admit of a concentrated exertion against a distant enemy. Beaurepaire, les Etats de Normandie, p. 37 ; Turner, History of England, t. II, p. 570.

[130] Monstrelet dit que le connétable combattait à ce moment pour le Roi en Normandie (t. IV, p. 335 et 353) ; mais le silence de Gruel fait douter de l'exactitude de cette assertion. En même temps que quelques capitaines se portaient en Normandie, le cadet d'Armagnac était envoyé pour inquiéter l'ennemi en Guyenne (Id., p. 336).

[131] Les Anglais avaient pourtant renforcé les garnisons de toutes ces places. Beaurepaire, Administration de la Normandie, p. 61.

[132] Le traité de reddition devait avoir son effet le 27 août ; mais Bedford vint tenir la journée de la composition, et sauva la place. Chronique anonyme, f. 489 v°. Cf. Monstrelet, t. IV, p. 353, et Beaurepaire, l. c., p. 62.

[133] Voir sur cette nouvelle conspiration, qui fut découverte en septembre, Cousinot, p. 339 ; Chéruel, Histoire de Rouen sous la domination anglaise, p. 84 ; Chronique normande de Pierre Cochon, p. 298.

[134] A plusieurs reprises les menées des royalistes avaient excité les craintes du gouvernement. Les Registres du Parlement montrent bien que l'attaque du 8 septembre ne fut tentée que dans la prévision d'un mouvement intérieur : Esperans par commocion de peuple grever et dommagier la ville et les habitans de Paris, plus que par puissance ou force d'armes. Cf. Monstrelet, t. IV, p. 356, et Vallet, t. II, p. 117-118.

[135] Lettres aux habitants de Troyes, en date du 23 septembre 1429, et aux habitants de Reims, en date des 6 janvier et 19 mars 1430 ; Procès de Jeanne d'Arc, t. V, p. 145 ; Un chapitre de l'Histoire de Troyes, par M. Boutiot, p. 8-12, et Archives de Reims.

[136] Lettres du 13 octobre 1429, conférant au duc la lieutenance et gouvernement de Paris et des villes et baillages de Chartres, Melun, Sens, Troyes, Chaumont-en-Bassigny, Saint-Jangon, Vermandois, Amiens, Tournaisis, Saint-Amand et sénéchaussée de Ponthieu, avec pleins pouvoirs. Original. Mélanges Colbert, 380, p. 534. Cf. Reg. du Parlement, dans Félibien, t. IV, p. 591 ; Monstrelet, t. IV, p. 36I-62, et Journal d'un bourgeois de Paris, p. 247. Fut ordonné, dit ce dernier auteur, que le duc anglois de Bedfort seroit gouverneur de Normendie, et que le duc de Bourgongne seroit regent de France. Pierre Cochon dit également Firent appointemeut que ledit duc de Bourgongne seroit reput de France et ledit regent gouvernerait Normandie (p. 305).

[137] Monstrelet, t. IV, p. 362.

[138] Les révoltes se multipliaient dans la Normandie. A Paris, la retraite des forces anglaises et du duc de Bourgogne, emmenant ses 6.000 forts larrons picards, et laissant la ville sans garnison, excita une vive indignation : Veez là tout le bien qu'il y fit pour la ville, dit l'auteur bourguignon du Journal d'un bourgeois de Paris (p. 248). En janvier 1430, une anarchie complète régnait dans la capitale.

[139] Monstrelet, t. IV, p. 378 ; Cousinot, p. 336.

[140] Il paraîtrait qu'un peu plus tard on acheta la soumission de cette place, dont le capitaine était l'un des plus grands pillards du temps. Voir Vallet, t. II, p. III.

[141] Recommencherent Anglois très fort à conquester ce qu'ilz avoient perdu, et François à reperdre ce qu'ilz avoient conquesté. P. Cochon, p. 315.

[142] Le 24 février. Château-Gaillard fut repris au mois de juin.

[143] La trêve expirait à Pâques (15 avril). Voir Monstrelet, t. IV, p. 378.

