LES DUCS DE GUISE ET LEUR ÉPOQUE

 

Étude historique sur le seizième siècle

TOME PREMIER

XIII. — LA GUERRE CIVILE.

 

 

1562.

 

Depuis que le roi de Navarre s'était docilement place sous la main du roi d'Espagne et avait uni son influence à celle des triumvirs, Catherine se trouvait isolée. Sa fille, la reine d'Espagne, ne pouvait même plus lui procurer l'appui de Philippe II, qui consacrait tous ses efforts à assister la faction du duc de Guise. Le 1er mai, l'ambassadeur anglais à Madrid écrivait à sa reine que Philippe II et ses ministres étaient voués aux projets des Guises et tenaient à leur succès comme à la prunelle de leurs yeux[1]. De son côté, le duc de Guise, avec une générosité facile, recommandait à Chantonnay, ambassadeur d'Espagne, le pauvre roi de Navarre contre lequel avait été dressé le triumvirat, à l'origine : Pour la conservation de nostre saincte et ancienne religion catholique, nous recepvons tous les jours tant de bien et de faveur du roy de Navarre qu'à vous parler franchement nous ne sçaurions désirer de luy de meilleurs ny plus louables efforts que ceulx qu'il faict en toutes occasions, ayant à cela tellement levé le masque que ne fault plus craindre ny doubter qu'il puisse estre diverty du bon et vray chemin. Nous vous supplions le vouloir faire entendre au Roy vostre maistre, afin que Sa Majesté cognoisse le bon zèle dudit roy de Navarre et combien il s'est rendu digne d'un bon et favorable traitement de Sa Majesté[2]. En réponse à une si humiliante recommandation, le Bourbon qui abandonnait son frère Condé et les traditions de sa famille pour obtenir par sa docilité près d'un souverain étranger que l'Espagne fût démembrée à son profit, ne recevait de l'ambassadeur Chantonnay que ces dédaigneuses paroles : J'espère que Dieu lui donnera la grâce de continuer de bien en mieux, et ne faudray de mon costé d'en donner advertissement au Roy mon maistre, pour le bien des affaires dudict seigneur.

Quand le chef officiel de la régence, le premier prince du sang, lieutenant général du royaume, avait cette attitude, Catherine comprenait qu'on ne la laisserait pas jouir en paix de son influence sur son fils et qu'on lui arracherait le reste d'autorité qu'elle était résolue à défendre. Mais si la décision ne lui manquait pas, la force lui faisait défaut. Par une sorte de mépris public de ses ordres, le duc de Guise avait paradé en armes dans les rues de Paris, au moment où elle venait de lui interdire l'entrée de la capitale. A Paris, il était le maître. Catherine tombait dans une telle impuissance que le méprisable maréchal de Saint-André lui-même osait lui désobéir : elle lui donna Tordre de quitter Paris et de se rendre à son gouvernement de Lyon ; il refusa de partir. Inquiète, reculant encore devant un parti extrême, tâtant longuement les appuis qui pourraient la soutenir, elle s'était réfugiée avec son fils dans le château de Fontainebleau pour être libre de ses mouvements.

De diviser les triumvirs, elle ne pouvait plus avoir la pensée, depuis que l'explosion des passions religieuses les avait unis dans une politique bien nette, celle de l'extirpation de l'hérésie. Mademoiselle du Rouhet n'avait pas pu lui conserver la fidélité du roi de Navarre, ou même elle avait trahi sa maîtresse et s'était laissé séduire également par l'espoir de régner aussi au delà des Pyrénées. Il est vrai que les autres filles d'honneur assuraient le dévouement du prince de Condé. Mais n'était-il pas dangereux de se rallier à ce chef d'un parti indépendant, dans lequel la Reine voyait ses avances accueillies avec défiance, ses hésitations méprisées, les galanteries de Condé lui-même frappées d'anathèmes ? Se livrer aux huguenots, c'était entrer en guerre contre la plus grande partie du royaume et contre l'Espagne ; c'était, en cas de défaite, risquer le renversement de la dynastie, ou, en cas de victoire, subir la déchéance humiliante de Marie de Guise en Ecosse entre des théologiens fanatiques ou illuminés et des chefs militaires qui condamnaient le luxe des cours et l'influence des femmes.

Tandis que Catherine temporisait, les huguenots, proscrits par arrêts des parlements, égorgés par la populace ou soumis aux supplices les plus savants, traqués et harcelés dans toutes les provinces, cherchaient à se rassembler pour se défendre. La plupart de la noblesse, ayant entendu l'exécution de Vassy, se délibéra de venir près Paris, imaginant comme à l'avanture que ses protecteurs pourroient avoir besoin d'elle. Et partoient des provinces ceux qui estoient les plus renommés, avec dix, vingt, trente de leurs amis, portant armes couvertes. C'était la seconde fois que la nouvelle de la toute-puissance du duc de Guise amenait cette explosion ; sans plan, sans idée arrêtée, sans chef, la noblesse militaire prenait ses armes pour se réunir près de la cour, comme deux ans auparavant. La nouvelle des exécutions de Vassy produisait la même impression que la vue des potences dressées autrefois à Blois contre les solliciteurs. Dans ce mouvement spontané entrait pour une large part la crainte de voir fonder une nouvelle dynastie au profit de cette famille des Guises si subitement élevée.

Les résultats de l'affaire d'Amboise n'avaient donné aucune expérience à la noblesse de province : elle accourait avec le même désordre et la même ignorance, afin de parler au Roi. Mais Condé avait été instruit par les événements : il s'était entendu condamner à mort ; il avait appris, pendant les longues heures qu'il passait dans son cachot d'Orléans, qu'il est dangereux pour un chef de parti de ne pas se faire craindre ; que se montrer franchement avec ses adhérents, ses armes et ses prétentions, est le seul moyen d'éviter la déroute. Il se posta à Meaux avec ses gentilshommes et servit de ralliement aux incertains qui s'ébranlaient sur tous les points de la France, et qui arrivoient inopinément de tous costés, sans avoir esté mandés[3]. Il recueillit ainsi en six jours ce qu'il n'espéroit pas avoir en un mois.

Il aurait dû profiter de ce concours subit, se porter en quelques heures avec cette cavalerie de Meaux sur Fontainebleau, s'emparer de la personne du Roi et de la Reine mère, devenir ainsi le chef officiel du royaume, avec le grand sceau et la cour. Catherine semblait l'attendre. Elle lui écrivit jusqu'à sept lettres pour obtenir son appui : de ces sept lettres, on en connaît quatre : ce sont des appels presque désespérés. Catherine venait de prendre enfin une détermination : elle se décidait à se jeter dans les bras des huguenots, elle se recommandait avec toute sa famille à la protection de Condé, elle le suppliait de conserver les enfants, et la mère, et le royaume, comme celuy à qui il touche. Elle le regardait comme son seul parent, son seul soutien ; puis elle craignit d'en avoir trop dit, elle ajouta : Brusler cette lettre incontinent[4]. En apprenant qu'il s'était mis franchement à la tête des mécontents, elle lui écrivit : Je n'oublierai jamais ce que vous faites pour moy, ou encore : Je vois tant de choses qui me desplaisent, que si ce n'estoit la fiance que j'ay en Dieu et asseurance en vous que m'aiderez à conserver ce roïaume et le service du Roy mon fils, en despit de ceulx qui veulent tout perdre, je seroye encore plus faschée[5].

