VIE DE JEANNE D’ARC

Tome II

CHAPITRE XI. — LA CAUSE DE LAPSE (suite).

 

 

Après l’audience, quand il s’agit de rédiger le procès-verbal, un conflit s’éleva entre les notaires ecclésiastiques et deux ou trois greffiers royaux qui avaient enregistré, eux aussi, les réponses de l’accusée. Les deux rédactions, comme on pouvait s’y attendre, différaient l’une de l’autre en plusieurs endroits. On décida que Jeanne serait interrogée à nouveau sur les points contestés[1]. Les notaires d’Église se plaignaient aussi du mal qu’ils avaient à saisir les paroles de Jeanne à travers les interruptions des assistants qui les hachaient.

En un procès d’inquisition il n’y avait pas de lieu déterminé pour les interrogatoires non plus que pour les autres actes de la procédure ; les juges interrogeaient soit dans une chapelle, soit dans une salle capitulaire, ou bien encore dans la prison ou dans une chambre de torture. Pour éviter le tumulte de la première séance, comme le croyait Messire Guillaume Manchon[2], et parce qu’il n’y avait plus de raison de procéder aussi solennellement qu’à l’ouverture des débats, le juge et les conseillers se réunirent dans la chambre de Parement, petite pièce située au bout de la grande salle du château[3] ; et l’on mit deux gardes anglais à la porte. Selon le droit inquisitorial, les assesseurs désignés n’étaient pas tenus d’assister à toutes les délibérations[4]. Cette fois, quarante-deux étaient présents, trente-six anciens et six nouveaux, et parmi ces grands clercs, frère Jean Lemaistre, le vice-inquisiteur de la foi, l’humble frère prêcheur, non plus, comme au temps de saint Dominique, chien carnassier du Seigneur, niais, par suite des entreprises de l’Église des Gaules sur la puissance pontificale, chien de l’évêque, pauvre moine n’osant ni agir ni s’abstenir, muet, craintif, le dernier et moindre de tous, en attendant de devenir du jour au lendemain juge souverain et sans appel[5].

Jeanne fut introduite par messire Jean Massieu, huissier. Elle tenta encore d’éluder le serment de tout dire ; mais il lui fallut jurer sur l’Évangile[6].

Ce fut maître Jean Beaupère qui l’interrogea ; il était docteur en théologie. L’Université de Paris, qui le regardait comme une de ses plus belles lumières, l’avait nommé deux fois recteur, chargé des fonctions de chancelier, en l’absence de Gerson, et envoyé en l’an 1419, avec messire Pierre Cauchon, en la ville de Troyes, pour donner aide et conseil au roi Charles VI, et, trois ans après, vers la reine d’Angleterre et le duc de Glocester, pour obtenir, par leur appui, la confirmation de ses privilèges. IL venait d’être nommé chanoine de Rouen par le roi Henri VI[7].

Maître Jean Beaupère demanda d’abord à Jeanne à quel âge elle avait quitté la maison de son père. Elle ne sut pas le dire, bien qu’elle eût répondu la veille qu’elle avait présentement dix-neuf ans environ[8].

Interrogée sur les occupations de son enfance, elle répondit qu’elle vaquait aux soins du ménage et n’allait guère aux champs avec les bêtes.

— Pour filer et coudre, dit-elle, je ne crains femme de Rouen[9].

Ainsi, portant jusque dans ces choses domestiques son goût de chevalerie et son ardeur de prouesses, elle défiait au fuseau et à l’aiguille toutes les femmes d’une ville, sans en connaître une seule.

Interrogée sur ses confessions et ses communions, elle répondit qu’elle se confessait à son curé ou à un autre prêtre quand celui-ci était empêché. Mais elle ne voulut pas dire si elle avait communié à d’autres fêtes qu’à Pâques[10].

Maître Jean Beaupère procédait sans ordre et sautait brusquement d’un sujet à l’autre, afin de la surprendre. Il lui parla tout à coup de ses Foix. Elle lui répondit comme il suit :

— Étant en l’âge de treize ans, j’ai eu une Foix de Dieu pour m’aider à me bien gouverner. Et la première fois j’ai eu grand’peur. Et la Foix vint quasiment à l’heure de midi, en été, dans le jardin de mon père...

Elle entendit la Voix à droite, vers l’église. Rarement elle l’entend sans une lumière. Cette lumière est du côté que la Voix est ouïe[11].

En apprenant que Jeanne entendait la Voix à droite, un docteur plus savant et plus doux que n’était maître Jean eût sans doute interprété favorablement cette circonstance, puisqu’on lit dans Ezéchiel que les anges se tenaient à droite de la demeure, puisque nous voyons, au dernier chapitre de saint Marc, que les femmes virent l’Ange assis à droite et puisque enfin saint Luc observe en termes exprès que l’Ange apparut à Zacharie à droite de l’autel encensé, sur quoi le vénérable Bède fit cette réflexion : il apparut à droite, parce qu’il apportait un signe de la divine miséricorde[12]. Mais l’interrogateur n’attacha son esprit à rien de semblable ; et, croyant embarrasser Jeanne, il lui demanda comment elle voyait la lumière, puisqu’elle était de côté[13]. Jeanne ne répondit pas et comme distraite

— Si j’étais dans un bois, j’entendrais bien les Voix qui viendraient à moi... Elle me semble être une digne Voix. Je crois que cette Voix m’a été envoyée de la part de Dieu. Après avoir entendu trois fois cette Voix, j’ai connu que c’était la voix d’un ange.

— Quels enseignements vous donnait cette Voix pour le salut de votre âme ?

— Elle m’apprit à me bien conduire, à fréquenter l’église, et elle m’a dit qu’il me fallait aller en France[14].

Et Jeanne conta comment, sur l’ordre de la Voix, elle était allée à Vaucouleurs, vers sire Robert de Baudricourt, qu’elle avait reconnu, sans l’avoir oncques vu auparavant ; comment le duc de Lorraine l’avait appelée auprès de lui pour qu’elle le guérit et comment elle s’était rendue en France[15].

Elle fut ensuite amenée à dire qu’elle savait bien que Dieu aimait le duc d’Orléans et qu’elle avait sur lui plus de révélations que sur homme vivant, excepté son roi, qu’il lui avait fallu changer son habit de femme en habit d’homme et que son conseil l’avait bien avisée[16].

On lui donna lecture de la lettre aux Anglais. Elle reconnut qu’elle l’avait dictée dans les mêmes termes, à trois endroits près. Elle n’avait pas dit : corps pour corps, ni chef de guerre ; et elle avait dit rendez au roi, au lieu de rendez à la Pucelle. Les juges n’avaient pas altéré le texte de la lettre, comme on peut s’en assurer en le comparant à d’autres textes qui ne passèrent pas par leurs mains et qui contiennent les expressions niées par Jeanne[17].

Au début de sa vocation, elle croyait que Notre-Seigneur, vrai roi de France, lui avait ordonné de remettre la lieutenance du royaume à Charles de d’aloi Les propos où elle exprime ces idées sont rapportés par trop de personnes étrangères les unes aux autres pour qu’on puisse douter qu’elle les ait prononcés. Le roi aura le royaume en commande ; le roi de France est lieutenant du roi des cieux. Ce sont là des paroles sorties de sa louche et elle a vraiment dit au dauphin : Faites don de votre royaume au roi des cieux[18]. Mais ce qu’on est bien obligé de reconnaître, c’est qu’à Rouen il ne subsiste plus en elle aucune trace de ces idées mystiques et qu’elle semble même incapable de les avoir jamais eues. Dans toutes les réponses qu’elle fait à ses interrogateurs, elle se montre si étrangère à tout raisonnement un peu abstrait et aux spéculations même les moins compliquées, qu’on se figure mal qu’elle ait pu concevoir la royauté temporelle de Jésus-Christ sur la terre des Lis. Rien dans son langage ni dans ses pensées ne la montre préparée à de telles méditations et l’on en arrive à croire que cette théologie politique lui avait été enseignée, dans son âge tendre et ductile, par des clercs désireux de remédier aux maux de l’Église et du royaume, mais qu’elle n’en avait point pénétré profondément l’esprit ni bien possédé le sens, et que les termes mêmes lui en avaient peu à peu échappé, dans une vie rude et parmi des gens d’armes dont l’âme simple s’accordait avec la sienne mieux que l’âme plus ornée de ses initiateurs contemplatifs.

