LES DUCS DE GUISE ET LEUR ÉPOQUE

 

Étude historique sur le seizième siècle

TOME SECOND

CHAPITRE XX. — LA SAINT-BARTHÉLEMY.

 

 

1572.

 

Il n'y a pas d'événement mieux connu dans ses moindres détails que le coup d'État de la Saint-Barthélemy : les principaux affidés ont raconté leurs émotions intimes ; leurs confessions nous font suivre, minute par minute, dans l'âme de chacun, les passions en mouvement, la peur, la fureur, le remords. L'aveu est palpitant de vie : c'est une des rares aventures de l'humanité qui soit décelée sans fraude et avec une telle richesse de témoignages qu'elle Sait pénétrer jusqu'aux plus secrets ressorts du cœur.

Cependant les historiens sont partagés sur l'origine même de l'événement : une légende déjà ancienne néglige tous les témoignages contemporains et imagine une longue dissimulation de Catherine et de Charles IX, qui se seraient déterminés, près de trois ans d'avance, à feindre de la bienveillance pour les huguenots, afin de les attirer sans défiance à Paris et de les égorger en une nuit. Cette idée préconçue flattait les uns en leur montrant un art profond mis au service de la bonne cause ; elle plaisait à d'autres, au contraire, en démontrant jusqu'à quel degré de bassesse pouvait descendre l'âme d'un prince ; elle permettait d'interpréter tous les faits écoulés depuis la bataille de Montcontour, et de les faire rentrer par une ingénieuse combinaison dans l'hypothèse adoptée. Si Charles IX disait en accueillant Coligny : Mon père, vous ne nous échapperez plus, — ce n'était pas le jeune Français qui oubliait les fautes du vieux soldat reçu chez lui, c'était le fils d'Italienne qui tressaillait à l'approche de la vengeance. Tous les indices et toutes les suppositions qui peuvent démontrer que le massacre des huguenots a été prémédité durant plusieurs années ont été groupés avec art par l'historien anglais Allen[1]. Au contraire, nos historiens français, Mignet, Michelet, Henri Martin, et les historiens étrangers qui ont étudié avec un grand amour des détails, avec une sorte de piété, les événements de la Saint-Barthélemy, MM. Ranke, Soldan, von Raumer, Baum, White[2], tiennent compte des déclarations faites par les auteurs de cet acte, et suivent l'enchaînement fatal qui lie l'association tardive entre la jalousie de Catherine et la vengeance de Guise, l'attentat de Maurevert, la colère du Roi, la peur subie par les complices de Maurevert, la nécessité, comme moyen unique de salut, de donner un autre coursa la violence de Charles IX.

Les ambassadeurs étrangers ne s'y sont pas trompés : l'envoyé de Venise, Giovanni Michieli[3], montre, dans sa relation au Sénat, Catherine et Henri de Valois avouant au Roi qu'ils étaient les auteurs de l'attentat contre Coligny, et qu'ils étaient perdus s'il ne frappait pas les huguenots. Le nonce Salviati, un confident, presque un associé, qui voyait les inquiétudes, les préparatifs, et l'exécution, dans l'hôtel même du duc de Guise, et qui écrivait son récit au Saint-Père dans la soirée même du dimanche, en plein tumulte, n'a pas eu la moindre hésitation à exprimer la surprise que causa à tout le monde cet événement improvisé en quelques instants[4]. Marguerite de Valois ne fut pas mise dans les secrets de la dernière heure, mais elle apprit les détails de ses frères et de sa sœur, la duchesse de Lorraine, pendant les jours suivants, et elle dit, en parlant des menaces que proféraient les huguenots, de venger la mort de Coligny : Par l'advis de M. de Guise et de mon frère, roi de Pologne, il fut pris résolution de les prévenir ; conseil de quoy le roy Charles ne fut nullement, estimant quelques chefs de la religion desquels il se pensoit servir en Flandres. Et à ce, je luy ai depuis ouï dire à luy-mesme, il y eut beaucoup de peine à l'y faire consentir ; et sans qu'on luy fit entendre qu'il y alloit de sa vie et de son Estat, il ne l'eust jamais faict. La Royne ne fust jamais si empeschée qu'à faire entendre audit roy Charles que cela avoit esté faict pour le bien de son Estat, à cause de l'affection qu'il avoit à l'admiral et à Téligny, desquels il goustoit l'esprit et valeur[5].

Le récit le plus ardent est celui de Tavannes[6], qui n'a pas quitté Catherine, qui a été le conseiller et le complice de tous les actes. Mais l'aveu le plus important est celui de Henri de Valois lui-même[7]. Deux ans après, quand il était devenu roi de Pologne, pendant une tiède nuit d'été, il se sentit pris d'insomnie dans son palais de Cracovie. Inquiet, fiévreux, il se souvint des massacres de Paris. Il fit appeler un ami, peut' être le médecin Miron, et soulagea sa conscience en lui racontant la part qu'il avait prise dans la Saint-Barthélemy. Au petit jour, quand le Roi fut assoupi, le confident se hâta de mettre par écrit les récits qu'il venait d'entendre, en n'omettant pas même ces mots significatifs : Je vous fais part de mes inquiétudes et agitations de cette nuit, qui ont troublé mon repos, en pensant à l'exécution de la Saint-Barthélemy... Vous avez tout entendu, le souvenir troubloit ma pensée[8].

Ainsi nous assistons à tous les préparatifs de la scène : Catherine a vu le Roi s'émanciper de sa tutelle, disgracier Henri de Valois, donner sa confiance à Coligny ; elle a préparé avec les Guises le coup d'arquebuse de Maurevert ; puis, épouvantée de l'effet produit par cet événement sur le Roi, inquiète en se voyant rudoyée et écartée par lui, elle est rentrée le vendredi soir 22 août, après la visite chez le blessé, prête à tout risquer, mais incertaine encore.

Le samedi 23, dans la matinée, le duc de Guise a l'audace de se présenter au Louvre, accompagné de son oncle le duc d'Aumale ; ils pénètrent près du Roi, et offrent de se retirer dans leurs gouvernements. Le Roi les reçoit avec un mauvais visage et des paroles pires[9]. Ils entendent parler de projets d'arrestation médités contre eux ; ils se séparent. Le duc de Guise va sonder l'opinion des bourgeois parisiens. Le duc d'Aumale entre chez Catherine ; il la voit frémissante et acculée à sa dernière chance. Près d'elle est Henri de Valois. Bientôt arrivent le maréchal de Tavannes et trois Italiens : Gondi, maréchal de Retz, Gonzague, duc de Nevers, et Birague, chancelier. Ils se tiennent tous les six autour de cette femme, émus, cognoissant que tout s'alloit descouvrant, et que ceux de Guise, même pour se laver, accuseroient la Royne. Du péril présent naist la résolution de nécessité, telle qu'elle fut ; conseil né de l'occasion, et qui ne se fust peu exécuter sans estre découvert, si il eust été préméditée. Si la Royne se fust peu parer de la source de l'arquebusade, malaisément eust-elle achevé ce à quoy l'événement la contrainct[10]. Les huguenots sont menaçants, on ne peut échapper à leurs coups qu'en les exterminant ; mais comment obtenir l'autorisation du Roi ? Que fera-t-il quand sa mère viendra hardiment lui déclarer qu'elle a permis le coup d'arquebuse sur Coligny ? Elle sait le manier ; elle connaît son vice péculier d'humeur coléricque[11] ; elle veut essayer d'exciter un de ses accès de rage pour en utiliser les égarements. Elle entre chez le Roi, suivie de Henri de Valois et des cinq autres, Aumale, Tavannes, Retz, Nevers, Birague. Elle parle, elle menace, elle pleure.

