VIE DE JEANNE D’ARC

Tome I

CHAPITRE XVII. — LA CONVENTION D’AUXERRE. - FRÈRE RICHARD. - LA CAPITULATION DE TROYES.

 

 

Le 27 juin, l’avant-garde, commandée par le maréchal de Boussac, le sire de Rais, les capitaines La Hire et Poton, partit de Gien et se dirigea sur Montargis, dans le dessein d’occuper Sens. On se ravisa presque aussitôt et l’on se tourna vers Auxerre. Le roi se mit en marche le surlendemain, avec les princes du sang royal, une nombreuse chevalerie, la grosse bataille, comme on disait, et le sire de la Trémouille, qui conduisait toute l’entreprise[1]. L’armée arriva le 1er juillet devant Auxerre[2] La Pucelle, qui avait accompagné l’avant-garde, voyait la ville entourée de coteaux de vignes et de champs de blé, dresser ses murailles, ses tours, ses toits et ses clochers au penchant d’une colline. Cette cité devant laquelle elle chevauchait au soleil d’été, tout armée, comme un beau saint Maurice, au milieu d’une ample chevalerie, elle l’avait vue, sous un ciel sombre et pluvieux quand, trois mois auparavant, habillée eu galopin d’écurie, elle allait, sur un mauvais cheval, en compagnie de quelques pauvres routiers, vers le dauphin Charles[3].

Le comté d’Auxerre appartenait, depuis l’an 1424, au duc de Bourgogne, qui l’avait reçu en don du Régent et y exerçait son autorité au moyen d’un bailli et d’un capitaine[4].

Le seigneur évêque, messire Jean de Corbie, précédemment évêque de Mende, passait pour favorable au dauphin[5]. Le Chapitre de la cathédrale professait au contraire des sentiments bourguignons[6] Douze jurés, élus par la communauté des bourgeois et des habitants, administraient la ville. On conçoit sans peine le sentiment qu’ils éprouvèrent à la venue de l’armée royale : ce fut l’épouvante. Les hommes d’armes, qu’ils portassent la croix blanche ou la croix rouge, inspiraient une juste terreur aux gens des villes qui, four détourner de leurs murs ces larrons sacrilèges et homicides, étaient capables des plus rudes efforts, même de mettre la main a l’escarcelle.

A ceux d’Auxerre le roi manda par ses hérauts de le recevoir comme leur naturel et droiturier seigneur. Un tel mandement, appuyé sur des lances, les embarrassait fort. A refuser comme à consentir, ces bonnes gens couraient de grands risques. Changer d’obéissance n’était pas une chose à faire légèrement ; il y allait de leurs biens et de leur vie. Prévoyant le danger et sentant leur faiblesse, ils étaient entrés dans la ligue communale formée par les cités champenoises contre la disgrâce de recevoir des gens d’armes et les périls d’avoir deux maîtres ennemis. Ils se présentèrent devant le roi Charles et promirent de lui faire telle et pareille obéissance que ceux des villes de Troyes, Châlons et Reims[7].

Ce n’était pas obéir ; ce n’était pas non plus se mettre en état de rébellion. On négocia ; les ambassadeurs allaient de la ville au camp et du camp à la ville ; finalement, les jurés, qui ne manquaient pas d’esprit, proposèrent un arrangement acceptable et que les princes concluaient entre eux à tout moment, la trêve. Ils dirent au Roi :

— Nous vous prions et requérons de vouloir bien passer outre, et nous vous demandons de conclure abstinence de guerre.

Et, pour rendre leur prière plus agréable, ils donnèrent deux mille écus au sire de la Trémouille qui les garda, dit-on, sans vergogne. De plus, les habitants consentaient à fournir des vivres à l’armée, contre espèces sonnantes ; et c’était à considérer, car la famine régnait dans le camp[8]. Cette trêve ne fusait pas l’affaire des gens d’armes qui y perdaient une belle occasion de dérober et piller. Des murmures s’élevèrent ; plusieurs seigneurs et capitaines disaient qu’il ne serait pas difficile de prendre la ville et qu’il fallait essayer. La Pucelle, à qui ses Voix annonçaient perpétuellement la victoire, ne cessait d’appeler les soldats aux armes[9]. Sans aucunement s’émouvoir, le Roi conclut la trêve proposée, ne se souciant pas d’obtenir par force plus qu’il n’avait gagné par douceur. S’il avait attaqué la ville, peut-être l’aurait-il prise et tenue à sa merci ; mais c’était le pillage, l’incendie, le meurtre et. le viol certains. Et les Bourguignons seraient venus la reprendre sur ses talons, y piller, brûler, violer, massacrer de nouveau. Que d’exemples on avait de ces malheureuses villes enlevées et perdues tout aussitôt, ruinées par les Français, ruinées par les Anglais et les Bourguignons, où chaque bourgeois gardait dans son coffre, pour s’en coiffer tour à tour, béret rouge et béret blanc ! Fallait-il donc sans cesse renouveler ces massacres et ces abominations dont le ressentiment faisait exécrer les Armagnacs dans toute l’Ile de France et rendait si difficile au roi légitime la recouvrance de sa ville de Paris ? Le Conseil royal ne le crut pas ; il pensa au contraire que Charles de Valois réussirait mieux à reprendre son bien en montrant en même temps sa mansuétude et sa force et en poursuivant avec une royale clémence jusqu’à la ville de Reims sa marche armée et pacifique.

Après être demeurés trois jours sous les murs de la ville, les soldats rassasiés passèrent l’Yonne et s’en furent sous la ville de Saint-Florentin qui se mit aussitôt dans l’obéissance du roi. Le 4 juillet, ils atteignirent le village de Saint-Phal, à quatre heures de Troyes[10].

En cette ville forte, quatre cents hommes au plus tenaient garnison, tous natifs du royaume de France : il n’y avait pas, il n’y avait jamais eu d’Anglais en Champagne ; un bailli, messire Jean de Dinteville ; deux capitaines, les sires de Rochefort et de Plancy, commandaient, dans la ville, pour le roi Henri et pour le duc de Bourgogne[11]. Troyes était marchande : la draperie faisait sa richesse. Sans doute cette industrie déclinait depuis longtemps, atteinte par la concurrence et le déplacement des marchés ; la misère publique et l’insécurité des routes précipitaient sa ruine. Pourtant la corporation des drapiers demeurait puissante et donnait au Conseil un grand nombre de magistrats[12].

Ces marchands avaient juré, en 1420, le traité qui assurait à la maison de Lancastre la couronne de France ; ils se trouvaient à la merci des Bourguignons et des Anglais. Pour tenir ces grandes foires où ils portaient leurs draps, il leur fallait vivre en paix avec leurs voisins de Bourgogne, et, si les Godons avaient fermé les ports de Seine à leurs ballots, ils fussent morts de faim. Aussi les notables de la ville étaient-ils devenus Anglais. Ce n’était pas à dire qu’ils dussent le rester toujours. De grands changements s’étaient accomplis dans le royaume depuis quelques semaines, et les Gilles Laiguisé, les Hennequin, les Jouvenel, ne se piquaient pas de demeurer immuables dans leurs sentiments parmi les mutations de la fortune qui ôtaient la force aux uns pour la communiquer aux autres. Les victoires des Français leur donnaient à réfléchir. Le menu peuple, les ouvriers tisseurs, teinturiers, corroyeurs, nombreux le long des ruisseaux qui traversaient la cité, avaient le cœur bourguignon. Quant aux hommes d’Église, s’ils ne se sentaient émus d’aucun amour pour les Armagnacs, ils n’en étaient pas moins enclins à croire que le roi Charles venait à eux par un décret spécial de la providence divine.