Interrogée sur sa venue à Chinon, elle répondit :

— J’allai sans empêchement vers mon roi ; quand j’arrivai à la ville de Sainte-Catherine de Fierbois, j’envoyai premièrement à la ville de Château-Chinon où était mon roi. J’y arrivai vers l’heure de midi et me logeai dans une hôtellerie et, après dîner, j’allai à mon roi qui était dans le château.

Les greffiers, s’il faut les en croire, s’émerveillaient à l’envi de sa mémoire. Ils admiraient qu’elle se rappelât avec exactitude ce qu’elle avait dit huit jours auparavant[19]. Pourtant ses souvenirs étaient parfois étrangement incertains, et l’on a quelque raison de penser avec le Bâtard qu’elle attendit deux jours à l’auberge avant d’être reçue par le roi.

A propos de cette audience au château de Chinon, elle dit à ses juges qu’elle avait reconnu le roi comme elle avait reconnu le sire de Baudricourt, par révélation[20].

L’interrogateur lui demanda :

— Quand la Voix vous montra votre roi, y avait-il là quelque lumière[21] ?

Cette question se rapportait à des circonstances étranges qui intéressaient grandement les juges, car ils y soupçonnaient la Pucelle de s’être rendue coupable de fraude sacrilège ou peut-être de sorcellerie, avec la complicité du roi de France. Ils avaient appris, en effet, par leurs informateurs, que Jeanne se vantait d’avoir donné un signe au roi, en la forme d’une couronne précieuse[22]. Voici la vérité sur ce point. Madame sainte Catherine, ainsi qu’on le rapportait dans son histoire, reçut un jour, de la main d’un ange, une couronne resplendissante et la posa sur la tête de l’impératrice des Romains. Cette couronne signifiait la béatitude éternelle[23]. Jeanne, qui était nourrie de cette histoire, disait que semblable chose lui était advenue. En France elle avait fait plusieurs récits merveilleux de couronnes et dans l’un de ces récits elle se représentait en la grande salle du château de Chinon, au milieu des seigneurs, recevant de la main d’un ange une couronne, pour la donner à son roi[24]. C’était vrai, au sens spirituel, car elle avait mené Charles à son sacre et couronnement. Jeanne n’était pas très exercée à concevoir deux ordres de vérités. Il se peut toutefois qu’elle eût des doutes sur la réalité matérielle de cette vision. Il se peut même qu’elle la tînt pour vraie seulement au sens spirituel. En tout cas, elle avait promis d’elle-même spontanément à sainte Catherine et à sainte Marguerite de n’en point parler à ses juges[25].

— Vites-vous quelque ange au-dessus du roi ? demanda l’interrogateur.

Elle refusa de répondre[26].

Pour cette fois, il ne fut rien dit de la couronne.

Maître Jean Beaupère demanda à Jeanne si elle entendait souvent la Voix.

— Il n’est jour que je ne l’entende. Et elle me fait bien besoin[27].

Elle ne parlait jamais de ses Voix sans exprimer qu’elles étaient son refuge et son réconfort, son allègement et son allégresse. Or, les théologiens s’accordaient à croire que le bon esprit laisse en se retirant l’âme comblée de joie, de paix et de consolation, et ils en donnaient pour preuve cette parole de l’ange à Zacharie et à Marie : Ne craignez point[28]. Ce n’était pas toutefois une raison assez forte pour persuader à des clercs du parti anglais que des Voit ennemies des Anglais venaient de Dieu.

Et la Pucelle ajouta :

— Oncques n’ai requis d’elle autre récompense finale que le salut de mon âme[29].

L’interrogatoire se termina sur une charge capitale l’assaut donné à Paris un jour de fête. C’est peut-être à ce sujet que frère Jacques de Touraine, de l’ordre des frères mineurs, qui de temps à autre faisait aussi des questions, demanda à Jeanne si elle avait jamais été en un lieu où des Anglais eussent été tués.

— En nom Dieu, si j’y ai été ? répliqua Jeanne vivement. Comme vous parlez doucement l Que ne partaient-ils de France et n’allaient-ils dans leur pays !

Un seigneur d’Angleterre, qui se trouvait dans la salle, entendant ces paroles, dit à ses voisins :

— Vraiment, c’est une bonne femme. Que n’est-elle Anglaise[30] !

La troisième séance publique fut fixée au surlendemain, samedi 24 février[31].

On était en carême ; Jeanne observait le jeûne très rigoureusement[32].

Le vendredi 23 au matin, les Voix vinrent d’elles-mêmes l’éveiller. Elle se souleva sur son lit et s’y tint assise, les mains jointes, pour leur rendre grâces. Puis elle leur demanda ce qu’elle devait répondre aux juges, les priant de prendre conseil là-dessus de Notre-Seigneur. Les Voix prononcèrent d’abord des paroles qu’elle ne comprit pas. Cela arrivait quelquefois, surtout aux heures difficiles. Puis elles dirent[33] :

— Réponds hardiment, Dieu t’aidera.

Ce même jour, elle les entendit une deuxième fois à l’heure des vêpres et une troisième fois quand les cloches sonnèrent l’Ave Maria du soir. Dans la nuit du vendredi et du samedi, elles revinrent et lui révélèrent beaucoup de secrets pour le bien du roi de France. Elle en reçut un grand réconfort[34]. Très probablement elles lui renouvelèrent l’assurance qu’elle serait tirée des mains de ses ennemis et que ses juges, au contraire, se trouvaient en grand danger.

Elle se gouvernait entièrement par ses Voix. Quand elle était embarrassée sur ce qu’elle devait dire à ses juges, elle faisait une prière à Notre-Seigneur ; elle lui disait dévotement : Très doux Dieu, en l’honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m’aimez, que me révéliez ce que je dois répondre à ces gens d’Église. Je sais bien, quant à l’habit, le commandement comment je l’ai pris ; mais je ne sais point par quelle manière je dois le laisser. Pour ce, plaise vous à moi l’enseigner.

Et tout aussitôt les Voix venaient[35].

A la troisième séance, tenue le 24 février, dans la chambre de Parement, siégèrent soixante-deux assesseurs, dont vingt nouveaux[36].

Jeanne montra plus de répugnance encore que les autres jours à prêter sur les saints évangiles serment de répondre à tout ce qu’on lui demanderait. L’évêque l’avertit charitablement que ce refus obstiné la rendrait suspecte, et il la requit de jurer, sous peine d’être reconnue coupable sur tous les chefs d’accusation[37]. Ainsi le voulait en effet, la justice inquisitoriale. En l’an 1310, une béguine nommée La Porète refusa le serment au sacré inquisiteur de la foi, frère Guillaume de Paris ; elle fut incontinent excommuniée, et, sans être davantage interrogée, après une longue procédure, livrée au prévôt de Paris, qui la fit brûler vive. La dévotion qu’elle montra sur le bûcher tira des larmes à tous les assistants[38].

Toutefois l’évêque ne put obtenir que la Pucelle jurât sans restrictions. Elle jura de dire la vérité sur tout ce qu’elle saurait touchant le procès, se réservant de taire ce qui, selon elle, ne s’y rapporterait pas. Elle parla volontiers des Voix qu’elle avait entendues la veille et dans la matinée, et ne céda point qu’elles lui avaient fait des révélations concernant le roi. Mais, quand maître Jean Beaupère se montra curieux de les connaître, elle demanda un délai de quinze jours pour répondre, sûre que d’ici là elle serait délivrée ; et aussitôt elle se mit à vanter les secrets que ses Voix lui avaient confiés pour le bien du roi.

— Je voudrais qu’il les sût dès maintenant, dit-elle, dussé-je ne pas boire de vin d’ici à Pâques[39].

