LES DUCS DE GUISE ET LEUR ÉPOQUE

 

Étude historique sur le seizième siècle

TOME SECOND

CHAPITRE XXIII. — LA LIGUE.

 

 

1576-1580.

 

Les projets secrets du duc de Guise et les mesures qu'il commençait à prendre pour renverser les Valois furent révélés par un hasard singulier à Henri III, à l'heure où l'ardeur des catholiques, exaspérée par la déception de l'édit de Beaulieu, les groupait avec espoir auteur du vainqueur des reîtres. Un bourgeois de Paris, l'avocat David, envoyé secrètement à Rome par le duc de Guise, pour concerter avec le Saint-Siège les moyens de résister aux complaisances des politiques envers les huguenots, et à l'impuissance des Valois, qui se montraient incapables d'extirper l'hérésie, tomba malade en route, s'alita dans une auberge, mourut. Ses papiers furent saisis, lus, transmis au Roi. Ils renfermaient un plan pour renverser la dynastie, développé dans un style prétentieux, comme il convient à ceux qui veulent séduire la populace. C'était ce langage des orateurs de carrefour qu'on retrouve à toutes les époques, avec ses phrases pompeuses et ses idées vulgaires. Du reste, véritable acte d'accusation contre Henri III et ses frères, en face desquels le duc de Guise était hardiment posé comme prétendant à la couronne, héritier légitime de Charlemagne, vrai restaurateur de la foi, ce document disait[1] :

L'issue des victoires, réduite à une paix honteuse au Roy et préjudiciable à l'Église, avoit finallement fait cognoistre que combien que la race de Cappet eust succédé à l'administration temporelle du royaume de Charlemaigne, elle n'avoit point toutesfois succédé à la bénédiction apostolique affectée à la postérité dudict Charlemaigne tant seulement, mais, au contraire, que ledict Cappet, usurpant la couronne, avoit violé par oultrecuydance téméraire la bénédiction de Charles et de ses successeurs ; aussy il avoit acquis sur soy et sur les siens une malédiction perpétuelle. La race Cappet estoit du tout abandonnée à sens repprouvé, les ungs estants frappés d'un esprit d'estourdissement, gens stupides, abestys et de néant, déshérités et repprouvés de Dieu et des hommes par leur hérésie, proscripts et rejettes de la saincte communion ecclésiastique. Au contraire, les rejetons de Charlemaigne estoient verdoyants, aymants la vertu.

Comme moyens de faire triompher la bonne cause, les mémoires saisis expliquaient que le duc de Guise donneroit ordre que les curés, tant des villes que des paroisses des champs, dresseroient des rooles de tous leurs paroissiens capables de porter les armes ; puis les états généraux seraient convoqués, ils proclameraient, le jour même de leur réunion, le duc de Guise lieutenant général du royaume, mettraient en accusation François de Valois ; au mesme jour paroistroient toutes les forces, tant envoyées de toutes les paroisses que autres ordinaires et estrangères pour arrêter ce prince. Au mesme jour les cappitaines des paroisses se mettroient aux champs avecque le reste de leurs forces, et chascun à son ressort courroit sus aux hérétiques et leurs associés, amis et adhérents, qu'ils passeroient au fil de l'espée. Alors le duc feroit faire pugnition exemplaire du frère du Roy, et fynallement, par l'advis et permission de Sa Sainteté, enfermeroit le Roy et la Royne dans un monastère, comme Pépin son ancestre fit Childéric, et, par ce moyen, ayant recouvré et réuni l'héritage temporel de la couronne avecques la bénédiction apostolicque qu'il possède, il procéderait à l'extinction de l'erreur des privilèges et libertés de l'Église gallicane.

Les conjectures généalogiques sur lesquelles reposait cette prétendue descendance de Charlemagne ressemblaient à une mystification. Que le duc René de Lorraine comptât parmi ses aïeules une princesse du sang carlovingien, c'était impossible à prouver et aussi imaginaire que de faire de Mérovée un petit-fils de Priam. Toutes les généalogies antérieures à Hugues Capet sont apocryphes. L'aïeul de Hugues Capet lui-même, Robert le Fort, était-il fils d'un boucher, comme le disent Dante et Villon[2], ou descendant de Witikind, ou du duc de Bavière, ou d'Arminius ? En tout cas, même si le duc de Guise avait pu démontrer qu'il descendait de Charlemagne, même si cette succession par les femmes n'avait pas été une violation de la loi salique, pour le maintien de laquelle nous avions subi une guerre de cent ans contre l'Angleterre, il n'aurait pas eu davantage le moindre droit sur le trône de France. L'héritier, dans ces hypothèses, aurait été l'aîné de sa maison, le duc de Lorraine.

Catherine de Médicis le comprenait si bien qu'alarmée de cette audacieuse imposture, elle essaya d'en tirer son profit, au lieu de perdre ses efforts à la combattre, et chercha à asseoir son influence sur l'esprit de son petit-fils, le marquis de Pont-à-Mousson, héritier du duc de Lorraine. De ses sept enfants, sa fille Claude, duchesse de Lorraine, lui avait seule donné un petit-fils. Elle rêvait déjà une nouvelle régence avec lui ; mais les chefs catholiques ne voulaient ni d'un enfant, ni de Catherine. Le seul homme qui leur parût désigné par là Providence pour sauver le pays était le duc de Guise, cher aux gens de guerre, adoré de la populace, prodigue, actif, beau. Le peuple s'habituait à l'acclamer quand il passait avec une dignité majestueuse, la taille droite, les regards animés, les cheveux blonds et bouclés, la balafre à la joue[3]. Des agents actifs, comme Saint-Mesmin, le prévôt des marchands, Versoris, l'un des plus diserts avocats de Paris[4], le président de Neuilly, organisaient et excitaient ses partisans. Aussi n'eut-il aucune difficulté à faire accueillir par toute la France, en quelques semaines, ses projets d'armer les catholiques et de les associer par serment en une ligue contre les huguenots, les politiques et les gallicans.

L'idée n'était pas nouvelle. Dès la seconde année de nos guerres civiles, en 1563, Blaise de Montluc et les capitouls de Toulouse avaient imaginé un traité d'association entre l'estat ecclésiastique, la noblesse et le commun du tiers état, pour défendre l'honneur de Dieu et de son Église catholicque romaine[5]. Tavannes, l'année suivante, avait voulu organiser un semblable système d'affiliation en Bourgogne. Mais les édits de pacification et de tolérance que faisait publier périodiquement Catherine rompaient ces tentatives, dans lesquelles manquaient un chef considérable et un titre populaire. Enfin, en 1576, le maréchal d'Humières, gouverneur de Péronne, Roye et Montdidier, renouvela cet essai de ligue, afin de servir en Picardie une rancune contre Montmorency-Thoré, qui l'avait battu dans une instance devant le Parlement. Cette origine mesquine n'empêcha pas l'idée de faire, cette fois, des progrès subits ; elle était si conforme aux projets de l'avocat David, elle apparaissait si à propos, quand la paix de Beaulieu excitait les colères des ardents contre les catholiques modérés, qu'une association imaginée pour détruire l'influence de M. de Thoré en Picardie devint tout à coup l'instrument principal de la lutte du duc de Guise contre la dynastie des Valois.

Plusieurs causes contribuèrent au succès de l'idée, qui n'était ni patriotique ni pratique, de constituer les deux tiers de la France, sous l'influence du roi d'Espagne et du Saint-Siège, en état de guerre contre l'autre tiers, jusqu'à ce qu'ils l'aient exterminé ou converti. Mais le malaise du clergé paraît être la principale. Les abus continuaient, malgré le concile de Trente, malgré le danger de prêter des arguments sérieux à l'hérésie. Des hommes de guerre recevaient le revenu des abbayes, et laissaient les religieux dans le dénuement. Pierre de Bourdeille, le spirituel capitaine, était abbé de Brantôme[6] ; Bussy d'Amboise, le plus heureux duelliste de son temps, se nommait l'abbé de Bourgueil[7] ; Blaise de Montluc possédait une abbaye à Sens[8] ; du Guast, à qui Sa Majesté avoit donné pour récompense de ses services les éveschés de Grenoble et d'Amiens, vendit à une fille[9] de la cour, qui dès longtemps avoit le bouquet sur l'oreille, l'évesché d'Amiens la somme de trente mil livres, ayant vendu auparavant l'évesché de Grenoble quarante mil livres au fils du seigneur d'Avanson ; l'évêché de Cornouailles était remis en dot à une jeune fille[10]. Le Pape, dit Tavannes[11], sçait que les bénéfices se donnent aux... aux... et aux huguenots ; néanmoins, on envoie les bulles en France. Ces abus plongeaient dans la misère le bas clergé au seizième siècle. Dans un premier élan, sous Henri II, il s'était porté vers la réforme, et avait fourni les plus instruits des ministres protestants. La continuation des mêmes souffrances le soulevait de nouveau sous Henri III, et le mûrissait pour une nouvelle manifestation. Mais, cette fois, les curés des paroisses pauvres, les religieux dont les revenus étaient détournés par les abbés, les prêtres pieux que scandalisaient les exemples de leurs supérieurs, n'étaient plus abandonnés sans chef et sans direction, ni exposés à s'écarter jusqu'à l'apostasie.

Un fait considérable s'était produit dans ces trente dernières années : la Société de Jésus avait pris l'hégémonie du clergé ; elle le retint dans l'orthodoxie ; elle poussa vers la Ligue toutes les forces catholiques.

Il n'est pas plus aisé de parler de l'ordre des Jésuites que de Calvin. S'exprimer sans admiration, c'est soulever des haines. Reconnaître des qualités est pris pour grossière flatterie. Notre nation confond la force avec l'exagération, et ne vous juge modéré que si vous êtes vulgaire. Le calme dans les opinions irrite les partis extrêmes. Si vous n'êtes pas des nôtres, pensent-ils, vous êtes avec nos ennemis. Chacun tient la vérité, et prend en pitié ceux qui ne s'arrêtent pas exactement aux mêmes limites. Cependant il faut bien avouer que les institutions ne sont pas d'une seule pièce, les hommes pas davantage. Un homme tout entier méchant, ou toujours bon, est une rareté ; mais se placer entre les exagérations du dénigrement et celles de l'idolâtrie, c'est se faire juger léger ou sans bonne foi.

