HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME I — LE DAUPHIN - 1403-1422

 

INTRODUCTION.

 

 

C'est une admirable prérogative de l'historien, a dit un savant académicien, que la faculté qu'il a d'instruire de grands procès de révision, et de faire casser, après plusieurs siècles, des sentences dictées par l'iniquité ou l'erreur[1].

Nous venons user de cette prérogative, en présentant au public un livre qui est le fruit de plus de vingt-cinq années de recherches.

Jamais Roi n'a, autant que Charles VII, donné lieu à des appréciations contradictoires de la part des historiens.

Prince médiocre, livré aux plaisirs, faible et insouciant, égoïste et apathique, disent les uns ; — prince doué d'éminentes qualités, courageux, persévérant, vrai sauveur de la monarchie, selon d'autres, qui ont pleinement accepté son titre de Victorieux. Mais l'opinion la plus accréditée nous montre en Charles VII un roi sans caractère, sans valeur personnelle, amolli dès l'enfance par l'abus des voluptés[2], livré tout d'abord à d'indignes favoris, bientôt abandonné à l'influence souveraine d'Agnès Sorel, laissant tout faire sous son nom sans rien diriger, et, après un réveil momentané, retombant, aux derniers jours de son long règne, dans l'inaction et dans l'apathie qui avaient signalé ses premières années. Les grandes choses accomplies de son temps n'auraient eu en lui qu'un spectateur inerte et indifférent. Charles VII a été le témoin des merveilles de son règne : cette parole du président Hénault, répétée à satiété, a été comme l'arrêt de l'histoire. Un autre mot a servi à caractériser la période des infortunes et des revers, c'est le mot attribué à La Hire : Charles VII perdait son royaume on ne peut plus gaiement.

En faut-il davantage pour être condamné sans appel ? Un roi sans royaume qui s'étourdit dans les plaisirs ; un roi restauré qui oublie ses devoirs au sein d'une molle oisiveté, tel est apparu Charles VII aux yeux de la postérité. Ajoutez la part qu'il eut au meurtre de Jean sans Peur, assassiné sous ses yeux, et, prétend-on, par son ordre ; ses torts si graves à l'égard de Jeanne d'Arc, trahie avant d'être prise, lâchement abandonnée après ; l'ingratitude témoignée à Jacques Cœur, dont les services furent payés par la confiscation et l'exil, et vous aurez tout le personnage royal. Indolence, insouciance, oisiveté, faiblesse, égoïsme, défiance, volupté, ingratitude, voilà à entendre ces voix bourdonnantes gui redisent toujours le même écho, sans seulement s'inquiéter d'où est venu le premier son — quels seraient les attributs du caractère de Charles VII. On a été plus loin : on a osé parlé de sa couardise[3] ; on a dit qu'il était dénué de sens moral[4] ; et, recueillant un bruit dont un contemporain s'est fait l'écho, on a prétendu qu'il n'était point exempt de la folie de son père[5]. Enfin, quittant le terrain de l'histoire four aborder celui de la physiologie, n'a-t-on pas été, jusqu'à nous montrer, de Charles VI à Louis XI, trois générations de rois sous l'influence de ce mal funeste, devenu en quelque sorte héréditaire dans la maison royale[6] ?

Avant d'aborder l'histoire de Charles VII, il convient de rechercher l'origine de ces jugements, de remonter à la source de ces accusations sans cesse renouvelées. Suivons donc le cours des âges, pour contempler la destinée historique de ce Roi dont la mémoire a eu de si étranges vicissitudes.

Nous étudierons ensuite les monuments historiques qu'il faut interroger, si l'on veut arriver à des résultats précis et décisifs.

Enfin nous exposerons le but que nous nous sommes proposé dans le présent travail, et la façon dont nous avons compris notre tâche.

 

I

Certes, a dit Montaigne, c'est un subject merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme : il est malaysé d'y fonder jugement constant et uniforme[7]. La Bruyère fait à son tour cette remarque : Quelques hommes, dans le cours de leur vie, sont si différents d'eux-mêmes par le cœur et par l'esprit, qu'on est sûr de se méprendre si l'on en juge seulement par ce qui a paru d'eux dans leur première jeunesse[8]. Et Bossuet nous dit qu'il semble quelquefois qu'il y ait plusieurs hommes dans un seul homme, tant ces sentiments différents sont véritables et vifs des deux côtés[9]. On se trompe en effet quand on prétend imposer à un personnage historique un moule unique et uniforme. On oublie que le changement est la loi des hommes, comme le mouvement est la loi de la terre[10] ; on oublie surtout que l'homme est un composé de bien et de mal, et que chez lui les contradictions abondent[11]. la longue ces divergences peuvent s'effacer ou s'atténuer : l'homme moral apparaît alors sous ses traits définitifs. Mais sous l'empire des événements, courbé par l'adversité ou bercé par une fortune prospère, quel est celui qui, dans le cours d'une longue existence, demeure constamment fidèle à lui-même ? Quel est celui qui n'a pas donné un démenti aux promesses de sa jeunesse, ou, par un revirement soudain, fait évanouir les craintes qu'avaient inspirés les débuts de sa carrière ?

Ainsi en a-t-il été pour Charles VII. On pourrait presque dire qu'il y a chez lui autant d'hommes différents qu'il y eut de périodes dans son règne. Ne serait-ce pas là une des causes des appréciations si diverses dont il a été l'objet ? Faute d'avoir étudié le Roi dans ses transformations successives, faute d'avoir fait des-distinctions nécessaires, les uns ont été trop absolus dans le blâme, les autres ont pu être exagérés dans la louange.

Une autre source d'erreur — et à coup sûr la plus fréquente, — c'est d'apporter, dans l'appréciation d'une époque ou d'un personnage, les préoccupations du temps où l'on vit. Comme l'a très bien dit M. Villemain, c'est un préjugé, et ce n'est pas le moins ridicule des préjugés, de vouloir apprécier tous les temps avec l'esprit du nôtre et mesurer tous les hommes à la taille des hommes de nos jours[12]. On a trop oublié cette loi de l'histoire, rappelée justement par une autre grande illustration de notre époque : C'est aux contemporains à juger les choses et les hommes de leur temps[13].

Comment l'opinion sur Charles VII s'est-elle formée ? Pour nous en rendre compte, nous allons ouvrir nos historiens, et rechercher quelles ont été leurs appréciations depuis la fin du quinzième siècle jusqu'à nos jours.

Le premier, par la gravité du caractère comme par l'autorité de l'expérience personnelle, c'est Robert Gaguin, général des Mathurins, investi de missions importantes par Louis XI et Charles VIII. C'est lui qui fut chargé de réunir et de publier les Grandes Chroniques de Saint-Denis. On lui doit un Compendium de origine et gestis Francorum, publié en 1497, cinq ans avant sa mort, et qui eut de nombreuses éditions latines ou françaises[14]. Nous empruntons le passage suivant à la première' traduction française, qui porte la date de 1514 :

Cil Roy certes estoit contre lequel au commencement de son regne fortune Ires asprement se rebella : comme se elle se fust appliquée a l'exterminer et mectre hors de son royaulme... Puis doulcement le traictant, le fist glorieux victeur : et par la grace de Dieu restituteur du pays... Au courtoys pere tres victorieux Roy, plain de mansuetude, succeda le filz Loys, etc.[15]

Robert Gaguin est encore, en quelque sorte, un chroniqueur. Nicole Gilles, notaire et secrétaire du roi Charles VIII, mort en 1503, marque la transition entre les chroniqueurs et les annalistes. Ses Tres elegantes tres veridiques et copieuses annales[16], revues et corrigées par Denis Sauvage et Belleforest, ont eu une grande vogue au seizième siècle[17], et on l'a appelé le premier de nos historiens[18]. Gaguin enregistre des faits ; Nicole Gilles formule un jugement :

Charles VIIe de ce nom fut tres victorieux et debonnaire... Au commencement de son regne trouva son dit royaulme fort brouillé de toutes pars et occupé de ses adversaires..., et luy fut fortune fort contraire. Mais par son sens, bonne conduicte et moyennant bon conseil, qu'il creut toute sa vie, lz bonne justice qu'il fist faire et administrer à ses subjectz, il subjugua ses ennemys et laissa à son filz Loys le royaulme paisible, et le dilata et eslargit grandement... Aussi durant son regne il releva justice et la remit en nature qui de long temps avoit esté abaissée et obmise ; il osta toutes pilleries du royaulme, pourveut à expeller la division et scisme de l'eglise universelle, tellement que par son pourchas bonne paix, union et concorde y ont esté mis[19].

Les deux auteurs que nous venons de citer ont vécu au quinzième siècle[20] : ce sont presque des contemporains de Charles VII. En tête des historiens du seizième siècle, se place François de Belleforest auteur de l'Histoire des neuf Roys Charles de France, — ouvrage qui parut en 1568 et lui valut la charge d'historiographe de France, — et des Grandes annales et histoire generale de France, publiées en 1579. Belleforest nous montre, par le ton même de son éloge, que Charles VII était déjà fort en défaveur auprès du public :

Le peuple perdit en Charles Septiesmo un des meilleurs, plus sages et, excellons Roys que jamais la France ait veu luy donner loir et escrire ordonnance. En ce Roy ont plus monstré vertu, le sort et fortune leurs forces qu'en nul autre, veu que son cours est venu presque d'un rien... Et m'esbahis que ceux qui admirent les gestes des anciens tant Grecs que Romains, qui se plaisent à lire les pemes escrits en leurs louanges et qui scavent faire aussi bien ou mieux que plusieurs des mieux disans du temps jadis, qu'ils n'estendent icy le vol de leur plume : non pour acheter un Hector ou Achille, ou pour louer un Alexandre combatans lès hommes nuds, prenant les villes peu fortes, mais bien pour magnifier un Charles abaissé et soudain remis sus par sa vertu : un prince victorieux des plus braves et hardis combatans de l'Europe. Un Roy qui mesprisé des autres, a fait abaisser la gloire et caquet des plus grands et plus puissans princes de chrestienté. Somme verront en luy un miracle du ciel et chef d'œuvre de nature : et en ce le jugeront admirable qu'il a laissé tel hoir et si sage successeur que ceux qui l'ont suivy ont trouvé en ses faits de quoy se prevaloir pour le maintenement de leur puissance[21].

Belleforest n'eut qu'un succès éphémère ; il fut bien vite dépassé par un rival heureux, qui publia en 1570 un petit volume intitulé : De l'estat et succez des affaires de France. Nous voulons parler de Bernard de Girard, seigneur du Haillan[22], secrétaire du duc d'Anjou, nommé historiographe à la place de Belleforest. Dans son ouvrage, qui fit beaucoup de bruit, il trace le portrait suivant de Charles VII :

Il estoit homme aymant ses plaisirs et qui n'apprehendoit pas le mal, et la ruine de son royaume, s'amusant à faire l'amour à sa belle Agnes, et à faire de beaux parterres et jardins, cependant que les Anglois avec la craye en la main se pourmenoient par son royaume. Et Dieu, qui regardoit en pitié la France, avoit fait naistre tout à propos un Jean bastard d'Orleans, un Poton de Xaintrailles, un La Hire, et autres chevaliers, qui par leur vaillance et vertu, supleans à l'imbecilité du Roy, la conserverent. Sur tout elle doibt beaucoup au bastard d'Orleans... Car desia commençant la maiesté du Roy a esté mesprisee par ses malheurs, ce subtil homme la releva en honneur, par une ruse de religion, soit qu'elle fust vraye ou faulse[23].

Il n'y a guère plus de cent ans que Charles VII est mort, et nous sommes déjà en pleine légende[24].

Pourtant nous trouvons, en 1583, l'appréciation suivante chez un auteur dont les œuvres furent alors très populaires, le célèbre libraire Gilles Corrozet :

Charles septiesme fut prince de bon esprit, de sens aigu, et de seure conduitte, croyant bon conseil, observateur de justice envers ses subjects, et victorieux de ses ennemis[25].

Il ne faut pas négliger non plus un auteur peu répandu, mais fort estimé, Nicolas Vignier, qui publia en 1579 un Sommaire de l'Histoire des François :

Charles septiesme mourut le 22e jour de juillet, au grand regret de ses subjets qui l'estimoient, prisoient et honoroient, pouf avoir mis son royaume de toutes parts en paix, après l'avoir victorieusement retiré de la main et subjection des Anglois, en consideration de quoy le surnom de tres glorieux et victorieux luy fut donné : nonobstant que l'amour deshonneste qu'il porta à une damoiselle nommee Agnes — contre la loyauté qu'il devoit à sa femme — ait grandement maculé la gloire de beaucoup d'autres grandes vertus qu'il avoit en luy[26].

Mais le plus considérable parmi les auteurs du quinzième siècle, c'est sans contredit Étienne Pasquier[27]. Or, dans son livre des Recherches de la France ; publié en 1596 oubliant que, quelques pages plus haut, il a qualifié Charles VII d'un de nos plus grands rois[28], il formule contre lui un véritable réquisitoire :

Si nous considerons Charles septiesme, sous le rogne duquel advint ce grand restablissement, quelque chose que l'on se persuade de luy, ce n'estoit un subjet capable pour cet effect. Premierement il estoit au milieu de ses afflictions du tout addonné à ses voluptez, faisoit l'amour à une belle Agnes, oubliant par le moyen d'elle toutes les choses necessaires à son Estat... Outre cette particularité vicieuse, il avoit, si je ne m'abuse, une foiblesse de sens non vrayement telle que son pere, mais ayant esté paistry d'une paste d'homme foible d'entendement, il en portoit quelque quartier en son esprit[29].

Ce n'étaient pas les éloges décernés à Charles VII par Jean de Serres[30], par Mathieu[31] et par P. Aubert[32], qui pouvaient atténuer pour la postérité l'effet du jugement de Pasquier. Il serait trop long de nous arrêter à ces témoignages. Citons seulement. Jean de Serres, dont l'Inventaire général de l'histoire de France n'a pas eu moins de dix-neuf éditions en soixante ans :

Prince qui a autant apporté de bien à la Monarchie Françoise quo Roy qui ait commandé : car trouvant le Royaume ruiné, il l'a restauré. Ses ancêtres avoient mis les Anglois dans les entrailles de l'Estat : il les en a chassés. A ramené la paix civile, après la guerre intestine de Cent ans. Amy de la justice, de l'ordre, du peuple. Besoin aux grandes affaires. Capable de conseil. Prudent, courageux, heureux en l'execution des bons conseils. Heureux en serviteurs qui l'ont utilement servy jusques à la fin de l'œuvre de la Restauration auquel Dieu l'avoit destiné. Mais ces grandes et heroïques vertus et graces ont esté affoiblies par des vices, qui ont plus paru en sa prosperité qu'en son adversité : car l'affliction le retenoit, mais la joye de ses heureux succès luy leva le cœur et lascha les mœurs : pour le rendre soupçonneux et amoureux, au detriment de ses affaires, et au deshonneur de sa personne[33].

Scipion Dupleix, nommé historiographe de France par Louis XIII[34], entreprit, dans son Histoire générale de France, de réfuter le jugement porté par le célèbre auteur des Recherches de la France :

Pour quelle raison, dit-il, peut-on appeler foible d'entendement ce Roy, lequel par ses artifices prit au piège Jan, duc de Bourgogne, la terreur de la France, et separa de l'Anglois, Philippe, fils de mesme Jan ?... Qui par sa bonne conduite jointe à la force des armes, extermina l'étranger de Normandie et de Guienne ? Qui avec une providence singulière fit dresser la Pragmatique sanction pour la conservation des libertés de son roiaume ? Qui par un soin et vigilance nompareille, fit de si beaux reglemens touchant la gendarmerie ? Qui assembla plus grande quantité d'artillerie, avec tout l'attirail nécessaire, que nul autre monarque de l'Europe ? Qui par son autorité porta Amédée, duc de Savoye, à renoncer à son pretendu pontificat pour faire cesser le schisme qui renaissoit en l'Église ? D'ailleurs pourquoy lui desrober toute la gloire de ses explois d'armes pour la donner à ses capitaines, et neantmoins l'histoire fait foy qu'il se trouvoit aussi bien à l'execution qu'au conseil ?[35]

Mézeray[36], qui succéda à Dupleix comme historiographe, le fit bientôt oublier. Dans sa grande Histoire de France, après avoir montré comment Charles VII ramena le bonheur à la France par l'expulsion des Anglais, par l'ordre et la prospérité rendus au royaume ; après avoir loué l'attitude du Roi envers l'Église, la magistrature et l'armée, il trace le portrait suivant, qui mérite à coup sûr d'être reproduit[37] :

La vaillance luy estoit commune avec ses ancestres, et il se jettoit souvent à corps perdu dans les dangers ; l'expérience ny la prévoyance ne luy manquèrent pas ; et le duc de Bourgongne eut si bonne opinion de sa loyauté, qu'ayant le dessein d'aller contre les Turcs, il luy voulut fier toutes ses terres. Avec cela il estoit sobre, patient, libéral, splendide, affable, clément, remply de douceur et de tendre affection pour son peuple, oubliant aisément les injures et jamais les bienfaits. En un mot très grand Prince, si toutes ces. vertus eussent été soustenties par un esprit fort et capable de se conduire : mais comme, il estoit foible, facile et credule, il ne joüissoit pas de soy-mesme, et se laissoit tomber entre les mains du premier qui avoit l'addresse de l'approcher du coati de son foible... Et tant plus il approchoit du tombeau, tant plus il avoit de Favoris, tant qu'enfin à force d'en avoir trop il n'en eut plus, et tomba dans une mortelle deffiance, autre marque d'un esprit imbecille. La mesme foiblesso le plongea dans la volupté plustost que ne fit l'incontinence, et le laissa enchaîner aux femmes ; specialement depuis qu'il se vit un peu au-dessus de ses affaires... Tellement quo ce qu'il avait pris pour divertissement de ses travaux se tourna en une habitude peu honneste gui luy fit mespriser sa legitime espouse et sousmettre sa personne, ses affaires et ses anciens serviteurs à l'esclavage d'une maistresse[38].

Mais c'est dans l'Abrégé chronologique, bien plus répandu que la grande Histoire, car il n'a pas eu moins de dix-neuf éditions[39], qu'il faut chercher le jugement définitif de Mézeray. Voici comment le grand siècle envisageait ; avec son historien le plus illustre, celui qu'on appelait justement le Restaurateur de la France :

Jamais prince n'eut de plus grandes traverses et ne les surmonta plus glorieusement. Après avoir chassé de la France ceux qui attentoient à sa couronne, il en trouva de plus dangereux dans sa maison qui attentèrent à sa vie. On eust pu le nommer Heureux s'il avoit eu un autre père et un autre fils. Il fut affable, debonnaire, libéral, équitable ; il ayma tendrement ses peuples, et les espargna tant qu'il, luy fut possible, recompensa largement ceux qui le servoient, eut un soin très particulier de la justice et de la police de son royaume, travailla puissamment à la réformation de l'Église, et fut si religieux qu'il ne voulut point la charger d'aucunes décimes. Mais estant de trempe un peu molle, il se laissa trop gouverner à ses favoris et à ses maistresses ; et sur la fin de ses jours, il devint appréhensif, défiant et soupçonneux au dernier point[40].

L'année 1697 vit paraître une Histoire de Charles VII[41]. Elle était l'œuvre d'un jeune homme de dix-neuf ans[42], Nicolas Baudot de Juilly, qui gardait l'anonyme. Malgré les qualités qu'on a bien voulu reconnaître à cet ouvrage, avec une indulgence qui nous semble excessive[43], le peu d'autorité de son auteur ne permet pas de s'y arrêter.

Après Mézeray, le premier historien qui s'offre à nous est le jésuite Daniel, dont le grand ouvrage, trop oublié de nos jours, parut en 1713, et eut pendant longtemps une juste célébrité. Le nouvel historien, comme l'a dit un maître, révélait au public ce qu'on pourrait appeler le vrai sentiment de l'histoire[44]. C'était le premier travail scientifique entrepris sur nos annales. Or voici comment le P. Daniel apprécie Charles VII :

En repassant sur toute la suite de la vie de ce Roi telle qu'elle est rapportée par les historiens contemporains, il me paroit que quelques-uns de nos modernes ne lui ont pas fait assez de justice. Ils nous le représentent comme un prince d'un génie et d'une valeur médiocre, négligent et sans application, toujours occupé de ses amours, absolument gouverné par ses maîtresses et par ses ministres, gourmandé par les grands de son État qui le contraignoient à leur sacrifier ses favoris. Comme ils ne peuvent disconvenir des grandes choses qui se firent sous son regne, ils lui en ôtent la gloire, en attribuant tant de succès si heureux à la sagesse de son Conseil et à la valeur et à l'habileté (le ses généraux d'armée. Il y a dans ce caractere qu'on fait de Charles VII quelque chose de vrai et beaucoup de faux. Il faut convenir de ses déreglemens... Mais il est faux qu'il se livrât absolument à celles à qui il donnoit son cœur... Charles immédiatement après la mort du Roi son pere, paroit dans une continuelle inaction, et on ne le voit point à la tête des armées : retiré au delà de la Loire, il semble n'y mener qu'une vie oisive, et tout se fait sans lui par ses généraux : mais ces généraux étaient les hommes les plus sages et les plus expérimentés du royaume et il ne pouvoit mieux faire que de suivre en tout leurs conseils. Ils voyoient que le salut de l'Etat consistoit dans la conservation de ce prince, et c'étoient eux qui l'éloignoient sagement des périls... Mais quand ils lui virent un successeur âgé déjà de quatorze à quinze ans, alors ils lui laissèrent suivre les mouvemens de sa valeur et travailler à sa gloire... Les reproches d'abandonner ses ministres ne sont pas beaucoup mieux fondés. On les lui enleva malgré lui, dans un temps où il ne lui étoit pas encore permis d'agir en maitre... Quand on l'accuse au contraire de s'être trop livré à ses ministres, on n'a pas peut-être fait réflexion que cette accusation n'étoit quelquefois qu'un artifice de quelques seigneurs et de quelques princes brouillons... La prétendue médiocrité de génie de ce prince pour le gouvernement, et son inapplication ne s'entendent gueres avec les grands évenements de son regne. On 'a beau, par je ne sai quelle malignité, relever son bonheur pour rabaisser son mérite, un prince chassé de son throne, dépouillé de la meilleure partie de ses Etats, traversé à tous momens par les factions des grands de sa cour, sans argent, sans ressource pour en avoir, parvient difficilement au point de grandeur et de puissance où celui ci arriva, si son habileté et son application ne suppléent aux autres moyens, pour surmonter tant d'obstacles. On ne peut au moins lui refuser l'éloge d'un grand discernement, pour bien choisir les personnes qui le servoient : mais ceux qui sur le préjugé de ses amours lui attribuent un si grand éloignement des affaires, n'ont pas vu sans doute le détail de la conduite de ce prince dans un ouvrage qui est à la tête de la collection dès historiens de son regne, et qui doit être d'autant moins suspect, qu'il fut publié après sa mort ; et au commencement du regne de son fils, à. qui on ne faisoit pas bien sa cour par l'éloge du gouvernement de son père[45]... Une apologie aussi bien fondée que celle là... est du devoir d'un historien, quand il ne peut faire connaitre la vérité que par la réfutation du mensonge, ou en confondant la témérité de ceux, qui sur l'idée peu exacte qu'ils se forment d'un prince, en font des portraits si peu ressemblans et si injurieux. C'est faire in4ustice à Charles VII que do ne le pas regarder comme un des grands princes qui ayent porté la couronne de France[46].

On voit ici apparaître les premiers résultats de cette méthode, justement vantée par Augustin Thierry, qui, s'écartant des sentiers battus et évitant avec soin les lieux communs, place l'historien en présence des sources originales et lui permet de ne rien affirmer qu'en connaissance de cause.

Mais l'ornière, en ce qui concerne Charles VII, était trop profonde pour qu'il fût possible d'en sortir. Les annalistes du dix-huitième siècle, tels que l'abbé Le Gendre et le sieur de Limiers, subissent l'influence dès idées préconçues[47]. Pourtant l'abbé Lenglet du Fresnoy ne craignait pas d'écrire, en 1729, que Charles VII fut l'un des plus grands de nos rois[48].

Nous voici arrivés au moment où ce qu'on pourrait appeler l'arrêt de l'histoire va être rendu, et c'est le président Hénault qui s'est chargé de le formuler. Dans son Nouvel abrégé chronologique, publié en 1714, il s'exprime en ces termes :

Charles VII ne fut en quelque sorte que le témoin des merveilles de son règne ; on eût dit que la fortune, en dépit de l'indifférence du Monarque, et pour faire quelque chose de singulier s'étoit plu à lui donner à la fois des ennemis puissans et de vaillans défenseurs, sans qu'il semblât avoir part aux événemens : ce n'est pas que ce prince n'eût beaucoup de courage, s'il paroissoit à la tête de ses armées, c'étoit comme guerrier et non comme chef. Sa vie étoit employée en galanteries, en jeux et en fêtes. Un jour La Hire étant venu lui rendre compte d'une affaire importante, le Roi, tout occupé d'une fête qu'il devoit donner, lui en fit voir les apprêts et lui demanda ce qu'il en pensoit : Je pense, dit La Hire, que l'on ne sçauroit perdre son royaume plus gaiment : cependant quelques historiens, trompés aux prodiges de son regne, n'ont pu imaginer qu'il n'y ait point eu de part, et lui ont donné le titre de Victorieux[49].

Un an après, Duclos publiait son Histoire de Louis XI. Sous une forme plus académique, le jugement qu'il porte ne s'écarte guère de celui du président Hénault :

Charles étoit doux, facile, généreux, sincère, bon père, bon maitre, digne d'être aimé et capable d'amitié. Il avoit toutes les qualités d'un particulier estimable, peut-être étoit-il trop foible pour un roi. Uniquement livré aux plaisirs, il étoit moins sensible à l'éclat du trône, qu'importuné des devoirs qu'il impose. Il redoutoit les fatigues de la guerre, quoiqu'il fut intrépide dans le péril. Avec toute la valeur des héros, il manquoit de ce courage d'esprit si nécessaire dans les grandes entreprises, et supérieur à tous les événemens, parce qu'il donne cette fermeté d'âme qui faisant envisager les malheurs de sang froid, en fait appercevoir les ressources. Ce prince ne prenoit presque jamais de parti de lui-même, et n'avoit d'autres sentimens que ceux que lui inspiroient ses favoris et ses maîtresses. La valeur et la conduite de ses généraux suppléèrent à son indolence naturelle. Il fut assez heureux pour les trouver et assez sage pour s'en servir[50].

