HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT - 1403-1422

 

CHAPITRE II. — ÉVÈNEMENTS POLITIQUES ET MILITAIRES DEPUIS 1417 JUSQU'À 1422.

 

 

Jean sans Peur tente un accommodement avec la Cour. — La mort du Dauphin Jean renverse ses plans : il prend les armes. — Attaque de Paris. — Soumission de tout le pays chartrain. — Occupation de Troyes, où la reine Isabeau vient s'installer. — Mesures prises par le gouvernement royal pour résister au duc et à la Reine, et s'opposer aux progrès de l'invasion anglaise. — Négociations entre le gouvernement royal et le duc de Bourgogne. Leur rupture, suivie de l'entrée des Bourguignons dans Paris. — Triomphe de la faction bourguignonne. — Le Dauphin organise la résistance à Bourges ; ses partisans prennent les armes de tous côtés. — Le duc de Bourgogne à Paris ; troubles dans la capitale livrée à l'anarchie. — Semblants de résistance du duc contre l'invasion anglaise. — Henri V s'avance dans la Haute Normandie, où il fait le siège de Rouen, qui capitule au bout de six mois. — Perte de toute la contrée. — Campagne faite par le Dauphin, qui s'empare de Tours. — Négociation entre les diverses parties ; elles n'aboutissent pas. Conférences de Meulan. — Le duc de Bourgogne se rapproche du Dauphin. — Il périt à Montereau. — Coalition anglo-bourguignonne contre le Dauphin. — Campagne du Midi : Charles fait rentrer le Languedoc dans la soumission. — Traité de Troyes, suivi de la prise de Sens, de Montereau et de Melun. — Nouvelle campagne- du Dauphin, aussitôt interrompue par la mort soudaine du comte de Vertus. — Départ d'Henri V pour l'Angleterre. — Les hostilités se poursuivent entre les Dauphinois et les Anglais, qui perdent la bataille de Bauge. — Marche triomphale du Dauphin, que Chartres arrête sur la route de Paris. — Retour du roi d'Angleterre, qui s'avance jusqu'à Vendôme. — Campagne du duc de Bourgogne dans le Nord : il gagne la bataille de Mons-en-Vimeu. — Siège et prise de Meaux per Henri V. — Le Dauphin perd la plupart de ses possessions dans le Nord. Campagne contre le duc de Bourgogne dans l'Est. — Henri V meurt au moment où il marchait à son secours. — La mort du roi d'Angleterre est bientôt suivie de celle de Charles VI.

 

Par la mort du Dauphin Jean, survenue le 5 avril 1417, le cinquième des fils de Charles VI était devenu l'héritier du trône. Comme son frère aîné Louis, duc de Guyenne, mort le 18 décembre 1415, Jean s'était montré favorable au parti bourguignon[1] : marié à Jacqueline de Bavière, fille du comte de Hainaut, princesse destinée a une triste célébrité, il résidait à Valenciennes, auprès de son beau-père. En 1416, on avait vu le duc de Bourgogne, au retour de ce voyage de Calais où le bruit public l'accusait d'avoir conclu avec le roi d'Angleterre un pacte déloyal[2], se rendre auprès du comte de Hainaut, et obtenir, par un traité en date du 13 novembre, que le comte ne mectroit point ledit Daulphin en la puissance d'aucune personne que tousjours il n'en feust bien seur[3]. Le Dauphin se trouvait par là à la discrétion de Jean sans Peur ; mais il restait à le faire revenir à Paris et à y ramener avec lui l'influence bourguignonne[4] : ce fut l'objet de négociations qui occupèrent les premiers mois de 1417, et auxquelles coupa court la mort subite du jeune prince. Cette fin donna lieu à des accusations d'empoisonnement, qui se produisirent à plus d'une reprise dans ces temps troublés, mais qui paraissent ici dénuées de fondement[5].

Ce n'était point, d'ailleurs, une facile entreprise que celle que tentait le comte de Hainaut en cherchant à réconcilier le duc de Bourgogne avec la Cour. Par l'assassinat du duc d'Orléans (23 novembre 1407), Jean sans Peur s'était en quelque sorte mis hors la loi, et, depuis ce criminel attentat, à travers des alternatives de soumission intéressée et de révolte hautaine, son ambition n'avait jamais cessé de se proposer pour but de gouverner le royaume et de disposer en maitre des finances de l'État. Privé, par la mort prématurée du Dauphin Jean, de l'instrument qu'il espérait faire servir à ses desseins, le duc ne tarda pas à recourir au parti qui lui était habituel quand ses intrigues restaient impuissantes : il prit les armes.

L'occasion semblait favorable. Le vieux duc de Berry, qui, par l'autorité de l'âge et du caractère, exerçait encore quelque ascendant sur son neveu, avait cessé de vivre (15 juin 1416). Les ducs d'Orléans et de Bourbon étaient prisonniers en Angleterre. Louis d'Anjou, roi de Sicile, beau-père du nouveau Dauphin et ennemi personnel du duc, venait, vaincu par la maladie, de se retirer de la scène politique, et mourait â ce moment même (29 avril 1417), à l'âge de quarante ans. Le duc de Bretagne, mêlé aux négociations entamées par le comte de Hainaut, restait' indécis entre les deux partis. Quels obstacles Jean sans Peur pourrait-il rencontrer ? Le Roi ? L'infortuné Charles VI était, selon l'occurrence, ou Boidguignon ou Armagnac, et, selon l'expression d'un auteur du temps, peu lui chaloit comme tout allast[6]. La Reine ? Tout entière à ses frivolités et à ses superstitions, rendue impotente par de précoces infirmités[7], elle ne pouvait jouer un rôle actif, et, d'ailleurs, sous prétexte de faits scandaleux qui s'étaient produits dans son entourage, elle venait d'être reléguée à Blois (avril 1417). Le Dauphin ? L'héritier du trône n'était qu'un enfant, et, par la mort du roi de Sicile, il venait de perdre son principal guide et son meilleur appui. Un seul homme pouvait tenir tête au duc, c'était Bernard, comte d'Armagnac, appelé à Paris, à la fin de 1415, pour recevoir l'épée de connétable. Autour de lui se groupaient de vieux et fidèles serviteurs de la royauté, qui, bien qu'engagés pour la plupart dans l'ancien parti d'Orléans, n'étaient point ennemis déclarés de Jean sans Peur.

Se conformant à la politique qui lui avait toujours réussi, le duc s'adressa tout d'abord aux villes sur l'adhésion desquelles il pouvait compter : il lança (25 avril) un manifeste où, attaquant le gouvernement royal dans les termes les plus violents, il se présentait comme le sauveur de la chose publique, le restaurateur des antiques libertés, le défenseur du peuple affranchi de taxes excessives et d'impôts vexatoires, et engageait les populations à se joindre à lui pour mettre le Roi en sa franchise et seigneurie, et le royaume en justice[8]. Un plein succès couronna cette manœuvre. La plupart des villes se firent bourguignonnes, et le duc se vit ainsi, sans coup férir, maitre d'importantes positions. Enivré 'de ce succès et croyant déjà tenir le pouvoir, il fit acte de souveraineté, déposa les officiers royaux, supprima les impôts, et procéda à l'égard de ses adversaires par la confiscation et par la mort. Puis il convoqua ses gens de guerre, annonçant qu'il voulait marcher sur Paris et jurant qu'il y entrerait à la tête de ses troupes.

Au moment même où le roi d'Angleterre s'apprêtait à envahir la France[9], Jean sans Peur se mit en campagne avec 6.000 chevaliers ou écuyers et 30.000 archers[10]. Déjà, sur plusieurs points du royaume, ses partisans avaient pris les armes[11]. Ni l'arrêt du Parlement contre ses manifestes ; ni les messages et les remontrances du Roi ; ni les lettres patentes bientôt lancées contre lui ; ni les succès des Anglais qui, débarqués à Touques le 1er août[12], se répandirent promptement dans la Basse Normandie et allèrent mettre le siège devant Caen (18 août), rien n'arrêta le duc de Bourgogne. Après une marche triomphale où, soit par de fallacieuses promesses, soit par trahison, mais presque toujours sans avoir à recourir aux armes, il s'était fait ouvrir les portes de toutes les villes, il arriva au milieu du mois de septembre sous les murs de Paris[13].

Le duc s'établit à Montrouge, d'où il envoya Jean de Luxembourg assiéger la tour de Saint-Cloud, et Hélion de Jacqueville attaquer Chartres ; il comptait, pour s'emparer de la capitale, sur ses intelligences dans la place. Mais le moment était mal choisi. A la vue des progrès des Anglais qui, maîtres de la ville et du château de Caen (4 et 9 septembre) s'étendaient rapidement dans la Basse Normandie[14], le peuple s'indignait qu'un prince du sang, au lieu d'employer son armée, à la défense du territoire, la dirigeât contre son souverain et empêchât, par cette coupable diversion, toute résistance efficace à l'ennemi. On allait jusqu'à accuser le duc de connivence avec le roi d'Angleterre[15]. Aussi voyant, dit Monstrelet, qu'il n'entreroit point dedens Paris et que ceux à lui favorables ne pouvoient achever ce qu'ilz avoient mandé[16], Jean sans Peur se replia sur Montlhéry, dont il s'empara, ainsi que de plusieurs' autres places ; pendant ce temps, ses troupes assiégeaient Corbeil, Chartres et tout le pays chartrain était soumis, enfin Troyes adhérait à son parti.

De son ost devant Montlhéry, le duc adressa aux bonnes villes un nouveau manifeste où, s'autorisant d'une prétendue déclaration du concile de Constance, il se présentait comme celui auquel, vu la maladie du Roi et la jeunesse du Dauphin, appartenait la direction des affaires, et sommait, au nom du Roi, de députer vers lui deux personnes notables, munies de pleins pouvoirs. Mais, pour maintenir aux yeux du peuple son prestige et conserver son autorité sur les villes qui avaient embrassé son parti, il lui fallait un gage de l'autorité royale : il crut le trouver chez sa plus mortelle ennemie. La Reine Isabeau, dans la réclusion où elle vivait depuis plusieurs mois, accueillit avec empressement les ouvertures du duc[17]. Celui-ci s'avança par Chartres et Vendôme, et, le 2 novembre au matin, pendant que la Reine entendait la messe au couvent de Marmoutiers, Hector de Saveuse et soixante Bourguignons l'enlevaient 'et la conduisaient vers leur maître. Bien voy, dit la Reine au duc quand il fléchit le genou devant elle, que tousjours avez aymé Monseigneur, sa generacion, son royaume et la chose publique[18]. Le même jour tous deux faisaient solennellement leur entrée dans Tours ; de là ils se rendirent à Chartres, pour organiser un pouvoir nouveau. Ainsi, dit un auteur bourguignon, se mist la Roine de France au gouvernement du duc Jehan de Bourgoingne, et laissa le Roy son seigneur, et son filz le duc de Touraine Dauffin[19].

C'était bien un second pouvoir dans l'État qui s'établissait. Exhumant une commission royale qu'elle avait reçue temporairement en avril 1403[20], Isabeau la présenta comme irrévocable, et s'intitula par la grâce de Dieu Royne de France, ayant, pour l'occupation de Monseigneur le Roy, le gouvernement et administration de ce royaume. Elle eut sa chancellerie, sa cour souveraine, établie d'abord à Amiens, ses officiers dans les villes qui avaient embrassé le parti bourguignon.

La situation du gouvernement royal devenait de plus en plus précaire. Il avait profité du temps de répit que lui laissait la retraite du duc pour entrer en pourparlers avec le roi d'Angleterre, dont les progrès s'étendaient jusque dans le Perche et le Maine. Pour appuyer les négociations, que les Anglais faisaient traîner en longueur, le connétable d'Armagnac envoya aine armée en Normandie[21]. Dans le Midi, il avait, dès le printemps, entamé la lutte, et son fils, le vicomte de Lomagne, nommé capitaine général dans les pays au delà de la Dordogne[22], avait pris la ville de La Réole au mois d'avril, et fait, ensuite le siège du château. En même temps, on reprenait l'offensive contre les Bourguignons : le 30 septembre, Raymonnet de la Guerre s'était emparé du pont de Beaumont ; le 13 novembre, Méru, à quatre lieues de Pontoise, était occupé par le même capitaine-, enfin, des engagements eurent lieu, presque simultanément, vers Pontoise, Dreux et Chartres[23].