Pour reproduire cette scène, il faudrait Thucydide ou Corneille. On voit, à travers les souvenirs de Tavannes et de Henri de Valois, cette mère qui s'approche en souriant, l'œil velouté, la voix caressante ; elle feint l'inquiétude. — Les quartiers de Paris veulent s'armer malgré les ordres du Roi. Les catholiques sont mécontents et demandent un lieutenant général du royaume ; ils ne peuvent tolérer que le Roi soit au service des intérêts de Coligny. L'admiral joue le Roy et fait de luy l'instrument de ses ambitions. Il veut unir les réformés de France à ceux de Flandre, pour les rendre maîtres de la France. Leur insolence est connue. Ne voit-on pas Piles, qui a défendu Saint-Jean d'Angély pendant six semaines contre son roi en personne, se vanter aujourd'hui dans le Louvre de venger Coligny ? Et avant ce siège peu glorieux, le Roi n'a-t-il pas déjà eu l'humiliation, à Meaux, de prendre la fuite, poursuivi par ses sujets révoltés, ces mêmes sujets que son frère Henri a si honteusement mis en déroute à Jarnac et à Montcontour ?

Charles IX bondit à ces mots ; la crainte d'être pris pour dupe, le ressentiment des anciennes injures, l'envie des succès et de la popularité de son frère, l'agitent, l'exaspèrent. Catherine suit les émotions de cette âme ombrageuse ; elle prononce les paroles décisives : C'est nous qui avons frappé l'amiral ; il faut que le Roi complète l'œuvre, sinon, lui et nous, nous sommes perdus. Le duc de Guise va dénoncer comme ses complices le Roi même, avec sa mère et son frère. Les huguenots refuseront de croire que le Roi n'a pas autorisé le coup. Hésite-t-il ? Ils vont se soulever. Elle, elle se retirera dans le camp catholique avec Henri de Valois, qui sans doute deviendra le capitaine général. Entre les deux partis, le Roi sera abandonné ; il sera haï des hérétiques, repoussé par les catholiques : quelle solitude ! Faudra-t-il pleurer le fils ingrat qui s'écarte d'elle après tant de tendresses, oublieux de ce dévouement qui ne le quittait pas même durant son sommeil dans la même chambre ? C'est donc en vain qu'elle avait rêvé de le débarrasser des huguenots, de le tourner ensuite contre l'Espagne, de lui assurer des conquêtes, un règne glorieux. Efforts inutiles, damnation inévitable, honte de reculer devant des vaincus !

Ces larmes, le timbre de cette voix enchanteresse, ces souvenirs d'enfance, ces reproches interrompus par des attendrissements, fascinent le jeune homme. Et quand elle le voit ensorcelé, elle lui jette ce cri suprême : Vous avez donc peur des huguenots !

A ce mot, le pauvre enfant est pris de démence, et, tout frémissant, il répond : Tuez-les donc, mais tuez-les tous, afin que pas un ne demeure pour me reprocher mon manque de foi. Et, par la Mort-Dieu, donnez-y ordre promptement !

Sans perdre un instant, Catherine appelle le duc de Guise : elle fixe avec lui le massacre au lendemain.

Pour Henri de Guise, c'est l'instant longuement attendu de la vengeance : toutes ses pensées, tous ses efforts ont été concentrés sur cette heure espérée. Elle arrive. Il n'a qu'une nuit pour assurer le succès. Il court chez le prévôt des marchands, fait convoquer les capitaines des quartiers, leur rappelle le dévouement de son père et de son grand-père aux intérêts des Parisiens, les prie de l'aider à se défaire de ses ennemis qu'on peut sans danger surprendre de grand'matin et égorger : le Roi consent, c'est à Paris d'agir.

Il y a toujours dans Paris des gens prêts aux aventures : marchands ruinés par la guerre, boutiquiers qui attendent la banqueroute, babillards du petit commerce qui se repaissent de mots sonores et de sentiments faux, ont de tout temps voulu paraître redoutables avec des hallebardes et des plumets ; incapables de soutenir la vue d'un ennemi en rase campagne, comme ils l'ont prouvé à la bataille de Saint-Denis en abandonnant le connétable devant une poignée de cavaliers protestants, ils sont exaspérés contre les huguenots qu'ils regardent comme les auteurs de tous leurs maux ; quelques-uns sont flattés de devenir les confidents, les compagnons du duc de Guise, et de se voir appelés par lui au milieu de ses gentilshommes dans l'hôtel de Guise ; d'autres se promettent leur part dans la dépouille des étrangers qui ont apporté leurs riches costumes, leurs belles armes, leurs chaînes d'or et leurs bijoux, pour les fêtes du mariage ; enfin, plus bas, se trouve cette populace qui profite de tous les désordres pour s'assurer impunément le pillage. A de telles mains, Henri de Guise n'a garde de confier sa vengeance personnelle : il leur abandonne tout ce qui est dans Paris, mais il se réserve pour lui-même, avec la seule aide des Suisses de Henri de Valois, la personne de Coligny.

Le soir, il rentre au Louvre : dès l'aube du jour, au son du tocsin, l'affaire commencera. Les Parisiens sont prêts : ils sont découplés ; plus de force dans le royaume pour les retenir : Charles IX essayerait en vain de retirer son consentement. C'est une chasse pour laquelle le duc de Guise vient de faire le bois. La beste est dans les toiles, dit-il ; il ne faut pas qu'elle se sauve[12].

La nuit avance. Catherine remarque près d'elle, dans sa chambre, sa fille Marguerite assise sur un coffre, auprès de ma sœur de Lorraine, que je voyois fort triste ; la Royne m'aperçut et me dit que je m'en allasse coucher. Comme je faisois la révérence, ma sœur, se prenant à pleurer, me dit :Ma sœur, n'y allez pas !Vous l'envoyez sacrifier, ajoute la bonne duchesse de Lorraine en s'adressant à sa mère ; ils se vengeront sur elle. Catherine n'a pas un mouvement de faiblesse : elle aime mieux risquer la vie de sa fille que compromettre ses projets ; elle répond rudement : Quoy qu'il advienne, il faut qu'elle y aille, de peur de leur faire soupçonner quelque chose[13].

Charles IX n'avait pas l'âme aussi rude ; il se sent attendri en voyant sortir de sa chambre un jeune huguenot qu'il estime, le comte de la Rochefoucault ; on l'entend qui lui dit : Foucault, ne t'en va pas, nous balivernerons le reste de la nuit. — Cela ne se peut, respond le comte, car il faut dormir[14]. Le Roi insiste ; mais le comte, qui avait un rendez-vous avec la veuve du prince de Condé, répond : — Adieu, petit maistre. — Et sortant, s'en alla en la chambre de madame la princesse douairière, où il demeura encore près d'une heure. Quand il quitte le Louvre, il voit toutes les compagnies des gardes en bataille dans les cours, tant Suisses, Escossois que François, et en fait prévenir Henri de Navarre. Le gentilhomme qu'il envoie au roi de Navarre raconte qu'il le trouva couché avec la Royne sa femme ; force gentilshommes estoient retirés en la garde-robe qui estoit seulement fermée de tapisseries. Le sieur de Nancey, capitaine des gardes, levant la tapisserie et mettant la teste à la dicte garde-robe, la voyant quasi pleine, les uns jouant, les autres causant, je vis qu'il les compta, puis il leur dit :On va fermer les portes. — Ils répondirent qu'ils vouloient passer la nuit, estant attachés au jeu[15].

Pendant ce temps, Catherine se tient avec Charles IX et Henri de Valois dans l'embrasure d'une fenêtre, en face de Saint-Germain l'Auxerrois : ils attendent le signal du tocsin, dans un silence glacial dont les angoisses troublent encore l'esprit de Henri de Valois, quand il raconte comment ils entendent tout à coup dans le lointain un coup de pistolet, puis presque aussitôt le tintement de la cloche ; ensuite ils reçoivent la nouvelle que Guise vient de tuer Coligny. Bientôt le tumulte grandit ; les cloches sonnent à toute volée au Palais de justice et dans les paroisses, les coups d'arquebuse et les hurlements emplissent la ville, le Louvre même.