Loin de brûler ces lettres, Condé eut soin d'en envoyer des copies dans toute l'Europe et à ses amis de France qui hésitaient encore, avec invitation de les monstrer et faire imprimer partout[6]. Cette espèce d'investiture régulière qui le constituait comme le champion de la dynastie était trop précieuse pour qu'il ne saisît pas l'occasion de s'en servir, afin d'avoir des alliés et de donner de l'assurance à ceux qui l'avaient rejoint. Il fit porter à Francfort les lettres originales de la main de Catherine[7], pour qu'elles fussent vues par les princes d'Allemagne, transcrites devant eux sur des copies collationnées, certifiées, scellées du grand sceau de l'Empire romain et adressées dans toutes les directions. En France, Jean de Mergey[8] remit au comte de la Rochefoucault, de la part de Condé, la lettre que la Reyne lui escripvoit par laquelle elle le prioyt d'avoir pitié de la mère et des enfants, et en fit donner une copie, et aussitôt la Rochefoucault se mit en marche avec toute la cavalerie du Poitou. Partout on se raconta que la Royne escrivoit qu'elle et ses enfants estoient prisonniers entre les mains de Messieurs de Guise, des mains desquels elle se vouloit sauver[9]. On rejoignit Condé.

Nul doute sur la part que prit Catherine à la guerre, qu'elle regardait comme la dernière chance de salut. Elle écrivit encore au cardinal de Châtillon pour lui annoncer que Condé avait pris les armes, et elle lui dit : Me fiant en luy, je luy mandis que ne le trove mauves pourveu que y ne faillit à set désarmer quant je lui manderès[10].

Mais Condé, malgré l'appui moral de la Reine, malgré l'armée nombreuse, mais sans cohésion et sans solidité, qui était accourue près de lui, ne se crut pas en force suffisante pour s'avancer jusqu'à Fontainebleau, accabler les gardes suisses et écossaises dévouées au duc de Guise leur chef[11], et risquer d'être surpris, soit dans sa marche, soit durant le coup de main, par les troupes qui avaient accompagné le duc de Guise à son entrée dans Paris. Privé de place de guerre, Condé voulait éviter un échec qui aurait dissipé ses partisans et arrêté ses recrues au début de la campagne. Il se borna à distribuer des proclamations pour demander que les Guises fussent soumis à rendre compte des finances de France qu'ils avoient maniées sous le roy Henry et le roy François II et restituer les dons excessifs à eux faits[12]. Mais pour s'enhardir davantage, il avait besoin de l'appui, de l'influence, du génie de Coligny.

Coligny était encore incertain. Il n'avait pas le fanatisme du sectaire, mais la tête froide et l'esprit pratique de l'administrateur et du chef d'armée : il voyait que le zèle maladroit des réformés, l'enthousiasme inconsidéré de leurs ministres, les ressources précaires qu'offraient les quêtes durant les réunions clandestines, ne pouvaient constituer des forces suffisantes contre les compagnies d'ordonnance, la puissante union des triumvirs, la vieille organisation du royaume. Il avait le cœur patriotique, et il voyait avec douleur se préparer une guerre entre Français. Après avoir lu la proclamation de Condé et les récits des massacres de huguenots dans les villes de France, il s'était couché, il dormait : Deux heures après avoir donné le bonsoir à sa femme, fut réveillé par les chauds soupirs et sanglots qu'elle jetoit, il se tourna vers elle, et cette femme, Jeanne de Laval, lui dit : Les corps de nos frères sont nus dans les cachots, les autres par les champs à la merci des chiens et des corbeaux ; ce sang et vostre femme crient au ciel vers Dieu ! Elle le suppliait de rejoindre Condé, d'appeler ses gentilshommes aux armes, de combattre pour la foi. L'amiral essaya de lui faire prévoir la défaite et ses conséquences : Songez, disait-il, à vostre constance si elle pourra digérer les desroutes générales, les trahisons des vostres, la fîiitte, l'exil en pays estranges, vostre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants, vostre mort par un bourreau, après avoir vu vostre mari traisné et exposé à l'ignominie. Elle insistait, elle pleurait : Coligny, lui demanda trois semaines pour se déterminer. Trois semaines, fit-elle, ne mettez point sur vostre teste les morts de ces trois semaines : je vous somme, au nom de Dieu, de ne nous frauder plus ![13] Coligny se leva, Jeanne de Laval et ses demoiselles sellèrent les chevaux pendant que les gentilshommes bouclaient leur armure ; elles mirent l'amiral à cheval ; il partit la nuit même pour Meaux et rejoignit Condé.

Mais ces hésitations avaient déjà fait manquer le coup décisif : Condé venait de perdre à Meaux, en ralliant ses cavaliers, en éclairant la route de Fontainebleau, en attendant Coligny, cinq jours seulement : mais ces cinq jours séparaient pour jamais la dynastie des Valois des doctrines de la réforme. Dans les crises politiques, il y a une heure pour forcer la chance : le téméraire qui la devance court à sa perte, le temporisateur qui la laisse passer abdique pour toujours : elle a pu se présenter durant ces cinq journées que Condé perdit à Meaux, au milieu des hésitations qu'ont eues souvent les princes de Bourbon dans les moments qui exigeaient de la promptitude de décision. Cette heure, elle était épiée, saisie par te duc de Guise, qui mettait autant de netteté a concevoir ses projets que de résolution à les exécuter. Il court à Fontainebleau avec ses cavaliers et le connétable, y est le maître, donne les ordres pour que la cour se replie sur Paris. En vain Catherine essaye de gagner du temps, elle veut laisser approcher Condé : une bataille sous ses fenêtres ferait peut-être son salut et sa force. Guise résiste à sa colère, il la laisse pleurer ainsi que le jeune roi[14]. Il ne s'occupe pas des larmes : il devient pressant ; le connétable menace de coups de baston ceux qui ne vouloient destendre le lict du Roy pour la crainte de la Royne[15]. Le jour même, le mobilier est emporte au château de Melun, qui est à l'abri d'une surprise. Catherine y est conduite avec ses enfants moitié d'amitié, moitié de force. Mais telle est la puissance de séduction de la Reine, qu'ainsi enlevée, presque captive, elle sait, par une prodigieuse volte-face, simuler une sorte de passion pour le parti catholique y prêter aux triumvirs ses droits légaux et son influence sur l'esprit du jeune Roi, et tellement retenir sous le charme le connétable et le duc de Guise que non-seulement n'estoit plus Sa Majesté tenue en leur sujétion[16], mais qu'elle réussit à se faire passer pour le chef de leur parti : elle sauve à la fois les apparences de son autorité et les chances qu'elle pourra saisir pour profiter des occasions de pacification.

Était-ce bien une guerre de religion qui commençait ainsi en donnant pour chef aux catholiques l'homme qui quittait Sa ver ne, où il venait de se concerter avec le chef des luthériens, et en faisant prendre les armes aux réformés sur les instances de la nièce du pape Léon X ? Peut-on savoir même si Catherine était de bonne foi quand elle poussait Condé à la rébellion et lui donnait, par une adhésion des premiers jours, le moyen de recueillir des partisans, ou bien si elle n'a pas pense qu'elle augmenterait son autorité en mettant aux prises ceux qui la lui disputaient de manière à profiter de leurs fautes ou de leurs défaites ? Si la Royne, dit Montluc, et monsieur l'admiral estoient en ung cabinet, et que M. le prince de Condé et M. de Guise y fussent aussi, je leur ferois confesser qu'autre chose que la relligion les a meus à faire entretuer trois cent mille hommes[17]. C'est une guerre de trente-six ans[18] qui commence, entrecoupée de trêves rares et agitées, mêlée de massacres prémédités, de sièges devant toutes les villes de France, d'appels faits à des étrangers par des Français ; elle a transformé notre pays en un lieu de pillage pour tous les aventuriers de l'Europe.