En s'éloignant, le duc de Bourgogne n'avait pas cessé ses intrigues. Une nouvelle conspiration fut tramée dans Paris. Jean sans Peur, jugeant le moment venu, quitta Chartres le 22 novembre, et le lendemain 23, au moment où, en mémoire de l'anniversaire du meurtre de Louis d'Orléans, une sentence d'excommunication venait d'être solennellement rendue contre lui, il se présenta à Villejuif, et envoya ses gens de guerre au faubourg Saint-Marceau pour pénétrer dans Paris. Mais le secret n'avait pas été bien gardé : les Bourguignons furent repoussés ; le duc se replia à la hâte sur Montlhéry et regagna Chartres. La capitale était une fois encore préservée du joug bourguignon ; celui qui avait révélé le complot fut appelé le Sauveur[24].

De Chartres, le duc de Bourgogne, emmenant la Reine et Catherine de France, avec une suite nombreuse, se rendit à Auxerre, puis à Troyes, où devait être fixé le siège du nouveau gouvernement. Poursuivi jusqu'à Joigny par le comte d'Armagnac, à la tête d'un corps d'armée assez considérable, il échappa, grâce à une crue subite de l'Yonne, et arriva à Troyes le 23 décembre. Par ordonnances des 6 et 10 janvier, Isabeau l'autorisa à prendre en main la monnaie du royaume et à administrer la chose publique ; la souveraineté 'passait de fait aux mains du duc ; la Reine ne gardait qu'une autorité nominale. Enfin, par lettres du 16 février, le Parlement de Paris et la Chambre des Comptes furent supprimés et installés à Troyes avec de nouveaux titulaires. Le duc de Lorraine remplaça comme connétable le comte d'Armagnac. Des émissaires furent envoyés dans les provinces pour annoncer que désormais on ne paierait plus de subsides. Le 30 janvier, Louis de Chalon, comte de Genève, et trois autres conseillers bourguignons, reçurent la mission de soumettre le Languedoc, l'Auvergne et le duché de Guyenne, avec pouvoir de supprimer toutes impositions, sauf la gabelle du sel. En même temps, les intrigues du duc réussissaient à Rouen, qui chassa le gouverneur royal (12 janvier), et ouvrit ses portes aux Bourguignons.

Il devenait indispensable de prendre des mesures énergiques contre le gouvernement de la Reine et du duc : par lettres du 6 novembre 1417, le Roi, considérant les grands et pesans affaires du royaume, et les maux qui pouvaient résulter tant de l'invasion anglaise que de la rébellion du duc de Bourgogne — lequel, disaient les lettres, de son authorité et sous ombre de nous, en donnant contre verité faux entendre, s'efforce contre notre volonté entrer par voies estranges au gouvernement de nostre dit royaume, — avait de nouveau et solennellement institué le Dauphin son lieutenant général dans toute la France[25]. En même temps (10 novembre), la reine de Sicile, belle-mère du jeune prince, fut autorisée à conclure avec le roi d'Angleterre une trêve de dix mois, qui, signée le 16 novembre par l'entremise du duc de Bretagne, mit l'Anjou et le Maine à l'abri[26]. Une trêve d'étale durée fut aussi conclue par le duc de Bretagne, dont la fidélité à la cause royale était douteuse, et qui avait eu récemment avec Henri V une entrevue à Alençon[27]. Des lettres patentes, en date du 27 novembre, furent adressées aux villes du royaume pour les mettre en garde contre les assertions mensongères contenues dans les lettres lancées par Isabeau le 11 novembre, où le Roi et le Dauphin étaient représentés comme prisonniers, et pour enjoindre de ne point obéir aux mandements de la Reine et du duc[28]. Dans des lettres clo.ses du même jour, le Roi ordonnait la publication immédiate des lettres patentes el pressait ses sujets de lui demeurer fidèles[29].

En outre, une amnistie générale fut proclamée à l'égard de tous ceux qui avaient adhéré au parti du duc de Bourgogne[30] ; toutefois, pour empêcher le retour des factieux dan-la capitale, une commission était instituée, 'avec mission d'examiner les demandes de ceux qui voudraient profiter de la clémence royale[31]. Pareille amnistie fut accordée aux villes rebelles, à la condition de rentrer, avant l'Épiphanie, en l'obéissance du Roi[32]. Mais toutes ces mesures demeurèrent sans résultat : ni l'hostilité ni la haine ne furent désarmées. Un vent de révolte et d'anarchie soufflait sur le pays, et en adhérant au duc de Bourgogne, on croyait trouver un remède à tous les maux[33].

Le gouvernement royal, tout en continuant ses négociations avec le roi d'Angleterre[34], dont il espérait en vain arrêter les progrès, se décida à poursuivre vigoureusement les hostilités contre la Reine et le duc. Le connétable d'Armagnac, qui, par lettres du 15 janvier 1418, avait été autorisé à nommer des capitaines dans toutes les places du royaume, envoya Tanguy du Chastel assiéger Montlhéry, qui fut bientôt soumis. Étampes, Marcoussis, Chevreuse, et quelques autres places de l'Ile de France, rentrèrent également dans l'obéissance. L'amiral de Braquemont, envoyé à Rouen comme lieutenant du Roi[35], avait trouvé les portes fermées, et la ville au pouvoir des Bourguignons. Ceux-ci s'installaient, en même temps, à Évreux, Mantes, Meulan, et dans les environs[36]. Par lettres des 28 janvier et 1er février, le sire de La Fayette et Humbert de Grillée furent envoyés à Lyon, et chargés, de concert avec le bailli, Philippe de Bonnay, d'organiser la défense dans le Lyonnais et le Dauphiné[37]. Le comte de Vertus paraît avoir reçu la même mission pour le centre de la France[38]. Le 2 février, le ban et l'arrière-ban furent convoqués pour le ter mai ; vers le 10 février, le Roi et le connétable se mirent en marche, à la tête d'une nombreuse armée, pour aller réduire Senlis, qui, tombé le 5 décembre entre les mains du duc, résistait à toutes les sommations. Senlis arrêta pendant deux mois les forces royales ; au moment où la reddition semblait accomplie, les menées déloyales des partisans du duc firent tout rompre : l'échec que reçut le connétable, sous les murs de cette ville, le fit tourner en ridicule par les Parisiens.

Ce n'était pas par la voie des armes que les difficultés pouvaient se dénouer. D'une part, les succès du duc et de la Reine, dont les intrigues avaient amené l'adhésion d'une bonne partie du Languedoc ; de l'autre, les progrès de l'invasion anglaise, qui s'étendaient jusqu'à Falaise, Vire, Saint-Lô, Coutances, Carentan, etc., en Basse Normandie ; jusqu'à Courtonne, Chambrais et La Rivière-Thibouville, dans la Haute Normandie[39], rendaient la situation très critique. Le salut du pays, non moins que la pénurie du trésor — les finances étaient dans un état déplorable — exigeaient qu'on tentât un arrangement amiable. C'est ce que comprirent certains membres du Conseil, qui, depuis quelque temps, s'efforçaient de faire prévaloir les idées pacifiques[40].

Pendant que le connétable, moins confiant dans les subtilités diplomatiques que dans son épée, la jetait dans la balance et combattait sous les murs de Senlis, des négociations furent ouvertes au monastère de la Tombe, près de Montereau, entre les ambassadeurs du Roi et du Dauphin, d'un côté, et ceux de la Reine et du duc de Bourgogne, de l'autre. Après de longs pourparlers, un traité fut adopté en principe ; mais ce traité, qui favorisait au delà du juste et de l'honnête la cause bourguignonne[41], souleva, à Paris, une vive opposition dans le Conseil. Malgré les efforts de la majorité, malgré la tenue d'une réunion au Louvre sous la présidence du Dauphin, l'opposition du connétable, auquel se joignirent le chancelier Henri de Marie et quelques autres, empêcha la sanction royale d'être donnée au traité. Les manifestations joyeuses qui- avaient salué les espérances de paix et de concorde firent place à un sourd mécontentement.

C'est alors qu'éclata une nouvelle conspiration bourguignonne, qu'on a présentée à tort comme la conséquence de l'échec des conférences de la Tombe, et qui n'attendait pour se produire qu'une occasion favorable. Le 28 mai, le sire de l'Isle-Adam, agissant d'accord avec la faction bourguignonne, quittait Pontoise, dont il était capitaine, à la tête de huit cents hommes, et arrivait à deux heures du matin sous les murs de Paris. Perrinet Le Clerc, fils d'un des quarteniers de la ville, qui, en dehors du but politique, poursuivait une vengeance personnelle[42], l'introduisit secrètement par la porte Saint-Germain. Douze cents Parisiens se tenaient prêts à seconder l'Isle-Adam. Paris se réveilla aux cris de : La paix ! la paix ! vive Bourgogne ! Il n'y eut guère de résistance. Il en fut comme de la plupart des conjurations : peu l'osèrent, beaucoup la voulurent, tous la subirent[43]. La plupart des membres du Conseil, le chancelier en tête, furent arrêtés dans leurs maisons ; le connétable d'Armagnac, à la faveur d'un déguisement, parvint à se dérober, et resta caché pendant quelques jours. Le Dauphin, emmené à la Bastille par Tanguy du Chastel et Louvet, put s'échapper et gagner Melun[44].

Un retour offensif tenté par Tanguy, qui, le 1er juin, pénétra dans la capitale, fut sans résultat : le triomphe de la faction bourguignonne était complet. Paris se vit ramené aux plus mauvais jours de la terreur cabochienne. Dès la première journée, 522 personnes périrent dans les rues, sans compter ceux qui furent tués dans l'intérieur des maisons ; les confiscations administratives suivirent immédiatement le pillage[45]. Et le lendemain, dit un auteur bourguignon[46], et bien huit jours après, ils ne firent que prendre gens et de pillier et emporter tous les biens estans aux hosteulx d'iceulx Armignas. Enfin, le 12 juin, au cri de : Vive le Roi et le duc de Bourgogne ! la populace se porta aux prisons, et d'horribles massacres ensanglantèrent la capitale. L'autorité assista, impuissante ou complice, à ces scènes de carnage. Mes amis, faites ce qu'il vous plaira, avait dit aux massacreurs le prévôt de Paris[47] ; les seigneurs bourguignons, témoins de ces tueries qui auraient fait horreur à des musulmans[48], se tinrent en armes pour defendre lesdiz occiseurs se besoing estoit[49], et ne trouvèrent à leur adresser d'autres paroles que celles-ci : Mes enfants, vous faites bien ![50] Le chiffre des morts s'éleva à environ seize cents ; mais, en tenant compte des meurtres commis dans les rues et les maisons, il n'y eut pas moins de cinq mille victimes[51].

Aussitôt après l'entrée de l'Isle-Adam, les gens de guerre bourguignons étaient venus de toutes parts se concentrer dans Paris[52]. Quelques-uns furent chargés de s'emparer des places des environs, qui, pour la plupart, étaient restées au pouvoir du Dauphin[53]. Après le coup de main infructueux de Tanguy du Chastel, la bastille, le pont de Charenton, Saint-Cloud et Corbeil furent abandonnés ; les Bourguignons se portèrent sur Compiègne et Soissons, qui se rendirent ; Creil, Pont-Sainte-Maxence, Noyon, le Plessis-de-Roye, Laon et Péronne furent également occupés[54]. Dans le même temps, Louis de Chalon achevait de soumettre le Languedoc, où six places seulement, dans les sénéchaussées de Toulouse et de Carcassonne, et à peu près la moitié de la sénéchaussée de Beaucaire, restèrent fidèles au Dauphin[55]. Les comtés d'Armagnac et de Rodez étaient aussi à la discrétion des Bourguignons[56].

En présence d'une situation aussi critique, le jeune prince et ses conseillers ne restèrent point inactifs. A peine arrivé à Bourges, le Dauphin convoqua ses gens de guerre, qui affluèrent de toutes parts[57]. Les places les plus exposées reçurent des garnisons, et les hostilités furent poussées avec vigueur[58]. Compiègne, position très importante, fut repris le 22 juillet ; Soissons à la fin d'août, et Lagny le 22 septembre. Charles se mit aussitôt en relation avec les villes du royaume pour les engager à persévérer dans leur fidélité, et se concilia l'Auvergne par une concession opportune[59]. Le 4 août, il lança un manifeste remarquable par la justesse et la modération des vues, lequel aurait dû, comme le fait observer M. Vallet de Viriville, rallier le duc de Bourgogne à l'héritier du trône dans une rivalité patriotique contre l'ennemi commun du royaume[60].