Ne pas boire de vin d’ici Pâques. Employait-elle de la sorte, sans y prendre garde, une locution en usage dans le pays de ce joli vin qui a des teintes de rose desséchée, de ce vin gris dont deux doigts avec un morceau de pain faisaient le repas des femmes de Domremy[40] ? Ou bien avait-elle pris cette façon de dire aux gens d’armes de sa compagnie, avec les bonnes bulles et les bons torchons ? Hélas ! quel hypocras devait-elle boire pendant, les cinq semaines qui restaient à courir avant Pâques ? Elle employait là une expression toute faite, comme il lui arrivait souvent, et n’y attribuait aucun sens précis, à moins qu’il l’idée devin ne se mêlât plus ou moins confusément dans son esprit une pensée cordiale, un espoir de voir, une fois délivrée, les seigneurs de France emplir leur tasse en l’honneur d’elle.

Maître Jean Beaupère lui demanda si, avec les Voix, elle voyait quelque chose.

Elle répondit :

— Je ne vous dirai pas tout. Je n’en ai pas congé... La Voix est bonne et digne... De cela je ne suis pas tenue de répondre.

Et elle pria qu’on lui donnât par écrit les points sur lesquels elle ne répondait pas tout de suite[41].

Quel usage pensait-elle faire de cet écrit ? Elle ne savait pas lire ; elle n’avait pas d’avocat. Voulait-elle montrer la cédule à quelque faux ami qui la trompait, comme Loiseleur ? Ou pensait-elle la mettre sous les yeux de ses saintes ?

Maître Beaupère demanda si la Voix avait un visage et des yeux.

Elle refusa de le dire et cita un dicton en usage chez les enfants : Souvent on est pendu pour avoir dit la vérité[42].

Maître Beaupère demanda :

— Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?

La question était singulièrement captieuse : elle mettait Jeanne entre l’aveu de son péché et la plus condamnable témérité. Un des assesseurs, maitre Jean Lefèvre, de l’ordre des frères ermites, fit observer qu’elle n’était pas tenue de répondre. Il y eut des murmures dans la salle.

Mais Jeanne

— Si je n’y suis, Dieu m’y mette, et si j’y suis, Dieu m’y garde. Je serais la plus dolente du monde si je savais ne pas être en la grâce de Dieu[43].

Les assesseurs furent surpris qu’elle eût si bien répondu. Pourtant ils n’étaient point revenus à de meilleurs sentiments pour elle. Ils reconnaissaient qu’elle parlait bien au sujet de son roi, mais que, pour le reste, elle avait trop de subtilité et de cette subtilité propre à la femme[44].

Maître Jean Beaupère questionna ensuite Jeanne sur son enfance au village, essayant de la montrer cruelle, encline à l’homicide dès ses tendres années et adonnée à ces pratiques d’idolâtrie, pour lesquelles les habitants de Domremy étaient notoirement diffamés[45].

Il toucha alors un point d’une singulière importance pour pénétrer les origines obscures de la mission de Jeanne.

— Ne vous a-t-on pas regardée comme l’envoyée du bois Chesnu ?

En poussant dans ce sens, on aurait peut-être obtenu des révélations importantes. Assurément Jeanne avait été accréditée en France par de fausses prophéties ; niais ces clercs n’étaient pas en état de se débrouiller dans tous ces pseudo-Bède et pseudo-Merlin[46].

Jeanne répondit :

— Quand je vins trouver le roi, aucuns me demandaient s’il y avait dans mon pays un bois nommé le bois Chesnu, parce qu’il existait des prophéties disant que des environs de ce bois devait venir une jeune fille qui ferait des merveilles. Mais à cela je n’ajoutai pas foi.

A cela elle n’ajouta pas foi, il faut l’en croire ; mais si elle n’accordait aucune créance à la prophétie de Berlin sur la vierge de la forêt chesnue, elle donnait au contraire une grande attention à la prophétie annonçant qu’une Pucelle libératrice viendrait des Marches de Lorraine, puisqu’elle la récitait, celle-là, aux époux Leroyer et à son oncle Lassois d’un tel accent qu’ils en demeuraient étonnés. Or, les deux vaticinations, il faut bien le reconnaître, se ressemblent comme deux sœurs.

Maître Jean Beaupère, laissant Merlin l’Enchanteur, brusquement demanda :

— Jeanne, voulez-vous avoir un habit de femme ? Elle répondit

— Donnez-m’en un, je le prendrai et partirai. Autrement non. Je me contenterai de celui-ci, puisqu’il plaît à Dieu que je le porte.

Sur cette réponse, qui contenait cieux erreurs tendant à l’hérésie, le seigneur évêque leva la séance[47].

Le lendemain 25 février était le premier dimanche du Carême. Ce jour-là ou un autre, mais plus probablement ce jour-là, monseigneur de Beauvais envoya une alose à Jeanne, qui, ayant mangé de ce poisson, eut la fièvre et fut prise de vomissements[48]. Deux maîtres ès arts de l’Université de Paris, docteurs en médecine, Jean Tiphaine et Guillaume Delachambre, assesseurs au procès, furent appelés par le comte de Warwick qui leur dit :

— Jeanne, d’après ce qu’on m’a rapporté, est souffrante. Je vous ai mandés pour aviser à la guérir. Le roi ne veut pour rien au monde qu’elle meure de mort naturelle. Car il l’a chère, l’avant chèrement achetée. Il entend qu’elle ne trépasse que par justice et soit brûlée. Faites donc le nécessaire, visitez-la avec grand soin et tâchez qu’elle se rétablisse[49].

Conduits par maître Jean d’Estivet auprès de Jeanne, les médecins lui demandèrent de quel mal elle souffrait.

Elle répondit qu’elle avait mangé d’une carpe que monseigneur de Beauvais lui avait envoyée et qu’elle se doutait que là était la cause de son mal.

Soupçonnait-elle l’évêque d’avoir voulu l’empoisonner ? C’est ce que maître Jean d’Estivet crut comprendre, car il se mit dans une violente colère :

— Putain, paillarde ! s’écria-t-il, c’est toi qui as mangé des harengs et autres choses à toi contraires.

— Je ne l’ai pas fait, répliqua-t-elle.

Ils échangèrent tous deux des paroles injurieuses et Jeanne en fut plus malade[50].

Les médecins la palpèrent aux reins et au côté droit et lui trouvèrent de la fièvre. D’où ils conclurent à une saignée.

Ils en avisèrent le confite de Marwick qui s’inquiéta :

— Une saignée ? Prenez garde ! Elle est rusée et pourrait bien se tuer.

Néanmoins on fit la saignée et Jeanne guérit[51].

Il n’y eut pas d’interrogatoire le lundi 26[52]. A l’ouverture de la quatrième séance, le mardi 27, maître Jean Beaupère lui demanda comment elle s’était portée ; ce dont elle fut peu touchée. Elle lui répondit sèchement : Vous le voyez bien. Je me suis portée le mieux que j’ai pu[53].

Cette séance avait lieu dans la salle de Parement, en présence de cinquante-quatre assesseurs[54]. Cinq de ceux-là n’avaient pas encore assisté aux débats, et dans le nombre maître Nicolas Loiseleur, chanoine de Rouen, qui faisait, dans le procès, le cordonnier lorrain et madame sainte Catherine d’Alexandrie[55].

Maître Jean Beaupère se montra curieux, comme le samedi précédent, de savoir si Jeanne avait entendu ses Voix. Elle les entendait tous les jours[56].

Il demanda :

— Est-ce une voix d’ange qui vous parle, ou la voix d’un saint ou d’une sainte ? Ou bien est-ce Dieu qui vous parle sans truchement ?

Jeanne :

— Cette voix est celle de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et leurs figures sont couronnées de belles couronnes, moult richement et moult précieusement. De vous le dire j’ai licence de Messire. Si vous en faites doute, envoyez à Poitiers où je fus interrogée[57].

Elle se réclamait à bon droit des clercs de France. Les docteurs armagnacs n’avaient pas moins d’autorité en matière de foi que les docteurs anglais et bourguignons. Ne devaient-ils pas se retrouver tous ensemble au concile ?

L’interrogateur demanda :

— Comment savez-vous que ce sont ces deux saintes ? Les connaissez-vous bien l’une d’avec l’autre ?