Le prince de Condé ne permit pas courage en apprenant la disparition de la cour, et en voyant que ce gage considérable était aux mains de ses ennemis. Il s'avança lentement vers Chartres et grossit ses forces sur le trajet de cinq à six troupes de noblesse, ce qui apporta l'esbahissement quand on considéroit le soudain l'engrossissement de notre corps[19]. Il était arrivé à Artenay, lorsqu'il apprit que d'Andelot s'était saisi, avec une vingtaine d'hommes, d'une des portes d'Orléans, et se défendait avec peine contre toute la garnison et une partie des bourgeois de la ville ; si on le secourait à propos, on s'emparait d'une place forte de premier ordre, qui commandait un passage de la Loire et permettait de donner la main aux réformés du Midi.

Aussitôt l'esbranlement commença[20]. Condé, qui avait environ deux mille cavaliers avec lui, partit d'Artenay au galop ; sa troupe le suivit, emportée dans un tel tourbillon, que chapeaux et manteaux volaient sur la route[21] ; ceulx qui le rencontroient par les chemins, voyant si grand nombre de cavalerie, tous au galop, se choquant les uns les autres en courant, voire les uns tomber sur le pavé, des valets avec leurs malles par terre, pensoient que tous les fols de France fussent là assemblés pour faire rire les spectateurs[22]. Les paysans de l'Orléanais ne connaissaient pas les nouvelles de la cour, et ne pouvaient comprendre cette prise d'armes. A voir une telle chevauchée par les chemins sans cause connue, sans but apparent, ils étaient saisis d'un tel étonnement, qu'ils ne se pouvoient garder de rire d'un mouvement si impétueux, ce qui causoit même à ceux qui couroient des risées continuelles[23]. Ainsi, au milieu de la gaieté bruyante et des éclats de rire commençaient ces guerres. Les plus hastifs n'arrivèrent point trop tost à la porte Saint-Jean[24], dont les tours étaient encore occupées par d'Andelot, près de succomber. A onze heures du matin, l'ouragan s'abattit sur Orléans et franchit le pont-levis de la porte Saint-Jean. Voilà comment Orléans fut pris[25].

La populace d'Orléans avait voulu soutenir le gouverneur ; mais elle embrassa subitement le parti de d'Andelot aussitôt qu'elle le sut appuyé par l'armée de Condé, et quand elle vit la première cavalerie entrée, ce fut à qui crieroit : Vive l'Évangile ![26]

Les principales villes du centre, Tours, Blois, Bourges, se prononcèrent contre le duc de Guise, et accueillirent des garnisons de réformés ; Rouen et le Havre les imitèrent. Durant les premières semaines, le mouvement semblait irrésistible, et aucune force catholique ne paraissait pouvoir tenir devant l'armée qui venait de se rassembler tout à coup autour de Condé, et dont les corps avaient déjà toute la solidité des vieilles troupes. Le sentiment religieux avait produit en quelques heures la discipline que les soldats acquièrent ordinairement après plusieurs années d'instruction. Pas d'ivrognes, pas de maraudeurs ; on n'y chantoit que les psaumes ; les filles de joye ne s'y pouvoient ni garder, ni cacher, et aussitost que l'on en découvroit une, on obligeoit celui qui l'entretenoit à l'épouser[27]. Avec sa figure longue et son crâne pointu, d'Andelot était le véritable chef de ces régiments de sectaires ; il exigeait, comme plus tard les généraux de Cromwell, l'austérité du puritain et l'exactitude du soldat. Cette cohue de calvinistes, transformée subitement en armée, offre un curieux exemple des modifications que fait subir l'ardeur religieuse à l'âme humaine. Les transports de la foi produisent, comme une conséquence nécessaire, les vertus militaires. On remarque cette curieuse corrélation aussi bien dans les légions chrétiennes de l'Empire romain et dans les tribus arabes qui ont assujetti l'Asie et l'Afrique à l'islamisme, que chez les côtes-de-fer de Cromwell. C'est dans les armées protestantes qu'on peut le mieux observer cette solidité donnée aux régiments par l'exaltation religieuse. Les dévotions en commun, la vie rude, les privations, les prédications, le chapelain hardi, grossier, à la voix insolente, qui se mêle aux soldats et est traité par eux parfois en compagnon et souvent en prophète, créent la première armée de Condé, comme seront formées quatre-vingts ans plus tard les armées de Cromwell.

Le chapelain, toutefois, n'était pas le personnage le plus respectable dans l'armée de Condé ; les Français n'ont pas, comme d'autres peuples, cette aptitude à devenir tellement dupes de leur rôle, qu'ils s'y enferment de bonne foi. L'illuminé se maintient malaisément chez nous entre la démence et l'hypocrisie. Les premiers ministres calvinistes étaient ou des moines ignorants et apostats, ou des artisans qui s'étaient donné la dangereuse mission de prêcher la vérité. Sur les chefs, ils n'avaient d'autre influence que celle de leur popularité dans le camp, et cette popularité était presque toujours acquise au plus sot ou au plus violent. Autour de Condé, ils formaient une sorte de Conseil qui gênait les mouvements de l'armée et troublait les opérations militaires. L'un d'eux, quelques années plus tard, au siège de la Rochelle, souffleta publiquement le général des réformés, le brave La Noue. Leur langage était si vulgaire que Jeanne d'Albret s'endormait aux sermons de ses ministres, et s'était fait autoriser par le synode à les écouter avec son métier à tapisserie sur les genoux, et en poussant son aiguille, pour ne pas perdre son temps[28]. Ils n'acquéraient pas d'autorité sur la noblesse. Dès le début de la guerre, aux plus beaux moments de ferveur, et lorsque le camp calviniste retentissait du son des psaumes et des discours édifiants, Gabriel de Boulainvilliers, seigneur de Courtenay, s'écartait dans la Beauce, et mettait à mal une jeune villageoise[29].

Mais le peuple famélique des villes, ouvriers exclus de leurs corps de métier, paysans dont les chaumières avaient été brûlées, domestiques sans place, mendiants en guenilles qui quêtaient leur pitance aux portes des couvents, bannis, persécutés, s'animaient à leurs voix quand ils parlaient des richesses du clergé, des châsses d'or massif que recelaient les sanctuaires, des pierreries dont on chargeait les idoles. Bientôt le pillage fut organisé, les statues des saints furent brisées, les ornements d'église volés, dépecés, fondus. En Flandre, on alla jusqu'à enduire de beurre les livres des monastères, pour les faire brûler plus aisément dans les feux de joie[30]. A Vendôme, sous les yeux de Jeanne d'Albret, on ouvrit les sépultures des ducs de Vendôme, les aïeux de son mari, on jeta leurs os au vent avec les reliques des églises.

Lorsque Condé entra à Tours, le trésor antique de notre saint national, saint Martin de Tours, fut saisi par les protestants, qui y trouvèrent, sans compter les châsses, pour douze cent mille livres d'or, près de quinze millions de notre monnaie.