Le Dauphin ne pouvait oublier le Midi, où les Bourguignons d'un côté et les Anglais de l'autre gagnaient chaque jour du terrain. Le roi d'Angleterre s'efforçait à ce moment même d'attirer à sa cause le propre fils du connétable d'Armagnac, avec son frère Bernard et Charles d'Albret, comte de Dreux. Ces seigneurs s'engagèrent-ils par serment, comme Henri V semblait y compter[61] ? Ce qui est certain, c'est que les négociations entamées avec eux aboutirent à une trêve[62]. Le Dauphin se mit en rapport avec un autre puissant seigneur de ce pays, le comte de Foix[63], dont le frère combattait alors en Normandie dans les rangs anglais, et dont l'attitude demeura longtemps douteuse. Par lettres du 16 août, il institua Regnault de Chartres, archevêque de Reims, son lieutenant en Languedoc, et lui adjoignit Philippe de Lévis, seigneur de la Roche, pour la direction des opérations militaires. Quelques villes du Languedoc rentrèrent au pouvoir du prince, et, la suite d'une trêve passagère (14 novembre), bientôt violée par les Bourguignons, les hostilités furent reprises[64].

Le duc, de Bourgogne, après avoir pendant plusieurs mois trompé l'attente des Parisiens, qui lui envoyaient message sur message, et le proclamaient le plus long homme en toutes ses besongnes qu'on peust trouver[65], arriva enfin avec la Reine, et fit son entrée dans Paris le 14 juillet[66]. Il trouva la capitale en proie à une anarchie complète, et les ménagements qu'il eut pour les cabochiens n'étaient point faits pour calmer leurs dispositions séditieuses[67]. Le duc fut investi de la charge de capitaine de Paris ; ses favoris se partagèrent tous les emplois et furent gorgés de biens[68] ; lui-même n'eut garde de s'oublier, et profita de la morne impassibilité du pauvre Roi[69] pour s'enrichir aux dépens de la couronne[70]. Des lettres en date du 16 juillet déclarèrent révoqués tous dons d'offices et de biens-faits depuis que le duc avait quitté la capitale ; les biens devaient être vendus, et le duc était chargé de pourvoir aux offices[71]. Puis des ordonnances royales portèrent nomination de membres du Parlement, de membres de la Chambre des Comptes, de maîtres des requêtes de l'hôtel du Roi, de clercs-notaires de la chancellerie et d'huissiers au Parlement[72]. Enfin la corporation des bouchers fut rétablie en possession de tous ses privilèges[73].

C'était donner beau jeu à la sédition : une nouvelle émeute eut lieu le 21 août, et fut encore signalée par de nombreux massacres. Le duc chercha vainement à contenir cette populace furieuse : il dut subir la loi du plus fort, et attendre le moment où il pourrait prendre sa revanche. Peu après, tandis que les bandes populaires allaient assaillir Montlhéry, proposé pour but à leur ardeur désordonnée, les principaux chefs de l'émeute, Capeluche en tête, étaient arrêtés et exécutés[74].

En prenant les mesures de confiscation destinées à alimenter le trésor royal à peu près vide, le duc de Bourgogne annonçait hautement l'intention de combattre les Anglais. Que fit-il pour s'opposer à leur invasion victorieuse qui, s'étendant dans la Basse Normandie tout entière, dans la Haute Normandie jusqu'à Évreux, Louviers et Pont-de-l'Arche[75] et dans le pays de Caux jusqu'à Caudebec[76], menaçait d'un côté Rouen, de l'autre Paris ? Avant son arrivée, une ordonnance royale avait décidé que les frais des garnisons de Rouen et de Montivilliers, qui ne s'élevaient pas à moins de seize mille livres tournois par mois, seraient payés sur les revenus du Roi[77] ; dès le commencement de juin, des renforts avaient été envoyés aux Rouennais par les Parisiens[78]. C'était le duc que la ville de Rouen avait invoqué en embrassant son parti : c'était à lui qu'il appartenait de la protéger contre les armées de Henri V[79]. A peine arrivé à Paris, il reçut (15 juillet) un message de sire de Graville annonçant que, faute de secours, il allait être contraint de rendre Pont-de-l'Arche. Jean sans Peur laissa Graville capituler, et se borna à faire partir, avec un faible corps d'armée, quelques capitaines bourguignons pour aider Rouen à se défendre[80]. Le siège avait commencé le 29 juillet ; le 30 août, le fort Sainte-Catherine tombait au pouvoir de l'ennemi. Il était urgent d'opérer une diversion qui empêchât Henri V de concentrer toutes ses forces sur ce seul point. On vit bien le duc de Bourgogne augmenter les impôts pour frais de guerre[81] ; imposer, au mépris des déclarations tant de fois réitérées, un droit sur les vins à Paris pour subvenir au paiement des gens de guerre mandés par le Roi[82], et, plus tard, mettre en gage les joyaux et les domaines de la couronne dans le but ostensible de secourir Rouen[83] ; on ne le vit pas s'ébranler à la tête de ces troupes, réunies en si grand nombre l'année précédente quand il s'était agi de marcher sur Paris pour s'emparer du pouvoir. Loin de là, le duc ne bougea pas de la capitale, où il semblait absorbé par ses propres intérêts et par ceux de ses familiers[84]. Les habitants de Rouen, serrés de phis en plus près, ne cessaient de réclamer son appui ; il se borna, comme toujours, à faire de belles promesses, et à donner de trompeuses assurances[85]. Livrés à leurs seules forces, les Rouennais luttèrent vaillamment pendant six mois contre toutes les horreurs de la guerre et de la famine.

Faisant de nécessité vertu, ils s'adressèrent alors au Dauphin qui, oubliant leur révolte, leur aurait volontiers prêté son appui. Mais, rejeté au delà de la Loire par le triomphe des Bourguignons, Charles ne pouvait rien pour eux. On put espérer un moment qu'une réconciliation dès partis allait permettre d'unir les forces françaises contre l'ennemi commun au commencement de septembre, sur l'initiative de la reine de Sicile, des négociations furent entamées à Corbeil par le duc de Bretagne, qui jouait le rôle de médiateur. Mais leur insuccès ne fit que rendre la rupture plus irrémédiable.

Ce fut également sous les auspices de la reine Yolande que le Dauphin entra en pourparlers avec le roi d'Angleterre ; mais l'exagération des prétentions de ce prince fit échouer les négociations. Henri V jouait d'ailleurs un double jeu : avant même que ses envoyés entrassent en pourparlers avec les ambassadeurs du Dauphin, il avait écrit (26 octobre) au duc de Bourgogne pour lui faire des ouvertures. Les négociations se poursuivirent ainsi à la fois avec le Dauphin et avec le duc, pendant les premiers mois de 1419[86].

Sur ces entrefaites, Rouen, cédant à la nécessité, et après une lutte prolongée presque au delà des forces humaines par le patriotique courage de ses défenseurs, ouvrit ses portes aux vainqueurs. Les habitants avaient un moment espéré, en voyant, à la fin de novembre, le duc de Bourgogne conduire le Roi à Saint-Denis pour y prendre l'oriflamme, et s'avancer jusqu'à Pontoise. Mais la Cour, attendit paisiblement dans cette ville l'issue des négociations entamées[87]. On ne voit pas quelles purent être ces bonnes manières secrètes et profitables, dont parlait la chancellerie royale à la date du 7 décembre[88], pour très brièvement grever, tant par mer que par terre, l'adversaire et ancien ennemy d'Angleterre, et, en particulier, pour secourir Rouen. Une suprême démarche des Rouennais n'aboutit qu'à une nouvelle promesse, aussi peu observée que les précédentes. Vainement des gens d'armes et de trait, mandés de toutes parts[89], se réunirent à Beauvais : ils furent bientôt congédiés. Au commencement de janvier, le duc fit dire aux Rouennais de traiter, et, le 13, le jour même où était signée la capitulation, il quittait Beauvais avec le Roi, pour se replier sur Creil, Lagny et Provins. Évidemment la marche sur Rouen n'avait été qu'un prétexte pour faire sortir le Roi de la capitale, où sans doute le duc ne se trouvait pas maître assez absolu. Le mécontentement des Parisiens fut apaisé par l'engagement pris par le duc (19 janvier 1419), et violé quelques mois plus tard, de ne point emmener le Roi au delà de Provins[90].

A peine Rouen était-il tombé au pouvoir de Henri V que les négociations furent reprises : d'abord par le Dauphin, dont les ambassadeurs signèrent, le 12 février, un traité préliminaire, stipulant qu'une entrevue aurait lieu, le 26 mars, entre le Dauphin et le roi d'Angleterre[91] ; puis, au nom du Roi, par le duc de Bourgogne, dont les ambassadeurs conclurent à Vernon, le 7 avril, une trêve jusqu'au 15 mai, date à laquelle devait avoir lieu, entre les deux rois et le duc, une entrevue qui fut ensuite renvoyée au 29 mai[92].

Pendant le cours de ces négociations, et tandis que ses lieutenants poursuivaient les hostilités contre le parti bourguignon, d'une part sur les confins de la Champagne et de la Bourgogne, d'autre part sur les rives de la Seine du côté du Nivernais, et enfin dans le Lyonnais[93], le Dauphin s'était mis en campagne. Resserré au milieu de places qui obéissaient à ses adversaires, il lui importait de s'assurer la possession des provinces situées au centre de la France. Au commencement de novembre 1418, il s'avança jusqu'à Sully, qu'il força à capituler, et alla mettre le siège devant Tours, dont le capitaine, en se rendant au bout de cinq semaines (30 décembre), passa au parti du jeune prince[94]. C'est devant cette ville que Charles prit le titre de régent[95]. Tandis qu'il occupait les provinces du centre, La Hire et Saintrailles en Picardie ; Tanguy du Chastel dans l'Ile de France et le pays chartrain ; Ambroise de Loré et Guérin de Fontaine dans le Maine et le Perche ; Barbazan en Poitou, où il reprit Montberon, dont les Bourguignons s'étaient emparés, et dont le siège durait depuis le mois de septembre[96] ; Séverac dans le Languedoc, continuaient la lutte avec vigueur[97].

La prise de Rouen avait entraîné la soumission du pays de Caux et de toute la Haute Normandie[98]. Vernon, Mantes, Meulan, soumis dans les premiers jours de février[99], étaient autant d'étapes sur la route de Paris, que l'on s'attendait d'un moment à l'autre à voir prendre au roi d'Angleterre[100]. Les Parisiens s'émurent, et s'adressèrent au duc de Bourgogne, qui les assura ne s'être transporté sur les marches de Brie qu'afin de trouver, par maintes voyer et manières aysées, légères et convenables, ce qui était nécessaire et expédient pour la défense et le recouvrement du territoire et pour la sûreté de la ville de Paris, qu'il promettait de secourir avant la fin de mai s'il advenait qu'elle fût assiégée[101]. En même temps, pour donner consolation aux Parisiens, il leur envoya comme capitaine son neveu Philippe de Brabant, comte de Saint-Pol, un enfant de quatorze ans[102] ! La trêve du 7 avril arrêta les progrès des Anglais, qui venaient de réduire (6 avril), après un siège de près de deux mois, la forteresse de la Roche-Guyon ; il ne leur restait plus à soumettre, en Normandie, que Château-Gaillard, Gisors, et quelques places de peu d'importance.

Tout entier aux négociations qui allaient s'ouvrir, le duc reçut à Provins des ambassades du roi d'Angleterre, du duc de Bretagne, du duc de Savoie et de plusieurs princes étrangers. Mais s'il ne s'était jamais beaucoup préoccupé d'empêcher l'invasion de Henri V[103], il ne perdait pas de vue le Dauphin, contre lequel ses capitaines ne cessaient de lutter. Une habile négociation, dirigée par le cardinal Louis de Bar, verrait de porter un coup funeste à sa cause, en rapprochant du parti dauphinois — par le mariage projeté d'Isabeau, héritière du duché de Lorraine, avec René d'Anjou, héritier du duché de Bar — le duc de Lorraine, qui avait compté jusque-là parmi les adhérents au parti bourguignon[104]. Le duc Lit aussitôt partir un de ses lieutenants, Jean de Luxembourg[105], qui, à travers le Vermandois, le Laonnais et la Champagne, alla ravager les comtés de Bar et de Grandpré. Cette expédition lointaine accusait plutôt un désir de vengeance qu'un dessein Politiqué habilement concerté ; elle ne tourna pas au profit des Bourguignons : Jean de Luxembourg fut battu, et perdit même son étendard[106].

Le Dauphin Charles, qui voyait avec peine les progrès des Anglais, reprit, au commencement de mai, les négociations avec la Cour : il proposait une trêve de trois ans ; le duc de Bourgogne lui accorda seulement trois mois (14 mai). C'est avec Henri V qu'il voulait traiter, et il espérait faire sortir un accord des conférences qui allaient s'ouvrir à Meulan. La Reine y amena sa fille Catherine, dont les charmes produisirent sur Henri V une vive impression. Pendant plus d'un mois, les entrevues et les négociations se poursuivirent ; peu s'en fallut qu'on ne vint à une conclusion, car les préliminaires posés n'avaient pas soulevé de sérieuses objections[107]. Mais la principale difficulté consistait à traiter en dehors du Dauphin[108]. Les pourparlers durèrent jusqu'au 30 juin. Le duc rompit alors — du moins en apparence avec le roi d'Angleterre, et se décida à accueillir les Ouvertures du Dauphin. Le 7 juillet, il quittait Pontoise pour se rendre au Ponceau-Saint-Denis ; le lendemain, il eut une entrevue avec le jeune prince, près de Pouilly ; et le 11, après bien des hésitations, il signa une paix qui fut, le 19, promulguée par ordonnance royale[109].

