VIE DE JEANNE D’ARC

Tome I

CHAPITRE II. — LES VOIX.

 

 

Or, âgée d’environ treize ans, un jour d’été, à l’heure de midi, dans le jardin de son père, elle entendit une voix qui lui fit grand’peur. Cette voix parlait à la droite de l’enfant vers l’église, et était accompagnée d’une lumière qui se montrait du même côté ; elle lui disait :

— Je viens de Dieu pour t’aider à te bien conduire[1]. Jeannette, sois bonne et Dieu t’aidera.

Jeanne était à jeun, mais non pas épuisée d’inanition ; elle avait mangé la veille[2].

Un autre jour, la voix se fit encore entendre et répéta :

— Jeannette, sois bonne !

L’enfant ignorait encore de qui venait la voix. Mais la troisième fois, en l’écoutant, elle sut que c’était la vois d’un ange et même elle reconnut que cet ange était saint Michel. Elle ne pouvait s’y tromper, le connaissant bien : c’était le patron du duché de Bar[3]. Elle le voyait parfois contre quelque pilier d’église ou de chapelle, sous l’aspect d’un beau chevalier, portant le heaume couronné, la cotte d’armes et l’écu, et transperçant le démon de sa lance[4]. On le représentait aussi tenant les balances dans lesquelles il pesait les âmes, car il était prévôt du ciel et gardien du paradis[5], à la fois le chef des milices célestes et l’ange du Jugement[6]. Il se plaisait sur les hauts lieux[7]. C’est pourquoi on lui avait consacré une chapelle en Lorraine sur le mont Sombar, au nord de la ville de Toul. Apparu très anciennement à l’évêque d’Avranches, il lui avait ordonné de construire une église sur le mont Tombe, à l’endroit où l’on trouverait un taureau que des voleurs y avaient caché, et d’asseoir l’édifice sur toute l’aire foulée par les pieds du taureau. Ce fut en observation de ce commandement que s’éleva l’abbaye du Mont-Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer[8].

Vers le temps où l’enfant avait ces apparitions, les défenseurs du Mont-Saint-Michel déconfirent les Anglais qui attaquaient la forteresse par terre et par mer. Les Français attribuèrent cette victoire à la toute-puissante intercession de l’archange[9]. Et pourquoi n’eût-il pas favorisé les Français qui lui vouaient une dévotion spéciale ? Depuis que monseigneur saint Denys avait laissé prendre son abbaye par les Anglais, monseigneur saint Michel, qui gardait si bien la sienne, était en passe de devenir le véritable patron du royaume[10]. Le dauphin Charles, en l’an 1419, avait fait peindre des panonceaux à la ressemblance de saint Michel tout armé, tenant une épée nue et faisant manière de tuer un serpent[11]. Mais des miracles de monseigneur saint Michel en Normandie la fille de Domremy ne savait pas grand’chose.

Elle reconnut l’ange à ses armes, à sa courtoisie et aux belles maximes qui sortaient de sa bouche[12].

Il lui dit un jour :

— Sainte Catherine et sainte Marguerite viendront à toi. Agis par leurs conseils, car elles sont ordonnées pour te conduire et te conseiller en ce que tu auras à faire, et tu les croiras en ce qu’elles te diront. Et ces choses s’accomplissent par le commandement de Notre-Seigneur[13].

Cette promesse lui causa une grande joie, car elle les aimait bien l’une et l’autre. Madame sainte Marguerite était grandement honorée dans le royaume de France et elle y faisait beaucoup de grâces. Elle assistait les femmes en couches[14] et protégeait les paysans au labour. Elle était la patronne des liniers, des recommanderesses, des mégissiers et des blanchisseurs de laine. On lui était dévot en Champagne et en Lorraine autant qu’en aucun pays chrétien. Des religieux y promenaient à dos de mulet, par les villes et les villages, une chasse contenant ses précieuses reliques. Ils les faisaient toucher et recevaient pour cela d’abondantes aumônes[15]. Jeanne avait vu maintes fois à l’église madame sainte Marguerite peinte au naturel, un goupillon à la main, le pied sur la tête du dragon[16]. Elle en savait l’histoire telle qu’on lit contait alors et à peu près de la manière que voici.

La bienheureuse Marguerite naquit à Antioche. Son père, Théodose, était prêtre des gentils. Elle fut mise en nourrice et baptisée secrètement. Un jour de sa quinzième année, comme elle gardait les brebis de sa nourrice, le gouverneur Olibrius la vit, et, frappé de sa beauté, conçut pour elle une grande passion.

C’est pourquoi il dit à ses serviteurs : Allez et amenez-moi cette fille, afin que je l’épouse si elle est de condition libre, ou que je la prenne pour servante si elle est esclave.

Et lorsqu’elle lui fut amenée, il lui demanda son pars, son nom et sa religion. Elle répondit qu’elle se nommait Marguerite et qu’elle était chrétienne.

Et Olibrius lui dit :

— Comment une fille noble et belle comme toi peut-elle adorer Jésus le crucifié ?

Et parce qu’elle répondit que Jésus-Christ vivait éternellement, le gouverneur irrité la fit mettre en prison.

Le lendemain il la manda à son tribunal et lui dit :

— Malheureuse fille, aie pitié de ta propre beauté, et adore nos dieux afin d’en retirer avantage. Mais si tu persistes dans ton aveuglement, je ferai déchirer ton corps.

Et Marguerite répondit :

— Jésus s’est livré à la mort pour moi, et moi, je désire mourir pour lui.

Alors le gouverneur donna l’ordre de la suspendre sur le chevalet, de la fouetter de verges et de lui déchirer les chairs avec des ongles de fer. Et le sang coula du corps de la vierge comme d’une source très pure.

Les assistants pleuraient et le gouverneur se couvrit le visage de son manteau pour ne pas voir le sang. Et il ordonna de la détacher et de la reconduire dans sa prison.

Elle y fut tentée par l’Esprit, et elle pria le Seigneur de lui faire voir l’ennemi qu’elle avait à combattre. Et voici qu’un énorme dragon, se montrant devant elle, s’élança pour la dévorer. Mais elle fit le signe de la croit et il disparut. Alors le diable emprunta, pour la séduire, l’aspect d’un homme. Il vint doucement à elle, lui prit les mains et dit : Marguerite, c’est assez de ce que tu as fait. Mais elle le saisit par les cheveux, le jeta à terre, lui mit le pied droit sur la tête et s’écria : Tremble, ennemi superbe, tu gis sous le pied d’une femme ! Le lendemain, en présence du peuple, elle fut amenée devant le juge, qui lui ordonna de sacrifier aux idoles. Et, comme elle s’y refusa, il lui fit brûler le corps avec des torches ardentes, mais elle semblait n’éprouver aucun mal. Et de peur que, frappé de ce miracle, le peuple ne se convertît en foule, Olibrius ordonna de décapiter la bienheureuse Marguerite. Elle dit au bourreau : Frère, prends ton glaive et frappe-moi. Il lui abattit la tête d’un seul coup. L’âme s’envola au ciel sous la forme d’une colombe[17].