Villaret, continuateur de l'abbé Velly, dont l'Histoire de France fut un moment fort à la mode, n'avait pas le sens critique du P. Daniel ; mais ce n'était point un historien sans valeur, et son appréciation du caractère de Charles VII est remarquable. Nous la, trouvons dans le tome XVI de l'édition originale, publié en 1765 :

On pourroit dire de ce prince qu'il avoit plus vécu qu'un homme ordinaire... Obligé de lutter sans cesse contre l'adversité, également en butte aux persécutions de ses ennemis et de sa famille, presque toujours contredit, souvent réduit aux extrémités les plus cruelles et les plus désespérées, n'aplanissant un obstacle que pour en rencontrer de nouveaux, n'obtenant des succès qu'à la pointe de son épée ; telles furent les pénibles occupations qui remplirent sa destinée. De longues disgraces, dés combats multipliés, des victoires sanglantes, les soins pénibles du gouvernement, poids immense pour un monarque jaloux de ses devoirs ; tant de fatigues et de dangers, en le couvrant d'une gloire immortelle, avoient usé les ressorts de sa vie. Un goût immodéré pour des plaisirs dont il auroit dû s'interdire l'abus, achevoit encore de le précipiter vers la fin de sa carrière. Ce défaut que la vérité de l'histoire ne permet pas de dissimuler, est le seul peut-être qu'on puisse reprocher à ce grand prince. Il s'y livroit sans ménagement, surtout dans les dernières années de son regne. Il s'imaginoit, en alliant à l'embarras des affaires, l'ivresse momentanée des passions, pouvoir se soustraire aux chagrins dévorants qui l'assiégeoient sans relâche mais cette courte illusion ne les rendoit que plus cuisants. Il avoit surmonté l'infortune, raffermi le trône de ses ancêtres, rétabli la monarchie, rendu les peuples heureux. Il ne voyoit dans ses sujets qu'une multitude d'enfans pénétrés de la plus sincère reconnaissance. Il n'y a point ici d'exagération, la France l'idolâtroit....

Nous ne comptons point au nombre de ses grandes qualités son intrépide valeur ; il y a peu de nos rois dont on puisse soupçonner le courage, mais ce qui se rencontre plus rarement dans les guerriers, l'habitude de verser du sang ne le rendit point cruel... Il sçut vaincre son orgueil, et ce que depuis longtemps on ignoroit en France, il apprit à ses soldats à ne combatre que les ennemis, et à respecter leurs compatriotes. C'est à lui que nous sommes redevables de cette discipline exacte qui regne dans nos troupes. Si l'on se rappelle dans quelles circonstances il introduisit une réforme que personne jusqu'alors n'avoit osé même imaginer, on conviendra qu'un semblable projet ne pouvoit être que l'ouvrage d'un grand homme.... Ses exploits héroïques ne forment que la plus foible partie de son éloge. S'il faut admirer et chérir sa mémoire, c'est principalement par la sagesse et la douceur de son administration. Il rendit' à nos lois leur ancienne vigueur, il en ajouta de nouvelles. Il n'y a qu'à consulter les édits salutaires publiés pour la réforme de l'ordre observé dans la distribution de la justice ; une multitude de sages réglemens pour restituer les divers degrés des tribunaux, harmonie interrompue et presqu'oubliée pendant un demi-siècle d'anarchie ; l'autorité des lois confiée à' des magistrats d'une prudence et d'une intégrité reconnue... Charles avoit toutes les perfections nécessaires sur le trône ; ou auroit seulement desiré que ceux qui l'environnoient eussent eu moins d'empire sur lui : mais ces reproches ne peuvent guere tomber que sur les premieres années de son rogne. Trompé par les courtisans avides, il les croyoit ses amis et non ses favoris. L'expérience le désabusa, et l'on peut dire qu'il fut alors véritablement Roi. Il lui resta de cette facilité de caractere une affabilité, une douceur, une humanité qui prêtoient encore un nouveau lustre à ses autres vertus. Il pardonnoit facilement, et cette clémence n'étoit point en lui un témoignage d'insensibilité. Il scavoit oublier les injures et jamais les services. Il ne considéroit point ses sujets comme une multitude d'esclaves destinés à prodiguer leurs biens et leurs vies pour cimenter l'édifice de sa grandeur : il avoit pour eux l'affection la plus tendre ; un père de famille n'eut jamais plus d'amour pour ses enfans[51].

Nous ne citerons que pour mémoire l'abbé de Mably (1765), qui répète tous les lieux communs de ses devanciers[52], et l'académicien Gaillard (1774), qui entreprit de réagir contre l'arrêt du président Hénault[53]. Si l'on veut suivre le courant de l'opinion dans les années qui précédèrent la Révolution, il faut ouvrir les Portraits des Rois de France, de Mercier[54], et la France sous les cinq premiers Valois de Levesque[55]. Mais autant le premier est dépourvu d'originalité, autant le second se montre indépendant et judicieux dans son appréciation, qui tout en n'étant point exempte d'erreurs, repose sur une étude attentive des faits[56] :

Charles VII fournit à l'histoire l'exemple rare d'un monarque foible dans l'infortune, respectable dans la prospérité. Il eut, comme Henri IV, son royaume à conquérir ; il aima, comme lui, son peuple ; il fit, comme lui, chérir sa clémence, et mérita comme lui le reproche de n'avoir pu vaincre dans l'une et l'autre fortune, son penchant pour l'amour et le plaisir. Il se distingue encore de la foule des Rois, parce qu'ayant du courage, sachant faire la guerre, et s'étant préparé pour la soutenir des moyens supérieurs à ceux de ses voisins, il sentit que la gloire véritable et le devoir des souverains est de travailler au bonheur de leurs peuples, et non de porter la terreur chez les autres nations...

Il finit le grand ouvrage commencé par Louis le Gros, en élevant sur des bases solides l'autorité des Rois au-dessus de la puissance des seigneurs ; il affranchit les peuples des tributs arbitraires ; il obligea les guerriers à respecter les citoyens, et à ne plus répandre la terreur que dans l'âme des ennemis ; il rendit sa domination plus formidable à ses voisins, en l'appuyant d'une force militaire toujours subsistante ; enfin il éleva la puissance royale bien au-dessus de l'autorité dont avoient joui ses prédécesseurs, et il peut être regardé comme l'auteur de la constitution actuelle de notre monarchie[57].

Le dernier survivant du dix-huitième siècle[58] est Anquetil, bien qu'il n'ait entrepris et publié son travail que dans les premières années de ce siècle, quand déjà il était octogénaire. C'est en 1805 que parut cette Histoire de France qui pendant longtemps devait être la seule qu'on lût, et qui a eu jusqu'à nos jours l'honneur de nombreuses réimpressions et continuations[59]. Bien que favorable à Charles VII, le jugement d'Anquetil ne devait guère avoir d'influence sur l'opinion.

Jugeons sévèrement Charles VII. Les grands événements de son règne, auxquels il est impossible qu'il n'ait pas eu une part principale, l'absoudront. Reprochons-lui d'avoir plusieurs années laissé les Dunois, les La Hire et autres guerriers de son âge, se couvrir de gloire pour sa cause, pendant qu'éloigné des périls de la guerre il languissait dans le repos et s'abandonnait aux plaisirs ; de s'être livré sans réserve à ses ministres, que Mézeray appelle ses gouverneurs ; d'avoir par ses préférences causé entre les courtisans avides de sa faveur des cabales qui ont retardé le succès de ses armes et prolongé les malheurs des peuples ; mais louons-le d'avoir réparé dans l'âge mûr les fautes de la jeunesse. S'il continua d'avoir des ministres privilégiés, même des favoris, il ne s'en occupa pas moins lui-même, selon le témoignage d'un écrivain contemporain, des détails de l'administration... Charles VII a mérité de l'histoire le titre de Victorieux et de Restaurateur de la France. Il la trouva envahie, et la reconquit ; en proie aux gens de guerre, et il les contint par la discipline ; mal pourvue de magistrats, et il mit de l'ordre dans les tribunaux. La religion souffrait des abus introduits dans le clergé ; le prince convoqua des assemblées majestueuses qui corrigèrent les mœurs, et, par l'établissement de la pragmatique, il rappela les anciens canons, garants des libertés de l'église gallicane. Enfin, ce qui met le sceau à la gloire de son administration, c'est le régime des impôts, qui est la pierre de touche d'un bon gouvernement. Le premier de nos rois, il en établit sans le secours dos états généraux, mais non sans le conseil des grands et l'assentiment des principaux du peuple qui devait payer. Aussi les leva-t-il sans éprouver de contradictions, parce qu'on était persuadé de la nécessité de l'imposition et de la justice dans l'emploi. Charles VII était civil, affable, accueillant, majestueux dans la représentation. Il aimait la magnificence, goûtait singulièrement le repos et le plaisir. On doit lui savoir gré d'avoir été un grand roi, car vraisemblablement il aurait préféré d'être un particulier heureux[60].

Dans les premières années de ce siècle, nous rencontrons encore deux appréciations élogieuses : l'une est due à Antoine Ferrand, auteur de l'Esprit de l'histoire, ouvrage publié en 1802[61], l'autre à M. de Flassan, qui fit paraître en 1809 une Histoire de la diplomatie française[62].

Nous ne nous arrêterons, dans cette longue énumération, ni au fougueux Dulaure[63], ni au placide Royou[64], ni à bien d'autres dont les témoignages n'ont pas assez d'importance pour être consignés ici[65]. Nous avons hâte d'arriver à cette période de renaissance historique, signalée par les travaux des Mignet, des Barante, des Augustin Thierry, des Villemain et des Guizot.

Les débuts de M. Mignet dans la carrière littéraire furent signalés par la composition d'un Éloge de Charles VII, couronné en 1820 par l'Académie royale du Gard. En insérant ce travail dans son recueil[66], l'Académie disait : Cet ouvrage a rempli en très grande partie l'attente de l'Académie et décèle un talent très distingué, propre à honorer la carrière que l'auteur doit parcourir[67]. M. Mignet va jusqu'à placer Charles VII au-dessus de Louis XI et de Richelieu : Il montra, dit-il, bien plus de cette supériorité qui répare les abus sans blesser les intérêts. Il changea les choses et ménagea les hommes[68]. Voici son appréciation du caractère du Roi :

Arrêtons-nous sur cette glorieuse époque du règne de Charles VII. Disons la sagesse de son gouvernement, l'utilité de - ses institutions et tâchons d'acquitter par nos éloges la dette de nos aïeux : heureux d'avoir à célébrer un bienfaiteur de la Patrie, surtout quand ce bienfaiteur est un Roi, car alors la louange n'est pas perdue, elle est un encouragement donné aux princes et un service rendu aux peuples !

A peine sur le trône Charles montra les vues d'un législateur et les vertus d'un Roi. Tout se ressent de ses réformes et de ses bienfaits. En peu fie temps l'anarchie cesse, l'ordre est rétabli ; le peuple soulagé dans ses misères, obtient la protection à défaut de la liberté ; l'armée arrêtée dans ses rapines, est soumise à une organisation régulière et à une discipline sévère ; l'Église est pacifiée et son indépendance assurée ; la justice est dans les tribunaux, l'économie dans les finances ; deux grandes provinces sont reconquises ; on a le bonheur pendant la paix, la gloire pendant la guerre. Enfin sur les débris de l'ancienne monarchie s'élève la monarchie nouvelle, et cette grande révolution qui d'une royauté presque sans puissance fait une royauté presque sans limite, s'accomplit et par le concours de la noblesse dont elle doit réduire la tyrannie, et de la nation dont elle doit amener l'affranchissement...

Si quelquefois son esprit trop confiant et son caractère trop facile laisse accès aux flatteurs et le porte à des faiblesses, du moins ne se souillera-t-il jamais par des cruautés ni des perfidies ; toujours bon, compatissant, loyal, il donnera par son humanité un spectacle inconnu aux guerres civiles, dans un temps surtout où la engeance était un besoin et le crime une habitude[69].

Le jugement porté par l'auteur des Ducs de Bourgogne, qui a su fondre si habilement dans son travail les récits des contemporains, et qui écrit résolument ad narrandum, et non ad probandum[70], mérite d'être reproduit en entier :

Jamais roi de France n'avait inspiré à ses peuples de tels regrets et si bien mérités ; ce fut une lamentation universelle, et chacun disait que c'était grande pitié et dommage. On repassait toutes les circonstances de son règne si long et si plein de choses diverses. Il avait trouvé la plus belle part du royaume envahie par lus Anglais ; leur roi se disant roi de France d'après la volonté de Charles VI, son propre père ; une guerre civile désolant cruellement le pays depuis beaucoup d'années et divisant la maison royale ; les peuples dans la dernière misère ; plus de négoce, plus ne labourage ; nulle justice ; les bois remplis de brigands qui ne respectaient ni le bien, ni la vie des hommes ; les gens de guerre devenus pires que les brigands ; la puissance du roi détruite et méprisée de tous les grands, même de ceux qui ne l'étaient pas. Il a rait supporté avec patience et douceur cette mauvaise fortune, jamais n'avait perdu courage, s'était fié à la bonté de Dieu et à la vaillance de ses sujets. La Providence l'avait en effet secouru ; son armée s'était tout à coup animée, et voyant dans l'arrivée de la Pucelle une marque évidente de la protection divine, avait redoublé ses efforts. Ses ennemis s'étaient troublés et effrayés ; le désordre et le mauvais gouvernement les avaient tour à tour privés de la sagesse dans les conseils et du bon ordre dans les entreprises. Puis le duc de Bourgogne s'était lassé de faire la guerre au chef de sa race... Le roi et ses conseillers, cédant à la nécessité des temps, avaient traité de façon à contenter l'ambition et la fierté de ce prince... Le royaume avait été reconquis pied à pied. Si le roi n'avait pas lui-même conduit ses armées, du moins il s'était montré mainte fois vaillant et téméraire chevalier.

Mais le désordre durait toujours ; les calamités des peuples devenaient plus effroyables ; les gens de guerre leur étaient aussi funestes que les ennemis. Dans ce temps, le roi, malgré son courage et sa bonté, était loin de posséder le cœur de ses sujets ; sa mollesse, sa négligence, le scandale qu'il donnait à sa cour, excitaient de grands murmures. Après avoir souvent changé de conseillers, après les avoir tour à tour abandonnés aux complots et aux cabales, après s'être montré trop faible et trop docile à leurs conseils, il s'était vu entouré de gens sages ; il avait écouté leurs avis et les gémissemens du peuple. Ne cédant plus aux volontés des princes et seigneurs, qui voulaient maintenir le trouble, il avait su les réprimer. C'était de la sorte, mais non pas sans de longs délais et d'extrêmes difficultés, que s'était faite cette merveilleuse réforme des gens de guerre ; c'était là surtout ce qui faisait bénir sa mémoire par ses sujets, et répandait sa renommée dans les pays étrangers. Dès lors il avait régné comme sur un royaume nouveau, car jamais rien de pareil n'avait été vu... Il avait aussi mis fin aux désordres de l'Église par la pragmatique sanction, et en respectant le pape, il avait établi les libertés du clergé de France. Les finances avaient été mieux réglées ; de sages ordonnances sur la manière d'administrer la justice avaient été rendues.

Se trouvant ainsi plus fort que jamais n'avait été aucun roi de France, il avait entrepris de chasser les Anglais du royaume. Alors avait paru, dans tout son jour, la puissance d'un pays sagement réglé et bien gouverné contre un peuple divisé et mal conduit. Il n'avait presque fallu que faire avancer les nouvelles compagnies d'ordonnance et cette armée si bien disciplinée et payée, pour recouvrer aussitôt la Normandie et la Guyenne.

La gloire des armes du roi avait ensuite tourné tout entière à l'avantage de ses peuples. Après ses conquêtes, pendant les dix dernières années de sa vie, il avait gouverné noblement et sagement. Jamais homme n'avait été moins vindicatif ; durant tout son règne, il ne s'était pas souvenu d'une offense. Mais il voulait que justice fut faite, et même forte justice. Aussi les princes avaient été punis selon les lois du royaume ; les rébellions des grands seigneurs avaient été domptées ; le fils même du roi n'avait pas pu lui désobéir impunément. La paix avait été maintenue avec le duc de Bourgogne, non plus par soumission, mais par puissance. Le Parlement et les officiers de justice avaient toujours procédé avec fermeté coutre la violence et le désordre. Les crimes n'avaient pas trouvé, comme dans les domaines du duc Philippe, une protection assurée dans les seigneurs, et malgré quelques iniquités accomplies par voie de commission, en somme la justice n'avait pas été en leurs mains un moyen de contenter leurs vengeances et leur avidité...

Il n'y avait donc qu'une voix dans tout le royaume pour raconter toutes ces louanges du roi, qu'on venait de perdre et qu'on pleurait avec tant de regret du passé et de crainte de l'avenir[71].

Le jugement suivant de M. Villemain ne saurait être passé sous silence.

Charles VII, sous les jeux et les faiblesses d'un caractère frivole, cache un esprit adroit, ferme et patient... On lui a donné le nom de Victorieux, que méritent ses généraux ; il a droit à celui de Réparateur. Cette gloire est moins visible. Tacite le disait : les remèdes sont plus lents que les maux. L'indolence et le goût des plaisirs, naturels à Charles, ralentissaient encore son pouvoir, mais n'en interrompaient jamais les bienfaits successifs et sagement amenés ; sous ce rapport, sa frivolité servait presque sa prudence. Pour gagner des seigneurs puissants, il leur accordait sur lui-même une influence utile à l'État. En se faisant aimer des peuples avant même de pouvoir les soulager, il leur ôta d'abord la plainte et le murmure, qui ne sont pas le moindre de leurs maux... Jamais on ne vit un peuple sortir si promptement de l'excès des maux par un calme plein de force et de bonheur... L'histoire, souvent aussi peu sage que les contemporains, n'a point assez admiré ce régime politique qui laisse pour ainsi dire les États d'un tempérament vigoureux se rétablir eux-mêmes. On a cru que Charles agissait peu parce que sa main était douce et légère ; mais cette main touchait partout des blessures : le repos les guérit ; et la France, ranimée par des progrès insensibles, s'aperçut un jour enfin qu'elle était unie,- forte, paisible, sous un roi qu'elle aimait[72].

Dans l'appréciation qui suit, due à M. Guizot, l'illustre historien s'occupe du règne plutôt que du Roi.

Jamais le gouvernement n'avait été plus dépourvu d'unité, de lien, de force que sous le règne de Charles VI et, pendant la première partie du règne de Charles VII. A. la fin de ce règne, toutes choses changent de face. C'est évidemment un pouvoir qui s'affermit, s'étend, s'organise ; tous les grands moyens de gouvernement, l'impôt, la force militaire et la justice, se créent sur' une grande échelle et avec quelque ensemble. C'est le temps de la formation des milices permanentes, des compagnies d'ordonnance comme cavalerie, des francs-archers comme infanterie. Par ces compagnies, Charles VII rétablit quelque ordre dans les provinces désolées par les désordres et les exactions des gens de guerre, même depuis que la guerre avait cessé. Tous les historiens contemporains se récrient sur le merveilleux effet des compagnies d'ordonnance. C'est à la même époque que la taille, l'un des principaux revenus du roi, devint perpétuelle, grave atteinte portée à la liberté des peuples, mais qui a puissamment contribué à. la régularité et à la force du gouvernement. En même temps, le grand instrument du pouvoir, l'administration de la justice, s'étend et s'organise ; les Parlements se multiplient.... Ainsi, sous les rapports de la force militaire, des impôts et de la justice, c'est-à-dire dans ce qui fait son essence, le gouvernement acquiert en France, au XVe siècle, un caractère jusque-là inconnu d'unité, do régularité, de permanence ; le pouvoir public prend définitivement la place des pouvoirs féodaux[73].

C'est avec le protestant Sismondi que s'ouvre la série de nos modernes historiens. On ne peut méconnaître le soin laborieux, la sagacité et quelquefois l'indépendance de jugement dont a fait preuve l'auteur de l'Histoire des Français. Mais Sismondi ne possède pas cette hauteur de vues et cette gravité qui sont l'apanage du véritable historien. On s'en apercevra à la lecture de son portrait de Charles VII.

Au moment de la mort de son père, Charles VII était âgé de dix-neuf ans et neuf mois. S'il avait été doué d'énergie de caractère et d'activité d'esprit, il auroit pu dès lors se mettre à la tête du parti qui soutenoit ses droits ; mais le fils de Charles VI et de la pesante Isabeau avoit hérité de ses parens l'amour du plaisir, l'indolence et la mollesse. Quoiqu'il ne manquât pas de courage, il n'avait aucun goût pour la guerre, parce qu'elle obligeoit à trop de fatigue et de corps et d'esprit. Ses dispositions étoient bienveillantes, et avant la fin de son long règne, il eut occasion de montrer que ses affections et ses compassions pouvoient s'étendre des individus aux masses, on sorte qu'il répandit ses bienfaits sur les peuples, comme il les avoit répandus d'abord sur les courtisans ; mais pendant longtemps sa douceur ne parut procéder que de foiblesse et de nonchalance. Cédant moins à l'amitié qu'à l'habitude, il s'abandonnoit à un favori, par qui il se laissoit gouverner, à qui il ne savoit rien refuser, et qu'il ne paroissoit cependant pas regretter un seul jour, quand il le perdoit. Exilé de sa capitale, il ne cherchoit point à la remplacer par quelques autres des grandes villes de ses états ; il les évitoit toutes ; il fixoit son séjour dans quelque château, dans quelque site champêtre ; il s'y déroboit tant qu'il pou-voit, avec ses maltresses, aux yeux de sa noblesse, à ceux des bourgeois, à ceux des soldats, et il y oublioit les affaires publiques et les troubles de son royaume.... A ce goût du plaisir et à cette indolence, Charles avoit joint, en avançant en âge, une grande jalousie de son autorité, une grande impatience contre toute opposition, tout partage de son pouvoir, un grand désir de rapporter tout à lui seul. Cependant il étudioit peu les affaires par lui-même, il se mêloit peu du gouvernement, et il n'exerçoit sa volonté que dans le choix de ses ministres et de ses serviteurs. Il le faisoit avec un grand discernement, et depuis qu'il avoit triomphé de la Praguerie, il avoit réussi, avec un singulier bonheur, à ne s'entourer presque que de gens habiles ; mais s'il les laissoit faire ensuite les choses qu'ils paraissoient entendre, et s'il ne contrarioit pas leurs mesures, il ne S'en montroit pas moins accessible à leur égard à une continuelle défiance. Il croyoit aisément aux complots ou contre son autorité ou contre sa personne, et aucun de ses favoris ne garda au delà d'un petit nombre d'années le crédit dont il jouissoit auprès de lui... Le plus grand mérite de Charles VII fut peut-être d'avoir apporté dans la pratique de la guerre une douceur, une courtoisie, dés égards pour les vaincus, dont la génération précédente ne lui avoit point laissé d'exemple[74].

De Sismondi nous passons à M. Henri Martin. C'est en 1833 que M. Henri Martin, de concert avec M. Paul Lacroix, avait commencé la publication d'une Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en juillet 1830 ; par les principaux historiens. L'ouvrage, publié chez Marne, dans le format in-18, devait avoir quarante volumes : le premier seul vit le jour[75]. L'année suivante, reprenant son projet, l'auteur fit paraître l'ouvrage dans le format in-8°, et seize volumes furent publiés de 1834 à 1836. Dans cette Histoire de France, où l'auteur a la prétention de s'effacer devant les nombreux chroniqueurs qui, dit-il, servent de fanal au milieu des phases les plus ténébreuses de notre histoire[76], Charles VII est représenté, à ses débuts, comme un esprit léger, amoureux des plaisirs, redoutant toute fatigue, tout travail de corps ou de tête, gouverné par les chefs d'une faction généralement détestée, incapable de défendre ce qui lui restait du royaume paternel. Mais plus tard il semble être devenu un autre homme, à voir l'activité qu'il déploie désormais en toute chose : ce n'était plus là le prince égoïste et indolent qui avait laissé périr la libératrice de la France sans s'arracher un moment à ses plaisirs. L'auteur suppose qu'il faut attribuer, au moins en partie, l'honneur de ce changement à la belle Agnès Sorel, bien digne d'être distinguée des vulgaires favorites royales. Enfin, dans sa conclusion, l'auteur dit : Jamais prince n'aida moins sa fortune et ne dut de plus éclatants succès à des circonstances indépendantes de sa volonté, à des hommes que ne secondaient presque jamais ni sa tête ni son bras[77].

En suivant l'ordre des dates, nous rencontrons M. Théophile Lavallée, dont l'Histoire des Français a eu de très nombreuses éditions et trouve encore des lecteurs. Quand il l'écrivit, l'auteur était loin de ces idées de modération et de justice à l'égard du passé que nous lui avons connues à la fin de sa carrière. Voici comment il s'exprime :

Telle est la merveilleuse destinée de la France et les incroyables ressources qu'elle a dans son sein que de la prostration la plus complète elle s'était relevée plus forte et compacte qu'auparavant. C'était à elle-même qu'elle devait cette rapide rénovation ; jamais la nation n'avait paru plus agissante, plus vivante, plus confiante en elle-même ; elle était sauvée et son roi avec elle, malgré tous les obstacles, malgré son roi lui-même. Charles VII avait joué dans ce grand travail un rôle presque tout passif ; il avait été bien servi, et le surnom lui en resta : bien servi par le peuple qui se dévoua pour lui avec une admirable constance[78] ; bien servi par Jeanne d'Arc et Jacques Cœur ; bien servi par ses capitaines qui croyaient travailler pour eux-mêmes ; bien servi par ses soldats qu'il envoya mourir sur la Birse ; bien servi par ses vices mômes, son astucieuse indolence, son égoïsme, son ingratitude. De roi de Bourges, il était devenu le plus puissant monarque chrétien, et la royauté des Valois, assurée maintenant de sa couronne si longtemps chancelante, allait reprendre et finir la vieille guerre des rois capétiens contre la grande vassalité[79].

Un auteur peu connu, M. Ferdinand Leroy, publia en 1839 un Tableau général de l'Europe vers l'année 1453[80]. Après avoir fait ressortir le contraste entre la situation florissante de la France et la situation précaire de la plupart des États européens, l'auteur donne de Charles VII le portrait suivant :

Tous ces grands, ces glorieux-résultats ne peuvent certainement pas être attribués à Charles VII, lui seul ; cependant, ce prince, doué de qualités rares, ne saurait être traité avec le dédain que certains historiens ont affecté à son égard ; et dans le tableau que nous venons de tracer, au milieu des personnages qui jouèrent un rôle important dans les affaires de l'Europe, Charles VII occupe, sans contredit, le premier rang, soit par ses qualités personnelles, soit à cause des événements qui s'accomplirent sous ce règne, et auxquels il me semble avoir eu plus de part qu'on ne lui en attribue généralement.

Charles VII sut être malheureux avec patience, heureux sans orgueil, courageux sans forfanterie, victorieux avec clémence, intelligent des vrais intérêts de ses sujets. La France lui dut d'importantes réformes financières et judiciaires, et d'utiles institutions. Dans les conjonctures les plus difficiles, après la paix d'Arras qui enrichissait le duc de Bourgogne des successions de Hollande, Hainaut, Namur et Brabant, Charles VII fut habile autant que courageux. Bientôt, en effet, Montereau et Meaux était repris, Dieppe échappait aux Anglais, et la famille des Armagnac subissait le pouvoir du roi de France. On ne vit jamais ce prince désespérer de son salut, même aux époques les plus funestes de son règne... Son courage approcha souvent de l'intrépidité.... En réorganisant l'armée et les finances, Charles VII fit ce qu'aucun prince n'avait osé avant lui... Son amour pour la justice fut célébré par ses contemporains... Enfin, pour qu'aucune gloire ne manque à ce règne, nous dirons que, malgré les guerres intestines et étrangères qu'eut à soutenir Charles VII, son amour pour les lettres n'en fut pas moins vif.

Tandis que Sismondi poursuivait laborieusement son Histoire des Français et que M. Henri Martin recommençait son œuvre sous une forme plus personnelle, M. Michelet donnait, avec une sage lenteur, une Histoire de France dont le premier volume avait paru en 1833, et M. Laurentie publiait, lui aussi (1839), une Histoire de France. L'année 1841 vit paraître les volumes consacrés par ces deux historiens au règne de Charles VII.