La paix faite, il ne restait plus qu'à effacer les rivalités des partis, qui déjà commençaient à s'atténuer, et à préparer de concert la résistance aux Anglais. Henri V venait de reprendre l'offensive, et tandis que les Dauphinois lui enlevaient Pontorson et Avranches, il faisait assaillir Gisors et Saint-Martin-le-Gaillard[110], et attaquer les Bourguignons qui occupaient le Beauvaisis[111]. Le 31 juillet, une place importante fut prise : Pontoise tomba sans coup férir aux mains des Anglais[112].

La prise de cette ville, qui avait pour capitaine un des familiers du duc, le sire de l'Isle-Adam, souleva un cri général d'indignation contre ce prince, qu'on accusa tout haut de trahison. Il faut dire qu'au lieu de s'occuper de la résistance aux Anglais, Jean. sans Peur, à ce moment même, avait, au mépris de sa parole, repris avec eux ses pourparlers, et que, loin de chercher à protéger la capitale, devant laquelle parurent bientôt les coureurs anglais[113], il se dirigea de Saint-Denis sur Lagny, sans même entrer dans Paris, et gagna bientôt la Champagne. Arrivé à Troyes, il convoqua ses gens d'armes en grand nombre ; mais on put se demander si c'était bien contre le roi d'Angleterre et ses damnables entreprises que ces démonstrations militaires se faisaient, quand on le vit conserver ses troupes auprès de sa personne, comme pour lui former un imposant cortège pour le voyage, si longtemps différé, de Montereau, où une nouvelle entrevue devait avoir lieu entre lui et le Dauphin. Il y périt soudainement, le 10 septembre, ainsi qu'on le verra plus loin. Avec lui disparut un système politique auquel nous n'hésitons pas — conformément à l'avis des chroniqueurs les moins suspects — à attribuer les désastres de la France.

Jean sans Peur mort, deux influences restaient en présence au sein du parti bourguignon. Comme on l'avait vu lors des conférences de Meulan, il y avait les partisans de l'alliance dauphinoise et les partisans de l'alliance anglaise. Malgré les efforts des premiers, malgré les démarches actives faites par le Dauphin et ses conseillers[114], l'influence anglaise prédomina dans les conseils du nouveau duc. D'ailleurs, toutes les mauvaises passions furent mises en jeu[115], et l'on vit, à la tête du mouvement qui poussait la France aux mains d'Henri V, la propre mère de l'héritier du trône[116].

Tandis que le duc de Bourgogne se faisait Anglais, au grand déplaisir des bons Français et d'un certain nombre de ses partisans[117], le Dauphin, qui s'était replié sur la Loire, faisait, appel à ses gens de guerre[118], et préparait la résistance à la coalition anglo-bourguignonne, qui allait devenir formidable[119]. Il garnit ses places de gens de guerre, sous les ordres de capitaines expérimentés[120], et prit (21 décembre) le chemin du Languedoc, où la faction bourguignonne dominait encore presque complètement. Ce voyage à travers le Bourbonnais, le Lyonnais, le Dauphiné, l'Auvergne et le Languedoc, entraîna la ruine complète de l'influence bourguignonne dans le Midi. Charles rencontra peu de difficultés : Nîmes et le Pont-Saint-Esprit arrêtèrent seules un instant ses armes[121]. Quand il revint à Poitiers, le 8 juin 1420, il ne restait aux Bourguignons que trois plates de peu d'importance ; Aigues-Mortes, Sommières et La Mothe-sur-le-Rhône.

Si le Midi redevenait Français, le Nord était menacé de tomber bientôt tout entier au pouvoir des Anglais. Le Beauvaisis, le Laonnais, la Picardie furent attaqués simultanément[122], et, sauf un combat naval, où l'amiral de Braquemont remporta un avantage signalé sur les Anglais[123], les partisans du Dauphin eurent le plus souvent le dessous. A la fin dé février, le duc de Bourgogne, à la tête de forces considérables et avec un corps d'Anglais commandé par les comtes de Warwick et de Kent, venus tout ensemble comme auxiliaires et comme ambassadeurs, s'avança vers Troyes, où il arriva le 21 mars, après avoir pris Crépy sur son passage. Au commencement de mai, le roi d'Angleterre traversait Saint-Denis pour venir signer le fameux traité qui devait consommer l'abandon de la France à l'étranger. Le 20, Henri V entrait dans Troyes ; le 21, le traité était signé[124] : le roi d'Angleterre, régent pendant la vie de Charles VI, devenait roi de France, après sa mort, au préjudice du Dauphin, et recevait la main de Catherine de France. Des lettres de Charles VI prescrivirent de faire jurer partout le traité de Troyes ; mais le patriotisme français ne se soumit pas sans murmure à une loi aussi cruelle : plusieurs partisans du duc de Bourgogne refusèrent même le serment demandé[125].

Après le traité de Troyes, les hostilités furent poursuivies avec vigueur. Henri V avait célébré son mariage le 2 juin : dès le 4, il mettait le siège devant Sens, qui se rendit le 11 ; le 16, Montereau était assiégé et fut soumis le 24 juin ; Villeneuve-le-Roi et Moret tombèrent au pouvoir des Bourguignons ; enfin, le 7 juillet, commença l'investissement de Melun, qui devait, pendant plus de quatre mois, arrêter les forces anglo-bourguignonnes.

A son retour du Midi, le Dauphin trouvait donc la situation sérieusement compromise, et il lui fallait redoubler d'activité et d'énergie. L'arrestation déloyale du duc de Bretagne, accomplie par le comte de Penthièvre, et de connivence, parait-il, avec le gouvernement du Dauphin[126], avait achevé de détacher de sa cause ce prince, qui se disposait à jurer le traité de Troyes[127]. Charles ne perdit pas courage. Dès le 28 juin, il se remit en campagne, à la tête de 16.000 hommes[128] ; mais, deux mois plus tard, la mort imprévue du jeune comte de Vertus, qui avait organisé la campagne et qui commandait en chef, l'obligeait à rentrer dans ses cantonnements. On renonça à secourir Melun, devant lequel le roi d'Angleterre s'était établi dans une position formidable. La place capitula le 17 novembre. Le 1er décembre, Henri V faisait solennellement, avec Charles VI, son entrée dans Paris, au milieu des acclamations populaires[129]. Il y trôna insolemment, écrasant par son faste la Cour, hélas bien déchue, de l'infortuné Charles VI[130], et partit le 27 pour se rendre à Rouen, et de là en Angleterre, laissant derrière lui la famine, les exactions et les proscriptions[131].

Parmi les bannis, figurait le Dauphin, de France : ajourné à son de trompe le 3 janvier 1421 à la table de marbre, il fut, par arrêt du Parlement, banni du royaume et déclaré indigne de succéder à la couronne[132]. Mais cet acte inique ne fit que redoubler l'ardeur de Charles et de ses partisans. Il reçut à ce moment même un important renfort de troupes écossaises. L'absence d'Henri V fut mise à profit. Si, d'un côté, le duc de Clarence envahit et ravagea la Beauce, si Château-Thierry fut pris par les Bourguignons qui y firent La Hire prisonnier, les Dauphinois, à leur tour, soutinrent vaillamment la lutte dans le Beauvaisis, le Vermandois et le Santerre, et portèrent leurs ravages jusque dans le Hainaut et le Cambrésis. Bien plus, le duc de Clarence, ayant mis le siège devant Angers, le comte de Buchan et le maréchal de la Fayette se portèrent à sa rencontre, le forcèrent à se retirer, et livrèrent à Baugé une bataille où les Anglais furent taillés en pièces, laissant au nombre des, morts le frère de leur roi. Dans l'ivresse du triomphe, on crut que les armes françaises allaient renverser tous les obstacles[133]. Le duc d'Alençon et le comte d'Aumale se portèrent sur le Mont Saint-Michel[134]. Le comte de Buchan, nommé connétable, s'empara d'Avranches, qui avait été repris au mois de décembre par Salisbury, alla assiéger Alençon à la tête d'un corps d'armée, tandis que le Dauphin, après avoir conclu à Sablé une alliance nouvelle avec le duc de Bretagne, entrait en campagne avec une armée grossie d'auxiliaires bretons sous les ordres de Richard de Bretagne, et prenait successivement Montmirail, Beaumont, Bonneval et Galardon. Les Dauphinois occupaient encore les places voisines de Paris, et tenaient cette ville comme bloquée. Si Chartres, qui fut investi le 15 juin par une armée de 20.000 hommes, eût ouvert ses portes, le chemin de Paris était libre, et c'en était fait peut-être de la domination anglaise dans la capitale[135].

Mais, pendant que les Bourguignons de Chartres tenaient bon, Henri V veillait sur sa conquête. Débarqué à Calais le 10 juin, à la nouvelle du grave échec que ses armes avaient subi, il avait aussitôt envoyé à Paris un secours de 1.200 lances et ordonné à Suffolk et Glocester de s'avancer contre le Dauphin. Une épidémie, qui se déclara dans l'armée de Charles, le força à battre en retraite. Quand Henri V, après une rapide entrevue à Mantes avec le duc de Bourgogne, vint rejoindre ses lieutenants, le siège de Chartres était levé ; il trouva ses troupes assiégeant Dreux, qui se rendit le 20 août, après un siège d'un mois. La prise de Dreux entraîna la soumission d'un bon nombre de places voisines. Henri V se rendit à Chartres, attaqua Châteaudun, et rencontra l'armée française auprès de Vendôme. Mais il n'osa livrer bataille, se replia sur la Sologne qu'il ravagea, s'arrêta un instant devint Beaugency et devant Orléans, et voyant son armée décimée par la famine et l'épidémie, se replia sur Joigny et Villeneuve-le-Roi, dont il s'empara ; à la fin de septembre, il rentrait dans Paris, ayant perdu 4.000 hommes[136].

Le duc de Bourgogne fut plus heureux dans le Nord. Après avoir investi Saint-Riquier, il se trouva en présence de l'armée de, Jacques d'Harcourt, qui, se séparant d'une cause désormais confondue avec celle des Anglais, avait organisé la résistance dans le Ponthieu redevenu Français. Le seigneur d'Offemont, Saintrailles, Gamaches, Raoulet, etc., étaient venus de Picardie et de Champagne grossir les rangs de son armée[137]. La journée de Mons-en-Vimeu (30 août), bien que peu décisive, arrêta les progrès des partisans du Dauphin, et ses conséquences leur furent fatales. Saint-Riquier se rendit au mois de novembre, et Jacques d'Harcourt, bien qu'investi de la lieutenance sur les frontières de Normandie[138], ne devait pas tarder, sinon à déposer les armes, du moins à se tenir uniquement sur la défensive.

La France ne devait pas avoir un instant de répit en cette année terrible, marquée par la guerre, par la famine, par des maux de toutes sortes, et que les chroniqueurs appellent la plus forte année à passer que oncques homme veist[139]. A peine revenu de son expédition infructueuse, Henri V fit mettre le siège devant Meaux, la plus importante des places occupées encore par les Dauphinois autour de Paris. 24.000 hommes l'investirent le 6 octobre 1421, et la tinrent assiégée pendant sept mois. Le roi d'Angleterre établit devant cette ville son quartier général. On y vit le roi d'Écosse, qu'il traînait à sa suite dans l'espoir de détacher les troupes écossaises de l'armée du Dauphin ; on y vit le comte de Richemont qui, délivré de sa prison d'Angleterre, vint prêter serment à Henri V et le servir avec ses Bretons ; on y vit aussi le malheureux Charles VI, couvrant de son simulacre de royauté les actes et les violences de celui qu'on appelait l'héritier de France ; on y vit enfin le duc de Bourgogne, qui y fit acte de présence en se rendant dans son duché, où il n'avait point encore paru depuis la mort de son père. Chose digne de remarque, tandis que Philippe se montrait si empressé et si obséquieux, certains de ses partisans se refusaient toujours à subir le joug anglais. Le prince d'Orange, qui était venu trouver le duc en Artois avec un corps d'armée, le quitta plutôt que de se rendre à Meaux, où il aurait été obligé de prêter serment à Henri V[140]. Dans les rangs même des Anglais, des protestations s'élevaient : un chevalier dont le fils avait été tué pendant le siège, se retira en déclarant que contre Dieu et raison on vouloit priver Monseigneur le Dauphin du royaume qui devoit lui appartenir[141].