Jeanne :

— Je sais bien que ce sont elles et je les connais bien l’une d’avec l’autre.

— Comment ?

— Par la révérence qu’elles me font[58].

Réponse qu’on ne se hâtera pas de taxer d’erreur ou de fausseté, si l’on songe que l’ange salua Gédéon (Jud. VI) et que Raphaël salua Tobie (Tob. XII)[59].

Jeanne donna ensuite une autre raison :

— Je les connais parce qu’elles se nomment à moi[60].

Quand on lui demanda si ses saintes étaient vêtues toutes deux de la même étoffe, si elles étaient du même âge, si elles parlaient toutes deux à la fois, si l’une d’elles lui était apparue la première, elle refusa de répondre, alléguant qu’elle n’en avait pas congé[61].

Maître Jean Beaupère lui demanda quelle apparition vint à elle la première quand elle était âgée de treize ans, ou environ.

Jeanne :

— Ce fut saint Michel. Je le vis de mes yeux. Et il n’était pas seul, mais bien accompagné d’anges du ciel. Je ne suis venue en France que par l’ordre de Messire.

— Vites-vous saint Michel et ces anges corporellement et réellement ?

— Je les vis des yeux de mon corps, aussi bien que je vous vois. Et quand ils s’éloignaient de moi, je pleurais et j’aurais bien voulu qu’ils m’eussent emportée avec eux.

— En quelle figure était saint Michel[62] ?

Elle n’avait pas congé de le dire.

On lui demanda si elle avait eu congé de Dieu d’aller en France et si c’était Dieu qui lui avait prescrit de prendre l’habit d’homme.

En se taisant, elle se rendait suspecte d’hérésie et, de quelque manière qu’elle répondit, elle se chargeait gravement : ou bien elle prenait sur elle l’homicide et l’abomination, ou bien elle en attribuait la volonté à Dieu, ce qui était manifestement sacrilège.

Sur sa venue en France, elle dit :

— J’aimerais mieux être tirée à quatre chevaux que d’être venue en France sans congé de Messire. Sur l’habit

— L’habit est peu de chose, moins que rien. Je n’ai pris l’habit d’homme sur le conseil d’homme du monde. Je n’ai pris cet habit ni fait chose que par l’ordre de Messire et des anges[63].

Maître Jean Beaupère :

— Quand vous voyez cette Voix venir à vous, y a-t-il de la lumière ?

Elle, alors, moqueuse comme à Poitiers :

— Toutes les lumières ne viennent pas à vous, mon beau seigneur[64].

Avec beaucoup de cautèle et de ruse, c’est le procès du roi de France que faisaient ces docteurs de Paris et de Rouen. Maître Jean Beaupère lança cette question :

— Comment votre roi ajouta-t-il foi à vos dires ?

— Parce qu’il avait bons signes, et par ses clercs.

— Quelles révélations eut votre roi ?

— Vous n’aurez pas cela de moi cette année.

En entendant cette parole de la jeune fille, monseigneur de Beauvais, qui était dans les conseils du roi Henri, ne songea-t-il donc point à cette parole du livre de Tobie (XII, 7) : Il est bon de cacher le secret du roi ?

Jeanne dut ensuite répondre longuement sur l’épée de sainte Catherine. Les clercs la soupçonnaient d’avoir trouvé cette épée par divination et invocation du démon et d’avoir mis un charme dessus. Tout ce qu’elle put dire ne dissipa point leurs soupçons[65].

On passa à l’épée qu’elle avait gagnée sur un Bourguignon.

— Je la portais, dit-elle, à Compiègne, parce que c’était bonne épée de guerre, et bonne à donner de bonnes buffes et bons torchons[66].

Voilà qui est clairement dit. La buffe était un soufflet, un coup de plat, le torchon un coup de tranchant[67]. Quelques instants après, à propos de sa bannière, elle déclara qu’elle la portait elle-même, quand elle chargeait les ennemis, pour éviter de tuer personne.

Et elle ajouta :

— Oncques n’ai tué personne[68].

Les docteurs trouvaient qu’elle variait dans ses réponses[69]. Sans doute, elle variait. Mais si les docteurs avaient vu, comme elle, à toute heure de jour et de nuit, le ciel leur dégringoler sur la tête ; si toutes leurs pensées, tous leurs instincts bons ou mauvais, tous leurs désirs à peine formés, s’étaient mués aussitôt, à leur insu, en des ordres de Dieu, exprimés par des voix d’archanges et de bienheureuses, ils eussent varié tout autant, et sans doute ils eussent montré dans leurs paroles et dans leurs actions moins de douceur mêlée à moins de courage et moins de sens dans autant d’illusion.

Les interrogatoires étaient longs ; ils duraient trois et quatre heures[70]. Avant de clore celui-là, maître Jean Beaupère voulut savoir si Jeanne avait été blessée à Orléans. C’était un point intéressant. Il était généralement admis que les sorcières perdaient leur pouvoir avec leur sang. Enfin on la chicana sur la capitulation de Jargeau, et la séance fut levée[71].

Maître Jean Lohier, notable clerc normand, étant venu à Rouen, l’évêque comte de Beauvais donna ordre de le mettre au courant de la procédure. Le premier samedi de carême, 24 février, l’évêque le fit appeler dans sa maison près Saint-Nicolas-le-Painteur et l’invita à donner son opinion sur le procès. Maître Jean Lohier parla de telle sorte que l’évêque courut après les docteurs et maîtres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Thomas de Courcelles, Nicolas Loiseleur, et leur dit tout ému :

— Voilà Lohier qui nous veut bailler belles interlocutoires en notre procès ! Il veut tout calomnier et dit que le procès ne vaut rien. Qui l’en voudrait croire, il faudrait tout recommencer, et tout ce que nous avons fait ne vaudrait rien ! On voit bien de quel pied il cloche. Par saint Jean, nous n’en ferons rien ; mais continuerons notre procès comme il est commencé.

Le lendemain, maître Jean Lohier rencontra dans l’église Notre-Dame messire Guillaume Manchon qui lui demanda

— Avez-vous vu le procès ?

— Je l’ai vu, répondit maître Jean. Ce procès ne vaut rien. Impossible de le soutenir, pour plusieurs raisons. Primo, il y manque la forme d’un procès ordinaire[72].

Il entendait par là qu’on ne devait pas procéder contre Jeanne sans informations préalables sur les présomptions de culpabilité, soit qu’il ignorât les informations ordonnées par monseigneur de Beauvais, soit plutôt qu’il les jugeât insuffisantes[73].

— Secundo, poursuivit maître Jean Lohier, ce procès est déduit dans le château, en lieu clos et fermé, où juges et assesseurs, n’étant point en sûreté, n’ont pas pleine et entière liberté de dire purement et simplement ce qu’ils veulent. Tertio, le procès touche à plusieurs personnes qui ne sont pas appelées à comparoir, et on y engage notamment l’honneur du roi de France, dont Jeanne suivit le parti, sans citer le roi ni quelqu’un qui le représente. Quarto, ni libellés, ni articles n’ont été donnés, et cette femme, qui est une fille simple, on la laisse sans conseil pour répondre à tant de maîtres, à de si grands docteurs et en matières si graves, spécialement celle qui concerne ses révélations. Pour tous ces motifs, le procès ne me semble pas valable.

Il ajouta :

— Vous voyez comment ils procèdent. Ils la prendront, s’ils peuvent, par ses paroles. Ils tireront avantage des assertions où elle dit : Je sais de certain, au sujet de ses apparitions. Mais si elle disait : Il me semble, au lieu de : Je sais de certain, m’est avis qu’il n’est homme qui la pût condamner. Je m’aperçois bien qu’ils agissent plus par haine que par tout autre sentiment. Ils ont l’intention de la faire mourir. Aussi ne me tiendrai-je plus ici. Je n’y veux plus être. Ce que je dis déplaît[74].

Ce jour même, maître Jean quitta Rouen[75].