Si M. Michelet consacre à la période comprise de 1422 à 1461 tout son tome V, — rempli, comme les précédents, de recherches érudites, d'aperçus originaux, de remarques judicieuses, et aussi d'étranges fantaisies, de longues digressions, — on y chercherait vainement une appréciation raisonnée du caractère de Charles VII. Chose étrange, M. Michelet, qui remonte si volontiers aux sources, qui a la passion de l'inédit, n'a pas su bannir la légende de l'histoire de Charles VII. Et il renchérit même sur la légende, en osant dire qu'Agnès Sorel fut donnée à Charles VII parla reine Yolande, sa belle-mère[81]. Il nous parle de la figure peu royale[82] du bonhomme Charles VII[83], qui aimait les femmes et qui fut sauvé par les femmes[84]. En revanche, M. Michelet sait rendre justice à certains actes personnels du Roi : l'affaire de la Praguerie, la reprise de Pontoise, les répressions féodales, la réforme militaire, la création des francs-archers, la lutte diplomatique avec la Bourgogne, la réhabilitation de Jeanne d'Arc ; de telle sorte que, malgré les lacunes et les inexactitudes, Charles VII apparaît ici sur la scène bien mieux que dans beaucoup d'autres histoires.

M. Laurentie, se conformant à l'usage classique, a tracé un portrait de Charles VII.

Charles VII, fidèle comme monarque, avait été mal édifiant comme chrétien. Nul frein ne retint son amour des lâches plaisirs et c'est une flétrissure pour cette vie pleine de gloire... Après la condamnation de cette triste incontinence, l'histoire montre ce règne comme l'un des plus éclatants qui aient passé sur la France. Charles VII ne fut pas, comme on l'a trop dit, étranger au grand mouvement national qui déracina l'Angleterre de la France. La Pucelle donna le signal de l'affranchissement, et tant qu'elle parut aux armées le roi se tint comme immobile. On et, dit qu'il sentait sa mission royale transférée en d'autres mains. Ce ne lui fut pas d'ailleurs un honneur vulgaire de savoir confier alors ses armées à des hommes de valeur et de génie. La plupart des rois ne périssent que par le défaut de ces choix ; mais une fois qu'il fallut paraître en personne dans les guerres et dans les affaires, Charles VII y apporta du courage et surtout de la suite, qualité meilleure peut-être. Dans ce mouvement il semble presque avoir oublié ses voluptés, et l'histoire le voyant mêlé à tout ce qui se fait de grand et d'utile par les armes, par le conseil, par les, lois, par la réforme de la discipline, par les armées, par les négociations politiques, par l'agrandissement successif de l'État, par la répression des désordres, par tout ce travail de restauration sociale, l'histoire voyant cette activité, cette application, cette ténacité du prince, se souvient à peine des désordres privés de sa vie. Ce n'est qu'à la réflexion qu'elle reprend sa sévérité. D'ailleurs, peu de fautes politiques furent commises par Charles VII ; son règne est exempt de violences et de réaction. Et pourtant son indulgence ne fut point de la faiblesse ; mais sa justice ne fut point de la vengeance. Les peuples l'aimaient à cause de sa bonté ; il était compatissant, et il épargna les supplices, comme il évita les impôts. On l'appela te Victorieux, et ce nom doit lui rester, car la victoire ce fut la liberté. On l'appela aussi le bien servi, et ce surnom n'est pas sans honneur, car l'affection des serviteurs atteste l'amour du maître. Il a été quelque temps de mode en France de déprécier son règne. Il était juste de le montrer dans son jour de patriotisme. Charles VII a brisé le sceptre d'Angleterre, et il a refait la monarchie de France ; c'est là un titre pour quiconque croit à la liberté et à la gloire[85].

Nous rencontrons ici une nouvelle et très remarquable appréciation des résultats du règne de Charles VII, due à la plume de M. Mignet. Elle se trouve dans son savant mémoire sur la Formation territoriale et politique de la France, lu à l'Académie des sciences morales et politiques, et publié en 1843 :

Charles VII joua, dans la seconde période des guerres anglaises, le même rôle qu'avait joué Charles V dans la première... Charles VII répara par son habileté et par ses succès militaires la désastreuse défaite d'Azincourt et les, suites non moins funestes du traité de Troyes. Il conquit le royaume sur les Anglais, et il termina comme elle devait l'être cette grande question territoriale agitée depuis près de trois siècles, de la conquête de. la France par les rois d'Angleterre ou de l'expulsion des Anglais du continent par les rois de France... La monarchie ayant surmonté, sous Charles VII, la double réaction politique et territoriale qu'avaient essayés contre elle le parti bourguignon et le parti anglais, dut renforcer sa constitution. Ce fut alors, en effet, que l'ordre judiciaire fondé par saint Louis fut étendu, que le système financier créé dans le quatorzième siècle fut complété et rendu permanent par l'institution des tailles perpétuelles, enfin qu'une organisation militaire appropriée à la monarchie prit naissance et remplaça l'organisation militaire de la féodalité[86].

Un inspecteur général de l'Uniyersité, M. Ozaneaux, publia, en 1846, un précis en deux volumes, qui a eu plusieurs éditions, et où il fait preuve d'un remarquable sens historique. Son appréciation ne saurait être passée sous silence :

Qui l'eût dit alors (1422) que ce roi de dix-neuf ans, étourdi, insouciant, chassé de son royaume, repoussé par une loi en apparence nationale, privé de toutes ressources, errant de ville en ville, et n'ayant rien de ce qui inspire l'enthousiasme, rien que des formes aimables et une bonté facile..., remonterait au trône de ses pères par la force des armes, s'y maintiendrait par l'amour de son peuple, réparerait les maux de la France par sa sagesse, lierait le temps moderne au moyen âge en affermissant les belles institutions de l'un et préparant les améliorations de l'autre, et léguerait à son fils, après trente-neuf ans de règne, la plus puissante monarchie de la chrétienté !... Longtemps jeune et insouciant, longtemps étourdi par ce mouvement général qui n'était ni son ouvrage, ni celui d'aucun homme, Charles finit par le sentir, par s'y associer, par le diriger lui-même. Alors il fut un grand roi ; l'élu de Dieu, l'élu du pays se tint à la hauteur de sa mission et sut l'accomplir. Dans sa vie privée, il eut des faiblesses, et il est fâcheux que les traditions populaires aient associé à sa mémoire le nom d'Agnès Sorel... Gardons-nous de chercher, sur la foi de quelques historiens, une époque précise de la vie de Charles VII où il devient tout à coup un homme supérieur ; gardons-nous d'accepter la romanesque tradition qui ferait sortir ce miracle d'une parole d'Agnès Sorel ; c'est de plus loin que viennent les leçons qui instruisent les chefs des nations ; c'est de plus haut que descendent les voix qui les inspirent[87].

Deux savants éminents de notre temps, successivement directeurs de l'École des chartes, MM. B. Guérard et J. Quicherat, ont fait entendre leurs voix dans cet ensemble où il y a tant de notes discordantes. Leurs appréciations portent la date de 1850.

Voici comment s'exprime le grave éditeur du Polyptique d'Irminon :

Le pouvoir royal pénétra et triompha partout sous le règne de Charles VII. A partir de ce prince, auquel les écrivains modernes n'assignent pas, je crois, un rang assez élevé dans l'histoire, les deux principaux fondements de la puissance, les finances et les armes, furent assurés à la royauté par l'institution des impôts publics et des armées permanentes... La France eut des revenus considérables et une organisation financière qui suffisaient à tous ses besoins. Elle fut également redevable à Charles VII d'une armée permanente, régulière et soldée, qui acheva la défaite de la féodalité, et mit à la disposition du pays des forces toujours prêtes, soit pour l'attaque, soit pour la défense[88].

Quicherat, dont l'hostilité à l'égard de Charles VII est connue, a fait preuve ici d'impartialité :

Charles VII fut du petit nombre des princes qui s'améliorèrent sur le trône. Il ne faudrait pas le peindre au commencement de son règne avec les vertus qu'il montra plus tard ; car bien qu'il en possédât le germe, elles étaient offusquées en lui par des vices de nature et surtout d'éducation. Georges Chastellain, qui peut passer pour le plus grand observateur du XVe siècle, prétend qu'il y avait dans son âme un fond d'envie ; il est incontestable qu'il manqua toujours du don si précieux de la magnanimité. Cela joint à une grande défiance de lui-même et à la terreur des crimes commis en son nom, le rendit indolent, malgré son aptitude au travail ; inintelligent des situations, malgré la rectitude de son esprit ; ombrageux et dur, malgré la douceur de son caractère[89].

Dans le jugement suivant, formulé pourtant par Augustin Thierry à la fin de sa carrière, on retrouve encore la trace d'opinions préconçues c'est l'appréciation du règne plutôt que celle du Roi, relégué à ce rang de témoin que lui a assigné le président Hénault :

Du long et pénible travail de la délivrance nationale sortit un règne dont les principaux conseillers furent des bourgeois, et le petit-fils de Charles V reprit et développa les traditions d'ordre, de régularité, d'unité qu'avaient créées le sage gouvernement de sou aïeul. Charles VII, roi faible et, indolent par nature, occupe une grande place dans notre histoire, moins par ce qu'il fit de lui-même que par ce qui se fit sous son nom ; son mérite fut d'accepter l'influence et de suivre la direction des esprits les mieux inspirés en courage et en raison. Des âmes et des intelligences d'élite vinrent à lui et travaillèrent pour lui, dans la guerre avec toutes les forces de l'instinct patriotique, dans la paix avec toutes les lumières de l'opinion nationale... L'esprit de réforme et de progrès modela sur un plan nouveau toute l'administration du royaume : les finances, l'armée, la justice et la police générale. Les ordonnances rendues sur ces différents points eurent leur plein effet, et elles se distinguent, non comme les précédentes par une ampleur un peu confuse, mais par quelque chose de précis, de net, d'impérieux, signe d'un talent pratique et d'une volonté allie d'elle-même parce qu'elle a le pouvoir... La forme de la monarchie moderne, de ce gouvernement destiné dans l'avenir à être à la fois un et libre, était trouvée ; ses institutions fondamentales existaient ; il ne s'agissait plus que de le maintenir, de l'étendre et de l'enraciner dans les mœurs. Le règne de Charles VII fut une époque d'élan national ; ce qu'il produisit de grand et de nouveau ne venait pas de l'action personnelle du prince, mais d'une sorte d'inspiration publique d'où sortirent alors en toutes choses le mouvement, les idées, le conseil[90].

La même année, un écrivain distingué, bien connu par ses beaux travaux sur Colbert et l'administration sous le règne de Louis XIV, consacrait deux volumes à Jacques Cœur. En retraçant l'histoire du célèbre argentier, M. Pierre Clément se plaçait à son tour en face de cette figure royale, si diversement jugée, et se demandait ce qu'il faut en penser.

Peu de princes ont été jugés d'une manière plus différente et plus contradictoire que Charles VII. Frappés uniquement de ses défauts, la plupart des historiens la ont refusé tout mérite personnel... Si j'ai bien compris cette physionomie, elle a été souvent sacrifiée contre toute justice... Il y a dans la vie de Charles VII deux parts distinctes à faire. Pendant les douze ou quinze premières années de son règne, il se montra faible, sans volonté, sans confiance en lui-même, se laissant diriger par des favoris qu'on lui imposait violemment. Puis, rendu plus habile et plus prudent par ses fautes mêmes, car le métier de roi, suivant l'expression de Louis XIV, a, plus que tout autre, besoin des leçons de l'expérience, il finit par acquérir cette volonté, cet esprit politique et de suite qui lui manquaient d'abord, et poussé, sinon par la nature même, du moins par les nécessités de sa position, il se battit vaillamment, chassa les Anglais du royaume, fit adopter des réformes capitales, et assura, par un acte célèbre, les libertés de l'Église gallicane. Je ne parle pas de la fermeté qu'il déploya contre son indigne fils et contre quelques princes du sang. Ce n'est donc point dans le roi, mais dans l'homme, qu'il faut chercher les défauts de Charles VII. Ces défauts sont principalement l'ingratitude, l'oubli complet des plus grands services, et des faiblesses étranges, scandaleuses, qui le rendirent, surtout vers la fin de sa vie, indifférent à' toute pudeur...

Charles VII réforma la justice, organisa l'armée, publia d'excellents règlements sur les finances, rétablit l'ordre dans les monnaies, fonda l'administration et porta le premier coup à la féodalité... On peut le dire avec vérité : sous le rapport politique et administratif, la France sortait en quelque sorte du chaos ; une ère nouvelle commençait... Pour quiconque examine attentivement l'ensemble des travaux de cette époque, il est constant que là se trouve le véritable point de départ de la société nouvelle... On devine, on sent, en étudiant les chroniqueurs contemporains, qu'aucun roi de France n'a été, de son vivant, plus aimé et plus populaire[91].

Nous arrivons à l'apparition du tome VI de la nouvelle Histoire de France de M. Henri Martin, qui, après ses quinze volumes de 1834-36 et ses dix-huit volumes de 1838-53, avait commencé, en 1855[92], une quatrième édition, entièrement refondue, qui constitue un ouvrage absolument différent des deux précédents. Nous avons ici la dernière manière de l'historien et son jugement définitif sur Charles VII :

Charles VII, à la fois mobile et obstiné, léger et songeur, soupçonneux envers les bons et crédule aux méchants, amolli dès l'adolescence par ce précoce abus des voluptés qui avait coûté la raison à son père et la vie à son frère, ne montrait en rien l'activité d'esprit et de corps, ni les passions énergiques de son âge. Il n'était pas lâche : quand il fut obligé de payer de sa personne, il le fit honorablement ; mais il craignait les fatigues et le tumulte des camps : il n'était ni cruel ni absolument insensible ; mais sa sensibilité toute physique, pour ainsi dire, était sans profondeur et sans durée ; sa vie morale était toute dans la sensation présente ; si son esprit était capable de réflexion et de souvenir, jamais homme n'eut moins que lui la mémoire du cœur ; il était ingrat, moins par perversité réfléchie que par impuissance morale... ; toujours à la merci du premier intrigant qui s'emparait de son esprit en flattant son humeur défiante et ses goûts de paresse et de volupté... Son épicuréisme pratique s'éloignait, tant qu'il pouvait, de la vue du mal, pour échapper à toute impression pénible... Plus tard, beaucoup plus tard, la maturité de l'âge exerça sur ses facultés une favorable influence ; sa rectitude d'esprit ne demeura plus stérile ; l'aptitude au travail et à l'action, la volonté, la personnalité, à un certain degré, se manifesta en lui. Cette modification fut bien lente, et il ne se défit jamais d'ailleurs du vice des petites âmes, la défiance jalouse contre tout ce qui était grand ; la haine ou la peur des trop éclatants services... Il ne faut pas être injuste cependant... Le mérite passif qu'on est obligé de reconnaître à Charles VII, c'est d'avoir accepté le mouvement qui portait la bourgeoisie intelligente aux affaires et qui sortait du fond même de la France... Il avait au moins, pour vertu négative, l'antipathie des excès des gens de guerre... Il avait aussi les avantages négatifs de son vice, la méconnoissance et ne gardait guère plus de mémoire des offenses que des bienfaits[93].

Le tome VI de l'Histoire de France de M. Henri Martin souleva, à son apparition, une polémique que nous ne pouvons passer sous silence, car elle n'a point été sans influence sur le mouvement de l'opinion. Il faut si peu de chose pour former un courant dans un sens ou dans un autre ! Un critique distingué, qui fut mêlé à ce débat, ne nous dit-il pas que l'appréciation sévère du caractère de Charles VII, faite par M. Quicherat, avait, en raison de l'autorité de l'auteur et de la discrétion même de ses vues, semblé déterminer l'histoire contre Charles VII, et que, comme tout le monde, il avait été entraîné à se ranger à ce sentiment[94] ? Il n'était donc point inutile qu'en présence du véritable réquisitoire formulé par M. Henri Martin, s'élevât une protestation, appuyée sur ces documents originaux que l'historien invoquait à ses débuts, et dont il faisait ici si bon marché. C'est ce que tenta de faire, avec quelque audace, un écrivain fort jeune alors et très inexpérimenté[95]. Par bonheur, il ne fut pas seul à soutenir l'attaque : M. Émile Chasles, dans la Revue contemporaine[96], M. Alfred Nettement, dans l'Union[97], intervinrent dans le débat, et combattirent avec autorité la thèse de l'historien. M. Henri Martin dut prendre la plume à son tour pour répondre aux critiques dont son livre avait été l'objet[98], ce qui lui attira une réplique assez vive[99].

Le résultat de cette polémique, pour tout juge non prévenu, fut le sentiment unanime que l'historien avait dépassé les bornes et fait preuve, dans ses appréciations, d'une singulière partialité, Il nous paraît, écrivait M. Émile Chasles, que M. Henri Martin a manqué de justice en accablant de mépris Charles VII. A supposer que l'on doive demeurer dans l'incertitude sur le vrai caractère de ce roi, le livre de M. Henri Martin reste en dehors de l'esprit moderne de l'histoire[100]. Et M. Nettement, allant au fond de la question, qu'il résumait en maître, après avoir montré le peu de fondement du système de M. Henri Martin, faisait toucher du doigt chez l'historien la passion politique à laquelle il avait cédé et qui l'avait égaré : C'est, disait-il, un libéral de l'école de 1827, qui veut prouver que le roi du quinzième siècle a régné et n'a point gouverné ; il ne juge point Charles VII, il fait de l'opposition contre lui[101].

De même que, dans cette revue des historiens, nous avons négligé Genoude[102], de même nous passerons sous silence les travaux de M. Amédée Gabourd[103], l'abbé Pierrot[104], Auguste Trognon[105], aussi bien que les multiples abrégés parus de nos jours[106]. Trois auteurs seulement doivent encore fixer notre attention : M. Hippolyte Dansin, M. Dareste, M. Vallet de Viriville[107].

M. Dansin, alors professeur d'histoire au lycée de Strasbourg, mort depuis prématurément à Caen, où il avait été nommé professeur d'histoire à la faculté des lettres, est l'auteur d'une thèse pour le doctorat, soutenue eu Sorbonne en octobre 1856, au moment même où venait de paraître le tome VI de l'Histoire de France de M. Henri Martin, et qui fut publié la même année à Strasbourg[108]. Ce travail fut réimprimé deux ans plus tard avec quelques développements[109]. Dans son livre où, comme on l'a remarqué justement, les actes du gouvernement de Charles VII sont mis dans un jour si nouveau, M. Dansin condamne ce roi avec une sévérité qui lui attira d'ailleurs des observations pleines de justesse[110] :

Il y aurait quelque naïveté à ressentir le moindre enthousiasme pour ce prince. L'apathie, la défiance et l'égoïsme ont été le fond de son caractère et n'ont cessé de le dominer à toutes les époques de sa vie et dans les situations si diverses où la fortune s'est fait comme un jeu de le placer. On a bien essayé de réclamer quelquefois[111] pour Charles VII les qualités morales que nous lui refusons, et de rapporter même à son activité et à son esprit d'initiative toutes les grandes mesures de gouvernement dont son règne a été rempli. Malheureusement pour ceux qui poursuivent cette réhabilitation de bonne foi, les documents contemporains qui concernent la vie et les actes de ce prince, ne peuvent laisser aucun doute sur l'incurable faiblesse de son caractère. Sa vie n'est qu'une succession des défaillances les plus déplorables[112]... Quand on a parcouru les chroniques du temps, n'est-on pas convaincu que jusqu'à sa trentième année Charles VII ne s'est pas appartenu même un seul jour ?... Trouverons-nous dans l'homme mûr plus de virilité ?... On ne peut nier qu'à cette époque le caractère de Charles VII n'ait paru reprendre par instants un peu de ressort et de vigueur ; malheureusement ces lueurs d'énergie n'avaient pas plutôt brillé qu'elles allaient s'éteindre dans l'incurable indolence qui faisait le fond de sa nature morale... Naturellement nous n'irons pas demander à la vieillesse de Charles VII la vigueur morale et la force d'âme qui manquaient à sa jeunesse et à son âge mûr... Ce qui occupe sa vie, ce sont les soupçons et les frayeurs qui ont désolé sa jeunesse. Assiégé d'inquiétudes horribles, il évite les yeux du peuple et le séjour des villes, où pourtant il est aimé ; il se tient caché au fond de ses châteaux, et quand il meurt, il y avait déjà quelques années qu'il ne donnait plus guère que son nom au gouvernement de l'État... Charles VII n'a que bien peu participé au maniement des affaires, et il est même fort probable que plusieurs des réformes qui honorent la seconde moitié de son règne ont dû s'accomplir presque à son insu[113].

M. Dareste, longtemps professeur à la faculté des lettres de Lyon et doyen de cette faculté, puis recteur à Nancy et à Lyon[114], a fait paraître une Histoire de France, à laquelle l'Académie française a décerné deux fois le grand prix Gobert, et qui, par la sûreté des recherches comme par la modération des jugements, est sans contredit la meilleure publiée dans ce siècle. Voici comment le savant correspondant de l'Institut apprécie Charles VII, dans son tome III, publié en 1865 :

Il avait commencé par être un des rois les moins obéis que la France eût eus jamais ; il finit par être un de ceux qui le furent le mieux. Il avait trouvé partout l'indépendance et l'insubordination, et il en triompha partout. Il avait trouvé le pays mécontent et découragé ; il le releva, lui rendit la confiance et lui inspira l'énergie nécessaire. Les auteurs contemporains attestent à l'envi l'un de l'autre la joie que la France éprouva de se revoir libre, maîtresse d'elle-même, développant désormais sans entraves ses forces et ses ressources. Charles VII ne fut assurément pas l'auteur unique de ces grands résultats. Une part en revient aux hommes éminents dont il avait su s'entourer, et à l'esprit public, qui se réveilla avec une singulière énergie. Mais il sut accomplir cette tache laborieuse avec une habileté et une persévérance rares... Il mourut ayant chassé l'Anglais, rétabli l'ordre, réduit les princes à l'obéissance, réformé l'armée et la justice, effacé un demi-siècle de calamités, léguant enfin à son successeur un pouvoir assis sur les bases les plus solides[115].

Nous arrivons enfin au récent historien de Charles VII qui, après : avoir apporté un contingent aussi important que nouveau à l'étude de l'histoire du quinzième siècle par la publication de nombreuses et érudites dissertations sur des points de détails, par d'intéressants travaux sur Jeanne d'Arc, Agnès Sorel, Isabeau de Bavière, Jacques Cœur, etc., par un grand nombre de biographies de personnages du temps insérées dans la Biographie Didot, enfin par des éditions de plusieurs chroniques contemporaines, a donné, de 1862 à 1865, une Histoire de Charles VII et de son époque, en trois volumes.

Il semblerait que, par la patience des investigations comme par l'abondance des matériaux, M. Vallet de Viriville eût dû nous donner sur Charles VII le dernier mot de l'histoire. Et pourtant, que de lacunes dans cette œuvre inégale ! quelle fantaisie dans certaines appréciations ! surtout quelle absence de plan et de méthode ! A vrai dire, on doit envisager ce vaste travail comme un immense répertoire où l'on peut utilement puiser, mais qui s'adresse plutôt aux hommes d'étude qu'au grand public. Nous le reconnaissons avec empressement, les travaux de M. Vallet de Viriville nous ont été du plus grand secours. Ayant eu d'ailleurs personnellement à nous louer, à nos débuts dans la carrière, de la bienveillance et de l'aménité qui faisaient le fond de son caractère et rendaient si agréables les rapports entretenus avec lui, nous en gardons un profond souvenir et un vif sentiment de gratitude. Mais, tout en rendant à sa mémoire l'hommage qui lui est si légitimement dû, la vérité nous oblige de reconnaître que le sujet qu'il a abordé n'est pas traité à fond dans ses trois volumes, et qu'après lui la véritable Histoire de Charles VII reste à écrire.

Voyons comment M. Vallet de Viriville a apprécié le Roi dont il avait si longuement étudié le règne.

Charles VII lui apparaît tout d'abord comme l'enfant de la démence[116]. Doué d'un tempérament débonnaire et timide, le développement de ses facultés avait été retardé par diverses causes[117]. La nature, pour la fougue et la violence de certaines passions, l'avait créé très ressemblant à son père[118]... Sa complexion physique et morale se composait d'un fonds de sensualité remarquable. Sa vie paraît avoir été, sous certains rapports, une longue carrière d'immoralité[119]... En examinant de très près la vie entière du fils de Charles VI, en considérant avec attention les images authentiques de ses traits qui nous sont restées, on doute si la terrible maladie du père ne transmit point au fils quelque trace héréditaire[120]. Au début de son règne, Charles VII disparaît dans de licencieuses et inaccessibles retraites, au sein d'un demi-jour sans gloire et probablement sans vertu : tout au plus parvient-il à voiler, à dérober les scandales d'une lascivité (sic), qui semble avoir été, chez lui, comme un vice congénial et héréditaire... L'histoire n'a guère pu que sonder le vide obscur de cette retraite et ne peut attester de ce prétendant que son inertie[121]. Pendant sa jeunesse, Charles s'abandonne au plaisir : l'historien préfère ici aux témoignages authentiques, qu'il n'ignore point pourtant, la tradition, qu'il prétend à tort être d'accord avec les notions historiques les plus positives[122]. Plus tard, en 1437, le Roi apparaît comme un homme nouveau. Ce prince, jusque-là timide, éloigné du péril et même de l'activité, conduit toutes les opérations du siège de Montereau et y paie bravement de sa personne[123]. Peu à peu, il se révèle par des succès politiques et militaires qui font de lui l'un des princes les plus considérables et les plus influents de la chrétienté[124]. L'historien vante alors sa sagesse, sa générosité, sa haute raison, son affabilité, l'adresse et la modération de sa politique, la prudence unie à la hardiesse dont il fit preuve en plus d'une occasion[125]. Peut-être, dit-il en manière de conclusion, dans la balance d'un juge sévère, ses défauts et ses torts l'emporteront-ils sur ses bonnes actions et ses louables qualités. Observé sous ce rapport, il ne restera de lui qu'une assez médiocre figure. Mais, quels que soient les droits de la morale, l'homme privé, chez un prince, disparaît jusqu'à un certain point derrière l'homme public. La face royale est celle que la critique doit principalement envisager. Placé de cette manière, le personnage que nous avons devant nous, inspire déjà plus d'estime ; et la postérité peut, en ce sens, adhérer au témoignage que portaient sur Charles VII quelques-uns de ses contemporains, témoignage suivant lequel sa vertu estoit trop plus grande sans comparaison que son vice. L'homme et ses actions passent ; les œuvres d'un roi, ses institutions restent[126]... Il avait beaucoup souffert : l'adversité fut pour lui mère de la sagesse ; et sa bravoure, l'effort, l'héroïsme même dont on le vit par instants capable, étaient chez lui le fruit de la volonté réfléchie, plus que le jeu d'un ressort naturel et spontané[127].

Mais l'historien croit voir dans la transformation opérée chez Charles VII l'influence de la dame de Beauté. Dès 1855, il s'était fait le champion de la Belle Agnès, et il est curieux de voir ses efforts désespérés pour concilier sur ce point la légende avec l'histoire. Il parle sans cesse de l'influence active, permanente, absolue de la deuxième compagne du Roi, de la douce et généreuse conseillère, de la conseillère toute-puissante, de l'empire qu'elle exerçait sur la volonté du Roi et sur ses actions, et il finit par accepter, comme le dernier mot de la science, le fameux quatrain de François Ier, lequel offrirait, sous cette garantie d'autant plus sûre peut-être, que la forme en est familière et enjouée, un sérieux témoignage historique[128].