C'est presque de la témérité que de trouver de la grandeur dans la Compagnie de Jésus. A une époque où la papauté n'avait pas su garder son prestige et n'était plus représentée que par des souverains mêlés à toutes les perfidies de leurs contemporains, des hommes se sont réunis qui ont reconquis le royaume céleste ; ils ont cerné le trône pontifical et astreint le Pape à la sainteté. En même temps, ils ont agi sur le clergé et sur la société par des forces à la fois ingénieuses et infinies, présentes partout et toujours éveillées. Ils sont arrivés à disposer des trésors de l'Église, désigner les évêques, surveiller la doctrine, favoriser les dociles et les humbles, distribuer les bénéfices. Ils ont été les confesseurs des rois et des courtisanes ; ils ont consolé les reines et marié les forts de la halle ; ils ont écouté les secrets d'État et les bavardages des commères. Ils savaient le chinois, le calcul intégral, l'astrologie. Ils composaient des traités de théologie en allemand, des madrigaux en italien, des chansons en vers latins, des calembours en français. Ils collectionnaient des médailles, peignaient des guirlandes de fleurs, jouaient des tragédies, observaient la constitution du soleil. A la cour, sévères sur le dogme, mais indulgents pour les galanteries. Au Paraguay, maîtres débonnaires, mais implacables sur la chasteté. Chaque cœur les trouvait accessibles et souriants. L'ordre savait utiliser les Pères selon leurs aptitudes, et épuiser leur énergie et leur capacité tant qu'ils étaient jeunes et actifs. Les plus hautes charges, les plus délicates missions n'étaient pas, comme dans les États soumis à la puissance des bureaux, confiées à des hommes appesantis par l'âge, dégoûtés par les injustices, amoindris par un long apprentissage dans les rangs subalternes ; l'ordre choisissait ceux qui avaient le plus d'ardeur et de vigueur. Les recteurs des maisons professes étaient toujours jeunes, doués du premier zèle, aptes à travailler le jour et la nuit ; ces mêmes sujets, quand ils avaient le cerveau fatigué, étaient relégués dans les rangs infimes durant leurs vieilles années.

Cette science consommée du gouvernement, cette largeur d'esprit qui ouvrait la Société de Jésus à toutes les idées nouvelles et la faisait pénétrer dans toutes les riions de l'intelligence, constituent un curieux phénomène dans la vie de l'humanité. De nos jours encore, les Jésuites n'ont rien perdu de leur activité ni de leur hardiesse. Jusqu'en Californie, resserrés dans leur collège de Santa-Clara par la population envahissante des protestants et des Chinois, ils montrent le cabinet de physique le plus complet, la bibliothèque la plus nombreuse de tout l'État, et disent fièrement : Nous ne sommes pas des trappistes ; nos armes sont des livres, et non des reliques, car nous croyons aux livres[12].

Ils croient aux livres plus qu'aux hommes. Dans ce savant mécanisme, l'homme est devenu un rouage : le Père est un instrument social ; il n'a plus le droit d'avoir des vertus humaines, de la pitié, de la tendresse, du dévouement ; Tordre seul existe. Seul, il agit et pense, et combat. La religion même s'écrase entre les ressorts d'une telle machine et finit par être pétrie, façonnée, dévorée par l'ordre. Dès les premières années de sa fondation, la Société de Jésus regarde comme les pires ennemis du catholicisme ceux qui ne sont pas entièrement soumis à sa discipline ; elle forme le centre de la résistance contre les politiques et les gallicans. Son premier acte est de diviser les catholiques.

En combattant ce qu'on appelait, au seizième siècle, les libertés de l'Église gallicane, elle blessa des gens qui ignoraient peut-être le sens de ces mots, mais qui se sentaient tenus par une sorte d'amour-propre national. Les Jésuites avaient trouvé la France partagée entre catholiques et réformés ; ils ne jugèrent pas les catholiques assez purs : ils détachèrent les gallicans, ils affaiblirent volontairement leurs propres troupes, ils repoussèrent vers les huguenots tous les catholiques paisibles qui étaient rebelles à leurs théories. Ils les accablèrent d'anathèmes, car ils ont toujours haï moins le Turc que le schismatique, moins l'hérétique que l'indocile. Prodigieux dans l'art d'amoindrir le nombre des fidèles, vigilants dans leur subtilité à imaginer des adversaires, ils ont poursuivi sous des noms divers, comme les pires des hérétiques, tous ceux qui essayaient de se soustraire à leur domination.

Cette ingérence de la Société de Jésus dans la politique au seizième siècle a procuré des partisans catholiques aux chefs huguenots, repoussé dans leurs armées plusieurs de ceux qui étaient disposés à les combattre, montré aux catholiques qu'il y avait plus de tranquillité à vivre paisiblement à côté des protestants qu'à être questionné sur sa pureté, suspecté sur sa docilité, trié par des gens inquiets, prompts à supposer des dissidents, heureux d'avoir des ennemis. Mais, en même temps, elle a resserré le petit bataillon des fidèles ; elle a imposé l'unité et l'ardeur à la Ligue ; elle lui a procuré des chefs, en faisant désigner comme curés, dans les paroisses de Paris, des hommes vigoureux, spirituels, insolents. Elle a fait le nerf de la Ligue.

A côté du clergé, le Parlement se jeta presque entier dans la vaste association ; ses sentiments étaient moins désintéressés et son concours moins passionné. Les membres du Parlement étaient si nombreux que plusieurs devaient être turbulents et indignes : il n'y avait pas longtemps que le roi lettré[13], François Ier, honteux de l'ignorance de ses magistrats, leur avait interdit de rédiger leurs décisions en latin, quand il avait lu le célèbre arrêt : Dicta curia debotavit et debotat dictum Collinum de sua demanda. Qu'ils fussent, en outre, accessibles à la corruption, on en peut juger non-seulement par les pamphlets contemporains, mais aussi par ce qu'étaient les dispositions de plusieurs membres du Parlement à une époque où le sentiment de la dignité personnelle avait fait des progrès. Mazarin et Fouquet payaient à beaux deniers les complaisances des magistrats et même des présidents[14]. La simple entrée en fonction d'un conseiller était déjà une prévarication, puisque, comme le rapporte un homme d'épée, indigné des fictions et des supercheries[15], les estats de judicature sont acheptés, et le premier acte de leur justice est de faire serinent qu'ils n'en ont point donné d'argent. Qu'ils aient été superstitieux jusqu'à la niaiserie, on peut l'induire des monstrueux arrêts qu'ils rendaient contre les sorciers et les diverses victimes du crime de démonomanie ; au sujet d'une vieille qui avait eu le fouet comme sorcière, et dont la mère avait été brûlée vive, et qui était poursuivie de nouveau pour le même crime, un juge rapporte que ceux qui assistèrent au jugement estoient bien d'advis qu'elle avoit bien mérité la mort ; mais sur la forme et genre de mort, il y eut quelqu'un plus doux et d'un naturel plus pitoyable, qui estoit d'advis qu'il sufBsoit de la faire pendre. Les autres, après avoir examiné les crimes détestables et les peines établies par les loix divines et humaines et mesmement la coustume générale de toute la chrestienté, furent d'advis qu'elle devoit estre condamnée à estre bruslée vive : ce qui fut arresté, et la sentence exécutée[16]. En 1575, un misérable athéiste et fou, nommé Geoffroy Vallée, fut pendu et étranglé à Paris ; son corps fut brûlé avec son livre : plusieurs des juges estoient d'advis de le confiner dans un monastère comme un vrai fou, tel qu'il estoit et se monstra lorsqu'on le mena au supplice[17]. Et jusqu'en 1675, quand Louis XIV voulut interdire le supplice du feu contre les sorciers, il reçut des remontrances du Parlement de Rouen : Comme il s'agissoit d'un des plus grands crimes qui se puissent commettre, les officiers de votre Parlement espèrent que Votre Majesté voudra bien souffrir l'exécution des arrêts en la forme qu'ils ont été rendus, et ne souffrira pas que l'on introduise durant son règne une nouvelle opinion contraire aux principes de la religion[18].

Rien d'extraordinaire que, dans des corps ainsi composés, l'espoir d'obtenir de l'avancement par des services secrets, le besoin de l'intrigue, la chance de se débarrasser des compétiteurs à l'avancement, la gloriole de se parer d'une rondache et de traîner une hallebarde à la tête des bourgeois de son quartier, aient recruté des adhérents à la Ligue.

Des convoitises d'un autre ordre lui procuraient des gens de guerre. Dans toutes les révolutions, les sentiments respectables se cachent au second plan ; on ne voit à la surface qu'envie et instincts grossiers. Beaucoup de lieutenants des gouverneurs de province ou des places particulières se mirent la plupart de ce party, sous l'espérance d'estre gouverneurs en chef. Il y en eust beaucoup de gens de justice qui, pour s'agrandir, se mirent aussy de ce party, car où les lieutenants généraux se tenoient fermes au party du Roy, les lieutenants particuliers, les assesseurs ou les vice-sénéchaux, en beaucoup d'endroits, se mirent du party de l'Union, pour être lieutenants généraux ou sénéchaux. Si les prévôts des marchands ou eschevins estoient aussi catholiques royaux, d'autres habitants, pour occuper leurs charges, se mettoient du party de l'Union, faisoient soulever le peuple, se faisoient eslire aux grades et honneurs auxquels ils n'eussent eu espérance de parvenir au temps de paix.

Cette coalition de croyances sincères et de cupidités, de passions énergiques et de basses intrigues, qui s'attachait au duc de Guise, ne put lui procurer la force qu'il avait espérée ; elle était, dès le premier jour, comprimée entre deux ressorts qui l'étouffèrent : au-dessus, Philippe II ; au-dessous, les Seize. Guise et ses gentilshommes, le Parlement et les curés étaient également écrasés entre l'étranger et la commune de Paris. Le mouvement ligueur était confisqué, en haut par le roi d'Espagne, en bas par les délégués des seize quartiers de Paris, qui employaient comme des instruments le duc de Guise et les prédicateurs, armaient le menu peuple, préparaient les séditions. Les seize délégués étaient des gens obscurs, sans notoriété et la plupart sans honorabilité[19] mais ils suppléaient par l'audace aux qualités qui leur manquaient, et trouvaient dans les Parisiens cette complaisance banale pour tous ceux qui les violentent. Cette Tille a quelquefois de l'indulgence pour les drôles quand ils sont les plus forts. Elle négligeait déjà le vainqueur des reîtres pour adorer les seize misérables qu'elle avait choisis comme délégués de ses quartiers.

Le duc de Guise n'était ni le complice, ni la dupe de ces intrigues de ruisseau ; mais il aurait voulu échapper aussi à la tutelle du roi d'Espagne, et il essaya avec empressement, dans une occasion étrange, de transformer l'Europe et de la tailler sur un nouveau modèle, par l'accord de deux héros.

A ce moment, l'amour des catholiques se partageait entre le duc de Guise et le vainqueur de Lépante.