Le duc de Guise, dès qu'il entend le tocsin qui point avec le jour[16], court au logis de l'admiral[17]. Il est accompagné de son oncle le duc d'Aumale, du bâtard d'Angoulême, fils de Henri II et de l'Écossaise Mary Levinston ; des capitaines italiens Petrucci et Fesinghi que lui avait prêtes son beau-frère Gonzague duc de Nevers, du capitaine suisse Studer von Winkelbach[18] que lui avait prêté Henri de Valois avec les Suisses de sa garde, sous ses couleurs, blanc, noir et vert ; d'un aventurier wurtembergeois[19] qui appartenait au cardinal de Lorraine, Carl Dianowitz, dit Behme, et du capitaine Sarlabous, gouverneur du Havre[20]. L'amiral était protégé par un détachement des gardes du Roi que commandait un de leurs trois colonels, M. de Gosseins, vieux soldat des guerres d'Italie. Le duc de Guise informe Gosseins qu'il luy est permis d'aller tuer l'admiral, venger la mort de son père[21]. Devant cet ordre, le malheureux Gosseins est saisi de démence et se joint aux meurtriers. On entre. Coligny se présente debout, sorti de son lit en entendant le bruit. Behme lui plonge un épieu dans la poitrine, les Suisses le frappent de leurs épées. Lui, se sentant leurs épées se glacer dans son corps, embrasse la fenestre pour n'estre pas jeté en bas. Sarlabous, un des héros de Thionville, arrache ce corps de la fenêtre, le pousse dans la cour où, tombé, il assouvit les yeux du fils dont il avoit fait tuer le père. Dès qu'il a reconnu le cadavre, le duc de Guise s'éloigne ; alors Tosinghi prend la chaîne d'or, Petrucci détache la tête et l'emporte, croyant qu'elle sera payée deux mille écus par le Pape.

Cette tête disparut, probablement dérobée et ensevelie par l'amitié de l'un des gouverneurs des villes où elle fut transportée dans le trajet vers Rome. C'est Behme qui eut toutes les récompenses.

On mit à mort tous ceux qui furent trouvés dans le logis de l'amiral ; seul le pasteur Merlin put se cacher dans un grenier où il resta enfermé durant plus de huit jours, ayant pour toute nourriture un œuf qu'une poule venait pondre à portée de ses mains chaque matin.

Le duc de Guise ne considérait pas sa tâche comme achevée ; il voulut se montrer aux Parisiens, et faire exécuter à la lettre l'ordre du Roi : — Tuez-les tous. Mais il reçut presque au même instant une nouvelle fâcheuse ; plusieurs des principaux chefs réformés, Montgomery, Ségur, Chouppes et aultres gentilshommes de Normandie et de Poitou, s'estoient obstinés à ne vouloir point loger dans la ville, quelque instance qui leur en eust été faite, respondans toujours que l'air des fauxbourgs leur estoit plus salutaire, voire celuy des champs[22], et habitaient le faubourg Saint-Germain, en dehors des remparts. En entendant le tocsin, ils voulurent porter secours à leurs frères, ne purent se procurer des bateaux pour pénétrer par la Seine, se présentèrent à la porte de Buci, où on les reçut à coups d'arquebuse, et prirent enfin le parti de se retirer. Le duc de Guise, voiant cela, court aux portes à cheval ; mais le portier n'avoit pas les clefs[23]. Pour empêcher les évasions et mieux enfermer les victimes, les clefs des portes avaient été recueillies à l'Hôtel de ville. Tandis qu'on apportait ces clefs, Guise réunissait une centaine de cavaliers, mais il ne put partir qu'après un long retard à la poursuite des fugitifs. Il suivit leurs traces jusqu'à Montfort-l'Amaury, puis dut renoncer à les rejoindre, rentra à Paris tard, dans la soirée du dimanche, épuisé de fatigue, s'étant conduit encore une fois comme un capitaine de cavalerie légère et non comme un chef dé parti. Peut-être il a profité avec joie de cette occasion de fuir ses associés parisiens ; il devait être tenté de les laisser travailler seuls. C'était, en tout cas, une grave imprudence que s'éloigner ainsi de Paris, sans songer à la direction de la populace déchaînée, sans se défier de Catherine qui imputerait à l'absent toute la responsabilité de la journée.

Mais le mot : — Tuez-les tous ! — avait exalté les têtes. Tout sentiment de dignité fut oublié ; les liens de l'hospitalité furent brisés ; le Roi, aussitôt qu'il avait appris l'attentat de Maurevert, avait conseillé à Henri de Navarre et au jeune prince de Condé de conserver autour d'eux, dans le Louvre, le plus de gentilshommes qu'ils pourraient loger, afin de pouvoir repousser les agressions du duc de Guise, qui était toujours bien accompagné. Ces hommes étaient entrés au Louvre sur la parole du Roi ; ils étaient logés chez lui, appelés par lui. Le matin, il les fit tuer à coups de hallebarde par ses gardes, dans la cour du Louvre, sous ses yeux. Le brave Piles[24], qui n'était pas seulement un hôte pour le Roi, qui était son adversaire heureux de Saint-Jean d'Angély, leva les yeux, vit Charles IX à une fenêtre : Voilà, dit-il, la bonne foi du Roy. Il fut tué. Le matin précédent, avant les paroles de Catherine, il se baignait avec le Roi, à la même heure, l'aidait à nager, lui soutenoit le menton[25]. Ce malheureux roi était forcé de se montrer à ses gardes pendant leur répugnant travail, car ces Suisses et ces Écossais n'auraient pu croire, s'ils n'avaient pas frappé sous ses yeux, que le roi de France ordonnait tranquillement d'égorger ses hôtes. Les chambres furent fouillées ; on tuait dans les corridors, on tuait sur les pas des princesses. Marguerite de Valois, couverte du sang d'un blessé qu'elle avait voulu sauver, change de chemise, puis se rend près de sa sœur la duchesse de Lorraine ; là, dit-elle, un gentilhomme nommé Bourt fut percé d'un coup de hallebarde à trois pas de moi. Les filles d'honneur auraient craint de déplaire à Catherine si elles avaient montré de la pitié ; elles crurent flatter leur maîtresse en faisant des réflexions sur les cadavres, et en examinant avec curiosité le corps de Soubise que sa femme avait accusé d'infirmités.

Cette besogne fut promptement dépêchée ; les gardes, commandés par leurs chefs, donnaient leurs coups de hallebarde derrière des murs, et ne s'écartaient pas de la discipline. Mais la populace parisienne avait compris autrement la fête. C'était un dimanche, le soleil se levait à cinq heures ; on avait donc du loisir et du jour pour faire main basse sur les étrangers et sur leurs biens. Tout s'esmeut, tout s'excite et cherche colère ; la résolution de tuer seulement les chefs est enfreinte ; le sang s'estanche, le sac s'augmente. Paris semble une ville conquise. Au regret des conseillers, femmes et enfants sont tués indifféremment du peuple, ne pouvant le Roi ni lesdits conseillers retenir les armes qu'ils avoient débridées. Le seul sieur de Tavannes ne souffre que ses gens prennent aucune chose ; ceux de Monsieur d'Anjou (Henri de Valois) pillent les perles des estrangers[26].