Nous n'insisterons pas sur cette appréciation, où les contradictions abondent, et nous nous bornerons à faire observer combien sont peu précises les conclusions du dernier historien de Charles VII. Avions-nous tort de dire que le sujet n'a point été par lui suffisamment élucidé et que le procès reste encore à instruire ?

 

II

Après cet aperçu des jugements formulés par les historiens, qui nous montre quelle a été la destinée historique de Charles VII, il nous faut procéder à l'examen critique des sources du règne. Nous étudierons d'abord les chroniques, en suivant l'ordre chronologique de publication ; nous examinerons ensuite les documents, en joignant aux renseignements sur ce qui a été imprimé quelques indications sur les nombreux matériaux restés inédits.

§ 1er. — Les Chroniques.

Le premier récit original qui ait été livré au public, par la voie de l'impression, ce sont les Grandes Chroniques, réunies par Robert Gaguin, et publiées en 1476-77, en trois volumes in-folio[129]. Nous ne nous arrêterons pas à ce monument historique si précieux ; il nous suffira de dire que la partie consacrée au règne de Charles VII était l'œuvre de frère Jean Chartier, grand chantre de l'abbaye de Saint-Denis, pourvu en 1437 de la charge de chroniqueur ou historiographe du Roi[130]. C'est par erreur, disons-le en passant, qu'on a fait du moine de Saint-Denis le frère d'Alain et de Guillaume Chartier, avec lesquels il n'a de commun que la similitude du nom[131]. La Chronique de Charles VII fut insérée sans nom d'auteur dans le recueil précité[132] ; elle fut réimprimée en 1517-18 dans la Mer des histoires et croniques de France[133], et donnée pour la première fois sous le nom de Jean Chartier par Denis Godefroy, en 1661, en tête de son recueil des historiens de Charles VII[134]. Enfin M. Vallet de Viriville en a publié de nos jours, en 1858-59, une nouvelle édition, revue sur les manuscrits[135], dans la Bibliothèque Elzévirienne de P. Jannet[136]. Il y a joint la traduction d'un essai de chronique latine, composé par Jean Chartier, et retrouvé dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale[137]. L'œuvre de Jean Chartier n'est pas entièrement originale : on y constate des emprunts fréquents à d'autres auteurs. Commencée seulement en 1437[138], elle offre de graves lacunes et est souvent inexacte pour la première partie du règne, mais elle contient un certain, nombre de documents, et elle a des parties instructives[139].

Après la chronique de Jean Chartier, nous rencontrons une œuvre poétique, intitulée : les Vigilles de la mort du feu Roy Charles septiesme, à neuf pseaulmes et neuf leçons, contenons la cronique et les faitz advenuz durant la vie dudit feu Roy. Cette œuvre, due à un jeune procureur au Parlement et notaire au Châtelet de Paris, qui s'appelait Martial d'Auvergne[140], fut composée pendant le règne de Louis XI ; le manuscrit original, dédié ait jeune roi Charles VIII, est conservé à la Bibliothèque nationale et porte la date de 1484[141]. Les Vigilles de Charles VII furent aussitôt très répandues, et ne tardèrent pas à avoir les honneurs de l'impression[142]. Très élogieuses pour le Roi dont elles racontaient les exploits, dont elles vantaient la clémence, la bonté, toutes les royales vertus, elles apparaissaient au moment où une réaction se manifestait en faveur de Charles VII, et où le mouvement de l'opinion, comprimé par la politique intéressée et tyrannique de Louis XI, éclatait avec une irrésistible puissance. Aussi l'œuvre de Martial d'Auvergne obtint-elle une immense popularité : un auteur du seizième siècle nous apprend que les Vigilles étaient répétées et chantées jusque dans les campagnes. Si Martial d'Auvergne n'a point prétendu faire un récit original, s'il s'est inspiré principalement du héraut Berry, dont il suit fidèlement la chronique, il n'offre pas moins un témoignage personnel qui a surtout sa valeur quand il parle du caractère de Charles VII et qu'il constate les regrets unanimes causés par la mort de ce prince. Les Vigilles de Charles VII ont été l'objet d'une réimpression, faite en 1724, par Coustelier, dans sa Collection des poètes français[143].

Un chroniqueur dont l'œuvre est bien plus étendue et d'une toute autre importance que celle de Jean Chartier, eut comme lui les honneurs de l'impression avant la fin du quinzième siècle : nous voulons parler du bourguignon Enguerrand de Monstrelet, né en 1390, mort en 1453. Sa chronique, qui commence en 1400 et s'étend jusqu'en 1444, fut imprimée par Antoine Verard, qui en donna successivement deux éditions[144]. Réimprimée plusieurs fois au seizième siècle, avec des additions qui ne sont point à négliger[145], la Chronique de Monstrelet a été publiée de nos jours, à deux reprises, par M. Buchon[146], et M. Douët-d’Arcq en a donné, pour la Société de l'histoire de France, une édition[147] qui malheureusement laisse à désirer sous plus d'un rapport[148]. Monstrelet a été, au seizième siècle, la principale source qu'on possédât pour la période embrassée dans sa chronique, et c'est ainsi que, sur beaucoup de points notamment pour le meurtre de Montereau — la version bourguignonne s'est emparée de l'histoire. En effet, si nous trouvons dans l'œuvre de Monstrelet un récit historique présenté avec clarté et avec méthode, des informations très sûres, une certaine exactitude chronologique, et bon nombre de documents intercalés dans le texte ; si, comme on l'a dit, Monstrelet est un homme sincère, il est impossible de ne pas reconnaître, avec M. Quicherat, que chez lui l'amour de la vérité ne fait taire ni l'intérêt ni la passion[149]. Sujet des ducs de Bourgogne, attaché à la maison de Luxembourg, il est avant tout le panégyriste de ses maîtres, et, en particulier, il ne perd pas une occasion de vanter les exploits de Jean de Luxembourg, le célèbre lieutenant de Philippe le Bon. C'est assez dire avec quelle réserve on doit consulter cette chronique, qui demeure pourtant une des meilleures sources pour la partie du règne qui s'étend jusqu'en 1444[150].

On imprima en 1528 une chronique, bien supérieure à celle de Jean Chartier, qu'on attribuait à Alain Chartier, homme bien estimé en son temps, secrétaire de Charles VII[151]. Réimprimée en 1594, puis en 1617, dans les Œuvres d'Alain Chartier données par André du Chesne, cette chronique fut publiée pour la première fois avec le nom de son véritable auteur par Denis Godefroy, dans ses deux recueils des historiens de Charles VI et de Charles VII[152]. Elle est due à Gilles le Bouvier, dit Berry, roi d'armes de France, né en 1386, et qui fut témoin oculaire de beaucoup des événements qu'il raconte. C'est un exposé historique qui s'étend de 1403 à 1455 ; sans être exempt d'erreurs, il est plus exact et plus précis que les autres chroniques, et sa valeur est considérable. Il est fâcheux que nous n'en possédions pas un texte soigneusement revu sur les manuscrits[153], et entouré de tous les compléments d'une bonne édition. Chartier a fait à cette chronique de nombreux emprunts. Berry est en outre l'auteur d'un récit, développé du Recouvrement de la Normandie, qui n'a été publié que de nos jours.

Un chroniqueur bourguignon, Olivier de la Marche, eut à son tour, au seizième siècle, la bonne fortune d'être mis en lumière. Ses Mémoires, imprimés en 1562, par Denis Sauvage[154], ne commencent qu'en 1435 et s'étendent jusqu'en 1488. Olivier de la Marche, né vers 1426, mort en 1502, a plus d'importance pour le règne de Louis XI que pour celui de Charles VII. Il ne commença à écrire qu'en 1471. Serviteur dévoué de la maison de Bourgogne, attaché à la personne du comte de Charolais, son témoignage ne saurait être accepté sans contrôle ; il est l'écho de toutes les traditions bourguignonnes[155].

La science historique s'enrichit, au dix-septième siècle, de nouvelles sources, grâce aux savants historiographes Godefroy.

Théodore Godefroy publia, en 1614[156], l'Histoire de Charles VI, écrite par Jean Jouvenel des Ursins, successivement évêque de Beauvais et de Laon, et archevêque de Reims, d'après les renseignements fournis par son père, mort en 1431 président au Parlement de Poitiers. C'est un monument historique d'une grande valeur' et la source la plus importante pour la régence du Dauphin. Denis Godefroy, fils de Théodore, réimprima le texte de Jouvenel en tête de son recueil des historiens de Charles VI[157].

C'est encore à Denis Godefroy qu'on doit la publication des textes suivants :

1° Un abrégé chronologique[158], dû à un auteur anonyme, s'étendant des années 1400 à 1467, qui, bien que très succinct, ne doit pas être dédaigné[159].

2° Un journal, écrit par un bourgeois de Paris, fougueux Bourguignon, qui comprend les années 1405 à 1449, et offre une peinture des plus saisissantes de cette époque. Ce journal, dont le texte a été donné d'une façon plus ample par La Barre, en 1729[160], et qui a été reproduit de nos jours dans les différentes collections de mémoires[161], vient d'être l'objet d'une publication nouvelle, faite sur les manuscrits de Rome et de Paris, avec le plus grand soin, par M. A. Tuetey, archiviste aux Archives nationales[162]. Des savantes recherches de l'éditeur, il résulte que le Journal d'un bourgeois de Paris doit être attribué à Jean Chuffart, chanoine et chancelier de Notre-Dame et recteur de l'Université[163].

3° Une chronique de 1407 à 1422[164] qui, bien que n'étant pas, selon toute apparence, de Pierre de Fenin, pannetier de Charles VI, mort en 1433, auquel Godefroy l'attribuait, mais d'un autre Pierre de Fenin, sire de Grincourt, lequel vécut jusqu'en 1506[165], n'est point dépourvue d'intérêt pour l'histoire de la période si obscure des premières années de Charles VII. Cette chronique, réimprimée dans la collection Petitot[166], a été, en 1837, l'objet d'une édition nouvelle, donnée par Mlle Dupont, sous les auspices de la Société de l'histoire de France, avec beaucoup de soin et d'érudition[167]. Mlle Dupont y a ajouté une partie inédite, qui s'étend de 1422 à 1427.

4° Une chronique d'un autheur inconnu, dite de la Pucelle d'Orléans[168], qui s'étend de 1422 à 1429, et qui est incontestablement la source principale pour cette partie du règne. La Chronique de la Pucelle, reproduite dans les diverses collections de mémoires[169], a été de nos jours l'objet d'une édition donnée par M. Vallet de Viriville, et dont nous parlerons plus loin.

5° Une chronique domestique[170], dont l'auteur est un écuyer du connétable de Richemont, Guillaume Gruel, qui commence avec la naissance de ce prince, en 1393, et se termine avec sa mort, en 1457. Cette chronique, qui doit être consultée avec réserve, à cause de son caractère de panégyrique, fournit pour les premiers temps du règne de Charles VII des renseignements qui ne se trouvent point ailleurs[171].

6° Une chronique[172] qui fait suite à celle de Monstrelet, et s'étend de 1444 à 1461. L'auteur est Mathieu d'Escouchy, né au Quesnoy en Hainaut vers 1420, mort en 1483, au service de Jean de Bourgogne, comte d'Étampes, et son œuvre a une réelle valeur. Il ne fait pas, comme son prédécesseur Monstrelet, passer la passion ou l'intérêt avant la vérité ; il se distingue par son impartialité et par la sûreté de ses informations. Ses récits pourraient suffire à eux seuls pour donner une idée précise et complète des dix-sept dernières années du règne de Charles VII. La chronique de Mathieu d'Escouchy, reproduite de nos jours par Buchon[173], a été l'objet, en 1863, d'une nouvelle édition, publiée sous les auspices de la Société de l'histoire de France[174].

7° Denis Godefroy a donné enfin, en tête de sa publication, un éloge anonyme de Charles VII, sur lequel nous reviendrons plus loin.

Presque au moment où Godefroy publiait ses précieux recueils des historiens de Charles VI et de Charles VII, Jean Le Laboureur donnait la traduction d'une chronique latine du règne de Charles VI, de 1380 à 1415, rédigée par un moine de l'abbaye de Saint-Denis[175]. Mais c'est seulement de nos jours que le texte original a été publié, accompagné du complément jusqu'à 1422, par lei soins de M. Bellaguet, dans la Collection des documents inédits, avec une nouvelle traduction[176]. Cette importante chronique, que Jouvenel des Ursins paraît avoir mis beaucoup à contribution pour une partie de son Histoire de Charles VI, est la source principale pour le règne de ce prince, avec Froissart et Monstrelet. Écrite à un point de vue bourguignon, elle se distingue néanmoins par une grande modération et par une hauteur de vue très remarquable.

C'est aussi à Le Laboureur qu'on doit la publication partielle de l'œuvre d'un chroniqueur bourguignon, Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy[177], connu de son temps sous les noms de Charolais et de Toison d'Or, parce qu'après avoir été l'un des hérauts du duc Philippe le Bon, il fut le roi d'armes de l'ordre de chevalerie fondé par ce prince en 1430. Cette chronique s'étend de 1408 à 1435 ; bien qu'elle ne soit le plus souvent qu'une reproduction de celle de Monstrelet, elle contient certaines additions fort intéressantes. Réimprimée de nos jours, avec un fragment inédit, par Buchon[178], elle vient d'être l'objet d'une nouvelle édition, donnée par M. Morand sous les auspices de la Société de l'histoire de France[179].

Pour rencontrer de nouvelles sources originales sur le règne de Charles VII ; il faut franchir tout le dix-huitième siècle et arriver à la période de la Restauration qui, en même temps qu'elle rendit à la France la paix et la liberté, donna le signal d'une renaissance historique aussi bien que littéraire. Nous ne devons pas oublier que Louis XVIII a été le fondateur de notre École des chartes[180].

C'est un Belge, le baron de Reiffenberg, qui ouvre la série, avec un chroniqueur bourguignon dont un fragment avait été donné par Perrin, en 1785, dans la Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l'histoire de France[181]. Il s'agit de Jacques du Clercq, seigneur de Beauvoir en Ternois[182], né à Arras vers 1420, mort en 1501[183], dont la chronique commence en 1448 et se termine en 1467. Cette chronique a été reproduite par Buchon et par Michaud et Poujoulat dans leurs collections[184]. Bien inférieur aux autres chroniqueurs du temps, Jacques du Clercq offre surtout un intérêt local ; il fait de fréquents emprunts à d'autres auteurs. C'est ainsi que son récit de la campagne de Normandie ne contient absolument rien d'original.

En 1819 avait paru le premier volume de la Collection complète des mémoires relatifs à l'histoire de France, entreprise par Claude-Bernard Petitot, et continuée après lui par Monmerqué[185]. Cinq ans plus tard, en même temps que M. Guizot inaugurait sa grande collection, qui s'arrête, on le sait, au treizième siècle, Jean-Alexandre Buchon commençait sa Collection des chroniques nationales françaises, écrites en langue vulgaire, du treizième au seizième siècle[186].

Quelles que fussent les lacunes et les défauts de ces deux collections, elles devaient puissamment contribuer à la vulgarisation des sources de notre histoire. Une Nouvelle Collection des mémoires pour servir à l'histoire de France fut entreprise en 1836 par MM. Michaud et Poujoulat[187] ; indépendamment de quelques additions de textes, elle avait le mérite d'être plus compacte. De son côté, Buchon reprit la même année sa collection en sous-œuvre : en créant le Panthéon littéraire, il y inséra de nouveaux textes des auteurs du quinzième siècle déjà publiés par lui, révisés parfois sur les manuscrits, mais sans cette rigoureuse exactitude devenue une nécessité de l'érudition moderne[188].

C'est dans cette collection nouvelle que parurent des fragments d'un auteur qui, après avoir joui d'une grande vogue au seizième siècle, était tombé complètement dans l'oubli. Nous voulons parler de Georges Chastellain, historiographe ou plutôt indiciaire des ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire, dont on ne connaissait qu'un ouvrage de peu d'étendue, intitulé Recollection de merveilles avenues en nostre temps, publié pour la première fois vers 1531[189]. Déjà Buchon avait donné, en 1827, dans les tomes XLI à XLIII de ses Chroniques nationales, la Vie de Jacques de Lalaing, qu'il attribuait à Chastellain, et un fragment de la Chronique pour les années 1464 à 1470[190]. De nouvelles recherches l'ayant mis en possession d'autres morceaux, Buchon donna en 1837 un volume contenant, outre la partie déjà publiée par lui, un fragment s'étendant de septembre 1418 à octobre 1422[191], et les premières années du règne de Louis XI jusqu'en juillet 1464[192]. Mais on savait que Chastellain avait écrit un récit suivi de tout le règne de Charles VII, et il restait par conséquent une immense lacune à combler. Malgré ses laborieuses investigations, Buchon n'avait pu y parvenir. M. le major (depuis général) Renard découvrit en 1842, dans la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, à Bruxelles, deux autres morceaux importants, se rapportant aux années 1451-52 et 1454-58, qu'il signala dans le Trésor national, et dont il publia des fragments[193]. De son côté, M. Quicherat avait trouvé à Arras un fragment relatif aux années 1430-31, qui se trouvait complété par un manuscrit de la Bibliothèque Laurentienne à Florence. M. Quicherat en donna une partie dans la Bibliothèque de l'École des chartes[194], et reproduisit le morceau relatif à Jeanne d'Arc dans son recueil des Procès de la Pucelle[195]. Tous ces fragments ont été réunis par M. le baron Kervyn de Lettenhove, dans une édition complète des Œuvres de Georges Chastellain[196]. Le savant éditeur s'est efforcé en vain d'ajouter aux découvertes de ses devanciers de nouveaux morceaux de la Chronique[197].

Chargé dès 1455, par Philippe le Bon, de mettre par escript choses nouvelles et morales, et aussi mettre en fourme par manière de cronique les rais notables, dignes de memoire[198], Georges Chastellain employa vingt années à dresser ce remarquable monument, où il se montre à la fois narrateur consciencieux et fidèle, grand et éloquent historien, — c'est le jugement de M. Michelet, — et où, à travers une phraséologie fatigante et une emphase trop habituelle, on trouve des appréciations judicieuses, des récits circonstanciés et fort curieux, des portraits tracés de main de maitre. On peut dire que, si nous n'avions pas Chastellain, le quinzième siècle serait imparfaitement connu. Certaines parties de son œuvre sont toute une révélation. Admirateur passionné des ducs de Bourgogne, il est d'autant moins suspect quand il rend hommage aux royales qualités de Charles VII. A coup sûr, c'est le chroniqueur bourguignon le plus impartial et le mieux renseigné sur la personne du Roi : il a résidé pendant plus de dix années en France, étant au service de Pierre de Brézé (1435-46), et il a pu voir la Cour de près[199]. Combien il est regrettable que nous en soyons réduits à ne posséder que des fragments de cette chronique, dont le secours serait inappréciable pour l'histoire !

De nos jours, M. Vallet de Viriville a rendu de très importants services pour l'étude du quinzième siècle.

Indépendamment du texte de Jean Chartier, cité plus haut, il a donné, dans son édition de ce chroniqueur : 1° une brève chronique de 1403 à 1429, attribuée par lui à Jean Raoulet, capitaine au service de Charles VII[200] ; 2° un fragment d'une version française des Grandes chroniques de Saint-Denis — nous la citerons sous la rubrique : Abrégé français du religieux de Saint-Denis —, qui n'est pas sans intérêt[201] ; 3° deux courts morceaux se rapportant aux années 1428-1431[202].

En dehors de cette publication, où se trouvent également des extraits de comptes sur lesquels nous reviendrons, nous devons à M. Vallet de Viriville une édition partielle de la Geste des nobles de Guillaume Cousinot, chancelier du duc d'Orléans, comprenant la partie qui s'étend de 1380 à 1429, et, dans le même volume, une réimpression de la Chronique de la Pucelle, dont, avec beaucoup de sagacité, il a attribué la paternité à Guillaume Cousinot, seigneur de Montreuil, neveu du précédent, attaché au service du Roi comme conseiller et maître des requêtes[203]. Le neveu reproduit souvent, pour la période de Jeanne d'Arc, le texte de l'oncle, en l'amplifiant. Les chroniques des deux Cousinot ont une très grande valeur historique, et l'on ne peut que regretter vivement la perte d'une Chronique des Roys Charles VIIe, Loys XIe et Charles VIIIe, qu'écrivit Cousinot de Montreuil, et dont Jean Le Feron possédait le texte seizième siècle. La partie consacrée à la Pucelle est incontestablement la source la plus importante pour l'histoire de la vierge inspirée : les renseignements très précis fournis par le savant éditeur, la discussion minutieuse à laquelle il s'est livré, ne permettent plus de soutenir qu'elle n'offre que le récit amplifié de la Chronique de Jean Chartier et du Journal du siège d'Orléans[204] ; c'est, au contraire, la version originale, où l'on a puisé. La Geste des nobles était en quelque sorte un mémorial domestique de la maison d'Orléans ; la Chronique de Cousinot, dont nous n'avons peut-être, dans ce fragment de 1422 à 1429, venu jusqu'à nous, qu'une première ébauche[205], a une bien autre importance. La découverte du texte complet fournirait sans contredit la source d'information la plus précieuse du règne. Espérons que, grâce aux investigations qui se poursuivent de toutes parts, nous pourrons un jour posséder l'œuvre historique complète des deux plus éminents parmi les auteurs de ce temps : l'Orléanais Cousinot et le Bourguignon Chastellain.

Nous devons encore à M. Vallet de Viriville la publication d'une Chronique normande inédite, comprenant les années 1408 à 1430, due à Pierre Cochon, notaire apostolique à Rouen, et dont il a donné le texte à la suite de la Geste des nobles et de la Chronique de Cousinot[206]. Ce récit historique a été depuis l'objet d'une publication intégrale, faite avec beaucoup de soin par M. Ch. de Beaurepaire, le savant archiviste de la Seine-Inférieure, pour la Société de l'histoire de Normandie[207]. M. de Beaurepaire a distingué du texte de Pierre Cochon une Chronique rouennaise, qu'il donne à la suite[208] ; on lui doit aussi une érudite notice sur Cochon et son œuvre[209].

Enfin, M. Vallet de Viriville, dans son zèle infatigable à mettre à la disposition du public tous les moyens d'information, n'a point négligé un curieux document intitulé : Éloge ou portrait historique de Charles VII, que Denis Godefroy avait publié en 1661, en tête de son Recueil des historiens de Charles VII. En même temps qu'il nous en donnait le texte intégral[210], il le restituait à son auteur, lequel n'est autre que Henri Baude, né, selon toute apparence, de 1415 à 1420, et qui, à la fin du règne, remplissait, tout en résidant à Paris, les fonctions d'élu des aides pour le Bas-Limousin[211]. Ce document emprunte une importance plus grande à son attribution à un personnage du temps. Henri Baude a gardé la mémoire des bienfaits du Roi, mais son langage est celui de l'attachement reconnaissant, non de la complaisance intéressée. C'est un panégyrique, nous dit le savant éditeur, mais un panégyrique honnête ; un portrait flatté, mais ressemblant ou vraisemblable... Les détails intimes et piquants dans lesquels est entré l'auteur de ce morceau lui communiquent un intérêt fort élevé au point de vue de l'histoire[212].

Après M. Vallet de Viriville, auquel l'histoire du quinzième siècle est redevable de si nombreux et si précieux travaux, il faut nommer M. Jules Quicherat. Indépendamment de l'admirable recueil des Procès de la Pucelle, où un volume entier, le tome IV, est consacré à la reproduction des textes d'auteurs contemporains relatifs à Jeanne d'Arc, textes donnés avec une version revue sur les meilleurs manuscrits et accompagnés de notices pleines d'intérêt[213], on doit à M. Quicherat la publication d'une œuvre considérable, restée jusque-là inédite, et faussement attribuée par la plupart des historiens au Liégeois Amelgard : il s'agit de l'Histoire de Charles VII et de Louis XI, par Thomas Basin, évêque de Lisieux[214]. Signalée à plusieurs reprises par des érudits qui en avaient publié des fragments[215], utilisée par quelques historiens[216], l'Histoire latine de Thomas Basin avait été, dès 1842, l'objet d'une étude attentive de la part de l'éminent érudit[217]. L'évêque de Lisieux n'est point toujours bien informé, surtout pour les premières années de Charles VII ; sa chronologie est souvent peu exacte ; ses appréciations ne sauraient être acceptées sans réserve ; sa personnalité éclate à toutes les pages de ses récits. Aussi, nous dit M. Quicherat, Thomas Basin se place, par ses récits historiques, derrière Philippe de Commines et derrière Georges Chastellain, à un rang que personne ne lui dispute quand il parle de lui-même, et, dans les autres parties, au-dessus des chroniqueurs par le sentiment, au-dessous d'eux par la sûreté de l'information[218]. C'est dans le tableau des malheurs du peuple, dans la peinture de l'état social des pays qu'il avait observés que Thomas Basin est surtout original et vraiment intéressant[219].

Un autre auteur du quinzième siècle, qui a été l'objet de deux notices fort dignes d'attention, publiées en 1851-52 par M. Vallet de Viriville[220], n'avait point eu jusqu'à nos jours les honneurs de l'impression. Ici la France s'est laissée devancer par l'Angleterre : c'est un érudit fort distingué d'outre-Manche, le Révérend Joseph Stevenson, alors archiviste au Retard Office et ministre anglican, aujourd'hui membre de la Compagnie de Jésus, qui a donné au public une partie de son œuvre historique. Il s'agit de Robert Blondel, chapelain de la reine Marie d'Anjou et précepteur du duc de Berry, second fils de Charles VII, auquel on doit un récit circonstancié de la campagne de Normandie de 1449-1450, et une Complainte des bons François, ainsi que d'autres écrits restés inédits[221].

Il faut mentionner encore la publication des Anchiennes cronicques d'Angleterre, par Jean de Wavrin, seigneur du Forestel, compilation où l'on trouve quelques renseignements originaux[222], et du Journal du prieur Jean Maupoint qui, bien que d'un intérêt secondaire pour le règne de Charles VII, n'est point à négliger[223].

Si notre époque a fourni, comme on le voit, un important contingent à l'étude des sources du règne de Charles VII, il reste pourtant beaucoup à faire à cet égard. Outre la publication d'éditions critiques de Berry, de Jouvenel des Ursins, et d'autres chroniqueurs d'un ordre inférieur ; outre la reconstitution des œuvres historiques de Cousinot et de Chastellain, il y a encore d'autres textes à mettre au jour ou à faire sortir de la poussière des bibliothèques. M. Vallet de Viriville avait projeté la publication d'une Chronique des ducs d'Alençon, attribuée à Perceval de Cagny, dont M. Quicherat a donné, dans la Bibliothèque de l'Ecole des chartes[224] et dans le recueil précité[225], la portion relative à Jeanne d'Arc : la mort l'a empêché de réaliser ce dessein[226]. On conserve à la Bibliothèque nationale une chronique anonyme, écrite par un fougueux bourguignon, qui s'étend de la création du monde à l'année 1431, et dont M. Douët-d'Arcq a publié, à la suite de son édition de Monstrelet, la partie relative au règne de Charles VI[227]. La Cronique Martinienne, si intéressante pour les règnes de Charles VII et de Louis XI, dont le récit est dû à Sébastien Mamerot, mériterait d'être extraite de l'édition princeps, qui est fort rare[228], et de faire l'objet d'une publication partielle pouf la partie offrant une valeur originale. Le Jouvencel de Jean de Beuil devrait aussi être mis à la portée du public dans une édition plus complète que celles qui ont paru à la fin du quinzième siècle[229], et l'on y joindrait utilement le précieux commentaire de Jean Trigaut, qui donne à ce document une valeur historique incontestable[230]. Les opuscules historiques d'Alain Chartier, qu'on ne consulte guère dans le volume des Œuvres publié par André du Chesne[231], et les épîtres de Jouvenel des Ursins, dont on ne connaît que quelques fragments[232], mériteraient aussi d'être tirés de l'oubli. Enfin il y aurait rechercher certains textes, aujourd'hui disparus, d'auteurs du quinzième siècle, tels que Jean Domer, cronizeur du roi Charles VII[233], et Noël de Fribois, historiographe du même prince[234].