Ces profanations provenaient quelquefois moins de l'intolérance que d'un secret sentiment d'envie. Ne s'assembler pour son culte que sous des granges, ou même à un simple carrefour au croisement des chemins, dans la boue, sous la pluie, tandis que les pompes religieuses sous les voûtes consacrées appartenaient à leurs rivaux, c'était pour les réformés une continuelle tentation. Ces basses jalousies n'étaient pas partagées par les protestants éclairés. En apprenant que ses coreligionnaires venaient de saccager les églises catholiques à Montpellier, Théodore de Bèze chercha à réprimer avec sévérité cette a violence enragée[31]. Il se sentait plus épouvanté par les excès de zèle des siens que par la violence de ses adversaires[32]. Devant des fureurs de ce genre, on avait déjà vu Luther s'écrier dans un navrant désespoir : Si je ne craignais de révolter ma conscience, je parlerais, j'agirais pour que le Pape, avec toutes ses impuretés, revienne nous remettre sous son joug, car ainsi veut être mené le monde, avec des lois grossières, avec la brutalité, avec la superstition ![33]

Mais en même temps rentrèrent dans la circulation les richesses amassées depuis plusieurs siècles, et laissées improductives dans les crédences et les bahuts des établissements religieux. Ces pillages et ces confiscations produisirent un phénomène analogue à celui qui s'était déjà présenté quand César avait distribué à ses soldats, ou dissipé en fêtes les monceaux d'or enfermés par le Sénat dans le Trésor public. Les métaux précieux devinrent subitement abondants ; une richesse factice et momentanée se répandit dans le pays. C'est une des causes qui permirent de franchir, sans succomber, la période durant laquelle le travail fut interrompu, les champs furent laissés en friche et le numéraire fut emporté à l'étranger pour subventionner des mercenaires.

Les deux partis, en effet, cherchaient à entretenir la guerre civile à l'aide de mercenaires étrangers. Le duc de Guise faisait lever des lansquenets sur les bords du Rhin : il renforçait la garde suisse du Roi, et obtenait de Philippe II un corps auxiliaire de quatre mille fantassins espagnols. Les souverains de Florence et de Ferrare proposaient aussi des renforts[34] ; le duc de Savoie entrait en campagne lui-même contre les réformés de la vallée du Rhône, sans demander de l'argent en récompense de son zèle : il l'évaluait à plus haut prix. Il exigea du roi de France, pour payer son intervention contre ses sujets, la cession de toutes les places de la Savoie qui n'avaient pas été abandonnées trois années auparavant dans le malheureux traité de Cateau-Cambrésis ; le maréchal de Bourdillon dut les évacuer, malgré ses vaines remontrances, sur des ordres précis.

Le Pape fut plus généreux, du moins en promesses. Il s'engagea à prêter cent mille écus d'or et à fournir chaque mois la solde de six mille soldats[35]. Les Espagnols étaient entrés les premiers en campagne, montrant que Philippe II, toujours si lent à donner ses ordres, était impatient de prendre position en France et de jouer un rôle dans nos querelles. Ses quatre mille fantassins occupaient la Gascogne sous le commandement de don Luis de Carvajal[36]. Ils portaient l'écharpe rouge, qu'adoptèrent aussitôt, en y ajoutant une croix blanche, toutes les troupes catholiques, comme signe de ralliement : les soldats réformés avaient pris dès le premier jour l'écharpe blanche de nos anciennes armées, afin de se présenter comme les véritables défenseurs de la monarchie. A voir ces ennemis aux prises, on aurait pu croire, d'après les couleurs, que nos vieilles guerres continuaient, et que les catholiques sous leurs insignes rouges n'étaient que des Espagnols combattus par les Français à l'écharpe blanche.

Bientôt les réformés eux-mêmes se virent à leur tour entraînés dans le système dangereux des alliances étrangères. La justice oblige à reconnaître qu'ils tentèrent de s'y soustraire ; ils crurent longtemps pouvoir résister avec leurs seules forces contre les armées du duc de Guise et du connétable, les Suisses du Roi et les corps auxiliaires envoyés par les puissances catholiques. Ils comptaient principalement sur l'arrivée des protestants du Midi qu'ils attendaient à Bourges. Le Midi promettait de se soulever. On parlait surtout des sept vicomtes qui devaient sortir des montagnes, entre le Lot et le Tarn, et amener des combattants invincibles. Les sept vicomtes existaient surtout dans l'imagination des ministres calvinistes et des populations méridionales[37]. Le comte de Duras avait cependant réuni deux ou trois compagnies d'ordonnance et quelques milliers de gens de pied, et s'avançait vers le Poitou pour rejoindre le prince de Condé. Mais il ne savait pas maintenir la discipline ; les soldats s'écartaient pour piller les châteaux : les gentilshommes avaient des faucons et se divertissaient à chasser. Pendant ce temps, Montluc, avec ses capitaines de Thionville et une partie de ses fantassins gascons, rallie à la hâte les quatre mille Espagnols de Carvajal, marche deux jours et deux nuits, fond, dans les prairies de Vergt, entre Périgueux et Bergerac, sur l'armée du comte de Duras, et la détruit en quelques heures[38]. Délaissés de leurs frères du Midi et voyant que les capitaines de Thionville amenaient au duc de Guise les fantassins gascons, les chefs réformés se virent forcés de chercher ailleurs des renforts que rendait nécessaires leur infériorité numérique contre l'armée du connétable et du duc de Guise. Les traditions militaires et la similitude des croyances religieuses devaient les pousser d'abord vers les luthériens d'Allemagne. D'Andelot se mit en route pour obtenir le concours du duc de Wurtemberg. Il eut la mauvaise fortune de réussir dans sa négociation et d'entraîner en France une bande considérable d'Allemands qui introduisit le désordre et l'habitude du pillage dans l'armée de Condé, si sévèrement tenue jusqu'alors.

Les Allemands venaient de transformer leur manière de combattre. D'Andelot était venu chercher de l'infanterie, mais il ne put recruter des lansquenets que pour une partie du corps auxiliaire qu'il voulait ramener en France. L'autre partie était formée par des reîtres : ces cavaliers pourvus du pistolet, arme nouvelle qu'ils prétendaient substituer à la lance, l'arme antique du cavalier français, avaient été facilement culbutés à Renti par une seule charge de notre gendarmerie, et le duc de Guise les avait appréciés dans cette journée comme soldats assez médiocres pour ne pas vouloir à l'avenir en encombrer son armée. Plus récemment, leur lâcheté dans nos rangs avait déterminé notre défaite à Gravelines[39]. Hommes de guerre moins sagaces que Guise, Condé et d'Andelot se laissèrent séduire par la nouveauté de la tactique des reîtres et par le prestige de l'arme à feu. Les reîtres avaient une manière de combattre qui pouvait étonner des troupes inexpérimentées ou mal commandées. Leur aguerriment n'est pas de passer au travers des escadrons, mais bien, ayant tiré leurs pistoletades, de tourner à gausche et faire le limaçon pour se mettre en seureté aux lieux où ils puissent recharger leurs pistolets[40]. Ainsi, au lieu de galoper résolument sur l'adversaire, selon la vielle coutume de la cavalerie, les reîtres exécutaient sur son front une manœuvre tournante. Le premier rang tourne à gausche, découvre le second qui tire de mesme et le tiers semblablement, l'un après l'autre, faisant un limaçon et s'eslongeant à main gausche pour recharger[41]. Mais cette tactique avait plusieurs inconvénients : elle exigeait d'abord que l'ennemi eût la patience de supporter le feu de ces Allemands ; c'est ce que ne souffrait nullement la gendarmerie française. Les Français rangés en escadrons ont obtenu l'advantage sur les reistres qui virevoltent, n'enfoncent pas ; les Français, les prenant en ce contour et désordre, passent au travers avec peu de résistance[42]. Il fallait aussi que la gauche des reîtres fût toujours libre pour qu'ils pussent avoir le temps de recharger leurs armes et de se reformer en colonne, car ils ne savaient pas changer leur manœuvre ni tourner en limaçon sur la droite lorsqu'ils rencontraient un fossé ou de l'infanterie sur leur gauche, comme il arriva vers la fin de ces guerres, à la bataille d'Ivry, à ceux du duc de Mayenne. Enfin, le pistolet n'était qu'une arme imparfaite encore et peu dangereuse. La poudre, la balle, la pierre, le ressort, le canon sont plusieurs parties dont le manquement de l’une rend le reste inutile : il faut que le bout touche, ou le coup est incertain et de peu d'effect[43]. Le pistolet avait apparu pour la première fois dans les guerres en 1544 : dans une escarmouche contre les Allemands près de Châlons-sur-Marne, quelques gentilshommes français furent tués de coups de pistoles, qui sont petites arquebuzes qui n'ont environ qu'un pied de canon, et on tire avec une main donnant le feu avec le roüet[44]. A l'invention de ces petites arquebuses[45], on leur transporta le nom des petits poignards fabriqués à Pistoia en Toscane, de même qu'on appela pistoles les petits écus. On ne tarda pas à s'en servir, même dans les duels. Mais les Allemands n'osaient pas s'avancer assez près des catholiques français pour que le feu de cette arme primitive devînt dangereux, et les militaires ne tardèrent pas à se convaincre que les reîtres étaient des troupes sans aucune valeur : Ce n'est pas bien, écrit l'un d'eux[46], de faire aller les reistres et personnes de peu de valeur les premiers à la charge ; leur déroute touche au cœur de tous ceux de leur parti.