Le seigneur évêque de Troyes était messire Jean Laiguisé, fils de maître Huet Laiguisé, un des premiers jureurs du traité de 1420[13]. Le Chapitre l’avait élu sans attendre la licence du régent, qui s’éleva contre l’élection et menaça de confisquer les biens des chanoines, non que le nouveau pontife lui déplût ; messire Jean Laiguisé avait sucé sur le sein de l’aime Université de Paris la haine des Armagnacs et le respect de la rose de Lancastre. Mais monseigneur de Bedford ne tolérait pas ce mépris des droits du souverain.

Peu de temps après, il souleva la réprobation de l’Église de France tout entière et fut jugé par les évêques pire que les plus cruels tyrans dont il est parlé dans l’Écriture, Pharaon, Nabuchodonosor, Artaxerxés qui, châtiant Israël, avaient toutefois épargné les lévites. Plus méchant qu’eux et plus impie, monseigneur de Bedford attentait aux privilèges de l’Église gallicane, c’est-à-dire que, au profit du Saint-Siège, il dépouillait les ordinaires de la collation des bénéfices, levait un double décime sur le clergé de France, et demandait aux gens d’Église de lui faire abandon des biens reçus par eux depuis quarante ans. Qu’il agît de la sorte avec l’agrément du pape, sa conduite n’en était pas moins exécrable au sentiment des seigneurs évêques de France, décidés à en appeler du pape mal informé au pape mieux informé, et qui tenaient l’autorité de l’évêque de Rome, petite auprès de l’autorité du Concile. Ils gémissaient ; l’abomination de la désolation était dans la Gaule chrétienne. Monseigneur de Bedford, pour pacifier l’Église de France, soulevée contre lui, convoqua à Paris les évêques de la province ecclésiastique de Sens, qui comprenait les diocèses de Paris, de Troyes, d’Auxerre, de Nevers, de Meaux, de Chartres et d’Orléans[14].

Messire Jean Laiguisé se rendit à cette convocation. Le synode se tint à Paris, dans le prieuré de Saint-Éloi, sous la présidence du métropolitain, du 1er mars au 23 avril 1429[15]. Les évêques rassemblés représentèrent à monseigneur le Régent le malheureux état des seigneurs ecclésiastiques, à qui les paysans, pillés par les gens de guerre, ne payaient plus leurs redevances, les terres d’Église abandonnées, le service divin cessé dans les campagnes, faute d’argent pour la célébration du culte. Ils furent unanimes à refuser le double décime au régent et au pape, menaçant d’en appeler du pape au concile. Quant à dépouiller les clercs de tous les biens qu’ils avaient reçus depuis quarante ans, ils déclarèrent que ce serait une impiété et ils avertirent charitablement monseigneur de Bedford du sort réservé dès ce monde aux impies par le juste jugement de Dieu. Le Prince, lui dirent-ils, doit détourner de lui les misères et calamités advenues aux princes de plusieurs royaumes qui affligèrent de telles réquisitions l’Église que Dieu a délivrée par son précieux sang de la servitude du Démon, desquels les uns périrent par le glaive, plusieurs furent traînés en captivité, les autres dépouillés de leurs très illustres souverainetés. C’est pourquoi ils ne doivent pas croire qu’ils méritent la grâce de la divine Majesté, ceux-là qui s’efforcent de réduire en servitude l’Église son épouse[16].

Les sentiments de Jean Laiguisé à l’égard du régent d’Angleterre étaient ceux du synode. Il n’en faut pas conclure que l’évêque de Troyes voulût la mort du pécheur, ni même qu’il fût l’ennemi des Anglais[17]. L’Église use communément de prudence à l’endroit des puissances temporelles. Sa mansuétude est grande et sa patience inlassable. Elle menace longtemps avant que de frapper et admet l’impie à résipiscence dès qu’il donne signe de repentir. Mais on pouvait croire que, si Charles de Valois prenait pouvoir et volonté de protéger l’Église de France, le seigneur évêque et le chapitre de Troyes craindraient, en lui résistant, de résister à Dieu lui-même, car toute puissance vient de Dieu qui deposuit potentes.

Le roi Charles ne s’était point aventuré en Champagne sans prendre ses sûretés ; il savait sur qui compter en cette ville de Troyes. Il avait reçu des avis, des promesses ; il entretenait des relations secrètes avec plusieurs bourgeois de la cité, et non des moindres[18]. Dans la première quinzaine de mai, un notaire royal et dix clercs et notables marchands, qui se rendaient vers lui, avaient été arrêtés au sortir de leurs murailles, sur la route de Paris, par un capitaine au service des Anglais, le sire de Chateauvillain[19]. Probablement que d’autres, plus heureux, purent accomplir leur mission. Il n’est pas difficile de deviner les questions agitées dans ces conciliabules. Les marchands demandaient que, au cas où le roi Charles deviendrait leur maître, il leur garantit l’entière liberté de leur trafic ; les clercs voulaient être assurés qu’il respecterait les biens de l’Église. Et le roi, sans doute, ne ménageait point les promesses.

La Pucelle s’arrêta avec une partie de l’armée devant le château fort de Saint-Phal, appartenant à Philibert de Vaudrey, capitaine de la ville de Tonnerre, au service du duc de Bourgogne[20]. En ce lieu de Saint-Phal, elle vit venir à elle un cordelier qui, craignant qu’elle ne fût le diable, faisait des signes de croix, jetait de l’eau bénite et n’osait approcher sans l’avoir exorcisée. C’était frère Richard qui venait de Troyes[21]. Il y a intérêt à dire ce qu’était ce religieux, autant qu’on peut le savoir.

On ignore le lieu de sa naissance[22]. Disciple du frère Vincent Ferrier et du frère Bernardin de Sienne, comme eux il enseignait l’avènement prochain de l’Antéchrist et le salut des fidèles par l’adoration du saint nom de Jésus[23]. Après avoir fait le pèlerinage de Jérusalem, il vint en France et prêcha dans la ville de Troyes l’avent de 1428. L’avent, qu’on nomme parfois aussi le carême de la Saint-Martin, commence le dimanche qui tombe entre le 27 novembre et le 3 décembre, et dure quatre semaines pendant lesquelles les chrétiens se préparent à célébrer le mystère de la Nativité.

— Semez, disait-il, semez, bonnes gens ; semez foison de fèves, car Celui qui doit venir viendra bien bref[24].