Cette histoire avait été mise en chansons et en mystères[18]. Elle était si connue, que le nom du gouverneur, avili par la raillerie, devenu tout à fait ridicule, se donnait communément aux fanfarons et aux glorieux et qu’on disait d’un sot qui fait le méchant garçon : C’est un olibrius[19].

Madame sainte Catherine, que l’ange avait annoncée à Jeanne en même temps que madame sainte Marguerite, gardait sous sa protection spéciale les jeunes filles, et particulièrement les servantes et les fileuses. Les orateurs et les philosophes avaient pris aussi pour patronne la vierge qui avait confondu les cinquante docteurs et triomphé des mages de l’Orient. On lui faisait dans la vallée de la Meuse des oraisons en rimes, comme celle-ci

Ave, tres sainte Catherine,

Vierge pucelle nette et fine[20].

Elle n’était pas non plus pour Jeanne une étrangère cette belle dame qui avait son église à Maxey, sur l’autre bord de la rivière et dont le nom était porté par la fille aînée d’Isabelle Romée[21].

Jeanne assurément ne connaissait pas l’histoire de madame sainte Catherine telle que la savaient les grands clercs, telle, par exemple, que la mettait en écrit, vers ce temps-là, messire Jean Miélot, secrétaire du duc de Bourgogne. Jean Miélot disait comment la vierge d’Alexandrie réprouva les subtils arguments d’Homère, les syllogismes d’Aristote, les très sages raisons d’Esculape et de Gallien, médecins renommés, pratiqua les sept arts libéraux et disputa selon les règles de la dialectique[22]. La fille de Jacques d’Arc n’entendait rien à cela ; elle connaissait madame sainte Catherine par des récits tirés de quelque histoire en langue vulgaire comme il en courait tant à cette époque, en prose ou en rimes[23].

Fille du roi Costus et de la reine Sabinelle, Catherine, au sortir de l’enfance, était versée dans l’étude des arts, et habile à broder la soie. La beauté de son corps resplendissait, mais son âme demeurait plongée dans les ténèbres de l’idolâtrie. Plusieurs barons de l’empire la recherchaient en mariage ; elle les dédaignait et disait : Trouvez-moi un époux qui soit sage, beau, noble et riche. Or, pendant son sommeil, elle eut une vision. La Vierge Marie lui apparut tenant l’Enfant Jésus dans ses bras et dit :

— Catherine, veux-tu prendre celui-ci pour ton époux ? Et vous, mon très doux fils, voulez-vous avoir cette vierge pour épouse ?

L’Enfant Jésus répondit

— Ma mère, je ne la veux point ; éloignez-la plutôt de vous, parce qu’elle est idolâtre. Mais si elle consent à se faire baptiser, je lui promets de mettre à son doigt l’anneau nuptial.

Désireuse d’épouser le Roi des cieux, Catherine alla demander le saint baptême à l’ermite Ananias, qui vivait en Arménie, dans la montagne Nègre. Peu de jours après, comme elle priait dans sa chambre, elle vit venir Jésus-Christ au milieu d’un chœur nombreux d’anges, de saints et de saintes.’ Il s’approcha d’elle et lui mit au doigt son anneau. Et Catherine connut seulement alors que ces noces étaient des noces spirituelles.

En ce temps-là, Maxence était empereur des Romains. Il ordonna aux habitants d’Alexandrie d’offrir aux idoles de grands sacrifices. Catherine, qui priait dans son oratoire, entendit les chants des prêtres et les mugissements des victimes. Aussitôt elle se rendit sur la place publique et, ayant vu Maxence à la porte du temple, elle lui dit :

— Comment es-tu assez insensé pour ordonner à cette foule de rendre hommage à des idoles ? Tu admires ce temple que tu as élevé par la plain des ouvriers. Tu admires ces ornements précieux qui ne sont que de la poussière qu’emporte le vent. Tu devrais plutôt admirer le ciel et la terre, et la mer, et tout ce qui y est contenu. Tu devrais admirer les ornements des cieux, le soleil, la lune et les étoiles ; tu devrais admirer les cercles de ces astres qui, depuis le commencement du monde, courent vers l’Occident et reviennent à l’Orient, et ne se fatiguent jamais. Et quand tu auras remarqué toutes ces choses, interroge et apprends quel en est l’auteur. C’est notre Dieu, le Seigneur des Dominations et le Dieu des dieux.

— Femme, répondit l’empereur, laisse-nous achever le sacrifice ; ensuite nous te ferons réponse.

Et il ordonna que Catherine fût conduite au palais et gardée avec soin ; et comme il admirait la grande sagesse et la merveilleuse beauté de cette vierge, il vianda cinquante docteurs versés dans la science des Égyptiens et dans les arts libéraux, et, les ayant assemblés, il leur dit :

— Une fille d’un esprit subtil affirme que nos dieux ne sont que des démons. J’aurais pu la contraindre à sacrifier ou la faire punir ; mais j’ai jugé plus convenable qu’elle fût confondue par la force de vos arguments. Si vous triomphez d’elle, vous retournerez chez vous chargés d’Honneurs.

Et les sages répondirent :

— Qu’on l’amène, afin que sa témérité se manifeste et qu’elle avoue n’avoir jamais jusqu’ici rencontré de sages !

Et quand elle apprit qu’elle devait disputer avec les sages, Catherine craignit de ne pouvoir défendre dignement contre eux la vérité de Jésus-Christ. Mais un ange lui apparut et lui dit :

— Je suis l’archange saint Michel, envoyé par Dieu pour t’annoncer que tu sortiras de ce combat victorieuse, et digne d’obtenir notre Seigneur Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui combattent pour lui.

Et la vierge disputa avec les docteurs. Ceux-ci ayant soutenu qu’il était impossible qu’un Dieu se fît homme et connût la douleur, Catherine montra que la naissance et la passion de Jésus-Christ avaient été annoncées par les gentils eux-mêmes et proclamées par Platon et la Sibylle.

Les docteurs ne purent rien opposer à des arguments si solides. C’est pourquoi le principal d’entre eux dit à l’empereur :

— Tu sais que personne jusqu’ici n’a pu disputer avec nous sans être aussitôt confondu. Mais cette jeune fille, dans laquelle parle l’esprit de Dieu, nous remplit d’admiration, et nous ne savons ni n’osons dire quelque chose contre le Christ. Et nous avouons hardiment que, si tu n’as pas de meilleures raisons à donner en faveur des dieux que nous avons adorés jusqu’à présent, nous nous convertissons tous à la foi chrétienne.

En entendant ces paroles, le tyran fuit transporté d’une telle rage, qu’il fit brûler les cinquante docteurs au milieu de la ville. Mais en signe de ce qu’ils mouraient pour la vérité, ni leurs vêtements, ni leurs cheveux ne furent atteints par le feu.

Maxence dit ensuite à Catherine :

— Ô vierge issue de noble lignée, et digne de la pourpre impériale, prends conseil de ta jeunesse et sacrifie à nos dieux. Si tu le veux faire, tu tiendras dans mon palais le premier rang après l’impératrice, et ton image, placée au milieu de la ville, sera adorée de tout le peuple comme celle d’une déesse.