[144] Le 8 mars, des lettres royales lui octroyaient les comtés de Champagne et de Brie ; le 9, une délibération du Conseil était prise pour lui faire porter immédiatement 12.500 marcs.

[145] D. Plancher, t. IV, p. 137. Dès le mois de mars, la guerre avait recommencé en-Bourgogne.

[146] Monstrelet, t. IV, p. 378.

[147] Voir, sur cette conspiration très importante, les détails réunis par M. Vallet, t. II, p. 140-41. Le 8 avril eurent lieu des exécutions (Reg. du Parlement et note de M. Tuetey, Journal d'un bourgeois de Paris, p. 252). C'était le sixième complot dirigé contre le gouvernement anglais. Les entreprises sur Paris et Saint-Denis eurent lieu les 21 et 23 mars. Vallet, t. II, p. 242.

[148] Monstrelet, t. IV, p. 365-67, et lettre des habitants de Reims du 15 mars, aux Archives de Reims. — Au commencement d'avril, des Picards qui avaient pris la croix de Saint-André furent taillés en pièce par les Français, non loin de Rouen. P. Cochon, p. 309.

[149] Gournay appartenait au comte de Clermont, beau-frère du duc.

[150] C'est un point qui a été et qui reste encore très controversé que celui de savoir si Jeanne d'Arc fut trahie devant Compiègne. L'histoire, après avoir longtemps admis la trahison, l'avait rejetée dans ces derniers temps. Récemment, on a paru revenir à l'ancienne tradition, corroborée par des faits nouvellement mis en lumière. Voir Quicherat, Nouveaux aperçus, p. 77 et s. ; Wallon, Jeanne d'Arc, 2e édit., t. I, p. 228 et s. ; Vallet, t. II, p. 155 et s. ; Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1861-62, p. 173.

[151] Lettre du 23 mai, datée de Coudun, adressée aux habitants de Saint-Quentin. Moreau, vol. 249 (Chartes et Diplômes), f. 77 ; autre lettre adressée aux magistrats de Gand. Gachard, Documents inédits, t. II, p. 92. M. Vallet fait remarquer que la date est fautive, la Pucelle ayant été prise le 24, veille de l'Ascension.

[152] Voir Chastellain, t. II, p. 57 ; Monstrelet, t. II, p. 392. Dès le commencement de juin, Croy avait été envoyé au secours de Namur, menacé par les Liégeois. La mort du duc de Brabant (Philippe, frère de Jean), survenue le 4 août, hâta le départ de Philippe. Cette mort le délivrait à point nommé d'un très grave embarras : malgré tous ses efforts, un mariage avait été décidé entre le duc et Yolande d'Anjou, sœur de la Reine. A la fin de juin le duc était parti pour aller chercher sa fiancée ; tombé malade, il avait dû revenir à Louvain, où une mort prématurée, causée par des excès de jeunesse, l'enleva en quelques semaines. C'était un péril sérieux que Philippe évitait par là et de plus un riche héritage qu'il recueillait. Le duc de Brabant était le même Philippe de Bourgogne que nous avons vu plus haut, sous le nom de comte de Saint-Pol, figurer à quatorze ans, comme gouverneur de Paris, dans les événements de 1419.

[153] On a, sur ce fait d'armes remarquable, de curieux renseignements dans des lettres patentes du comte de Vendôme du 20 décembre 1430. Le comte avait fait vœu, s'il pouvait procurer la levée du siège, ou tout au moins secourir la place, de fonder un service annuel et perpétuel en l'église Notre-Dame de Senlis. L'entreprise ayant pleinement réussi, et ta petite armée du comte et du maréchal, qui ne comptait guère que 240 lances, ayant culbuté 3 à 4.000 ennemis et amené la délivrance de Compiègne, le comte, accomplissant son vœu, fit la fondation promise. Moreau, vol. 249, f. 99.

[154] Ressens, Gournay-sur-Aronde, Pont-Sainte-Maxence, Breteuil, Guerbigny, etc. Ce siège levé, dit la Chronique anonyme bourguignonne, donna ung grant corage aux gens du Roy Charles, et commenchèrent à courir et à prendre places à tous lès ; et finablement reconcquisrent tout ce qu'ils avoient perdu en bien peu d'espace, excepté la ville de Soissons (fol. 503 v°).