Les chroniques provinciales et locales fournissent aussi une source d'informations qui n'est point à dédaigner, et qui doit exciter le zèle des érudits dans nos diverses provinces. Aux Chroniques de Normandie, dont le texte vient d'être si heureusement restitué par M. Hellot[235], il faut joindre les chroniques bretonnes, angevines, alençonnaises, bordelaises, bourguignonnes, lorraines, etc., dont plusieurs attendent encore des éditeurs[236]. Les pays étrangers offrent aussi un vaste champ aux investigations. Sans vouloir aborder ce domaine, qui s'écarte un peu de notre cadre, déjà assez vaste ; nous devons mentionner les chroniques flamandes[237] et les chroniques belges[238], très riches en informations pour notre histoire au quinzième siècle. C'est là une mine qui est loin d'être épuisée : qui sait les trésors que renferment, à cet égard, certaines bibliothèques de l'Europe, encore imparfaitement explorées ?

§ 2. — Les documents.

Si des chroniques nous passons aux documents, la moisson ne sera pas moins abondante.

Les anciens recueils d'ordonnances publiés au seizième siècle[239], aussi bien que ceux imprimés, d'abord par Fontano[240], puis par Pierre Guenois[241], n'offraient aux érudits, pour la période qui nous occupe, qu'un bien faible secours ; jusqu'à la publication de la belle collection des Ordonnances des Rois de France de la troisième race[242], on n'avait à sa disposition que de rares textes, auxquels ne pouvait suppléer l'utile Compilation chronologique due à Guillaume Blanchard[243]. C'est de 1763 à 1777 que parurent les tomes X à XII des Ordonnances, dus à Vilevault et Bréquigny, qui conduisaient le recueil jusqu'à la fin du règne de Charles VI. Le tome XIII, qui s'étend de 1422 à 1447, parut en 1782, et le tome XIV, comprenant les années 1448 à 1461, en 1790. Mais, dans les volumes suivants, publiés depuis le commencement de ce siècle[244], bien des ordonnances, insérées dans des lettres postérieures de nos rois, sont venues s'ajouter à celles contenues dans les volumes précités. Une Table chronologique, rédigée par M. Pardessus, qui forme à elle seule un volume, a vu le jour en 1847[245].

Les collections diplomatiques publiées au dix-septième siècle par Léonard[246] et Leibniz[247] ; au dix-huitième par Du Mont et Rousset[248], et par Rymer[249] nous offrent le texte des traités les plus importants.

D'autres collections, telles que celles de Dom Luc d'Achery[250], de Dom Martène et Dom Durand[251], et le Gallia Christianas[252] donnent aussi, mais dans un pêle-mêle où il n'est point toujours facile de se retrouver, et parfois avec une absence de précision chronologique qui est une nouvelle cause d'embarras, bon nombre de documents intéressants pour notre époque. A côté d'elles, il faut placer les recueils, moins volumineux mais non moins intéressants, de Camuzat[253], de Besse[254], de La Barre[255] et de Duclos[256].

Sans avoir la prétention de tracer ici une bibliographie complète, nous ne devons pas passer sous silence les collections des Conciles, les Acta Sanctorum des Bollandistes, et nos modernes recueils d'érudition, tels que la Bibliothèque de l'École des chartes[257] et le Cabinet Historique[258]. L'Histoire généalogique du P. Anselme[259] offre le résultat du dépouillement de nombreuses sources originales : c'est une mine précieuse à exploiter, au prix d'un labeur dont on est amplement récompensé. Il faut y joindre les grands ouvrages consacrés par les généalogistes à nos maisons les plus illustres, et qui parfois contiennent des textes qui ont leur importance[260]. Mais ce sont surtout les belles Histoires de Languedoc, de Bretagne, de Bourgogne et de Lorraine, publiées par les Bénédictins[261] — auxquelles il faut joindre l'Histoire de Paris, par D. Félibien[262] — qui fournissent d'incomparables ressources à qui veut étudier à fond l'histoire du quinzième siècle sur les documents originaux.

Les travaux qui se publient chaque jour au fond de nos provinces, ajoutant sans cesse des matériaux nouveaux à ceux que l'érudition des deux derniers siècles avait mis à notre disposition, ne doivent point être négligés. Il ne faut point se contenter ici de consulter les monographies publiées séparément ; il faut se livrer à un dépouillement complet des recueils qui paraissent, sous les auspices des sociétés savantes, dans la plupart des départements, et même de certaines revues provinciales.

En ce qui concerne l'époque que nous étudions, le trésor de nos connaissances historiques s'est notablement accru de nos jours, par divers travaux spéciaux sur lesquels il convient d'appeler l'attention.

M. Léchaudé d'Anisy a donné : 1°, en 1834, un recueil d'Extraits des chartes et actes normands ou anglo-normands qui se trouvent dans les Archives du Calvados[263] ; 2°, en 1845, les Grands rôles des échiquiers de Normandie[264] ; 3°, en 1847, les Rôles normands de la Tour de Londres sous Henri V (1417-1422)[265]. M. Jules Delpit a publié en 1847, sous le titre de Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre, le tome Ier d'un recueil qui malheureusement n'a point été continué[266]. M. Jules Quicherat a donné, de 1841 à 1849, le recueil de tous les documents relatifs à l'histoire de Jeanne d'Arc, et il a ajouté à son édition de Thomas Basin un volume entier de pièces justificatives. M. Douët-d'Arcq a publié un choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI[267]. Un volume de Preuves, se rapportant à la période de 1444 à 1461, a été donné à la suite de la Chronique de Mathieu d'Escouchy[268]. M. A. Tuetey a publié, à la suite de son érudit et fort curieux ouvrage sur les Écorcheurs, un volume entier de documents[269]. M. Auguste Longnon a tiré des Registres du Trésor des chartes un recueil de pièces sur Paris pendant la domination anglaise[270]. Au texte très succinct d'une chronique du Mont-Saint-Michel, qu'il vient de faire paraître, M. Siméon Luce a ajouté un grand nombre de documents inédits[271]. M. Antoine Thomas a donné, dans son important ouvrage sur les États provinciaux sous Charles VII, tout un volume de pièces justificatives[272]. Enfin il faut mentionner les extraits de comptes donnés par M. Le Roux de Lincy[273], par M. Vallet de Viriville[274], par M. Douët-d'Arcq[275], par M. Loiseleur[276].

Les sources sont donc fort abondantes, et nous avons la satisfaction de constater que notre époque a été très féconde on publications nouvelles de textes et de documents, apportant un nouveau et très important contingent à ce que nous possédions.

Mais il ne faut point se contenter des sources imprimées : il faut porter ses investigations dans le vaste champ des documents inédits, si fécond en découvertes, et tellement inépuisable qu'on ne peut jamais se flatter, quelque labeur persévérant qu'on y apporte, de l'avoir entièrement exploré.

Les Archives du palais Soubise nous offrent le Trésor des chartes, avec ses pièces originales et ses volumineux registres ; les cartons des Rois ; la série des comptes ; le fond du Parlement ; bien d'autres fonds encore, au milieu desquels il est plus facile de se tracer sa route, depuis la publication de l'Inventaire sommaire[277] et d'autres répertoires, comme ceux des Cartons des Rois et des Titres du Bourbonnais. Mais, pour le Trésor des chartes comme pour le Parlement, il faudra attendre de longues années avant que le degré d'avancement du travail nous permette d'en profiter[278].

La Bibliothèque nationale présente une mine encore plus abondante aux chercheurs. Quand nous commençâmes à y travailler, en 1856, les difficultés étaient extrêmes. .En l'absence de catalogues sérieux, on marchait à l'aventure, attendant d'une énergique persévérance, du hasard même, des découvertes qui ne pouvaient être le fruit d'un travail méthodique. Sans une bienveillante communication de M. Natalis de Wailly, alors conservateur au département des manuscrits[279], nôtre moisson eût pendant longtemps été peu abondante. Depuis, et successivement, bien des réformes ont été opérées. Aujourd'hui, la direction si habile et si intelligente de l'illustre administrateur général, M. Léopold Delisle, a mis entre les mains des travailleurs tous les moyens d'investigation permettant de se livrer au dépouillement méthodique des divers fonds, et chaque, jour le trésor de ces renseignements va en augmentant. En outre, le terrain des recherches a été élargi par la formation de séries nouvelles, soit inabordables puisqu'elles n'étaient point en état d'être communiquées, soit d'une exploration jusque-là très difficile. C'est ainsi qu'à toutes les richesses dont l'étude approfondie exige des années[280], sont venus s'ajouter : 1° tout le fond Beaumarchais, comprenant les Chartes royales, les Comptes de bouche, les Montres, les Fouages, les Villes, les Quittances ecclésiastiques, les Quittances diverses, soit un ensemble de pièces originales remplissant cinq cent soixante-six volumes[281] ; 2° les Titres originaux de Dom Villevieille[282] ; 3° la collection qui porte le titre de Pièces originales, formée avec les dossiers des Titres originaux du Cabinet des titres, qui va aujourd'hui jusqu'à la lettre P, et comprend déjà plus de deux mille volumes[283]. Nous avons pu ainsi, depuis 1876, explorer à fond, volume par volume, cette immense et précieuse collection ; sans cela, malgré l'inépuisable obligeance de M. Ulysse Robert, auquel est dû ce gigantesque travail du classement des Dossiers, disposés par ordre alphabétique de noms, avec une suite chronologique des pièces dans chaque dossier, il nous aurait été impossible de la mettre ainsi complètement à profit. — La série des Pièces originales apporte à l'histoire une masse énorme de renseignements, qui viennent compléter ceux qu'on possédait dans les autres collections de documents originaux, et en particulier dans les cent vingt-trois volumes des Titres scellés de Clairambault. En outre, le fond des nouvelles acquisitions (françaises et latines) s'enrichit chaque jour, et nous y avons rencontré des documents intéressants pour notre travail.

En dehors de nos deux grands dépôts parisiens, il faut citer la collection Godefroy, conservée à la Bibliothèque de l'Institut, et dont le catalogue a été habilement dressé par M. Ludovic Lalanne[284]. On y trouve, pour le règne de Charles VII, quelques pièces originales. Mais c'est surtout dans certains dépôts provinciaux que des recherches doivent être faites pour compléter le riche butin que fournissent les Archives et la Bibliothèque nationale. Ainsi, à Grenoble, on conserve les archives de la Chambre des comptes du Dauphiné. A Dijon et à Lille, les archives de la chambre des comptes des ducs de Bourgogne. Lyon, Tours, Reims, d'autres villes encore, nous offrent, dans leurs archives municipales, des richesses qu'il faut explorer pour avoir une connaissance approfondie de l'époque. Combien d'autres dépôts doivent contenir des documents dignes d'attention, que l'insuffisance des inventaires[285], ou même l'absence de tout classement[286], ne permet point d'aborder, mais dont l'érudition pourra profiter tôt ou tard !

Les archives des pays étrangers doivent aussi faire l'objet de patientes investigations : Turin, Milan, Florence, Gênes, Vienne, Bruxelles, Londres, peuvent fournir un utile contingent, qui s'enrichira avec le temps, et dont on peut déjà apprécier l'intérêt et l'importance[287]. Enfin, les Archives du Vatican viennent d'ouvrir leurs trésors aux érudits, grâce à la libéralité du Pontife illustre qui nous montre une fois de plus, sur le trône de saint Pierre, l'alliance féconde de la Foi et de la Science : il y a là une mine presque inépuisable, bien propre à tenter les jeunes courages, et dont l'exploration fera profiter la science historique des informations les plus précieuses et les plus étendues.

 

III

Par l'énumération des sources historiques du règne et des dépôts où il convient de diriger ses investigations, nous avons fait parcourir d'un coup d'œil au lecteur la route que nous avons laborieusement suivie depuis 1856 : il peut ainsi apprécier l'étendue de nos recherches et la lenteur avec laquelle nous avons dû procéder. Nous devons maintenant faire connaître le plan du livre et la façon dont nous avons rempli notre tâche.

L'Histoire de Charles VII, telle que nous la comprenons, est l'exposé du rôle du Roi dans les événements accomplis sous son règne. La seule manière de trancher la question agitée depuis plus de trois siècles entre les historiens, et, de déterminer d'une manière précise et définitive la place que Charles VII doit occuper dans l'histoire, c'est de s'attacher avant tout à le faire sortir de l'obscurité où il n'a cessé d'être plongé ; c'est de le montrer sur la scène, non plus Mans un jour douteux et avec des couleurs d'emprunt, suivant la fantaisie du peintre, mais avec des détails circonstanciés, des données appuyées sur les documents authentiques, tous les développements pouvant permettre au lecteur de faire lui-même juge du débat et de se prononcer en connaissance de cause. Notre pensée constante a été d'interroger les sources, de façon à creuser le sujet plus avant qu'il ne l'avait été jusqu'à ce jour, au moyen du rapprochement de tous les textes publiés, et des informations nouvelles recueillies dans le cours de nos propres investigations. C'était le seul moyen de reconstituer une histoire qui, vrai dire, n'avait point été écrite, et de faire apparaître le caractère du Roi sous son véritable aspect.

Nous avons nettement distingué les différentes périodes du règne, n'appliquant à l'étude de chacune d'elles, que des documents de même date, afin de bien leur conserver leur aspect particulier et de rendre plus sensibles les transformations opérées successivement chez le Roi.

Chacun des livres entre lesquels est divisé le présent ouvrage contient l'exposé d'une période. Dans cette période, nous étudions successivement : 1° la marche des événements militaires, retracée d'une façon succincte, en suppléant à l'absence des détails, déjà donnés par nos devanciers, sur les sièges et les batailles, par une plus grande précision chronologique ; 2° l'histoire politique, en mettant en relief la personne royale, pour bien montrer ce qu'elle devient, les influences qui s'agitent autour d'elle, sa part d'action dans les événements, enfin la direction imprimée au gouvernement du royaume ; 3° l'histoire diplomatique, sujet encore plus neuf que le précédent, et dont l'étude nous fait connaître les alliances de la France, les négociations entamées avec les diverses puissances, les résultats obtenus par la politique royale ; 4° l'histoire administrative qui, pour avoir été moins négligée que l'histoire politique ou diplomatique, ne laisse pas que de présenter des lacunes considérables.

Notre travail est divisé en six livres :

Livre I. LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT. 1403-1422.

Livre II. LE ROI DE BOURGES. 1422-1435.

Livre III. CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE. 1435-1444.

Livre IV. CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE. 1444-1449.

Livre V. L'EXPULSION DES ANGLAIS. 1449-1453.

Livre VI. CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. 1453-1461.

Pour remplir ce vaste cadre, il était nécessaire de procéder avec méthode et de bien classer les matériaux. Nous n'avons rien épargné pour cela, durant les longues années consacrées à la préparation de notre livre.

Et d'abord, il fallait établir d'une façon précise l'itinéraire de Charles VII. Comment écrire son histoire sans être à même de le suivre pas à pas, et sans pouvoir ainsi contrôler sans cesse les récits des chroniqueurs ? Ici la voie nous était tracée par notre savant maître M. Vallet de Viriville, qui avait bien voulu nous communiquer un itinéraire dressé par lui — d'après les sources originales et d'après un ancien itinéraire de Charles VII, — et qui se trouve aujourd'hui parmi les manuscrits de la Bibliothèque nationale[288]. Mais l'itinéraire ne suffisait pas : il fallait y ajouter l'analyse des actes eux-mêmes. En nous imposant le devoir de ne négliger aucune source d'informati6n, nous avons voulu que ce travail pût profiter au public. Aussi, dès le commencement de 1857, à l'imitation de ce que venait de faire, d'une façon si magistrale, M. Léopold Delisle pour Philippe Auguste[289], nous avons entrepris un Catalogue des actes de Charles VII, offrant l'indication analytique de tous les actes émanés de l'autorité royale. Ce travail fera l'objet d'une publication spéciale, qui contiendra, avec l'analyse des pièces, qu'on peut évaluer au nombre approximatif de trente mille, le texte des documents inédits les plus importants : il paraîtra après l'Histoire de Charles VII. Les érudits auront ainsi à leur disposition les meilleurs moyens de contrôle et les sources d'informations les plus complètes pour cette grande période de notre histoire.

La chronologie si imparfaite des événements du règne devait être l'objet d'une étude spéciale. Nous nous sommes imposé la tâche de dresser, jour par jour, à l'aide de tous les auteurs du temps et des documents que nos recherches nous ont fourni, un sommaire des faits, qui nous a permis d'arriver à une 'précision plus grande et de dissiper certaines des obscurités que présentent les récits des chroniqueurs contemporains.

Notre savant devancier avait éclairé sa route au moyen d'Éphémérides, qui sont aujourd'hui — comme son Itinéraire de Charles VII — à la disposition des travailleurs[290] ; nous avons, à son exemple, et à l'aide de documents qu'il n'avait eu ni le loisir ni même la possibilité d'explorer, rassemblé des notes assez abondantes pour former une double série d'éphémérides, soit pour l'histoire personnelle du Roi, soit pour les événements militaires : les montres et les quittances nous ont offert à cet égard une telle abondance de matériaux, qu'il y a des années où chaque jour est représenté par un ou plusieurs documents, et, parfois jusqu'à vingt ou trente. Le dépouillement complet, en particulier, des Titres scellés de Clairambault et des dossiers du Cabinet des titres, aujourd'hui fondus dans la grande collection des Pièces originales, nous a fourni une très abondante moisson, que nous n'avons même pu utiliser en entier dans les pages de ce livre, car cela nous aurait fait dépasser ses bornes, déjà trop étendues.

La biographie des personnages est importante à étudier pour avoir la connaissance approfondie d'une époque : elle éclaire l'histoire générale et permet de pénétrer dans certains côtés intimes laissés dans l'ombre par les historiens. M. Vallet de Viriville avait réuni, sous ce rapport, d'immenses matériaux[291], dont une partie a été utilisée pour les excellentes notices insérées par lui dans la Nouvelle Biographie générale de Didot et pour ses diverses monographies. Nous avons, à son exemple, rassemblé de nombreuses notes biographiques, et le dépouillement des divers fonds nous a permis de constituer des dossiers pour chaque personnage important du temps et d'avoir pour plusieurs les éléments d'une biographie complète.

Enfin, pour bien éclairer notre marche et nous permettre de mettre en lumière un sujet presque inabordé jusqu'à ce jour, nous avons dressé, pour chaque pays, un sommaire des relations diplomatiques, permettant de suivre d'un coup, avec précision et d'une façon aussi complète que possible, la marche des négociations entamées avec les diverses puissances.

Tous ces moyens d'investigation et de contrôle nous ont permis, croyons-nous, de traiter les différentes parties du sujet, — malgré notre incompétence sur plus d'un point, — de façon à offrir des indications suffisamment développées, tout en évitant une minutie de détails qui eût été fastidieuse. Nous n'avons pas craint de multiplier les notes : elles pourront être utiles aux travailleurs ; elles étaient nécessaires, d'ailleurs, dans un travail où nous nous appuyons uniquement sur les documents originaux, et où tout doit pouvoir être, au besoin, vérifié et contrôlé. Ces notes sont complétées, quand il y a lieu, par des notes supplémentaires, renvoyées à la fin du volume.

A la suite du texte, dans chaque volume, on trouvera un petit nombre de Pièces justificatives, choisies parmi les nombreux documents que nous avons entre les mains, et composées principalement de lettres missives. Les pièces de ce genre offrent un intérêt tout particulier. En attendant la publication du Catalogue des actes, où toutes ces lettres trouveront naturellement leur place, les érudits ne seront pas fâchés sans doute d'en trouver ici quelques spécimens intéressants.

La grande abondance de renseignements de toute nature, donnés dans l'ouvrage, nécessitera la rédaction d'une ample table alphabétique, qui sera jointe au dernier volume.

La partie des illustrations ne devait point être négligée ; elle se composera de portraits de Charles VII, de fac-simile de documents, de reproduction de signatures et de sceaux, et de deux cartes, l'une présentant l'état de la France à l'avènement de Charles VII, l'autre donnant le même état à la fin du règne. Ces illustrations seront réunies dans un album, qui paraîtra à la fin de l'ouvrage : ce sera au relieur à les répartir entre les différents volumes, suivant les indications qui seront données.

 

Nous n'avons pas la prétention de présenter au public une œuvre irréprochable, et d'apporter, sur tous les points, le dernier mot de la science. Nous ne nous dissimulons pas notre insuffisance, et nous ne sentons que trop combien ce livre laisse à désirer sous plus d'un rapport. Si, au point de vue du talent de l'exposition et du charme du récit, nous sommes condamné à réserver au lecteur plus d'une déception, nous ne nous faisons point davantage d'illusions sur les lacunes que peut encore présenter notre travail, malgré la persévérance de nos recherches et le soin que nous avons pris de ne rien avancer sans preuves. Il ne nous est point possible de tout dire, et il serait puéril de penser qu'il ne restera rien à faire après nous. D'ailleurs, si Dieu nous prête vie, il nous sera permis peut-être de rectifier nous-même les inexactitudes que nous aurions pu commettre, et de compléter certaines parties de notre exposé, au moyen de nouvelles investigations ou des découvertes que l'avenir nous ménage[292]. Dans un sujet aussi vaste, et souvent aussi neuf, il est difficile d'arriver du premier coup à des résultats définitifs. Mais la science marche : grâce à Dieu, elle fait chaque jour de nouveaux progrès. Quand nous n'aurions réussi qu'à tracer la voie à nos successeurs et à rendre pour eux la tâche plus facile, en marquant nettement le point de départ, en indiquant les principaux jalons de la route, en appelant leur attention sur des points qui, pour être élucidés, demanderaient parfois une dissertation spéciale, nous n'aurions pas perdu notre temps, et nous nous trouverions suffisamment récompensé.

Qu'importent les destinées de ce livre ! Nous y avons consacré toute notre jeunesse et une bonne partie de notre âge mûr. Nous n'avons rien négligé pour lui donner le caractère d'une œuvre historique sérieuse, impartiale, approfondie. Nous avons la conscience de n'avoir apporté à sa rédaction ni ces passions royalistes, ni ce parti pris de réhabilitations royales qu'on nous reprochait si vivement au début de notre carrière[293]. Nous pouvons répéter ici ce que nous écrivions alors : L'histoire n'est pour nous ni un plaidoyer, ni une apologie : c'est un jugement[294]. Et nous ajouterons que ce jugement, il n'appartient pas seulement à l'auteur de le formuler : c'est au lecteur à se constituer lui-même juge, de telle façon que la voix de l'historien ne soit en quelque sorte que l'écho du sentiment public, et que la conclusion se dégage d'elle-même, vivante, irrésistible, de la marche du récit et de l'enchaînement des faits.

 

Un mot avant de finir.

Nous ne devons point manquer ici à un devoir qu'il nous est doux de remplir : nous voulons payer un juste tribut de reconnaissance à tous ceux qui nous ont assisté dans nos recherches et qui ont rendu notre tâche plus facile, Les nommer tous serait impossible. Mais nous tenons à remercier ici tout spécialement nos amis Louis de Neuville, Anatole de Barthélemy, Léon Gautier et Marius Sepet des conseils si éclairés dont nous leur sommes redevable. Nous ne pouvons oublier, à la Bibliothèque nationale : MM. Léopold Delisle, administrateur général ; H. Michelant, conservateur sous-directeur au département des manuscrits ; Thierry-Poux, conservateur sous-directeur au département des imprimés ; G. Duplessis, conservateur-adjoint au département des estampes ; Ulysse Robert, du département des manuscrits ; — aux Archives nationales : MM. Bruel, Lecoy (le la Marche, Tuetey et Guérin ; à Lille, M. l'abbé Dehaisnes, conservateur des archives du Nord ; à Dijon, M. Garnier, conservateur des archives de la Côte-d'Or ; à Lyon, MM. Guigne et Vaesen, conservateurs des archives de la préfecture et des archives municipales ; à Grenoble, M. Prodhomme, archiviste du département de l'Isère. Nommons encore M. Louis Paris, qui a mis tant d'obligeance à nous communiquer les documents extraits par ses soins des précieuses archives de Reims ; M. le baron Kervyn de Lettenhove, le savant président de l'Académie royale de Bruxelles, qui connaît toutes les bibliothèques de l'Europe, et qui a enrichi la science historique de tant d'importantes publications ; M. Belisaire Ledain, l'érudit historien de Parthenay et de Bressuire, auquel les archives de Poitiers sont si familières ; M. Delaville Le Roulx, qui nous a facilité l'étude des Registres des comptes de la ville de Tours, dont il a entrepris récemment la publication ; M. A. d'Herbomez, qui nous a fait profiter de ses patientes recherches dans les archives impériales de Vienne, et auquel nous devons la communication des lettres de Charles VII conservées dans les archives de Tournai ; M. Étienne Charavay, le savant éditeur des lettres du Dauphin Louis, qui vont paraître dans le recueil des lettres de Louis XI préparé par M. Vaesen pour la Société de l'histoire de France ; MM. Ernest Babelon, Demaison, Loriguet ; M. Thompson, le savant conservateur du département des manuscrits au British Museum, dont nous avons pu apprécier la parfaite obligeance ; MM. le professeur Vayra et le chevalier Vaino, qui nous ont facilité l'exploration des archives de Turin ; enfin Mme Vallet de Viriville qui, continuant les traditions de son mari, nous a obligeamment communiqué les notes du regrettable savant dont elle garde si pieusement la mémoire.

 

Morainville, 10 novembre 1881.

 

 

 



[1] M. Charles Lenormant, dans un rapport présenté au nom de la commission des antiquités nationales, dans la séance de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres du 9 août 1844 (à propos du mémoire de H. Géraud sur Ingeburge).

[2] C'est ce que dit encore le dernier historien de Charles VII, M. Vallet de Viriville, dans son Histoire de Charles VII et de son époque (Paris, 1862-1865, 3 vol. in-8°), t. I, p. 203, 236, 463, etc.

[3] On n'entendait qu'un cri à Paris contre la couardise de Charles VII. M. Henri Martin, Histoire de France, t. VI, p. 401. Il est bon de faire remarquer que le mot que l'auteur place entre guillemets, comme s'il l'avait emprunté à un auteur contemporain, lui appartient en propre.

[4] Vive et infatigable intelligence, dit M. Henri Martin, à la date de 1440, en parlant du dauphin Louis, il ne tenait de son père que la sécheresse d'âme et le goût du libertinage ; aussi défiant, aussi dénué de sens moral, etc. Histoire de France, t. VI, p. 388.

[5] En examinant de très près la vie entière du fils de Charles VI, en considérant avec attention les images authentiques qui nous sont restées, on doute si la terrible maladie du père ne transmit point au fils quelque trace héréditaire. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 422.

