VIE DE JEANNE D’ARC

Tome II

CHAPITRE XII. — LA CAUSE DE LAPSE (suite).

 

 

Le lundi 12 mars, frère Jean Lemaistre reçut de frère Jean Graveran, inquisiteur de France, mandat de procéder contre une certaine femme, nommée Jeanne, vulgairement la Pucelle, jusqu’à la sentence définitive inclusivement[1]. Ce même jour, au matin, maître Jean de la Fontaine, en présence de l’évêque, interrogea pour la deuxième fois Jeanne dans sa prison[2].

Il en revint d’abord au signe.

— L’ange qui apporta le signe parla-t-il point ?

— Oui : il dit à mon roi qu’on me mit en besogne, et que le pars serait bientôt allégé.

— L’ange qui apporta le signe était-il l’ange qui vous apparut en premier, ou en était-ce un autre ?

— C’est toujours tout un. Et oncques ne me faillit.

— De ce que vous avez été prise, l’ange ne vous a-t-il pas failli aux biens de la fortune ?

— Je crois, puisqu’il plait à Notre-Seigneur, que c’est le mieux que je sois prise.

— L’ange ne vous a-t-il pas failli aux biens de la grâce ?

— Comment me viendrait-il à faillir, quand il me conforte tous les jours[3] ?

Maître Jean de la Fontaine fit alors une question narquoise et aussi enjouée qu’il se pouvait en un procès d’Église :

— Saint Denys ne vous est-il oncques apparu[4] ?

Saint Denys, patron des rois très chrétiens, saint Denys, cri de France, saint Denys, avait laissé prendre par les Anglais son abbaye et cette riche église où les reines venaient recevoir la couronne, où les rois avaient leur sépulture ; il s’était tourné Anglais et Bourguignon et il n’y avait guère d’apparence qu’il vint converser avec la Pucelle des Armagnacs.

A cette demande :

— Parliez-vous à Dieu même, quand vous promîtes de garder votre virginité ?

Elle répondit :

— Il devait bien suffire de le promettre aux envoyés de la part de Dieu, à savoir saintes Catherine et Marguerite[5].

C’est bien là qu’ils voulaient la prendre, car le vœu se fait à Dieu seul. A quoi on pouvait répondre qu’il est loisible de promettre une chose bonne à un ange ou à un homme, et que cette chose bonne, ainsi promise, peut être l’objet d’un vœu. On voue à Dieu ce que l’on a promis aux saints. Pierre de Tarentaise (IV, dist. xxviij, a. 1) enseigne que tout vœu se fait à Dieu : ou immédiatement à lui-même, ou médiatement clans la personne des saints[6].

Comme d’après une allégation produite dans l’enquête, Jeanne avait fait promesse de mariage à un jeune paysan, l’interrogateur tenta d’établir que ce vœu de virginité fait en une mauvaise forme, il n’avait tenu qu’à elle d’y manquer ; mais Jeanne soutint qu’elle n’avait point promis le mariage, et elle ajouta

— La première fois que j’ouïs ma Voix, je fis vœu de garder ma virginité tant qu’il plairait à Dieu.

Mais cette fois-là, c’était saint Michel, et non les saintes, qui lui avait apparu[7]. Elle ne pouvait se reconnaître elle-même dans les images confuses de ses songes et de ses extases. Et sur les rêves incertains d’une enfant ces docteurs édifiaient laborieusement une accusation capitale.

L’interrogateur lui posa une question d’une extrême gravité :

— De toutes ces visions que vous dites avoir, n’aviez-vous point parlé à votre curé ou à un autre homme d’Église ?

— Non. J’en parlai seulement à Robert de Baudricourt et à mon roi[8].

Ce vavasseur de Champagne, homme d’âge mûr et de sens rassis, qui, du temps du roi Jean, ouït, comme elle, une voix dans, son champ et reçut commandement d’aller vers le roi, l’alla dire tout de suite à son curé. Celui-ci lui ordonna de jeûner pendant trois jours, de faire pénitence et de retourner ensuite au champ où la voix lui avait parlé. Le vavasseur obéit. De nouveau la voix se fit entendre et réitéra l’ordre précédemment donné. Le paysan en instruisit son curé qui lui dit : Mon frère, moi et toi ferons abstinence et jeûnerons encore par trois jour, et je prierai Notre-Seigneur Jésus-Christ pour toi. Ainsi firent-ils, et, le quatrième jour, le bon homme retourna au champ. Après que la voix eut parlé pour la troisième fois, le curé enjoignit à son paroissien d’aller tout de suite accomplir sa mission, puisque telle était la volonté de Dieu[9].

Sans doute, ce vavasseur, selon les apparences, avait agi plus prudemment que la fille de la Romée. Celle-ci, en cachant ses visions à son curé méconnaissait l’autorité de l’Église militante. Toutefois, pour sa défense, on pouvait alléguer avec l’apôtre Paul, que là où est l’Esprit de Dieu, là est la liberté[10]. Si vous êtes conduit par l’Esprit, vous n’êtes plus sous la loi[11]. Hérétique ou sainte : c’était là tout le procès.

Puis vint cette question singulière

— Avez-vous eu des lettres de saint Michel ou de vos Voix ?

Elle répondit

— Je n’ai point congé de vous le dire ; et d’ici huit jours, j’en répondrai volontiers ce que je saurai[12].

— Tel était son tour de langage quand elle voulait taire ce qu’elle ne voulait pas nier. La question était donc embarrassante. Aussi bien les interrogatoires procédaient d’informations riches en faits vrais ou faux ; et l’on observe le plus souvent, dans les demandes adressées à l’accusée, une certaine prévision de la réponse. Qu’est-ce que c’était que ces lettres de saint Michel et des saintes, dont elle ne niait pas l’existence, mais que les juges ne produisaient pas ? Était-ce ceux de son parti qui les envoyaient à Jeanne pour qu’elle agit selon leurs intentions, croyant obéir à Dieu ?

L’interrogateur, sans insister davantage, pour cette fois, passa à un autre grief

— Est-ce que vos Voix ne vous ont point appelée fille de Dieu, fille de l’Église, la fille au grand cœur ?

— Avant le siège d’Orléans levé et depuis, tous les jours, quand elles parlent à moi, elles m’ont plusieurs fois appelée Jeanne la Pucelle, fille de Dieu[13].

L’interrogatoire suspendu fut repris dans l’après-midi.

Maître Jean de la Fontaine questionna Jeanne sur un songe de son père dont les juges étaient instruits par l’enquête[14].

Et il est triste de penser que lorsqu’on faisait à Jeanne un crime d’avoir violé le commandement de Dieu : Tes père et mère honoreras, ni sa mère ni aucun de ses parents ne demandaient à être entendus comme témoins. Pourtant, il y avait des personnes d’Église dans sa famille[15] ; mais un procès en matière de foi causait une invincible épouvante.

On revint à l’habit d’homme, et non pour la dernière fois[16]. C’est chose merveilleuse que la profondeur des méditations où se plongeaient les clercs touchant les chausses et le gippon de cette Pucelle ; ils les considéraient arec une sombre terreur dans leurs rapports avec le Deutéronome.

Ils l’interrogèrent ensuite sur le duc d’Orléans, pour rendre manifeste, par les réponses mêmes qu’elle ferait, que ses Voit l’avaient trompée en lui promettant la délivrance du prisonnier ; ils y réussirent aisément. Alors elle allégua que le temps lui avait manqué :

— Si j’eusse duré trois ans sans empêchement, je l’eusse délivré.