Cependant, de tous côtés régnaient fortes guerres et merveilleuses[142]. En Picardie, où Jean de Luxembourg avait été nommé capitaine général, avec Hue de Lannoy, créé maître des arbalétriers, pour auxiliaire, un corps d'Anglo-Bourguignons attaqua, à la fin de mars 1422, plusieurs places du Ponthieu et du Vimeu, et s'en rendit maître, malgré les efforts de Gamaches, de Saintrailles et de Jacques d'Harcourt[143]. En Champagne, La Hire fut vainqueur dans un engagement avec le comte de Vaudemont[144]. Un coup de main rendit un moment les Dauphinois maîtres de Meulan[145]. Dans le Midi, les châteaux de la Motte sur le Rhône et de Sommières furent pris sur les Bourguignons[146]. Enfin, dans le Nivernais, plusieurs places tombèrent au pouvoir des Dauphinois, et les frontières du Mâconnais et du Charolais furent sérieusement menacées[147].

La reddition de Meaux, signalée par de cruelles représailles et des actes de cruauté indignes du vainqueur[148], entraîna pour le Dauphin la perte d'un grand nombre de villes. Le sire d'Offemont, fait prisonnier devant Meaux au moment où il cherchait à pénétrer dans la place, obtint sa délivrance au prix d'un parjure, et fit ainsi passer à l'ennemi Offemont, Crépy, Pierrefonds et d'autres forteresses du comté de Valois. Les capitaines des frontières du Beauvaisis demandèrent à traiter : lé sire de Gamaches à Compiègne, Pierron de Luppé à Montaigu, Thiembronne à Gamaches, s'engagèrent à rendre ces villes dans un délai déterminé, s'ils n'étaient secourus. D'autres capitaines démantelèrent les places qu'ils occupaient et les abandonnèrent[149]. Peu après, Henri V s'avança jusqu'à Compiègne dans le dessein de réduire Le Crotoy, mais une conspiration qui éclata à Paris l'y rappela soudain. On se borna à adresser à Jacques d'Harcourt une sommation dont il ne tînt nul compte, et Warwick alla assiéger Saint-Valery, dont il ne tarda pas à s'emparer[150]. Il ne restait plus au Dauphin, dans le Nord, que Le Crotoy et Noyelles, occupés par Jacques d'Harcourt, et Guise, où se concentrèrent les garnisons qui, en évacuant leurs places, ne s'étaient point engagées à ne plus porter les armes contre le roi d'Angleterre[151].

C'est contre le duc de Bourgogne qu'étaient dirigés à ce moment les efforts du Dauphin[152]. Ce prince, après avoir parcouru la Bourgogne et la Franche-Comté, venait de quitter Dijon, quand il apprit qu'une armée imposante était entrée en Nivernais et avait mis le siège devant La Charité. Il reprit le chemin de la Bourgogne, où il arriva comme cette place venait de se rendre (20 juin). Cosne fut ensuite investie par les troupes dauphinoises, qu'on n'évaluait pas à moins de 20.000 hommes Le duc fit aussitôt appel à ses capitaines de Picardie, au roi d'Angleterre, au duc de Lorraine, qu'il venait de rallier à sa cause[153], et au duc de Savoie. — Croy, Lannoy, Jean de Luxembourg accoururent avec leurs gens de guerre. Henri V voulut marcher au secours du duc ; mais une indisposition le ramena à, Vincennes (7 juillet), où, après une nouvelle tentative, il dut rester, vaincu par la maladie qui le conduisit bientôt au tombeau. Bedford alla joindre le duc de Bourgogne, qui, à la tête de forces considérables, se trouva devant Cosne au jour fixé (12 août). Les armées restèrent trois jours en présence, séparées seulement par la Loire ; mais aucun engagement n'eut lieu. Philippe, se contentant d'avoir fait lever le siège de Cosne, se replia, après avoir tenté d'assiéger La Charité[154], sur Troyes et Paris, où il arriva au moment où Henri V rendait le dernier soupir (31 août).

La mort prématurée du vainqueur d'Azincourt, expirant à trente-cinq ans, au moment où son triomphe semblait assuré, portait un coup fatal à la cause anglo-bourguignonne. Les partisans du Dauphin, qui venaient de remporter un double succès dans une expédition dirigée en Normandie par le comte d'Aumale et le vicomte de Narbonne[155], et qui étaient également victorieux en Auvergne[156], poursuivirent la lutte avec une nouvelle ardeur. Le maréchal de Séverac envahit le Charolais à la tête de 20.000 hommes, s'empara de Tournus (23 septembre), et s'y établit, menaçant à la fois les deux Bourgognes[157]. Pendant ce temps, le Dauphin quittait Bourges et se portait sur La Rochelle, où les intrigues du duc de Bretagne faisaient craindre une révolte : sa présence, marquée par un accident qui faillit lui coûter la vie, rétablit le calme, et affermit les Rochelais dans une fidélité qui ne se démentit jamais.

C'est au retour de cette expédition que le jeune prince apprit la mort de son père, qui venait de terminer (21 octobre) à cinquante-quatre ans, sa triste carrière[158].

Charles VI était mort dans l'isolement. Quelques serviteurs fidèles, des gens de petit estat formaient toute la Cour du pauvre Roi[159]. A cette mort, le sentiment populaire, longtemps comprimé à Paris par la domination bourguignonne et anglaise, éclata. Beaucoup avaient vu avec peine le changement opéré[160]. Ah ! très cher prince, s'écriait-on, jamais n'aurons si bon, jamais ne te verrons ! Maldicte soit la mort ! Jamais n'aurons que guerre, puisque tu nous as laissé. Tu vas en repos ; nous demourons en toute tribulation et en toute douleur[161]. Quand le cercueil de Charles VI eut été déposé dans les caveaux de Saint-Denis, et que le roi d'armes de France eut répété l'antique formule : Dieu veulle avoir mercy de l'âme de très hault, très excellent et très puissant prince, Charles, Roy de France, nostre naturel et souverain seigneur ! un autre cri retentit sous les voûtes de la vieille basilique où reposait du Guesclin : Dieu doint bonne vye à Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'Angleterre ! Puis les sergents relevèrent leurs masses surmontées de fleurs de lys qui apparaissaient comme par dérision, et l'on entendit ce cri, poussé à une voix par les François-Anglois, comme parle un historien du temps[162] : Vive le Roy ! vive le Roy Henry ![163]

L'oraison funèbre de Charles le Bien-Aimé a été faite en ces termes par un prélat contemporain : Bien lui est pour vray ce nom donné, car de tous les hommes qui estoient en son temps, grans et petis, ne fut oncques plus humain de lui, plus clement ne plus amiable... En ses parolles ne profera oncques villain mot d'aultrui. En ses fais il se delitoit faire bien et plaisir à chascun[164].

 

 

 



[1] Monstrelet, t. III, p. 161 ; Chronique anonyme, publiée par M. Douët-d'Arcq à la suite de son édition de Monstrelet, t. VI, p. 230.

[2] Monstrelet, p. 162-164 ; Jouvenel des Ursins, ap. Godefroy, Historiens de Charles VI, p. 335, etc. Nous reviendrons sur ce point, qui mériterait un examen approfondi.

[3] Monstrelet, t. III, p. 168. Jusque-là il parait que le comte avait refusé de lui bailler le gouvernement de Mgr le Dauphin. Berry, ap. Godefroy, p. 432.

[4] Voir Monstrelet, t. III, p. 168. Le comte dit en plein conseil qu'il mectroit ensemble le Daulphin et le duc de Bourgongne dedens Paris, ou il remenoit icellui Daulphin en son pays de Haynnau.

[5] Voir, sur cet événement, le Religieux de Saint-Denis, t. II, p. 60 ; Monstrelet, t. III, p 168 ; Pierre de Fenin, p. 69-70 ; Chronique anonyme, dans Monstrelet, t, VI, p. 234 ; Jouvenel, p. 335 ; Berry, p. 462 ; Le Fèvre de Saint-Remy, éd. de M. Fr. Morand, t. I, p. 289, et la nouvelle édition du Journal d'un bourgeois de Paris que vient de donner M. Tuetey, et où il consacre une longue note à la mort de Jean (p. 76). — La Reine avait envoyé, du Bois de Vincennes, le médecin du dauphin, Jean Cadart, à Compiègne ; il arriva sans doute trop tard ; on lui paya six francs pour son voyage le 12 avril. (KK 49, f. 52 v°.) Jean sans Peur, dans ses lettres du 25 avril (Godefroy, Annotations aux historiens de Charles VI, p. 681, et D. Plancher, t. III, p. CCCV), formule l'accusation d'empoisonnement, qui a été reproduite par les auteurs bourguignons. M. Vallet de Viriville repousse cette version ; il croit que la maladie qui emporta le jeune prince était une fistule à l'oreille (Histoire de Charles VII, t. I, p. 24, note 2). M. Tuetey rappelle (p. 76, note 2) le démenti public infligé au duc par le Parlement et l'ordonnance portant que les lettres, après avoir été déchirées en la Cour, seraient rompues et arses publiquement en la ville de Paris.

[6] Mémoires de Pierre de Fenin, p. 90.

[7] Elle était tellement podagre qu'elle se faisait traîner dans une chaise roulante. Voir Isabeau de Bavière, par M. Vallet de Viriville, p. 25.

[8] Voir Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 76-80 ; Monstrelet, t. III, pp. 174, 184-85, 193 et 197 ; Saint-Remy, t. I, p. 291 ; D. Plancher, Hist. de Bourgogne, t. III, preuves, p. CCCIII ; Chéruel, Rouen sous la domination anglaise, p. 23 ; Beauvillé, Histoire de Montdidier, t. I, p. 133. — Le manifeste du 25 avril est en original aux Archives (J 963, n° 7), et est exposé parmi les pièces du musée.

[9] Sur cette coïncidence, voir les Cronicques de Normendie, publiées par M. Hellot, p. 30-31.

[10] Voir, sur l'armée du duc, D. Plancher, Hist. de Bourgogne, t. III, p. 468 et 472-75.

[11] A Rouen, où l'insurrection bourguignonne éclata au commencement de juillet ; à Nogent-le-Roi, dans le comté de Chartres, assiégé en même temps, et qui capitula le 18, s'il faut en croire D. Plancher (t. III, p. 469) ; à Saint-Florentin, près d'Auxerre, vers le 20 juillet (Berry, p. 432) ; à Troyes, le 1er août (Archives de l'Aube, par M. Vattel de Viriville, p. 6-7).

[12] M. Vallet de Viriville, trompé par la Chronique normande de Pierre Cauchon, place le débarquement à La Hougue-Saint-Vaast, au lieu de Touques, tout en racontant les faits militaires accomplis à Touques et aux environs (t. I, p. 56).

[13] Voir un très curieux plan de campagne du duc, publié par M. Kervyn de Lettenhove, d'après le ms. fr. 1278, f. 58, dans son édition de Chastellain (t. I, p. 324 note et s.). Ce document, dont il ne détermine pas la date, est du 17 septembre 1417, le duc étant en son ost devant Barsailles (Versailles).

[14] Bayeux capitula vers le 19 septembre ; Séez le 9 octobre ; Argentan le 12 ; Alençon entre le 22 et le 27. Voir les notes de la nouvelle édition des Cronicques de Normendie, données par M. Hellot, p. 203.

[15] Par quoy on imaginoit bien et faisoit conclurre qu'il estoit allié des Anglois. Jouvenel des Ursins, p. 340. — Ceux mesmes qui avoient affection pour luy estoient très mal contens, dit encore cet auteur.

[16] Monstrelet, t. III, p. 218. Cf. Pierre de Fenin, p. 79 : Y fut grant temps (à Montrouge) cuidant que ceux de Paris le meissent ens.... Mais ceux qui tenoient son party ne peurent onxqez voier leur point de faire leur entreprinse pour le temps.

[17] La plupart des historiens prétendent que ce fut la Reine qui prit l'initiative, mais ce que disent le Religieux de Saint-Denis et Jouvenel donne lieu de penser que les premières ouvertures furent faites par le duc (Voir le premier, t. VI, p. 140, et le second, p. 343).

[18] Monstrelet, t. III, p. 229.

[19] Pierre de Fenin, p. 81-83.

[20] Voir Ordonnances, t. VIII, p. 577, et les lettres de la Reine aux villes de France, en date du 11 novembre 1417, dans Monstrelet, t. III, p. 9.33. — Les pouvoirs autrefois donnés à la Reine avaient été révoqués par lettres de Charles VI du 14 juin 1417.

[21] Environ la Toussaint. Chronique de Jean Raoulet, ap. Chartier, éd. de M. Vallet de Viriville, p. 160.