[155] On prit d'abord Villeneuve-le-Roi (Yonne), Trainel et Méry (Aube), et Vitry-en-Perthois (Marne) en juillet ; on s'empara ensuite de Bar-sur-Seine, de Jully, de Saint-Liébaut, etc., dans l'Aube, et on assiégea Chappes, dont le siège dura près de trois mois. Une année bourguignonne étant venue au secours de la place, fut défaite le 13 décembre par Barbazan. Berry, p. 382 ; D. Plancher, t. IV, p. 142-43 ; Monstrelet, t. IV, p. 385 ; Boutiot, Un chapitre de l'Histoire de Troyes, p. 13, 16, 19, 21. M. de Barante, suivant l'ordre des faits tel que l'indique Monstrelet (chap. LXXXV et CIV), place l'affaire de la Croisette après celle de Chappes. Un examen attentif des événements montre qu'elle la précéda.

[156] Dès le mois d'avril, Philibert Andrenet était envoyé vers le duc de Savoie pour faire mettre sus certain nombre de gens d'armes du pays de Savoie pour venir au service de mondit seigneur de Bourgogne. Quatrième compte de J. Regnault, cité par M. Canat, Documents inédits pour servir à l'histoire de Bourgogne, t. I, p. 299.

[157] Une vigoureuse attaque sur le Mâconnais suivit cette expédition ; voir Canat, l. c., p. 200, 301, 303 et s. — M. Quicherat a admirablement raconté ce beau fait d'armes : Rodrigue de Villandrando, p. 42-50.

[158] Par lettres du 3 juin, Pierre de Beaufort, vicomte de Turenne, reçut le mandat de soumettre, dans une partie de la Guyenne, les places occupées par les Anglais.

[159] Ne oncques puis que le conte de Salcebry fut tué devant Orléans, dit le Journal d'un bourgeois de Paris à la date d'avril 1430 (p. 253), ne furent les Angloys en place dont il ne leur convint partir à tres grant damage ou à tres grant honte pour eulx.

[160] Barbazan avait reçu, en mars, la charge de capitaine général et gouverneur dans les pays de Champagne, Brie et Laonnais (Berry, 382 ; Monstrelet, t. IV, p. 441 ; Boutiot, l. c., p. 13). La Hire avait été nommé capitaine général en Normandie, au mois de décembre 1429, aussitôt après la prise de Louviers (Chronique anonyme, fol. 501) ; Boussac fut, par lettres du 11 novembre 1430, nommé lieutenant général au delà de la Seine (Anselme, t. VII, p. 71).

[161] Le bâtard d'Orléans fut envoyé, au mois de mars, à Louviers, pour résister aux Anglais et tenir deux entreprises secrètes sur nos diz ennemis pour le bien de nous et de nostre seigneurie, disent les lettres royales lui accordant, en date du 2 avril, une gratification de 1.200 l. (Fontanieu, 115-116). A la fin de juin, Eu fut saccagé par Saintrailles. En mars, les Anglais prirent Gournay-sur-Marne et Montjay, et tentèrent le siège de Lagny (Journal d'un bourgeois de Paris, p. 263 ; cf. Monstrelet, t. V, p. 11 et 27, qui place ces faits en mars 1432). — Diverses lettres du Roi du mois d'avril montrent qu'on ne négligeait pas la lutte du coté des frontières de Guyenne.