Quelque médiocres que pussent être ces reîtres amenés lentement par d'Andelot à travers la Champagne, leur secours semblait indispensable aux réformés de France dont les premiers succès s'étaient trouvés arrêtés par les forces supérieures des catholiques, et qui commençaient à perdre les meilleures places dont ils s'étaient saisis au début des hostilités. Blois fut reprise la première, et les protestants de la ville furent livrés au connétable, qui en faisoit bien pendre[47]. Tours dut se rendre au duc de Guise dès le 13 juin : les catholiques étaient impatients de punir le sacrilège commis sur le trésor de Saint-Martin, mais ils furent forcés de se contenir tant que le duc resta dans la ville : tes idées de vengeance durent se dissimuler durant un mois ; et ce fut seulement à partir du 14 juillet, pendant que Guise s'était porté en Normandie, que les massacres commencèrent. Plus on avait de vénération pour le saint et de respect pour son sanctuaire, plus on désirait donner d'éclat au châtiment de ceux qui l'avaient méprisé. Les huguenots de la ville forent enfermés dans la cale de navires que l'on faisait couler lentement au milieu de la Loire, de manière à ce qu'ils vissent l'eau monter et les envahir : durant cinq mois, la ville fut soumise il une sorte de terreur ; la populace, surexcitée par les sermons des religieux et par l'habitude du meurtre, acquit une telle férocité qu'elle se rua sur le maire Jean Bourgeau, catholique fervent, mais qui s'efforçait de faire cesser les assassinats et les vols. Dans les foreurs populaires, l'homme de bien qui fait appel à la clémence ou à la pitié est toujours sûr d'attirer sur lui la rage des fanatiques : Jean Bourgeau, pour n'avoir pas voulu être complice des meurtriers, fut surnommé l'oppresseur des catholiques ; on le lia à un arbre, on lui ouvrit le ventre, on déroula doucement ses intestins, sous ses yeux vivants encore[48].

Poitiers, Angers furent repris par l'armée catholique ; le duc de Guise assiégea Bourges. Il sut investir la place assez promptement pour empêcher les assiégés d'en inonder les abords, mais son matériel de siège, qu'il attendait de Paris, fut enlevé dans le trajet par Coligny ; il fallut offrir une capitulation à la garnison, pour ne pas être attardé plusieurs semaines sous les murs de Bourges.

Cette capitulation est curieuse, car elle permettait aux défenseurs de Bourges d'accepter du service dans celle des deux armées qu'ils préféreraient. Plusieurs capitaines qui avaient pris le parti des huguenots un peu au hasard, dans le début de la guerre, se rallièrent au duc de Guise, leur ancien général, le chef heureux et courtois : leurs soldats les suivirent. D'autres, au contraire, devaient leur fortune militaire à d'Andelot ; ils lui demeurèrent fidèles et eurent la liberté de rejoindre ses troupes avec leurs hommes pour continuer la guerre. La loi féodale avait pris cette nouvelle forme : elle attachait maintenant l'homme au chef qui avait donné le grade ou enseigné le métier ; dans les premiers mois de cette guerre civile, on s'était voué au général bien plus qu'au dogme religieux. Peu à peu les partis se reclassaient : la reddition de Bourges ne fut pas due à une défaillance du gouverneur ; elle résulta du peu de conviction des capitaines de la garnison qui s'étaient réunis à l'improviste et se séparaient à l'amiable, faisant chacun un choix définitif. Dans toutes les guerres civiles, il y a de semblables anomalies. On voit se nouer ou se déchirer subitement des liens intimes. Mais ces émotions troublèrent les idées ; l'intérêt ou le succès du moment prirent une importance dominante et rompirent les anciennes relations à ce point, qu'au bout de quelques années de cette singulière ivresse, Montbrun, chef dauphinois, mécontentera ton d'autorité que prenait le Roi, en arrivait à dire ; En temps de guerre, quand on a le bras armé et le cul sur la selle, tout le monde est compagnon.

Après Bourges, les catholiques vinrent assiéger Rouen. Les huguenots perdaient du terrain dans toutes les provinces : un plan savant de campagne, suivi avec méthode, les isolait lentement dans les plaines de l'Orléanais. La situation devenait grave. Le prince de Condé, chaque jour assailli de mauvaises nouvelles, harcelé par ses ministres hargneux, irrité de se voir traité en rebelle par ses frères le roi de Navarre et le cardinal de Bourbon, et par Catherine de Medici qui l'avait poussé aux armes, perdit la tête. Il accepta un traité déshonorant avec l'Angleterre.

Introduire en France les cavaliers allemands pour y entretenir une guerre civile, était une entreprise d'une moralité douteuse ; mais au moins les chefs huguenots pouvaient dire qu'ils ne savaient pas encore que cette cavalerie arrivait avec l'espoir du pillage. Us n'avaient pas vu ses hordes suivies des chariots où s'entassait le butin. Leur foi calviniste différait assez peu des principes luthériens pour qu'on pût considérer ces Allemands comme des frères. Les triumvirs dépositaires de l'autorité royale avaient les premiers donné l'exemple d'un appel à une intervention étrangère. C'étaient des excuses. Mais une demande de secours à la reine d'Angleterre prenait en ce moment un tout autre caractère ; Elisabeth portait le titre de reine de France et ne se cachait pas pour souhaiter une conquête au moins partielle de notre territoire ; elle était le défenseur d'une religion beaucoup plus éloignée de la foi calviniste que des dogmes catholiques, et le chef d'une hiérarchie épiscopale aussi- hautaine, aussi exclusive et aussi savamment constituée que celle des prélats catholiques. Vingt ans plus tard, son alliance pourra être désintéressée, elle aura compris les véritables intérêts de l'Angleterre, mais à cette époque elle voulait avant tout rentrer en possession de Calais ou d'une ville qui la consolât de la perte de Calais, et ne dissimulait cette idée fixe dans aucune négociation.