Mais Catherine répondit :

— Cesse de parler de telles choses. C’est un crime d’y penser seulement. Jésus-Christ m’a prise pour épouse. Il est tout mon amour, toute ma gloire et toutes mes délices.

Voyant qu’il ne pouvait la flatter par des caresses, le tyran espéra la réduire par la peur ; c’est pourquoi il la menaça de mort.

Le courage de Catherine n’en fut point ébranlé :

— Jésus-Christ, dit-elle, s’est offert pour moi en sacrifice à son Père ; ce m’est une grande joie que je puisse être offerte à la gloire de son nom comme une hostie agréable.

Alors Maxence ordonna qu’elle fût fouettée de verges et que, traînée ensuite dans un cachot ténébreux, on l’y laissât sans nourriture. Et, appelé par diverses affaires pressantes, il partit pour une province éloignée.

Or, l’impératrice, qui était païenne, eut une vision, et sainte Catherine lui apparut environnée d’une clarté inestimable. Des anges vêtus de blanc se tenaient auprès d’elle et l’on ne pouvait voir leurs visages pour la très grande lumière qui en sortait. Et Catherine dit à l’impératrice d’approcher. Et prenant une couronne de la main d’un des anges qui étaient là, elle la mit sur la tête de l’impératrice en disant :

— Voici une couronne qui t’est envoyée du ciel, au nom de Jésus-Christ, mon Dieu et mon Seigneur.

L’impératrice fut troublée en son cœur par ce songe admirable. C’est pourquoi, accompagnée de Porphyre, lequel était chevalier et chef de l’armée, elle se rendit à la première heure de la nuit dans la prison où Catherine était enfermée. Dans cette prison une colombe lui apportait une nourriture céleste, et des anges pansaient les plaies de la vierge. L’impératrice et Porphyre trouvèrent le cachot baigné d’une clarté dont ils furent si épouvantés qu’ils tombèrent prosternés sur la pierre. Mais une odeur merveilleusement suave se répandit aussitôt, qui les réconforta et leur donna meilleur espoir.

— Levez-vous, leur dit Catherine, et ne soyez pas épouvantés, car Jésus-Christ vous appelle.

Ils se levèrent et virent Catherine au milieu d’un chœur d’anges. La sainte prit des mains de l’un de ceux qui étaient là une couronne très belle, brillant comme l’or, et elle la mit sur la tête de l’impératrice. Et cette couronne était le signe du martyre. Et en effet cette reine et le chevalier Porphyre étaient déjà inscrits au livre des récompenses éternelles.

Quand il fut de retour, Maxence donne l’ordre qu’on lui amenât Catherine, et lui dit :

— Choisis de ces deux choses : ou de sacrifier et vivre, ou de périr dans les tourments.

Et Catherine répondit :

— Je désire offrir ma chair et mon sang à Jésus-Christ. Il est mon amant, mon pasteur et mon époux.

Alors le prévôt de la cité d’Alexandrie, qui avait nom Chursates, fit faire quatre roues garnies de dents de fer très aiguës, afin que sur ces roues la bienheureuse Catherine périt d’une misérable et très cruelle mort. Mais un ange brisa cette machine et la fit éclater avec tant de force, que les débris tuèrent un grand nombre de gentils. Et l’impératrice, qui, du haut de sa tour, voyait ces choses, descendit et reprocha à l’empereur sa cruauté. Maxence, plein de rage, ordonna à l’impératrice de sacrifier, et, comme elle s’y refusait, il commanda de lui arracher les mamelles et de lui couper la tête. Et tandis qu’on la menait au supplice, Catherine l’exhortait, disant :

— Va, réjouis-toi, reine aimée de Dieu, car aujourd’hui tu échangeras ton royaume périssable en un éternel empire et un époux mortel ou un immortel amant.

L’impératrice fut conduite hors des murs pour y souffrir la mort. Porphyre enleva le corps et le fit ensevelir honorablement, comme celui d’une servante du Jésus-Christ. C’est pourquoi Maxence fit mettre Porphyre à mort et jeter son cadavre aux chiens. Puis, faisant venir Catherine, il lui dit :

— Puisque, par tes arts magiques, tu as fait périr l’impératrice, si tu te repens, tu seras maintenant la première dans mon palais. Aujourd’hui donc, sacrifie aux dieux, ou tu auras la tête coupée.

Elle répondit :

— Fais ce que tu as résolu, afin que je prenne place dans la troupe virginale qui accompagne l’Agneau de Dieu.

L’empereur la condamna à être décapitée. Et lorsqu’on l’eut, menée hors de la cité d’Alexandrie, au lieu du supplice, elle leva les yeux au ciel et dit :

— Jésus, espoir et salut des fidèles, gloire et beauté des vierges, je te prie d’accorder que quiconque m’invoquera en souvenir de mon martyre sera exaucé, soit au moment de sa mort, soit dans les périls où il pourra se trouver.

Et une voix du ciel lui répondit :

— Viens, mon épouse chérie ; la porte du ciel t’est ouverte. Je promets les secours d’en haut à ceux qui m’invoqueront par ton intercession.

Du col tranché de la vierge il coula du lait au lieu de sang.

Ainsi madame sainte Catherine trépassa de ce monde au bonheur céleste, le vingt-cinquième jour du mois de novembre, qui était un vendredi[24].

Monseigneur saint Michel, archange, n’avait pas fait une fausse promesse : mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite vinrent comme il avait dit. Dès leur première visite, la jeune paysanne fit vœu entre leurs mains de garder sa virginité tant qu’il plairait à Dieu[25]. Si cette promesse avait un sens, il fallait que Jeanne, quelque âge qu’elle eût alors, ne fût plus tout à fait une enfant. Et il semble bien aussi qu’elle vit l’ange et les saintes au moment de devenir femme, si tant est qu’elle le devint jamais[26]. Les saintes nouèrent bientôt avec elle des relations familières[27]. Elles venaient tous les jours au village et souvent plusieurs fois le jour. En les voyant paraître dans cette clarté qu’elles apportaient du ciel, charmantes, en habit de reines, le front ceint d’une couronne d’or et de pierreries bien riche et bien précieuse, la villageoise se signait dévotement et leur faisait une profonde révérence[28]. Et comme elles étaient des dames bien nées, elles lui rendaient son salut. Chacune avait sa façon particulière de saluer, et sans doute parce que leur visage trop éblouissant ne pouvait être regardé en face, c’était surtout à leur manière de faire la révérence que Jeanne les distinguait l’une de l’autre. Elles se laissaient toucher volontiers par leur amie terrestre qui embrassait leurs genoux, baisait le bas de leur robe et s’enivrait de la bonne odeur qu’elles exhalaient[29]. Elles parlaient d’une voix humble[30], à ce qu’il semblait à Jeanne. Elles appelaient la pauvre fille : fille de Dieu. Elles lui enseignaient à se bien conduire et à fréquenter l’église. Sans avoir toujours des choses très nouvelles à lui dire, puisqu’elles venaient à tout moment, elles lui tenaient des propos qui la remplissaient de joie et, après qu’elles avaient disparu, Jeanne pressait ardemment de ses lèvres la terre où leurs pieds s’étaient posés[31].