L’aventure de maître Nicolas de Houppeville ressemble à celle de maître Jean Lohier. Maître Nicolas, très notable clerc, conférant avec des hommes d’Église, exprima cet avis que, faire juger Jeanne par des gens du parti contraire n’était pas une bonne façon de procéder ; et il fit observer que Jeanne avait été déjà examinée par les clercs de Poitiers et par l’archevêque de Reims, métropolitain de l’évêque de Beauvais. Instruit de ces conciliabules, monseigneur de Beauvais se mit dans une violente colère et fit citer devant lui maître Nicolas. Celui-ci répondit qu’il relevait de l’official de Rouen et que l’évêque de Beauvais n’était point son juge. S’il est vrai, comme on l’a dit, que maître Nicolas fut mis ensuite dans les prisons du roi, ce fut pour une raison plus juridique, sans doute, que d’avoir fâché le seigneur évêque de Beauvais. Ce qui paraît plus probable, c’est que ce très notable clerc ne Voulut pas siéger comme assesseur et qu’il quitta Rouen pour n’être pas appelé au procès[76].

Quelques hommes d’Église, entre autres maître Jean Pigache, maître Pierre Minier et maître Richard de Grouchet s’aperçurent beaucoup plus tard qu’ils avaient opiné sous le coup de la crainte et dans un grand péril. Nous assistâmes au procès, dirent-ils, mais nous fûmes dans la pensée de fuir[77]. En fait, il ne fut fait violence à personne et ceux qui refusèrent d’assister au procès ne furent point inquiétés. Des menaces ! Pourquoi ? Était-il donc difficile alors de condamner une sorcière ? Sorcière, Jeanne ne l’était pas. D’autres l’étaient-elles davantage ? Toutefois, entre ces autres et celle-là, on voyait cette différence, que Jeanne avait exercé ses sortilèges en faveur des Armagnacs et qu’en la condamnant on servait les Anglais qui étaient les maîtres, chose à considérer, et que l’on fâchait les Français en passe de le redevenir, ce qui donnait aussi à réfléchir aux gens avisés. Il y avait bien de quoi rendre les docteurs perplexes ; mais la seconde considération pesait moins que la première ; on ne croyait guère que les Français fussent si près de reprendre la Normandie.

La cinquième séance publique eut lieu en l’endroit accoutumé, le 1er mars, en présence de cinquante-huit assesseurs dont neuf n’avaient pas encore siégé[78].

L’interrogateur demanda premièrement à Jeanne

— Que dites-vous de notre seigneur le Pape, et qui croyez-vous qui soit vrai pape ?

Elle répondit habilement par une autre question :

— Est-ce qu’il y en a deux[79] ?

Non, il n’y en avait pas deux ; le schisme avait cessé par l’abdication de Clément VIII ; la grande déchirure de l’Église était recousue depuis treize ans et toutes les nations chrétiennes, la française elle-même, résignée à ne plus revoir ses papes d’Avignon, reconnaissaient le pape de Rome. Mais, ce que ne savaient ni l’accusée ni les juges, ce 1er mars 1431, il n’y avait ni deux papes ni un seul, il n’y en avait point du tout ; le saint-siège était vacant depuis la mort de Martin V, survenue le 20 février ; et cette vacance ne devait cesser que le surlendemain, 3 mars, par l’élection d’Eugène IV[80].

Ce n’était pas sans motif que l’interrogateur posait à Jeanne une question relative au Saint-Siège. Ses raisons devinrent manifestes quand il lui demanda si elle n’avait pas reçu une lettre du comte d’Armagnac. Elle reconnut avoir reçu cette lettre et y avoir répondu.

Une copie de ces deux pièces se trouvait au dossier. On les lut à Jeanne.

Il apparut que le comte d’Armagnac avait demandé, par missive, à la Pucelle, lequel des trois papes était le vrai et que Jeanne avait fait savoir, également par missive, qu’elle n’avait pas le temps de donner réponse pour l’heure, mais qu’elle le ferait à loisir, quand elle serait à Paris.

Ayant entendu la lecture de ces deux lettres, Jeanne déclara que celle qu’on lui attribuait n’était de son fait qu’en partie. Et, puisqu’elle dictait et qu’elle ne pouvait lire ensuite ce qu’on avait mis, il était concevable que des paroles rapides, jetées le pied sur l’étrier, n’eussent pas été fidèlement transcrites ; mais elle ne put, dans une suite de réponses embarrassées et contradictoires, établir en quoi sa dictée différait du texte écrit[81] ; et en elle-même la lettre au comte d’Armagnac paraît bien plutôt le fait d’une visionnaire ignorante que d’un clerc quelque peu avisé des affaires de l’Église. On y remarque certaines expressions et certaines formules qui se retrouvent dans d’autres lettres de Jeanne. Le doute n’est guère possible ; cette lettre est d’elle, elle l’avait oubliée ; rien de surprenant à cela : sa mémoire, comme nous l’avons vu, était sujette à des défaillances plus étranges[82].

Les juges tiraient de cet écrit des charges accablantes pour elle ; ils y voyaient la preuve d’une coupable témérité. Quelle jactance, à leurs yeux, de la part de cette femme, que de prétendre savoir de Dieu même ce que l’Église a pour mission d’enseigner ! Et promettre de désigner le pape par illumination intérieure, n’était-ce pas pécher gravement contre l’Épouse de Jésus-Christ, déchirer d’une main sacrilège la tunique sans coutures de Notre-Seigneur ?

Jeanne vit si bien cette fois l’endroit par où ses juges voulaient la prendre, qu’elle déclara par deux fois sa créance au seigneur pape de Rome[83]. Elle aurait souri amèrement, si elle avait su que ces insignes docteurs, ces lumières de l’Université de Paris, qui lui faisaient un grief mortel de mal croire au pape, croyaient eux-mêmes au pape à peu près comme s’ils n’y croyaient pas ; qu’en ce moment, plusieurs d’entre eux, maître Thomas de Courcelles, si grand docteur, maître Jean Beaupère, l’interrogateur, maître Nicolas Loiseleur, qui faisait la voix de sainte Catherine, avaient hâte de l’expédier, l’innocente fille, pour enfourcher leur mule et trotter jusqu’à Bâle, où ils devaient, dans la Synagogue de Satan, jeter feu et flammes contre le Saint-Siège apostolique, et décréter diaboliquement de soumettre le pape au concile, de lui ôter ses annates, qui lui étaient plus chères que la prunelle de ses yeux, et finalement de le déposer[84]. C’est alors qu’elle aurait pu, mieux que jadis au clerc limousin, jeter le cri d’une âme rustique aux prêtres si âpres à venger sur elle l’honneur de l’Église :

— Je suis plus catholique que vous !

Non qu’il faille leur reprocher de s’être montrés bons gallicans, à Bâle, mais d’avoir été, à Rouen, hypocrites et cruels.

Dans sa prison, la Pucelle prophétisait devant John Gris, son gardien. Instruits de ces prophéties, les juges voulurent les entendre de la bouche de Jeanne, qui leur dit :

— Avant qu’il soit sept années, les Anglais laisseront un plus grand gage qu’ils n’ont fait devant Orléans. Ils perdront tout en France. Ils auront plus grande perdition qu’oncques eurent en France, et cela sera par grande victoire que Dieu enverra aux Français.

— Comment le savez-vous ?

— Je le sais par révélation à moi faite, et que cela arrivera avant sept ans. Et je serais bien fâchée que ce fût différé. Je le sais par révélation aussi bien que je vous sais maintenant devant moi.

— Quand cela viendra-t-il ?

— Je ne sais le jour ni l’heure.

— Mais l’année ?

— Vous ne l’aurez pas encore. Mais je voudrais bien que ce fût avant la Saint-Jean.

— N’avez-vous pas dit que cela arriverait avant la Saint-Martin d’hiver 2

— J’ai dit que, avant la Saint-Martin d’hiver, on verrait bien des choses et qu’il se pourrait que les Anglais soient jetés bas.

Après quoi, l’interrogateur demanda à Jeanne si, quand saint Michel vint à elle, saint Gabriel était avec lui.

Jeanne répondit :

— Je ne me le rappelle pas[85].