Par les fèves qu’il fallait semer, il entendait les bonnes œuvres qu’il convenait d’accomplir avant que Notre-Seigneur vînt, sur les nuées, juger les vivants et les morts. Or, il importait de semer les œuvres sans tarder, car bientôt serait la moisson. La venue de l’Antéchrist devait précéder de peu de temps la fin du monde et la consommation des siècles. Au mois d’avril 1429, frère Richard se rendit à Paris ; le synode de la province de Sens tenait alors ses dernières séances. Que le bon frère ait été appelé dans la grande ville par l’évêque de Troyes présent au synode, c’est possible, mais il ne parait pas que ce moine errant y fût venu pour défendre les droits de l’Église gallicane[25].

Le 16 avril, il lit son premier sermon à Sainte-Geneviève ; le lendemain et leurs suivants, jusqu’au dimanche 24, il prêcha tous les matins, de cinq heures à dix et onze heures, en plein air, sur un échafaud adossé au charnier des innocents, à l’endroit de la danse macabre. Autour de l’estrade, haute d’une toise et demie, se pressaient cinq ou six mille personnes auxquelles il annonçait la venue prochaine de l’Antéchrist et la fin du monde[26]. En Syrie, disait-il, j’ai rencontré des Juifs qui cheminaient par troupe ; je leur demandai où ils allaient et ils me répondirent : Nous nous rendons en foule à Babylone, parce qu’en vérité, le Messie est né parmi les hommes, et il nous restituera notre héritage, et il nous rétablira dans la terre de promission. Ainsi parlaient ces Juifs de Syrie. Or, l’Écriture nous enseigne que celui qu’ils appellent le Messie est en effet l’Antéchrist de qui il est dit qu’il naîtra à Babylone, capitale du royaume de Perse, qu’il sera nourri à Bethsaïde et s’établira dans sa jeunesse à Coronaïm. C’est pourquoi Notre-Seigneur a dit : Vhe ! vhe ! tibi Bethsaïda. Vhe ! Coronaïm. L’an 1430, ajoutait frère Richard, apportera les plus grandes merveilles qu’on ait jamais vues[27]. Les temps étaient proches. Il était né, l’homme de péché, le fils de perdition, le méchant, la bête vomie par l’abîme, l’abomination de la désolation ; il sortait de la tribu de Dan, dont il est écrit : Que Dan devienne semblable à la couleuvre du chemin et au serpent du sentier ! Bientôt reviendraient sur la terre les prophètes Élie et Énoch, Moïse, Jérémie et saint Jean l’Évangéliste ; et bientôt se lèverait ce jour de colère, qui réduirait le siècle en poudre, selon le témoignage de David et de la Sibylle[28]. Et le bon frère concluait qu’il fallait se repentir, faire pénitence, renoncer aux faux biens. Enfin, c’était, au sentiment des clercs, un prud’homme, savant en oraisons ; et ses sermons tournaient le peuple à la dévotion plus, croyait-on, que ceux de tous les sermonneurs qui, depuis cent ans, avaient prêché dans la ville. Il était à propos qu’il vint, car, en ce temps-là, le peuple de Paris s’adonnait avec fureur aux jeux de hasard ; les clercs eux-mêmes s’y livraient sans honte, et l’on avait vu, sept ans auparavant, un chanoine de Saint-Merry, grand amateur de dés, tenir un jeu dans sa propre maison[29]. Et malgré la guerre et la famine, les femmes de Paris se chargeaient de parures ; le soin de leur beauté les occupait bien plus que le salut de leur âme.

Frère Richard tonnait surtout contre les damiers des hommes et les atours des dames. Un jour, notamment, qu’il prêchait à Boulogne-la-Petite, il cria sus aux dés et aux hennins et parla si bien que le cœur de ceux qui l’écoutaient en fut changé. De retour au logis, les bourgeois jetèrent dans la rue leurs tables à jeu, leurs damiers, leurs cartes, leurs billards et leurs billes, leurs dés et leurs cornets, et ils en firent un grand feu devant leur porte. Plus de cent de ces feux restèrent allumés dans les rues pendant trois ou quatre heures. Les femmes suivirent le bon exemple : ce jour-là et le lendemain, elles brillèrent publiquement leurs atours de tête, bourreaux, truffaux, pièces de cuir ou de baleine dont elles dressaient le devant de leurs chaperons ; les demoiselles quittèrent leurs cornes et leurs queues, ayant enfin honte de s’attifer en diablesses[30].

Le bon frère fil briller pareillement les racines de mandragores que beaucoup de gens gardaient alors chez eux. Ces racines présentent parfois l’aspect d’un petit homme très laid, d’une difformité bizarre et diabolique. C’est là, peut-être, ce qui fit qu’on leur attribua des vertus singulières. On les habillait magnifiquement, de fin lin et de soie, et l’on conservait ces poupées, dans la croyance qu’elles portaient bonheur et procuraient des richesses. Les sorcières en faisaient grand commerce et ceux qui croyaient que la Pucelle était sorcière l’accusaient très faussement de porter sur elle une mandragore. Frère Richard haïssait ces racines magiques d’autant plus véhémentement qu’il leur reconnaissait le pouvoir de procurer des richesses, sources de tous les maux de ce monde. Cette fois encore sa parole fut entendue ; et beaucoup de Parisiens rejetèrent avec épouvante les mandragores qu’ils avaient payées fort cher à ces vieilles femmes qui veulent trop savoir[31].

Pour mieux édifier les Parisiens, il leur faisait prendre des médailles d’étain, sur lesquelles était frappé le nom de Jésus, objet de sa dévotion particulière[32].

Ayant prêché dix fois en ville et une fois dans le village de Boulogne, le bon frère annonça qu’il s’en retournait en Bourgogne et prit congé des Parisiens.

— Je prierai pour vous, dit-il, priez pour moi. Amen.

Alors toutes gens, les grands et les petits, pleuraient amèrement et abondamment comme si chacun d’eux eût porté en terre son plus doux ami. Il pleura avec eux et consentit à retarder un peu son départ[33].

Le dimanche 1er mai, il devait parler pour la dernière fois au dévot peuple de Paris. Il avait donné rendez-vous à ses fidèles à Montmartre, au lieu même où monseigneur saint Denys avait souffert le martyre. La montagne était, par le malheur des temps, presque inhabitée. Dès la veille au soir, plus de six mille personnes s’y rendirent pour s’assurer d’une bonne place et passèrent la nuit, les uns dans des masures abandonnées, le plus grand nombre dans les champs à la belle étoile. Le matin étant venu, ils ne virent point paraître frère Richard et l’attendirent en vain. Déçus et contristés, ils apprirent enfin que défense de prêcher avait été faite au bon frère[34]. Il n’avait rien dit dans ses sermons qui pût déplaire aux Anglais. Les habitants de Paris qui l’avaient entendu, le croyaient bon ami du régent et du duc de Bourgogne. Peut-être qu’il prit la fuite, ayant appris que la faculté de théologie voulait procéder contre lui. En effet, il professait des opinions singulières et dangereuses sur la fin du monde[35].