Don Juan d'Autriche était excusable de rêver des combinaisons romanesques dans une union intime avec Henri de Guise, car sa vie offrait toutes les émotions et tout l'éclat d'un roman. Fils d'une servante allemande, il avait été élevé comme un petit paysan par les ordres de son père Charles-Quint. L'orgueil du puissant empereur souffrait d'avouer une liaison d'un instant, dans une auberge, avec la pauvre mère. Tandis qu'il faisait élever dans la splendeur d'une petite cour et destinait à un rôle politique sa fille Marguerite, dont la mère était une Flamande de noble race, il cherchait à cacher don Juan. L'enfant ignora avec tout le monde son origine illustre ; il grandit près de son père, dans la retraite de Yuste, comme le page d'un des chambellans. Personne n'était dans le secret. Philippe lui-même ne connut pas l'existence de ce frère tant que vécut Charles-Quint ; il se sentit saisi d'une tendresse subite pour cet inconnu, aussitôt que le testament de son père le lui eut indiqué et l'eut recommandé à sa protection. Il voulut le voir et commanda qu'on le lui fit rencontrer dans une partie de chasse. La mise en scène rappelle les romans de chevalerie. Le jeune page se trouve devant le Roi, sous la futaie, salue, rougit. — Sais-tu qui es ton père ? dit brusquement le Roi. — Don Juan, honteux de ne pouvoir le nommer, baisse la tête, recule. — Sois fier, reprend Philippe, tu es le fils d'un grand homme. L'empereur Charles-Quint, qui est aux cieux, est notre père à tous les deux[20]. — Puis il le prend par la main, le présente comme son frère aux courtisans, lui passe sa Toison d'or au cou, lui fait donner un cheval et l'emmène. Don Juan d'Autriche se montra digne du rôle de prince. Il vainquit les Maures d'Espagne, et reçut le commandement des flottes de la chrétienté, réunies contre la marine turque. Par sa victoire de Lépante[21], dans laquelle il détruisit trois cents vaisseaux turcs, il délivra pour plusieurs années les populations de la Méditerranée des recruteurs d'esclaves. L'heureux vainqueur des Turcs reçut du roi d'Espagne la mission de pacifier les Pays-Bas, après les échecs du duc d'Alva dans sa lutte cruelle contre le patriotisme des Flamands. En traversant la France pour prendre ce commandement, don Juan d'Autriche eut plusieurs entrevues secrètes avec le duc de Guise. C'était en octobre 1376 ; les deux jeunes capitaines étaient dans tout l'éclat de la santé, de la gloire, des illusions. Les déceptions n'avaient pas encore commencé. Ils se jurèrent une amitié intime, inébranlable, sûrs qu'aucun prince ne pourrait résister aux efforts combinés des deux enfants chéris de l'Eglise. Ce qu'ils se partagèrent dans leurs rêves, Philippe II seul l'a connu, et il en a gardé le secret comme un gage de la docilité du survivant. Mais les deux jeunes princes ne purent s'abstenir d'en dire quelques mots aux gentilshommes et aux femmes qui les entouraient. On a su, peu de mois après l'entrevue, que don Juan devait épouser Marie Stuart, la cousine de Henri de Guise, s'emparer des trois couronnes du Nord, celles d'Angleterre, d'Ecosse et des Pays-Bas, et seconder les projets du duc de Guise sur celle de France. Le gardien de Marie Stuart fut mis au courant de ces projets par un secrétaire infidèle du duc de Guise, et en fit part au gouvernement anglais[22]. Par ces combinaisons, Henri de Guise croyait s'assurer un appui et des alliances hors de France, s'affranchir de la protection minutieuse et tracassière du roi d'Espagne, parler en maître à la populace parisienne, donner le branle à un grand mouvement dans tous les royaumes du Nord, de manière à renverser Henri III dans le tumulte, et à profiter de sa chute.

Ces vues ne lui faisaient pas oublier ses intérêts immédiats. Peu de temps après le voyage de don Juan d'Autriche, les états généraux se rassemblèrent à Blois, en décembre 1576. Les députés étaient unanimes, comme dans les états réunis sous François II, dans le désir de donner appui à la famille des Guises, soit que les ambitieux possèdent naturellement l'art de diriger les élections et de rallier à leur cause ceux qui les influencent, soit que l'esprit de résistance contre la paix de Beaulieu ait profité de ces élections pour amoindrir le pouvoir royal. Contre les états, dont tous les membres étaient affiliés à la Ligue, Henri III essaya de lutter le premier jour. Il osa donner la préférence aux princes du sang sur le duc de Guise. Puis il prit peur, ainsi que son frère, révoqua tout à coup l'édit de Beaulieu, céda subitement à la demande des députés de n'admettre qu'une religion en France et de commencer la guerre contre les dissidents. Enfin, entraîné sur cette pente dangereuse, il passa à l'extrême, désespéra de résister aux ligueurs, entra dans leurs rangs et se déclara avec solennité le chef de la Ligue, tendant hardiment la main pour saisir les forces amassées contre sa propre personne.

Sans doute il est sage de savoir manœuvrer entre deux adversaires trop puissants, de manière à les aider et à les combattre alternativement. Mais ces revirements ne sont permis que pour prêter de la force au parti que Ton adopte momentanément, jamais pour lui en emprunter. Lorsque Catherine, avec les ressources de son génie, ses gens de guerre, ses filles d'honneur et son prestige, favorisait ou attaquait les Guises, elle savait rester devant eux alliée précieuse ou dangereuse ennemie. Henri III, au contraire, n'était capable que d'osciller d'un parti à l'autre, sans affaiblir ceux qu'il combattait, sans être utile à ceux qu'il rejoignait. Au lieu d'apporter un concours, il demandait un appui. Ce n'était plus de la politique, c'était de la détresse. Il ne réussissait même pas à faire craindre ses intrigues ; il ne pouvait que faire mépriser sa versatilité. Au moment de la paix de Beaulieu, on l'avait vu dévoué à son frère et prêt à porter la guerre dans les Flandres ; quelques mois après, il prenait la direction de la Ligue, au moment où la Ligue était déjà complète sans le Roi, contre le Roi. Elle n'avait ni avantage à recevoir ses avances, ni intérêt à lui prêter son autorité. Son chef réel n'était même plus le duc de Guise ; c'était déjà Philippe II, qui s'insinuait comme protecteur et comme fournisseur de subsides.

Cependant Henri III portait tant de zèle dans ce rôle, pris tardivement, qu'il voulut contraindre à entrer dans la Ligue les villes qui trouvaient cette association dangereuse pour son autorité. Aux bourgeois d'Amiens, qui lui adressaient des subsides au lieu de l'adhésion à la Ligue qu'il avait exigée d'eux, et qui lui répondaient que sy les autres villes du royaume se fussent ainsy comportées que la ville d'Amiens, il ne seroit besoing d'aucune ligue, il répondit que l'association et ligue avoit esté faicte pour son service[23]. Son frère, François, s'avança plus loin encore : il sollicita et obtint le commandement de l'une des armées qui devaient opérer contre les huguenots, ses alliés de la veille. Les Valois se trouvaient ainsi captifs dans le parti des Guises ; ils devenaient les instruments de l'ambition de leurs sujets ; quand ils avaient conscience de la nécessité de la paix, ils étaient forcés de réveiller la guerre civile.

Cette guerre dut commencer par la destruction des places de sûreté laissées aux huguenots. François de Valois et le duc de Guise attaquèrent la Charité avant que les réformés pussent réunir une armée pour défendre leurs places. Ils accordèrent une capitulation aux habitants. L'autorité du duc de Guise était assez considérable dans l'armée pour qu'il ait pu, malgré la coutume, empêcher le pillage en maintenant les termes de la capitulation qu'il avait signée : Là, parut le duc de Guise conservateur de la foi et du droit des gens.

Les deux généraux conduisirent ensuite leurs troupes devant la ville d'Issoire.

Après une longue canonnade, François de Valois concerta trois assauts sur trois brèches à la fois ; un coup de canon devait donner le signal des opérations à trois heures. Mais, dès le matin, les jeunes volontaires Maugiron, Saint-Luc, Bussy, Tavannes le fils, vinrent presser le duc de Guise d'attaquer le premier, et d'avoir l'honneur de cette conquête. Comme au temps de ses débuts, Henri de Guise se laissa entraîner ; dédaignant, par bravade, de revêtir son armure[24], il se jeta en avant, s'empara presque seul de la tour du Ponté, mais vit tomber sous ses yeux la plupart de ceux qui voulaient se maintenir sur la brèche. Les assiégés chargeaient leurs mousquets avec des balles ramées qui faisaient de dangereuses blessures. Après avoir perdu trois cents hommes. Guise dut évacuer sa tour et ordonner la retraite. Sa précipitation avait encore une fois compromis le succès des catholiques. Quelques jours après, les défenseurs d'Issoire demandèrent une capitulation ; pendant qu'on en discutait les termes, les soldats catholiques entrèrent dans la ville et ne purent estre retenus qu'ils ne pillassent et brûlassent la ville, voire et tuassent inhumainement tout ce qui se trouva devant eux[25]. Ce fut la plus cruelle des scènes qu'on eût encore vues dans ces pierres ; on n'entendoit que hurlements, chutes de maisons, bourdonnement du feu[26]. Les paysans des environs s'établirent, avec des charrettes, sur la place, et achetèrent le butin à vil prix ; les villages voisins se trouvèrent enrichis de ces dépouilles. Quelques femmes nobles s'étaient, avec leurs filles, réfugiées sur un toit de grange ; l'incendie les obligea de sauter dans la rue. Meurtries de la chute, elles furent livrées aux outrages des soldats, comme l'étaient déjà les bourgeoises : la pluspart des femmes forcées par les uns, esgorgées par les autres ; mesme on n'espargna que fort peu d'enfants. On peut dire que c'est une cruauté que le droit de la guerre permet[27]. Dans ces supplices, les filles qui suivaient l'armée catholique furent ingénieuses, et se plurent à maltraiter et à traîner par les cheveux les malheureuses habitantes d'Issoire. Le duc de Guise réussit à sauver quelques captives ; il tua de sa main un soldat qui traînait une jeune fille par les cheveux[28] ; il transporta lui-même, sur son cheval, dans ses bras, de petits enfants au delà de la rivière de Couze, pour les mettre en sûreté ; il enferma dans sa tente le plus de femmes qu'il put : l'une d'elles y accoucha[29] ; il parcourut les tentes et fit mettre en liberté toutes celles qui y étaient retenues.

A partir de ce jour, les soldats devinrent plus féroces qu'auparavant, et s'accoutumèrent à brancqueter les villes[30]. A Saint-Lô, tout fut mis au fil de l'épée, jusqu'aux femmes[31]. La ville de Fontenay-le-Comte fut surprise en parlementant, où le meurtre, le sac, le forcement de filles et femmes rendit cette pauvre ville désolée[32]. Les villes ouvertes n'étaient pas mieux traitées, surtout après que le départ du duc de Guise eut fait disparaître le peu de discipline qui subsistât dans l'armée. Sans influence sur les soldats et sans pitié pour les vaincus, François de Valois suivait son armée et assistait aux scènes de brigandage. C'était une guerre de détails, dans laquelle on ne trouve ni plan d'ensemble ni action décisive. Les réformés essayaient de répondre à l'organisation de la Ligue par une solide fédération des Églises réformées. Une assemblée de ministres protestants, tenue à Nîmes en 1575, avait constitué pour chaque province des taxes, des levées de troupes et même des juridictions civiles[33]. L'Union des Églises avait ses receveurs généraux et un contrôleur général qui percevait les impôts pour la cause ; les dépenses étaient ordonnancées par les conseils provinciaux, qui assignaient un traitement fixe et des subsides réguliers, par mois, au prince de Condé et à Thoré pour la solde et l'entretien des troupes.