[162] Cette seconde campagne fut d'abord signalée par le ravitaillement de Laon (février) et la prise de Neuville-en-Laonnais ; puis on s'empara de Voisines (Yonne), de Pont-sur-Seine, du château de Fougeon (Aube), d'Ervy (Aube) et de Saint-Florentin (Yonne). On assiégea ensuite Anglure, dont le siège dura deux mois, et qui fut pris au commencement de juin, après la défaite de 1.600 Anglo-Bourguignons venus au secours de la place. Monstrelet, t. IV, p. 440-41 ; Berry, p. 383 ; Boutiot, l. c., p. 14, 16, 19-22. — Chartier parle d'une bataille entre 7 à 8.000 Anglo-Bourguignons et 3.000 Français, commandés par Barbazan, qui eut lieu à la Croisette, entre Châlons et Notre-Dame-de-l'Épine. M. de Barante identifie cette bataille avec celle qui se livra pour la délivrance d'Anglure ; l'examen topographique ne me semble pas autoriser cette conjecture. Peut-dire cette bataille fut-elle livrée en février 1431 : dans les premiers jours de ce mois nous voyons la ville de Châlons demander des secours à Troyes et au sire de Barbazan (Boutiot, p. 15).

[163] Sur la guerre de Bourgogne, voir D. plancher, t. IV, p. 145, et Preuves, p. LXXXV ; Canat, Documents inédits, etc., t. I, p. 308-325. — Sur la lutte en Picardie, en Artois, etc., voir Chronique anonyme, fol. 506 v° 507, Monstrelet, t. IV, p. 431, 433 et 439 ; Chartier, t, I, p. 132 ; D. Plancher, t. IV, Preuves, p. LXXXV, etc.

[164] Saint-Remy dit qu'outre bon nombre de capitaines picards, le comte eut pour auxiliaires la plus grant partie des seigneurs, chevaliers et escuyers de la duchié et comté de Bourgongne (t. II, p. 258-62).

[165] Lettres du 6 janvier 1431. Lettres des 8 et 10 février 1432 aux capitaine et habitants de Reims. Voir aux Pièces justificatives.

[166] Voir Berry, p. 383 ; Monstrelet, t. IV, p. 456 et s. ; Chronique anonyme, fol. 508 et s. ; D. Plancher, t. IV, p. 149 et s. ; Vallet, t. II, p. 269 et s.

[167] Lettre du 22 juillet 1431, aux habitants de Reims. Archives de Reims. — Le 30 juin précédent, le Roi faisait rembourser 4.000 l. t. avancés pour être employés pour le passage du duc d'Alençon, du comte de Vendôme et du sire de Sainte-Sevère outre la rivière de Seine et pour le secours de Louviers (Ms. fr. 20403, fol. 23). Le 26 août, le Roi fit payer 1.000 livres à Gaucourt qui venait vers lui avec ses gens de guerre (Pièces originales, 1292 : GAUCOURT).

[168] Voir plus loin, chapitre IX.

[169] Charles VII était en négociations avec le duc de Bretagne, qui en même temps avait fait des ouvertures de paix générale au roi d'Angleterre, au duc de Bourgogne et au duc de Savoie.

[170] Histoire de Bourgogne, t. IV. Preuves, p. LXXXIX. La trêve était conclue, durant une période de deux ans, pour la Bourgogne et les provinces environnantes, avec faculté d'y comprendre le Vermandois. Il paraîtrait que d'autres stipulations furent faites, d'après lesquelles le Roi devait livrer non seulement les places du Rethelois, comme les lettres le portent, mais un bon nombre de places fort importantes, telles que Gravant, Jully, Mussy, Bray, Nogent, Mailly, Chappes, Villeneuve-l'Archevêque, etc. (Boutiot, l. c., p. 37). On voit par là que le gouvernement royal, qui pourtant avait à ce moment pour lui les avantages militaires, n'épargnait rien pour faciliter un rapprochement.

[171] Voir les lettres des 24 septembre et 13 novembre 1431, prescrivant des mesures pour la reprise de ces places. Cf. lettres du 27 mai 1432, dans Stevenson, t. II, p. 204.

[172] Vers le 12 août. Voir Monstrelet, t. IV, p. 433 ; Chartier, t. I, p. 142, et Journal d'un bourgeois de Paris, p. 272. Cf. Vallet, t. II, p. 246-248. Saintrailles fut échangé contre Talbot, prisonnier depuis la bataille de Patay.

[173] Les Anglais qui, jusque-là avaient été soumis à une sévère discipline, commençaient à ravager nos provinces. Voir, sur la dépopulation et la ruine de la Normandie, Chéruel, Rouen sous la domination anglaise, p. 116.