Le nonce Salviati, qui observait les événements avec un sang-froid un peu narquois, et qui les décrivait pendant la journée même, dit : Les Parisiens se mettent au pillage avec une extraordinaire avidité : bien des gens ne s'étaient jamais imaginé qu'ils pourraient posséder un jour les chevaux et l'argenterie qu'ils ont ce soir dans les mains[27]. Les catholiques n'étaient pas épargnés : on comptait parmi les morts le chanoine Villemur, cet ancien précepteur du duc de Guise, qui avait prêté sa maison de la rue du Cloître Saint-Germain pour cacher Maurevert et son arquebuse[28] ; Loménie, secrétaire d'État, et Laplace, président au Parlement, furent tués aussi, quoique catholiques, afin de rendre leurs charges vacantes ; la charge de lieutenant général d'Orléans fut funeste à Groslot, et les grands biens à Garrault, en ce que l'un et l'autre furent traînés à la rivière et noyés par des gens assurés d'avoir la dignité du premier et la confiscation du second[29]. Un homme trouva dans une maison deux petits enfants dans le même berceau, il les jeta à la Seine ; un autre emportait un jeune enfant qui se prit à sourire et à jouer de ses petits doigts avec sa barbe, il le lança dans la rivière ; plusieurs enfants catholiques s'étaient emparés d'un petit huguenot qui commençait à savoir marcher, et ils se divertissaient à le déchirer. Avant de jeter les femmes dans la Seine, on leur coupait les mains pour avoir leurs bagues et leurs bracelets. On a vu des chiens qui dévoraient ensuite ces débris humains. Françoise Baillet, femme du bijoutier du Roi, fut traînée nue et vivante sur le pavé, et n'était pas encore morte au bord de la rivière ; des cadavres de femmes étaient retenus par les cheveux aux piles des ponts. Ce n'était plus la passion religieuse, mais le débordement de ce qu'il y a de plus bas et de plus féroce dans les fureurs humaines. Sept ou huit cents huguenots avaient pris refuge dans les prisons ; ils furent menés près de la Seine, assommés sur la berge à coups de bâton et poussés dans l'eau. Les corps s'accumulaient en amont des îles. Ce n'était pas uniquement pour se défaire de ces restes incommodes qu'on les précipitait dans la Seine ; on y prenait un plaisir sauvage par la facétie de faire dévorer par les poissons ceux qui avaient refusé de manger du poisson les jours maigres[30]. Ces corps, roulés dans les eaux sales du fleuve, s'ensablaient sur les bas-fonds : quelques malheureux reprenaient pied, essayaient de nager, prolongeaient leur agonie.

Faut-il croire que gagné, en les voyant de ses fenêtres, par l'ivresse universelle, et repris de sa frénésie, Charles IX saisit une grande arquebuse de chasse qu'il avoit et en tiroit tout plein de coups[31] sur ces êtres à demi suffoqués ? Le témoignage du duc d'Alva, toujours si bien informé[32], ne permet pas de mettre en doute ce fait rendu fameux par le beau vers d'Agrippa d'Aubigné[33], sur le Roi, qui

Giboyoit aux passans trop tardifs à noyer.

La démence du jeune roi, si elle lui a fait prendre part, de ses mains, aux actes ordonnés par lui, n'inspire-t-elle pas moins de répugnance que l'attitude dissimulée de son frère ? Au Heu de se jeter dans la mêlée, comme Henri de Guise, Henri de Valois, le véritable inspirateur du massacre, se tenait à l'écart, blême de peur, moins viril que sa mère.

Les fureurs de la populace dépassaient les intentions de ceux qui les avaient animées, et commençaient à leur donner de l'épouvante : Le sang et la mort courent les rues en telle horreur, que Leurs Majestés mesmes, qui en estoient les auteurs, ne se pouvoient garder de peur dans le Louvre[34]. Puis viennent les requêtes de ceux qui demandent les charges des morts, les importunités de la bassesse, la lassitude du meurtre, l'épuisement qui suit les crises violentes, le dégoût de la besogne entreprise. Ce coup faict, la colère refroidie, le péril passé, l'acte paroist plus grand, plus formidable aux esprits rassis. Le sang espandu blesse les consciences[35]. C'est en ce moment, le soir de ce triste dimanche que, dans l'inépuisable fécondité de son génie, Catherine conçoit tout à coup un nouveau projet : elle imagine de travestir les événements, d'en rendre le duc de Guise seul responsable et d'attirer sur lui toutes les vengeances qu'elle prévoit. En grande hâte, elle fait écrire à tous les gouverneurs de province et de villes une lettre par laquelle le Roi déclare que les Guises, qui n'ont pas petite part en ceste ville, comme chascun sçait, se sont esmeus ceste nuict passée ; que le Roi avait eu assez à faire de se tenir le plus fort en son chasteau du Louvre, avec ses frères, durant cette sédition advenue par la querelle particulière estant depuis longtemps entre les maisons de Guise et de Chastillon[36].

Lorsqu'il rentra de sa course intempestive à la poursuite de Montgomery, le duc de Guise apprit que Catherine avait déjà tiré parti de sa faute, et qu'elle cherchait, en reportant sur lui toutes les haines, à le ruiner par un habile revirement, après avoir détruit l'amiral. Il s'empressa aussitôt de recueillir et de sauver les huguenots. Il donna asile dans son hôtel à la fille du chancelier de l'Hôpital et à plus de cent réformés[37]. Cette générosité, à peu près unique, ne plut pas. L'opinion publique était franchement favorable au coup d'État, et fut froissée de remarquer que, le second jour, le duc de Guise voulait en décliner sa part ; on prétendit qu'il essayait de sauver les hérétiques afin de pouvoir prolonger la guerre civile : Messieurs de Guise, en exemptant d'autres, sont calomniés de ne vouloir l'extinction du prétexte des armes[38].

Catherine comprend à temps que la popularité est désormais acquise à ceux qui ont ordonné les massacres ; elle opère une nouvelle manœuvre, cesse d'attribuer au duc de Guise ce qui passe pour un honneur, et, par une évolution accomplie brusquement, elle ne songe plus qu'à gagner des partisans en se vantant d'avoir pris les mesures nécessaires pour sauver la religion en péril et garantir la paix. Dès le mardi 26, le Roi se rend en séance au Parlement, et déclare que tout s'est exécuté par ses ordres. Le lendemain, le Parlement rend un arrêt qui condamne Coligny et confisque ses biens. Ce n'est pas assez. Pour l'enthousiasme populaire, il faut un miracle. Dans le cloître des religieux attachés au cimetière des Innocents, une aubépine est en fleur, preuve manifeste que Dieu approuve ce qui s'est passé le 24 août. Le nonce Salviati craint que le Saint-Père ne soit trompé ; il lui raconte l'événement de l'aubépine, et ajoute spirituellement : Le peuple y mit tant d'enthousiasme que si quelqu'un du couvent s'était avisé de dire qu'elle était en fleur depuis plusieurs jours, il aurait été jeté dans la rivière.

La population de Paris était tout entière complice des actes commis, Catherine résolut d'y associer le reste de la France ; mais, dans cette seconde phase, elle redoubla de précautions, n'écrivit pas une lettre de sa main, et s'entoura d'un tel mystère qu'il fut possible de nier la participation de l'autorité royale dans les massacres suivants[39].

Il fut mandé aux villes du royaume de tuer les chefs et factieux[40] ; mais ces mandements furent portés par des agents charges[41] de lettres de créance, qui ordonnaient aux gouverneurs de se fier à la volonté du Roi, exprimée par le porteur[42]. Plusieurs de ces lettres de créance existent encore ; elles insistent sur la nécessité d'achever l'exécution de la volonté du Roi, non pas là seulement, mais par tout son royaume[43] ; mais elles ne prescrivent aucun détail d'exécution, ne font pas connaître quelle est cette volonté, et renvoient aux mandements verbaux. Si le Roi est obligé d'écrire lui-même, comme au maréchal de Matignon, pour faire continuer la poursuite de Montgomery, il ajoute[44] : Mais que l'on ne sçache que je vous en ai escript, et y procédez le plus dextrement qu'il vous sera possible.

La plupart de ces lettres sont du 26 et du 27 août. Trois jours après, Catherine a changé d'avis. Épouvantée des résultats obtenus à Paris, elle se vit impuissante à faire retourner à leurs occupations régulières les ouvriers qui avaient mis la main à son grand travail. Les meurtres et les vols continuaient sans interruption. Elle craignit la contagion dans la France entière ; le 30 août, elle fit envoyer des lettres pour révoquer le mandement verbal[45], ainsi que tout commandement verbal que le Roi avoit pu faire à ceux qu'il avoit envoyés, tant à Bourges qu'en autres endroits du royaume[46].