[22] Dom Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 442.

[23] Religieux, t. VI, p. 136, 154 ; Jouvenel, p. 337, 345 ; Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 243 ; Fenin, p. 82 ; Berry, p. 434.

[24] Mesme par Paris, pour ce qu'il avoit sauvé la ville, on l'appeloit le Sauveur. Jouvenel, p. 344.

[25] Ordonnances, t. X, p. 424. Le Dauphin exerçait les fonctions de lieutenant général depuis le mois de mai.

[26] Rymer, t. IV, part. III, p. 24. La trêve expirait à la Saint-Michel 1418. Cf. Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 164, et Jouvenel, p. 317 ; voir aussi Elmham, Vita Henrici V, p. 124-25.

[27] Rymer, t. IV, part. III, p. 23. Cf. Jouvenel, p. 338-345.

[28] Ordonnances, t. X, p. 427 ; Besse, Recueil de diverses pièces servans à l'histoire de Charles VI, p. 147.

[29] Documents pour servir à l'histoire de Lyon (Lyon, 1839, in-8°), p. 114. D'autres lettres closes furent encore envoyées à la date du 28 novembre (p. 119).

[30] Toutes gens d'église, nobles, chevaliers et escuyers, bourgeois et habitants des bonnes villes et cités et autres nos vassaux et subjects quelconques, disent les lettres du 24 décembre. Félibien, Histoire de Paris, t. V, p. 260. Cf. Religieux, t. VI, p. 146.

[31] Lettres du 24 décembre (Félibien, Histoire de Paris, t. V, p. 260).

[32] Cousinot, Geste des Nobles, p. 167.

[33] C'était comme un entraînement irrésistible en sa faveur, et l'on a peine à comprendre la persistance d'une telle popularité. Tout le monde aurait volontiers crié, comme les assiégés de Senlis en mars 1418 : Vive l'illustre duc de Bourgogne, qui a aboli maltôtes royales et rendu au pays ses antiques libertés ! (Voir Religieux, t. VI, p. 186.)

[34] Le 23 décembre, un sauf-conduit était délivré par Henri V à Regnault de Chartres et à Robert de Tulières pour se rendre près de lui ; le 1er janvier, Guillaume de Meullion, La Fayette et autres en recevaient un pour quitter Falaise avant le 9. Rymer, t. IV, part. III, p. 33 ; Léchaudé d'Anisy, Grands Rôles, t. I, p. 243.

[35] Lieutenant dudit seigneur en ceste partie : c'est le titre qu'il prend dans des lettres du 14 janvier, données à Sainte-Catherine-lez-Rouen (Clairambault, 123, p. 503). Rouen était passé aux Bourguignons le 12, d'après Pierre Cochon.

[36] Ms. fr. 26042 (Quittances, 51), n° 5227, 37, 41, 52 et 60, et 5322 ; Pièces originales, 632 et 184 : CELESTZ et BAR.

[37] Ms. fr. 7858, f. 325, où se trouve, à la suite de ces deux lettres des 28 janvier et 1er février, l'énumération de tous les gens de guerre retenus pour servir sous leurs ordres.

[38] Voir Catalogue Joursansault, n° 2968 et s. Quittances, 51, n° 5258 ; Archives, K 59, n° 2058.

[39] Falaise, le 20 décembre (reddition le 2 janvier), et le château le 1er février 1418 (reddition le 16) ; Vire, le 21 février ; Courtonne, le 6 mars ; Chambrais, le 9 ; La Rivière-Thibouville, le 11 ; Saint-Lô, le 12 ; Coutances et Carentan, le 16 ; Saint-Sauveur-le-Vicomte, le 25. — Le 27 février, le duc de Clarence était investi des vicomtés d'Auge, Orbec et Pont-Audemer.

[40] Voir Cousinot, p. 168.

[41] C'est ce que reconnait M. Vallet, t. I, p. 97. — Nous reviendrons plus loin sur ces négociations.

[42] Voir Jouvenel, p. 348.

[43] Auderent pauci, plures vellent, omnes paterentur. Tacite, Hist., I, XXVII.

[44] Relation de Nicolas de Baye, dans Félibien, t. IV, p. 566-67 ; Jouvenel, p. 348-49 ; Chronique anonyme, p. 255 ; Monstrelet, t. III, p. 261 ; Berry, p. 435 ; Religieux, t. VI, p. 332 ; Cousinot, p. 168 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 88 ; Extrait des Registres capitulaires de Notre-Dame, cité par M. Tuetey, p. 90, note 3.

[45] Voir Religieux, t. VI, p. 232 et s. ; Monstrelet, t. III, p. 262 et s. ; Chronique anonyme, L. VI, p. 255 ; Fenin, p. 90 ; Jouvenel, p. 349. Il faut remarquer ce que dit Monstrelet : Les seigneurs dessusdiz (les capitaines bourguignons) avecques leurs gens et infiny peuple de Paris avecques eulx, fouillèrent plusieurs maisons des gouverneurs dessusdiz et de leurs favorisans, lesquels ils prindrent et desrobèrent de tout point... Voir, sur le nombre des victimes, le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 91, et sur les confiscations, les Registres du trésor des Chartes, Archives, JJ 170, pièce 150 (29 mai 1418).

[46] Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 255.

[47] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 97.

[48] Quod sane et sarracenica crudelitas horruisset. Religieux, t. VI, p. 248.

[49] Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 271.

[50] Toutes foix moult estoient emerveillez de veoir faire celle desrision, mais rien n'en osoient dire fors : Mes enfans, vous faictes bien. Monstrelet, t. VI, p. 271. — Il y est là des scènes comme celles qui devaient se renouveler les 2 et 3 septembre 1792. Le Religieux de Saint-Denis rapporte (t. VI, p. 246), que les prisonniers, répondant à l'appel de leur nom et se penchant pour traverser le guichet, tombaient sous les coups des bourreaux et étaient traînés vers le cloaque le plus voisin. Quelques officiers du Roi tentèrent en vain de résister ; ils furent taillés en pièces et massacrés avec les prisonniers. Religieux, t. VI, p. 248.

[51] C'est le chiffre donné par un auteur bourguignon généralement bien informé. Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 260.

[52] Voir Monstrelet, t. III, p. 265 ; Chronique anonyme, t. VI, p. 257 ; Fenin, p. 91-92.

[53] Chronique anonyme, t. VI, p. 256.

[54] Religieux, t. VI, p. 242 ; Monstrelet, t. III, p. 266-89 ; Chron. anon., t. VI, p. 257-59 ; Fenin, p. 91-92.

[55] Voir D. Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 444 et s. et 592.

[56] D. Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 444 et s. et 592.

[57] Berry, p. 435 ; Monstrelet, t. III, p. 264, etc.

[58] Commença de toutes pars à faire guerre. Monstrelet, t. III, p. 278. — La demoura (Tanguy) par longtemps, en menant grosse guerre el nom dudit Daulphin. Chron. anon., t. VI, p. 257. — Mondit sgr le Dauphin laissa ses gens d'armes à Meaux, Melun, Coucy, Guise et en plusieurs autres lieux et fortes places. Berry, p. 435. Cf. Jouvenel, p. 353 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 102, etc.

[59] Voir les lettres adressées aux Lyonnais en date des 13 et 29 juin 1418, dans Documents pour servir à l'histoire de Lyon, p. 161 et 125. Lettres en faveur de l'Auvergne, en date du 9 juillet. Ordonnances, t. X, p., 455.

[60] Histoire de Charles VII, t. I, p. 129.

[61] Le 18 juin 1418, Henri V donnait pouvoir à Gaillard de Durfort, Bernant de Lesparre et Jean Saint-Jehan, de recevoir l'hommage et le serment de fidélité de Jean, fils du comte d'Armagnac, de Bernard, son frère, et de Charles d'Albret (Rymer, t. IV, part. III, p. 56). Le même jour, il ordonnait aux trois seigneurs investis de ce pouvoir d'obéir au jeune comte et aux deux autres, une fois qu'ils auraient prêté serment (id., ibid.).

[62] Le 17 juillet, Charles d'Albret déclare avoir conclu une trêve avec le roi d'Angleterre (Id., Rymer, l. c., p. 58). Le 15 octobre, Henri V approuve les trêves conclues avec le comte d'Armagnac et Charles d'Albret (id., p. 67). — Par un traité en date du 16 novembre 1418, les comtes d'Armagnac et de Foix, le seigneur d'Albret, le comte d'Astarac, Bernard d'Armagnac et Mathieu de Foix s'unissaient par une ligue. Voir cet acte curieux dans la collection Doat, vol. 213, fol. 6.

[63] Le 7 août, le Dauphin faisait donner 100 l. t. à Jean de Montant, seigneur de Benac, tant pour soy deffraier des grans frais, missions et despens par lui et ses gens faiz en venant par le commandement et ordonnance de notre dit cousin (le comte de Foix) dudit lieu de Foix, par divers et estranges chemins, pour éviter les ennemis et adversaires de mondit seigneur et de nous estant sur le pays en plusieurs et divers lieux, par devers nous, en nostre pays de Touraine, nous dire et exposer de par lui certaines choses touchans le bien de mondit seigneur, de nous et de son dit royaume, etc. Clairambault, Titres scellés, vol. 181, p. 6449.

[64] D. Vaissète, t. IV, p. 447-48.

[65] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 113. En icelui temps, on attendait Mgr de Bourgogne de jour en jour, et si n'estoit homme qui peut savoir au vray où il estoit (p. 99). Cf. Religieux, t. VI, p. 252, et Chron. anon., l. c., p. 258.

[66] On peut voir, sur cette entrée, une curieuse relation publiée par M. l'abbé U. Chevalier dans son Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné (1871, in-8°), p. 247, et reproduite par M. Aug. Longnon, dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Paris, t. II (1873), p. 101-109.

[67] Voir Jouvenel, p. 353 ; Religieux, t. VI, p. 252 et s. ; Raoulet, à la suite de Chartier. t. III, p. 163 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 104.

[68] Voir Jouvenel, p. 351 ; Fenin, pp. 92, 94-95 ; Monstrelet, t. III, p. 273 ; Chron. anon., t. VI, p. 257 et 261.

[69] Voir Monstrelet, t. III, p. 274, et Fenin, p. 95 : Le Roy Charles estoit content de tout ce que le duc Jehan vouloit faire et n'y mettoit nul contredit.

[70] 19 juin. Don de 12.000 livres au comte de Charolais en dédommagement de ses frais pour la levée du siège de Senlis. — 21 juillet. Don de l'hôtel du connétable d'Armagnac au comte de Charolais et à sa femme. — 24 juillet. Don de 2.000 l. au duc pour l'aider à réparer son hôtel d'Artois. — 8 août. Transport des châtellenies de Péronne, Roye et Montdidier au comte de Charolais. — 12 août. Retenue du duc, aux gages de 4.000 l. par mois, avec 4.000 h. d'armes et 2.000 h. de trait. — 29 août. Lettres de sauvegarde accordées au duc. — 9 septembre. Don de 2.000 l. au duc. — 22 septembre. Don de 1.000 l. à la comtesse de Charolais pour avoir des draps d'or et de soie. — Le 26 septembre, le duc prend une mesure qui montre qu'il savait mettre ces largesses à profit ; il donne commission pour racheter toutes les terres de son domaine aliénées pendant les troubles.

[71] Ordonnances, t. X, p. 456. Les termes de ces lettres valent la peine d'être cités : ... Et il soit ainsi que il ait pieu à Dieu, par sa divine puissance, faire terminer aucuns des debas dessusdis et nous avoir admené nostre dit cousin, vrai champion, protecteur et défendeur de nostre dit royaume, lequel, pour nous servir et resister à l'entreprinse de nos anciens ennemis les Anglois, qui desjà, par le fait et coulpe d'aucuns qui se sont entremis du gouvernement de nous et d'icellui nostre royaume et autres euh disans nos amis, sont entrez en nostre dit royaume si avant comme chascun peut savoir, nous ait admené grande et notable compagnie de seigneurs, chevaliers, escuyers et autres gens de guerre..., lesquels... n'ont encore eu aucun payement ou satisfaction, ne ne pevent encore avoir prestement, au moins en telle habondance comme mestier seroit, sans l'aide desdictes confiscations et forfaictures, qui est la plus expédient et dere voye que l'on puist presentement sur ce adviser pour contenter les dessusdis.

[72] Ordonnances, t. X, pp. 459, 461, 462, 463 et 464. Les considérants de la première de ces lettres (22 juillet 1418) contiennent ce passage : Par justice les Roys règnent et prend fermeté et permanence perpetuelle la seigneurie des royaumes, et par ce moyen se joignent Justice et Paix regnans ensemble.

[73] Ordonnances, t. X, p. 468 et s.