Ainsi les nôtres, nous-mêmes, nous venions offrir à Elisabeth sa revanche du duc de Guise. N'étant pas maîtres de Calais, les chefs huguenots proposèrent en échange de livrer le Havre à l'Angleterre, sous condition de recevoir des secours en hommes et en argent. Elisabeth hésitait. Elle ne désirait et ne voyait que Calais. Son esprit un peu lent, confiné dans la pensée qui l'obsédait, restait rebelle aux larges plans, aux vastes conceptions, à la politique hardie de l'homme supérieur qui dirigeait son ministère, lord Burleigh. A peu près seul en Europe, Burleigh ne s'arrêtait pas aux intérêts du moment. Que procurait la possession de Calais, ou d'Anvers, ou du Havre, en comparaison de la prépondérance que pouvait saisir l'Angleterre en se mettant résolument à la tête des réformés de l'Europe, en prenant l'hégémonie du protestantisme, en chassant l'Espagne des Pays-Bas ? La politique véritable est de créer une Europe, non plus de se disputer des lambeaux de territoire[49].

Pas plus qu'Elisabeth, Philippe II, chose étrange, n'avait l'intelligence de son rôle. Il en était encore à soutenir la couronne d'Elisabeth contre les prétentions de Marie Stuart : il ne voyait pas que dans les Flandres était le nœud de la politique. Il combattait en Ecosse l'influence des Guises qu'il soutenait en France, pendant qu'Elisabeth abandonnait dans les Flandres les intérêts protestants. Au bout de quelques années, les rôles furent bien simplifiés ; mais, en ce moment, Elisabeth, qui se sentait appuyée par l'Espagne contre les prétentions de la reine d'Ecosse, semblait prendre à tache de décourager les protestants du continent ; on aurait cru, par instants, qu'elle avait intérêt à voir ruiner par les Espagnols les tisserands de Flandre, qui étaient cependant les alliés nécessaires des Anglais dont ils achetaient les laines. C'est la Flandre qui mit fin à ces anomalies et imposa une solution. La bourse d'Anvers menaça de rompre toutes relations avec les Anglais. Les puissants banquiers du Nord, les Fuggers, refusèrent leur crédit à la Reine[50] ; on semblait mettre en doute sa bonne foi et sa solvabilité[51]. Le 29 août enfin, elle se décida à se prononcer en faveur des réformés de France, pour regagner sa popularité parmi les bourgeois des Pays-Bas. Mais même en prenant cette détermination, elle n'a toujours en vue que la restitution de Calais. Elle ne croit pas se mettre à la tête du protestantisme, elle s'imagine uniquement saisir un gage. Elle s'en vante à Philippe II ; si elle accepte un gage, c'est pour avoir Calais, et le jour où le roi de France lui aura rendu Calais, elle cessera de secourir ses sujets rebelles[52].

Les protestants français livrèrent Dieppe et le Havre à l'Angleterre.

Le droit d'assurer la liberté de la conscience autorise-t-il un acte semblable ? Ceux qui s'étaient fait tuer ou estropier à l'escalade de Calais savaient qu'il y a un amour supérieur à toutes les libertés et à toutes les jouissances. Mais les devoirs envers le pays commençaient à s'oublier dans l'exaltation religieuse. On ne voyait plus que les intérêts de Dieu. Pour punir les ennemis de Dieu, on prenait en haine la patrie elle-même dans la lourde ivresse de la poésie juive qu'on hurlait pour s'étourdir :

Fille de Babylon, race ingratte et maudicte,

Heureux qui te rendra le mal que tu nous faict,

Et, balançant l'injure à l'égal de l'atteinte,

Ira d'entre tes bras tes petits arracher,

Et, de leur sang poilu rendant la terre teinte.

Froisser leurs tendres os encontre le rocher !

Supérieur à de telles passions, le duc de Guise eut une pensée héroïque en apprenant l'entrée des Angolais au Havre. C'est peut-être le plus beau moment de sa vie. Aucun historien français n'en a parlé, comme si les Français ne voulaient voir en lui qu'un chef de sectaires.

Le duc de Guise s'adressa franchement au prince de Condé et demanda la paix. Il lui offrit la paix, le libre et paisible exercice de la religion réformée dans le royaume, tout ce que les huguenots vaincus auraient pu exiger si la guerre leur avait été favorable ; il le supplia d'unir ses forces aux siennes et de partir ensemble pour chasser les Anglais, les anciens ennemis de la couronne[53]. L'ambassadeur anglais Throgmorton, qui se trouvait près de Condé, a vu ces lettres ; il en a été inquiet ; il a averti de renforcer les garnisons du Havre et de Dieppe pour les mettre en état de résister à l'attaque proposée par le duc de Guise ; il a pu avertir sa Reine que les huguenots restaient fidèles au traité conclu avec elle. La proposition du duc de Guise fut rejetée.

Le duc de Guise fit presser le siège de Rouen et investir rigoureusement la ville afin d'empêcher au moins les Anglais d'y pénétrer et afin d'arrêter leurs progrès en Normandie. On lui amena, au moment où il venait d'apprendre le refus de Condé de s'unir à lui et où il ressentait avec le plus d'amertume la rage de voir les Anglais rentrés en France, quelques fourrageurs de la garnison du Havre qui venaient d'être faits prisonniers par sa cavalerie tandis qu'ils cherchaient à assurer des communications entre Rouen et le Havre. Il les fit pendre avec cette inscription : Pendus pour estre venus contre la volonté de la royne d'Angleterre au service des huguenots[54].

Le jeune Roi et sa mère assistaient au siège de Rouen ; la ville était défendue par Montgomery, le jouteur malheureux du dernier tournoi de Henri II : Catherine voulait le sacrifier à l'ostentation de sa douleur conjugale ; le duc de Guise ne désirait pas moins priver les huguenots de ce chef hardi et expérimenté,, qui avait fait révolter Bourges et possédait une véritable popularité dans toute la Normandie. C'était un adversaire sérieux ; la défense fut savante et valeureuse. Sur une hauteur qui protège la ville, était le fort Sainte-Catherine, défendu par les meilleurs soldats de l'infanterie française ; c'était environ la moitié des compagnies colonelles dévouées à d'Andelot et qui combattaient non pour la réforme dont elles n'avaient aucune idée, mais pour leur colonel général. Ces braves résistèrent longtemps aux efforts de l'armée royale tout entière ; ils repoussèrent plusieurs assauts. Leduc de Guise les épuisa par des attaques continuelles. Un jour, accablés de sommeil et de lassitude, ceux de dedans estoient à disner, faisant mauvaise garde, ce que quelques uns des nostres ayant reconneu, firent signe aux soldats lesquels en mesme temps montèrent. Les pauvres gens essayèrent de se défendre encore au milieu de cette surprise ; ils furent tués jusqu'au dernier, sans que les vainqueurs leur tinssent compte de ce qu'ils n'étaient pas huguenots. On amena le jeune Roi, pour assister à cette orgie militaire ; Catherine se promena avec ses filles d'honneur à travers les cadavres déchirés et dépouillés. On aurait cru ne pas jouir de la victoire, si l'on n'avait pas vu le corps de son ennemi. Parmi les morts on découvrit, en enlevant les armes et les chemises, une fille qui avait combattu comme soldat ; la Reine se fit conduire près de ce corps et l'examina avec curiosité. Elle en fut blâmée, tant on est jaloux de ne rien pardonner aux grands ![55]

En voyant ces excès, le duc de Guise jugea qu'il serait dangereux de donner un assaut à la ville de Rouen, l'une des plus riches du royaume, dont le pillage devait être une calamité nationale. Sur toutes les hauteurs qui entourent la place, sur les ruines du fort Sainte-Catherine, sur le mont Saint-Hilaire, aux fourches de Bihorel, il plaça de l'artillerie pour canonner les remparts, et il fit creuser les tranchées jusqu'aux fossés de la place. II espérait convaincre les assiégés de l'inutilité de la défense et les amener à une capitulation. Mais Montgomery fut opiniâtre. Ses arquebusiers abattaient d'autant plus facilement les catholiques qu'ils les voyaient de plus près, derrière les meurtrières. La largeur du fossé séparait seule les deux armées.