Elle ne se rappelait pas si, dans la foule des anges venus à elle, s’était trouvé l’ange Gabriel qui avait salué Notre-Dame, et annoncé la rédemption des hommes. Elle en avait tant vu, d’anges et d’archanges, que celui-là ne l’avait pas particulièrement frappée. Comment, après une réponse d’une telle simplicité, ces prêtres eurent-ils encore le courage de l’interroger sur ses visions ? N’étaient-ils pas suffisamment édifiés ? Mais non ! Ces réponses innocentes échauffaient le zèle de l’interrogateur. Avec quelle ardeur et quelle abondance, passant des anges aux saintes, il multiplia les questions menues et perfides ! Avaient-elles des cheveux ? des anneaux aux oreilles ? Y avait-il quelque chose entre leurs couronnes et leurs cheveux ? Ces cheveux étaient-ils longs et pendants ? Avaient-elles des bras ? Comment parlaient-elles ? Quelle espèce de voix était-ce[86] ?

Cette dernière question touchait un point grave en théologie. Les démons dont le gosier grince comme roues de charrette ou vis de pressoir, ne peuvent imiter le doux parler des saintes[87].

Jeanne répondit que la voix était belle, douce, polie, et parlait français.

Sur quoi on lui demanda insidieusement pourquoi sainte Marguerite ne parlait pas anglais.

Elle répondit :

— Comment parlerait-elle anglais, puisqu’elle n’est pas du parti des Anglais[88] ?

Un poète champenois avait bien dit, deux cents ans auparavant, que le parler français, que le Seigneur fit bel et léger, était le langage du paradis.

Elle fut ensuite interrogée sur ses anneaux. Matière ardue : il y avait en ce temps-là beaucoup d’anneaux enchantés ou chargés d’amulettes. Les magiciens faisaient des anneaux sous l’influence des planètes et leur donnaient des vertus au moyen de pierres et d’herbes merveilleuses, de caractères et de charmes. Avec des anneaux constellés, on opérait des merveilles. Hélas ! elle n’avait eu que deux pauvres anneaux, l’un de laiton, avec les noms de Jésus et de Marie, qu’elle tenait de ses père et mère, l’autre que son frère lui avait donné. L’évêque lui retenait celui-là ; les Bourguignons lui avaient ôté l’autre[89].

On essaya de la prendre sur un pacte conclu avec le diable, près de l’arbre des Fées. Elle ne donna pas prise, mais elle prophétisa sa délivrance et la ruine de ses ennemis.

— Ceux qui voudront m’ôter de ce monde pourront bien s’en aller avant moi... Il faudra qu’un jour je sois délivrée... Je sais que mon roi gagnera le royaume de France.

On lui demanda ce qu’elle avait fait de sa mandragore. Mais elle n’en avait jamais eu[90].

Puis l’interrogateur eut des curiosités sur saint Michel :

— Était-il nu ?

Elle répondit :

— Pensez-vous que Messire n’a pas de quoi le vêtir ?

— Avait-il des cheveux ?

— Pourquoi lui auraient-ils été coupés ?

— Tenait-il une balance ?

— Je n’en sais rien[91].

On voulait savoir si elle voyait saint Michel tel qu’il était figuré dans les églises, avec une balance pour peser les âmes[92].

Comme elle dit qu’il lui semblait, à la vue de l’archange, n’être point en état de péché mortel, l’interrogateur se mit à l’arguer sur sa conscience. Elle répondit chrétiennement[93]. Alors il revint au miracle du signe, qu’on avait laissé dormir depuis la première séance, au mystère de Chinon, à cette couronne merveilleuse, que Jeanne, à l’imitation de sainte Catherine d’Alexandrie, croyait tenir de la main d’un ange. Mais elle avait promis à sainte Catherine et à sainte Marguerite de n’en rien dire.

— Quand vous montrâtes le signe au roi, y avait-il quelqu’un avec lui ?

— Je ne pense pas qu’il y eût personne autre, bien qu’il se trouvât beaucoup de monde assez proche.

— Avez-vous vu une couronne sur la tête du roi quand vous lui avez montré ce signe ?

— Je ne puis le dire sans parjure.

— Votre roi avait-il une couronne à Reims ?

— Mon roi, je pense, a pris avec plaisir la couronne qu’il a trouvée à Reims. Mais une bien riche couronne lui fut apportée par la suite. Il ne l’a point attendue, pour hâter son fait à la requête de ceux de la ville de Reims, afin d’éviter la charge des hommes de guerre. S’il eût attendu, il aurait eu une couronne mille fois plus riche.

— Avez-vous vu cette couronne plus riche ?

— Je ne puis vous le dire sans encourir parjure. Si je ne l’ai pas vue, j’ai ouï dire à quel point elle est riche et magnifique[94].

Jeanne souffrait beaucoup d’être privée des sacrements. Un jour, comme messire Jean Massieu la conduisait devant ses juges, ainsi que l’y obligeait son état d’huissier ecclésiastique, elle lui demanda s’il n’y avait pas sur le chemin quelque église ou chapelle, dans laquelle fût le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ[95].

Messire Jean Massieu, doyen de la chrétienté de Rouen, était extrêmement luxurieux ; il s’attirait, par sa paillardise invétérée, de fâcheuses affaires avec le chapitre et l’officialité[96]. Il n’était peut-être pas aussi courageux ni aussi franc qu’il voulait le paraître ; mais ce n’était pas un homme dur et sans pitié.

Il répondit à sa prisonnière qu’il y avait une chapelle sur leur chemin. Et il lui montra la chapelle castrale.

Alors elle le pria très instamment de la faire passer devant cette chapelle pour qu’elle pût y faire à Messire révérence et prière.

Messire Jean Massieu y consentit volontiers et la laissa s’agenouiller devant le sanctuaire. Inclinée à terre, Jeanne fit dévotement son oraison.

Le seigneur évêque, instruit de ce fait, en fut mécontent ; il donna l’ordre à l’huissier de ne plus tolérer à l’avenir de telles oraisons.

De son coté, le promoteur, maître Jean d’Estivet, adressa à messire Jean Massieu maintes réprimandes :

— Truand, lui dit-il, qui te fait si hardi de laisser approcher d’une église, sans licence, cette putain excommuniée ? Je te ferai mettre en telle tour, que tu ne verras ni lune ni soleil d’ici à un mois, si tu le fais plus.

Messire Jean Massieu n’obéit pas à cette menace. Le promoteur, qui s’en aperçut, se mettait devant la porte de la chapelle, au passage de Jeanne, pour empêcher la pauvre fille de faire ses dévotions[97].

La sixième séance fut tenue dans la même salle que les précédentes en présence de quarante et un assesseurs, dont six ou sept nouveaux, et parmi ceux-là maître Guillaume Erart, docteur en théologie[98].

Au début, l’interrogateur demanda à Jeanne si elle avait bien vu saint Michel et les saintes et si elle en avait vu autre chose que la face. Il insista

— Il faut dire ce que vous savez.

— Plutôt que de dire tout ce que je sais, j’aimerais mieux que vous me fissiez couper le cou[99].

On l’embarrassa sur la substance des corps glorieux. Elle était simple ; elle avait vu de ses yeux saint Michel ; elle le disait et ne pouvait dire autre chose.

L’interrogateur, toujours averti de ce qu’elle racontait dans sa prison, lui demanda si elle avait entendu ses Voix.

— Oui, vraiment. Elles m’ont dit que je serais délivrée. Mais je ne sais ni le jour ni l’heure. Et elles m’ont dit de faire bonne chère, hardiment[100].

Les juges n’en croyaient rien, parce que les démonologues enseignaient que les sorcières perdent tout leur pouvoir quand un officier de la sainte Église met la main sur elles.

L’interrogateur revint sur l’habit d’homme. Puis il tacha de savoir si elle n’avait pas mis des sorts sur les bannières de ses compagnons de guerre.

Il cherchait par quel secret elle entraînait les gens d’armes.

Ce secret, elle le révéla

— Je leur disais bien à la fois : Entrez hardiment parmi les Anglais, et j’y entrais moi-même[101].

Dans cet interrogatoire, le plus diffus et le plus fastidieux de tous, il fut adressé à l’accusée cette question bizarre :

— Quand vous étiez devant Jargeau, qu’est-ce que c’était que vous portiez derrière votre heaume ? N’y avait-il aucune chose ronde[102] ?