Il y avait (dans ses révélations) plus bref terme que de trois ans et plus long que d’un an[17].

Interrogée de nouveau sur le signe baillé à son roi, elle répondit qu’elle en aurait conseil de sainte Catherine.

Le lendemain, mardi 13 mars, l’évêque et le vice-inquisiteur se rendirent dans la prison. Le vice-inquisiteur ouvrit la bouche pour la première fois[18] :

— Avez-vous juré et promis à sainte Catherine de ne point dire ce signe ?

Il parlait du signe donné au roi. Jeanne répondit :

— J’ai juré et promis de ne pas dire ce signe, de moi-même. Parce qu’on me pressait trop de le dire. Je promets que je n’en parlerai plus à homme qui vive[19].

Et tout aussitôt :

— Le signe ce fut que l’ange certifiait à mon roi, en lui apportant la couronne, et lui disait qu’il aurait tout le royaume de France entièrement à l’aide de Dieu, et moyennant mon labeur, et qu’il me mit en besogne. C’est, à savoir, qu’il me baillât des gens d’armes. Autrement il ne serait mie sitôt couronné et sacré...

— En quelle manière l’ange apporta-t-il la couronne ? est-ce qu’il la mit sur la tête de votre roi ?

— Elle fut baillée à un archevêque, c’est à savoir celui de Reims, comme il me semble, en la présence du roi. Ledit archevêque la reçut et la bailla au roi ; et j’étais moi-même présente ; et elle est mise au trésor du roi.

— En quel lieu fut-elle apportée ?

— Ce fut en la chambre du roi, au château de Chinon.

— Quel jour et à quelle heure ?

— Du jour je ne sais, et de l’heure, il était haute heure. Je n’ai autrement mémoire de l’heure et du mois, au mois d’avril ou de mars, comme il me semble, il y aura deux ans au mois d’avril prochain ou en ce présent mois. C’était après Pâques[20].

— Est-ce qu’à la première journée que vous vites le signe, votre roi le vit ?

— Oui. Il l’eut lui-même.

— De quelle matière était la couronne ?

— C’est bon à savoir qu’elle était de fin or ; et elle était si riche que je ne saurais nombrer sa richesse ; et la couronne signifiait qu’il tiendrait le royaume de France.

— Y avait-il pierreries ?

— Je vous ai dit que je n’en sais rien.

— Est-ce que vous la maniâtes ou la baisâtes ?

— Non.

— Est-ce que l’ange qui l’apporta venait de haut ? Ou s’il venait par terre ?

— Il vint de haut. J’entends qu’il venait par le commandement de Notre-Seigneur. Et entra par l’huis de la chambre.

— Est-ce que l’ange venait par terre et marchait depuis l’huis de la chambre ?

— Quand il vint devant le roi, il fit révérence au roi, en s’inclinant devant lui, et prononçant les paroles que j’ai dites du signe. Et avec cela, lui remémorait la belle patience qu’il avait eue au long des grandes tribulations qui lui étaient survenues ; et depuis l’huis, il marchait et errait sur la terre, en venant au roi.

— Quel espace y avait-il de l’huis jusques au roi ?

— Il y avait bien espace, comme je pense, de la longueur d’une lance ; et par où il était venu s’en retourna. Quand l’ange vint, je l’accompagnai et allai avec lui, par les degrés, à la chambre du roi. Et l’ange entra le premier. Et je dis au roi : Sire, voilà votre signe, prenez-le[21] !

Et l’on découvre que cette fable est vraie au sens moral. Cette couronne qui fleure bon et fleurera bon, pourvu qu’elle soit bien gardée, c’est la couronne de la victoire ; et lorsque la Pucelle voit l’ange qui l’apporta, c’est sa propre image qui lui apparaît. Un théologien de son parti n’avait-il pas dit qu’elle pouvait être appelée un ange ? Non qu’elle en eût la nature ; mais elle en faisait l’office[22].

Elle se mit à décrire les anges venus avec elle vers le roi :

— Certains s’entre ressemblaient volontiers, les autres non, en la manière que je les voyais. Quelques-uns avaient des ailes. Il y en avait qui portaient des couronnes, les autres non. Et ils étaient en la compagnie de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et elles furent avec l’ange que j’ai dit, et les autres anges aussi, jusque dans la chambre du roi[23].

Et longtemps encore, pressée par l’interrogateur, elle égrenait les candides merveilles.

Quand on lui redemanda si l’ange lui avait écrit des lettres, elle répondit que non[24]. Mais cette fois, il s’agissait de l’ange porte-couronne, et non de saint Michel. Et, bien qu’elle eût dit que c’était tout un, elle pouvait y faire quelque différence. Nous ne saurons donc jamais si elle reçut des lettres de monseigneur saint Michel archange ou de mesdames Catherine et Marguerite.

L’interrogateur s’enquit ensuite d’une tasse perdue que Jeanne avait retrouvée ainsi que les gants de Reims[25]. Les saints ne dédaignaient pas toujours de retrouver les objets perdus, comme il se voit par l’exemple de saint Antoine de Padoue ; c’était avec l’aide de Dieu. Les devins imitaient leur pouvoir en invoquant les démons et par profanation des choses saintes.

On lui demanda aussi de répondre sur un prêtre concubinaire. C’était encore un fait de divination qu’on lui reprochait. Elle avait su, par mauvaise science, qu’un prêtre avait une concubine. On rapportait d’elle plusieurs faits semblables ; on disait, par exemple, qu’à la vue d’une ribaude, elle avait su que cette femme avait fait mourir son enfant[26].

Puis ces questions, posées déjà bien des fois :

— Quand vous allâtes devant Paris eûtes-vous de vos Voit révélation ? Eûtes-vous révélation d’aller devant la ville de La Charité ? Eûtes-vous quelque révélation d’aller à Pont-l’Évêque ?

Elle niait qu’elle eût alors révélation de ses Voix.

La dernière interrogation fut :

— Ne dues-vous point devant Paris : Rendez la ville de par Jésus ?

Elle répondit que non, qu’elle avait dit : Rendez la ville au roi de France[27].

Les Parisiens, qui repoussaient l’assaut, l’entendirent qui disait : Rendez-vous de par Jésus à nous tôt. Et ces paroles correspondent à tout ce que nous savons des idées de Jeanne en ses commencements. Elle croyait que Messire voulait que les villes du royaume fussent rendues à celle qu’il avait envoyée pour les reprendre. Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer que Jeanne, lors de son procès, était devenue tout à fait étrangère à ses premières illuminations et parlait un tout autre langage.

Le lendemain, mercredi 14 mars, deux interrogatoires encore dans la prison. Celui du matin roula d’abord sur le saut de Beaurevoir. Elle avoua qu’elle avait fait le saut sans congé de ses Voix, aimant mieux mourir que d’être mise aux mains des Anglais[28].

On l’accusait aussi d’avoir renié Dieu. Mais c’était faux[29].

L’évêque intervint :

— Vous avez dit que nous, évêque, nous nous mettions en grand danger, en vous mettant en cause. Qu’était-ce ? Et quel danger, tant de nous que des autres ?

— J’ai dit à monseigneur de Beauvais : Vous dites que vous êtes mon juge, je ne sais si vous l’êtes. Mais avisez-vous bien de ne pas juger mal. Car vous vous mettriez en grand danger ; et je vous en avertis, afin que, si Notre-Seigneur vous en châtie, j’aie fait mon devoir de vous le dire.