Elle recevait souvent les Dames du ciel dans son petit jardin, contigu au pourpris de l’église. Elle les rencontrait près de la fontaine ; souvent même elles se montraient à leur petite bien-aimée au milieu des compagnies. Car, disait la fille d’Isabelle, les anges viennent bien des fois entre les chrétiens, et on ne les voit pas. Mais moi, je les vois[32]. C’était dans les bois, au bruit léger du feuillage et surtout pendant que les cloches sonnaient matines ou complies qu’elle entendait le plus distinctement les douces paroles. Aussi aimait-elle cette voix des cloches dans laquelle se mêlaient ses Voix. Et quand, à neuf heures du soir, Perrin le Drapier, marguillier de la paroisse, manquait à sonner les complies, elle le reprenait de sa négligence et le grondait, disant que ce n’était pas bien fait. Elle lui promettait des gâteaux si, à l’avenir, il sonnait exactement[33].

Elle ne révéla rien de ces choses à son curé, en quoi elle fut grandement répréhensible selon de bons docteurs et tout à fait irréprochable de l’avis de certains autres docteurs excellents. Car, si d’une part nous devons, en matière de foi, consulter nos supérieurs ecclésiastiques, d’autre part là où souffle l’Esprit, là règne la liberté[34].

Depuis que les deux saintes fréquentaient Jeanne, monseigneur saint Michel se montrait moins assidu auprès d’elle ; mais il ne l’avait point abandonnée. Une heure vint où il lui conta la pitié qui était au royaume de France, la pitié qu’elle avait au cœur[35].

Et les saintes visiteuses, dont la voix se faisait plus ardente et plus ferme, à mesure que la jeune fille prenait une âme plus héroïque et plus sainte, lui révélèrent sa mission

— Fille de Dieu, lui dirent-elles, il faut que tu quittes ton village et que tu ailles en France[36].

Cette idée d’une mission sainte et guerrière, dont Jeanne prit conscience par ses Voix, s’était-elle formée en son esprit spontanément, sans l’intervention d’aucune volonté étrangère, ou lui fut-elle suggérée par quelque personne dont elle subissait l’influence ? C’est ce qu’il serait impossible de discerner, si un faible indice ne nous mettait sur la voie. Jeanne eut connaissance, à Domremy, d’une prophétie qui disait que la France serait désolée par une femme et puis rétablie par une pucelle[37]. Elle en fut étrangement frappée et il lui arriva, par la suite, d’en parler d’une manière qui prouve que non seulement elle y ajoutait foi, mais encore qu’elle croyait être la pucelle annoncée[38]. Qui la lui apprit ? Quelque paysan ? On a lieu de croire que les paysans l’ignoraient[39] et qu’elle courait parmi les personnes de dévotion[40]. D’ailleurs, pour être édifié à cet égard, il suffit de remarquer que Jeanne connut de cette prophétie une version spéciale, visiblement arrangée pour elle, puisqu’il y était spécifié que la pucelle réparatrice sortirait des Marches de Lorraine. Cette addition topique ne peut être le fait d’un conducteur de bœufs et décèle un esprit habile à gouverner les âmes, à susciter les actes. Le doute n’est plus possible, la prophétie ainsi complétée et dirigée part d’un clerc dont les intentions se laissent facilement voir. Dès lors on surprend une pensée qui agit et pèse sur la jeune visionnaire. Cet homme d’Église des bords de la Meuse qui, dans l’humilité des champs, songeait au sort du pauvre peuple et, pour tourner les visions de Jeanne au bien du royaume et à la conclusion de la paix, poussait l’ardeur de son zèle pieux jusqu’à recueillir des prophéties sur le salut du Lis de France et à les compléter avec une précision utile à ses desseins, il faut le chercher parmi ces prêtres, ces religieux lorrains ou champenois qui souffraient cruellement des malheurs publics[41]. Les marchands et les artisans, écrasés d’impôts et de tailles, ruinés par les changements des monnaies[42], les paysans, dont les maisons, les granges, les moulins étaient détruits, les champs ravagés, cessaient de contribuer aux frais du culte[43]. Chanoines et religieux, qui ne recevaient plus ni les redevances de leurs feudataires, ni les contributions des fidèles, quittaient le monastère et s’en allaient à travers le siècle mendier leur pain, laissant au cloître deux ou trois vieux moines et quelques enfants. Les abbayes fortifiées attiraient les capitaines et les soldats des deux partis, qui s’y retranchaient, les pillaient et les brûlaient, et si quelqu’une de ces saintes maisons échappait aux flammes, les villageois errants s’y réfugiaient et l’on ne pouvait empêcher les femmes d’envahir les réfectoires et les dortoirs[44]. C’est dans la multitude obscure des âmes troublées par l’affliction et les scandales de l’Église que se devine le prophète et l’initiateur de la Pucelle.

On ne sera pas tenté de le reconnaître en messire Guillaume Frontey, curé de Domremy : le successeur de messire Jean Minet, à le juger par ses propos, qui nous ont été conservés, était aussi simple que ses ouailles[45]. Jeanne fréquentait, beaucoup de prêtres et de moines. Elle visitait son oncle le curé de Sermaize, et voyait son cousin, jeune religieux profès en l’abbaye de Cheminon[46], qui devait bientôt la suivre en France. Elle se trouvait en relation avec nombre de personnes ecclésiastiques très aptes à reconnaître sa piété singulière et le don qu’elle avait reçu de voir des choses invisibles au commun des chrétiens. Ils lui tenaient des propos qui, s’ils nous étaient conservés, nous ouvriraient sans doute une des sources de cette extraordinaire vocation. L’un d’eux, dont le nom ne sera jamais connu, prépara au roi et au royaume de France un angélique défenseur.

Cependant Jeanne vivait en pleine illusion. Entièrement ignorante des influences qu’elle subissait, incapable de reconnaître en ses Voix l’écho d’une voix humaine ou la propre voix de son cœur, elle répondit avec crainte aux saintes qui lui ordonnaient d’aller en France :

— Je suis une pauvre fille ne sachant ni chevaucher ni guerroyer[47].

Dès qu’elle eut ces révélations, elle renonça aux jeux et aux promenades. Elle ne dansa plus guère au pied de l’arbre des fées et seulement pour faire sauter les petits enfants[48] ; elle prit aussi en dégoût, à ce qu’il semble, les travaux des champs, et surtout le soin des troupeaux. Dès l’enfance, elle avait donné des signes de piété. Elle se livrait maintenant aux pratiques d’une dévotion singulière : elle se confessait souvent et communiait avec une extraordinaire ferveur ; elle entendait chaque jour la messe de son curé. On la trouvait à toute heure dans l’église, tantôt prosternée de son long sur la pierre, tantôt les mains jointes, le visage et les yeux levés vers Notre-Seigneur ou Notre-Dame. Elle n’attendait pas toujours le samedi pour aller à la chapelle de Bermont. Parfois, tandis que ses parents la croyaient à garder les bêtes, elle était aux pieds de la Vierge miraculeuse. Le curé du village, messire Guillaume Frontey, ne pouvait que louer la plus innocente de ses paroissiennes[49]. Il appréciait les sentiments de cette bonne fille. Un jour, il lui échappa de dire avec un soupir de regret :

— Si Jeannette avait de l’argent, elle rue donnerait pour dire des messes[50].