Mais cette immixtion des ministres avait l'inconvénient de mécontenter les gens de guerre. Aucun des chefs militaires n'était assez important pour disputer la prépondérance aux prédicants qui les traitaient comme des Saüls ou des Achabs, et se comparaient eux-mêmes aux grands prêtres de Jérusalem.

Le Roi, de son côté, ne s'attachait que trop, par sa nonchalance et ses désordres, à seconder ceux qui voulaient le faire tomber dans le mépris public. Les fêtes de Chenonceaux et de Plessis-lez-Tours, le désordre des mœurs qui força Catherine à chasser une de ses filles d'honneur, mademoiselle de la Motte-Mesme, surprise avec le marquis d'Elbœuf, cousin du duc de Guise, dans l'avenue du château de Blois, pendant la réunion des états[34], le plaisir singulier .que prenait le Roi à foire connaître ses orgies et à en porter le spectacle chez les bourgeois, achevaient de faire perdre à l'ancien vainqueur de Jarnac et de Moncontour le peu de respect qui lui avait été gardé. Le duc de Guise était quelquefois compromis dans ces tristes divertissements. Il avait prêté, pour un jour, son hôtel à un adroit bourgeois de Paris, Claude Marcel, qui avait su devenir surintendant des finances, s'était enrichi, et mariait sa fille au seigneur de Vicourt[35]. La noce fut faite en l'hôtel de Guise, où disnèrent le Roy et les trois roines, M. le duc et messieurs de Guise. Après souper, le Roy y fust, lui trentiesme, masqué en homme, avec trente que princesses que dames de cour, masquées en femmes, tous et toutes vestues de drap et toile d'argent et autres soies blanches ; ces masquarades y apportèrent telle confusion pour la grande suicte qu'elles avoient, que la plupart de ceux de la nopce furent contraints de sortir, et les plus sages dames et demoiselles se retirèrent et firent sagement... Si les tapisseries et les murailles eussent peu parler, elles eussent dit beaucoup de belles choses.

Ces financiers, courtisés à la fois par le Roi et par le duc de Guise, amassaient des fortunes scandaleuses. Ludovic Adjaceti, de Florence, acheta le comté de Châteauvillain pour une somme qui représenterait quatre millions aujourd'hui, épargnée sur la ferme du Roy, qu'il avait tenue, et ce, pour espouser la demoiselle d'Astry, laquelle demoiselle ne vouloit pour mary ce messire douanier s'il n'estoit duc ou comte[36]. Henri III, laissé par ces traitants, sans ressource pour ses prodigalités, en était réduit, tantôt à altérer les monnaies[37], tantôt à s'emparer des rentes sur l'Hôtel de ville[38], tantôt à attirer au Louvre les riches marchands, et à leur faire payer une rançon, sous menace de les tenir enfermés dans des cachots[39]. Il ne s'inquiétait ni de la police, ni de la justice. Il fit forcer par ses gardes les portes de la conciergerie du palais, pour en tirer un gentilhomme, sien favori, atteint et convaincu d'avoir assassiné un gentilhomme poitevin, en sa maison, entre les bras de sa mère et de sa femme[40]. Si bien servi quand il voulait empêcher, par la violence, le cours de la justice, le Roi voyait, au contraire, battre ses archers quand il essayait de faire respecter ses ordres[41] : averti d'une rencontre au Pré aux Clercs entre le baron de Sauzay et le seigneur de la Roche des Aubiers, il envoya des archers de ses gardes : la Roche des Aubiers et ses agents ne laissèrent à charger les gardes du Roy, où il y en eut de blessés et de tués de part et d'autre.

Plus d'obéissance, plus de sûreté : Adjaceti, le nouveau comte de Châteauvillain, fit assassiner, par douze Italiens, Pulveret, capitaine du château d'Encize, et paya deux mille cinq cents livres pour arrêter les poursuites de la justice[42]. Tous les matins, se racontaient à Paris les meurtres de la nuit précédente[43]. En même temps que son ennemi, on tuait sans scrupule ou les passants inoffensifs, ou les inconnus qui se trouvaient avec lui[44]. La principale cause des crimes était le besoin de s'enrichir par mariage : Lavardin tua de sang-froid à Lucey, en Vendômois, le jeune Randan qui faisoit l'amour à la jeune dame de Lucey, riche veuve qu'il voulait épouser[45]. Le plus souvent, c'était la femme qui était la victime : le chancelier Birague empoisonna la sienne pour pouvoir devenir cardinal ; le Corse San Pietro étrangla Vanina sa femme. Le plus brutal de tous ces crimes, celui qui jeta le plus de déconsidération sur la personne du Roi, fut le meurtre de la comtesse de Villequier.

Villequier avait été, depuis la mort du comte du Guast, le seul favori et le principal conseiller du Roi. C'est lui qui l'empêchait d'entrer en lutte ouverte contre le duc de Guise et qui l'avait décidé à faire partie de la Ligue. Henri III prenait plaisir à éveiller la jalousie de ceux qui l'entouraient et à médire de leurs femmes ; il railla Villequier sur le peu d'estime que sa femme lui témoignait, et prêta à la malheureuse une passion secrète pour M. de Barbisy. Un matin, à Poitiers, comme le Roi rédigeait un nouvel édit de pacification, il poussa si loin ses plaisanteries, que Villequier quitta sa chambre, entra, chez sa femme, la vit qui se coiffait devant un miroir que tenait une de ses suivantes, agenouillée devant elle, la frappa de son poignard, frappa la suivante, s'acharna jusqu'à ce qu'il les vit mortes, puis retourna tranquillement près du Roi demander sa grâce. Les courtisans crurent à une bravade, et coururent à la chambre de la comtesse, où ils trouvèrent les corps. La faute n'était pas d'avoir détruit deux femmes, mais de s'être fait justice dans le logis du Roi. Villequier dut prendre la fuite ; il resta gouverneur de Paris, reçut sa grâce au bout de quelques mois, et se remaria. La seconde femme[46] amena avec elle sa mère, qui passait pour la personne la plus savante de l'époque dans l'art des poisons, qui sut dompter son gendre et le rendre docile. Villequier recouvra la faveur du Roi, mais fut forcé de la partager avec une foule de jeunes seigneurs qui avaient profité de son absence pour entourer le Roi, et qui recevaient de son amitié des témoignages extravagants.

On a parlé souvent des favoris de Henri III, que l'on nommait les mignons. Les femmes, constamment calomniées et diffamées par Henri III, se sont vengées avec cruauté, en attachant à son nom un souvenir infamant ; les conversations de la cour, les vers, les pamphlets ont tellement établi cette réputation qu'on regarderait comme un paradoxe une tentative de réhabilitation ; il faut dire, cependant, qu'aucun document sérieux n'incrimine Henri III, ni les mémoires de contemporains importants, comme pour le grand Frédéric, ni les médailles, comme pour Tibère, ni les monuments, comme pour Adrien. Le règne des mignons n'a d'ailleurs duré que peu de mois. Il ne faut pas les confondre avec les favoris qui les ont précédés, ni avec ceux qui les ont suivis. Les premiers amis du Roi, du Guast et Villequier, étaient les amis de jeunesse qui l'avaient accompagné dans la Pologne. Ensuite, au moment de la paix de Beaulieu, le Roi ne se sentit pas en sûreté, au milieu de ses gardes, contre les in' suites possibles du duc de Guise, toujours entouré de gentilshommes querelleurs et prompts à manier l'épée. Il voulut avoir des épées à lui : il assembla quelques hommes insolents, adroits à l'escrime, raffinés sur le point d'honneur, et mit à leur disposition le peu qui restait de richesses et d'autorité à la royauté, en échange de leur assiduité de tous les instants, et de leur vie qu'ils devaient être prêts à jouer dans un duel contre les partisans du duc de Guise. Il ne s'occupait dans ce choix que de se procurer des compagnons de fêtes et des champions. Aussi, cette seconde série de favoris ne comprend que des hommes frivoles. Plus tard, il concevra le plan de reformer, par ses favoris, une puissante aristocratie qui soit en état de lui prêter un appui dans ses luttes, et il appellera près de lui Joyeuse et d'Épernon ; mais il n'a encore, à l'époque de la paix de Beaulieu, des fêtes scandaleuses de Chenonceaux, de l'entrée dans la Ligue et de la disgrâce de Villequier, que des jeunes gens sans conséquence, comme Caylus, Saint-Luc, d'Arcq, Maugiron et Saint-Mesgrin. La grossièreté de leurs jeux ne connaît pas de frein : Catherine ne peut défendre contre eux ni son influence politique, ni ses filles d'honneur. Le frère même du Roi, qu'ils surnomment le Bossu, doit subir leurs insultes. C'est une orgie continuelle : des fous ont envahi le Louvre.

Heureux de telles fêtes et impatient de terminer une guerre dans laquelle se perdait un argent destiné à de riches costumes ou à de longs repas, Henri III osa conclure, en septembre 1577, avec les protestants, une sorte de trêve. Il espérait, à force de divertissements, attirer le duc de Guise au Louvre, et le faire insulter par ses bretteurs. Mais ces têtes légères ne suivaient pas longtemps la même idée. Les mignons oublièrent le duc de Guise et s'acharnèrent avec tant d'insolence contre le frère du Roi que ce prince, mal portant et mal élevé, eut tout à coup une pensée énergique : il résolut de s'unir de nouveau avec les huguenots, qu'il venait de combattre, et s'enfuit du Louvre par la fenêtre de la chambre de sa sœur Marguerite, en février 1578.

François de Valois avait un esprit inquiet, des nerfs impressionnables, une grande crainte de sa mère. La situation fausse dans laquelle il a été constamment maintenu a attiré sur sa tête les haines de tous les adversaires, les anathèmes que les partis aiment à fulminer contre ceux qui veulent les jouer au lieu de les subir, le mépris que méritent les apostats. Cependant, il est le seul des Valois qui ait suivi sérieusement la pensée de Coligny. S'il a écouté les inspirations de son intérêt personnel qui lui montrait la facilité de conquérir une riche principauté dans les Pays-Bas, il n'en a pas moins eu le mérite de voir que le seul intérêt des Français était d'amoindrir la puissance de Philippe II. Il a marché droit à ce qui était l'avantage du pays, au milieu de tant d'égoïsmes et de passions aveugles. Son frère et sa mère l'ont trahi constamment, les réformés l'ont suspecté, la reine d'Angleterre l'a trompé en lui promettant des secours que sa propre ambition sur les Pays-Bas lui empêchait de donner. Il n'a pas eu l'art de choisir des gens de guerre ni de prendre de l'autorité sur une armée ; mais il a eu une pensée politique.