— Quel est ce péril ou danger ?

— Sainte Catherine m’a dit que j’aurais secours. Je ne sais si ce sera à être délivrée de prison ; ou, quand je serai au jugement, s’il y viendra quelque trouble par le moyen duquel je pourrai être délivrée. Je pense que ce sera l’un ou l’autre. Le plus souvent mes Voix me disent que je serai délivrée par grande victoire. Et après, elles me disent : Prends tout en gré, ne te chaille de ton martyre ; tu t’en viendras enfin au royaume de Paradis. Cela, mes Voix me le disent simplement et absolument. Je veux dire : sans faute. Et je dis mon martyre pour la peine et adversité que je souffre en prison. Et ne sais si plus fort je souffrirai. Mais je m’en attends à Notre-Seigneur[30].

Il semble que les Voix annonçaient ainsi à la Pucelle la délivrance tout ensemble au sens littéral et au sens spirituel, contraires l’un à l’autre. Dans cette réponse, empreinte à la fois d’illusion et de crainte, et faite pour inspirer la pitié aux hommes les plus durs, ces prêtres ne virent que le moyen de la prendre insidieusement. Feignant de comprendre qu’elle tirait de ses révélations une confiance hérétique en son salut éternel, l’interrogateur lui fit, sous une forme nouvelle, la question à laquelle elle avait déjà répondu saintement. Il lui demanda si ses Voit lui avaient dit qu’elle irait finalement au royaume de Paradis, si elle se tenait assurée d’être sauvée et de ne point être damnée en enfer.

A quoi elle répondit, dans la grande foi que ses Voix lui inspiraient :

— Je crois fermement ce que mes Voix m’ont dit, que je serai sauvée, aussi fermement que si j’y fusse déjà.

C’était errer dans la foi. L’interrogateur, qui n’avait pas coutume d’apprécier les réponses, ne put se défendre de faire observer que celle-là était de grand poids[31].

Aussi ce même jour, dans l’après-midi, on lui montra une conséquence de son erreur : à savoir, qu’elle n’avait pas besoin de se confesser si elle tenait de ses Voix l’assurance de son salut éternel[32].

Jeanne fut interrogée, à cette séance, sur l’affaire de Franquet d’Arras. En demandant à la Pucelle le seigneur Franquet, son prisonnier, pour le juger à mort, le bailli de Senlis avait mal agi, et les juges faisaient retomber la faute sur Jeanne[33].

L’interrogateur releva les péchés mortels imputables à l’accusée : premièrement, avoir attaqué Paris un jour de fête ; deuxièmement., avoir dérobé la haquenée du seigneur évêque de Senlis ; troisièmement, avoir fait le saut de Beaurevoir ; quatrièmement, avoir pris l’habit d’homme ; cinquièmement, avoir été consentante de la mort d’un prisonnier de guerre. Sur tous ces points Jeanne ne se croyait pas en péché mortel ; toutefois, quant au saut de Beaurevoir, elle jugeait avoir mal fait, mais elle en avait demandé pardon à Dieu[34].

Il était suffisamment établi que l’accusée avait erré sur la foi. Le tribunal de l’inquisition, grandement miséricordieux, voulait le salut du pécheur. C’est pourquoi dès le lendemain, jeudi 15 mars au matin, monseigneur de Beauvais exhorta Jeanne à se soumettre à l’Église, et s’efforça de lui faire comprendre qu’elle devait obéir à l’Église militante, car l’Église militante était telle chose et l’Église triomphante telle autre. Jeanne l’écouta sans confiance[35]. On l’interrogea encore, ce jour-là, sur sa fuite du château de Beaulieu et sur son intention de quitter sa tour, sans le congé de monseigneur de Beauvais. Elle y était bien résolue.

— Si je voyais l’huis ouvert, je m’en irais, et ce me serait le congé de Notre-Seigneur. Je le crois fermement, si je voyais l’huis ouvert et si mes gardes et les autres Anglais ne savaient résister, j’entendrais que ce serait le congé, et que Notre-Seigneur m’envoyerait secours. Mais sans congé, je ne m’en irais pas, si ce n’était que je fisse une entreprise pour m’en aller, pour savoir si Notre-Seigneur en serait content. Le proverbe dit : Aide-toi, Dieu t’aidera[36]. Je le dis pour que, si je m’en allais, on ne dise pas je m’en suis allée sans congé[37].

On revint sur l’habit d’homme.

— Lequel aimez-vous le mieux, prendre habit de femme et ouïr la messe, ou demeurer en habit d’homme et ne pas ouïr la messe ?

— Certifiez-moi d’ouïr la messe si je suis en habit de femme, et sur ce je vous répondrai.

— Je vous certifie que vous ouïrez la messe, quand vous serez en habit de femme.

— Et que dites-vous, si j’ai juré et promis à notre roi de ne point mettre bas cet habit ? Toutefois, si je vous réponds : « Faites-moi faire une robe longue jusques à terre, sans queue, et me la baillez pour aller à la messe ; puis au retour je reprendrai l’habit que j’ai... »

— Prenez l’habit de femme simplement et absolument.

— Baillez-moi habit comme à une fille de bourgeois, c’est à savoir houppelande longue, et je la prendrai, et même le chaperon de femme, pour aller ouïr la messe. Le plus instamment que je puisse, je requiers qu’on me laisse cet habit que je porte, et qu’on me laisse ouïr la messe sans le changer[38].

Sa résistance à quitter l’habit, d’homme ne s’explique pas seulement parce que cet habit la gardait mieux que tout autre contre les entreprises des gens d’armes, ce qui d’ailleurs est sujet à objection. Elle ne voulait pas prendre l’habit de femme pour la raison que ses Voix ne le lui avaient pas permis ; et l’on devine bien pourquoi : elle était chef de guerre. Quelle humiliation pour un chef de guerre de porter des jupes comme une bourgeoise ! Et dans quel moment la voulait-on enjuponner ? Quand les Français devaient, d’un moment à l’autre, la venir délivrer par un prodigieux fait d’armes. Ne fallait-il pas qu’ils trouvassent leur Pucelle en habit d’homme, toute prête à s’armer et à combattre avec eux ?

L’interrogateur lui demanda ensuite si elle voulait se soumettre à l’Église, si elle faisait la révérence à ses Voix, si elle croyait à leur sainteté, si elle ne leur offrait point des chandelles ardentes, si elle leur obéissait, si, dans la guerre, elle n’avait rien fait sans leur congé ou contre leur commandement[39].

Puis cette question, qui, de l’avis des docteurs, était la plus difficile qu’on pût poser :

— Si le diable se mettait en forme d’ange, comment connaîtriez-vous que c’est bon ange ou mauvais ange ? Elle répondit avec une simplicité qui parut présomptueuse :

— Je connaîtrais bien si c’était saint Michel ou une chose contrefaite d’après lui[40].

Le surlendemain, samedi, 17 mars, Jeanne fut interrogée, le matin et le soir, dans sa prison[41].

Elle avait, jusque-là, montré une grande répugnance à décrire la figure et l’habit de l’ange et des saintes qui l’étaient venus visiter dans son village. Maître Jean de la Fontaine tâcha d’obtenir quelques clartés à cet endroit :

— En quelle forme et apparence, grandeur et habit, vous vient saint Michel ?

— Il est en la forme d’un très vrai prud’homme[42].