C'est en se voyant si rapproché des ennemis que le roi de Navarre voulut, par une singulière bravade, porter un défi méprisant à l'adresse des arquebusiers des remparts ; il vint s'installer devant eux en détachant l'aiguillette de son haut-de-chausses ; il fut aussitôt abattu d'une balle à l'épaule gauche[56]. On le transporta à Darnetal. Les filles d'honneur de la régente le visitoient souvent à dessein de le divertir ; mais il y en avoit une, nommée mademoiselle de Rouhet, qui estoit la moins propre que l'on eust pu choisir pour modérer l'inflammation[57]. Il mourut en épicurien, à bord d'un navire sur lequel il remontait la Seine, pleuré de la seule Rouhet, et retombé à l'heure de la mort dans les indécisions qui avaient troublé sa vie, sans savoir s'il finissait en catholique on en huguenot[58].

Pour Catherine, c'était encore un affaiblissement : elle avait pu espérer au moins jusqu'alors qu'elle réussirait à tenir en bride le duc de Guise par le moyen du roi de Navarre. Elle ne se faisait aucune illusion sur la capacité de ce prince, mais elle se flattait de diriger ses décisions à l'aide de mademoiselle de Rouhet. Cette perte la forçait à redoubler près du duc de Guise ses efforts de séduction. Dès le lendemain du jour où le roi de Navarre avait été blessé, le 16 octobre, elle écrivait du camp devant Rouen à la duchesse de Guise cette lettre d'une intimité caressante : Ma cousine, je suis bien marrie que ne vous puis mender la prinse de Rouen pour encore, comme je espère que Dieu me fera la grâce de vous la mender dans peu de jours. Je vous ay voleu faire se mot pour vous asseurer que vostre mary set porté fort bien et Dieu mersi n'est poynt blessé, encore qu'il feust près du roi de Navarre. Ayspère que Dieu nous le gardera, set que luy suplie et qu'il vous fase la grase de byentost accoucher et en bonne santé vous relever afin que reveniez auprès de vostre bonne cousine Catherine.

Le duc de Guise ne put se résigner à tenir ainsi inutilement son armée et les dames de la cour sous les murs de Rouen ; les risques d'un assaut lui semblèrent moins ruineux que cette prolongation d'un siège dont tout l'honneur revenait à Montgomery. Il fit attaquer vigoureusement la porte Saint-Hilaire et réussit, après un combat de six heures, à saisir le ravelin et à loger plusieurs enseignes dedans le fossé où il y avoit quantité de jeunes seigneurs avec luy[59]. Le lendemain, au point du jour, Guise, couvert sous un casque de pionnier et une rondelle ou bouclier de siège, alla seul reconnaître la tour qui restait comme dernière défense de la porte Saint-Hilaire ; il fut vu, accueilli par les arquebusades, se retira lentement, et dicta en rentrant le plan de l'assaut. Il confia l'honneur de diriger la première colonne à un de ses anciens capitaines, M. de Sainte-Colombe. Ce soldat reçut les instructions du duc, se fit suivre de cinquante Basques de la garnison de Metz et de vingt cadets. Il avait devant lui, sur la brèche de la tour, les hommes des compagnies colonelles qui n'avaient pas été placés dans le fort Sainte-Catherine. Ces vieux soldats attendaient les assaillants en se serrant autour de leur enseigne que tenait haute le plus grand d'entre eux, un Gascon sec et droit, le baron de Moneins : on le voyait du fossé, dépassant de la tête tous ses camarades avec une bourguignote et une rondelle recouvertes de satin vert :

Entre ces soldats d'élite, le combat corps à corps fut acharné ; le duc de Guise dut soutenir Sainte-Colombe et se jeter lui-même à l'assaut, dans la mêlée. Il était triste, immobile, au milieu des combattants : il regardait se déchirer entre eux ceux qui avaient fait sa gloire quand ils étaient unis autrefois. Bientôt il vit tomber Sainte-Colombe, atteint d'une arquebusade à la tête ; il courut à lui, le releva, le fit emporter en le nommant son frère d'assaut. Puis il fit avancer les renforts, il poussa ses soldats dans la tour, il se rendit maître de la porte. Alors, tout animé encore du feu du combat et de l'émotion d'avoir vu succomber tant de braves gens, le duc de Guise fit une harangue aux capitaines et soldats sur le haut du rempart, où j'estois présent, les priant et admonestant tous de considérer qu'ils estoient François et que c'estoit l'une des principales villes du roïaume, parquoy il prioit d'affection les seigneurs, capitaines et soldats de ne se débander point, n'entrer en aucunes maisons, ne piller, ne prendre aucune chose sur les habitants ; aussi promit-il de faire donner une paie franche auxdits capitaines et soldats[60].

Ce n'était pas le butin ni la paye qui plaisaient aux soldats, c'étaient les folies du pillage, le déchaînement des passions dans une grande ville, l'ivresse de la force. Malgré les supplications et les ordres du duc, la ville est incontinent pleine de gens de guerre qui se débandent, vont au pillage, rompent, saccagent les maisons, prennent un chascun à rançon. Les gens de cour, qui étaient demeurés durant l'assaut sur le mont Sainte-Catherine, se hâtent de descendre dans la ville, et sont les plus aspres à la curée. Montgomery eut le temps de se réfugier sur une galère ; la retraite lui était fermée par une estacade et des chaînes tendues à travers la Seine. Il promit la liberté à ses rameurs, les excita à redoubler d'efforts, et la galère, lancée à toute vitesse sur l'estacade, au hazard de la galère et des hommes qui estoient dedans, rompit l'obstacle et continua paisiblement sa route vers le Havre.

Le sac de Rouen dura une semaine. Ainsi ceste grande ville, pleine de toutes sortes de richesses, fut pillée l'espace de huict jours sans avoir esgard à l'une ni à l'autre religion, nonobstant que l'on eust, dès le lendemain de la prise, faict crier sur peine de la vie que chaque compagnie et enseigne, de quelque nation qu'elle feust, eust à se retirer au camp et sortir de la ville. A quoy fort peu obéirent, hormi les Suisses, lesquels ont toujours gardé grande discipline et obéissance[61]. Parmi les scènes de cette cruelle semaine, durant laquelle lés bourgeois de Rouen étaient à la merci de gens qui se fussent faict tuer plustost que de partir, tant qu'il y eut de quoy prendre, il se présenta un phénomène singulier.