Frère Richard s’en fut à Auxerre. Et il alla prêchant par la Bourgogne et la Champagne. S’il était du parti du roi Charles il ne le laissa point paraître. Car, au mois de juin, les Champenois et spécialement les habitants de Châlons le considéraient comme un prud’homme attaché au duc de Bourgogne. Et nous avons vu que le 4 juillet il soupçonna la Pucelle d’être un diable ou une possédée[36].

Elle ne s’y trompa pas. En voyant le bon frère se signer et jeter de l’eau bénite, elle comprit qu’il la prenait pour une chose horrible en manière de femme, pour un fantôme formé par l’esprit du mal et à tout le moins pour une sorcière. Pourtant elle n’en fut pas offensée comme elle l’avait été des soupçons de messire Jean Fournier. A ce prêtre, qui l’avait entendue en confession, elle ne pardonnait pas de douter qu’elle fût bonne chrétienne[37]. Mais frère Richard ne la connaissait pas ; il ne l’avait jamais vue. D’ailleurs elle s’habituait à ces façons. Le Connétable, frère Yves Milbeau, tant d’autres qui venaient à elle, lui demandaient si elle était de Dieu ou du diable[38]. Elle dit au bon prêcheur, sans colère, avec un peu de moquerie :

— Approchez hardiment, je ne m’envolerai pas[39].

En même temps, frère Richard reconnaissait à l’épreuve de l’eau bénite et du signe de la croix que cette jeune fille n’était point un diable et qu’il n’y avait point de diable en elle. Et, comme elle se disait venue de Dieu, il la crut pleinement et la tint pour un ange du Seigneur[40].

Il lui confia la raison de sa venue[41] : Ceux de Troyes doutaient qu’elle fût chose de Dieu ; il s’était rendu à Saint-Phal pour s’en éclaircir. Maintenant il savait qu’elle était chose de Dieu, et ce n’était pas polir l’étonner ; il tenait comme certain que l’année 1430 amènerait les plus grandes merveilles qu’on eût jamais vues, et il s’attendait à rencontrer un jour ou l’autre le prophète Élie marchant et conversant parmi les vivants[42]. Dès ce moment, il s’attacha résolument au parti de la Pucelle et du dauphin. Il croyait le monde trop près de son terme pour s’intéresser au rétablissement du fils de l’Insensé dans son héritage ; ce n’étaient pas les vaticinations de la Pucelle touchant le royaume de France qui l’attiraient vers cette sainte fille, mais il comptait que, après avoir établi la royauté de Jésus-Christ sur la terre des Lis, la prophétesse Jeanne et Charles, vicaire temporel de Jésus-Christ, conduiraient le peuple chrétien à la délivrance du Saint-Sépulcre, œuvre méritoire, qu’il convenait d’accomplir avant la consommation des siècles.

Jeanne dicta une lettre par laquelle, se disant au service du Roi du ciel et parlant au nom de Dieu lui-même, elle mandait aux bourgeois et habitants de la ville de Troyes, en termes doux et pressants, de faire obéissance au roi Charles de France, et les avertissait que, bon gré mal gré, elle entrerait avec le roi dans toutes les villes du saint royaume et ferait bonne paix.

Voici cette lettre[43] :

JHESUS † MARIA

Très Chiers et bons amis, s’il ne tient à vous, seigneurs, bourgeois et habitans de la ville de Troies, Jehanne la Pucelle vous mande et fait sçavoir de par le roy du Ciel, son droitturier et souverain seigneur, duquel elle est chascun jour en son service roial, que vous fassiés vraye obéissance et recongnoissance au gentil roy de France quy sera bien brief à Reins et à Paris, quy que vienne contre, et en ses bonnes villes du sainct royaume, à l’ayde du roy Jhesus. Loiaulx François, venés au devant du roy Charles et qu’il n’y ait point de faulte ; et ne vous doubtés de voz corps ne de voz biens, se ainsi le faictes. Et se ainsi ne le faictes, je vous promectz et certifie sur voz vies que nous entrerons à l’ayde de Dieu en toultes les villes quy doibvent estre du sainct royaulme, et y ferons bonne paix fermes, quy que vienne contre. A Dieu vous commant, Dieu soit garde de vous, s’il luy plaist. Responce brief. Devant la cité de Troyes, escrit à Saint-Fale, le mardi quatriesme jour de juillet[44].

Au dos :

Aux seigneurs, bourgeois de la cité de Troyes.

La Pucelle remit cette lettre au frère Richard, qui se chargea de la porter aux habitants[45].

De Saint-Phal, suivant la voie romaine, l’armée s’avança vers Troyes[46]. A cette nouvelle, le Conseil de la ville s’assembla le mardi 5, de bon matin, et envoya aux habitants de Reims une missive dont voici le sens :

Nous attendons aujourd’hui les ennemis du roi Henri et du duc de Bourgogne pour être assiégés par eux. A l’entreprise de ces ennemis, quelque puissance qu’ils aient, vu et considéré la juste querelle que nous tenons et les secours de nos princes qui nous ont été promis, nous sommes délibérés de nous garder de bien en mieux en l’obéissance du roi Henri et du duc de Bourgogne, jusques à la mort, comme nous avons juré sur le précieux corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, priant les habitants de Reims d’avoir souci de nous, comme frères et loyaux amis, et d’envoyer par devers monseigneur le Régent et le duc de Bourgogne, pour les requérir et supplier de prendre pitié de leurs pauvres sujets et de les venir secourir[47].

Ce même jour, de Brinion-l’Archevêque où il avait pris logis, le roi Charles fit porter dès le matin, par ses hérauts, aux membres du Conseil de la ville de Troyes, des lettres closes, signées de sa main et scellées de son sceau, par lesquelles il leur faisait savoir que, sur l’avis de son Conseil, il avait entrepris d’aller à Reims pour y recevoir son sacre, que son intention était d’entrer le lendemain dans la cité de Troyes et qu’à cette fin il leur mandait et commandait de lui rendre l’obéissance qu’ils lui devaient et de se disposer à le recevoir. Il s’efforçait prudemment de les rassurer sur ses intentions, qui n’étaient point de tirer vengeance des choses passées. Il n’en avait point la volonté, disait-il ; mais qu’ils se gouvernassent envers leur souverain comme ils devaient, il mettrait tout en oubli et les tiendrait en sa bonne grâce[48].

Le Conseil refusa aux hérauts du roi Charles l’entrée de la ville, mais il reçut les lettres, les lut, en délibéra et fit connaître aux hérauts la délibération prise, dont voici la substance :

Les seigneurs chevaliers et écuyers qui sont en la ville, de par le roi Henri et le duc de Bourgogne, ont avec nous, habitants de Troyes, juré de ne faire entrer dans notre ville plus fort que nous, sans l’exprès commandement du duc de Bourgogne. Eu égard à leur serment, ceux qui sont dans la ville n’oseraient y mettre le roi Charles.

Et les conseillers ajoutèrent pour leur excuse :

Quelque vouloir que nous ayons, nous, habitants, il nous faut regarder aux hommes de guerre qui sont dans la ville, plus forts que nous.

Les conseillers firent afficher la lettre du roi Charles et, au-dessous, leur réponse[49].