Elle paraît lui avoir été suggérée par Montdoucet, l'ancien agent de Charles IX près du duc d'Alva. Elle consistait à créer, aux dépens de l'Espagne et sous le protectorat de la France, un État libre et prospère. A la place du vaste royaume catholique rêvé par don Juan d'Autriche, François de Valois voulut fonder à son profit une souveraineté protestante, et unir les Pays-Bas à l'Angleterre en devenant l'allié et peut-être l'époux d'Elisabeth. Sa sœur Marguerite adopta avec le même enthousiasme les projets de Montdoucet, et, sous le prétexte de prendre les eaux de Spa, se rendit dans les Pays-Bas pour procurer des partisans à son frère. Son train fut assez somptueux pour séduire les Flamands : J'allois, dit-elle[47], dans une litière faite à pilliers doublés de velours incarnadin d'Espagne, en broderie d'or et de soie nouée à devises. Cette litière estoit toute vitrée, et les vitres toutes faites à devises, y ayant, ou à la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes différentes, avec les mots en espagnol et italien, sur le soleil et ses effets. Elle avait à sa suite dix filles à cheval avec leur gouvernante. Son frère se jeta, à la même époque, dans les murs de Mons. L'amitié fidèle que lui garda Marguerite montre que ce pauvre prince n'était pas sans qualités.

Avec cette sœur, il se levait seul pour combattre la dangereuse coalition du duc de Guise et de don Juan d'Autriche. Les deux héros catholiques trouvèrent devant eux un adversaire inattendu, qui combattit leur fameux projet avec persévérance. Henri III, par peur des ligueurs, n'osa seconder son frère. Il adopta d'abord avec passion le projet d'envahir les Flandres et de les détacher de l'Espagne, promit à François de le soutenir, lui laissa prendre des engagements avec les seigneurs et les communes des Pays-Bas, puis recula au moment décisif, refusa à la fois des troupes et des subsides.

François de Valois voulut persister, et prétendit assembler une armée pour son compte ; mais il n'avait pas une réputation militaire qui pût séduire les capitaines en renom ; il ne put ramasser que des bandes de tous ceux qu'attirait l'espoir du pillage dans les riches cités flamandes ; après tant d'années de guerre, le brigandage était devenu un métier. Le mot d'ordre de la guerre des Flandres entoura François de Valois, comme jadis Bertrand du Guesclin quand il annonçait une guerre en Espagne, de tout ce qu'il y avait en France de vagabonds. Un pays était mangé quand avait passé une de ces troupes. Faut entendre que les compagnies qui s'assemblèrent à Montereau n'avoient oublié le mestier de rançonner, battre et desrober leur hoste. Soubs le nom et prétexte d'aller en Flandre, tous bannis, vagabonds, volleurs, meurtriers, renieurs de Dieu et de vieilles debtes, remenans de guerre, restes de gibet, massacreurs, vérollés, se meirent aux champs pour aller piller, battre et ruyner les hommes des villes et des villages[48]. Un capitaine, arrivé avec une de ces compagnies dans un village, logea chez un bonhomme qui le traitoit à tire-larigot ; il fit à son hoste la demande de sa fille en mariage, et sur ce que cet homme lui répondit qu'il lui falloit une demoiselle et non sa fille, qui n'estoit de sa qualité, il le mit en fuite en lui jettant plats et assiettes à la teste ; puis il déshonora cette pauvre fille. Violée qu'elle fut, il la fit remettre a table, lui jettant infinis brocards. Lors cette fille, regardant sa contenance, comme elle vit qu'un soldat s'approchoit pour lui parler à l'oreille, prit un grand couteau qui estoit sur la table, et lui planta dans l'estomac de telle roideur, qu'à l'instant il tomba mort sur la place ; ce que les soldats voyans, prirent la fille, et l'ayant attachée à un arbre, l'arquebusèrent sur-le-champ[49]. Le nom du frère du Roi fut bientôt maudit de nos paysans : Je prye à Dieu qu'il ne luy mésadvienne, disaient les bourgeois, pour les malédictions et imprécations que le peuple désespéré de sa nation luy a souhaité pour le mal que ceulx qui tenoient les champs soubs son autorité ont faict ![50] Les remparts n'étaient même pas toujours une sûreté contre ces misères. Devant une de ces bandes, le bourg de Broès, près Sézanne, clos de murs, voulut fermer ses portes. Les gens de guerre, humilias de se voir exclus par des paysans, escaladèrent les murs, et tuèrent tout ce qu'ils rencontrèrent, jusques aux femmes et petits enfants, forcèrent le chasteau, et y tuèrent dedans le seigneur, sa femme et sa famille, saccagèrent le bourg et y mirent le feu[51].

Les capitaines expérimentes ne voulurent pas s'aventurer dans cette tourbe. François de Valois se vit abandonné même des bretteurs favoris dont il s'était entouré, à l'exemple de son frère. Quatre des siens passèrent au service du Roi : Épernon, Livarot, Grammont et Mauléon[52].

Grossie de la sorte, la coterie des mignons devint plus altière. Le duc de Guise n'osait plus entrer au Louvre que fortement accompagné ; il nourrissait une haine sourde contre lé Roi, en se voyant exposé ainsi aux plaisanteries de quelques insolents. Une femme porta le premier coup à leur autorité. Marguerite se considéra comme humiliée par l'impudence avec laquelle Caylus, l'un d'eux, annonçait des prétentions à ses faveurs. Elle feignit de donner devant lui la préférence à Balzac d'Entragues, un des gentilshommes du duc de Guise, et eut le talent d'irriter les rivaux au point de rendre un combat inévitable' Ce duel est célèbre. D'un côté, trois des bretteurs du Roi, Caylus, accompagné de Maugiron et Livarot ; de l'autre, d'Entragues, suivi de Ribérac, qui appartenait comme lui au duc de Guise, et de Schomberg. C'était Valois contre Guises. Henri III attendait les nouvelles au Louvre avec impatience. On vint lui annoncer que des six combattants, un seul, d'Entragues, était resté vivant. Ce n'était pas tout à fait exact, car Ribérac ne mourut qu'au bout de deux ou trois jours à l'hôtel de Guise, où il était soigné, et Livarot put être, à la longue, guéri de ses blessures, qui le laissèrent pour toujours estropié. Mais la mort de Caylus et de Maugiron, et surtout la défaite complète de ces fameux champions, dont l'heureux d'Entragues détruisait la réputation en un seul jour[53], plongèrent Henri III dans le désespoir.

Après quelques semaines consacrées à des manifestations extravagantes de sa douleur, il résolut d'obtenir une revanche à l'aide des survivants, et ne craignit pas d'attaquer l'honneur même du duc de Guise. Il raconta, avec son intempérance habituelle de langage, que Saint-Mesgrin était aimé de la duchesse de Guise. Ce Saint-Mesgrin était une lame dangereuse. Dans un duel, il pouvait tuer le duc ; si, au contraire, il était tué, le duc perdait, parce premier duel, le prestige de son rang, et avait sur les bras tous les spadassins de France. Le 21 juillet, Saint-Mesgrin, jeune gentilhomme bourdelois, beau, riche et de bonne part, l'un des mignons, sortant à onze heures du soir du chasteau du Louvre, où le Roy estoit, en la rue du Louvre, vers la rue Saint-Honoré, est chargé à coups de pistolet, d'espée et de coutelas par vingt ou trente hommes inconnus, qui le laissèrent pour mort sur le pavé, comme aussi mourust-il le jour suivant[54]. Parmi les assassins, on crut distinguer le duc de Mayenne. Ce frère du duc de Guise portait la barbe élargie en éventail, au lieu de la tailler en pointe à la mode de l'époque ; il était reconnaissable, en outre, à sa main trapue, qu'on disait ronde comme une épaule de mouton[55]. Le Roi n'osa ordonner aucune enquête contre ce meurtre, tant il avait peur de Guise, et était bien adverty que le duc de Guise l'avoit fait faire pour le bruict qu'avoit ce mignon d'entretenir sa femme[56].

Les mignons, ainsi privés de leurs quatre meilleures épées, étaient furieux. Grammont, l'un d'eux, assassina devant l'église Saint-Paul, pendant les obsèques de Saint-Mesgrin, un gentilhomme qui avait ôté une baguette à un de ses pages[57]. Henri III, humilié, privé de ses amis, outré de dépit, fut repris d'un abcès à l'oreille et perdit tous ses cheveux[58]. Durant sa convalescence y l'esprit affaibli par le délire et la fièvre, il tomba dans un piège si grossier que le récit en paraîtrait invraisemblable, s'il n'avait prêté à rire à tous les contemporains.

La sœur du duc de Guise, Catherine, qui avait épousé le duc de Montpensier, ne pouvait pardonner à Henri III ses plaisanteries sur le peu de cas qu'elle faisait de son vieux mari. Elle fut humiliée de voir qu'il avait désigné, comme chargé de lui plaire, un de ses mignons, Saint-Luc, de même que Caylus s'était adressé à Marguerite de Valois, et Saint-Mesgrin à la duchesse de Guise. Mais sa vengeance différa de celle des deux autres femmes : elle séduisit Saint-Luc et assura sa fidélité à son frère. Par ses ordres, Saint-Luc introduisit une sarbacane près du lit du Roi, et la nuit, de la chambre voisine, lui lança à travers le tube des mots sur le danger de son âme, les fautes de sa politique, les peines de l'enfer. Henri III crut entendre des voix célestes ; il resta accablé de terreur durant plusieurs jours, jusqu'à ce que d'O, gendre de Villequier, eût découvert le secret. Ces jeunes insolents se jouaient même de leur bienfaiteur. Aussi Damville, devenu duc de Montmorency par la mort de son frère aîné[59], refusait de venir à Paris, où il ne pourrait que lutter, disait-il, ou avec la valetaille du Roi, ou avec la canaille de Paris, que courtisait le duc de Guise.