Ce serait la mal connaître, que de croire qu’elle voyait l’archange dans une longue robe de docteur, ou portant chape de drap d’or ; d’ailleurs, ce n’était pas ainsi qu’il figurait dans les églises ; il y était représenté, en peinture ou en sculpture, vêtu d’une armure étincelante avec un heaume cerclé d’une couronne d’or[43]. Tel il lui apparaissait, en la forme d’un très vrai prud’homme, à prendre le mot comme dans la chanson de Roland, où il est dit d’un grand coup d’épée que c’est un coup de prud’homme. Il venait à elle en habit de preux, comme Arthur et Charlemagne, tout armé.

L’interrogateur posa une fois encore la question dont la réponse était pour Jeanne de vie ou de mort :

— Voulez-vous mettre tous vos dits et faits, soit bons ou mauvais, à la détermination de notre mère, sainte Église ?

— Quant à l’Église, je l’aime et la voudrais soutenir de tout mon pouvoir pour notre foi chrétienne ; et ce n’est pas moi qu’on doit empêcher d’aller à l’église, ni d’ouïr la messe. Quant à ce qui est des bonnes œuvres que j’ai faites et de mon avènement, il faut que je m’en attende au Roi du ciel qui m’a envoyée à Charles, fils de Charles, roi de France. Et vous verrez que les Français gagneront bientôt une grande besogne, que Dieu leur enverra, et en laquelle il branlera presque tout le royaume de France. Je le dis, afin que, quand ce sera advenu, on ait mémoire de ce que j’ai dit[44].

Mais elle ne put assigner le terme auquel viendrait la grande besogne, et maître Jean de la Fontaine en revint au point d’où dépendait le sort de Jeanne.

— Vous en rapportez-vous à la détermination de l’Église ?

— Je m’en rapporte à Notre-Seigneur qui m’a envoyée, à Notre-Dame et à tous les benoîts saints et saintes de paradis. M’est avis que c’est tout un de Notre-Seigneur et de l’Église, et qu’on n’en doit point faire de difficulté. Pourquoi faites-vous difficulté, que ce ne soit tout un ?

Il faut rendre cette justice à maître Jean de la Fontaine, qu’il répondit avec clarté :

— Il y a l’Église triomphante, où sont Dieu, les saints, les anges et les âmes sauvées. L’Église militante, c’est notre Saint Père le Pape, vicaire de Dieu sur terre, les cardinaux, les prélats de l’Église et le clergé, et tous les bons chrétiens et catholiques, laquelle Église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. Voulez-vous vous en rapporter à l’Église militante ?

— Je suis venue au roi de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoîts saints et saintes du paradis et l’Église victorieuse de là-haut, et de leur commandement ; et à cette Église-là je soumets tous mes bons faits, et tout ce que j’ai fait ou à faire. Et de répondre si je me soumettrai à l’Église militante, je n’en répondrai maintenant autre chose[45].

On lui offrit de nouveau un habit de femme pour entendre la messe ; elle le refusa :

— Muant à l’habit de femme, je ne le prendrai pas encore, tant qu’il plaira à Notre-Seigneur. Et si tant est qu’il me faille mener en jugement, qu’il me faille dévêtir en jugement, je requiers messeigneurs de l’Église qu’ils me donnent la grâce d’avoir une chemise de femme et un couvre-chef sur ma tète. J’aime mieux mourir que de révoquer ce que Notre-Seigneur m’a fait faire. Je crois fermement que Notre-Seigneur ne laissera pas advenir que je sois mise si bas, que je n’aie secours bientôt de Dieu, et par miracle.

Voici encore quelques questions qui lui furent faites :

— Est-ce que vous ne croyez pas aujourd’hui que les fées soient de mauvais esprits ?

— Je n’en sais rien.

— Savez-vous point si sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent les Anglais ?

— Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime, et haïssent ce que Dieu hait.

— Est-ce que Dieu hait les Anglais ?

— De l’amour ou haine que Dieu a pour les Anglais ou de ce qu’il fera à leurs âmes, je ne sais rien. Mais je sais bien qu’ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront, et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.

— Est-ce que Dieu était pour les Anglais, quand ils étaient en prospérité en France ?

— Je ne sais si Dieu haïssait les Français. Mais je crois qu’il voulait permettre de les laisser battre pour leurs péchés, s’ils étaient en péché[46].

On posa quelques questions à Jeanne touchant la bannière sur laquelle elle avait fait peindre des anges. Elle répondit qu’elle avait fait peindre les anges comme ils sont dans les églises[47].

Et la séance fut levée.

L’après-dînée, eut lieu, dans la prison[48], le dernier interrogatoire. Elle en avait subi quinze en vingt-cinq jours ; elle répondit d’un même courage. Plus encore qu’à l’ordinaire les sujets furent divers et mêlés. D’abord, l’interrogateur s’efforça en vain de surprendre les charmes et les maléfices qui avaient rendu heureux et victorieux l’étendard peint de figures d’anges. Il voulut savoir ensuite pourquoi les clercs mettaient sur les lettres de Jeanne les saints noms de Jésus et de Marie[49].

Puis cette question insidieuse :

— Croyez-vous que, si vous étiez mariée, vos Voix vous viendraient ?

Comme elle était d’une chasteté passionnée, comme on pouvait comprendre, à certains de ses propos, qu’elle tenait sa virginité pour un porte-bonheur, on était curieux de savoir si, convenablement sollicitée, elle ne traiterait pas avec mépris l’état de mariage, et ne condamnerait pas l’œuvre de chair entre époux, en quoi elle eût gravement erré et glissé dans l’hérésie des Cathares[50].

Elle répondit :

— Je ne sais et m’en attends à Notre-Seigneur[51]. Autre question bien plus dangereuse pour elle, qui aimait son roi de tout son cœur :

— Pensez-vous et croyez-vous fermement que votre roi fit bien de tuer ou faire tuer monseigneur de Bourgogne ?

— Ce fut grand dommage pour le royaume de France[52].

L’interrogateur lui posa cette question solennelle :

— Vous semble-t-il que vous soyez tenue de répondre pleinement la vérité au pape, vicaire de Dieu, de tout ce qu’on vous demanderait touchant la foi et le fait de votre conscience ?

— Je requiers que je sois menée devant lui. Et puis je répondrai devant lui tout ce que je devrai répondre[53].

Par cette parole, elle en appelait au pape ; et cet appel était de droit. Aux choses douteuses qui touchent la foi, avait dit saint Thomas, l’on doit toujours recourir au pape ou au concile général. Si Jeanne ne signifia pas son appel dans les formes juridiques, le pouvait-elle, ignorant ces formes, et sans avocat, sans conseil ? Selon son pouvoir, elle en appelait au père commun des fidèles, comme l’y autorisaient la justice et l’usage.

Les docteurs et maîtres se turent. Ainsi se fermait la seule voie de salut qui restât à l’accusée ; elle était bien perdue. Mais ce qui surprend, ce n’est pas que des juges du parti de l’Angleterre n’aient point admis l’appel de Jeanne, c’est que les docteurs et maîtres du parti français, les clercs des pays tenus clans l’obéissance du roi Charles n’aient point tous signé cet appel, n’aient pas tous demandé d’une seule voit que la cause de cette Pucelle, estimée bonne par les examinateurs de Poitiers, fût portée devant le pape et le concile.

Au lieu de répondre à la requête de Jeanne, l’interrogateur s’enquit des anneaux magiques et des apparitions diaboliques dont il avait été déjà tant question[54].