Elle avait reçu, au siège de Jargeau, une énorme pierre sur la tête, et n’en avait pas été blessée, ce que, dans son parti, on avait trouvé miraculeux[103]. Les juges de Rouen s’imaginaient-ils qu’elle portait un nimbe d’or, comme les saints et les saintes, et que ce nimbe l’avait protégée ?

Elle fut interrogée non moins étrangement, sur un tableau qui était dans la maison de son hôte à Orléans, et où il y avait trois femmes peintes avec cette inscription : Justice, Paix, Union.

Jeanne n’en savait rien[104] ; elle n’était pas, comme le duc de Bar et le duc d’Orléans, curieuse de peintures et de tapisseries. Ses juges ne l’étaient pas non plus, du moins en ce moment. Et, S’ils s’inquiétaient d’un tableau pendu dans la maison de maître Jean Boucher, c’était non pour la peinture, mais pour la doctrine. Sans doute, ces trois femmes que maître Jacques Boucher, homme riche, gardait dans sa maison, étaient nues. Les peintres, à cette époque, traitaient, sur de petits panneaux, des scènes d’étuves et des allégories, et peignaient des femmes nues. Grands fronts, tètes rondes, cheveux d’or, petits corps grêles, avec de gros ventres, d’une nudité minutieusement rendue sous des voiles transparents ; il s’en faisait beaucoup en Flandre et en Italie. Les insignes maîtres, qui trouvaient ces peintures ordes et vilaines, voulaient faire sans doute un grief à Jeanne d’en avoir contemplé de telles chez le trésorier du duc d’Orléans. On devine les soupçons de ces docteurs quand on les entend demander à Jeanne si saint Michel était nu, par où elle accolait ses saintes et à quelle partie du corps elle leur faisait toucher ses bagues[105].

Ils auraient bien voulu tenir d’elle qu’elle se faisait honorer comme une sainte. Elle les déconcerta par cette réponse :

— Les pauvres gens venaient volontiers à moi, parce que je ne leur faisais point déplaisir, mais les supportais à mon pouvoir[106].

L’interrogatoire toucha ensuite les sujets les plus divers : frère Richard ; les enfants que Jeanne avaient tenus sur les fonts baptismaux ; les bonnes femmes de la ville de Reims qui faisaient toucher leur anneau à l’anneau que Jeanne portait au doigt ; les papillons pris dans un étendard à Château-Thierry[107].

En cette ville, disait-on, certaines gens de la. Pucelle prirent des papillons dans son étendard. Or, les docteurs en théologie savaient de science certaine que les sorciers sacrifiaient des papillons au diable. Cent ans en ça, le tribunal de la sacrée inquisition avait condamne, à Pamiers, le carme Pierre Recordi, coupable d’avoir célèbre un semblable sacrifice. Il avait tué le papillon, et le diable avait annoncé sa présence par un souffle d’air[108]. Il se peut que les juges fissent à la Pucelle un grief de ce genre ; il se peut qu’on lui en fît un tout autre. A la guerre un papillon au chapeau était signe qu’on se rendait à merci ou qu’on avait un sauf-conduit[109]. Les juges l’accusaient-ils, elle ou les siens, d’avoir feint de se rendre pour attaquer traîtreusement l’ennemi ? Ils en étaient capables. Quoi qu’il en soit, l’interrogateur passant outre, s’enquit d’un gant perdu que Jeanne avait retrouvé dans la ville de Reims[110]. Il importait de savoir si elle ne l’avait pas retrouvé par divination. Puis ce magistrat curieux revint sur plusieurs points capitaux du procès : la communion reçue en habit d’homme ; la haquenée de l’évêque de Senlis, que Jeanne avait prise, ce qui était une manière de sacrilège ; l’enfant noir qu’elle avait ressuscité à Lagny ; Catherine de La Rochelle, qui venait de témoigner contre elle à l’officialité de Paris ; le siège de La Charité qu’il lui avait fallu lever ; le saut de Beaurevoir, tenté par désespoir, et enfin quelque parole blasphématoire qu’on l’accusait faussement d’avoir prononcée à Soissons, à propos du capitaine Bournel[111].

Le seigneur évêque déclara que les interrogatoires étaient terminés, mais que, si toutefois il paraissait utile d’interroger Jeanne plus amplement, quelques docteurs et maîtres seraient délégués à cette fin[112].

En conséquence, le samedi 10 mars, maître Jean de la Fontaine, commissaire instructeur, se rendit dans la prison, en compagnie de Nicolas Midi, Gérard Feuillet, Jean Fécard et Jean Massieu[113]. L’interrogatoire roula d’abord sur la sortie de Compiègne. Les prêtres se donnaient beaucoup de peine pour démontrer à Jeanne que ses Voix n’étaient pas bonnes ou qu’elle les avait mal entendues, puisqu’en leur obéissant elle était allée à sa perte. Jacques Gélu[114], Jean Gerson avaient prévu ce dilemme et y avaient répondu à l’avance par de beaux arguments théologiques[115]. On l’interrogea sur les peintures de son étendard, à quoi elle répondit :

— Sainte Catherine et saints Marguerite me dirent de prendre l’étendard et de le porter hardiment et d’y faire mettre en peinture le Roi du ciel. Et ce, je le dis à mon roi, très à contrecœur. Et de la signifiante ne sais autre chose[116].

Ils auraient bien voulu la faire passer pour avaricieuse, orgueilleuse et superbe, parce qu’elle avait un écu et des armes, une écurie, coursiers, demi-coursiers et trottiers, et de l’argent pour payer les gens de sa maison ; de dit à douze mille livres[117]. Mais où ils la pressèrent le plus vivement ce fut sur le signe dont il avait été question déjà deux fois dans les interrogatoires publics. A ce sujet, la curiosité des docteurs était inépuisable. Aussi bien le signe c’était le sacre à rebours, non plus par onction divine, mais par charmes magiques, le couronnement du roi de France par une sorcière. Et maître Jean de la Fontaine avait à ce sujet sur Jeanne l’avantage de savoir et ce qu’elle allait lui dire et ce qu’elle voulait lui cacher

— Quel est le signe qui vint à votre roi ?

— Il est bel et honoré, et bien croyable, et est bon, et le plus riche qui soit...

— Dure-t-il encore ?

— Il est bon à savoir qu’il dure, et durera jusques à mille ans, et outre. Il est au trésor du roi.

— Est-ce or, argent ou pierre précieuse, ou couronne ?

— Je ne vous en dirai autre chose ; et ne saurait homme deviser d’aussi riche chose comme est le signe. Et toutefois le signe qu’il vous faut, à vous, c’est que Dieu me délivre de vos mains, et est le plus certain qu’il vous sache envoyer...

— Quand le signe vint à votre roi, quelle révérence y lites-vous ?

— Je remerciai Notre-Seigneur de ce qu’il me délivrait de la peine des clercs de par delà, qui arguaient contre moi. Et je m’agenouillai plusieurs fois. Un ange, de par Dieu et non de par autre, bailla le signe à mon roi. Et j’en remerciai moult de fois Notre-Seigneur. Les clercs cessèrent de m’arguer, quand ils eurent su ledit signe[118].

— Est-ce que les gens d’Église de par delà virent le signe ?

— Quand mon roi et ceux qui étaient avec lui eurent vu le signe et même l’ange qui le bailla, je demandai à mon roi s’il était content, et il répondit qu’oui. Alors je partis et m’en allai à une petite chapelle assez près, et j’ouis dire alors qu’après mon départ plus de trois cents personnes virent le signe. Pour l’amour de moi et pour qu’on cessât de m’interroger, Dieu voulut permettre de voir le signe à tous ceux de mon parti qui le virent.

— Votre roi et vous, fîtes-vous point de révérence à l’ange quand il apporta le signe ?

— Oui, pour ce qui est de moi. Je m’agenouillai et ôtai mon chaperon[119].

 

 

 



[1] Procès, t. III, pp. 131-136.

[2] Procès, t. III, p. 135.

[3] Ibid, t. I, p. 48. — A. Sarrazin, Jeanne d’Arc et la Normandie, pp. 323-324.