Courtiser la canaille est une affaire coûteuse. Henri de Guise voyait se fondre entre ses mains la fortune de sa famille. Il venait d'hériter du dernier de ses oncles, le cardinal de Guise, mort à quarante-huit ans[60], après avoir été surnommé le cardinal des bouteilles, parce qu'il se connoissoit fort bien en cuisine, sans avoir fait preuve d'autre talent. Dès le mois de septembre suivant, le duc de Guise vendait, pour trois cent quatre-vingt mille livres, sa terre de Nanteuil-le-Haudouin[61], et évaluait ses dettes à une somme qui ferait plus de dix millions de francs aujourd'hui. En même temps, les demandes se multipliaient, toutes les mains se tendaient vers lui. L'accomplissement de ses desseins tardait plus qu'il n'avait cru. La ruine semblait prochaine : il se vit débordé, il se laissa étourdir et affoler par le spectacle de sa détresse. Sera-ce donc faute d'un peu d'argent que s'effondrera une famille élevée, depuis soixante-dix ans, par des prodiges de prévoyance, de génie, d'obstination ? Tant de richesses dissipées, tant de sang versé, tant de rêves amoncelés, et, pour une faible somme, tout serait perdu ! Impossible de restreindre les dépenses : licencier ses capitaines, il n'y faut pas songer ; ses prédicateurs, ses bourgeois, ses agents à Rome, ses clercs dans la basoche, ses courriers secrets, il faut payer leurs gages. Les dépenses croissent, les ressources s'épuisent. Où trouver de l'argent ? Supplice cruel dont le téméraire et insouciant Henri de Guise dut être longtemps torturé avant de se résigner à la dernière des hontes.

C'est vers la fin de 1578 que le fils du sauveur de Metz et du conquérant de Calais commença à se mettre à la solde du roi d'Espagne. Mais il n'avait pas attendu de toucher l'argent de Philippe II pour lui donner des avis secrets, et lui faire connaître les préparatifs militaires de la France. En avril 1578, il communiqua à l'ambassadeur d'Espagne, don Juan de Vargas, les nouvelles qu'envoyait au Roi le gouverneur de Calais, et les détails de la discussion qui en était résultée dans le conseil ; il lui fit savoir ensuite que le Roi était contraire aux desseins de son frère sur la Flandre, que les Anglais voulaient s'emparer de Gravelines ; enfin, il promit, s'il apprenoit quelque autre chose, de prévenir l'ambassadeur[62]. Ces avis à l'ennemi furent continuels. A cette époque, du moins, le duc de Guise suivait les projets, concertés avec don Juan d'Autriche, d'un vaste coup de main sur toute l'Europe du nord. Il pouvait supposer que ses desseins étaient plus utiles à la France que ceux du frère de Henri III, et que s'il informait Philippe II, c'était pour seconder son propre allié, don Juan d'Autriche. Bientôt il entre dans une voie qui ne comporte plus ces prétextes illusoires : d'infâmes quittances de secours en argent se trouvent mêlées dans cette correspondance avec l'Espagne : Nous, Henry de Lorrayne, duc de Guyse, pair et Grand Maistre de France, confessons tant pour nous qu'au nom et de la part de tous ceux qui se trouvent compris en nostre commune ligue, avoir receu de Sa Majesté Catholique, par les mains de Gabriel de Allegria son commissaire, la somme de cinquante mille escus pistolets d'or[63]. Les secours deviennent une subvention régulière dont les quartiers sont réclamés par le duc de Guise avec des instances suppliantes, lorsque le payement en est retardé. Henri de Guise tombe à la condition d'agent secret de Philippe II : s'il reçoit un salaire, c'est parce qu'on le juge capable de procurer un jour des avantages plus considérables que ce qu'on lui donneroit en beaucoup d'années[64]. Sa pension est fixée à deux cent mille livres[65]. Philippe II, si besogneux qu'il fût après tant de banqueroutes et tant d'années d'une politique qui ruinait ses sujets, trouvait encore des fonds pour nous enlever le personnage le plus considérable de France. Dans ce trafic, tous les avantages étaient pour lui : il était payé en correspondances.

Henri de Guise avait, comme son père, la manie d'écrire : mais c'étaient des ordres à ses soldats qu'écrivait le père ; à l'heure où les capitaines dormaient, M. de Guise le Grand assurait les approvisionnements, préparait le mouvement de ses troupes, réclamait des renforts et des vivres. Le fils, au contraire, perdait son temps dans les détails infinis d'une correspondance avec le prince le plus paperassier de l'Europe, ou avec ses ministres. Nos archives sont encombrées de ces malheureuses lettres, d'un style pesant, obséquieux : elles dénotent autant le mendiant que le conspirateur.

Il ne faut pas songer à atténuer la gravité de cet acte, sous le prétexte que les idées de patriotisme n'avaient pas la même portée qu'aujourd'hui, ou que les seigneurs s'imaginaient posséder des droits latents de souveraineté qui leur permettaient de choisir un suzerain à leur gré, comme un roi accueille des alliés. En réalité, l'amour du pays était aussi développé dans la noblesse qui s'enfermait dans Metz avec le duc de Guise, ou dans Saint-Quentin avec Coligny, que dans les hommes de la vieille garde qui tombaient à Waterloo. Si l'on remarque que le connétable de Bourbon était passé au service de Charles Quint, ou que le grand Condé commanda plus tard des armées espagnoles, il ne s'ensuit pas que eux ou Henri de Guise aient pu supposer que leur naissance leur donnait un droit à la trahison. Conclure ou qu'un sentiment n'existe pas à une époque, ou que certains personnages s'en croient affranchis, parce qu'on cite des exemples d'hommes fameux qui l'ont méprisé, ce serait justifier toutes les mauvaises actions. Si les chefs huguenots livrèrent Dieppe et le Havre durant la première guerre civile, François de Guise enseigna à son fils ce qu'est le patriotisme, quand il offrit à ses ennemis de leur abandonner tout ce qu'ils souhaitaient, pourvu qu'on lui laissât reprendre les villes françaises. Ce qui est grave dans la subordination de Henri de Guise aux ordres de l'Espagne, ce n'est pas de demander des secours à l'étranger : le roi d'Espagne n'était pas seulement l'étranger, il était l'ennemi. Il voulait non plus, comme son père, prendre quelques-unes de nos provinces, mais s'emparer de la France entière. Outre la déviation morale, Henri de Guise s'abandonnait à une erreur politique : il supposait la force où elle n'était pas. Lié à Philippe II, il devenait la victime nécessaire de sa lenteur de décision, de son apathie maladive et de sa détresse financière. Mais il s'imagina qu'il pourrait agir seul et pour son compte avec le secours des doublons espagnols : il se hâta de réunir seize cents gentilshommes et de faire une entrée à Paris par la rue Saint-Denis, en demandant que la guerre fût immédiatement reprise contre les huguenots[66]. Henri III, intimidé par ce déploiement de forces et ces clameurs, crut retrouver sa popularité en abandonnant définitivement les insurgés des Pays-Bas, et en révoquant les concessions si récemment renouvelées en faveur des protestants.

La nouvelle prise d'armes, qui était déterminée par ce manque de foi du souverain, laisse une impression de découragement et de tristesse : on se lasse de ces horreurs. La guerre dégénère en brigandage : ses épisodes n'offrent, au lieu d'actions d'éclat, qu'une ennuyeuse monotonie de massacres et de misères. La France épuisée succombe, semble incapable de supporter de nouvelles ruines. Les soldats n'étaient plus ces hommes inspirés par la foi religieuse des premières guerres civiles : les plus fanatiques des chefs huguenots acceptaient le concours de gens qui ne valaient pas mieux que ceux des bandes de François de Valois. A Montaigu en Poitou[67], les gentilshommes réformés qui s'étaient rendus maîtres de la place voulurent recruter des soldats pour y tenir garnison, en prétendant leur interdire le pillage des villages voisins : ils ne trouvèrent pas trente hommes. Inquiets pour leur sûreté, ils autorisèrent les courses sur le paysan, et ils se virent en quelques jours à la tête de quatorze cents soldats.

Il y avait déjà plusieurs années que les villages étaient détruits par ces guerres ; Charles IX s'était plaint que son povre peuple ne cesse d'estre opprimé et affligé aultant que jamais par plusieurs compaignies de gens d'armes et aulcuns soldats et gens de guerre à pied, qui tiennent les champs, vont rôdant le pays et font des maulx et extorsions innombrables[68]. La cruauté s'augmenta à mesure que les villageois ruinés furent moins en état de satisfaire la cupidité des gens de guerre. Les bestiaux d'une région étaient emmenés jusqu'à la dernière tête[69] ; les soldats faisaient chauffer les petits enfants, frappaient les mères ou les traînaient par une corde sur les chemins[70]. Je sçay, dit celui qu'on montre comme le type de ces soldats[71], des inventions pour les faire venir à raison : je leur donne le frontal de corde liée en cordelière, je les pends par les aisselles, je leur chauffe les pieds d'une pelle rouge, je les mets aux fers et aux ceps ; je les enferme en un four, en un coffre percé plein d'eau, je les pends en chapon rosti ; je les fouette d'estrivières, je les sale, je les fais jeusner, je les attache estendus dedans un van ; bref j'ay mille gentils moïens pour tirer la quinte essence de leurs bourses et avoir leur substance. Les généraux, les hommes les plus graves et les plus respectés trouvent honorable de s'enrichir par le pillage. Sully, dans sa vieillesse, prend plaisir à se faire rappeler par ses secrétaires ces tristes exploits des jeunes années : dans le sac de Villefranche, vous gaignastes quelques mille escus en or par le plus grand hasard qu'il est possible, car un vieillard estant poursuivy par cinq ou six soldats, passant devant vous, donna sa bourse qu'il aimoit mieux que vous eussiez qu'un autre[72]. Plus tard, vous gaignastes, par le plus grand bonheur du monde, une petite bouête de fer, et l'ayant ouverte, trouvastes quatre mille escus en or dedans[73]. Quand on enleva les bagages du duc de Mercœur, il s'y fit un grand butin où vous gaignastes environ deux mille escus tant en argent, chevaux, que meuble et vaisselle[74]. Un jour, il faillit être désappointé et ne rien trouver à gagner dans un bateau dont il s'était emparé, sur la Seine ; il menaçait le capitaine d'employer les grands moyens pour faire livrer son argent, lorsqu'il remarqua que ses chausses s'entre ouvrirent par le derrière, d'où il sortit une traisnée d'escus au soleil qui s'espandoient sur le plancher de la chambre[75].

Les voisins se joignaient quelquefois aux assaillants pour emporter ce qui pouvait se trouver de bon dans les villes prises. Au sac de Saint-Émilion[76], on s'employa au pillage, où les gens de guerre et surtout les voisins du lieu s'employèrent comme braves Gascons. Les villes se dépeuplaient, tant à cause des guerres que des principaux bourgeois qui ont été contraints par nos édits contre ceulx de la religion prétendue réformée de sortir de ladite ville, de sorte que ladite ville se trouve maintenant diminuée et n'a pas d'apparence de se pouvoir remettre dessus[77]. Annonay avait été pillée cinq fois en six ans, et l'un de ces sacs avait duré cinq jours[78] ; plusieurs bourgeois avaient été emmenés par le chef des assaillants, qui était curieux de sçavoir combien de temps pourvoit vivre un homme sans nourriture.... l'un d'eux vécut jusqu'au neuviesme jour.