— Est-ce que vous baisâtes ou accolâtes oncques saintes Catherine et Marguerite ?

— Je les accolai toutes deux.

— Fleuraient-elles bon ?

— Il est bon à savoir, et sentaient bon.

— En accolant, sentiez-vous point de chaleur ou autre chose ?

— Je ne les pouvais point accoler sans les sentir et toucher.

— Par quelle partie les accoliez-vous ? Par haut ou par bas ?

— Il affiert mieux à les accoler par le bas que par le haut.

— Leur avez-vous point donné de chapeaux de fleurs ?

— En l’honneur d’elles, à leurs images ou ressemblances dans les églises j’en ai plusieurs fois donné. Quant à celles qui m’apparaissent, je n’en ai point baillé dont j’aie mémoire.

— Savez-vous rien de ceux qui vont cheminant avec les fées ?

— Je ne le fis oncques, ni n’en sus quelque chose. Mais j’en ai bien ouï parler, et qu’on y allait le jeudi. Mais je n’y crois point et crois que c’est sorcerie[55].

Enfin, une question sur son étendard, que les juges pensaient enchanté, amena une de ces réponses, en manière de proverbe, qu’elle aimait.

— Pourquoi votre étendard fut-il plus porté en l’église de Reims, au sacre, que ceux des autres capitaines 2

— Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur[56]

A la suite des enquêtes et des interrogatoires, le procès préparatoire fut déclaré clos et le procès dit ordinaire s’ouvrit le mardi après les Rameaux, 27 mars, dans une chambre voisine de la grande salle du château.

Avant d’ordonner la lecture de l’acte d’accusation, monseigneur de Beauvais offrit à Jeanne un avocat. S’il avait tardé jusque-là à lui en offrir un, c’est, sans doute, parce qu’à son avis, elle n’en avait pas eu besoin. On sait que l’avocat de l’hérétique était tenu à borner étroitement ses moyens de défense, s’il ne voulait lui-même tomber dans l’hérésie. Au cours du procès préparatoire, il lui était permis seulement de rechercher les noms des témoins à charge et de les faire connaître à l’accusé. Si l’hérétique avouait, il était superflu de lui donner un avocat[57]. Or, monseigneur de Beauvais prétendait fonder l’accusation, non sur les dires des témoins, mais sur les aveux de l’accusée. C’est pourquoi, sans doute, il attendit pour offrir un conseil à Jeanne, l’ouverture du procès ordinaire, qui comportait la discussion sur des points de doctrine.

— Jeanne, lui dit-il alors, toutes les personnes ici présentes sont des hommes d’Église, de science consommée, qui veulent et entendent procéder envers vous en toute piété et mansuétude, ne cherchant ni vengeance ni châtiment corporel, mais votre instruction et votre séjour dans la voie de la vérité et du salut. Comme vous n’êtes ni assez docte, ni assez instruite, soit dans les lettres, soit dans les matières ardues dont il s’agit, pour prendre conseil de vous-même sur ce que vous devez faire ou répondre, nous vous offrons de choisir, pour conseil, un ou plusieurs assistants, à votre volonté[58].

En une telle juridiction, cette offre était gracieuse ; et, si monseigneur de Beauvais réduisait l’accusée à choisir entre les conseillers et assesseurs, appelés par lui-même au procès, il lui faisait encore la part plus large qu’il n’y était obligé. Le choit de l’avocat n’appartenait pas au prévenu ; il appartenait au juge, qui devait désigner un homme probe et loyal. Bien plus

Il était licite au juge ecclésiastique de refuser jusqu’au bout tout conseil à l’accusé. Nicolas Eymeric, en son Directorium, décide que l’évêque et l’inquisiteur, agissant conjointement, forment une autorité suffisante pour interpréter la loi et peuvent procéder simplement, de plano, sans tumulte d’avocats ni figure de jugement[59].

Il est à remarquer que Monseigneur de Beauvais offrit un conseil à l’accusée, eu égard à son ignorance des choses divines et humaines ; mais sans arguer de son jeune âge. Devant d’autres juridictions, un procès contre un mineur de vingt-cinq ans non assisté était nul de plein droit[60]. S’il en était allé de même en droit inquisitorial, l’évêque aurait évité ce cas de nullité ; il le pouvait faire sans inconvénient, puisqu’il avait le choix de l’avocat. Notre justice n’est pas la même que la leur, disait avec raison Bernard Gui, en comparant la procédure inquisitoriale à celle des autres cours d’Eglise, qui fonctionnaient conformément au droit romain.

Jeanne n’accepta pas l’offre du juge :

— Premièrement, répondit-elle, de ce que vous m’admonestez pour mon bien et sur notre foi, je vous remercie, et toute la compagnie aussi. Quant au conseil que vous m’offrez, aussi je vous remercie, mais je n’ai point intention de me départir du conseil de Notre-Seigneur[61].

Aussitôt, maître Thomas de Courcelles commença de lire, en langue française, le libellé de l’accusation, tel que le promoteur l’avait rédigé en soixante-dix articles. Ce libellé reproduisait, dans un ordre méthodique, les faits déjà reprochés à Jeanne et qu’on tenait gratuitement comme avoués par elle et dûment prouvés. Soixante-dix chefs de crimes épouvantables contre la foi et notre sainte mère l’Église. Interrogée sur chaque article, Jeanne, avec une candeur héroïque, refit ses réponses précédentes. Cette longue lecture fut continuée et achevée le mercredi après les Rameaux, 28 mars. Selon sa coutume, elle demanda délai pour répondre sur certains points[62]. Le 31 mars, veille de Pâques, ce délai étant expiré, monseigneur de Beauvais se rendit dans la prison et, avec l’assistance des docteurs et maîtres de l’Université, réclama les réponses différées. Elles se rapportaient presque toutes à l’accusation qui contenait toutes les autres, à l’hérésie qui enveloppait toutes les hérésies, au refus d’obéir à l’Église militante. Jeanne, en résumé, déclara qu’elle était résolue à s’en rapporter à Notre-Seigneur plutôt qu’à homme du monde, ce qui était ruiner l’autorité du pape et du concile[63].

Les docteurs et maîtres de l’Université de Paris furent d’avis de distiller le copieux libellé du promoteur, d’en tirer la quintessence et de réduire à un petit nombre d’articles les soixante-dix chefs d’accusation[64]. Maître Nicolas Midi, docteur en théologie, exécuta ce travail et le soumit aux juges et aux assesseurs[65]. L’un d’eux proposa des corrections. Frère Jacques de Touraine, de l’ordre des frères mineurs, docteur en théologie, chargé de la rédaction définitive, admit la plupart des corrections demandées[66]. Les propositions[67] condamnables que les juges prétendaient (bien à tort) avoir tirées des réponses aux interrogatoires, se trouvèrent de la sorte résumées en douze articles[68].

Ces douze articles ne furent pas communiqués à Jeanne. Le jeudi 12 avril, vingt et un docteurs et maîtres se réunirent dans la chapelle de l’évêché, et après avoir examiné les articles, donnèrent une consultation dont le sens était défavorable à l’accusée.