Quand même auraient disparu les ordres, les annulations, les réponses, et quand encore on aurait oublié les actes qui en étaient la conséquence, il resterait, pour prouver la détermination bien fixée d'exterminer les derniers hérétiques, les curieux papiers qui montrent le roi de France cherchant hors de ses États ceux de ses sujets qu'il ne peut atteindre.

Lorsque, vers le commencement d'août, le premier corps français que Charles IX envoyait au secours des Flamands fut battu entre Valenciennes et Mons, Genlis, qui le commandait, fut fait prisonnier avec un millier d'hommes. Ces Français étaient tous huguenots ; ils étaient envoyés contre les armées espagnoles par le roi de France ; ils avaient leurs ordres signés de sa main. Charles IX écrivait encore, le 12 août, à Montdoucet, son résident près du duc d'Alva, de continuer ses relations secrètes avec le prince d'Orange, mais, pour gagner du temps, de nier l'existence des ordres de marche que le duc d'Alva avait trouvés dans les papiers de Genlis. Encores qu'il n'ajoute foy à ce démenti, dit-il, cela servira à mon intention, pourveu que le feciez destrement. Après la Saint-Barthélemy, le Roi ne change pas immédiatement ses projets ; il essaye, dans une nouvelle lettre à Montdoucet, d'attribuer l'acte au duc de Guise seul, au moment même où il renonce à soutenir cette fable en France : J'ay été constraint, écrit-il le 26 août, permettre et donner moyen auxdits de Guise de courir sus audit amiral. Il est probable que le même fait se produira dans toutes les villes du royaume, et que partout on s'assurera des réformés. C'est le moment des mandements verbaux ; mais il ne parle pas encore des soldats français qui sont prisonniers du duc d'Alva. Le 31 août seulement, le dimanche qui suit la Saint-Barthélemy, il se rappelle ces hommes. Rentreront-ils en France pour lui reprocher son manque de foi ? Ce n'était pas la peine de faire déchirer à coups de hallebarde ses hôtes du Louvre, si ses soldats de Flandre leur survivent. Il donne ordre à Montdoucet de dire au duc d'Alva que le service de son maître et de Dieu exige qu'il taille en pièces tous les prisonniers, avec Genlis, leur général, et qu'il n'accorde aucun quartier à ceux qui sont assiégés dans Mons avec la Noue [47].

C'est huit jours après l'événement ; il n'a plus de colère y il n'a jamais eu de ferveur religieuse, il écrit 'sans passion et sans fanatisme de faire tuer par ses ennemis les soldats qu'il a lui-même envoyés contre eux. Il s'avance davantage encore. Non content de faire solliciter près du duc d'Alva ce nouveau massacre, il veut le faire commander par Philippe II. Le roi d'Espagne annonce au duc d'Alva[48] que Saint-Goard, l'ambassadeur français à Madrid, l'a pressé d'ordonner l'exécution immédiate de Genlis et de ses soldats, ainsi que de tous les Français qui seraient pris dans Mons. Philippe II approuve cette idée. Je désire, dit-il, que si vous n'avez pas déjà débarrassé le monde de ces gens, vous le fassiez immédiatement, et m'en informiez, car je ne vois aucune raison pour différer[49]. Mais, pendant ce temps-là, Charles IX, redoutant sans doute quelques scrupules chez Philippe II, faisait solliciter de nouveau le duc d'Alva. Faire bien comprendre au duc d'Alva, écrit-il le 5 septembre à Montdoucet, qu'il ne mécontentera personne en France, s'il met à mort les prisonniers et les défenseurs de Mons.

Le Roi lut enfin, dans une lettre envoyée par Montdoucet, le 15 septembre, que le duc d'Alva faisait exécuter tous les jours quelques-uns de ses prisonniers ; il n'en restait déjà plus qu'un très-petit nombre. Genlis fut conservé plus longtemps ; Alva le maintint quinze mois dans un cachot avant de le faire étrangler. Quant à la garnison de Mons, le duc d'Alva avait suggéré un moyen pratique de la détruire sans ternir l'honneur militaire de l'Espagne. — Que le roi de France lui donne l'ordre d'évacuer la ville et de rentrer dans le royaume, et là il s'en défera à loisir. — Impossible, répondit Montdoucet, les Français ne se fient plus à la parole du Roi ; ils auront plutôt confiance dans le duc d'Alva !

Le sort de cette brave garnison de Mons inquiétait les gens de guerre de l'Europe entière ; Alva lui-même était saisi d'admiration devant cette belle défense. Le prince d'Orange voulut tenter un effort suprême pour la délivrer ; il s'avança avec trop de témérité, fut surpris la nuit par les Espagnols, ne dut son salut qu'à un petit chien qui lui gratta le visage de sa patte pour le réveiller au moment où les ennemis approchaient de son logis ; il sauta nu sur un cheval et se retira pour défendre la Hollande, ayant délibéré, dit-il, de faire illecq ma sépulture[50].

La garnison de Mons dut capituler le 21 septembre. Les Français, sous les ordres de la Moue, sortirent avec les honneurs de la guerre et défilèrent, enseignes déployées, sur les glacis. Ainsi leur roi avait été le seul à tramer la mort de ces braves gens. Le duc d'Alva, traitant avec mépris cet appel à sa cruauté, affectait de leur témoigner plus d'égards ; Charles IX eut l'humiliation de l'apprendre de la propre bouche de Louis de Nassau, frère du prince d'Orange et gouverneur de Mons, qui lui dit : Le duc d'Alve a depuis dict à plusieurs que c'estoit pour monstrer qu'il ne vouldroit point avoir faict ung si méchant acte qu'avoit foict le roi de France, et que c'a esté la seulle cause de la courtoisie et fidélité dont le duc d'Alve a usé envers le comte à la prinse de la ville de Mons[51]. Non pas que le duc d'Alva n'ait eu assez de patriotisme pour comprendre que le coup d'État du 24 août était le salut de l'Espagne. En méprisant la criminelle maladresse qui le débarrassait de ses plus pénibles inquiétudes, il sentait que l'Espagne ne serait pas démembrée, et pourrait soutenir longtemps la guerre, du moment que les Français ne l'attaquaient plus. Lorsque l'amirante de Castille annonça la nouvelle aux amis qui dînaient chez lui, le duc de l'Infantado demanda froidement, au milieu de l'allégresse de tous, si Coligny et ses amis étaient chrétiens. — Oui, répondit-on. — Ainsi, étant Français et chrétiens, on les a tués comme des animaux ! — Doucement, duc, reprit l'amirante, la guerre en France, c'est la paix en Espagne.

En une seule nuit, l'Espagne venait d'échapper à une guerre contre les forces coalisées de la France, de l'Angleterre et des Pays-Bas ; on lui restituait tout à coup la prépondérance en Europe. Philippe II ne put cacher sa joie ; il rit. Notre ambassadeur Saint-Goard profita de cette bonne humeur pour lui dire avec son effronterie de diplomate : Cette fois, vous êtes redevable des Pays-Bas au Roi mon maître[52].

Rome témoigna une joie plus bruyante, mais la cour pontificale ne dut pas voir sans inquiétude tomber cette résistance à la politique de Philippe II. Dans les rues, pour célébrer cet événement, un grand nombre de petits enfans, vestus de surplis, avec un rameau d'olivier en main, firent procession l'après disnée, bénissant et louant Nostre Seigneur qui avoit inspiré le cœur de nostre Roy à si heureuse et saincte entreprise[53]. Dans ces dernières années, on voyait encore à Saint-Pierre le tableau de Vasari représentant Paris durant les massacres, avec l'inscription : Le Pontife approuve la mort de Coligny[54]. La piété a éveillé la justice, dit une autre inscription sur l'une des médailles que fît frapper le Saint-Père[55].