[174] Original. Archives, J 245, n° 101.

[175] Il prétendait que le duc ne voulait pas lui payer le solde de la dot de sa mère, Marie de Bretagne.

[176] L'enlèvement eut lieu le 29 septembre 1431. Voir acte du 28 mars 1432 (Archives du marquis de Hallay-Coetquen) et chronique dite de Perceval de Gagny. Cet épisode est raconté avec détail par M. Vallet, dans la Nouvelle biographie générale, art. JEAN, DUC D'ALENÇON, et Histoire de Charles VII, t. II, p. 286 et s.

[177] Pour s'attacher davantage le duc de Bretagne, le gouvernement anglais lui avait donné, par lettres du 7 janvier 1431, le comté de Poitou. Cadeau facile et peu onéreux, puisque le Poitou était tout entier sous la domination du roi de France. Le 7 mars, le duc remercia Henri VI et lui promit de lui restituer dans vingt ans le Poitou, moyennant 200.000 fr.

[178] Voir sur ces événements la chronique attribuée à Perceval de Gagny ; Gruel, p. 372 ; Chartier, t. I, p. 158 ; Monstrelet, t. V, p.12 ; DD. Morice et l'aillandier, t. I, p. 504-505.

[179] Traité du 19 février 1432. D. Morice, Preuves, t. II, col. 1248.

[180] Archives du marquis de Hallay-Coetquen, p. 51.

[181] Voir Chéruel, Rouen sous la domination anglaise, p. 111-16 ; Beaurepaire, Note sur la prise du château de Rouen par Ricarville en 1432, p. 8-20. Cf. Vallet, t. II, p. 289-91.

[182] Voir en particulier le récit de l'entreprise sur Caen, dans laquelle Loré ramena, à travers tente la basse Normandie, 8.000 prisonniers et un butin considérable pris sur le champ de foire, sous les murs de la ville. Chartier, t. I, p. 150-53.

[183] Sur le siège de Lagny et les secours envoyés par Charles VII, voir Monstrelet, t. V, p. 31 et s. ; Saint-Remy, t. II, p. 264-66 ; Berry, p. 385 ; Chartier, t. I, p. 143 et s., Journal d'un bourgeois de Paris, p. 285 et s. ; Boutiot, l. c., p. 44, et des lettres du Roi des 8, 9 et 22 juillet. Cf. le très curieux récit de M. Quicherat, dans Rodrigue de Villandrando, p. 73-78.

[184] En juin, les royalistes de Pontoise, qui avaient gagné quelques Anglais, voulurent livrer la ville à Charles VII (Journal d'un bourgeois de Paris, p. 284). En août, Émerance de Calonne, abbesse de Saint-Antoine, fut accusée d'avoir favorisé une tentative faite par un de ses neveux pour ouvrir aux Français la porte Saint-Antoine, et fut emprisonnée (Ibid., p. 287-88, et Registres du Parlement, dans Félibien, t. IV, p. 594). Paris, où l'on ne payait plus les gages des membres du Parlement et où l'on faisait vendre les biens des royalistes (Archives nationales, Registres du Parlement, au 15 avril 1432, et Registre du Châtelet, Livre Noir, f. 173) commençait à se lasser de la domination anglaise. Voir sur les murmures des Parisiens, le Journal cité, p. 290.

[185] Voir plus loin, chapitre IX.

[186] Les conseillers du duc tirent entendre de nombreuses plaintes à ce sujet, et l'absence de toute discipline dans l'armée du Roi justifiait assez leurs réclamations. Mais Monstrelet constate que le point de départ des hostilités venait des Bourguignons, qui n'avaient pas voulu cesser la guerre et avaient pris la croix rouge pour pouvoir continuer à combattre les Français (t. V, p. 26-27). Afin de mieux poursuivre la lutte, Jean de Luxembourg, le lieutenant du duc, avait introduit les Anglais dans Clermont, et ceux-ci ouvrirent aussitôt les hostilités ; mais leur chef Kyriel n'ayant pas ménagé les pays du duc, celui-ci trouva cela fort mauvais ; il eut grand peine à faire déloger Kyriel de Clermont (Id., ibid., p. 18-19).