Ils lurent en Conseil la lettre que la Pucelle avait dictée de Saint-Phal et remise au frère Richard. Le religieux n’avait pas préparé ces bourgeois à la recevoir favorablement, car ils on rirent beaucoup.

— Il n’y a, dirent-ils, à cette lettre ni rime ni raison. Ce n’est que moquerie[50].

Ils la jetèrent au leu sans y faire de réponse. Ils disaient de Jeanne qu’elle était cocarde[51], c’est-à-dire toute niaise. Et ils ajoutaient :

— Nous la certifions être une folle pleine du diable[52].

Ce même jour, à neuf heures du matin, l’armée commença de passer le long des murs et à prendre logis autour de la ville[53].

Ceux qui campèrent au sud-ouest, vers les Hauts-Clos, purent admirer la cité qui dressait au milieu d’une vaste plaine ses longues murailles, ses portes guerrières, ses hautes tours et son beffroi. Ils voyaient à leur droite l’église de Saint-Pierre dont l’ample vaisseau, sans flèches ni tours, s’élevait au-dessus des toits[54]. C’est là que huit ans auparavant avaient été célébrées les fiançailles du roi Henri V d’Angleterre avec madame Catherine de France. Car, en cette ville de Troyes, la reine Ysabeau et le duc Jean avaient fait signer au roi Charles VI, privé de sens et de mémoire, l’abandon du royaume des Lis au roi d’Angleterre et la déchéance de Charles de Valois. Madame Ysabeau avait assisté aux fiançailles de sa fille, vêtue d’une robe de damas de soie bleue et d’une houppelande de velours noir fourrée de quinze cents ventres de menu vair, après quoi elle avait fait venir, pour se distraire, ses oiseaux chanteurs, chardonnerets, pinsons, tarins et linots[55].

A l’arrivée des Français, la plupart des habitants étaient sur les murs, regardant moins en ennemis qu’en curieux, et semblaient ne rien craindre ; ils cherchaient surtout à voir le roi[56].

La ville était forte ; le duc de Bourgogne pourvoyait depuis longtemps à ce qu’elle fût en état de défense. En 1417 et 1419 ceux de Troyes, comme en 1428 ceux d’Orléans, avaient rasé leurs faubourgs et démoli toutes les maisons situées hors de la ville à deux ou trois cents pas des remparts. L’arsenal était pourvu ; les magasins regorgeaient de vivres, mais la garnison anglo-bourguignonne ne se composait que de trois cent cinquante à quatre cents hommes[57].

Ce même jour encore, à cinq heures de l’après-midi, les conseillers de la ville de Troyes mandèrent aux habitants de Reims l’arrivée des Armagnacs, leur envoyèrent copie de la lettre de Charles de Valois, de la réponse qu’ils y avaient faite et de la lettre de la Pucelle, qu’ils n’avaient donc pas brûlée tout de suite ; et leur firent part de la résolution où ils étaient de résister jusqu’à la mort, au cas où ils fussent secourus.

Ils écrivirent semblablement aux habitants de Châlons pour les aviser de la venue du dauphin, et ils leur firent connaître que la lettre de Jeanne la Pucelle avait été portée à Troyes par frère Richard le prêcheur[58].

Ces écritures revenaient à dire : Comme tout bourgeois en pareille occurrence, nous risquons d’être pendus par les Bourguignons et par les Armagnacs, de quoi nous aurions grand regret. Pour conjurer autant que possible cette disgrâce, nous donnons à entendre au roi Charles de Valois, que nous ne lui ouvrons pas nos portes, parce que la garnison nous en empêche, et que nous sommes les plus faibles, ce qui est vrai. Et nous faisons connaître à nos seigneurs le Régent et le duc de Bourgogne que la garnison étant trop faible pour nous garder, ce qui est vrai, nous demandons à être secourus, ce qui est loyal, et nous comptons bien ne pas l’être, car alors il nous faudrait subir un siège et risquer d’être pris d’assaut, ce qui est une cruelle extrémité pour des marchands. Mais ayant demandé à être secourus et ne l’étant pas, nous nous rendrons sans encourir de reproche. Le point important est de faire déguerpir la garnison, heureusement petite. Quatre cents hommes, c’est peu pour nous défendre, c’est trop pour nous rendre. Quant à charger les habitants de la ville de Reims de demander secours pour eux et pour nous, c’est montrer à notre seigneur de Bourgogne notre bonne volonté et nous n’y risquons rien, car nous savons de reste que nos compères les Rémois s’arrangent comme nous pour demander aide et n’en point recevoir, et qu’ils guettent le moment d’ouvrir leurs portes au roi Charles, qui a une forte armée. Et pour tout dire, nous résisterons jusqu’à la mort si nous sommes secourus, ce qu’à Dieu ne plaise !

Ainsi pensaient finement ces âmes champenoises.

Les bourgeois tirèrent quelques boulets de pierre sur les Français ; la garnison escarmoucha quelque peu et rentra dans la ville[59].

Cependant l’armée du roi Charles criait famine[60]. Le conseil qu’on avait reçu du seigneur archevêque d’Embrun de pourvoir aux vivres par les moyens de la prudence humaine était plus facile à donner qu’à suivre. Il y avait dans le camp bien six à sept mille hommes qui de huit jours n’avaient mangé de pain. Les gens d’armes se nourrissaient, vaille que vaille, d’épis de blé pilés encore verts et de fèves nouvelles qu’ils trouvaient en abondance. On se rappela alors que, durant le carême de la Saint-Martin, frère Richard avait dit aux gens de Troyes : Semez des fèves largement : Celui qui doit venir viendra bientôt. Ce que le bon frère avait dit des semailles au sens spirituel fut pris au sens littéral ; par un beau coq-à-l’âne, ce qui s’entendait de la venue du Messie fut appliqué à la venue du roi Charles. Frère Richard passa pour le prophète des Armagnacs et les gens d’armes crurent de bonne foi que ce prêcheur évangélique avait fait pousser les fèves qu’ils cueillaient et pourvu à leur nourriture par sa prud’homie, sagesse et pénétration dans les conseils du Dieu qui donna dans le désert la manne au peuple d’Israël[61].

Le roi, qui logeait à Brinion depuis le 4 juillet, arriva devant Troyes, après dîner, le vendredi 8[62]. Ce jour même il tint conseil avec les chefs de guerre et les princes du sang royal pour aviser si l’on resterait devant la ville jusqu’à ce qu’on obtînt, soit par promesses, soit par menaces, qu’elle se soumit, ou si l’on passerait outre, la laissant de côté comme Auxerre[63].

La discussion avait beaucoup duré quand la Pucelle survint et prophétisa :

— Gentil dauphin, dit-elle, ordonnez à vos gens d’assaillir la ville de Troyes et ne durez pas davantage en de trop longs conseils, car, en nom de Dieu, avant trois jours, je vous ferai entrer dans la ville, qui sera vôtre par amour ou par puissance et courage. Et en sera la fausse Bourgogne bien sotte[64].