La répugnance ne fut pas très-accusée chez les souverains protestants ; Elisabeth accepta, trois mois après la Saint-Barthélemy, le titre de marraine de la fille de Charles IX. En mai de Tannée suivante, le prince d'Orange rentra en relation avec ce roi ; son frère Louis de Nassau, l'ami, le frère d'armes de Coligny à Montcontour, appuya de son influence l'élection de Henri de Valois au trône de Pologne.

C'est en France, dans les armées, que le dégoût fiit exprimé avec le plus de liberté. Pour y gaigner dix mille escus, comme plusieurs de mes compaignons, je n'y eusse voulu avoir esté, dit Brantôme[56]. Son ami, le vicomte d'Orte[57], s'est rendu fameux par sa belle réponse aux mandements verbaux : A Bayonne, je n'ai trouvé que des soldats et pas de bourreaux[58]. Le baron de Vesins, lieutenant du Roi en Quercy, se trouvait à Paris le 24 août en même temps que son ennemi personnel, Régnier, chef des protestants du Quercy. Vesins entre armé chez Régnier, avec quinze cavaliers, le met sur un cheval, sort de Paris sans lui dire un mot, et ne le quitte qu'après l'avoir ramené en sûreté devant son château[59]. Lorsque Cosseins, le colonel des gardes qui avait pénétré avec le duc de Guise chez Coligny, après avoir été chargé de le protéger, se retrouva, quelques mois plus tard, au milieu des militaires, dans le camp devant la Rochelle, il fut presque aussi isolé que Maurevert. On l'appelait le principal boucher, et il fut fort blasmé d'avoir esté un grand meurtrier à la Saint-Barthélemy, aussy d'y avoir gaigné beaucoup, car il avoit là toutes les enseignes des gardes du Roy, et les y fit là bien mener les mains[60]. Peut-être y avait-il dans ces blâmes un peu d'envie et le regret d'avoir perdu une si belle occasion de butin ; mais Cosseins ne put supporter les reproches de ses camarades. C'était un vieux soldat et capitaine duquel on disait, dans sa jeunesse, piaffe de Cosseins ; mais c'estoit en tout qu'il estoit piaffeur, et en gestes, et en faicts, et en parolles. Il perdit toute énergie et sentit son asme changée. Il monstroit une tristesse et un ennui et comme un remords de conscience, si bien que souvent en jouant, je luy disois qu'il y mourroit. — Ah ! ne me le dites point, car je le sçay bien. Que maudite soit la journée de la Saint-Barthélemy ![61] Quand il fut tué, pendant ce siège, Charles IX se borna à dire en apprenant sa mort : Il s'est trouvé tout à coup si fort saisy de défaillance de cœur... et il ajouta un des mots grossiers qu'il avait volontiers à la bouche, sans autre regret, ce qui fît dire tristement autour de lui : Voylà que c'est de faire service aux roys.

Le meurtrier Behme fut quelque temps plus heureux ; il épousa Anne de Ame, bâtarde du cardinal de Lorraine et ancienne fille d'honneur d'Elisabeth de Valois, reine d'Espagne[62]. Le cardinal de Guise le chargea dans la suite de missions secrètes pour Philippe II, et demanda que pour les recommandables et signalés services qu'il a faicts durant les guerres contre les héréticques, on lui payât le don promis à sa femme Anne qui estoit à la feue Reine vostre espouse[63]. Il reçut en effet six mille écus du roi d'Espagne[64], fut surpris trois ans après le coup d'épieu par la garnison du château de Bouteville, corrompit le soldat préposé à sa garde, prit la fuite avec lui, chacun sur un bon cheval, un pistolet à l'arçon de la selle. Bertauville, gouverneur du lieu, le sentant échappé, saute sur un courtaud, seul et n'ayant arme qu'une espée, donne à tous les deux. Le soldat ne l'attend point, mais Behme aïant crie :Tu sçais que je suis mauvais garçon, — tire son coup de pistolet ; et l'autre en respondant :Je ne veux plus que tu le sois,mit l'espée jusqu'aux gardes dans le ventre de son prisonnier[65].

Le duc de Guise avait sa part dans la réprobation des vieux militaires. A ce même camp du siège de la Rochelle, de sinistres légendes se formaient sur lui. On racontait qu'un soir, en jouant aux dés, comme il retournait et secouait le cornet, des gouttes de sang tombèrent sur la table[66]. On affirmait que Henri de Navarre avait vu ces gouttes de sang, qu'il avait quitté le jeu[67]. Ces récits de bivouac devinrent si populaires, que trois ans plus tard on les répétait encore à Paris[68]. Lui-même, Henri de Guise, n'avait pas l'esprit en repos ; sa haine privée était satisfaite, mais il était trop fin politique pour faire bon marché de la perte des Flandres, pour ne pas voir avec effroi la dépendance dans laquelle il tombait avec son parti sous la main de Philippe II, et pour s'abandonner aussi légèrement que son oncle le cardinal de Lorraine aux éclats d'une joie indécente. Le cardinal était à Rome, quand il apprit cette nouvelle. Il fit don de mille écus d'or à Beauville que le Roi envoyait près du Saint-Père[69]. Il écrivit à Charles IX pour exprimer son admiration des très-crestiennes et héroïcques délibérations et exécutions faites non-seulement à Paris, mais aussi par toutes nos principales villes... C'est tout le mieux que j'eusse jamais osé désirer, ni espérer[70].

Henri de Valois sembla oublier ses remords en les racontant dans sa nuit de Cracovie. Catherine déclara avec un certain dédain qu'elle n'avait pas eu, pendant la durée des massacres, plus de cinq ou six meurtres sur la conscience[71]. La véritable victime de ces féroces massacres fut le pauvre enfant qui les toléra. Charles IX, maintenu dans une exaspération continuelle durant deux mois, perdit pour le reste de sa vie l'équilibre de ses facultés, et épuisa ses forces dans des excès qui ne lui procuraient pas l'oubli. On le voyait, les regards farouches, guardatura malinconica, détourner la tête quand on lui adressait la parole, baisser les yeux, ne plus écouter même sa mère, qui était forcée de lui répéter jusqu'à trois fois ses demandes[72]. Tantôt, emporté d'un élan fougueux, il forçait des cerfs trois jours de suite, restait à cheval douze ou quatorze heures, ou, debout dans une forge, frappait sur l'enclume et martelait des cuirasses[73] ; tantôt, enfermé dans l'obscurité, écartant les lumières, tressaillant au moindre bruit, il semblait, comme Néron après la mort d'Agrippine, modo per silentium defixus, sœpius pavore exsurgens, et mentis inops, lucem opperiens tanquam exitium allaturam[74].

Toute la fin de l'année 1572 fut consacrée aux massacres et aux confiscations dans la France entière. A Troyes on enferma tous les réformés dans une tour, pour les faire mourir ensuite avec cette même précaution que le lieu qui leur avoit servi de prison leur servit aussi de tombeau[75] ; à Orléans, plus de douze cents personnes forent tuées ; l'inflexibilité des égorgeurs se signala à Rouen par un fait particulier : le 18 septembre, à quatre heures du matin, le peuple se précipita sur la prison où les huguenots se croyaient en sûreté, et les mit à mort avec un tel acharnement qu'il sut découvrir sur la liste d'écrou le nom d'une victime dérobée par le gardien de la prison : il se fit restituer le pauvre être et le tua[76]. Les rancunes privées cherchèrent leur satisfaction dans le tumulte général, et, comme à toutes les époques de dissensions politiques, usurpèrent le prétexte des factions pour dénoncer, calomnier, détruire des rivaux et des ennemis. La famille des Guises resta complètement étrangère à ces exécutions dans les provinces. Quelques gouverneurs imitèrent cette opposition : le comte de Tende protégea les huguenots de Provence ; le baron de la Guiche, ceux du Charolais ; le seigneur de Sigognes, ceux de Dieppe[77].