[6] De la maladie de Charles VI, roi de France, et des médecins qui ont soigné ce prince, par M. le docteur A. Chereau, dans l'Union médicale, n° des 20 et 27 février, 6 et 13 mars 1862. Chose remarquable, dit-il, et qui n'échappera pas à la sagacité de nos confrères, c'est que Charles VI, enlevé ainsi avant l'heure par une terrible et lamentable affection cérébrale, devait être suivi sur le trône de France par trois rois, ses successeurs en ligne directe, qui tous succombèrent à des désordres ayant leur siège principal dans les centres nerveux.

[7] Essais, livre I, ch. I.

[8] Caractères, éd. Servois, t. II, p. 46.

[9] Méditations sur l'Évangile. La Cène, 1re partie, 16e jour. Bossuet a dit encore, dans son sermon pour la profession de Louise de La Vallière : Ô Dieu, qu'est-ce donc que l'homme ? est-ce un prodige ? est-ce un composé monstrueux de choses incompatibles ? ou bien est-ce une énigme inexplicable ?

[10] Vauvenargues, Essai sur quelques caractères, dans les Œuvres, éd. Gilbert, p. 350.

[11] Ils ont des passions contraires et des faibles qui les contredisent. La Bruyère, l. c., t. II, p. 60.

[12] Vue générale de l'Europe au quinzième siècle, dans les Études d'histoire moderne (Paris, 1847, in-12), p. 10.

[13] Mémoire pour le rétablissement en France de l'ordre des Frères prêcheurs, par le P. Lacordaire, p. 161.

[14] Quinze éditions latines, de 1497 à 1586 ; huit françaises, de 1514 à 1538.

[15] Les grandes croniques : excellens faitz et vertueux gestes des tres illustres, tres chrestiens, magnanimes et victorieux Roys de France, etc. Imprimé a Paris pour Galliot du Pré, 1514, in-fol., f. CLXXXVI et CLXXXVII. — Voici le texte latin : Rex procul dubio in quem fortuna asperrime primum deserviit tanquam exterminare eum regno statuisset. Deinde blande ilium attollens victorem gloriosum atque Dei benignitate patriæ restitutorem effecit... Seni et mansueto patri asper et vehemens filius successit Ludovicus, etc. Compendium Roberti Gaguini super Francorum gestis, éd. de 1528, in-8°, f. CCL v° et CCLI.

[16] Brunet (Manuel du libraire) cite une édition de Paris, 1492. Il en mentionne deux autres de 1498 et 1510. Mais la première que possède la Bibliothèque nationale est de 1525.

[17] Le Catalogue de l'histoire de France, à la Bibliothèque nationale, cite une douzaine d'éditions.

[18] M. Vallet de Viriville, dans la Nouvelle Biographie Générale.

[19] Les tres elegantes, tres veridiques et copieuses annalles des tres pieux, tres nobles... moderateurs des belliqueuses Gaules. Depuis la triste desolation... de Troyes jusques au regne du tres vertueux roy Francois a present regnant. Compilees par feu... maistre Nicole Gilles, etc. Paris, Galliot du Pré, 1525, 2 tomes LXXVIII et CXV v° en un volume in-folio, f...

[20] Nous ne parlons ici que pour mémoire d'un Italien, Paul-Émile, fixé à la cour de France dès le temps de Charles VIII, et nommé par lui orateur ou chroniqueur du Roi, charge qu'il exerça aussi sous Louis XII, auquel on doit un ouvrage intitulé : De Rebus Gestis Francorum, qui n'a pas eu moins de treize éditions, de 1517 à 1601 ; car Paul-Émile n'a formulé aucun jugement sur Charles VII, à la suite du récit très succinct qu'il donne des événements accomplis sous le règne de ce prince.

[21] L'Histoire des neuf Roys Charles de France : contenant le fortune, vertu et heur fatal des Roys qui sous ce nom de Charles ont mis a fin des choses merveilleuses, par François de Belle-Forest, Comingeois. Paris, à l'Olivier de P. L'Huilier, 1568, in-fol., p. 344. — Dans ses Grandes annales et histoire generale de France (Paris, Gabriel Buon, 1579, 2 vol. in-fol., t. II, f. 1185 v°-1186), Belleforest porte le jugement suivant : Ce Roy fut loué de plusieurs grandes vertus entre lesquelles sa loyauté semble emporter l'advantage, veu que le Bourguignon avoit telle fiance en icelle qu'il luy voulut fier toutes ses seigneuries lors qu'il se resolut d'aller contre les Turcs : et de fait si, et son conseil, et la necessité du temps ne l'eussent forcé, il n'y eut onc Roy plus liberal, magnifique, courtois, affable et recognoissant, comme celui qui ne laissa one sans recompense, homme qui luy eut fait quelque service... Il fut adonné aux femmes... En somme je ne voy rien en ce prince qui ne soit louable, qui ne soit grand et royal et plein de majesté et où la pieté ne soit conjointe et telle voy-je que je souhaiteroy que tous luy ressemblassent et en bonheur et en la poursuite et la vengeance des injures faictes à la couronne, et en la police mise en son Royaume : ainsi qu'en font foy tant de belles ordonnances qu'il a faites.

[22] Né en 1535, à Bordeaux ; mort en 1610.

[23] De l'estat et succez des affaires de France, etc., par Bernard de Girard, seigneur du Haillan, Paris, à l'Olivier de L'Huillier, 1570, in-8°, f. 68 v°.

[24] Dans son Histoire de France, publiée en 1576, et où il se déclare, sans vanterie, le premier qui ait encore mis en lumière l'histoire entière de France en discours et fil d'histoire continu, du Haillan parle en ces termes de Charles VII (t. III, f. 513-14) : Après sa mort il rapporta le nom de Charles le tres victorieux pour avoir conquis sur les Anglois tout ce qu'ils tenoient en France hormis Calais. Et bien que sur le milieu de son regne il fut fort nonchallant et adonné à ses plaisirs et voluptez tant à la chasse et à faire de beaux jardins qu'aux amours des Dames, mesmement de la belle Agnes, si est-ce que s'esvertuant puis apres, tant à la suscitation de la Pucelle d'Orleans que pour la remontrance de ses bons et fidelles serviteurs, et par l'ohiect et le spectacle du piteux estat des ses affaires qui est un piquant aguillon pour s'esvertuer, il print le frein aux dents et ne cessa qu'il n'eut rencogné les Anglois au coing de la ville de Calais. En quoy se monstra la bonne fortune de la France envoyée du ciel et respandue de la main du souverain Dieu, et la fidelité de plusieurs princes et seigneurs français qui la relleverent des calamitez qui la menassoient.

[25] Le Thresor des histoires de France, par Gilles Corrozet. Paris, chez Cabot Corrozet, 1583, pet. in-8., f. 34. Cet ouvrage a eu dix éditions dans l'espace de soixante ans.

[26] Sommaire de l'histoire des François, Paris, 1579, in-folio, f. 386.

[27] Né en 1529, mort en 1615.

[28] Dieu restitua plus par miracle que par main d'homme tout le Royaume à Charles septiesme. De façon que despuis ce Roy prospera tousjours au contentement de tout le monde, s'estant rendu recommandé à la posterité comme l'un des plus grands Roys de la France (livre III, ch. XXX).

[29] Les Recherches de la France, d'Estienne Pasquier, conseiller et advocat general du Roy en la Chambre des Comptes de Paris. Paris, 1621, in-fol., livre VI, ch. IV.

[30] Né vers 1540, mort en 1598.

[31] Auteur d'une Histoire de Louys XI, Roy de France, publiée en 1610, un vol. in-folio. Voici le passage en question (p. 47-48). Charles VII a esté le restaurateur de la France, d'une ville de Bourges il en feit tout un Royaume, chassa les Anglois qui de toute la pièce qu'ils tenoient n'en garderont que Calais. Il a eu la gloire d'avoir appaisé ce grand et funeste schisme, contre lequel furent tenus les conciles de Constance et de Basle... Il ordonna par l'advis des Prelats de France, et fit confirmer et passer au concile de Basle la Pragmatique Sanction. Du mesme zèle qu'il travailla au repos de l'Église, il desira de venger l'injure qu'elle avoit receu en l'Asie et en l'Europe par les armes d'Amurath et de Mahometh. Les Papes Nicolas V et Pie II exhortoient ce Prince, comme Elizee Joas de tirer ses fiesches contre l'Orient, mais il estoit si fort empesché à sa juste deffence contre ses voisins, qu'il n'eust moyen de penser à cela. On donne encores à ce Prince la gloire d'avoir policé sa Gendarmerie... Les deffauts que l'on a remarqué en la vie de ce Prince, comme les regrets des Roys ne rencontrent pas tousjours les issues semblables aux commencements. Ses amours et ses divertissements n'ont peu faire que la France ne luy ayt donné le tiltre bien merité de VICTORIEUX.

[32] Auteur d'une Histoire ou recueil des gestes, meurs, aages et regnes des Roys de France, Paris, veuve Ch. Chastellain, 1622, in-4°. Il copie textuellement Jean de Serres, dans le portrait de Charles VII que nous trouvons aux pages 238-39.

[33] Inventaire general de l'histoire de France depuis Pharamond jusques a present, illustré par la conference de l'Église et de l'Empire (Paris, 1600, 3 vol. in-8°, t. II, p. 303-304). — Jean de Serres s'était arrêté au règne de Charles VI ; c'est Jean de Montlyard, ministre protestant, qui continua l'ouvrage, lequel parait avoir été pendant longtemps le seul livre élémentaire où l'on pût étudier notre histoire.

[34] Né à Condom en 1569, mort en 1661.

[35] Histoire générale de France, avec l'estat de l'Eglise et de l'Empire, Paris, Laurent Sonnius, 1621-43, 5 vol. in-fol., t. II, p. 893.

[36] Né en 1610, mort en 1683.

[37] M. Sainte-Beuve, dans son intéressante étude sur Mézeray (Causeries du Lundi, t. VIII, p. 157), cite cette appréciation d'un écrivain de notre temps (M. Frantin), qui avait beaucoup lu Mézeray et qui était un bon juge : De saint Louis à Louis XIII, je ne crois pas qu'aucun de nos historiens égale Mézeray pour l'exactitude, le profond jugement et la vivacité de la narration. M. Frantin sollicitait une réimpression de notre vieil historien. Ignorait-il donc qu'une édition en 18 volumes in-8° avait été imprimée à Paris, en août 1830, aux frais du Gouvernement, pour procurer du travail aux ouvriers typographes, et qu'en 1839 on avait donné l'Histoire de France de Mézeray, sous forme d'édition populaire et permanente, entièrement revue, corrigée, annotée, et sans aucune omission de faits ? (Paris, au Bureau central, rue Vivienne, 16, gr. in-8° à 2 col. de 962 pages.)

[38] Histoire de France, par François de Mézeray, tome II, 1646, in-fol., p. 82-83. Il y a ici une réminiscence d'un passage de Belleforest dans ses Grandes annales.

[39] De 1668 à 1755, sans parler des contrefaçons et des traductions. Voir le pasteur Scipion-Combet, Notice sur Mézeray (34 p.), en tête du Règne de Henri III, réimprimé par ses soins (Alais, 1844-46, 3 vol. in-8°).

[40] Abrégé chronologique de l'Histoire de France (éd. d'Amsterdam, 1696, 6 vol. in-12), t. III, p. 284.

[41] Histoire de Charles VII. Paris, 1697, 2 vol. in-12. Nouvelle édition en 1754, 2 vol. in-12.

[42] Et non de vingt et un ans, comme le dit M. Vallet, t. I, p. VII. Baudot était né le 17 avril 1678.

[43] Voir M. Vallet, l. c.

[44] Augustin Thierry, Lettres sur l'Histoire de France, quatrième lettre. — Voltaire, au siècle précédent, avait dit du P. Daniel : Il est instruit, exact, sage et vrai ; et, s'il n'est pas dans le rang des grands écrivains, il est dans celui des meilleurs historiens, et l'on n'a pas d'histoire de France préférable à la sienne. — Nous avons trouvé un bien joli mot dans la préface placée parut. Henri Martin en tête de son Histoire de France par les principaux historiens, en 1834 (p. 5) : Quant au P. Daniel, son histoire, qui n'est point achevée, doit être distinguée des autres par la nouveauté des recherches et la simplicité de la rédaction ; il n'a manqué à l'écrivain que de n'être pas jésuite. — M. G. Monod a dit tout récemment : Le P. Daniel, dont l'Histoire de France est supérieure non seulement à toutes celles qui avaient été composées avant lui, mais encore à la plupart de celles qui ont été composées depuis... Revue historique, t. I, p. 18.

[45] Notons que le P. Daniel n'a connu ni le témoignage de Thomas Basin, ni celui de Georges Chastellain, qui confirment ce que dit l'auteur anonyme, lequel, comme on le verra plus loin, n'est autre que Henri Baude.

[46] Histoire de France depuis l'établissement de la Monarchie française dans les Gaules (nouv. édition, publiée par le P. Griffet. Paris, 1755-57, 17 vol. in-4°), t. VII, p. 327 et suiv.

[47] Voici l'appréciation de ces deux historiens :

LE GENDRE : Nouvelle Histoire de France depuis le commencement de la Monarchie jusques à la mort de Louis XIII. Paris, Claude Robustel, 1718, 3 vol. in-fol., t. II, p. 536 et 549 : Les historiens l'ont surnommé le Victorieux, à cause que son règne ne fut qu'une suite de triomphes. Selon l'avis de bien des gens, ils eussent mieux fait de l'appeler l'Heureux et le bien servi ; parce qu'il n'eut pas beaucoup de part aux grands événements de son règne, et que la gloire principale en est deuë à ses capitaines... A la bravoure près, il n'avoit pour un Roy que des qualitez médiocres, peu de génie, nulle application aux affaires, une passion effrenée pour les plaisirs, une complaisance aveugle tant pour ses favoris que pour ses maîtresses. Sa bonne fortune lui tint lieu de mérite ; et le zèle de ses capitaines, leur valeur, leur habileté en lit un conquérant et un triomphateur.

LIMIERS : Annales de la Monarchie Française depuis son établissement jusques à présent (Amsterdam, 1724, 3 parties en 1 vol. in-fol.), 1re partie, p. 211 et 214 : Ce Prince fut nommé le Victorieux parce qu'il avoit reconquis le Royaume ; on plutôt, comme il arrive d'ordinaire, la bravoure de ses capitaines lui fit donner un titre qu'il avoit moins mérité qu'eux. Ce n'est pas qu'il manquât de courage ; mais il n'avoit d'ailleurs que des qualitez médiocres ; peu de génie, peu ou point d'application aux affaires ; beaucoup de penchant au plaisir et de foiblesse à se laisser gouverner par ses favoris. L'auteur dit plus haut : Sa fermeté à lutter contre la mauvaise fortune, le fit enfin triompher de ses ennemis.

[48] Le règne de Charles VII doit passer pour un prodige par les étranges révolutions auxquelles il s'est vu exposé. Ce prince plein de courage fut pour ainsi dire le jouet de la Fortune... (Suit un court exposé du règne de Charles VII.) Charles VII, dit plus loin l'abbé Lenglet, fut l'un des plus grands de nos rois. Méthode pour étudier l'histoire (Nouv. édit., revue par Drouet. Paris, 1772, 15 vol. in-12), t. VII, p. 275 et 278.

[49] Nouvel abrégé chronologique de l'Histoire de France, etc. Paris, 1741, in-8°, p. 177. — Ce titre de Nouvel abrégé vient sans doute de ce que, en 1735, le comte de Boulainvilliers avait donné son Abrégé chronologique de l'Histoire de France. L'ouvrage du président Hénault a eu une vingtaine d'éditions, jusqu'en 1853.

[50] Histoire de Louis XI (Paris, 1745, 3 vol. in-12), t. I, p. 7.

[51] Histoire de France depuis l'établissement de la Monarchie jusqu'à Louis XIV (Paris, 1755-1786, 30 vol. in-12), t. XVI, pages 297-98, 308-312.

[52] Dans ses Observations sur l'histoire de France (nouv. édit., revue par M. Guizot. Paris, Brière, 1823, 3 vol. in-8°), t. II, p. 243 : Charles VII avait des qualités estimables, mais aucune de celles qui lui étaient nécessaires pour ramener ses sujets de leur erreur, et conquérir son royaume presque entièrement occupé par ses ennemis. Ce ne fut point lui qui sauva la France du joug des Anglais, et les força à se renfermer dans leur Ile ; ce furent les Français qui lui étaient affectionnés, et qui, à force de Constance et courage, placèrent leur prince sur le trône, et si j'use le dire, sans qu'il daignât les seconder. La licence des temps, la faiblesse de son père, ses propres malheurs et ses disgrâces n'avaient encore développé en lui aucun talent quand Charles VII mourut. Rien n'est capable de donner des qualités héroïques à une âme commune. Après une vaine inauguration, l'oisiveté et les douceurs d'une vie privée semblaient seules en droit de le toucher ; une maîtresse et des favoris qui le gouvernaient, lui tenaient lieu d'un empire. Heureusement, ils eurent plus de courage et d'élévation d'âme que lui, et il leur importait de relever sa fortune.

[53] M. le Président Hénault, si souvent cité pendant sa vie et si digne de l'être après sa mort, a porté sur ce prince un jugement sévère. Charles VII, dit-il, ne fut en quelque sorte que le témoin des merveilles de son règne. Ce mot parait autorisé à quelques égards par un des surnoms qui furent donnés à ce prince : on l'appela le bien servi ; on l'appela aussi le victorieux, et il nous semble qu'il eut part à ses victoires ; il nous semble qu'il mérita les services de ses sujets et qu'il sut les récompenser. On peut lui reprocher des moments, de longs moments de découragement et de langueur, la mollesse trop souvent mêlée aux travaux de la guerre et de la politique, des fêtes déplacées, parmi les plus importantes affaires et les périls les plus pressants ; La Hire put lui dire : on ne saurait perdre son royaume plus gaiement : mais tout fut réparé, et il était toujours aisé de rappeler ce grand roi à la gloire et au devoir. Histoire de la querelle de Philippe de Valois et d'Édouard III, continuée sots leurs successeurs (Paris, Moutard, 1774, 4 vol. in-12), t. III, p. 442. Cf. p. 282 et 482. — Cet ouvrage, qui est la suite de l'Histoire de la rivalité de la France et de l'Angleterre, forme la seconde partie de cet ouvrage, dans la réimpression qui en fut faite en 1818 (Paris, J.-J. Blaise, 6 vol. in-8°).

[54] Neufchâtel, 1783, 4 vol. in-8°. L'ouvrage eut dans l'année trois éditions. Voir l'appréciation du caractère de Charles VII, t. III, p. 27.

[55] Paris, de Bure, 1788, 4 vol. in-12.

[56] Levesque est le premier qui se soit élevé contre plusieurs des fables accréditées de son temps.

[57] La France sous les cinq premiers Valois, ou Histoire de France depuis l'avènement de Philippe de Valois jusqu'à la mort de Charles VII (Paris, de Bure, 1788, 4 vol. in-12), t. IV, p. 521-23.

[58] Nous ne parlerons guère que pour mémoire d'une Histoire de Charles VII, restée inédite, et qui fut écrite au siècle dernier par Gaspard-Moise de Fontanieu. Cette œuvre historique, conservée parmi les manuscrits de la Bibliothèque nationale (ancien Supplément français 4805, aujourd'hui Fr. 10449), a le mérite d'avoir été composée sur les documents originaux, et en particulier sur les titres rassemblés dans une grande collection formée par l'auteur, laquelle existe encore sous le titre de Portefeuilles Fontanieu ; mais, comme l'a constaté M. Vallet de Viriville (t. I, p. VIII), le sens critique y fait défaut. Elle ne peut être utilisée qu'à titre de renseignement. Voici d'ailleurs l'appréciation de Fontanieu :

Je distingue deux princes dans Charles VII. Je ne vois point en lui le mesme homme dans ses malheurs et dans sa prospérité. Proscrit par les deux tiers de ses sujets, en commençant de régner, la fortune entasse sur lui disgraces sur disgraces, et le réduit à n'attendre que d'un prodige la conservation de son sceptre. Alors, si je ne lui trouve qu'une insensibilité honteuse, je l'attribue à l'excès de son accablement. Il se plonge pour s'étourdir dans la molesse, qui fut en effet son vice dominant... Il n'est en quelque sorte que le témoin oisif des événemens qui le menacent sans cesse. Le tableau change par une révolution qui tient du miracle... La France n'est pas encore eschapée aux perils, mais elle respire, et c'est alors que je vois son Roy s'arracher aux plaisirs pour venir lui mesme la secourir, La politique peut excuser jusques là son indiférence apparente : le salut de l'Etat dépendoit de la conservation de son martre (sic). Ses guerriers mesme les plus intrépides avoient tremblé de l'exposer. Je le vois depuis à la teste de ses armées donner à ses généraux et à ses soldats des exemples d'une valeur peut-être téméraire ; substituer une milice redoutable aux bandits aussy inconstans que barbares auxquels il avoit été obligé de confier le sort du royaume ; vaincre partout et assurer ses victoires par les places qu'il fait construire ; toujours en mouvement, courir de provinces en provinces, confirmer par sa présence l'amour des peuples qu'il a mérité... laisser enfin son royaume dans une splendeur où ses plus illustres prédecesseurs n'avoient pu parvenir.

[59] Histoire de France (édit. de Léonard Gallois. Paris, Beauvais, 1836, 3 vol. gr. in-8°), t. I, p. 400.

[60] Histoire de France (édit. de Léonard Gallois. Paris, Beauvais, 1836, 3 vol. gr. in-8°), t. I, p. 400.

[61] On a voulu reprocher à Charles VII de n'avoir été que le témoin des merveilles qui s'opérèrent pendant sa vie. On ne peut au moins lui refuser d'avoir su choisir et ses généraux et ses magistrats. C'est déjà beaucoup pour un souverain de connaitre les hommes et de savoir les employer ; et si cette science était héréditaire, les monarchies ajouteraient à tous leurs avantages celui de n'avoir jamais aucune de ces maladies auxquelles les corps politiques sont sujets comme les corps physiques. Si ce fut là, en effet, le seul mérite de Charles VII, ce mérite ne se démentit jamais chez lui. Il n'y a point de rois qui, après avoir commencé à régner dans des circonstances aussi difficiles et avec aussi peu de moyens, aient fait ou fait faire d'aussi grandes choses et qui les aient soutenues aussi constamment. La haine des deux maisons d'Orléans et de Bourgogne, les intrigues du duc d'Alençon, la Praguerie formée par le Dauphin, la révolte ouverte ou secrète dans laquelle il se tint jusqu'à la mort de son père, devaient mettre perpétuellement le gouvernement dans des entraves dont on ne pouvait se débarrasser qu'avec une profonde sagesse. Si cette sagesse n'appartient pas exclusivement à Charles, il lui appartient au moins d'avoir suivi les conseils qu'eue lui donnait, et le bonheur dont la France jouit sous son règne n'en reste pas moins son ouvrage... Son règne fut un des plus glorieux de la monarchie. — L'esprit de l'histoire, ou lettres politiquer et morales d'un père à son fils, par le comte Ferrand (Paris, 1803, 4 v. in-8°), t. III, p. 145.

[62] Ce prince releva le trône dont, étant Dauphin, il avait ébranlé les fondements par une conduite imprudente et ses démêlés avec le duc de Bourgogne. Trois choses contribuèrent au rétablissement de ses affaires : le mérite de ses généra&, l'enthousiasme excité par la Pucelle d'Orléans, et surtout le traité d'Arras, de 1435. Cet acte, s'il fut conçu par lui, honore sa politique, car il décida la querelle avec l'Angleterre.

Ce prince qui, dans sa jeunesse, avait été livré à l'indolence, et subjugué par les femmes et les favoris, devint, dans un âge plus avancé, laborieux, appliqué, lisant toutes les dépêches et mémoires qu'on lui adressait et ne signant rien qu'il ne l'eût lu. Mais ce qui est plus digne d'éloge, il se montra fidèle à ses engagements. Sa parole, dit un historien presque contemporain, était parole de roi et tenue pour telle.

Le règne de ce monarque offre de grandes choses, et, en particulier, le commencement d'un nouvel ordre de choses, non seulement pour la France, mais pour l'Europe

La suite assez nombreuse d'actes diplomatiques, conclus sous le règne de Charles VII, atteste la création d'un système d'alliances étrangères, non pas en vue de conquérir, mais plutôt pour conserver l'intégrité de l'État.

Ce prince, par l'effet de la position extrême où il s'était vu réduit, ayant créé des impôts fixes et établi une milice permanente, il en résulta une révolution dans la manière d'être des différents états. Pour se garantir d'invasions subites de la part de ceux qui avaient toujours des troupes prèles à marcher, les autres princes en établirent de semblables. Alors se développèrent des combinaisons plus profondes pour l'offensive et la défensive ; alors se formèrent des relations plus actives, plus inquiètes entre les divers états ; et tout prit gradativement la marche établie de nos jours. — Histoire générale et raisonnée de la Diplomatie française depuis la fondation de la Monarchie jusqu'à la fin du règne de Louis XVI, par le comte de Flassan (Paris, Lenormant, 1809, 6 v. in-8°), t. I, p. 205-208.

[63] Histoire de Paris, Paris, 1821-22, 7 vol. in-8°. Voir tome II, p. 495-96.

[64] Histoire de France depuis Pharamond jusqu'à la vingt-cinquième année du règne de Louis XVIII, Paris, 1819, 6 vol. in-8°. Voir tome III, p. 372.

[65] Parmi eux, nous citerons M. Berriat Saint-Prix (Histoire de Jeanne d'Arc, ou coup d'œil sur les révolutions de France au tems de Charles VI et de Charles VII, Paris, 1817, in-8°), et M. Lebrun de Charmettes (Histoire de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans, Paris, 1817, 4 vol. in-8°), dont les jugements sont favorables à Charles VII.

[66] Eloge de Charles VII, Roi de France, dans Notice ou aperçu analytique des travaux les plus remarquables de l'Académie royale du Gard, depuis 1812 jusqu'en 1822, par M. Phélip, Médecin, Secrétaire. Seconde partie. A Nismes, chez P. Durand-Belle, 1822, in-8°, pages 53-82.

[67] Notice, etc., p. 52.

[68] Éloge de Charles VII, p. 80.

[69] Éloge de Charles VII, pages 70 et 58.

[70] Voir la curieuse préface, sur la manière d'écrire l'histoire, placée en tête des Ducs de Bourgogne (t. I, p. I-XCII, 1824). Je n'ai mêlé d'aucune reflexion, d'aucun jugement les évenemens que je raconte... Ce sont les jugemens, ce sont les expressions des contemporains qu'il fallait exprimer ; c'est en voyant ce qu'ils éprouvaient, c'est en apercevant l'effet que les actions produisaient sur leur propre théâtre, qu'on peut se faire une idée juste du temps passé (p. XLI).

[71] Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, par M. de Barante (Paris, Ladvocat, 1824-26, 12 vol. in-8.), t. VIII, p. 271-76.

[72] Vue générale de l'Europe au XVe siècle, dans les Mélanges historiques et littéraires de M. Villemain (Paris, Ladvocat, 1827, 3 vol. in-8°), t. I, p. 438, 441, 442.

[73] Histoire de la Civilisation en Europe, XIe leçon.