Pourquoi, contre l’habitude, l’avait-on appelée au Conseil ? Il s’agissait de tirer quelques coups de canon et de faire mine d’escalader les murs, de donner enfin un semblant d’assaut. On le devait bien aux habitants de Troyes, à ces bourgeois, à ces gens d’Église, qui ne pouvaient décemment céder qu’à la force ; et il fallait effrayer le menu peuple qui restait Bourguignon de cœur. Probablement le seigneur de Trèves ou quelque autre jugeait que la petite sainte, en se montrant sous les remparts, inspirerait aux ouvriers tisseurs de Troyes une terreur religieuse.

On n’eut qu’à la laisser faire. Au sortir du Conseil, elle monta à cheval et, sa lance à la main, courut aux fossés, suivie d’une foule de chevaliers, d’écuyers et d’artisans[65]. L’attaque fut préparée contre le mur du nord-ouest, entre la porte de la Madeleine et celle de Comporté[66]. Jeanne, qui croyait fermement que par elle la ville serait prise, excita toute la nuit les gens à apporter des fagots et à mettre l’artillerie en place. Elle criait : A l’assaut ! et faisait le geste de jeter des fascines dans les fossés[67].

Cette menace produisit l’effet attendu. Les gens de petit état, voyant déjà la ville prise et s’attendant à ce que les Français vinssent piller, massacrer, violer, selon l’usage, se réfugièrent dans les églises. Quant aux clercs et aux notables, ils n’en demandèrent pas davantage[68].

Charles de Valois ayant fait savoir qu’on pouvait aller à lui en toute sûreté, le seigneur évêque Jean Laiguisé, messire Guillaume Andouillette, maître de l’Hôtel-Dieu, le doyen du chapitre, les membres du clergé, les notables, se rendirent auprès du roi[69]

Jean Laiguisé prit la parole. Il venait faire la révérence au roi et avait à cœur d’excuser ceux de la ville.

— Il ne tient pas à eux, dit-il, que le roi n’y entre à son bon plaisir. Le bailli et les gens de la garnison, qui sont bien de trois à quatre cents, gardent les portes et s’opposent à ce qu’on les ouvre. Qu’il plaise au roi d’avoir patience jusqu’à ce que j’aie parlé à ceux de la ville. J’espère qu’aussitôt que je leur aurai parlé, ils donneront l’entrée et feront obéissance en sorte que le roi sera content d’eux[70].

Le roi, répondant à l’évêque, lui exposa les raisons de son voyage et les droits qu’il avait sur la ville de Troyes.

— Je pardonnerai sans réserve, ajouta-t-il, tout ce qui fut fait au temps passé. Je tiendrai les habitants de Troyes en paix et franchise, à l’exemple du roi saint Louis[71].

Jean Laiguisé demanda que les gens d’église qui avaient régales ou collations du feu roi Charles VI les gardassent et que ceux qui les avaient du roi Henri d’Angleterre prissent lettres du roi Charles et qu’ils gardassent leurs bénéfices, au cas même où le roi en eût fait collation à d’autres.

Le roi y consentit, et le seigneur évêque crut voir un nouveau Cyrus.

Il rapporta ce colloque au Conseil de la ville qui délibéra et conclut de rendre obéissance au roi, attendu son bon droit et moyennant qu’il ferait absolution générale de huis les cas, ne laisserait point do garnison el abolirait les aides, excepté la gabelle[72].

Sur quoi, le Conseil fit connaître, par lettres, cette résolution aux habitants de Reims en les exhortant à en prendre une semblable.

Ainsi, dirent-ils, nous aurons même seigneur ; vous préserverez vos corps et vos biens, comme nous avons fait. Car autrement nous étions perdus. Nous ne regrettons point notre soumission. Il nous déplaît seulement d’avoir tant tardé. Vous serez joyeux de faire de même, d’autant que le roi Charles est le prince de la plus grande discrétion, entendement et vaillance qui de longtemps soit sorti de la noble maison de France[73].

Frère Richard s’en fut trouver la Pucelle. Sitôt qu’il l’aperçut, et de fort loin, il s’agenouilla devant elle. Quand elle le vit, elle s’agenouilla pareillement devant lui, et ils se firent grande révérence. Rentré dans la ville, le bon frère prêcha abondamment le peuple et l’exhorta à se mettre en l’obéissance du roi Charles.

— Dieu, dit-il, avise à son succès. Il lui a donné pour l’accompagner et conduire à son sacre une sainte Pucelle qui, comme je le crois fermement, a autant de puissance à pénétrer les secrets de Dieu, qu’aucun saint du Paradis, excepté saint Jean l’Évangéliste[74].

C’était le moins que le bon frère laissât au-dessus de la Pucelle le premier des saints, l’apôtre qui avait reposé sa tête sur la poitrine de Jésus, le prophète qui devait revenir sur la terre, à la consommation des siècles, avant peu.

— Si elle voulait, disait encore frère Richard, elle pourrait faire entrer tous les gens d’armes du roi par-dessus les murs, et comme il lui plairait. Elle peut beaucoup d’autres choses encore.

Ceux de la ville avaient grande foi et confiance en ce bon père qui parlait bien. Ce qu’il disait de la Pucelle leur parut admirable et les tourna à l’obéissance d’un roi si bien accompagné. Ils crièrent tous d’une voix[75] :

— Vive le roi Charles de France !

Il fallait maintenant traiter avec le bailli, qui n’était pas intraitable, puisqu’il avait souffert cette allée et venue de la ville au camp et du camp à la ville, et trouver un moyen honnête de se débarrasser de la garnison. A cet effet, précédée du seigneur évêque, la commune alla très nombreuse vers le bailli et les capitaines et les somma de mettre la ville en sûreté[76]. Ce dont ils étaient bien incapables, car de délivrer une ville qui ne voulait pas être délivrée et de chasser trente taille Français, ils ne le pouvaient vraiment faire.

Comme les habitants l’avaient prévu, le bailli se trouvait dans un grand embarras. Ce que voyant, les conseillers de la ville lui dirent :

— Si vous ne voulez tenir le traité que vous avez fait pour le bien public, nous mettrons les gens du roi dans la ville, que vous le veuillez ou non.

Le bailli et les capitaines se refusèrent à trahir les Anglais et les Bourguignons qu’ils servaient, mais ils consentirent à s’en aller. C’est tout ce qu’on leur demandait[77]

La ville ouvrit ses portes au roi Charles. Le dimanche 10 juillet de très bon matin, la Pucelle entra la première dans Troyes, avec les communes dont elle était aimée si chèrement. Frère Richard l’accompagnait. Elle mit les gens de trait le long des rues que devait suivre le cortège, afin que le roi de France traversât la ville entre une double haie de ces piétons qui l’avaient suivi et grandement aidé[78].

Tandis que Charles de Valois entrait par une porte la garnison bourguignonne sortait par une autre[79]. Comme il avait été convenu, les gens du roi Henri et du duc Philippe emportaient leurs armes et leurs biens. Or, dans leurs biens, ils comprenaient les prisonniers du parti français, qu’ils avaient reçus à rançon. Ils n’avaient pas tout à fait tort, semble-t-il, selon les usages et coutumes de la guerre, mais c’était pitié de voir ces gens du roi Charles emmenés ainsi captifs à la venue de leur seigneur. La Pucelle en fut avertie et son bon cœur s’émut. Elle courut à la porte de la ville où déjà les gens de guerre étaient réunis avec armes et bagages. Elle y trouva les seigneurs de Rochefort et Philibert de Moslant, les interpella, leur cria de laisser les gens du dauphin. Les capitaines n’entendaient pas de cette oreille-là.