Selon eux, les apparitions et révélations dont elle se vantait ne venaient point de Dieu ; c’étaient ou des inventions humaines ou des effets de l’esprit malin ; elle n’avait pas pour y croire des signes suffisants. Ces docteurs et maîtres découvraient dans le cas de cette femme des mensonges, des invraisemblances, une créance trop légèrement donnée, des divinations superstitieuses, des faits scandaleux et irréligieux, des dits téméraires, présomptueux, pleins de jactance, des blasphèmes contre Dieu et les saints, de l’impiété dans la manière de se conduire avec père et mère, des contrariétés au précepte sur l’amour du prochain, de l’idolâtrie, ou tout au moins des fictions mensongères, des propositions schismatiques, destructives de l’unité, autorité et puissance de l’Église ; mauvaise science et suspicion véhémente d’hérésie[69].

Si elle n’avait pas été soutenue et réconfortée par les Voix du ciel, les voix de son cœur, Jeanne ne serait pas allée jusqu’à la fin de cet horrible procès où torturée à la fois par des princes de l’Église et des goujats d’armée, elle endura de corps et d’esprit des souffrances intolérables à la commune nature humaine ; elle les endura sans que sa constance, sa foi, sa divine espérance, on dirait presque sa gaieté en fussent atteints. Enfin, à bout de forces et non de courage, elle tomba brisée, en proie à une maladie qu’on croyait mortelle ; elle semblait perdue, ou plutôt, hélas ! sauvée[70].

Le mercredi 18 avril, monseigneur de Beauvais et le vice-inquisiteur de la foi, se rendirent avec plusieurs docteurs et maîtres auprès d’elle afin de l’exhorter charitablement ; elle était encore très malade[71]. Monseigneur de Beauvais lui représenta que, interrogée devant des personnes de haute sagesse, sur des points ardus, maintes choses dites par elle avaient été notées comme contraires à la foi. C’est pourquoi, considérant qu’elle était femme sans lettres, il lui offrait de la pourvoir d’hommes savants et probes pour l’instruire. Il priait les docteurs présents de ; lui donner des conseils salutaires, et l’invitait elle-même, si elle connaissait d’autres personnes, à les lui désigner, promettant qu’il les ferait venir sans faute.

— L’Église, ajouta-t-il, ne ferme point son sein à qui lui revient.

Jeanne répondit qu’elle le remerciait de ce qu’il lui disait pour son salut, et elle ajouta :

— Il me semble, vu la maladie que j’ai, que je suis en grand péril de mort. S’il en est ainsi, Dieu veuille faire de moi à son plaisir. Je vous requiers de me faire avoir confession, et le corps de mon Sauveur aussi, et de me mettre en terre sainte.

Monseigneur de Beauvais lui représenta que si elle voulait recevoir les sacrements, elle devait se soumettre à l’Église.

— Si mon corps meurt en prison, répondit-elle, je m’attends à vous que vous le fassiez mettre en terre sainte ; si vous ne l’y faites mettre, je m’en attends à Notre-Seigneur[72].

Elle soutint ensuite énergiquement la vérité des révélations qu’elle avait eues de par Dieu, saint Michel, saintes Catherine et Marguerite.

Et comme on lui demandait une fois encore si elle soumettait soi et ses actes à notre sainte mère l’Église, elle répondit :

— Quelque chose qui m’en doive advenir, je n’en ferai ou dirai autre chose que ce que j’ai déjà dit au procès.

Les docteurs et maîtres l’exhortèrent l’un après l’autre à se soumettre à notre sainte mère l’Église, alléguant de nombreux passages de l’Écriture sainte ; ils lui promirent le corps de Notre-Seigneur, si elle voulait obéir ; mais elle demeura ferme dans son propos.

— De cette soumission, dit-elle, je ne répondrai autre chose que ce que j’ai déjà fait. J’aime Dieu, je le sers et suis bonne chrétienne, et je voudrais aider et soutenir la sainte Église de tout mon pouvoir[73].

On avait recours aux processions dans les grandes nécessités.

— Ne voulez-vous point, lui fut-il demandé, qu’on ordonne une belle et notable procession pour vous mettre en bon état, si vous n’y êtes ?

Elle répondit :

— Je veux très bien que l’Église et les catholiques prient pour moi[74].

Parmi les docteurs consultés, plusieurs recommandèrent qu’elle fût de nouveau instruite et admonestée charitablement. Le mercredi 2 mai, soixante-trois révérends docteurs et maîtres se réunirent dans la salle de Parement du château[75]. Elle fut introduite et maître Jean de Castillon, docteur en théologie, archidiacre d’Évreux[76], lut une cédule en français dans laquelle les faits et dits reprochés à Jeanne étaient résumés en six articles. Puis plusieurs docteurs et maîtres lui adressèrent tour à tour des admonitions et des conseils charitables. Ils l’exhortèrent à se soumettre à l’Église militante universelle, à notre Saint-Père le Pape et au saint Concile général. Ils l’avertirent que, si l’Église l’abandonnait, elle serait en grand danger d’encourir la peine du feu éternel quant à son âme, sans préjudice de la peine du feu corporel quant au corps, et par la sentence d’autres juges.

Jeanne répondit comme devant[77].

Le lendemain jeudi 3 mai, jour de l’Invention de la Sainte Croix, l’archange Gabriel lui apparut ; elle n’était pas bien sûre de l’avoir déjà vu ; mais cette fois elle ne pouvait douter ; ses Voix lui dirent que c’était bien lui ; et elle en eut grand réconfort.

Ce même jour, elle demanda à ses Voix si elle devait se soumettre à l’Église, comme tous les clercs l’en pressaient.

Les Voix lui répondirent :

— Si tu veux que Notre-Seigneur t’aide, attends-toi à lui de tous tes faits.

Jeanne voulut savoir d’elles si elle serait brûlée.

Les Voix lui dirent de s’en attendre à Notre-Seigneur et qu’il l’aiderait[78]. Ce secours mystérieux raffermissait le cœur de Jeanne.

L’opiniâtreté dont elle faisait preuve n’était pas sans exemple parmi les hérétiques et les possédées. Au contraire, les juges d’Église étaient accoutumés à l’endurcissement des femmes abusées par le diable. Pour les obliger à dire la vérité, quand les exhortations et les admonitions ne suffisaient pas on recourait à la torture. Et ce moyen ne réussissait pas toujours. Beaucoup de ces mauvaises femelles (mulierculæ) supportaient les plus cruelles souffrances avec une constance qui passait les forces ordinaires de la nature humaine. Aussi les docteurs ne croyaient-ils pas que cette constance fût naturelle ; ils l’attribuaient à un artifice infernal. Le démon était capable encore de protéger ses servantes tombées aux mains des juges d’Église ; il leur accordait le pouvoir de se taire dans les tortures. C’est ce qu’on appelait le don de taciturnité[79].

Le mercredi 9 mai, Jeanne fut menée à la grosse tour du château et introduite dans la chambre de torture. Là monseigneur de Beauvais, en présence du vice-inquisiteur et de neuf docteurs et maîtres, lui donna lecture des articles auxquels elle avait jusque-là refusé de répondre, et la menaça, si elle ne confessait point toute la vérité, d’être mise à la géhenne.

Les instruments étaient préparés ; les deux exécuteurs, Mauger Leparmentier, clerc marié, et son compagnon, se tenaient près d’elle, attendant les ordres du seigneur évêque.

Jeanne, qui six jours auparavant avait reçu de ses Voix grand réconfort, répondit avec fermeté :

— Vraiment, si vous me deviez faire arracher les membres et faire partir l’âme hors du corps, je ne vous dirais autre chose et, si je vous disais quelque chose, après dirais-je toujours que vous me l’avez fait dire par force[80].