Cette expérience n'était pas indispensable pour observer les effets de la faim. Gomme les champs étaient laissés sans culture, des provinces entières se trouvèrent sans moyens de subsistance, les gens de la campagne furent obligés de se nourrir de glands de chênes, de racines sauvages, de fougère, du marc et des pépins des raisins séchés au four, qu'ils faisoient moudre pour en faire du pain, aussi bien que l'écorce des pins et autres arbres, de coquilles de noix et amandes, de vieux tuiles et briques, mêlés avec quelques poignées de farine d'orge, d'ayoine et du son[79]. Quand les émigrants, chassés par la famine, arrivaient dans un pays dont les habitants avaient eu le courage d'ensemencer leurs terres, on les voyait[80] par troupes, couper des épis à demy murs, qu'ils mangeoient sur le champ. Dans les grandes villes, accouraient des mendiants descharnés de faim et de pauvreté[81]... qui restoient en chemise en plein hiver[82]. On pouvait craindre qu'ils ne prinssent les aultres à la gorge ou missent le feu à leurs maisons[83] ; aussi les bourgeois de Troyes voulurent expulser les étrangers qui s'entassaient dans leurs murs[84], et leur firent distribuer à chascun un pain et une pièce d'argent, hors des remparts, puis ils fermèrent les portes de la ville et leur interdirent de rentrer. Ces bannis en plorant regardèrent quel chemin ils prendroient pour trouver leur vie, regardoient leur pain de la dernière donnée, souhaitoient leur mort.

Provins n'eut pas la même dureté[85] : la ville et le pays de Provins furent en ung moment si pleins de pauvres, qu'il n'estoit possible de dire plus, gens qui avoient habandonné leur pays pour chercher leur vie. Le pis estoit qu'on ne povoit guère donner de pain à ung chascun, et n'en bailloit-on à six que aultant que on en souloit donner à ung par le bon temps. Après qu'ils eurent mangé les herbes des jardins, ils allèrent chercher celle des champs. Ils remplirent la ville de Provins de poux si perfectement, que les habitans n'eussent osé s'asseoir sur les sièges des estaux et autres qui estoient par les rues, pour la multitude de la vermine de poux que lesdits pauvres y laissoient quand ils s'y estoient assis ; et n'estoit besoin de s'arrêter longtemps en une place par les rues, qui se vouloit exempter d'avoir des poux. La grange du prieuré de Saint-Ayoul, dans laquelle se retiroient de nuict grand nombre desdits pauvres, fut si remplie de poux et de puces, que un personnage qui y eust été arresté aultant que dure à dire l'Ave, Maria, en eust été tout couvert par les jambes en ses habillements.

Sur une population ainsi affaiblie, insouciante, déconfortée, la moindre épidémie devait faire des ravages rapides. Depuis quelques années, plusieurs cas de peste avaient été remarqués sur divers points du pays[86] ; en 1579, le fléau devint général. Les malades, par la crainte de se communiquer la contagion, mouroient sans secours[87]. A Paris, succombèrent trente mille malades au commencement de l'année 1580 : toute personne atteinte était reléguée à Grenelle, lieu champestre vers Vaugirard[88]. Le gentilhomme qui revenait de l'armée trouvait sa femme enfermée dans son château, le pont-levis dressé : Sully put pénétrer près de sa femme, et ils demeurèrent environ un mois tous seuls sans estre visités de créature vivante, tant chascun fuyoit cette maison comme pestiférée[89]. Les pestiférés n'étaient pas enterrés, mais poussés dans des charniers dont les exhalaisons répandaient la mort[90]. L'épidémie dura quinze ans : elle atteignit même des filles d'honneur, dont l'une, nommée Montmorin, en mourut[91]. Une procession à la Vierge miraculeuse de Pontoise, faite au printemps de 1580 pour obtenir la fin du fléau, ne servit qu'à répandre la contagion.

Au milieu de cette terreur, quand les courages étaient accablés par tant de malheurs, quand les esprits ne savaient de quel côté chercher un peu d'espérance et les chances d'un temps meilleur, arrivait à la cour une nouvelle étrange qui transformait complètement la situation politique. Un homme de guerre venait de se révéler subitement, par un coup d'éclat qui le montrait à la fois audacieux, prévoyant, opiniâtre et capable d'unir aux savantes conceptions des grands capitaines la vaillance fougueuse qui entraîne et rallie le soldat : Henri de Navarre entrait en scène. Dès cet instant, il rejetait pour toujours Henri de Guise au second plan : il rouvrait l'avenir aux Français.

Il venait d'enlever, en quatre jours de combat, l'une des villes les mieux fortifiées de France, presque entourée par une rivière, défendue par un gouverneur brave et expérimenté, avec une garnison nombreuse et solide.

La ville de Cahors avait été désignée comme la dot de Marguerite de Valois, mais n'avait jamais été remise entre les mains de son mari. Ce prince rieur, méprisé des catholiques, suspect aux huguenots, comprit que le fracas pouvait seul lui créer un parti. Près de succomber dans l'isolement et dans l'oubli, il résolut de se signaler à tous les regards, ou de se précipiter en une seule chute. Prendre Cahors sans armée de siège contre les quinze cents hommes de Vesins[92], son gouverneur, était une entreprise hardie. Henri de Navarre arriva environ minuict à un grand quart de lieue de Cahors, dans un grand vallon fort plein de pierrotages, sous plusieurs touffes de noyers, où il se trouva une source qui fut un fort grand secours, car il faisait grand chaud, le temps esclutant de toutes parts de plusieurs grondemens de tonnerre qui ne furent pas néanmoins suivis de grandes pluyes[93] ; il prit ses dispositions pour l'attaque. Il voulait pénétrer dans la ville en franchissant un pont défendu à ses extrémités par deux tours, dont les ruines existent encore. Au premier rang s'avançaient les pétardiers, qui devaient faire sauter les portes et traverser les tours en courant : ils étaient protégés par six soldats déterminés ; à trente pas en arrière marchaient Salignac, Saint-Martin et dix-huit hommes[94], puis, à une courte distance, quarante gentilshommes avec Roquelaure, et successivement, pour empêcher l'encombrement sur l'étroite ouverture, quatre groupes de cinquante hommes et six groupes de deux cents[95].

Le premier pétard fit le trou plus bas que les ferrements de la porte ; il fallut rompre les bandes à coups de hache, pénétrer un à un par la fente, traverser le pont au pas de course. Le pétardier Jean Robert arriva le premier à la porte de la seconde tour et la fit sauter sans difficulté[96] ; mais la ville s'était déjà éveillée, les cloches faisoient un merveilleux bruit, sonnant l'alarme de toutes parts, les voix un autre, criant : Tue ! tue ![97] Le combat s'engagea dans les rues pendant que l'orage mêlait les grondements du tonnerre au pétillement des arquebusades. Le baron de Vesins fut blesse un des premiers ; mais Henri de Navarre vit ses principaux capitaines renversés à ses côtés. Il se jeta au plus fort de la mêlée, et rompit deux hallebardes en frappant l'ennemi de ses mains ; son armure fut criblée de balles. Les bourgeois s'étaient joints à la garnison et avaient rejeté cinq cents huguenots hors des murs. Accablés par la chaleur de l'orage, par le sommeil, par la soif, les assaillants commençaient à perdre tout espoir et demandaient à Henri de Navarre de renoncer à cette téméraire attaque. Mais lui, déterminé à ne pas reculer, sûr d'être perdu sans retour s'il abandonnait sa ville, leur cria : Or sus, mes amys, mes compagnons, que chascun me suyve et fasse comme moy, sans tirer le pistolet qu'il ne touche ! pendant que les soldats de la garnison disaient : Tirez à ceste jupe d'escarlate, à ce pennache blanc, car c'est le roy de Navarre. En ce moment apparut le renfort qu'il avait préparé ; Chouppes[98] survint avec un millier d'hommes, après une marche de quatorze lieues, rallia les fuyards, pénétra jusqu'à l'hôtel de ville, prit quatre canons. Les défenseurs de Cahors se retranchèrent dans le collège des jésuites et y firent une défense désespérée, tandis que les huguenots se dispersaient pour piller les maisons. Henri, présent à tout, appeloit et nommoit chacun par son nom[99], et cherchait à ramener ses soldats près de l'attaque du collège, les faisant pousser à coups de hallebarde.

Le second jour, ceux qui continuaient le combat contre les défenseurs du collège furent assaillis de toutes les rues environnantes et cernés par des barricades. Le matin du troisième, les huguenots n'étaient plus qu'à dix pas des murs des jésuites, quand on leur signala, au soleil levant, une troupe de quatre cents catholiques qui apparaissaient au loin dans la campagne. Chouppes ne put réunir, pour faire une sortie contre eux, que vingt gentilshommes et cent arquebusiers : il fit un détour à travers champs et chargea en queue les nouveaux venus, au moment où ils pénétraient dans la ville. Il les mit en déroute. Pendant ce temps, Henri, acharné sur le collège, sans dormir, sans manger, ramenait ses hommes à l'attaque, faisait taire ceux qui parlaient de retraite, se barricadait contre les assaillants des rues. Il s'empara, le quatrième jour seulement, de l'établissement des jésuites, dont les défenseurs estoient si abbatuz qu'ils ne pouvoient plus desmarcher. Le Roi avoit ses pieds tous fendus et saignans[100]. Il fallut encore enlever quatorze barricades, mais Henri de Navarre venait de gagner son surnom de Roi des braves que lui donnera plus tard le vaillant Givry.

Ce coup du 29 mai 1580 frappa les imaginations[101]. Les huguenots reconnurent leur maître, et devinrent dociles. Ce prince, qui prenait si gaillardement possession de la dot de sa femme en pétardant une ville, n'était pas d'humeur à s'endormir dans des campagnes insignifiantes comme celles des années précédentes. Les ligueurs le comprirent, et ne firent pas d'objection à la paix que Henri III se hâta de signer, dès le mois de novembre suivant, à Fleix, avec Henri de Navarre. Ils se décidèrent à ne plus s'épuiser dans des guerres indécises contre les huguenots, et, sans tant compliquer la situation, à attaquer Henri III lui-même.

 

 

 



[1] Ms. Béthune, v. 8748, fol. 135. Publié par CAPEFIGUE, La Réforme et la Ligue, chap. XVI.

[2] VILLON :

Se feusse des hoirs de Capet

Qui feut extraict de boucherie.