[74] Histoire des Français, par J.-C.-L. Simonde de Sismondi (Paris, Treuttel et Wurtz, 1821-1844, 31 vol. in-8°), t. XIII (1831), p. 9-11, 462, 489-90. — Il faut comparer ce jugement avec ce que l'auteur dit au début du tome XIV (p. 2) : Sans avoir de talens distingués dans aucun genre, sans avoir ni force de volonté, ni caractère, Charles VII avoit reconquis la France, qui étoit presque en entier soumise au joug étranger à l'époque de la mort de son père. Alors on ne le dislinguoit que sous le nom du petit roi de Bourges ; en 1456 on le reconnaissoit universellement pour le plus grand roi de la chrétienté. Il réunissoit sous sa domination un plus grand nombre de provinces françaises que n'en avoit gouverné aucun de ses prédécesseurs de la race capétienne. Favorisé par les circonstances, par l'incapacité ou les querelles de ses rivaux, par les talens qui s'étoient développés chez ses sujets au milieu des guerres civiles, talens qui lui firent donner à bon droit le surnom de Charles le bien servi, il avoit marché à un agrandissement progressif, à un affermissement de son pouvoir, qu'il n'auroit jamais eu lui-même ni la force de désirer, ni la capacité de prévoir. La réunion du Dauphiné, qu'il enlevoit à son fils, fut la dernière de ses conquêtes. Considéré dans ses motifs, ce n'étoit pour lui qu'un acte de foiblesse et de favoritisme ; mais dans ses effets elle élargissoit ses frontières, elle affermissoit son autorité, elle avertissoit toujours plus que toute résistance viendroit se briser contre la puissance royale, qu'il avoit rendue absolue.

[75] Paris, chez Mame (imprimerie de Lachevardière), 1833, in-18 de 174 pages. Ce premier volume est annoncé dans le Journal de la Librairie du 26 octobre 1833, sous le n° 5746.

[76] Tome I, p. 8, Avertissement. Voici comment M. Henri Martin apprécie ici le rôle de l'historien (p. 7) : L'histoire n'est pas une toile à barbouiller au service de telle prévention particulière ; l'histoire, pour ainsi dire, n'est pas un seul homme avec sa vue myope et ses humeurs fantasques. De quel droit un historien viendra-t-il nous opposer l'infaillibilité de ses arrêts ? L'histoire ne doit être qu'un miroir d'optique où se peignent les hommes et les choses, de loin comme de près, etc.

[77] Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en juillet 1830, par les principaux historiens et d'après les plans de MM. Guizot, Augustin Thierry et de Barante (Paris, L. Mame, éditeur, 1834-36, 15 vol. in-8°), t. IX, p. 2, 179, 291. — A partir du tome XI, on lit : d'après les historiens originaux, par HENRY MARTIN. La première livraison (d'un quart de feuille) de cette édition est annoncée dans le Journal de la Librairie du 23 novembre 1833, sous le n° 5285 ; elle devait alors former 12 vol. in-8°. Il y eut une seconde édition (Paris, Mame, 15 vol. in-8°) sans changements. La première livraison du premier volume de ce nouveau tirage est annoncée dans le Journal de la Librairie du 16 décembre 1837, sous le n° 6248. De 1838 à 1853, M. H. Martin donna chez Furne une nouvelle édition en 18 vol. in-8°.

[78] M. Th. Lavallée donne quelques pages plus haut (p. 176) l'explication de cette admirable constance, en disant : Pas une plainte ne s'élevait contre ce pouvoir protecteur, qui donnait à la nation le bien-être et la sécurité qu'elle ne connaissait pas depuis plus de cent ans.

[79] Histoire des Français depuis le temps des Gaulois jusqu'en 1830 (Paris, Paulin et Hetzel, 1838, 4 vol. in-8°), t. II, p. 184.

[80] Dans les Actes de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, t. I, p. 697-720. Ce Tableau fut publié à part l'année suivante.

[81] T. V, p. 224-226.

[82] T. V, p. 224.

[83] T. V, p. 374.

[84] Une femme héroïque lui sauve son royaume. Une femme, bonne et douce, qu'il aima vingt années ; fît servir cet amour à l'entourer d'utiles conseils, à lui donner les plus sages ministres, ceux qui devaient guérir la pauvre France. Cette excellente influence d'Agnès a été reconnue à la longue ; la Dame de beauté, mal vue, mal accueillie du peuple, tant qu'elle vécut, n'en est pas moins restée un de ses plus doux souvenirs. T. V, p. 374-75.

[85] Histoire de France (Paris, Lagny frères, 1839-43, 8 vol. in-8°), t. IV, p. 355.

[86] Formation territoriale et politique de la France, dans les Notices et Mémoires historiques (Paris, Paulin, 1843, 2 vol. in-8°). Voir Mémoires historiques, 3e édition, 1854, in-12, p. 222-24. — Plus loin (p. 24), l'éminent académicien dit, en parlant de Louis XI, qu'il fut le continuateur de Charles VII.

[87] Histoire de France depuis l'origine de la nation jusqu'à nos jours, Paris, 1848, 2 vol. in-8°. — Je suis l'édition de 1850, 2 vol. in-12, t. I, p. 483-84 et 512. Voir p. 511 le jugement formulé par l'historien sur tout le règne.

[88] De la formation de l'état social, politique et administratif de la France, par M. Guérard, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XII (1850), p. 35 et 37.

[89] Aperçus nouveaux sur l'Histoire de Jeanne d'Arc (Paris, Jules Renouard, 1850, in-8°), p. 24.

[90] Essai sur l'Histoire de la formation et des progrès du Tiers-État (Paris, Furne, 1853, gr. in-8°), p. 63-64.

[91] Jacques Cœur et Charles VII, ou la France au quinzième siècle (Paris, Guillaumin, 1853, 2 vol. in-8°), t. I, pages VIII, XLV-XLVII, 100, 132 ; t. II, p. 231.

[92] Le premier volume porte le millésime de 1855. L'avertissement est daté de juillet 1854.

[93] Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, 4e édition (Paris, Furne, 1855-60, 17 vol. gr. in-8°), t. VI, pages 90, 91, 109, 323, 365, 368, 385. Notons ici que M. H. Martin s'est empressé d'adopter l'assertion de Michelet sur Yolande donnant Agnès Sorel pour maîtresse à son gendre : Elle ne pouvait, dit-il (p. 331), l'empêcher d'avoir des maîtresses ; elle lui en donna une de sa main et le gouverna par cet étrange intermédiaire.

[94] M. Émile Chasles, dans l'article cité ci-dessous.

[95] Le règne de Charles VII d'après M. Henri Martin et d'après les sources contemporaines, par G. du Fresne de Beaucourt. Paris, Durand, mars 1856, in-8. de 115 p.

[96] Une question de justice historique : le caractère de Charles VII, par M. Émile Chasles, dans la Revue contemporaine du 30 juin 1856 (t. XXII, p. 310-328).

[97] D'une polémique récente à l'occasion de Charles VII et de Jeanne d'Arc, par M. Nettement, dans l'Union des 2 et 16 juillet 1856.

[98] Des récentes études critiques se Jeanne Darc (sic). Revue de Paris du 15 septembre 1856.

[99] Un dernier mot à M. Henri Martin, par G. du Fresne de Beaucourt. Paris, Durand, janvier 1851, in-8° de 60 p.

[100] Revue contemporaine, l. c., p. 328.

[101] Un dernier mot sur une polémique récente à propos de Jeanne d'Arc, dans l'Union du 5 mars 1857.

[102] Histoire de France, 1844-1850, 30 vol. in-8° (16 jusqu'à la Révolution).

[103] Histoire de France, 1855-62, 20 vol. in-8°.

[104] Histoire de France, 1857-60, 15 vol. in-8°.

[105] Histoire de France, 1863-64, 5 vol. in-8°.

[106] Nous indiquerons ceux de MM. Émile de Bonnechose (1834, 2 vol. in-12, 14 éditions jusqu'en 1869), Mazas (1834-36, 4 vol. in-8°, 4e éd. en 1846), Henrion (1837-40, 4 vol. in-8°), Am. Cabourd (1839-40, 3 vol in-12, nouv. éd. en 1843, 1846, 1851), Mennechel (1840, 4 vol. in-12, nouv. éd. en 1863), Théod. Burette (1840, 2 vol. gr. in-8°, nouv. éd. en 1842 et 1859), Achmet d'Héricourt (1844-46, 2 vol. in-8°), l'abbé Mury (1860, 2 vol, nouv. éd. en 1875-76, 4 vol. in-12), Henri Abel (1861, 5 vol. in-12), Edmond Demolins (1878-80, 4 vol. in-12). — Nous devons distinguer des simples abrégés l'Abrégé de l'Histoire de France de M. Victor Duruy, parce qu'il a eu, outre l'édition en 2 vol. in-12 de 1855, une édition illustrée, revue et très augmentée, publiée en 1862 par Lahure, sans nom d'auteur, sous ce titre : Histoire populaire de la France (2 vol. gr. in-8°). Dans cet ouvrage, M. Duruy dit qu'au début de son règne, et pendant de longues années, Charles VII ne montra de vivacité que pour les plaisirs et une sorte d'hébétement en face des affaires et des périls (t. II de l'Histoire populaire, p. 2) ; il est vrai qu'il lui rend justice plus loin, en parlant de la dernière partie de son règne.

[107] Nous ne croyons pas devoir faire une mention spéciale de l'Histoire de France racontée à mes petits-enfants, par M. Guizot (Paris, Hachette, 1872-76, 5 vol gr. in-8°), car le jugement formulé sur Charles VII est dépourvu d'originalité : Prince indolent et frivole, adonné à ses seuls plaisirs, dont rien ne faisait pressentir la capacité, et de qui, hors de sa cour, la France ne se préoccupait guère (t. II, p. 286). L'historien reconnaît le changement survenu, en 1437, dans l'attitude et les dispositions du Roi, mais il en fait honneur à Agnès Sorel, dont il n'a garde de contester la part d'influence dans le réveil politique et guerrier de Charles VII, après le traité d'Arras (p. 349). Il lui rend pourtant plus loin (p. 367-69) un hommage mérité.

[108] Essai sur le gouvernement de Charles VII. Thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris, par Hippolyte Dansin. Strasbourg, 1856, gr. in-8°.

[109] Histoire du gouvernement de la France pendant le règne de Charles VII. Paris, A. Durand, 1858, in-8°.

[110] M. Léopold Monty, dans un article remarquable. Constitutionnel du 28 août 1859.

[111] M. Dansin fait ici allusion à la polémique soulevée par l'apparition du volume de M. Henri Martin.

[112] Dans sa thèse, M. Dansin avait dit, plus brièvement, mais plus sévèrement encore : On doit fort peu de sympathie à cette figure triste et indolente, à cette âme apathique et lâche qui, pendant tant d'années, n'a échappé à ses langueurs que pour la débauche, l'ingratitude ou le crime (p. 4).

[113] Histoire du gouvernement de la France pendant le règne de Charles VII, pages 6-13. — Pour ne pas m'attirer la confusion d'être classé par M. Dansin au premier rang des naïfs, dit à ce propos M. Leop. Monty, dans l'article cité, je lui déclare que je me défends à merveille de tout enthousiasme pour Charles VII, même de celui que pourrait m'inspirer l'historien de son gouvernement, mais je dois lui déclarer aussi que je ne saurais souscrire à cette appréciation, qui est aux antipodes de l'enthousiasme... La présence de certaines qualités rend nécessairement impossible l'absence complète de certaines autres, et je ne parviens pas à m'expliquer comment le roi Charles VII, possédant, selon M. Dansin, un grand tact naturel, un jugement solide, un sens droit et profond, le don admirable de comprendre le bien de l'État et de deviner les hommes capables de l'accomplir, se trouve être, au demeurant, l'un des plus tristes princes que la France ait jamais eus. — Chose curieuse, un écrivain du Siècle, dans un autre article sur cet ouvrage, reproche justement à M. Dansin son enthousiasme pour le règne de Charles VII (8 juillet 1868, article de M. L. Cuzon).

[114] On se souvient de la révocation injuste et brutale, si honorable pour M. Dareste, prononcée contre lui par le gouvernement de la République en 1878.

[115] Histoire de France depuis les origines jusqu'à nos jours (Paris, H. Plon, 1865-1873, 8 vol. in-8°), t. III, p. 400. — Un neuvième volume, qui reprend à fond l'histoire de la Restauration et résume celle des gouvernements depuis 1830, a été publié en 1879.

[116] Yolande eut pour Charles VII, enfant de la démence, de maternels et nécessaires ménagements (t. I, p. 465).

[117] T. I, p. 159.

[118] T. I, p. 203.

[119] T. I, p. 256.

[120] T. I, p. 422.

[121] T. I, p. 258, 361.

[122] La tradition du XVIe siècle relative au ballet qui aurait occupé le Roi pendant le siège d'Orléans, et lui aurait attiré un mot piquant de La Hire, ne s'accorde que trop, dit M. Vallet (t. II, p. 39), avec les notions historiques les plus positives qui nous sont parvenues sur l'état moral où végétait encore à cette époque le roi de France.

[123] T. II, p. 382.

[124] T. III, p. 130.

[125] T. III, p. 44, 49, 94, 102, 376, 387, 428 et passim. Jamais, dit-il (p. 102), plus grande sagesse n'avait eu pour résultat plus de succès et de prospérité.

[126] T. III, p. 461.

[127] T. III, p. 75.

[128] T. III, p. 20 et suiv., 76 ; 140, 142, 177, 191, 362.

[129] L'ouvrage, en trois volumes in-folio, est sans titre, faux-titre ni frontispice, et débute par ces mots : Prologue des Croniques de France. A la fin du troisième volume on lit : Cy finist le tiers volume des Croniques de France... et pareillement les deux volumes precedens. Fait à Paris en lostel de pasquier bon homme long des quatre principaux libraires de luniversité de Paris ou pend pour enseigne limage saint Christofle le XVIe jour de janvier l'an de grace mil CCCC LXXVII. Bibl. nationale, Réserve, L35, n° 6. On sait que cet ouvrage est le premier livre français connu, imprimé à Paris avec date. Voir Brunet, Manuel du libraire, t. I, col. 1867 et suiv.

[130] C'est ce qui ressort d'un passage du fragment de la Chronique latine publié par M. Vallet de Viriville (dans l'édition dont il va être parlé ci-dessous), t. I, p. 2.

[131] Cette erreur, répétée par tous les biographes, a été réfutée dans notre mémoire intitulé Les Chartier. Recherches sur Guillaume, Alain et Jean Chartier, publié dans le t. XXVIII des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie (tirage à part : Caen, 1869, in-4° de 59 p.).

[132] Elle commence au fol. 166 du troisième volume. — D'autres éditions des Grandes Chroniques furent faites en 1493 et 1514 (voir Brunet).

[133] Paris, 1517-1518, 4 vol. in-folio (Bibl. nationale, L35, n° 9). Elle commence au fol. 111 v° du tome IV.

[134] Histoire de Charles VII, Roy de France, par Jean Chartier, sous-chantre de Saint-Denys ; Jacques le Bouvier, dit Berry, Roy d'armes, Mathieu de Coucy, et autres autheurs du temps. Qui contient les choses les plus memorables, advenues depuis l'an 1422. Jusques en 1461. Mise en lumière et enrichie de plusieurs Titres, Memoires, Traittez, et autres Pièces historiques, par Denys Godefroy, Conseiller et Historiographe ordinaire du Roy. A Paris, de l'imprimerie royale, 1661, in-fol. — C'est cet ouvrage qui sera cité, dans notre travail, sous ce titre : Historiens de Charles VII, par Godefroy.

[135] Le meilleur manuscrit est, d'après M. Vallet, le ms. fr. 5051 de la Bibl. nationale.

[136] Chronique de Charles VII, roi de France, par Jean Chartier. Nouvelle édition, revue sur les manuscrits, suivie de fragments inédits. Publiée avec Notes, Notices et Éclaircissements, par Vallet de Viriville. Paris, chez P. Jannet, 1858-59, 3 vol. in-16. — C'est cette édition qui sera seule citée dans notre travail.

[137] Ms. lat. 5959. Le morceau occupe les pages, 1 à 24 du tome Ier. Le texte original a été donné, par M. Vallet, dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, ann. 1857-58, p. 212 et 229. Un manuscrit de la chronique latine de Jean Chartier a été signalé par M. Kervyn de Lettenhove comme se trouvant dans la bibliothèque de feu sir Thomas Philipps.

[138] Édition de M. Vallet, t. I, notice, p. XXX.

[139] Voir sur Jean Chartier, Les Chartier, etc., p. 20-26 et p. 38-42 ; M. Vallet, notice, l. c. ; Quicherat, Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 51.

[140] Sa famille était sans doute d'Auvergne ; il s'intitule dans son livre : Martial de Paris, dit d'Auvergne.

[141] Ms. fr. 5054, un volume in-folio, magnifiquement enluminé et terminé par une miniature représentant l'auteur offrant son livre au roi.

[142] La première édition que cite Brunet porte : Imprimé à Paris par Jehan du Pré, demourant aux deux cynes le XVIII jour de may mil CCCC IIIIXX et XIII. M. Vallet pense (art. MARTIAL DE PARIS dans la Nouvelle Biographie générale) que l'édition sans date de Pierre le Caron, mentionnée en second lieu par Brunet, est la première : elle aurait donc paru au plus tard en 1493. Il y a une troisième édition, donnée par Robert Bouchier (après 1500), et plusieurs autres des premières années du seizième siècle. Voir Manuel du Libraire, t. III, col. 1481-83.

[143] Les Poésies de Martial de Paris, dit d'Auvergne, procureur au Parlement. Paris, de l'imprimerie d'Antoine Urbain Coustelier, 1724, 2 vol. in-12. — L'ouvrage contient uniquement les Vigilles de Charles VII.

[144] Le premier (le second et le tiers) volume de Enguerran de Monstrelet. En suyvant Froissart nagueres imprime a Paris Des croniques de France, d'Angleterre, Descoce, despaigne, de bretaigne, de gascogne De Flandres Et lieux circonvoisins. On lit à la fin : Imprimez a paris pour Anthoine verard libraire demeurant a Paris a petit pont (s. d.), 3 tomes en 2 vol. in-fol. (Bibl. nationale, La14, n° 1). Voir la description de Brunet, Manuel du Libraire, t. III, col. 1831 et s.

[145] Éditions de 1512, 1518, 1572, 1595 et enfin 1603. Voir Catalogue de l'Histoire de France à la Biblioth. nationale, t. I, p. 135, et Brunet, l. c.

[146] Dans les tomes XXVI à XXXII de sa collection des Chroniques nationales françaises (Paris, 1826, 7 vol. in-8.), et dans le Panthéon littéraire (Paris, 1839, gr. in-8°).

[147] La Chronique d'Enguerran de Monstrelet, en deux livres, avec pièces justificatives, 1400-1444, publiée pour la Société de l'histoire de France, par L. Douët-d'Arcq. Paris, 1857-62, 6 vol. gr. in-8°.

[148] Les meilleurs manuscrits de Monstrelet sont les mss. fr. 2684 (livre I), 2681 et 82 (livres I et II). M. Douët-d’Arcq reproduit le ms. fr. 2683, pour le livre I, et le texte de l'édition Verard pour le second livre, qu'il a comparé avec le ms. 8346, dont la version picarde aurait juré avec le texte du 1er livre. — Sur Monstrelet, voir outre la préface de M. Douët-d’Arcq, qui est par trop succincte (t. I, p. I-XXIII), le Mémoire de Dacier, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XLIII, p. 535-62, et la notice de M. Vallet, dans le tome XXXVI de la Nouvelle Biographie générale.

[149] Procès de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 860.

[150] M. Vallet est trop indulgent, quand il dit, dans son article MONSTRELET (Nouvelle Biographie générale) : Monstrelet manifeste, en général, une équité de jugement qu'il serait injuste de méconnaître. Il supplée d'ailleurs à la justice de ses appréciations par une abondance de notions et de témoignages qui lui tiennent lieu d'impartialité.

[151] Les cronicques du feu roy Charles septiesme de ce nom que dieu absoulle, contenans les faits et gestes dudit seigneur, lequel trouva le royaulme en grant desolation et neantmoins le laissa paisible. Ladvenement de la pucelle, faits et gestes dicelle et autres choses singulieres advenues de son temps. Redigees par escript par feu maistre Alain Chartier homme bien estime en son temps, secretaire dudit feu roy Charles VIIe. A la fin : Imprime nouvellement a Paris pour Francois regnault libraire... Et furent achevees d'imprimer le iiie iour de Decembre mil cinq cens XXVIII.

[152] Historiens de Charles VI, 1653, p. 441-444 ; Historiens de Charles VII, 1661, p. 369-474, avec une continuation de 1455 à 1461, p. 474-80. — La partie qui s'étend de 1403 à 1429 avait été donnée, sans nom d'auteur, par Théod. Godefroy, à la suite de son édition de l'Histoire de Charles VI, par Jean Jouvenel des Ursins (Paris, 1614, in-4°, p. 502-570).

[153] Les meilleurs manuscrits sont ceux du F. franç. 23144 (anc. N. D. 137), et 23283 (anc. Sorb. 435), à la Bibliothèque nationale.

[154] A la suite de la Chronique de Flandres (Lyon, Roville, 1562, in-4°). La seconde édition, publiée séparément, que possède la Bibliothèque nationale, est de Gand, 1566, in-4°.

[155] Les Mémoires d'Olivier de la Marche, réimprimés en 1616 et 1645, ont été publiés de nos jours par Petitot (tomes IX-X), Michaud et Poujoulat (t. III), et Buchon (Panthéon littéraire). Deux érudits très distingués, MM. H. Beaune et J. d'Arbaumont, en préparent une nouvelle édition, qui paraîtra, nous l'espérons, sous les auspices de la Société de l'histoire de France, et dont nous souhaitons vivement la prochaine publication.

[156] Paris, Abraham Picard, 1614, in-4°.

[157] Histoire de Charles VI, Roy de France, et des choses memorables advenues durant 42 années de son Regne, depuis 1380 jusques à 1422, par Jean Juvenal des Ursins, archeveque de Rheims, augmentee en cette seconde Edition de plusieurs Memoires, Journaux, Observations Historiques, etc., par Denys Godefroy, Conseiller et Historiographe ordinaire du Roy. A Paris, de l'imprimerie royale, 1653, in-fol. — Cet ouvrage sera cité dans notre travail, sous ce titre : Historiens de Charles VI, par Godefroy. — La réimpression faite par Buchon, dans le Panthéon littéraire, et par Michaud et Poujoulat, dans leur Collection, est trop tronquée pour qu'il y ait lieu d'y renvoyer.

[158] Historiens de Charles VI, p. 401-410 ; Historiens de Charles VII, p. 327-363.

[159] Historiens de Charles VI, p. 491-527.

[160] Mémoires pour servir à l'Histoire de France et de Bourgogne, contenant un journal de Paris sous les règnes de Charles VI et de Charles VII, l'histoire du meurtre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, avec les preuves, etc., etc. (Recueilli par D. des Salles, bénédictin, et publié par La Barre). Paris, 1729, deux tomes en un vol. in-4°, t. I, p. 1-208.

[161] Buchon, Chroniques nationales, t. XL, et Panthéon (avec Mathieu d'Escouchy et autres) ; Michaud et Poujoulat (t. II et III).

[162] Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449, publié d'après les manuscrits de Rome et de Paris, par Alexandre Tuetey. Paris, H. Champion, 1881, gr. in-8° (Publication de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île de France). — Un fragment inédit, de l'année 1438, a été ajouté ici au texte primitif, et le travail personnel de l'éditeur double le prix de ce précieux document.

[163] Voir Introduction, p. IX-XLIV : L'auteur du Journal parisien.

[164] Historiens de Charles VI, p. 445-496.

[165] C'est ce qui a été très bien établi par Mlle Dupont, dans la Notice sur Pierre de Fenin placée en tête de l'édition indiquée ci-dessous.

[166] Tome VII, p. 237-370. — Buchon, dans le Panthéon littéraire (vol. de Math. d'Escouchy), et Michaud et Poujoulat (t. II), ont ajouté la partie inédite publiée par Mlle Dupont.

[167] Mémoires de Pierre de Fenin, comprenant le récit des événements qui se sont passés en France et en Bourgogne sous les règnes de Charles VI et de Charles VII (1407-1427). Nouvelle édition, publiée d'après un manuscrit, en partie inédit, de la Bibliothèque Royale, avec annotations et éclaircissements, par Mlle Dupont. Paris, 1837, gr. in-8°.

[168] Historiens de Charles VII, p. 481-530.

[169] Collection des Chroniques nationales de Buchon, t. XXXIV, et Panthéon littéraire (avec Mathieu d'Escouchy) ; collection Petitot, t. VIII ; collection Michaud et Poujoulat, t. III.

[170] Historiens de Charles VII, p. 741-792. — Le premier éditeur avait été Théodore Godefroy, en 1622.

[171] Le texte en a été reproduit par Petitot (t. VIII) ; Buchon (Panthéon littéraire) et Michaud et Poujoulat (t. III).

[172] Historiens de Charles VII, p. 531-738.

[173] Chroniques nationales, t. XXXV et XXXVI ; Panthéon littéraire, vol. publié en 1838.

[174] Chronique de Mathieu d'Escouchy. Nouvelle édition, revue sur les manuscrits et publiée avec notes et éclaircissements, pour la Société de l'histoire de France, par G. du Fresne de Beaucourt. Paris, 1863, 2 vol. gr. in-8°. — Nous parlerons plus loin du volume de Preuves, qui forme le tome III de cette édition, mais qui peut en être détaché.

[175] Histoire de Charles VI, Roy de France, escrite par les ordres et sur les memoires et les avis de Guy de Monceaux et de Philippe de Villette Abbez de Sainct-Denys, par un Autheur contemporain Religieux de leur Abbaye... Traduite sur le Manuscrit Latin tiré de la Bibliothèque de M. le President de Thou, par Mre I. Le Laboureur, prieur de Juvigné, Conseiller et Aumosnier du Roy, Historiographe de France. Paris, chez Louis Maine, 1663, 2 vol. in-folio.

[176] Chronique du religieux de Saint-Denys, contenant le règne de Charles VI de 1380 à 1422, publiée en latin pour la première fois et traduite par M. L. Bellaguet, précédée d'une introduction par M. de Barante, Paris, Crapelet, 1839-1852, 6 vol. in-4°.

[177] Histoire de Charles VI, Roy de France, par Jean Le Fevre, dit de Saint-Remy, dans le tome II de l'ouvrage précité, à la fin de la Chronique du Religieux. Ce morceau est paginé de 1 à 167, et s'arrête à l'année 1423.

[178] Dans les tomes XXII et XXIII de ses Chroniques nationales, et dans le Panthéon littéraire.

[179] Chronique de Jean Le Févre (sic), seigneur de Saint-Remy, transcrite d'un manuscrit appartenant à la Bibliothèque de Boulogne-sur-Mer, et publiée pour la Société de l'Histoire de France, par François Morand, Paris, 1876-81, 2 vol. gr. in-8° (le tome II n'a point encore paru au moment où j'écris ces lignes).

[180] Voir l'ordonnance royale du 22 février 1821, portant création d'une École des chartes, dans la Notice historique sur l'École royale des chartes, insérée en tête de la Bibliothèque de l'École des chartes, t. I (1839-40), p. 1-42.

[181] Tome IX, p. 363-401. — Nous n'avons pas renvoyé à cette collection, qu'on ne consulte plus aujourd'hui, et où l'on trouve, avec la Chronique de la Pucelle, les textes de Fenin, de Gruel et d'Olivier de la Marche. Elle fut publiée, de 1785 à 1789, pour les tomes I à LXV, et de 1806 à 1807, pour les tomes LXVI à LXX.

[182] Mémoires de J. du Clercq, imprimés sur les manuscrits du Roi, et publiés pour la première fois par Frédéric Baron de Reiffenberg, Bruxelles, 1823, 4 vol. in-8°.