[74] Voir les auteurs du temps, et en particulier le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 106 et s. — Qui eust laissé faire les communes, dit l'auteur (p. 112), il n'y eust demeuré Arminac en France en mains de deux moys qu'ilz n'eussent mis à fin.

[75] La campagne avait débuté par la soumission de Lisieux, de Harcourt et du Bec-Hellouin (Cronicques de Normendie).

[76] Caudebec fut pris le 9 septembre.

[77] Lettres du 5 juillet 1418. Fontanieu, 109-110, f. 494. Cf. Chéruel, Histoire de Rouen sous la domination anglaise, pièces justif., p. 22. — Dans cette somme étaient comprises les réparations à faire aux fortifications.

[78] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 95.

[79] Les Rouennais le sentaient bien. Aussi, avant même d'être assiégés, faisaient-ils observer au comte de Charolais qu'ils avoient fait obéissance au duc de Bourgongne en délaissant le Roy, son filz le Daulphin, le connestable et tous autres, et mis principalement en lui toute leur esperance, sachans que s'ilz failloient à son secours ilz avoient failli à tous autres. (Monstrelet, t. III, p. 250.)

[80] Monstrelet, t. III, p. 281 ; Chron. anon., t. VI, p. 261.

[81] Monstrelet, t. III, p. 293-94. Cf. lettres du 24 septembre 1418, par lesquelles le Roi augmente, pour frais de guerre, les impôts sur les vins à Châlons-sur-Marne (Ind. Barthélemy, Hist. de Châlons-sur-Marne, p. 175).

[82] Lettres du 4 octobre (Ordonnances, t. X, p. 482. Cf. Monstrelet, l. c., et Religieux, t. VI, p. 292). Nous, disent les lettres, desirans sur toutes choses mondaines donner resistance contre nostre dit adversaire et ancien ennemy et ses diz adherans, aliez et complices, et tant pour secourir nostre dicte ville de Rouen et le recouvrement de toutes autres occupées par nostre dit adversaire, comme pour la salvacion de celles qui sont en nostre obéissance, et affin que nostre peuple puisse vivre et demourer en paix et transquillité, pour faire et entretenir notre dicte armée, avons voulu et ordonné, etc. (p. 483-84).

[83] Lettres du 7 décembre (Ordonnances, t. X, p. 501). Le 9 décembre on fait six vidimus de lettres du Roi donnant pouvoir au chancelier et autres de faire finance de la somme de cent mille francs pour le fait de l'armée contre les Anglais (Pièces originales, 679 : CHARITÉ).

[84] Le 6 octobre, des lettres royales portaient désaveu de tout ce que le cardinal de Cambrai et autres théologiens avaient fait au concile de Constance pour soutenir la sentence de l'évêque de Paris contre Jean Petit (laquelle fut cassée par le concile). Ordonn., t. X, p. 485. — 5-6 octobre. Dons de biens ou d'argent à des seigneurs bourguignons. 12 octobre. Lettres ratifiant tout ce que la Reine et le duc ont fait pendant la durée de leur administration. — Octobre. Don au duc et à la duchesse de Brabant de l'hôtel du Porc-Épic, à Paris.

[85] Le 27 octobre, le carme Eustache de Pavilly vint, au nom des Rouennais, crier contre le duc le grant haro, et lui déclarer que s'ils devenaient Anglais faute de secours, il n'aurait par tout le monde pire ennemis qu'eux, et qu'ils détruiraient, s'ils le pouvaient, lui et sa postérité. Monstrelet, t. III, p. 494. Cf. Religieux, t. VI, p. 298, et Cousinot, p. 175. Voir aussi les Cronicques de Normendie, p. 42 ; Fenin, p. 104 ; Jouvenel, p. 356 ; Berry, p. 438 ; Th. Basin, t. I, p. 33, et l'Histoire de Charles VII de M. Vallet, t. I, p. 116 et s.

[86] Voir plus loin, chapitre VIII.

[87] Allerent loger à Pontoise, dit l'auteur du Journal d'un bourgeois de Paris, et là furent jusques à trois sepmaines après Noël sans riens faire, senon manger tout le pays d'autour... Ne oncques le duc de Bourgongne ne les siens ne s'avancèrent aucunement de contester aux Engloys ne Arminaz (p. 119).

[88] Lettres portant commission pour vendre et engager les terres du domaine et les joyaux de la couronne jusqu'à concurrence de 10.000 livres (Ordonnances, t. X, p. 501).

[89] Le duc de Lorraine lui-même avait été mandé : on a conservé les lettres signées du Roi qui lui furent adressées à la date du 31 décembre 1418. Collection de Lorraine, vol IX, n° 14.

[90] Fabien, Histoire de Paris, t. V, p. 262 ; Appendice aux Mémoires de Pierre de Fenin, p. 287.

[91] Voir lettres des 21, 22 et 31 janvier, et 12 février, dans Rymer, t. IV, part. III, pp. 84, 85, 86 et 91. La trêve comprenait les pays situés entre la Loire et la Seine, la Normandie exceptée.

[92] Voir lettres des 14 et 23 février, 17, 26 et 28 mars, 7 et 22 avril, dans Rymer, t. IV, part. III, pp. 92, 94, 95, 99, 102, 103, 104, 109, 110 et 115.

[93] Ce mouvement avait commencé dès la fin d'août. Voir D. Plancher, t. III, p. 497. La duchesse de Bourgogne, à la date du 13 novembre, était fort inquiète du côté de la Loire. Comptes de Dijon, dans Collection de Bourgogne, 57, f. 282 et 307.

[94] Moyennant finances, il est vrai. Voir Jouvenel, p. 354-55 ; Cousinot, p. 174-75 ; Berry, p. 436 ; Raoulet, p. 164 ; Monstrelet, t. III, p. 293 ; Chron. anon., t. VI, p. 243.

[95] Nous établirons plus loin à quelle date Charles prit ce titre.

[96] Il ressort des lettres du Dauphin du 24 septembre 1418, que le siège était en pleine activité à cette date ; d'un autre côté, Berry dit formellement (p. 436) que c'est après le siège de Tours, où d'ailleurs Barbazan était présent, que ce capitaine prit Montberon (Cf. Jouvenel, p. 356).

[97] Voir Monstrelet, t. I, p. 313 et 315 ; Jouvenel, p. 357-59, etc. — En mars 1419, Amaury de Séverac est chargé de rassembler le plus grand nombre possible de gens de guerre. Chartes royales, à la Bibl. nat., vol. XIV, n. 1.

[98] Voir notes des Cronicques de Normendie, p. 212.

[99] Cronicques de Normendie, p. 47 ; Religieux, t. VI, p. 210 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 121 ; Cousinot, p. 176.

[100] En mars, les coureurs anglais venaient jusqu'à Saint-Cloud. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 153.

[101] Lettres du 19 janvier, citées plus haut.

[102] Voulans, disaient les lettres de nomination, pourvoir à la sûreté d'icelle (ville) en notre absence et en l'absence de nostre cousin de Bourgogne, qui est en nostre compaignie. Le pouvoir passait de fait aux mains de quatre chevaliers bourguignons qui formaient comme le Conseil du jeune comte. Celui-ci était nommé en même temps lieutenant général dans la prévôté de Paris, la Normandie, la Picardie, etc. D. Félibien, Hist. de Paris, t. V, preuves, p. 561.

[103] Que pouvait-il craindre, en effet, lorsque le seul prince français qui fût puissant, le duc de Bourgogne, était son ami ? Michelet, Hist. de France, t. IV, p. 331. — De vaines et pompeuses paroles, des démonstrations inefficaces et dérisoires, voilà tout ce que le royaume en péril obtint de son dévouement. Vallet de Viriville, t. I, p. 142.

[104] Traité du 20 mars 1419. — Le Roi René, par M. Lecoy de la Marche, t. I, p. 55-56.

[105] Le duc avait récemment (23 novembre 1418) ménagé l'alliance de Jean de Luxembourg avec Jeanne de Béthune, veuve de Robert de Bar, comte d'Aumale et de Soissons, afin d'avoir ainsi à sa discrétion les terres de Robert de Bar. Voir Monstrelet, t. III, p. 297.

[106] Monstrelet, t. III, p. 317-18.

[107] Voir sur ces conférences les pièces qui se trouvent dans Rymer, t. IV, part. III, p. 120 et s. ; Monstrelet, t. III, p. 320-21 ; Chron. anon., t. VI, p. 268-70 ; Jouvenel, p. 364 et s. ; Elmham, Vita Henrici V, ch. LXXVI et s. — La Reine, en écrivant le 20 septembre 1419 à Henri V, disait : Combien que les offres que lors nous faisiez nous fussent assez agréables.

[108] C'est ce qu'on peut voir par cette même lettre, qui nous dévoile le fond des choses ; nous la reproduisons plus loin (chapitre VI).

[109] La Barre, t. I, p. 255-58. Cf. Religieux, t. VI, p. 334, et Abrégé français du Religieux, à la suite de J. Chartier, t. III, p. 220.

[110] Religieux, t. VI, p. 348 ; Abr. franc., p. 221 ; Monstrelet, t. III, p. 334-36 ; Jouvenel, p. 368 ; Cronicques de Normendie, p. 51 et 54.

[111] Voir, sur l'expédition du comte de Huntington, capitaine de Gournay, Monstrelet, t. III, p. 336.

[112] Voir en particulier Monstrelet, t. III, p. 232. — Henri V se servit pour cette surprise des connaissances spéciales de ceux de ses ambassadeurs qui avaient été envoyés à la Cour alors qu'elle était à Pontoise.

[113] Le 9 août. Voir Monstrelet, t. III, p. 330, et Journal d'un bourgeois de Paris, p. 128.

[114] Nous croyons avoir été le premier à mettre ce point en lumière, en publiant les pièces émanées du Dauphin et par lesquelles il sollicitait le jeune duc de rester fidèle aux conventions faites à Pouilly. Voir Revue des questions historiques, t. V (1868), p. 220 et s.

[115] De nombreux documents montrent comment le meurtre de Jean sans Peur fut exploité par la faction bourguignonne, et comment une version mensongère fut lancée, de façon à donner le change à l'opinion.

[116] Voir plus loin, chapitre V.

[117] Voir l'improbation du Parlement au traité d'Arras, dans Du Puy, vol. 267, fol. 14. Voir, sur les divisions qui régnaient à ce sujet, dans le Conseil, Religieux, t. VI, p. 386 et s., et Abr. franc., p. 233. — Cf. Jouvenel, p. 377. — Le capitaine bourguignon de Beaumont-sur-Oise refusa de livrer la place, que let Parisiens, enragés partisans de Henri V, voulaient remettre aux Anglais (Religieux, p. 388).

[118] Gens d'armes de toutes parts à venir devers lui. Monstrelet, t. III, p. 37.

[119] Dès le commencement de décembre, le duc Philippe commença ses préparatifs militaires. A partir de ce moment, les Anglais qui, comme le remarque Chastellain, fort se commençaient à esbaudir sous la vertu de l'alliance et en voye d'entreprise du Roy et du duc de Bourgogne avec eux, se joignirent aux Bourguignons dans les opérations militaires. Ils avaient une telle arrogance, qu'ils croyaient conquérir bientôt toute la France. Voir Chastellain, t. I, p. 102. Cf. Monstrelet, t. III, p, 365 et 371 ; Abrégé français du Religieux, p. 534, etc.

[120] Barbazan à Melun, Guitry à Montereau, Gamaches à Compiègne, La Hire et Saintrailles en Vermandois, le bâtard de Vaurus à Meaux, Maurigon d'Estissac à Dreux. Le bâtard d'Alençon reçut 1.000 livres le 2 janvier 1420 pour les dépenses de la guerre. Il était le mois suivant sur la flotte qui battit les Anglais. En mai 1420, Bernard d'Armagnac était lieutenant général sur le fait de la guerre en Guyenne, au delà de la Dordogne. Monstrelet, t. III, p. 360 et 381 ; Chastellain, t. I, p. 120 ; Lettres dans Chartier, t. III, p. 249, note ; Clairambault, vol. 45, p. 3359 ; et 62, p. 4959 ; Ms. fr. 20372, fol. 40 ; D. Vaissète, t. IV, p. 455 ; Chartes royales, XIV, n° 3 et 13.

[121] Voir D. Vaissète, t. IV, p. 451 et s.

[122] Siège et prise de Roye, décembre-janvier ; siège d'Aumale, fin décembre ; prise de Fontaine-Lavaganne (Oise), janvier ; prise de Demuin (Somme), décembre-janvier ; siège du Tremblay (Seine-et-Oise), janvier ; attaque de Clermont-en-Beauvaisis, janvier ; siège de Crépy, 26 février-10 mars. Voir Monstrelet, Chronique anon., Fenin, Chastellain, Religieux, Abrégé français, passim.