— C’est fraude et malice, lui dirent-ils, de venir ainsi contre le traité.

Cependant les prisonniers priaient à genoux la sainte de les garder.

— En nom Dieu, s’écria-t-elle, ils ne partiront pas[80].

Durant cette altercation, un écuyer bourguignon faisait à part lui sur la Pucelle des Armagnacs des réflexions qu’il révéla par la suite. C’est par ma foi, songeait-il, la plus simple chose que je vis oncques. En son rail il n’y a ni rime ni raison, non plus qu’en le plus sot que je vis oncques. Je ne la compare pas à si vaillante femme comme madame d’Or, et les Bourguignons ne font qui se moquer de ceux qui ont peur d’elle[81].

Pour entendre la finesse de cette plaisanterie il faut savoir que madame d’Or, haute comme une botte, tenait l’emploi de sotte auprès de monseigneur Philippe[82].

La Pucelle ne put s’entendre, au sujet des prisonniers, avec les seigneurs de Rochefort et de Moslant. Ils avaient pour eux le droit de la guerre. Elle n’avait pour elle que les raisons de son bon cœur. Ce débat parut fort plaisant aux gens d’armes des deux obéissances. Quand il en fut instruit, le roi Charles sourit et dit que, pour appointer les parties, il payerait la rançon des prisonniers, qui fut fixée à un marc d’argent par tête. Les Bourguignons, en recevant cette somme, louèrent fort le roi de France de ses grandes manières[83].

Ce même jour de dimanche, environ neuf heures du matin, le roi Charles fit son entrée. Il avait revêtu ses habits de fête, éclatants de velours, d’or et de pierreries ; le duc d’Alençon et la Pucelle, tenant sa bannière à la main, chevauchaient à ses côtés ; il était suivi de toute sa chevalerie. Les habitants allumèrent des feux de joie et dansèrent des rondes ; les petits enfants crièrent : Noël ! frère Richard prêcha[84].

La Pucelle fit ses dévotions dans les églises. En une de ces églises elle tint un entant sur les fonts du baptême. On lui demandait souvent, comme à une princesse ou à une sainte femme, d’être marraine d’enfants qu’elle ne connaissait pas et qu’elle ne devait jamais revoir. Elle donnait de préférence aux garçons le nom de Charles, pour l’honneur de son roi, et aux tilles son nom de Jeanne. Elle nommait parfois aussi ses filleuls comme les mères voulaient[85].

Le lendemain, 11 juillet, l’armée, qui était restée aux champs sous le commandement de messire Ambroise de Loré, traversa la ville. L’entrée des gens d’armes était un fléau aussi redouté des bourgeois que la peste noire[86]. Le roi Charles, qui traitait les habitants de Troyes avec d’extrêmes ménagements, prit soin de contenir le fléau. Par son commandement, les hérauts crièrent que nul ne fût si hardi, sous peine de la hart, d’entrer dans les maisons et de rien prendre contre le gré et la volonté de ceux de la ville[87].

 

 

 



[1] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 90. — Perceval de Cagny, pp. 158-159. — Morosini, t. III, pp. 142, 143.

[2] Chronique de la Pucelle, p. 314. — Journal du siège, pp. 108-109. — Monstrelet, t. IV, p. 330. —Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 92. — Morosini, t. III, p. 142 et note 3.

[3] Procès, t. I, pp. 54, 222.

[4] Abbé Lebeuf, Histoire ecclésiastique et civile d’Auxerre, t. II, p. 251 ; t. III, pp. 302, 506.

[5] Chardon, Histoire de la ville d’Auxerre, Auxerre. 1834 (2 vol. in-8 t. II, p. 238).

[6] Dom Plancher, Histoire de Bourgogne, t. II, p. 76. — Chardon, Histoire de la ville d’Auxerre, t. II. pp. 257 et suiv. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 383.

[7] Journal du siège, p. 108. — Chronique de la Pucelle, p. 313. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 90. — Monstrelet, t. IV, p. 436. — Abbé Lebeuf, Histoire ecclésiastique d’Auxerre, t. II, p. 51. — Chardon, Histoire de la ville d’Auxerre, t. II, p. 259.

[8] Morosini, t. III, p. 149. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 90. — Chronique de la Pucelle, p. 313. — Monstrelet, t. IV, p. 336. — Gilles de Roye, dans Collection des chroniques belges, pp. 206, 207. — Chardon, Histoire de la ville d’Auxerre, t. II, p. 260.

[9] Jean Chartier, Journal du siège, Chronique de la Pucelle, loc. cit.

[10] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 290-292. — Monstrelet, t. IV, p. 336. — Journal du siège, p. 109. — Chronique de la Pucelle, p. 314. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 91. — Procès, t. V, pp. 264-265.

[11] Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale, Paris, 1872 (5 vol. in-8°), t. II, p. 182.

[12] P. Bourquelot, Les foires de Champagne, Paris, 1865, t. I, p. 65. — Louis Batiffol, Jean Jouvenel, prévôt des marchands, Paris, 1894, in-8°.

[13] Gallia Christiana, t. XIII, col. 51i-516. — Courtalon-Delaistre, Topographie historique du diocèse de Troyes (Troyes, 1783, 3 vol. in-8°), t. I, p. 384. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 477-478. — De Pange, Le pays de Jeanne d’Arc, le fief et l’arrière-fief, Paris 1902, in-8°, p. 33.

[14] S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, p. CCXX et preuves, CCIX, pp. 238-239. — Robillard de Beaurepaire, Les États de Normandie sous la domination anglaise, Évreux, 1859, in-8°.

[15] Labbe et Cossart, Sacro-Sancta-Consilia, t. XII, col. 392.

[16] Labbe et Cossart, Sacro-Sancta-Consilia, t. XII, col. 390, 399.

[17] De Pange, Le pays de Jeanne d’Arc, le fief et l’arrière-fief, p. 33.

[18] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 285.

[19] Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 316 et suiv.

[20] J. Rosier, dans Procès, t. IV, pp. 287, 288. — Th. Boutiot, Victoire de la ville de Troyes, t. II, p. 490. — A. Assier, Une cité champenoise au XVe siècle, Troyes, 1875, in-12.

[21] Procès, t. I, pp. 99, 100. — Relation du greffier de La Rochelle, p. 338. — Chronique de la Pucelle, p. 315. — Journal du siège, pp. 109-110.

[22] Ed. Richer dit qu’il se nommait Roch Richard, licencié en théologie ; Histoire manuscrite de la Pucelle (Bibl. Nat., fr. 10448), livre I, folios 50 et suiv. — Abbé Dunand, Histoire de Jeanne d’Arc, t. II, p. 214. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 499.