Monseigneur de Beauvais décida de surseoir à la torture, craignant qu’elle ne fût pas profitable à cette âme endurcie[81]. Le samedi suivant, il en délibéra dans sa maison, avec le vice-inquisiteur et treize docteurs et maîtres ; les avis furent partagés. Maître Raoul Roussel conseillait de ne pas donner la torture à Jeanne pour éviter qu’un procès aussi bien fait que celui-ci pût être attaqué. Il craignait, à ce qu’il semble, que la Pucelle, ayant reçu du diable le don de taciturnité, les tourments ne lui donnassent occasion de braver la sainte inquisition par un silence diabolique. Maître Aubert Morel, licencié en droit canon, avocat près l’officialité de Rouen, chanoine de la cathédrale, et maître Thomas de Courcelles jugèrent qu’il serait bon, au contraire, d’appliquer la question. Maître Nicolas Loiseleur, maître ès arts, chanoine de Rouen, qui faisait au procès le cordonnier lorrain et la voix de sainte Catherine, n’avait pas d’opinion bien arrêtée à cet égard ; toutefois, il ne lui semblait pas mauvais que Jeanne, pour la médecine de son âme, fût torturée. Les docteurs et maîtres en majorité estimèrent qu’il n’y avait pas lieu de la soumettre à cette épreuve, quant à présent ; les uns ne donnèrent point des raisons, les autres alléguèrent qu’il convenait de l’avertir charitablement encore une fois. Maître Guillaume Erard, docteur en théologie, se fonda sur ce qu’on avait déjà assez ample matière pour juger[82]. Ainsi, parmi ceux qui épargnèrent les tourments à Jeanne, se trouvait le moins miséricordieux de tous à son égard. Tel était l’esprit des tribunaux d’Église que refuser la torture à un accusé, c’était, en certains cas, lui refuser une grâce.

Lors du procès de Marguerite la Porète, les juges ne convoquèrent point d’experts[83]. Ils soumirent à l’Université de Paris un rapport écrit, touchant les charges tenues pour prouvées. L’Université donna son avis sous réserve de la vérité des charges. Cette réserve était de pure forme et la décision de l’Université avait l’autorité d’un jugement. Dans le procès de Jeanne, on invoqua ce précédent. Le 21 avril, maître Jean Beau-père, maître Jacques de Touraine et maître Nicolas Midi quittèrent Rouen et, au risque d’être houspillés en chemin par les gens de guerre, allèrent porter les douze articles à leurs collègues de Pari.

Le 28 avril, l’Université, réunie en assemblée générale à Saint-Bernard, chargea de l’examen des douze articles la sacrée Faculté de Théologie et la vénérable Faculté des Décrets[84].

Le 14 mai, les délibérations des deux Facultés furent soumises à toutes les Facultés solennellement réunies, qui les ratifia, les fit siennes et les envoya au roi Henri, en suppliant Son Excellente Hautesse de faire prompte justice, afin que le peuple, tant scandalisé par cette femme, fût ramené à bonne doctrine et sainte croyance[85]. Et il est remarquable que dans une cause, qui était celle du pape, représenté par le vice-inquisiteur, et du roi, représenté par l’évêque, la fille aînée des rois ait communiqué directement avec le roi de France, gardien de ses privilèges.

Selon la sacrée Faculté de Théologie, les apparitions de Jeanne étaient fictives, mensongères, séductrices, inspirée par des diables. Le signe donné au roi était un mensonge présomptueux et pernicieux, attentatoire à la dignité des anges, la croyance de Jeanne aux visites de saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite était une croyance téméraire et injurieuse par la comparaison que Jeanne en faisait avec les vérités de la foi ; les prédictions de Jeanne étaient superstition, divination et vaine jactance ; l’affirmation de porter l’habit d’homme par commandement de Dieu était blasphème, mépris des sacrements, violation de la loi divine et des sanctions ecclésiastiques, suspicion d’idolâtrie. Jeanne, clans les lettres dictées par elle, se montrait traîtresse, perfide, cruelle, altérée de sang humain, séditieuse, poussant à la tyrannie, blasphématrice de Dieu. En partant pour la France, elle avait violé le commandement d’honorer père et mère, causé scandale, blasphémé, erré dans la foi. En faisant le saut de Beaurevoir, elle s’était montrée d’une pusillanimité tournant au désespoir et à l’homicide, et ç’avait été de plus pour elle l’occasion d’affirmations téméraires touchant la remise de son péché et d’erreur sur le libre arbitre. En proclamant sa confiance en son salut, elle ne proférait que mensonges présomptueux et pernicieux ; en disant que sainte Catherine et sainte Marguerite ne parlaient pas anglais, elle blasphémait ces saintes et violait le précepte : Tu aimeras ton prochain ; les honneurs qu’elle rendait à ses saintes étaient idolâtrie et invocation de démons ; son refus de s’en rapporter de ses faits à l’Église tendait au schisme, au mépris de l’unité et de l’autorité de l’Église, à l’apostasie[86].

Les docteurs de la Faculté de Théologie étaient très savants ; ils connaissaient les trois esprits malins que Jeanne abusée prenait pour saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite. C’étaient Bélial, Satan et Béhémot. Bélial, adoré des sidoniens, se montre quelquefois sous la figure d’un ange plein de beauté ; c’est le démon de la désobéissance. Satan est le chef des enfers et Béhémot est un être lourd et stupide, qui mange du foin comme un bœuf[87].

La vénérable Faculté des Décrets décidait que cette femme schismatique, errant en la foi, apostate menteuse, devineresse, devait être charitablement exhortée et dûment avertie par les juges compétents et que, si elle refusait néanmoins d’abjurer son erreur, il la faudrait abandonner au bras séculier pour en recevoir le châtiment dû[88]. Voilà les délibérations et décisions que la vénérable Université de Paris soumettait à l’examen et aux arrêts du Saint-Siège apostolique et du sacro-saint Concile général[89].

Mais les clercs de France n’avaient-ils donc rien à dire en cette cause ? N’avaient-ils donc aucune décision à soumettre au pape et au concile ? Pourquoi n’opposaient-ils pas leur opinion à celles des Facultés parisiennes ? Pourquoi gardaient-ils le silence ? Ces docteurs, qui avaient recommandé au roi de mettre en œuvre la jeune fille, afin de ne pas refuser les dons du Saint-Esprit, pourquoi n’envoyaient-ils pas à Rouen le livre de Poitiers que réclamait Jeanne[90] ? Tous ces universitaires chassés de Paris, tous ces avocats et conseillers au Parlement exilé, tous ces magistrats qui n’avaient pas de robe à se mettre, pas de souliers à donner à leurs enfants, avant que cette Pucelle eût soutenu leur cause penchante, et qui maintenant, grâce à elle, reprenaient chaque jour espoir et vigueur, comment laissaient-ils traiter d’hérétique et de femme dissolue cette grande servante de leur roi ? Ce frère Pasquerel, ce frère Richard, tous ces religieux qui naguère l’accompagnaient en France et pensaient l’accompagner à la croisade contre les Bohèmes et les Turcs, pourquoi ne demandaient-ils pas un sauf-conduit afin d’être entendus au procès ? Pourquoi n’envoyaient-ils pas du moins leur témoignage ? Cet archevêque d’Embrun, qui tantôt encore donnait de si nobles conseils à son roi, pourquoi n’adressait-il pas aux juges de Rouen son mémoire en faveur de la Pucelle ? Monseigneur de Reims, chancelier du royaume, qui avait bien dit qu’elle était orgueilleuse mais non pas hérétique, pourquoi, contrairement à ses intérêts et à son honneur, ne témoignait-il pas en faveur de celle qui lui avait fait recouvrer sa ville épiscopale ? Pourquoi, comme c’était son droit, comme c’était son devoir de métropolitain, ne prononçait-il pas la censure et la suspension contre son suffragant, l’évêque de Beauvais, coupable d’avoir prévariqué dans l’administration de la justice ? Ces grands clercs, députés par le roi Charles au Concile de Bâle, comment ne s’engageaient-ils pas à porter au synode la cause de la Pucelle ? Comment, enfin, les prêtres, les religieux du royaume ne demandaient-ils pas, d’un cri unanime, l’appel au Saint-Père ?