[187] Voir Monstrelet, t. V, p. 16, 26-27, 30, 38, 41-42, 45 ; Boutiot, l. c., p. 41-43, 46-49 ; D. Plancher, t. IV, p. 164. Au mois de mars 1432, Pont-sur-Seine, Fougeon, Anglure, Pleurs, Marigny, Clerey et Chappes étaient retombés au pouvoir de l'ennemi ; en avril, les Français s'emparèrent de la Roche-Solutré ; en septembre, Anglure et Pleurs furent repris.

[188] Au mois de janvier, Pacy, Lezinnes, Avallon dans l'Yonne furent pris par les Français. Le comte de Clermont s'avança jusqu'à Dôle. D. Plancher, t. IV, p. 169 ; Clerc, Essai sur l'Histoire de Franche-Comté, t. II, p. 426-28 ; Canat, l. c., p. 319.

[189] Boutiot, Histoire de Troyes, t. II, p. 567 et s., et Un chapitre, etc., p. 52-55. Ce n'est que dans les historiens locaux qu'on trouve des renseignements sur ces opérations. Monstrelet mentionne pourtant (p. 54) la prise d'Épernay.

[190] Du 24 au 28 mars eurent lieu à Mâcon des conférences qui aboutirent à un traité pour la remise de Solutré aux Bourguignons et de Noyers et Marigny aux Français. Bien que ce traité ait été ratifié le 29 par le comte, il ne reçut pas d'exécution. De nombreuses négociations eurent lieu à ce sujet, et une journée fut tenue en juillet à Moulins-Engilbert (Canat, l. c., p. 220-234). A ce moment une trêve particulière entre le Mâconnais et le Beaujolais était en vigueur (voir Canat, p. 232).

[191] Guillaume de Thil, seigneur de Châteauvillain, l'un des plus puissants seigneurs bourguignons, venait de donner son adhésion au Roi (traité du 16 février), et luttait de concert avec les Français. En avril, Langres fut pris.

[192] Le Conseil de Bourgogne se réunit du 1er au 5 avril à Beaune ; les troupes devaient s'assembler à Semur (Canat, p. 329 ; D. Plancher, t. IV, p. 171). Le 3 mai, les États de Bourgogne furent réunis, et le rendez-vous des troupes fut fixé à Flavigny au 6 juin (Canat, p. 831 ; Boutiot, p. 38).

[193] Monstrelet, t. V, p. 62-64 ; Saint-Remy, t. II, p. 268 et s.

[194] Voir Boutiot, Histoire de Troyes, t. II, p. 567 et s. Non seulement Troyes reste invariablement fidèle au Roi son naturel et souverain seigneur, s'imposant tous les sacrifices, disant courageusement la vérité au gouvernement royal ; mais encore elle s'efforce de maintenir les villes voisines dans l'obéissance ; elle écrit à un capitaine destiné à une triste renommée, et qui y préludait dignement (Tristan l'Ermite), qu'il est commune renommée qu'il doit mettre Mussy ès mains des ennemis sans combat et par convoitise d'argent. Cela ne manqua pas d'arriver Mussy, à peine investi, fut livré.

[195] L'Île Adam avait été créé maréchal de France le 2 mai 1432 ; le 4 février 1483, il avait été retenu pour servir le roi d'Angleterre à la garde de la capitale.

[196] Voir sur la campagne de Bourgogne, Monstrelet, t. V, p. 65-66, 69-70 ; Saint-Remy, t. II, p. 280 et s. ; D. Plancher, t. IV, p. 177-185 ; Boutiot, p. 61 et s. La trêve avec le comte de Clermont fut conclue le 24 octobre ; elle devait durer du 3 novembre au 31 décembre (Canat, p. 337).