Quant au bonhomme Jacques d’arc, il est croyable qu’il se plaignait parfois de ces pèlerinages, contemplations et autres pratiques contraires à l’économie rurale. Jeanne paraissait à tout le monde étrange et bizarre. La voyant si pieuse, Mengette et ses compagnes disaient qu’elle l’était trop[51]. Elles la grondaient de ne point danser avec elles. Isabellette, entre autres, la jeune femme de Gérardin d’Épinal, la mère de ce petit Nicolas, filleul de Jeanne, blasonnait rustiquement une fille si peu dansante[52]. Colin, fils de Jean Colin, avec tous les gars du village, se moquaient d’elle à cause de sa dévotion. Ses extases faisaient sourire ; elle passait pour un peu folle. Poursuivie de railleries, elle en souffrait[53]. Mais elle voyait des yeux de son corps les habitants du Paradis. Et, quand ils s’éloignaient d’elle, elle pleurait et elle aurait bien voulu qu’ils l’eussent emportée avec eux.

— Fille de Dieu, il faut que tu quittes ton village et que tu ailles en France[54].

Et mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite disaient encore :

— Prends l’étendard de par le Roi du ciel, prends-le hardiment et Dieu t’aidera.

En écoutant les dames aux balles couronnes parler ainsi, Jeanne brillait du désir des longues chevauchées et de ces batailles où les anges passent sur le front des guerriers. Mais comment aller en France ? Comment aller parmi les gens d’armes ? Les Voix, qu’elle entendait, ignorantes et généreuses comme elle, ne lui révélaient que son âme et la laissaient dans un trouble douloureux :

— Je suis une pauvre fille, ne sachant ni chevaucher ni guerroyer.

Le village natal de Jeanne portait le nom du bienheureux Remi[55] ; l’église paroissiale était sous le vocable du grand apôtre des Gaules qui, en baptisant le roi Clovis, avait oint de l’huile sainte le premier prince chrétien de la noble Maison de France, issue du noble roi Priam de Troie.

Voici de quelle manière les clercs rapportaient la légende de Saint-Remi :

En ce temps-là, le pieux ermite Montan, qui vivait au pays de Laon, vit le chœur des anges et l’assemblée des saints et il entendit une voix grande et douce qui disait : Le Seigneur a regardé la terre. Il a entendu les gémissements de ceux qui sont enchaînés ; il a vu les fils de ceux qui ont péri, et il brisera leurs fers, afin que son nom soit annoncé parmi les nations et que les peuples et les rois se réunissent ensemble pour le servir. Et Cilinie enfantera un fils pour le salut du peuple.

Or Cilinie était vieille et son mari Émilius était aveugle. Mais Cilinie, ayant conçu, relit au mande un fils et du lait dont elle nourrissait l’enfant elle frotta les yeux du père aveugle, qui revit aussitôt la lumière. `

Cet enfant, annoncé par les anges, fut nommé Remi, qui veut dire rame, car il devait, par sa doctrine, comme avec une rame bien taillée, diriger l’Église de Dieu et spécialement l’Église de Reines sur la mer agitée de cette vie, et, par ses mérites et ses prières, la conduire vers le port du salut éternel.

Le fils de Cilinie passa sa pieuse jeunesse à Laon, dans la retraite et les exercices d’une sainte et chrétienne conversation. Il entrait à peine dans sa Vingt-deuxième année, quand le siège épiscopal de Reims vint à vaquer par la mort du bienheureux évêque Bennade. Un immense concours de peuple désigna Remi à la garde des fidèles. Il refusait une charge trop pesante, disait-il, pour la faiblesse de son âge ; mais un rayon d’une céleste lumière descendit, tout à coup sur son front, et une liqueur divine se répandit sur sa chevelure qu’elle embauma d’un parfum inconnu. C’est pourquoi, sans plus tarder, les évêques de la province de Reims, d’un consentement unanime, lui donnèrent la consécration épiscopale. Assis dans le siège de saint Sixte, le bienheureux Remi s’y montra libéral en aumônes, assidu dans sa vigilance, fervent en ses oraisons, parfait en charité, merveilleux en doctrine et saint en tous ses propos. Il attirait sur lui l’admiration des hommes, comme la cité bâtie sur le sommet d’une montagne.

En ce temps-là, Clovis, roi de France, était païen avec toute sa chevalerie, Mais ayant remporté, par l’invocation du nom de Jésus-Christ, une grande victoire sur les Allemands, il résolut, à la prière de la sainte reine Clotilde, sa femme, de demander le baptême au bienheureux évêque de Reims. Instruit de ce pieux désir, saint Remi enseigna au roi et au peuple comment, en renonçant à Satan, à ses œuvres et à ses pompes, on doit croire en Dieu et en Jésus-Christ son fils. Et, la solennité de Pâques approchant, il leur ordonna le jeûne selon la coutume des fidèles.

Le jour de la Passion de Notre-Seigneur, veille du jour où Clovis devait être baptisé avec ses barons, l’évêque alla trouver le roi et la reine dès le matin et les conduisit dans un oratoire consacré au bienheureux Pierre, prince des apôtres. La chapelle fut tout à coup remplie d’une lumière si brillante qu’elle effaçait l’éclat du soleil, et chi milieu de cette lumière sortit une voix qui disait : La paix soit avec vous ; c’est moi, ne craignez point, et demeurez en mon amour. Après ces paroles la lumière disparut, mais il resta dans la chapelle une odeur d’une suavité ineffable. Alors, resplendissant comme Moïse par l’éclat du visage est illuminé au dedans d’une clarté divine, le saint évêque prophétisa et dit : Clovis et Clotilde, vos descendants reculeront les limites du royaume. Ils élèveront l’Église de Jésus-Christ et triompheront des nations étrangères, pourvu que, ne dégénérant pas de la vertu, ils ne s’écartent jamais des voies du salut, ne s’engageant pas dans la route du péché, et ne se laissant pas tomber dans les pièges de ces vices mortels qui renversent les empires et transportent la domination d’une nation à l’autre.

Cependant on prépare le chemin depuis le palais du roi jusqu’au baptistère ; on suspend des voiles, des tapis précieux ; on tend les maisons de chaque côté des rues ; on pare l’église, on couvre le baptistère de baume et de toutes sortes de parfums. Comblé des grâces du Seigneur, le peuple croit déjà respirer les délices du paradis. Le cortège part du palais ; le clergé ouvre la marche avec les saints évangiles, les croix et les bannières, chantant des hymnes et des cantiques spirituels ; vient ensuite l’évêque, conduisant le roi par la main ; enfin la reine suit avec le peuple. Chemin faisant, le roi demanda à l’évêque si c’était là le royaume de Dieu qu’il lui avait promis : Non, répondit le bienheureux Remi, mais c’est l’entrée de la route qui y conduit. Quand ils furent parvenus au baptistère, le prêtre qui portait le saint chrême, arrêté par la foule, ne put atteindre jusqu’aux saints fonts ; en sorte qu’à la bénédiction des fonts, le chrême manqua par un exprès dessein du Seigneur. Alors le pontife lève les yeux vers le ciel, et prie en silence et avec des larmes. Aussitôt descend une colombe, blanche comme la neige, portant dans son bec une ampoule, pleine d’un chrême envoyé du ciel. Une odeur délicieuse s’en exhale, qui enivre les assistants d’un plaisir bien au-dessus de tout ce qu’ils avaient senti jusque-là., Le saint évêque prend l’ampoule, asperge de chrême l’eau baptismale et incontinent la colombe disparaît.