Pour apprécier l'importance de cet événement, il faut se rappeler que la persécution organisée quelques années plus tard par Marie Tudor contre les protestants anglais, persécution tellement cruelle qu'elle a laissé, comme un stigmate ineffaçable, le nom de Marie la Sanglante à cette fille de Henri VIII, n'a pas coûté la vie pendant toute la durée du règne, d'après les évaluations les plus larges des écrivains réformés, à plus de deux cents personnes. En France, pendant les derniers mois de 1572, les massacres semblent avoir détruit environ trois ou quatre mille personnes à Paris, et vingt-cinq ou trente mille dans le reste de la France[78].

De ces exécutions tardives, deux furent particulièrement infamantes pour le duc de Guise et pour Charles IX, celles de Cavaignes et de Briquemaut. Cavaignes était un homme de robe que Charles IX avait chargé d'instruire l'affaire de Maurevert, à l'heure où existait encore sa tendresse pour Coligny ; Cavaignes avait vu l'arquebuse des gardes de Henri de Valois, il avait connu la part des Guises dans ce guet-apens ; mais comme son enquête avait été close par une catastrophe autrement compromettante, il aurait pu être épargné sans danger pour les Guises. Briquemaut était le capitaine qui avait reconnu Calais, en avait tiré le plan et ainsi préparé la prise de la place. Ce souvenir aurait dû lui assurer la protection du duc de Guise ; il est vrai qu'il estoit fort zélé à sa religion, mais pour cela il ne devoit mourir, ains estre pardonné pour ses grands services[79]. Pendant la nuit du 24 août, il se réfugia chez les religieux bernardins, et fut livré au moment où la cour cherchait des accusés pour un procès criminel. Cavaignes et Briquemaut furent déclarés par les juges les complices du crime de lèse-majesté qu'on inventait pour justifier aux yeux des princes protestants le meurtre de Coligny ; ils furent condamnés à mort. Briquemaut fut en outre dégradé de la noblesse, ses enfants dépouillés de ses biens et déclarés roturiers. Brisé par cet arrêt, le vieux capitaine s'écria : Qu'ont fait ces pauvres innocents ? et demanda grâce en pleurant pour ses enfants. Catherine eut une inspiration : elle promit que les enfants ne seraient pas abandonnés dans la misère, qu'ils seraient réintègres dans la noblesse, si Briquemaut, en mourant, avouait que l'amiral avait réellement conspiré contre le Roi. Savante mise en scène qui aurait couvert l'infamie des juges et accablé l'amiral sous le mensonge d'un mourant[80]. Mais Briquemaut ne voulut pas racheter l'humiliation et la misère de ses enfants en se déshonorant avec son général ; il résista à la tentation, et fut pendu le 26 octobre, avec Cavaignes, pendant que la jeune reine donnait naissance à une fille. Charles IX, heureux de se voir père, se procura le divertissement d'assister à cette exécution aux flambeaux. Catherine y vint aussi, traînant à sa suite Henri de Navarre. A peine les exécuteurs s'étaient-ils retirés, que les Parisiens coururent détacher les cadavres, les rouler dans les ruisseaux ; ils coupèrent les oreilles, ils n'oublièrent aucun outrage[81]. Le Roi, pendant ce temps, était entré à l'Hôtel de ville, et y recevait un somptueux repas que lui offraient, à grands frais[82], les bourgeois.

 

 

 



[1] John ALLEN, Edimburg Review, vol. XLIV, 1826.

[2] RANKE, Historisch-politische Zeitschrift, 1836, t. II, et Franzosische geschichte, t. I ; SOLDAN, Frankreich und die Bartholomaus Nacht ; VON RAUMER, Geschichte Europas seit dem Ende des funfzehnten Jahrhunderts, Leipzig, 1833, t. II, p. 256 ; BAUM, Leben Beza's ; WHITE, Massacre of S. Bartholomew.

[3] Traduit par BASCHET, Diplomatie vénitienne, p. 522. Seulement, Giovanni Michieli crut que l'entrevue du Roi et de Catherine a eu lieu le vendredi soir 22, tandis qu'elle est réellement du samedi 23 à midi.

[4] Cette lettre a été publiée par le Père THEINER, Annales ecclesiastici.

[5] MARGUERITE, Mémoires, p. 49.

[6] Les Mémoires de Tavannes sont dus à la plume de Gaspard de Saulx-Tavannes, son fils. Quelle est la part des notes du père et celle du souvenir de ses récits, on ne peut le savoir. Toutefois, deux styles se discernent dans les mémoires : la narration des actions du père, vive et énergique ; les commentaires du fils. On peut croire que le récit de la Saint-Barthélemy est du père ; un fils oserait-il écrire, sur un acte commis par son père, une phrase comme la suivante : Le coup faict, la colère refroidie, le péril passé, l'acte paroist plus grand, plus formidable aux esprits rassis ; le sang espandu blesse les consciences. Le coupable seul peut parler de la sorte.

[7] Discours du roy Henry troisième à un personnage d'honneur et de qualité estant près de Sa Majesté à Cracovie, sur les causes et motifs de la Saint-Barthélemy, publié dans les Mémoires d'Estat de VILLEROY, t. II, p. 52, collection Michaud, t. XI, p. 259 ; dans MATHIEU, Histoire de France. Voir aussi Ms. Dupuy, Bibl. nat., 63-68.

[8] Si c'est, comme on l'a supposé, Miron qui fut le confident de ces aveux, ce médecin aurait eu la singulière fortune de nous laisser le récit des deux principaux crimes de son client. Il faut remarquer que la confession de Cracovie est racontée dans un style diffus et sans valeur, tandis que le récit du meurtre du duc de Guise, qui est bien de Miron, est un chef-d'œuvre accompli.

[9] Discours du roy Henry troisième.

[10] TAVANNES.

[11] TAVANNES.

[12] D'AUBIGNÉ, Histoires, t. II, p. 16.

[13] MARGUERITE, Mémoires.

[14] MERGEY, Mémoires, p. 575.

[15] MERGEY, Mémoires, p. 575.

[16] TAVANNES.

[17] D'AUBIGNÉ.

[18] On cite parmi ces Suisses : Martin Koch de Freyberg, Conrad Burg et Léonard Grunenfelder de Glaris.

[19] Behme était fils de Bohémien, mais né en Wurtemberg. Voir Ms. Fontanieu, 326, avant-dernière pièce, publiée par BOUILLÉ, t. II, p. 504.

[20] WHITE, Massacre of S. Bartholomew, p. 416.

[21] TAVANNES.

[22] SULLY, p. 14.

[23] D'AUBIGNÉ.

[24] Le fils de Piles tua en duel le fils du poète Malherbe (VOLTAIRE, notes de la Henriade).

[25] D'AUBIGNÉ.

[26] TAVANNES.

[27] Lettre du 24 août 1572.

[28] SULLY, p. 14.

[29] VARILLAS, t. II, p. 350.

[30] Discours sur les guerres intestines, Paris, 1572 :

Ha ! vous seriez ingrats, poissons, vous auriez tort

Si ne les recevez du moins après la mort,

Puisque tant ils vous ont montré de courtoisie

De ne vouloir jamais vous manger en leur vie !

[31] BRANTÔME, Hommes illustres, discours 88.