Voir aussi Cornélius AGRIPPA. De vanitate scientiarum, cap. de Nobilitate : E lanione progenitus, carnificina pro regno commutata. PASQUIER (Recherches sur la France, liv. V, chap. IV) rappelle que cette généalogie est de Dante, et préfère celle de Witikind : Le passage de Dante leu et expliqué par Louys Alleman, Italien, devant le roy François premier de ce nom, il fut indigné de cette imposteure et commanda qu'on le luy ostast, voire feut en esmoy d'en interdire la lecture dedans son royaume. Voir encore Père ANSELME, t. I ; sur l'origine des Montmorencys, voir le tableau généalogique à la fin du premier volume.

[3] Geronimo LIPPOMANO, Relaz. ven., publication de TOMMASEO, t. II, p. 638 : Alto di persona, ha una maiesta mirabile di viso, gli ochi vivaci, capelli biondi e crespi, poca barba e bionda, con una cicatrice. Nel giuocar d'arme non à chi li possa resistere. Spende più che non ha.

[4] L'ESTOILE, t. I, p. 81, 84.

[5] MONTLUC, Commentaires ; LA POPELINIÈRE, Histoire de France...

[6] Un de ses successeurs à la tête de cette abbaye fut le maréchal de Vauban. Voir ROUSSET, Histoire de Louvois, t. III.

[7] L'ESTOILE.

[8] Ms. Gaignières, t. 436, fol. 117, publié par BOUILLÉ, t. I, p. 127.

[9] L'ESTOILE, t. I, p. 107, emploie un autre mot.

[10] L'ESTOILE, t. I, p. 194.

[11] TAVANNES, édit. Didier, p. 160. Ces curieux trafics durèrent dans le siècle suivant. En 1601, Henri IV assigne à son ancienne favorite, Corisande d'Andoin, les revenus de l'abbaye de Châtillon, où saint Bernard avait été élevé (COURTÉPÉE, Description historique de la Bourgogne, t. VI, p. 375) ; il fait don d'une abbaye à Sully, pour éviter ses remontrances, en lui annonçant un cadeau de cinquante mille livres qu'il vient de faire à la marquise de Verneuil (Lettres missives, t. V, p. 179). Le cardinal Mazarin, durant la Fronde, voit poser parmi les conditions de la paix, par la duchesse de Montbazon, le don d'une abbaye pour sa fille. Si celle de Caen venoit à vaquer, dit-elle, ou tout otre bonne, je vous la demande. (Comte de MONTALEMBERT, Courrier du dimanche du 8 juillet 1860.) Enfin, un des hommes les plus méprisés de son temps, le trop fameux chevalier de Lorraine, avait reçu, pour les services que l'on sait, les abbayes de Saint-Benoît-sur-Loire, Saint-Père en Vallée à Chartres, la Trinité de Tiron et Saint-Jean des Vignes à Soissons, en plein règne de Louis XIV. (SAINT-SIMON, t. II, p. 418.)

[12] HEPWORTH DIXON, White conquest.

[13] GAILLARD, Histoire de François Ier, p. 331. L'édit est de 1539. Il porte que tous les arrests seront délivrés en langage maternel françois et non aultrement.

[14] GOURVILLE, Mémoires, édit. Didier, p. 517 : Dans toutes les chambres, il y avoit des conseillers qui entraînoient la plupart des autres ; je croyois qu'on pouvoit leur donner à chacun cinq cents écus de gratification et leur en faire espérer autant dans la suite aux étrennes. Ce conseil fut suivi avec succès : au président Lecogneux on donna deux mille écus, et M. Fouquet jugea bien que ce qu'il avoit fait avoit utilement réussi.

[15] TAVANNES, p. 160.

[16] Jean BODIN, Démonomanie, cité par BAUDRILLARD, Jean Rodin, p. 186.

[17] L'ESTOILE, t. I, p. 111.

[18] Cité par Louis FIGUIER, Histoire du merveilleux dans les temps modernes, introduction, p. 37.

[19] On peut citer parmi eux Bussi Leclercq, maître d'armes ; La Bruyère, ancien garde-chasse et parfumeur ; Louchard, commissaire, ou ce qu'on a nommé plus tard recors ; Senault, commis au greffe, et deux procureurs, Emmonot et Morin.

[20] STRADA, De bello Belgico, t. I, p. 608.

[21] Bataille de Lépante, 7 octobre 1571.

[22] Voir FROUDE, History of England ; LOTHROP MOTLEY, Rise of the dutch republic, p. 655. Voir notamment les lettres suivantes : Sir Amyas Paulet to Burghley, april 1577 ; Paulet to Walsingham, 9 may 1577.

[23] Recueil des documents de l'histoire du tiers état, t. II, p. 872, publication faite par Augustin THIERRY, dans la collection des Documents inédits de l'histoire de France.

[24] IMBERDIS, Histoire des guerres religieuses en Auvergne, t. I, p. 367, d'après le Manuscrit d'Issoire.

[25] L'ESTOILE, t. I, p. 86.

[26] Manuscrit d'Issoire, cité par IMBERDIS.

[27] D'AUBIGNÉ, t. II, p. 283.

[28] IMBERDIS, p. 388, d'après le Manuscrit d'Issoire.

[29] BOUILLÉ, t. III, p. 55.

[30] L'ESTOILE, t. I, p. 131.

[31] L'ESTOILE, t. I, p. 94.

[32] L'ESTOILE, t. I, p. 103.

[33] ARQUEZ, Histoire des assemblées politiques des réformes de France, t. I, p. 18.

[34] Martha FREER, t. II, p. 133.

[35] L'ESTOILE, t. I, p. 92.

[36] L'ESTOILE, t. I, p. 177.

[37] L'ESTOILE, t. I, p. 152.

[38] L'ESTOILE, t. I, p. 134.

[39] L'ESTOILE, t. I, p. 132, 247.

[40] L'ESTOILE, t. I, p. 240.

[41] L'ESTOILE, t. I, p. 215.

[42] L'ESTOILE, t. I, p. 218.

[43] L'ESTOILE, t. I, p. 190, 191.

[44] L'ESTOILE, t. I, p. 188.

[45] L'ESTOILE, t. I, p. 169. La dame de Lucey épousa plus tard le prince de Conti.

[46] C'était Louise de la Savonnière, fille da baron de la Bretesche.

[47] MARGUERITE, p. 101.

[48] Claude HATON, Mémoires, p. 937.

[49] L'ESTOILE, t. I, p. 133.

[50] Claude HATON, Mémoires, p. 961.

[51] L'ESTOILE, t. I, p. 133.

[52] Martha FREER, t. II, p. 148.

[53] 27 avril 1578.

[54] L'ESTOILE, t. I, p. 101.

[55] VOLTAIRE, notes de la Henriade, conteste la part du duc de Mayenne dans le crime et dit : Le duc de Guise ne passait point pour un homme trop sévère sur la conduite de sa femme, et il n'y a pas d'apparence que le duc de Mayenne, qui n'avait jamais fait aucune action de lâcheté, se fût avili jusqu'à se mêler dans une troupe de vingt assassins pour tuer un seul homme. Mayenne n'aurait pas fiait preuve de plus de bassesse dans cette attaque nocturne qu'il n'en a montré lorsqu'il a enlevé à la tête de son armée la petite héritière des Caumont la Force, ou quand il a poignardé de sa main le colonel Sacremore sans défense devant lui.

[56] L'ESTOILE.

[57] L'ESTOILE.

[58] Martha FREER, t. II, p. 240.

[59] L'année suivante, 6 mai 1579.

[60] L'ESTOILE, t. I, p. 96. Le 29 mars 1578, veille de Pasques.

[61] L'ESTOILE, t. I, p. 103.

[62] Toute la série de ces lettres est conservée aux Archives nationales, dossiers des papiers dits de Simancas. Voir pour ces premières lettres : SIMANCAS, B. 44, pièces 26, 40, 61 ; B. 45, pièce 112 ; B. 46, pièce 114.

[63] Ms. Simancas, B. 60, pièce 40. Voir aussi la pièce 39, qui est un reçu de trois cent mille écus pistolets donné à Jehan della Coucha, commissaire de Philippe II, etc., etc.

[64] Ms. Simancas, B. 51, pièce 226.

[65] BOUILLÉ, d'après une vie manuscrite ; voir aussi VÉLY, Histoire de France, t. XXXIV, p. 271.

[66] Le 16 mars 1579.

[67] D'AUBIGNÉ, Histoires, p. 991.

[68] Lettres missives de Henri IV, t. I, p. 56.

[69] Claude HATON, Mémoires, p. 800-812.

[70] Claude HATON, Mémoires, p. 997.

[71] Satire ménippée, harangue du sire de Rieux.

[72] SULLY, p. 22.

[73] SULLY, p. 30.

[74] SULLY, p. 61.

[75] SULLY, p. 88.

[76] SULLY, p. 35.

[77] Ms., Charte inédite de Charles de Lorraine remettant les impôts, arec signature et sceau, copiée aux Archives de la commune de Fontenoy (Vosges).

[78] Achille GAMON, Mémoires, édit. Didier, p. 618.

[79] Achille GAMON, Mémoires, p. 622.

[80] L'ESTOILE, t. I, p. 319.

[81] MONTAIGNE, Essais, t. I, chap. XXX.

[82] MONTAIGNE, Essais, t. I, chap. XXXV.

[83] MONTAIGNE, Essais, t. I, chap. XXX.

[84] Claude HATON, p. 729.

[85] Claude HATON, p. 727.

[86] Voir chapitre XII.

[87] Achille GAMON, Mémoires, p. 622.

[88] L'ESTOILE, t. I, p. 125.

[89] SULLY, p. 57. C'était en 1586.

[90] D'AUBIGNÉ, les Aventures du baron de Feneste, édit. Mérimée, p. 95 : A un demi-clair de lune, je m'abise que j'estois dans lou charnier des pestiférés.

[91] L'ESTOILE, t. I, p. 178.

[92] Celui qui avait fait preuve de tant de générosité à la Saint-Barthélemy en sauvant son ennemi.

[93] SULLY.

[94] D'AUBIGNÉ.

[95] SULLY.

[96] D'AUBIGNÉ.

[97] SULLY.

[98] L'un de ceux qui avaient échappé au massacre de la Saint-Barthélemy en quittant à temps le faubourg Saint-Germain.

[99] D'AUBIGNÉ.

[100] D'AUBIGNÉ.

[101] DAVILA : In questa impressa diede grandissima meraviglia a ciascuno l'animo intrepido del re di Navarra : che havendo nell' altre sue operazioni dato saggio di grande vivacità, in questa con molto spavento de nemici e grand' ammirazione de suoi, si fece conoscere per cosi bravo et feroce combattitore. Davila donne l'opinion des étrangers ; c'est, de tous les vieux historiens, celui qui a le plus cherché l'art ; il est supérieur non-seulement à tous nos historiographes du seizième et du dix-septième siècle, mais même à Guicciardini. C'était l'opinion de Macaulay, qui dit, dans une de ses lettres (t. II, p. 238) : Davila's battle of Ivry is worthy of Thucydides himself.