[123] Au mois de janvier, la flotte castillane et française, commandée par l'amiral de Braquemont, défit la flotte anglaise près de La Rochelle. Voir Religieux, t. VI, p. 398 ; Jouvenel, p. 374 ; Dom Morice, t. I, p. 476. — Le 24 janvier 1420, Charles étant à Lyon donne 100 l. t. Sanche de Sandry, écuyer espagnol, tant en considération de ses services en ruinée d'Espagne, sur la mer, que pour avoir apporté la nouvelle de la victoire navale (Chartes royales, XIV, n° 5).

[124] Voir le texte dans les Ordonnances, t. XI, p. 86.

[125] Saint-Remy constate (p. 446 ; je cite l'édition du Panthéon littéraire, le tome II de celle de M. Morand n'ayant point encore paru) qu'il fallut que le duc enjoignit à plusieurs de ses partisans de jurer le traité. Guy de la Trémoille, comte de Joigny, refusa le serment et déclara à ses sujets qu'il punirait de mort quiconque prêterait ce serment sacrilège (Voir, à ce sujet, Lettres des Rois, etc., t. II, p. 379).

[126] Nous reviendrons plus loin sur cet épisode.

[127] Voir Rymer, t. IV, part. n, p. 182, 183, 184, 187. D'autres princes ou grands seigneurs se rapprochèrent aussi du roi d'Angleterre : le 14 juillet, des ambassadeurs de Charles VI allaient trouver le roi de Navarre et le comte de Foix pour les faire entrer dans l'alliance anglaise (D. Vaissète, t. IV, p. 454). Le 17 janvier 1421, Remi V reçut à Rouen les serments du comte de Foix, du comte d'Armagnac et du sire d'Albret (Rymer, t. IV, part. in, p. 199 ; D. Vaissète, t. IV, p. 454).

[128] Jouvenel, p. 379 ; Monstrelet, t. III, p. 408 ; Chastellain, t. I, p. 150, et Abr. franç., p. 242. Cf. M. Vallet, t. I, p. 230.

[129] A l'entrée desquels fut crié Nœl par le peuple, de carrefour en carrefour, partout où ils passoient. (Monstrelet, t. IV, p. 18.) — Ne oncques princes ne firent reçens à plus grant joye qu'ils furent. (Bourgeois de Paris, p. 144.) — Les Parisiens avaient accueilli avec enthousiasme le traité de Troyes ; dès le 2 juin, ils s'étaient empressés d'écrire à Henri V ; le 4, ils faisaient dire une messe d'actions de grâces et se livraient à des démonstrations d'allégresse : Make greet joye and myrthe every Holy day in dauncyng and krrolyng (V. Rymer, t. IV, part. III, p. 176 et 177). — C'était donc bien en vain que le Dauphin, dans une lettre qu'il leur adressait, au mois de décembre précédent, avait fait appel à leur antique fidélité.

[130] Le bourguignon Chastellain s'indigne de voir Paris, siège ancien de la royale majesté françoise, devenu un nouveau Londres. — N'y avoit, dit-il, celuy à qui les larmes ne mouillassent les yeux en voyant l'abandon du Roi ; maints cœurs francois couvertement se trouvèrent atteints de douleur s'ils l'eussent osé monstrer. Il plaint ces povres francois qui faisoient bonne chière de leur propre malheur, reputans aucuns plus estre felicité en leur vieux jours vivre paisibles et foulés sous main de tyran, que miserables champions en leur bqpneur sous un Roy heritior infortuné avec eux. Voir t. I, pp. 198, 201, 203 et 194.

[131] Si avoit très grant pouvreté de faim la plus grant partie... Sur les fumiers parmy Paris poussiez trouver cy dix, cy vingt ou trente enfans, fils et filles, qui là mouraient de fain et de froit... On n'avoit ne pain, ne blé, ne busche, ne charbon. (Journal d'un bourgeois de Paris, p. 145-46). — En ce temps, pour conforter pouvres gens, furent remises sus les enffans de l'ennemy d'enfer, c'est assavoir imposicions, quatriesme et malestoutes ; et en furent gouverneurs gens oyseurs qui ne scavoient mais de quoy vivre, qui pinçoient tout de si près que toutes marchandises laissoient à venir à Paris. (Id., p. 149. Cf. M. Vallet, t. I, p. 237-38.) — Le 23 décembre, un lit de justice avait été tenu pour fulminer contre les meurtriers de Jean sans Peur ; puis des lettres patentes les mirent hors la loi comme criminels de lèse-majesté (Voir le texte dans D. Plancher, t. III, Preuves, p. CCCXI). La situation était telle, que si un habitant de Paris voyait frapper à sa porte un individu venant des pays obéissant encore au Dauphin, il était tenu de le livrer à la justice, quand c'est été son parent, son frère, son fils, son père même. Voir Aug. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. XIV ; cf. p. 23, 207, 239, 240.

[132] L'accord des auteurs contemporains sur ce point, contesté par certains historiens, ne permet pas de le révoquer en doute. Voir à ce sujet l'historique fait, sous forme d'allégorie, lors du traité d'Arras, en 1435, dans D. Plancher, t. IV, Preuves, p. CLV.

[133] Voir les lettres des comtes de Douglas et de Buchan au Dauphin, dans Compayré, Études historiques sur l'Albigeois, p. 266. Cf. des lettres du 23 mai suivant, par lesquelles Jacques de Surgères et autres sont exemptés pour cette fois d'aller au recouvrement de la Normandie. Coll. de D. Fonteneau, t. VIII, p. 111. Voir aussi Monstrelet, t. IV, p. 40 et Chastellain, t. I, p. 227.

[134] Montres du 1er mai, passées au Mont Saint-Michel.

[135] Voir Chastellain, t. I, p. 234-36.

[136] Voir Jouvenel, p. 391-93 ; Berry, p. 441-42 ; Religieux, t. VI, p. 462 et s. ; Monstrelet, t. IV, p. 41 et s. ; Chron. anon., t. VI, p. 294 et s. ; Chastellain, t. I, p. 235 ; Cousinot, p. 181 ; Raoulet, p. 170, etc.

[137] Le Dauphin avait à la même époque, pour lieutenant en Champagne, Prégent de Coëtivy (Jouvenel, p. 391).

[138] Voir Monstrelet, t. IV, p. 48 et s. ; Chron. anon., t. VI, p. 297 et s. ; Fenin, p. 158 ; Raoulet, p. 178-79, etc.

[139] Voir Monstrelet, t. IV, p. 78 et Chastellain, t. I, p. 392. — Les Dijonnais, auxquels le duc demanda de prêter serment, refusèrent d'abord et ne le firent que sur son ordre. — Dans le même temps, Jean de Luxembourg vint traiter de la délivrance de son frère Pierre, qui fut mis en liberté, et resta au siège de Meaux, au service du roi d'Angleterre.

[140] Voir Monstrelet, t. IV, p. 78 et Chastellain, t. I, p. 392.

[141] Voir Jouvenel, p. 386 et l'Abr. franc. du Religieux, p. 249.

[142] Jouvenel, p. 390.

[143] Voir Monstrelet, t. IV, p. 83-91 ; Chron. anon., t. VI, p. 309-314 ; Fenin, p. 177-79. — Les partisans du Dauphin ne conservèrent de ce côté que Le Crotoy, Noyelles, Saint-Valery et Gamaches.

[144] Voir le Religieux, t. VI, p. 459 ; Jouvenel, p. 391, et surtout Raoulet, dans Chartier, t. III, p. 175-76.

[145] Voir Monstrelet, t. IV, p. 85 ; Chron. anon., t. VI, p. 310 ; Cousinot, Geste des Nobles, p. 184 ; Cochon, p. 442 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 168. — Meulan fut pris le 5 avril et repris le 26.

[146] Voir D. Vaissète, t. IV, p. 458.

[147] D. Plancher, t. IV, p. 54.

[148] Voir Jouvenel, p. 387 ; Monstrelet, t. IV, p. 96 ; Fenin, p. 176 ; Chastellain, t. I, p. 305 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 170 et suivantes.

[149] Voir Monstrelet, t. VI, p. 97-103 ; Chron., anon., t. VI, p. 316-317 ; Fenin, p. 177 ; Chastellain, t. I, p. 307-308.

[150] Monstrelet, t. IV, p. 101 et 104 ; Chron. anon., t. VI, p. 318 ; Chastellain, t. I, p. 314 et 317. — Saint-Valery tint pendant trois semaines.

[151] Monstrelet, t. IV, p. 103.

[152] Le duc était depuis longtemps entré en négociation avec la duchesse de Bourbon pour mettre ses possessions à l'abri de ce côté : le 8 mai 1420, une trêve avait été conclue avec la duchesse de Bourbon pour ses pays et pour Château-Chinon et Combraille d'une part, et la Bourgogne et le Charolais de l'autre (Voir Archives, P 13591, c. 651) ; le 27 juin 1421, la duchesse de Bourgogne, qui résidait à Dijon, concluait une nouvelle trêve (Archives, P 13582, c. 587) ; le 19 décembre 1421, une trêve était conclue pour le Mâconnais et le Beaujolais (Archives de Dijon, lay. 72, liasse 4, n° 57).

[153] Par lettres du 5 mai 1422, le duc de Lorraine s'était engagé à servir Charles VI et Henri V. Voir D. Plancher, t. IV, p. 52.

[154] Voyez à ce sujet Monstrelet, t. IV, p. 107-108 ; Chron. anon., t. VI, p. 321-22 ; Berry, p. 442 ; Cousinot, Geste des Nobles, p. 185-86 ; Fenin, p. 184-85 ; Saint-Remy, p. 462.

[155] Voir, sur cette expédition, dirigée par le comte d'Aumale, le vicomte de Narbonne, le seigneur de Coulonges et Ambroise de Loré, le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 474 et suivantes ; Jouvenel., p. 394, et Cousinot, Geste des Nobles, p. 186-87. Il y eut un premier combat devant Bernay, et un engagement plus sérieux près de Montagne, où les Anglais laissèrent 700 morts.

[156] Antoine de Rochebaron, qui avait épousé une bâtarde de Jean sans Peur, fut battu, avec les gens de guerre de Savoie qu'il avait pour auxiliaires, par Bernard d'Armagnac, Crolée et La Fayette. Voir Berry, p. 442 ; Chronique de Cousinot, p. 210 ; D. Vaissète, t. IV, p. 459 ; D. Plancher, t. IV, p. 80.

[157] D. Plancher, t. IV, p. 61.

[158] La date de la mort de Charles VI a été fort controversée. Bien que celle du 23 se lise dans un acte émané de Charles VII (le XXIIe jour d'octobre, qui est le jour que feu nostre très chier seigneur et père trespassa : Ordon., t. XIII, p. 193), la date du 21 nous parait établie d'une manière indubitable. Aux témoignages contemporains que l'on peut alléguer, j'ajouterai le suivant, qui n'a, je crois, pas encore été cité : c'est une lettre datée de Paris, le XXe jour d'octobre dans laquelle le chancelier et les gens du Conseil écrivent aux habitants de Saint-Quentin pour leur annoncer la mort du Roi, arrivée le jour même, et pour les prémunir contre les bruits qui pourraient être répandus à ce sujet ; ils annoncent qu'on a dépêché vers les ducs de Bedford, de Bourgogne et de Bretagne, afin qu'ils se rendent à Paris pour aviser aux affaires du royaume. L'original est aux Archives municipales de Saint-Quentin ; la lettre est en copie dans Moreau, vol. 248, f. 29 Cf. Compte de l'hôtel du Roi : Archives, KK 33, f. 76 r, et un procès-verbal de l'inhumation de Charles VI, publié par le vicomte de Guiton dans la Revue anglo-française, 2e série, t. II, p. 296-301.

[159] Le Roy de France estait petitement servy et accompaigné au regard du noble estat qu'il souloit avoir, et ce jour (à la fête de Noël) ne fut comme point visité ne accompaigné, si non d'aucuns de ses vielz serviteurs et de gens de petit estat. Monstrelet, t. IV, p. 22.

[160] Laquelle chose, dit encore le chroniqueur bourguignon, devoit moult desplaire à tous les cuers des vrais et loyaulx François là estans, voians ce noble royaume par fortune et tribulation de eux-mesmes estre mis et gouverné en et par la main de leurs anciens ennemis, soubz laquelle dominacion et gouvernement il leur falloit vivre de present.

[161] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 178.

[162] Jouvenel, p. 397.

[163] Chastellain et Monstrelet, loc. cit.

[164] Histoire de la Thoyson d'Or, par Guillaume Fillastre. Ms. fr. 2621, f. 94 v°-95.