[32] Ce témoignage décisif du duc d'Alva paraît n'avoir pas été remarqué par les historiens français. Voir, dans WHITE, Massacre of S. Bartholomew, p. 437, l'indication des autorités qui permettent d'affirmer cette intervention du Roi. Pour contester cette intervention, aucun argument n'a été produit : on s'est borné à montrer que l'aile du Louvre qui longe la Seine est postérieure à 1572 ; mais les bâtiments qu'elle remplace avaient des fenêtres, et de ce que ces fenêtres ont été démolies sous le règne suivant, il ne s'ensuit pas qu'il ait été impossible, en 1572, d'appuyer une arquebuse sur les barreaux de fer qui les grillaient et de faire feu dans le lit du fleuve qui touchait alors le pied de la muraille. Du reste, une tradition ancienne désignait dans le siècle dernier comme le poste où Charles IX se tint avec son arquebuse de chasse, une certaine tribune de pierre qui fit partie plus tard de l'hôtel des postes, et fut démolie sous Louis XV. Voir D'ARGENSON, Mémoires, édit. Jannet, t. IV, p. 258.

[33] D'AUBIGNÉ, les Fers.

[34] TAVANNES.

[35] TAVANNES.

[36] Mémoires de l'estat de la France, p. 213-216. On a les lettres envoyées en Bourgogne, Touraine, Poitou.

[37] MÉZERAY.

[38] TAVANNES.

[39] Ces précautions étaient si bien prises que de nos jours encore le savant historien de Catherine de Médicis, ALBERI, Vita di Catarina de Medici, p. 155, a nié qu'elle ait eu connaissance de ces ordres, comme si elle n'avait pas été à ce moment la seule autorité en France.

[40] TAVANNES, p. 388.

[41] DE THOU, liv. LII.

[42] Henri MARTIN, Histoire de France, t. IX, p. 341 ; IMBERDIS, Histoire des guerres religieuses en Auvergne, t. I, p. 185 ; Saint-Herem, gouverneur d'Auvergne, exige des ordres écrits.

[43] Lettre du 27 août au maire de Troyes.

[44] Ms. Béthune, v. 8760, fol. 24. Voir ISAMBERT, Anciennes Lois françaises, t. XIV, p. 256.

[45] Revue rétrospective, 1834, t. V, p. 359.

[46] Mémoire de l'Estat de France, f° 255. Voir aussi VON RAUMER, Geschichte Europas seit dem Ende des funfzehnten Jahrhunderts, t. I, p. 282.

[47] Toute cette correspondance entre Charles IX et Montdoucet a été découverte dans la Bibliothèque de Reims, et publiée en Belgique, par M. GACHARD, Compte rendu de la Commission royale d'histoire, t. IV, p. 540 et suiv.

[48] GACHARD, Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XVI.

[49] GACHARD, Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XVI : ... Y assi holgare que si ya no les ubiere deshechado del mundo, lo hagais luego, y me aviseis dello, pues que no veo que aya causa ni la pueda abea por que esto, se dexe de hazer... (18 septembre 1572.)

[50] GROEN VAN PRINSTERER, Archives de la maison d'Orange-Nassau, t. IV, p. 4.

[51] GROEN VAN PRINSTERER, Archives de la maison d'Orange-Nassau, t. IV, p. 4.

[52] Lettre de Saint-Goard à Charles IX, publiée par GROEN VAN PRINSTERER, Archives de la maison d'Orange-Nassau, supplément, p. 125.

[53] Lettre du cardinal de Lorraine à l'évêque de Verdun. Ms. Dupuy, vol. 755, fol. 144, publiée par BOUILLÉ.

[54] Pontifex Colinii necem probat, STENDHAL, Promenades dans Rome.

[55] Pietas excitavit justidam. Trois autres médailles furent frappées à Rome pour célébrer cet événement ; les devises sont : Greg. XII, Pont. Max., et au revers : Ugonotorum stragesvirtus in rebellesNe ferrum temnat simul ignibus obsto.

[56] BRANTÔME, Hommes illustres, l'Hospital, t. I, p. 320.

[57] BRANTÔME, Hommes illustres, l'Hospital, t. I, p. 320 ; D'AUBIGNÉ, Histoires ; MONTLUC, t. I, p. 367.

[58] Un écrivain ignorant a soutenu que cette réponse avait été imaginée sous le règne de Louis XIV. Par malheur pour sa théorie littéraire, la réponse est dans les Histoires d'Agrippa D'AUBIGNÉ, imprimées en 1616.

[59] D'AUBIGNÉ, p. 553.

[60] BRANTÔME, Hommes illustres (Strozzi), p. 645.

[61] Ms. Bibliothèque nationale, Fontanieu, p. 326, avant-dernière pièce, publiée par BOUILLÉ, t. II, p. 504.

[62] AMELOT DE LA HOUSSAYE, Mémoires historiques, Amsterdam, 1722, t. II, p. 104.

[63] Ms., Arch. nat., Simancas, B. 27, 163, et B. 39, 63.

[64] WHITE.

[65] D'AUBIGNÉ, t. II, p. 169.

[66] RANKE, Franz. Gesch., t. IV, chap. IV.

[67] VOLTAIRE, notes de la Henriade, rapporte le récit même prêté à Henri IV : Il vit des gouttes de sang sur la table ; par deux fois il les fit essuyer, deux fois elles reparurent, et il quitta le jeu saisi d'effroi.

[68] Foreign Office, Ms., Dale to Walsingham, 14 february 1575. Lettre publiée par FROUDE.

[69] Beauville n'était pas envoyé par le duc d'Aumale, comme l'ont dit quelques historiens, mais par le Roi lui même, avec cette lettre : Très-Saint Père, nous envoyons présentement devers Vostre Sainteté le sieur de Beauville, l'un de nos gentilshommes ordinaires servants, pour dire et faire cognoistre à Vostre Sainteté aucunes choses de nostre part... C'est déjà la formule des mandements verbaux. Cette lettre est aux Archives du Vatican, France, 34, 7425.

[70] Ms. Dupuy, vol. 221.

[71] WHITE, Massacre of S. Bartholomew.

[72] Sigismundo CAVALLI, Relaz. ven., traduit par BASCHET, p. 556.

[73] Sigismundo CAVALLI, Relaz. ven., traduit par BASCHET, p. 556.

[74] TACITUS, Annal., t. XIV, p. 40.

[75] VARILLAS, t. II, p. 363.

[76] Lettre de sir Thomas Smith à Francis Walsingham, coll. ELLIS, Original letters, t. III, p. 376, publiée par H. DE LA FERRIÈRE, Arch. des miss. scient., 1876, p. 665.

[77] Même document.

[78] Des chiffres donnés par les historiens, c'est BONANNI qui parait le plus se rapprocher de la vérité : la cour pontificale avait une diplomatie admirablement organisée et connaissait très-exactement les faits. Il y a eu deux mille six cents enterrements à Paris ; on peut ajouter à ce chiffre un millier de corps restés dans la Seine ou enterrés aux frais des particuliers. On arrive ainsi à trois mille six cents environ, c'est-à-dire au chiffre indiqué au Pape et au duc d'Alva. Pour les provinces, il est impossible d'avoir un contrôle des chiffres. On ne peut comprendre pourquoi LA POPELINIÈRE, écrivain protestant, a réduit ses chiffres à des proportions si évidemment inexactes.

[79] BRANTÔME, M. de Guyse le Grand, p. 423.

[80] Cette perfidie eut d'autant plus remarquable qu'il est probable que les enfants de Briquemaut avaient péri dans les massacres ; le père l'ignorait, mais une note manuscrite indique parmi les morts de la Saint-Barthélemy trois enfants de M. de Briquemault. (Record office, note publiée par H. DE LA FERRIÈRE, Arch. des miss, scient., 1876, p. 667.)

[81] DIGGES, p. 278, Walsingham to Smith, 1 november 1572 : On october 22 the young queen was brought to bed of a daughter, and the same day, Briquemaut and Cavaignes were hanged by torchlight, the king, the queen mother and the king of Navarre being lookers on. About an hour after the execution, the cruel and bloody people of this town, took their bodies from the gallows and drew them about the streets, cutting of their ears, and omitting no other kind of villanous and barbarous cruelty.

[82] Voir les comptes de la dépense de ce repas, SAUVAL, t. III, p. 368.