[23] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 235. — Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 104. — Vallet de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, 1867. Introduction ; Notes sur deux médailles de plomb relatives à Jeanne d’Arc, Paris, 1861, p. 22. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, p. CCXXXIX.

[24] Journal du siège, p. 110.

[25] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 233. — Labbe, Boutiot, loc. cit.

[26] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 234.

[27] Ibid., p. 233.

[28] Th. Basin, Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, t. IV, pp. 103, 104.

[29] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 236.

[30] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 434-435.

[31] Procès, t. I, pp. 89, 213. — Journal d’un bourgeois de Paris, p. 236.

[32] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 242, 243. — Vallet de Viriville, Notes sur deux médailles de plomb relatives à Jeanne d’Arc, dans Revue Archéologique, 1861, pp. 429, 433. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, chap. X.

[33] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 236.

[34] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 237.

[35] Il reste à savoir comment l’auteur du journal dit d’Un bourgeois de Paris n’en fut pas scandalisé, tout bon universitaire qu’il était, mais, au contraire, s’édifia des propos de ce bon père. — Th. Basin, Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, t. IV, p. 104.

[36] J. Rogier dans Procès, t. IV, p. 290.

[37] Procès, t. II, p. 446.

[38] Gruel, Chronique de Richemont, p. 71. — Eberhard Windecke, pp. 178, 179.

[39] Procès, t. I, p. 100.

[40] Ibid., t. I, p.100.

[41] Ibid., t. I, pp. 99, 100. — Relation du greffier de La Rochelle, p. 312.

[42] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 233.

[43] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 287.

[44] Il faut lire le lundi 4 juillet.

[45] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 287, 288, 290.

[46] Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 493.

[47] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 288-289.

[48] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 292. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 494.

[49] Ibid., t. IV, p. 289.

[50] Ibid., p. 290.

[51] Dans le Mistère du siège d’Orléans l’anglais Fauquembergue traite aussi Jeanne de coquarde :

Y nous fault prandre la toquarde,

Qui veult les François gouverner.

Vers 12689-90.

[52] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 290.

[53] Ibid. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 492.

[54] L. Pigeotte, Étude sur les travaux d’achèvement de la cathédrale de Troyes, p. 9. — A. Babeau, Les vues d’ensemble de Troyes, Troyes, 1892, in-8°, p. 13. — A. Assier, Une cité champenoise au XVe siècle, Paris, 1875, in-8°.

[55] Comptes de l’argenterie de la reine, dans Jean Chartier, Chronique, t. III, pp. 236, 237. — De Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, t. III, pp. 122, 125. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 216. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 118, 1119.

[56] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 289.

[57] Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 311, 418, 419. — A. Assier, Une cité champenoise au XVe siècle, p. 8.

[58] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 289, 290.

[59] Journal du siège, p. 109. — Chronique de la Pucelle, pp. 314-315. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 91. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 497.

[60] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 91.

[61] Journal du siège, pp. 109, 110. — Chronique de la Pucelle, p. 315. — Jean Chartier, Chronique, pp. 91, 92.

[62] Perceval de Cagny, p. 157. — Voyez toutefois Morosini, t. III, p. 143, note.

[63] Procès, t. III, pp. 13, 117. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 92. — Chronique de la Pucelle, p. 315. — Chartier et la Chronique de la Pucelle, font parler Regnault de Chartres et Robert Le Maçon avec une extrême invraisemblance. Le chancelier n’a pas pu dire qu’on n’avait pas gens en nombre suffisant et, dans ce Conseil de guerre il n’a pu être question de retourner à Gien. Il s’agissait de savoir, comme le dit Dunois, si l’on irait tout de suite sur Reims et non si l’on retournerait à Gien, selon l’opinion de Chartier.

[64] Procès, t. III, pp. 13, 117. — Chronique de la Pucelle, p. 317. — Journal du siège, p. 110. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 94.

[65] Procès, t. III, pp. 13, 14, 117. —Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 96. — Journal du siège, p. 111. — Chronique de la Pucelle, p. 78. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 225.

[66] Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 497, note. — A. Assier, Une cité champenoise au XVe siècle, Paris, 1875, in-8°, p. 26.

[67] Procès, t. III, p. 117.

[68] Ibid., t. III, p. 117. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 96. — J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 296.

[69] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 295. — Procès, pp. 13, 14, 17. — Chartier, Journal du siège, Chronique de la Pucelle. — Camusat, Mél. hist. part. II, fol. 214.

[70] Relation du greffier de La Rochelle, dans Revue Historique, t. IV, p 342. — Chronique de la Pucelle, Journal du siège, Chartier, Gilles de Roye dans Chartier, t. III, p. 205.

[71] J. Rogier, dans Procès, t. IV, p. 296.

[72] Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 142. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 500. — A. Roserot, Le plus ancien registre des délibérations du Conseil de la ville de Troyes, dans Coll. de Doc. inédits sur la ville de Troyes, t. III, p. 175.

[73] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 295, 296.

[74] Relation du greffier de La Rochelle, dans Revue Historique, t. IV, p. 342.

[75] Relation du greffier de La Rochelle, dans Revue Historique, t. IV, p. 342.

[76] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 296-297.

[77] Procès, t. III, pp. 13 et 117 ; t. IV, pp. 296, 297. — Jean Chartier, Chronique, t. III, p. 205. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 499, 500. — M. Poinsignon, Histoire générale de la Champagne et de la Brie, Châlons, 1885, t. I, pp. 352 et suiv. — A. Assier, Une cité champenoise au XVe siècle, Paris, 1875, in-12, pp. 16, 17.

[78] Procès, t. I, p. 102. — Chronique de la Pucelle, p. 319.

[79] Chartier, Journal du siège, Chronique de la Pucelle, loc. cit.

[80] Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 95, 96. — Journal du siège, p. 112. — Chronique de la Pucelle, p. 319.

[81] J. Rogier, dans Procès, t. IV, pp. 296-297.

[82] Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 168. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, pp. CLXXIII, CLXXIV.— P. Champion, Notes sur Jeanne d’Arc, I. Madame d’Or et Jeanne d’Arc, dans le Moyen Age, juillet-août, 1907, pp. 193-199.

[83] Chronique de la Pucelle, p. 319. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 96. — Journal du siège, p. 112. — Un prince de façon, Martial d’Auvergne, Vigiles, t. I, pp. 106, 107.

[84] Procès, t. I, p. 102. — Lettre de trois gentilshommes angevins, dans Procès, t. V, p. 130. — Relation du greffier de La Rochelle, p. 342. — Chronique de la Pucelle, p. 319. — Morosini, t. III, p. 176. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 504 et suiv.

[85] Procès, t. I, p. 103.

[86] T. Babeau, Le guet et la milice bourgeoise à Troyes, pp. 4 et suiv.

[87] Relation du greffier de La Rochelle, p. 342. — Chronique de la Pucelle, p. 319. — Journal du siège, p. 112. — Th. Boutiot, Histoire de la ville de Troyes, t. II, p. 505. — A. Roserot, Le plus ancien registre des délibérations du Conseil de Troyes, dans Coll. de Documents inédits de la ville de Troyes, t. III, pp. 175 et suiv.