[4] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition, p. 420.

[5] Procès, t. I, pp. 48-50.

[6] Procès, t. I, p. 50.

[7] Du Boulay, Historia Universitatis Paris., t. V, p. 919. — De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 27-30.

[8] Procès, t. I, p. 51.

[9] Ibid., t. I, p. 51.

[10] Procès, t. I, pp. 51-52.

[11] Ibid., t. I, p. 52.

[12] Bréhal, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, édit. Lanéry d’Arc, p. 409.

[13] Voir Appendice I, la lettre du docteur G. Dumas.

[14] Procès, t. I, p. 52.

[15] Ibid, t. I, pp. 53-54.

[16] Procès, t. I, P. 54.

[17] Ibid., t. I, pp. 55-56 ; t. V, p. 95.

[18] Ibid., t. II, p. 456 ; t. III, pp. 91-92. — Morosini, t. III, p. 104. — Eberhard Windecke, pp. 152-153. — J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 132-133. — Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, t. IV, p. 440, chap. I : La royauté de Jésus-Christ.

[19] Procès, t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.

[20] Ibid, t. I, p. 56.

[21] Ibid., p. 56.

[22] Il ne paraît pas possible d’admettre avec Quicherat (Aperçus nouveaux), que Jeanne imaginait la fable de la couronne à mesure qu’on la pressait de questions au sujet du signe. A la façon dont les juges conduisaient l’interrogatoire, on voit bien qu’ils connaissaient toute cette histoire extraordinaire.

[23] Legenda aurea, éd. 1846, pp. 789 et suiv.

[24] Procès, t. I, pp. 120-122.

[25] Ibid., t. I, p. 90.

[26] Ibid., t. I, p. 56.

[27] Procès, t. III, p. 57.

[28] Jean Bréhal, dans les Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, éd. Lanéry d’Arc, p. 09.

[29] Procès, t. III, p. 57.

[30] Procès, t. III, p. 48.

[31] Ibid., t. I, p. 57.

[32] Ibid., t. I, pp. 61, 70.

[33] Ibid., t. I, p. 62.

[34] Procès, t. I, pp. 61-64.

[35] Ibid., t. I, p. 279.

[36] Ibid., t. I, pp. 58-60.

[37] Procès, t. I, pp. 60-61.

[38] Grandes Chroniques, éd. P. Paris, t. V, p. 188.

[39] Procès, t. I, p. 64.

[40] E. Hinzelin, Chez Jeanne d’Arc, pp. 37, 177.

[41] Procès, t. I, pp. 64-65.

[42] Procès, t. I. p. 65. — Souvent on est blâmé de trop parler proverbe commun au XVe siècle, cf. Le Roux de Lincy, Les proverbes français, t. II, p. 417.

[43] Procès, t. I, p. 65.

[44] Ibid., t. II, pp. 21, 358.

[45] Procès, t. I, pp. 65-68.

[46] Ibid., t. I, P. 68.

[47] Procès, t. I, p. 68.

[48] Ibid., t. III, pp. 48-49.

[49] Procès, t. III, P. 51.

[50] Ibid., t. III, P. 49.

[51] Ibid., t. III, pp. 51-52.

[52] Ce qui m’induit à placer cette indisposition à la date du 25 février, c’est la question de Jean Beaupère à la séance du 27 : Comment vous êtes-vous portée ? et la réponse ironique de Jeanne. Il ne faut pas, ce me semble, confondre cette indigestion, comme on le fait généralement, je crois, avec la grave maladie dont Jeanne fut atteinte après Pâques. L’alose et les harengs viennent mieux en carême, et maître Delachambre dit formellement qu’après la saignée Jeanne guérit.

[53] Procès, t. I, p. 70.

[54] Ibid., t. I, pp. 68-69.

[55] Ibid., t. II, pp. 332, 362 ; t. III, pp. 60, 133, 141, 156, 162, 173, 181.

[56] Ibid., t. I, p. 70.

[57] Procès, t. I, p. 71.

[58] Ibid., t. I, p. 72.

[59] Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, p. 406.

[60] Procès, t. I, p. 72.

[61] Procès, t. I, pp. 72-73.

[62] Ibid., t. I, p. 73.

[63] Procès, t. I, pp. 74-75.

[64] Ibid., t. I, p. 75. J’ai restitué mon beau Seigneur d’après Procès, t. III, p. 80.

[65] Procès, t. I, pp. 75-77.

[66] Ibid., t. I, pp. 77-78.

[67] La Curne et Godefroy, aux mots : Buffe et Torchon.

[68] Procès, t. I, p. 78.

[69] Ibid., t. I. p. 34 ; t. II, p. 318.

[70] Procès, t. II, pp. 350, 365.

[71] Ibid., t. I, pp. 79-80.

[72] Procès, t. II, pp. 11, 341.

[73] Voir la déposition de Thomas de Courcelles, dans Procès, t. III, p. 38.

[74] Procès, t. II, pp. 12, 341, 300 ; t. III, p. 138.

[75] Ibid., t. II, pp. 12, 203, 232, 300 ; t. III, pp. 50, 138.

[76] Procès, t. I, pp. 252, 326, 351, 356 ; t. III, pp. 171-172.

[77] Ibid., t. II, pp. 356, 359.

[78] Procès, t. I, pp. 80-81.

[79] Ibid., t. I, p. 82.

[80] Analecta juris Pontif., t. XIV, p. 117

[81] Procès, t. I, pp. 82, 84.

[82] La formule : A Dieu vous recommande ; Dieu soit garde de vous, se rencontre dans les lettres à ceux de Tournai, de Troyes, de Reims et dans la lettre au duc de Bourgogne. Et, ce qui est plus significatif, on retrouve dans deux de ces lettres, dans celle aux gens de Troyes et dans celle au duc de Bourgogne, les termes : Le Roi du ciel, mon droiturier et souverain seigneur. — Procès, t. I, p. 246.

[83] Procès, t. I, pp. 82-83.

[84] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 27, 32, 75, 82.

[85] Procès, t. I, pp. 84-85.

[86] Procès, t. I, p. 86.

[87] Le Loyer, IV Livres des spectres, Angers, 1605, in-4°.

[88] Procès, t. I, p. 86.

[89] Procès, t. I, pp. 86-87. — Vallet de Viriville, Les anneaux de Jeanne d’arc, dans Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. XXX, 1868, pp. 82, 97.

[90] Procès, t. I, p. 86.

[91] Procès, t. I, p. 89.

[92] A. Maury, Croyances et légendes du moyen âge, pp. 171 et suiv.

[93] Procès, t. I, p. 90.

[94] Procès, t. I, pp. 90-91.

[95] Ibid., t. II, p. 16.

[96] De Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation, p. 115.

[97] Procès, t. II, p. 16.

[98] Procès, t. I, pp. 91-92.

[99] Ibid., t. I, p. 93.

[100] Ibid., t. I, p. 94.

[101] Procès, t. I, pp. 95-97.

[102] Ibid., t. I, p. 99.

[103] Chronique de la Pucelle, p. 301. — Journal du siège, pp. 98-99.

[104] Procès, t. I, p. 101.

[105] Procès, t. I, p. 89.

[106] Ibid., t. I, p. 102.

[107] Procès, t. I, p. 103.

[108] Lea, p. 551.

[109] Le Jouvencel, t. II, p. 237.

[110] Procès, t. I, p. 104.

[111] Procès, t. I, pp. 111.

[112] Ibid., t. I, p. 111-112.

[113] Ibid., t. I, p. 113.

[114] Gélu, Questio quinta, dans Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, éd. Lanéry d’Arc, pp. 593 et suiv.

[115] Procès, t. III, pp. 299 et suiv.

[116] Ibid., t. I, p. 117.

[117] Ibid., t. I, pp. 117, 119.

[118] C’est depuis lors, au contraire qu’on commença à l’arguer ou qu’on l’argua de plus belle. Elle semble oublier que l’entrevue de Chinon précéda les interrogatoires de Poitiers. Il y a peut-être intérêt à remarquer que frère Pasquerel, qui sait ces choses par elle, fait dans sa déposition, la même méprise.

[119] Procès, t. I, pp. 120, 122.