Transporté de joie à la vue d’un si grand miracle de la grâce, le roi renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, demande avec instance le baptême et s’incline sur la fontaine de vie[56].

Et depuis lors les rois de France sont sacrés de l’onction divine apportée du ciel par la colombe. La sainte ampoule qui la contient est gardée dans l’église Saint-Remi de Reims. Et avec la permission de Dieu, cette ampoule, au jour du sacre, se trouve toujours pleine[57].

Voilà ce que disaient les clercs ; et sans doute les paysans de Domremy, sur un ton plus humble, en eussent pu dire autant et même davantage. Comme on peut croire, ils chantaient la complainte de saint Remi. Tous les ans, quand le premier jour d’octobre ramenait la fête patronale, le curé devait faire, selon l’usage, le panégyrique du saint[58].

Vers cette époque, un mystère se jouait à Reims, où les miracles de l’apôtre des Gaules étaient amplement représentés[59]. Et il y en avait de bien propres à toucher des âmes villageoises. En sa vie mortelle, monseigneur saint Remi guérit un aveugle démoniaque. Un homme ayant donné, pour le salut de son âme, ses biens au chapitre de Reims, mourut ; dix ans après sa mort, monseigneur saint Remi le ressuscita et lui fit déclarer sa donation. Hébergé par des gens qui n’avaient pas de quoi boire, le saint remplit leur tonneau d’un vin miraculeux. Ayant reçu du roi Clovis un moulin en présent, comme le meunier refusait de le lui abandonner, monseigneur saint Remi, avec l’aide de Dieu, abîma le moulin dans les entrailles de la terre. Une nuit que le Saint se trouvait seul dans sa chapelle, tandis que tous ses clercs dormaient, les glorieux apôtres Pierre et Paul descendirent du paradis pour chanter avec lui les matines.

Qui mieux que les gens de Domremy pouvait connaître le baptême du roi Clovis de France et savoir qu’au chant du Veni Creator Spiritus le Saint-Esprit était descendu tenant en son bec la sainte Ampoule, pleine du chrême bénit par Notre-Seigneur[60] ? Qui mieux qu’eux entendait les paroles adressées au roi très chrétien, par monseigneur saint Remi, non sans doute en latin d’église, mais en bonne langue vulgaire, et revenant à ceci :

Or, Sire, ayez connaissance de servir Dieu dévotement et de garder la justice, pour que florisse votre royaume. Car lorsque justice y périra, ce royaume courra grand péril[61].

Enfin, d’une manière ou d’une autre, soit par les clercs qui la gouvernaient, soit par les paysans au milieu desquels elle vivait, Jeanne avait connaissance du bon archevêque Remi, qui aimait tant le sana royal de la sainte Ampoule de Reims et du sacre des rois très chrétiens[62].

Et l’ange lui apparut et lui dit :

— Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims, afin qu’il y reçoive son digne sacre[63].

La jeune fille entendait. Les voiles tombaient ; une lumière éclatante se faisait dans son esprit. Voilà donc pourquoi Dieu l’avait choisie. C’était par elle que le dauphin Charles devait être sacré à Reims. La colombe blanche, autrefois envoyée au bienheureux Remi, devait redescendre à l’appel d’une vierge. Dieu, qui aime les Français, marque leur roi d’un signe, et, quand ce signe manque, la puissance royale n’est point. C’est le sacre qui fait seul le roi, et messire Charles de Valois n’est pas sacré. Bien que le père soit couché, la couronne au front, le sceptre à la main, dans la basilique de Saint-Denys en France, le fils n’est que dauphin, et il ne recueillera son saint héritage que le jour où l’huile de l’ampoule inépuisable coulera sur son front. Et c’est elle, la jeune paysanne, ignorante que Dieu a choisie pour le conduire, à travers ses ennemis, jusqu’à Reims où il recevra l’onction que reçut saint Louis. Desseins impénétrables de Dieu ! L’humble fille qui ne sait ni chevaucher ni guerroyer est élue pour donner à Notre-Seigneur son vicaire temporel dans la France chrétienne.

Désormais Jeanne connaissait les grandes choses qu’elle avait à faire. Mais elle ne découvrait pas encore les voies par lesquelles elle devait les accomplir.

— Il faut que tu ailles en France, lui disaient madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite.

— Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims[64], afin qu’il y reçoive son digne sacre, lui disait monseigneur saint Michel, archange.

Il était nécessaire de leur obéir. Mais comment ? S’il ne se trouva pas, à ce moment, quelque personne de dévotion pour la diriger, un fait très particulier et de’ peu d’importance, qui se passait alors dans la maison paternelle, peut suffire à mettre la jeune sainte sur la voie.

Principal locataire du château de l’Ile en 1419, et doyen de la communauté en 123, Jacques d’Arc était un des notables de Domremy. Les gens du village, qui l’estimaient, le chargeaient volontiers de besognes difficiles. Ils l’envoyèrent, à la fin de mars 1427, à Vaucouleurs, comme leur procureur fondé dans un procès qu’ils avaient à soutenir par-devant Robert de Baudricourt. Il s’agissait d’une réparation de dommages que réclamait un certain Guyot Poignant, de Montigny-le-Roi, et pour lesquels il avait assigné concurremment le seigneur et les habitants de Greux et de Domremy. Ces dommages remontaient à quatre années en çà, quand le damoiseau de Commercy avait frappé Greux et Domremy d’un droit de sauvegarde qui s’élevait à deus cent vingt écus d’or.

Guyot Poignant se porta garant de cette somme qui ne fut point payée au terme filé. Le damoiseau saisit chez Poignant bois, foin et chevaux, pour cent vingt écus d’or, dont ledit Poignant réclama le paiement aux seigneurs et aux vilains de Greux et de Domremy. L’affaire était pendante encore en 1427, quand la communauté désigna, pour son procureur fondé, Jacques d’Arc, et l’envoya à Vaucouleurs. On ignore comment le différend se termina ; niais il suffit de savoir que le père de Jeanne vit sire Robert, l’approcha, lui parla[65].

De retour dans sa maison, il dut plus d’une fois conter ces entrevues, rapporter d’un si grand personnage diverses façons et paroles. Et sans doute Jeanne en entendit maintes choses. Assurément ses oreilles étaient rebattues du nom de Baudricourt. C’est alors que l’archange chevalier, l’éblouissant ami, vint une fois encore lui révéler la pensée obscure qui naissait en elle :

— Fille de Dieu, lui dit-il, tu iras vers le capitaine Robert de Baudricourt., en la ville de Vaucouleurs, afin qu’il te donne des gens pour te conduire auprès du gentil dauphin[66].