[197] Voir sur cette campagne, Monstrelet, p. 70-72, 74, et Saint-Remy, t. II, p. 272 et s. Après la mort de son frère, Jean de Luxembourg emmena avec lui son neveu Louis, alors figé de 25 ans, et lui fit faire la chasse aux Français jusque sous les-murs de Laon. Voici en quels termes le chroniqueur à gages des Luxembourg raconte l'apprentissage des armes du jeune comte de Saint-Pol : Si fut ce jour mis en voie de guerre, car le comte de Leigny, son oncle, lui en fist occire aulcuns (des Français prisonniers), lequel y prenoit grand plaisir (t. V, p. 79). Voilà ce que était devenue la chevalerie aux beaux jours de la Toison d'or !

[198] Mémoire du conseil d'Angleterre en date du 11 juin 1434, dans Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLII. — Opérations du comte d'Arundel : Chartier, t. I, p. 164-89 ; Gruel, p. 372-73 ; Berry, p. 387 ; Monstrelet, t. V, p. 94. — Opérations de Talbot : Monstrelet, t. V, p. 91-92, Journal d'un bourgeois de Paris, p. 299, et lettres de Henri VI du 21 avril. — On a peu de renseignements sur les opérations de la troisième armée ; l'assaut fut donné au Mont-Saint-Michel le 17 juin. Chronique du Mont-Saint-Michel, t. I, p. 34-35. Cf. lettres de Charles VII du 21 décembre 1434.

[199] Dans des lettres du 31 décembre 1433, il prend le titre de lieutenant du Roy nostre sire, capitaine general deça la rivière de Seine ès pays de l'Isle de France, Picardie, Beauvoisis, Laonnais et Soissonnais, et bailly de Vermandois.

[200] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 298-99.

[201] Voir Monstrelet, t. V, p. 85.

[202] Voir Saint-Remy, t. II, p. 285-87 et 299 et s. ; Canat, l. c., p. 338-39 et 246-47 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXL ; Rodrigue de Villandrando, par M. Quicherat, p. 103 et s.

[203] Canat, l. c., p. 245 et s. ; Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 188-83 ; Saint-Remy, t. II, p. 301 ; Monstrelet, t. V, p. 86 ; lettres de Charles VII du 8 juillet ; quittance de Gaucourt du 26 septembre, dans Fontanieu, 117-118.

[204] Monstrelet raconte que, quand les troupes bourguignonnes se mirent en bataille devant Villefranche et envoyèrent signifier leur venue au duc de Bourbon, celui-ci déclara que, puisque le duc de Bourgogne n'était pas à la tête de ses troupes, il ne les combattrait pas ; il fit sortir ses gens de guerre comme pour une parade, et parut au milieu d'eux sur ung bon coursier, sans armeures, vestu d'une longue robe, ung baston en son poing. — Dès le 12 octobre, les ambassadeurs du duc de Bourbon arrivaient à Belleville, qui avait capitulé le 6 (Canat, p. 356).

[205] Saint-Remy, t. II, p. 302-303 ; Monstrelet, t. V, p. 89-90 et 97-100 ; Canat, p. 345-56 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 189-91.

[206] D. Vaissète, t. IV, p. 483.

[207] Voir Canat, p. 358-60, et Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 192.

[208] Monstrelet, t. V, p. 87-88 et 93-94.

[209] Voir D. Morice, t. II, col. 1367 ; Berry, p. 388, et lettres de Charles VII des 8 el 9 juillet.

[210] Gruel, p. 374-75 ; Berry, p. 388 ; Monstrelet, t. V, p. 95 Cf. D. Morice, t. II, col. 1267. Le traité fut signé à Ham, le 17 septembre. Voir D. Grenier, vol. 100 p. 40, et la revue la Picardie, t. VII, p. 363.

[211] Gruel, p. 375-76.

[212] Monstrelet, t. V, p. 118-123.

[213] Monstrelet, t. V, p. 117-118, 127-129 ; lettres de la commune de Calais du 27 juin, dans Delpit, l. c., p. 252.

[214] Monstrelet, p. 125-27 ; Berg, p. 389-91 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 306 ; lettres du 21 janvier 1436.

[215] Voir la très juste et fort remarquable appréciation du caractère de Bedford, faite par M.J. Stevenson dans la préface du t. Ier de ses Letters and papers of Henry the sixth, p. LXX-LXXI.