[183] Voir sur Jacques du Clercq une courte notice de Mlle Dupont, dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, années 1857-58, p. 101-107.

[184] Buchon, Chroniques nationales, t. XXXVII-XL, et Panthéon littéraire, Michaud et Poujoulat, t. III. — Petitot n'avait donné en 1820, dans son tome XI, que le fragment de Perrin.

[185] 1re série, Paris, Foucault, 1819-26, 52 vol. in-8° ; 2e série, Paris, Foucault, 1820-29, 78 vol. in-8°.

[186] Paris, Verdière, 1824-29, 47 vol. in-8°.

[187] Paris, 1836-39, 32 vol. gr. in-8°, à 2 col.

[188] Choix de Chroniques et Mémoires sur l'histoire de France, avec notices biographiques. Il y a dix-huit volumes, qui furent publiés de 1836 à 1838. Le Catalogue de l'histoire de France, à la Bibliothèque nationale, n'en donne que dix-sept, mais il omet le volume consacré à Mathieu d'Escouchy et autres auteurs. De nouveaux tirages furent faits, pour quelques volumes, en 1842. La collection ayant été clichée, on la réimprime encore aujourd'hui.

[189] Commence par tres elegant orateur messire Georges Chastelain, chevalier, indiciaire et historiographe de tres illustre prince monseigneur le duc de bourgoigne et continue jusques a present Par maigre Jehan Molinet. Anvers, s. d. petit in-4° de 22 f. Voir Brunet, au mot CHASTELAIN, Potthast, dans sa Bibliotheca medit œvi, dit que cette plaquette fut imprimée en 1531.

[190] Avec de nombreuses lacunes, comme l'a constaté M. J. Quicherat, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. IV, p. 64.

[191] Ce fragment remplit les pages 5 à 116, et débute par le Prœsme et l'introduction de Chastellain à sa vaste chronique. C'est à tort que Buchon lui donne le titre de Chronique du duc Philippe.

[192] Ce fragment remplit les pages 111 à 304, et débute par un nouveau Prœsme. On voit à la p. 164 que ce morceau, mal intitulé par Buchon : Chronique des derniers ducs de Bourgogne, était le début de son sixième volume. On peut constater encore que second volume contenait le récit de la paix d'Arras (p. 120).

[193] Tome I, p. 91-156, et t. III, p. 190. Voir Nouvelles observations historiques à propos du 4e volume inédit de la grande chronique de Georges Chastelain, par M. Renard, major d'état-major, Bruxelles, 1843, in-8° de 70 p. — Les morceaux en question se trouvent dans les mss. 16881 et 15843 de la Bibliothèque de Bruxelles.

[194] Tome IV (1842-43), p. 67-78. Le curieux portrait de Charles VII, qui était à lui seul toute une révélation, se trouve là. — M. Quicherat annonçait la publication prochaine du fragment de la Laurentienne, par Buchon, laquelle ne fut point faite.

[195] Tome IV, p. 440-47.

[196] Bruxelles, 1863-1866, 8 vol. gr. in-8° (Publication de l'Académie royale de Belgique). Le tome Ier contient les fragments de la Chronique pour les années 1419-22 ; le tome ceux de 1430-31, d'après le ms. de Florence comparé avec le Ms. d'Arras, et de 1452-53, d'après le ms. 16881 de Bruxelles ; le tome III celui (inédit) de 1454-58, d'après le ms. 15843 de Bruxelles ; le tome IV, celui de 1461,64, revu sur un ms. du château de Delteil, en laissant subsister une lacune pour la fin de 1462 et les premiers mois de 1463 ; le tome V, les autres fragments jusqu'en 1470 ; le tome VI, divers morceaux en vers et l'Exposition sur vérité mal prise, déjà publiée par Buchon ; le tome VII d'autres morceaux inédits ou déjà publiés, en prose et en vers ; le tome VIII, le Livre des faits de Jacques de Lataing, attribué à tort à Chastellain, et d'autres pièces d'une attribution douteuse.

[197] M. Kervyn de Lettenhove pense que l'on pourrait retrouver en Espagne le texte intégral de cette œuvre historique si importante.

[198] Compte de la recette générale de Hainaut, cité par M. Kervyn, t. I, p. XXVIII.

[199] Voir t. I, p. XIV-XV.

[200] Publié dans la Chronique de Charles VII, par Jean Chartier. Voir t. III, p. 142-199, et notice, t. I, p. XLVII-LIII. — Aux renseignements donnés par M. Vallet sur Jean Raoulet, nous pouvons ajouter le suivant : il était écuyer d'écurie du Dauphin dès le 10 juillet 1420. Mais est-ce bien le capitaine mêlé aux événements de ce temps qui a pu écrire une chronique rédigée, selon M. Vallet, entre 1461 et 1467 ?

[201] Chronique de Charles VII, par Jean Chartier, p. 212-251, et notice, t. I, p. LVI-LIX.

[202] Chronique de Charles VII, par Jean Chartier, p. 200-211, et notice, t. I, p. LIII-LV.

[203] Chronique de la Pucelle, ou Chronique de Cousinot..., publiée par M. Vallet de Viriville. Paris, Ad. Delahays, 1859, in-16 (Bibl. Gauloise). La notice placée en tête avait fait l'objet d'une double publication, l'une dans les Mémoires présentés par divers savants à l'Acad. des Inscr. et Belles-lettres, 1re série, t. V, partie, et Notice des manuscrits, t. XIX, 2e partie (tiré à part, 2 br. in-4° de 8 et de 20 p.) ; l'autre dans la Bibliothèque de l'École des chartes (t. XVIII, p. 1 et 105), sous ce titre : Essais critiques sur les historiens originaux de Charles VII, roi de France (tiré à part : Paris, J.-B. Dumoulin, 1857, gr. in-8° de 42 p.).

[204] M. J. Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 203.

[205] Cette conjecture est faite par M. Vallet, Notice historique, p. 55.

[206] Pages 341-476. L'éditeur a publié en outre la déposition de Michel de Berry sur les événements accomplis à Beaugency et dans les environs, en 1422 et 1423 (p. 471-476).

[207] Chronique normande de Pierre Cochon, notaire apostolique à Rouen, publiée pour la première fois en entier, par Ch. de Robillard de Beaurepaire, Rouen, 1870, gr. in-8°. Le texte commence à 1108 et finit à 1430.

[208] Cette Chronique rouennaise comprend les années 1371 à 1434. M. Vallet en avait intercalé des passages dans le texte de P. Cochon.

[209] Introduction, p. I-XXXIX. — M. de Beaurepaire avait donné en 1860 une Notice sur Pierre Cochon, publiée dans le Précis de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, et tirée à part en une brochure in-8° de 33 p.

[210] Nouvelles recherches sur Henri Baude, poète et prosateur du XVe siècle, suivies du Portrait et des Regrets et complaintes de la mort du Roi Charles VII, par M. Vallet de Viriville. Paris, 1855, gr. in-8° de 22 pages. — Le texte du Portrait est reproduit, avec une Notice sur Henri Baude, dans l'édition de Jean Chartier donnée en 1857-58 par M. Valet (t. III, p.127-140).

[211] On a sur Henri Baude un article de M. J. Quicherat : Henri Baude, poète ignoré du temps de Louis XI et de Charles VIII, dans la Bibl. de l'École des chartes (1849), t. X, p. 93-133, reproduit et amplifié dans une élégante plaquette, publiée en 1856 chez Aug. Aubry : Les vers de maistre Henri Baude, poète du XVe siècle, recueillis et publiés avec les actes qui concernent sa vie, par M. J. Quicherat (pet. in-8. de 128 p.). M. Quicherat fait naître Henri Baude vers 1430, mais la conjecture de M. Vallet, qui place sa naissance entre 1415 et 1420, me parait plus vraisemblable, puisqu'il est établi que, lors de la Praguerie, en 1440, Gaude avait l'âge d'homme.

[212] Notice sur Henri Baude, dans l'édition de Jean Chartier, t. Ier, p. XLV.

[213] Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, dite la Pucelle, publiés pour la première fois, d'après les manuscrits de la Bibliothèque royale, par Jules Quicherat, Paris, J. Renouart, 1841-1849, 5 vol. gr. in-8° (Publication de la Société de l'histoire de France).

[214] Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, par Thomas Basin, évêque de Lisieux, jusqu'ici attribuée à Amelgard, rendue à son véritable auteur et publiée pour la première fois, avec les autres ouvrages historiques du même écrivain, pour la Société de l'histoire de France, Paris, 1855-1859, 4 vol. gr. in-8°.

[215] Ces extraits se trouvent dans les ouvrages de Meyer (1561), Camuzat (1610), Du Chesne (1624), Labbe (1650), Du Puy (1651), Mathæus (1696), et D. Marlène (1729). Une analyse détaillée a été donnée par M. de la Porte du Theil, dans le tome Ier des Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, en 1787.

[216] MM. de Barante, de Sismondi, Michelet, etc. — M. de Barante, dès 1842, avait signalé l'ouvrage comme étant de Thomas Basin. Bull. de la Société de l'histoire de France, année 1841-42, p. 206.

[217] Bibliothèque de l'Ecole des chartes, livraison de mars-avril 1842, t. III, p. 313-376.

[218] Notice, t. I, p. LXXXIX.

[219] On nous permettra peut-être de renvoyer, au sujet de la valeur historique de l'œuvre de l'évêque de Lisieux, à une étude intitulée : Charles VII et Louis XI d'après Thomas Basin, publiée par nous en 1860 (gr. in-8° de 63 p.), et dont la 1re partie a paru dans le Correspondant du 25 décembre 1858.

[220] Notice sur Robert Blondel, poète, historien et moraliste, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. XIX, pages 161-226 (publiée à part : Caen, 1851, in-4° de 66 p.) ; — Nouvelles recherches sur la vie et les écrits de Robert Blondel, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibl. du Roi, t. XVII, 2e partie, pages 406-411 (publiées à part : Paris, 1852, in-4° de 8 p.). Il faut consulter aussi le mémoire de Bréquigny, publié en 1801 : Conquête de la Normandie par Charles VII, examen des mss. de Robert Blondel cotés 6197, 6198 et 5964. Notices et extraits des manuscrits, t. VI, p. 92-105.

[221] Narratives of the expulsion of the English from Normandy, 1449-50. Robertus Blondelli : de Reductione Normandiœ ; — Le Recouvrement de Normandie, par Berry, hérault du Roy ; — Conferences between the ambassadors of France and England. Edited from mss, in the Imperial Library at Paris, by the Rev. Joseph Stevenson, M. A., of University Collage, Durham. — London, 1863, gr. in-8°.

[222] Anchiennes cronicques d'Engleterre, par Jehan de Wavrin, seigneur du Forestel. Choix de chapitres inédits, annotés et publiés, pour la Société de l'histoire de France, par Mlle Dupont, Paris, 1858-1863, 3 vol. gr. in-8° ; — Recueil des croniques et anchiennes istories de la grant Bretaigne a prisent nomme Engleterre, par Jehan de Waurin. Edited by William Hardy, London, 1864-1879, 3 vol. gr. in-8° (allant jusqu'à 1431). Un 4e volume est sous presse.

[223] Publié par M. G. Fagniez dans le tome IV (1877) des Mémoires de le Société de l'histoire de Paris et de France, pages 1-114.

[224] Livr. de novembre-décembre 1815, tome VII, p. 113-171.

[225] Procès de Jeanne d'Arc, t. IV (1847), p. 1-37.

[226] Cette édition devait paraître sous les auspices de la Société de l'histoire de France. Une autre édition avait été projetée auparavant par M. G. Servois, et devait paraître dans la Bibliothèque elzévirienne.

[227] Extrait d'une Chronique anonyme pour le règne de Charles VI, 1400-1422, tome VI, pages 191-327 ; cette chronique se trouve dans le ms. Cordeliers 16 (actuellement Fr. 23018).

[228] La Cronique martiniane de tous les papes qui furent jamais et finist jusques au pape Alexandre, derrenier dexede, mil cinq cens et trois, etc. Paris, Anth. Verard, 2 vol. in-fol.

[229] Le Livre de Jouvencel, traictant de diverses matières bellicques et munitions, tant pour assieger forteresse que duire gens au faict de guerre. — La première édition fut donnée par Antoine Verard, en 1493 ; il y en a d'autres de 1520 et 1529. Voir Brunet, Manuel du Libraire, t. III, col. 581-82.

[230] M. le duc de Bisaccia possède de ce Commentaire un précieux manuscrit, qu'il a bien voulu mettre à notre disposition.

[231] Paris, 1617, in-4°. — Voir la thèse de M. D. Delaunay, professeur au lycée de Rennes : Etude sur Alain Chartier, Rennes, 1876, in-8°, de XX-268 p.

[232] Voir la thèse de M. l'abbé P.-L. Péchenard, professeur d'histoire au collège de Charleville : Jean Juvénal des Ursins, étude sur sa vie et ses œuvres, Paris, 1876, in-8° de 472 p.

[233] Voir la notice de M. Vallet de Viriville, Nouvelle Biographie générale, t. XIV : DOMER.

[234] Voir la notice de M. Vallet de Viriville, Nouvelle Biographie générale, t. XVIII : FRIBOIS. — Il n'est pas démontré cependant que ces auteurs aient laissé un récit des événements accomplis sous le règne de Charles VII.

[235] Les Cronicques de Normendie (1223-1453), réimprimées pour la première fois, d'après l'édition rarissime de Guilaume le Talleur (mai 1487), avec variantes et additions tirées d'autres éditions et de divers manuscrits, et avec une introduction et des notes, par A. Hellot, notaire honoraire, etc. Rouen, 1881, gr. in-8°.

[236] Mentionnons, parmi celles qui sont imprimées : Les Grandes Croniques de Bretaigne par Alain Bouchard (Paris, 1514, in-fol.) ; L'ystoire agregative des annalles et cronicques d'Anjou, par Jean de Bourdigné (Paris, 1529, in-fol.), réimprimées par le comte Th. de Quatrebarbes (Angers, 1842, 2 vol. gr. in-8°) ; la Chronique bourdeloise, écrite en latin par Gabriel de Lurbe (1589) et traduite par le même (Bordeaux, 1594, in-4°, réimpr. à diverses reprises, avec continuation, jusqu'en 1703) ; les Chroniques de la ville de Metz, recueillies, mises en ordre et publiées par J.-F. Huguenin (Metz, 1838, gr. in-8° à 2 vol.), etc.

[237] Corpus chronicorum Flandriœ, edidit. J.-J. De Smet, Bruxelles, 1837-1865, 4 vol. in-4°.

[238] Chroniques relatives à l'Histoire de la Belgique sous les ducs de Bourgogne, publiées par M. le baron Kervyn de Lettenhove. Bruxelles, 1870-1877, 4 vol. in-4°. — Chroniques de Brabant, par Edmond de Dynter, avec la traduction de Jehan Wauquelin, publiées par le chanoine de Ram. Bruxelles, 1854-57, 3 vol. in-4°.

[239] Voir le Manuel du Libraire, par Brunet, t. IV, col. 212.

[240] Les edicts et ordonnances des Roys de France, Paris, 1611, 4 vol. in-fol.

[241] La grande conférence des ordonnances et édits royaux, etc. Paris, 1688, 3 vol. in-folio.

[242] Paris, de l'imprimerie royale, 1723 et années suivantes.

[243] Compilation chronologique, contenant un recueil ou abrégé des ordonnances, édits, déclarations et lettres patentes des Roys de France, etc. Paris, 1715, 2 vol. in-folio. — Il y a une première édition de 1687.

[244] Le tome XV a paru en 1811 ; le tome XVI, en 1814 ; le tome XVII, en 1820 ; le tome XVIII, en 1828, etc.

[245] Tome XXI bis de la Collection. — Il faut mentionner ici les tomes VIII et IX du Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la révolution de 1789, par MM. Jourdan, Decrusy et Isambert (Paris, 1822-33), 29 vol. in-8°.

[246] Recueil des traités de paix, etc. Paris, 1693, 6 vol. in-4°.

[247] Codex juris gentium diplomaticus, Hannoveræ, 1693, in-fol.

[248] Corps universel diplomatique du droit des gens, etc. Amsterdam et La Haye, 1726-1731, 8 vol. in-fol., et supplément, 1738-39, 5 vol. in-fol.

[249] Fœdera, conventiones, litteræ inter reges Angliæ et alios quosvis imperalores, reges, etc., ab anno 1101 ad nostra usque tempora habita aut tradata. Ed. tertia Hagæ Comitis, 1739-1745, 10 vol. in-fol.

[250] Veterum aliquot scriptorum qui in Galliæ Bibliothecis maximi Benedictorum latuerant SPICILEGIUM, Parisis, 1655-1677, 13 vol. in-4°. Une nouvelle édition a été donnée par Baluze, Martène et La Barre, en 1723 (3 vol. in-fol.).

[251] Thesaurus novus anecdotorum, prodit nunc primum studio et opera D. Edmundi Martène et D. Ursini Durand, Paris, 1717, 5 vol. in-folio ; — Veterum scriptorum et monumentorum historicum, dogmaticorum, moralium Amplissima Collectio, prodiit nunc primum, etc. Paris, 1724-33, 9 vol. in-folio.

[252] Paris, 1715-1785, 13 vol. in-fol. Trois nouveaux volumes (tomes XIV à XVI), dus à M. B. Hauréau, ont été publiés de nos jours (1856-65).

[253] Meslanges historiques, Troyes, 1619, in-8°.

[254] Recueil de diverses pièces servant à l'Histoire de Charles VI, Paris, 1660, in-4°.

[255] Mémoires pour servir à l'Histoire de France et de Bourgogne, Paris, 1729, 2 vol. in-4°.

[256] Recueil de pièces pour servir de suite à l'Histoire de Louis XI, Paris, 1746, in-12.

[257] Bibliothèque de l'École des chartes, Paris, 1839-1881, 42 vol. gr. in-8°. Des tables chronologiques des documents publiés se trouvent de dix en dix volumes.

[258] Le Cabinet Historique, revue fondée en 1855, par M. Louis Paris, et continuée depuis par M. Ulysse Robert, Paris, 1855-1881, 27 vol. in-8°. — N'oublions pas ici la Revue des Sociétés savantes, organe du Comité des travaux historiques, qui forme une volumineuse collection où l'on trouve aussi des documents.

[259] Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, 3° édition (donnée par les Pères Ange et Sulpicien, Augustins déchaussés comme le P. Anselme). Paris, 1729-1733, 9 vol. in-fol.

[260] Nous indiquerons les travaux d'André Du Chesne, sur les maisons de Chastillon (1621), de Montmorency (1624), de Vergy (1625), de Dreux (1631), de Béthune (1639) ; des frères Sainte-Marthe, sur la maison de France (1628) et la maison de Beauvau (1626) ; de Gilles-André de la Roque, sur la maison d'Harcourt (1662) ; de Baluze, sur la maison d'Auvergne (1708) ; de l'abbé Brizard, sur la maison de Beaumont (1729) ; de D. Calmet, sur la maison du Chastelet (1741), etc.

[261] Histoire générale de Languedoc, par D. Vaissete et D. de Vic, Paris, 1730-45, 5 vol. in-folio (la nouvelle édition, si courageusement entreprise par M. Privat, éditeur à Toulouse, ne comprend point encore la partie relative au XVe siècle). — Histoire générale de Bretagne, par D. Lobineau. Paris, 1707, 2 vol. in-folio ; Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, par D. Morice et D. Taillandier, Paris, 1750-56, 2 vol. in-folio (réimprimée à Guingamp, 1836-47 en 20 vol. in-8°) ; Mémoires pour servir de preuves à l'Histoire de Bretagne, Paris, 1742-46, 3 vol. in-folio. — Histoire générale et particulière de Bourgogne (par D. Plancher et D. Merle ; continuée pour le t. IV par D. Salazard). Dijon, 1738-71, 4 vol. in-folio. — Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, par D. Aug. Calmet, Nouv. édition. Nancy, 1745-57, 7 vol. in-folio.

[262] Histoire de la ville de Paris, par D. Michel Félibien, revue, augmentée et mise au jour par D. Guy-Alexis Lobineau, Paris, 1725, 5 vol. in-folio.

[263] Ouvrage qui porte également ce titre : Archives départementales du Calvados. Caen, 1834, 2 vol. in-8°, avec un atlas oblong de 30 planches.

[264] Formant le tome XV des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Rouen, 1845, in-4°.

[265] Dans le tome XVI des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie.

[266] Paris, Dumoulin, 1847, in-4°.

[267] Publication de la Société de l'histoire de France, Paris, 1864, 2 vol. gr. in-8°.

[268] Recueil de pièces pour servir de preuves à la Chronique de Mathieu d'Escouchy, Paris, 1864, gr. in-8°. — Ce volume, qui forme le tome III de l'édition de la Chronique, a cependant son titre particulier et sa table spéciale. Il faut y joindre un Supplément aux preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, qui a paru en 1864 dans le tome IX de l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, et qui a été tiré à part (80 p. gr. in-8°).

[269] Les Écorcheurs sous Charles VII, Montbéliard, 1874, 2 vol. gr. in-8°. Le tome II contient cent dix-neuf pièces, de 1438 à 1451.

[270] Paris pendant la domination anglaise (1420-1436). Documents extraits des registres de la chancellerie de France. A Paris, chez H. Champion, 1878, gr. in-8°. Ce volume, publié pour la Société de l'histoire de Paris et de l'Île de France, contient cent soixante-seize pièces.

[271] Chronique du Mont-Saint-Michel (1343-1468), publiée avec notes et pièces diverses, relatives au Mont-Saint-Michel et à la défense nationale en Basse-Normandie, pendant l'occupation anglaise. Tome I. Paris, Firmin Didot, 1879, in-8° (Publication de la Société des anciens textes français). Ce premier volume contient cent vingt-sept pièces, de 1418 à 1432.

[272] Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, Paris, Champion, 1879, 2 vol. in-8°. Le tome II contient soixante-dix-huit pièces, de 1419 à 1459.

[273] Dans les Femmes célèbres de l'ancienne France, tome I (seul publié : Paris, 1848, in-12), pages 620-661.

[274] Extraits des comptes royaux de la période de Charles VI, dans le Cabinet historique, III (1857), p. 237, et t. IV (1858), pages 6, 161 et 257, et dans le t. III de la Chronique Jean Chartier, pages 252 à 327. Cf. les indications bibliographiques données dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, année 1857-58, p. 163.

[275] Comptes de l'hôtel des rois de France aux quatorzième et quinzième siècles, publiés pour la Société de l'histoire de France, par M. L. Douêt-d'Arcq (Paris, 1865, gr. in-8°), p. 270-289 et 320-347.

[276] M. Loiseleur a donné Le Faiet de l'advitaillement et secours sur les Anglois de la ville d'Orliens, extrait du Compte d'Hemon Ragnier, trésorier des guerres, et il l'a fait, précéder d'une intéressante étude sur l'administration des finances, le recrutement et le pied de solde des troupes : Comptes des dépenses faites par Charles VII pour secourir Orléans, pendant le siège de 1428, Orléans, 1868, gr. in-8°.

[277] Inventaire sommaire et tableau méthodique des fonds conservés aux Archives nationales, 1re partie, Régime antérieur à 1789. Paris, imprimerie nationale, 1871, in-4°, avec table alphabétique, publiée en 1875.

[278] Deux volumes des Actes du Parlement et trois volumes du Trésor des chartes (layettes), ont seuls vu le jour ; ils s'arrêtent à 1327 et à 1260.

[279] M. de Wailly eut l'extrême obligeance de nous communiquer le relevé sur cartes, classé par ordre chronologique, des pièces renfermées dans les Collections du Puy, Brienne, Serilly, Colbert, Du Chesne, Bréquigny, etc., qui existe au département des manuscrits.

[280] Voir le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale, par Léopold Delisle, membre de l'Institut, Paris, imprimerie impériale (et nationale), 1868-81, 3 vol. in-4° (le 3e volume n'a pas encore paru au moment où nous écrivons ces lignes).

[281] Mss. fr. 25697 à 26262.

[282] Ms. fr. 26263 à 26299.

[283] Au 10 novembre 1881, la Collection s'arrête au volume 2256, comprenant les dossiers jusqu'au n° 51662.

[284] Inventaire de la Collection Godefroy, conservé à la Bibliothèque de l'Institut, dans l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, années 1865 et 1866.

[285] Voir État des inventaires-sommaires et des autres travaux relatifs aux diverses Archives de la France, au 1er janvier 1875, par Léopold Pannier, Paris, Champion, 1875, gr. in-8° de 80 p. — Le classement des Archives de nos dépôts départementaux date de l'Instruction du 8 août 1839 et de la circulaire du 24 avril 1841, dus à l'initiative du comte Duchâtel, alors ministre de l'intérieur. Le 20 janvier 1854, le comte de Persigny, ministre de l'intérieur, prescrivit, tout en laissant subsister l'ancien classement, un nouveau cadre général d'inventaire-sommaire, suivant un mode uniforme pour tous les départements. Mais le travail a marché parfois avec une excessive lenteur ; d'autre part bien des inventaires ont été dressés d'une façon tout à fait insuffisante ; enfin, il est fort difficile de consulter cette collection dont le dépôt n'a point été fait d'une façon régulière et qui se trouve rarement complète. La brochure de Léopold Pannier est fort utile pour se guider à travers ce labyrinthe, et pour pouvoir profiter des richesses que nous offrent les Archives départementales. On consultera également avec profit l'ouvrage de M. H. Bordier : Les Archives de la France, ou histoire des Archives de l'empire, des Archives des ministères, des départements, des communes, des hôpitaux, des greffes, des notaires, etc., contenant l'inventaire d'une partie de ces dépôts (Paris, Dumoulin, 1855, in-8°).

[286] C'est ainsi que les Archives de Clermont sont encore dans un désordre qui rend les recherches à peu près impossibles. Voir Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, par Antoine Thomas, t. I, p. 12.

[287] M. Étienne Chavaray a adressé tout récemment au ministre de l'instruction publique un Rapport sur les lettres de Louis XI et sur les documents concernant ce prince, conservés dans les Archives de l'Italie, qui contient d'intéressantes indications relativement aux documents de la période postérieure à 1440. Voir Archives des Missions scientifiques et littéraires, 3e série, t. VII, 1881, pages 433-474.

[288] Ms. fr., nouv. acquisitions, 1484.

[289] Catalogue des actes de Philippe-Auguste, avec une introduction sur les sources, les caractères et l'importance historique de ces documents. Paris, 1856, in-8°.

[290] Mss. fr., nouv. acquisitions, 1485 et 1483.

[291] Mss. fr., nouv. acquisitions, 1485 à 1488, contenant : 1485, A-BARTH. ; 1486, C-ISAMB. ; 1487, J-MORVILLE ; 1488, N-WINCHESTER.

[292] Nous adressons ici à tous les lecteurs de cet ouvrage qui auraient quelque indication à nous fournir, relativement aux sources conservées dans les différents dépôts, en France et à l'étranger, la prière de vouloir bien nous adresser leurs communications à la librairie de la Société Bibliographique, 35, rue de Grenelle, à Paris, et nous espérons que notre appel sera entendu : ils peuvent être assurés à l'avance de toute notre gratitude.

[293] Des récentes études critiques sur Jeanne Darc, par M. Henri Martin, dans la Revue de Paris du 15 septembre 1856, et Vie de Jeanne Darc (Paris, Furne, 1857), p. 327-376.

[294] Un dernier mot à M. Henri Martin (janvier 1857), p. 8.