Résolue à fidèlement accomplir le vouloir de son archange, qui était son propre vouloir, Jeanne prévoyait bien que sa mère, quoique pieuse, ne l’aiderait point dans ses projets et que son père s’y opposerait énergiquement. Aussi se garda-t-elle de leur en rien confier[67].

Elle pense que Durand Lassois était homme à lui assurer l’aide dont elle avait besoin. Elle l’appelait son oncle, en considération de son âge : il avait seize ans. de plus qu’elle. Leur parenté résultait de ce que Lassois avait épousé une Jeanne, fille d’un Le Vauseul, laboureur, et d’Aveline, sœur d’Isabelle de Vouthon, et par conséquent cousine germaine de la fille d’Isabelle[68].

Lassois habitait, avec sa femme, son beau-père et sa belle-mère, un hameau de quelques feus, Bure-en-Vaulx, sur la rive gauche de la Meuse, dans la verte vallée, à deux lieues de Domremy et à moins d’une lieue de Vaucouleurs[69].

Jeanne l’alla trouver, lui fit part de ses projets et lui représenta qu’elle avait besoin de voir sire Robert de Baudricourt. Four que son bon parent lui donnât plus de créance elle lui cita une bien étrange prophétie, dont nous avons déjà parlé

— N’a-t-il pas été su autrefois, fit-elle, qu’une femme ruinerait le royaume de France et qu’une femme le rétablirait[70] ?

Cette pronostication, parait-il, rendit Durand Lassois pensif. Des deux choses qui s’y trouvaient annoncées, la première, qui était mauvaise, s’était accomplie dans la ville de Troyes, quand madame Ysabeau avait donné le royaume des Lis et madame Catherine de France au roi d’Angleterre. Il ne restait donc plus qu’à souhaiter que la seconde chose, qui était bonne, s’accomplît aussi. Tel était le désir de Durand Lassois, si toutefois il se sentait porté d’amour pour le dauphin Charles, ce que l’histoire ne dit pas.

Jeanne en ce séjour chez sa cousine ne voyait pas seulement ses parents les Vouthon et leurs enfants. Elle fréquentait aussi chez un jeune gentilhomme nommé Geoffroy de Foug, qui habitait sur la paroisse de Maxey-sur-Vayse dont le hameau de Burey faisait partie. Elle lui confia qu’elle voulait aller en France. Le seigneur Geoffroy ne connaissait pas beaucoup les parents de Jeanne ; il ne savait pas leurs noms. Mais la jeune fille lui parut bonne, simple, pieuse, et il l’encouragea dans sa merveilleuse entreprise[71]. Une huitaine de jours après son arrivée à Burey, elle en vint à ses fins : Durand Lassois consentit à la mener à Vaucouleurs[72].

Avant de partir, elle fit une requête à sa tante Aveline, qui était grosse ; elle lui dit :

— Si l’enfant que vous attendez est une fille, nommez-la Catherine en mémoire de ma sœur défunte. Catherine, qui avait épousé Colin de Greux, venait de mourir[73].

 

 

 



[1] Procès, t. I, pp. 52, 72-73, 89, 170.

[2] Ibid., t. I, p. 52. — Le manuscrit porte non jejunaverat die prœcedenti.

[3] V. Servais, Annales historiques du Barrois, Bar-le-Duc, 1865, t. I, planche 2.

[4] P.-Ch. Cahier, Caractéristique des Saints dans l’art populaire, t. I, p. 363. — Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 50. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, pp. XCV, XCVI et preuve XXIV, p. 14.

[5] Mystère de Saint Remy, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 3.364, f° 4 et 108.

[6] Sed signifer Sanctus Michael representet eas [animas] in lucem sanctam. Offertoire de la messe des morts.

[7] A. Maury, Croyances et légendes du moyen âge, pp. 171 et suiv. — Barbier de Montault, Traité d’Iconographie chrétienne, t. I, p. 191.

[8] AA. SS, 1672, t. III, I, pp. 85 et suiv. — Dom J. Huynes, Histoire générale de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, éd. R. de Beaurepaire, Rouen, 1872, pp. 61 et suiv. — A. Forgeais, Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine, Paris, 1864, t. III, p. 197. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, ch. IV. — Chronique du Mont-Saint-Michel (1343-1468), éd. S. Luce, Paris, 1880-1886 (2 vol. in-8°), t. I, pp. 26, 146, 163 et suiv.

[9] Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, p. 272 [Opinion de Jean Bochard, dit de Vaucelle, évêque d’Avranches.] — Dom. J. Huynes, loc. cit., ch. VIII, p. 105.

[10] Dom Félibien, Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denis..., Paris, 1706, in-fol. p. 341.

[11] Richer, Histoire manuscrite de la Pucelle, ms. fr. 10448, fol. 13. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, preuve XXIV.

[12] Procès, t. I, pp. 72-73.

[13] Procès, t. I, p. 170.

[14] La vierge Marguerite substituée à la Lucine antique, analyse d’un poème inédit du XVe siècle, Paris, 1885, in-80, p. 2. — Rabelais, Gargantua, l. I, ch. VI. — J.-B. Thiers, Traité des superstitions selon l’Écriture sainte, Paris, 1697 (4 vol. in-12), t. I, p. 109.

[15] S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, preuve CCXXXIV, p. 272.

[16] Abbé Bourgaut, Guide du pèlerin à Domremy, Nancy, 1878, in-12, p. 60. — E. Hinzelin, Chez Jeanne d’Arc, pp. 65 et 72.

[17] Legenda Sanctorum, Bâle, Nicolas Kesler, in-fol., 1486, lég. LXXXVIII. — Douhet, Dictionnaire des légendes, pp. 824-836.

[18] Gaston Paris, La littérature française au moyen âge, 1890, in-16. p. 212.

[19] La Curne, Dictionnaire de l’ancien langage français, au mot : Olibrius. Olibrius se trouve aussi dans la légende de sainte Reine où il est gouverneur des Gaules. La légende de sainte Reine n’est qu’une variante assez ancienne de la légende de sainte Marguerite.

[20] Bibliothèque Mazarine, manuscrit 515. Recueil de prières, p. 55. Ce manuscrit est précisément originaire des bords de la Meuse.

[21] S. Luce, loc. cit., preuve XIII, p. 19, note 2. — E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’Arc, pp. XVI et 62. — Guide et souvenir du pèlerin à Domremy, Nancy, 1878, in-18, p. 60.

[22] J. Miélot, Vie de sainte Catherine, texte revu par Marius Sepet, 1881, gr. in-8°.

[23] Gaston Paris, La littérature française au moyen âge, pp. 82, 213.

[24] Voragine, La légende dorée, 1846, pp. 789-797. — Douhet, Dictionnaire des légendes, 1855, pp. 282-28.

[25] Procès, t. I, p. 128. — Hinzelin, Chez Jeanne d’Arc, p. 29. — Nous examinerons, au moment du procès, s’il est possible de concilier les assertions de Jeanne relativement à ce vœu.

[26] Procès, t. I, p. 128 ; t. III, p. 219.

[27] Ibid., table, aux mots : Voix, Catherine et Marguerite.

[28] Ibid., t. I, pp. 71-85 ; 167 et suiv. ; 186 et suiv.

[29] Procès, t. I, pp. 185-186.