Tous, comme frappés d’étonnement et de stupeur, demeuraient sans parler ni agir. Ne serait-ce point parce qu’ils craignaient que cette illustre Université, que de tous les pays chrétiens on venait consulter en matière de foi, ce soleil de l’Église, n’eût éclairé d’un jour trop éclatant la cause de Jeanne, et que cette femme, qu’en France on avait cru sainte, ne fût inspirée par le malin esprit ? S’ils le craignaient, s’ils le soupçonnaient, cette opinion théologique, ces doutes sur une matière difficile, en une cause ardue, expliqueraient leur silence ; on comprendrait qu’ils se taisaient de honte et de douleur. Mais ce qu’ils avaient cru naguère, s’ils le croyaient encore, s’ils étaient persuadés que la Pucelle était venue de Dieu pour conduire leur roi à son sacre glorieux, que penser de ces prêtres, que penser de ces clercs de France, qui reniaient la fille de Dieu, à la veille de sa passion ?

 

 

 



[1] Procès, t. I, pp. 122-124.

[2] Ibid., t. I, p. 125.

[3] Procès, t. I, p. 126.

[4] Ibid., t. I, p. 126.

[5] Procès, t. I, p. 126.

[6] Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations, pp. 224, 434, 433. — Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. I, pp. 351 et suiv., 481 et suiv.

[7] Procès, t. I, p. 128.

[8] Procès, t. I, pp. 128, 129.

[9] Chronique des quatre premiers Valois, p. 477.

[10] II Corinth., IV.

[11] Galates, V. — Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations, p. 275.

[12] Procès, t. I, p. 930.

[13] Procès, t. I, pp. 130-131.

[14] Ibid., t. I, pp. 131-132.

[15] Procès, t. V, p. 252. — E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’Arc, pp. 14, 15. — S. Luce, Jeanne d’arc à Domremy, pp. XLVI et suiv.

[16] Procès, t. I, p. 133.

[17] Procès, t. I, p. 134.

[18] Ibid., t. I, pp. 134, 138.

[19] Ibid., t. I, p. 139.

[20] Procès, t. I, pp. 140-141.

[21] Procès, t. I, pp. 141-142.

[22] Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations, p. 212. — Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. I, p. 346.

[23] Procès, t. I, p. 144.

[24] Ibid., t. I, p. 145.

[25] Procès, t. I, p. 146.

[26] Eberhard Windecke, pp. 184, 186.

[27] Procès, t. I, pp. 147-148.

[28] Ibid., t. I, pp. 150-152.

[29] Ibid., t. I, p. 157.

[30] Procès, t. I, pp. 154, 156.

[31] Procès, t. I, p. 156.

[32] Ibid., t. I, p. 157.

[33] Procès, t. I, pp. 158-159.

[34] Ibid., t. I, pp. 159-161.

[35] Ibid., t. I, p. 162.

[36] Il fault remettre tout à lui et soubz lui faire ce qui est possible aux hommes, car on dit : Ayde-toy, Dieu te aidera. Le Jouvencel, t. II, p. 33.

[37] Procès, t. I, pp. 163-164.

[38] Procès, t. I, pp. 165-166.

[39] Ibid., t. I, pp. 166-169.

[40] Procès, t. I, pp. 170-171.

[41] Ibid., t. I, p. 113.

[42] Ibid., t. I, p. 173.

[43] S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, preuves, pp. 74-75.

[44] Procès, t. I, p. 174.

[45] Procès, t. I, pp. 174, 176.

[46] Procès, t. I, p. 178.

[47] Procès, t. I, p. 180.

[48] Ibid., t. I, p. 181.

[49] Ibid., t. I, pp. 182-183.

[50] Martène et Durand, Thesaurus novas anecdotorum, t. V, col. 1760 et sqq.

[51] Procès, t. I, p. 183.

[52] Ibid., t. I, p. 184.

[53] Ibid., t. I, pp. 184-185.

[54] Procès, t. I, p. 185.

[55] Procès, t. I, pp. 183-186.

[56] Ibid., t. I, p. 187.

[57] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 130-131. — E. Méru, Directorium Inquisitorium, Romæ, 1578, p. 295.

[58] Procès, t. I, pp. 200-201.

[59] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition, pp. 400 et suiv. — U. Chevalier, L’abjuration de Jeanne d’Arc, p. 34.

[60] Méru, Directorium Inquisitorium, Schola, p. 147.

[61] Procès, t. I, p. 201.

[62] Ibid., t. I, pp. 204, 323.

[63] Procès, t. I, pp. 324-325.

[64] Ibid., t. III, p. 143.

[65] Ibid., t. III, p. 60. — U. Chevalier, L’abjuration de Jeanne d’Arc, p. 38.

[66] Ibid., t. III, p. 232. — J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 124, 129.

[67] Ibid., t. II, pp. 22, 292 ; t. III, p. 306 ; t. V, p. 461.

[68] Ibid., t. I, pp. 328, 336.

[69] Procès, t. I, pp. 337, 340.

[70] Procès, t. III, P. 51.

[71] Ibid., t. I, pp. 374-375.

[72] Procès, t. I, pp. 376, 3713.

[73] Procès, t. I, pp. 380-381.

[74] Ibid., t. I, p. 381.

[75] Ibid., t. I, pp. 381-382.

[76] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 114, 117.

[77] Procès, t. I, pp. 383, 399.

[78] Ibid., t. I, pp. 400-401.

[79] Nicolas Eymeric, Directorium inquisitorium..., Rome, 1586, in-fol., p. 24, col. 1. — Ludovicus a Paramo, De origine et progressu officii sanctæ inquisitionis, MDXCIIX, in-fol., lib, III, questio 5, p. 709.

[80] Procès, t. I, pp. 399-400.

[81] Ibid., t. I, pp. 401-402.

[82] Procès, t. I, pp. 402, 404.

[83] Recueil des historiens de la France, t. XX, p. 601 ; t. XXI, p. 34. — Histoire littéraire de la France, t. XXVII, p. 70.

[84] Procès, t. I, pp. 407, 413, 420. — M. Fournier, La faculté de décret de l’Université de Paris, p. 353. — Le P. Denifle et Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, pp. 510 et suiv.

[85] Procès, t. II, p. 6. — U. Chevalier, L’abjuration de Jeanne d’Arc, p. 42.

[86] Procès, t. I, pp. 414, 417.

[87] Procès, t. I, p. 414. — Migne, Dictionnaire des sciences occultes.

[88] Ibid., t. I, pp. 417, 420.

[89] Ibid., t. I, pp. 414, 417.

[90] Sans doute le livre de Poitiers devait être d’une grande pauvreté théologique ; mais on avait les conclusions présentées au roi, le mémoire de Gélu et celui de Gerson.