[30] Humblement n’exprime dans la langue ancienne qu’un sentiment affable. On trouve dans Froissart (cité par La Curne) : Li contes de Hainaut rechut ces seigneurs d’Engleterre, l’un après l’autre, moult humblement.

[31] Procès, t. I, p. 130.

[32] Ibid., t. I, p. 130.

[33] Procès, t. II, p. 413 et note 2.

[34] Ibid., t. I, p. 52, glose marginale du ms. d’Urfé : Celavit visiones curato, patri et matri et cuicumque, dans Procès, t. I, p. 128, note. — Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d’Arc, p. 471.

[35] Ibid., t. I, p. 171 : Et luy racontet l’angle la pitié qui estoit ou rovaume de France. Pitié sujet de tendresse et d’amour : L’ange pense spécialement au Dauphin. Pour le sens et l’emploi de ce mot, comparez Monstrelet, t. III, p. 74 : ... et le peuple plorant de pitié et de joie qu’ils avoient à regarder leur seigneur. Gérard de Nevers dans La Curne : Pitié estoit de voir festoyer leur seigneur ; on ne pourroit retenir ses larmes en voyant la joie qu’ils marquoient de recevoir leur seigneur.

[36] Procès, t. I, p. 53.

[37] Ibid., t. II, p. 444.

[38] Nonne alias dictum fuit quod Francia per mulierem desolaretur, et postea per Virginem restaurari debebat. Déposition de Durand Lassois dans Procès, t. II, p. 444.

[39] Procès, t. II, p. 447.

[40] Ibid., t. III, p. 83. — Morosini, t. IV, annexe XVI.

[41] Monstrelet, t. III, p. 180. — Jean Chartier, Chronique latine, éd. Vallet de Viriville, t. I, p. 13. — Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, pp. 44 et suiv.

[42] Alain Chartier, Quadriloge invectif, éd. André Duchesne, Paris, 1617, pp. 440 et suiv. — Ordonnances, t. XI, pp. 101 et suiv. — Vuitry, Les monnaies sous les trois premiers Valois, Paris, 1881, in-8°, passim. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, ch. XI.

[43] Juvénal des Ursins et Journal d’un bourgeois de Paris, passim. — Lettre de Nicolas de Clemangis à Gerson, dans Clemangisopera omnia, 1613, in-4°, II, pp. 159 et suiv.

[44] Le P. Denifle, La désolation des églises, monastères.., Mâcon, 1897, in-8°, introduction.

[45] Procès, t. II, pp. 402, 434.

[46] Toutefois ces deux personnages ne nous sont connus que par des documents généalogiques très suspects. Procès, t. V, p. 252 — Boucher de Molandon, La famille de Jeanne d’Arc, p. 127. — G. de Braux et E. de Bouteiller, Nouvelles recherches, pp. 7 et suiv.

[47] Procès, t. I, pp. 52, 53.

[48] Procès, t. II, pp. 404, 407, 409, 411, 414, 416 et passim.

[49] Ibid., t. II, pp. 402, 434.

[50] Ibid., t. II, p. 402. — Sur les pratiques religieuses de Jeanne, Procès, à la table, aux mots : Messe, Vierge, Cloche.

[51] Procès, t. II, p. 429.

[52] Ibid., t. II, p. 426.

[53] Ibid., t. II, p. 432.

[54] Ibid., t. I, pp. 52-53.

[55] Procès, t. II, pp. 393, 400 et passim.

[56] Grégoire de Tours, Le livre des miracles, éd. Bordier, 1864, in-8°, t. II, pp. 27, 31. — Hincmar, Vita sancti Remigii, dans la Patrologie de Migne, t. CXXV, pp. 1130 et suiv. — H. Jadart, Bibliographie des ouvrages concernant la vie et le culte de saint Remi, évêque de Reims, Reims, 1891, in-8°.

[57] Froissart, t. II, ch. LXXIV. — Le doyen de Saint-Thibaud, p. 328. — Vertot, Dissertation au sujet de la sainte ampoule conservée à Reims, dans Mémoires de l’Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, 1736, t. II, pp. 619-33, t. IV, pp. 1350-65. — Leber, Des cérémonies du sacre ou recherches historiques et critiques sur les mœurs, les coutumes dans l’ancienne monarchie, Paris, Reims, 18,25, in-8°, pp. 255 et suiv.

[58] A. Monteil, Histoire des Français, 1853, t. II, p. 194.

[59] Mystère de saint Remi, Bibliothèque de l’Arsenal, 3.364. Ce mystère date du XVe siècle, du temps des guerres en Champagne. Voici des vers qui s’y rapportent aux malheurs du royaume :

SAINT-ESTIENNE

O Jhesucrist, qui les sains cieulx

As de lumiere environnez,

Soleil et lune enluminés,

Et ordonnez à ta plaisance ;

Pour le tres doulz pais de France

Les martirs, non pas un mais tous,

A jointes mains et à genoux

Te requierent que tu effaces

La tirant doleur de France ; et faces

Par ta sainte digne vertu

Qu’ilz aient paix ; adfin que tu,

Ta doulce mere et tous les sains,

Et ceulx qui sont de pechiez sains,

Devotement servis y soient !...

SAINT-NICOLAS...

Dieu tout puissant fay tant qu’il ysse

Hors du doulz pais sans amer

Que toutes gens doivent amer

C’est France, où sont les bons Chrestiens

S’on les confort ; si les soustiens

Car l’engin de leur adversaire

Et son faulx art les tire à faire

Contre ta sainte voulenté.

Ayez pitié de Crestienté

Beau sire Dieux

Tant en France qu’en autres lieux !

Ce seroit Pitié à oultrance

Que si noble roiaume, comme France,

Fust par male temptacion

Mis du tout à perdition...

Fol. 3, Verso.

[60] Mystère de saint Remi, Bibliothèque de l’Arsenal, ms., n° 3.364, fol. 69, verso.

[61] Mystère de saint Remi, fol. 71, verso.

[62] Le bon archevesque Remy

Qui tant aime le sang royal,

Qui tant a son conseil loyal,

Qui tant aime Dieu et l’Église.

Mystère de saint Remi, fol. 77.

[63] Procès, t. I, p. 130.

[64] Procès, t. I, p. 130 ; t. II, p. 451 ; t. III, p. 3 et passim.

[65] S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, pp. CLIV, CLC, CLVI, 97, 359 et suiv. ; La France pendant la guerre de cent ans, p. 287.

[66] Procès, t. I, 53.

[67] Ibid., t. I, p. 128.

[68] Ibid., t. II, p. 443. — Boucher de Molandon, La famille de Jeanne d’Arc, p. 146. — E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’arc, introduction, pp. XXI, XXII.

[69] Procès, t. II, pp. 411, 431, 1139. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, p. CLXI. — Hinzelin, Chez Jeanne d’Arc, p. 92.

[70] Procès, t. II, pp. 443, 444.

[71] Procès, t. II, p. 442.

[72] Ibid., t. I, p, 33, 221 ; t. II, pp. 443.

[73] Enquête généalogique du bailli de Chaumont sur Jehan Royer (8 octobre 1555) dans E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d’Arc, p. 62 [Document assez suspect].