Un jeune Normand, le capitaine Géville, fut, le premier jour de l'attaque sur la porte Saint-Hilaire, renversé par une arquebusade dans la tête ; il roula sur le talus du rempart, et tomba jusque sur le chemin de ronde. Son corps fut ramassé le soir avec ceux d'une vingtaine de morts, et enterré à la hâte. Son valet, instruit dans la nuit seulement, voulut ravoir le corps pour le rapporter à sa paroisse ; il rouvrit la fosse, déterra quinze ou seize cadavres, si déffigurés de fange et de sang, qu'il ne pust recognoistre son maistre. Il remit tous ces corps en terre, avec l'aide de quelques autres valets qui erraient sur le chemin de ronde. Rentré dans sa chambre, il ne put dormir ; il regretta d'avoir insuffisamment recouvert de terre tous ces cadavres, et il craignit que les chiens ne vinssent les manger dans la nuit. Il se leva et retourna près du trou, pour les enfouir plus profondément. Pendant ce temps, la lune s'était levée ; il vit, en approchant, un bout de bras qui sortait de terre, et a un doigt, il vid à la lune reluire un petit diamant en triangle, qu'il reconnut pour être la bague de son maître. Il s'empara aussitôt du corps, l'emporta chez lui, le mit sur une paillasse, fit desserrer les dents, versa du vin dans la bouche, vit son capitaine donner quelques signes de vie, le garda trois jours, mais dans un état si semblable à la mort, que des gentilshommes catholiques, qui, après la prise de la ville, cherchaient son frère, contre lequel ils avaient une haine privée à satisfaire, furent irrités de ne trouver que ce cadavre, et le firent jeter par la fenêtre. Le corps tomba sur un tas de fumier, et y resta trois jours dans une espèce d'évanouissement. Il fut aperçu et reconnu par un homme du même village, nommé Grosset, qui l'emporta et le lit soigner. Géville fut rappelé à la vie. Quarante-deux ans après, ce même Géville assistait aux assemblées des députés de la noblesse de Normandie, et racontait cette étrange aventure. D'Aubigné l'a connu[62].

Désespéré de l'indiscipline de ses soldats et de la ruine de la riche cité, le duc de Guise se montra cependant implacable lui-même contre l'un des vaincus. Quand on lui annonça que l'un des plus braves capitaines de nos vieilles bandes, M. de Crosses, venait d'être pris dans la ville, il commanda de le passer par les armes ; c'était le gouverneur du Havre qui avait eu la triste mission de rendre sa place aux Anglais. Au fond du cœur, à travers les chagrins et les angoisses de ces derniers jours, Guise gardait comme une idée fixe, la douleur de son patriotisme.

 

FIN DU TOME PREMIER

 

 

 



[1] HAINES, State papers, p. 382 : Chaloner to the Queen : They devise how the Guisians may be assisted, for the prevailment of that side importeth them as te ball of their cyes.

[2] Archives nat., Ms. Simancas, B. 14, publiée par BOUILLÉ, t. II, p. 182.

[3] LA NOUE, Mémoires, édit. Didier, p. 589.

[4] Mémoires de Condé, p. 625. Voir aussi Bibl. nat., Ms., fonds Saint-Germain, 171.

[5] Mémoires de Condé.

[6] MONTLUC, p. 379.

[7] Son envoyé était Spifame, évêque de Nevers, qui se retira ensuite à Genève et y fut mis à mort par l'intolérance de Calvin.

[8] Jean DE MERGEY, Mémoires, édit. Didier, p. 567.

[9] TAVANNES, p. 249.

[10] Le secrétaire de Condé qui a inséré la copie de cette lettre dans le recueil de documents appelé : Mémoires de Condé, parait avoir eu soin de reproduire exactement l'orthographe de la Reine ; les autres, ou n'ont pas été copiées sur la pièce originale, ou l'ont été sans tenir compte de l'orthographe.

[11] Comme grand maître de la maison du Roi.

[12] CASTELNAU, p. 451.

[13] D'AUBIGNÉ, p. 132.

[14] CASTELNAU, p. 454.

[15] TAVANNES, p. 249.

[16] TAVANNES, p. 249.

[17] MONTLUC, Commentaires, liv. VI.

[18] De 1562 à 1598, date de l'édit de Nantes et de la pacification de la Bretagne.

[19] LA NOUE, p. 589.

[20] LA NOUE.

[21] D'AUBIGNÉ.

[22] MERGEY.

[23] LA NOUE.

[24] D'AUBIGNÉ.

[25] MERGEY.

[26] D'AUBIGNÉ.

[27] VARILLAS, Histoire de Charles IX, édit. de 1683, t. I, p. 209.

[28] Martha FREER.

[29] VARILLAS.

[30] PRESCOTT, History of the reign of Philip the second, t. II, p. 36.

[31] BAUM, Theodor Beza, t. II, p. 129 : Me non minus severe in rabiosos istos impetus vindicaturum.

[32] BAUM, Theodor Beza, t. II, p. 129. Lettre du 4 novembre 1561 : Nostros potius quam adversarios metuo.

[33] Cité par VON HARTMANN, p. 20 : Wenn ich es vor meinen Gewissen konnte verantworten, so würde ich lieber dazu rathen und helfen dass der Papst mit allen seinen grœueln wieder über uns kommen mochte, denn so will die Welt regiert sein : mit strengen Gesetzen, und mit Rechten, und mit Aberglauben.

[34] Archives nat., Ms. Simancas, B. 14, dépêche du 11 mai 1562, publiée par BOUILLÉ, t. II, p. 197.

[35] FORBES, State papers, t. II, p. 4. Throckmorton to the Queen : The Pope hath lent 100,000 crowns and doth monthly pay besides six thousand soldiers.

[36] MONTLUC, p. 252.

[37] Quatre d'entre eux étaient les sires de Paulin, de Montaigu, de Caumont, de Rapin ; quant aux trois autres, étaient-ce Jean-Roger de Comminges, Bertrand de Rabasteins et Antoine de Lomagne, ou bien les vicomtes de Bourniquel, de Sérignac et de Monclar ? Ces prétentions locales sont obscures : ainsi les noms donnés au chapitre ii comme ceux des quatre barons du Périgord sont ceux des quatre seigneurs du Périgord. M. de BOSREDON nomme dans son Mémoire, p. 291, comme les barons du Périgord, ceux de Biron, Beynac, Bourdeille et Mareuil.

[38] Voir, sur les détails de la bataille de Vergt, le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. III, p. 95.

[39] Voir, plus haut, chap. VII.

[40] TAVANNES, p. 119.

[41] TAVANNES, p. 267.

[42] TAVANNES, p. 267.

[43] TAVANNES, p. 192.

[44] Martin DU BELLAY, p. 548.

[45] Henri ESTIENNE, Conformité du langaige françois avec le grec, édit. Feugère, p. 30 : A Pistoye, petite ville qui est à une bonne journée de Florence, se souloyent faire de petits poignards, lesquels, estant par nouveauté apportés en France, furent appelés du nom du lieu premièrement pistoyers, puis pistolliers et en la fin pistolets. Quelque temps après, estant venue l'invention des petites arquebuses, on leur transporta le nom de ces petits poignards. Et ce povre mot ayant esté ainsi pourmené longtemps, en la fin a esté mené jusques en Espagne et en Italie, pour signifier leurs petits escus (pistoles) ; et crois qu'encores n'a-t-il pas faict, mais que quelque matin les petits hommes s'appelleront pistolets.

[46] TAVANNES, p. 119.

[47] BRANTÔME, Hommes illustres, t. I, p. 314.

[48] DE THOU, D'AUBIGNÉ, VARILLAS.

[49] FROUDE, History of England, t. IX, p. 357, 435.

[50] Flanders. Ms., Gresbam to Cecil, 8 and 16 august 1562 : The moneyed men were afraid to deal further with her.

[51] Flanders. Ms., Gresbam to Cecil, 8 and 16 august 1562 : Great doubt was cast upon her estate and her credit.

[52] Spanish, Ms., Rolls house, Elizabeth to Philip II, 30 september 1562, publié par FROUDE.

[53] CONWAY, Throgmorton to Cecil, 9 septemher ; Throgmorton to Elizabeth, 23 october : A peaceable assurance of their religion... the antient enemies of the crown. Voir FROUDE.

[54] FORBES, vol. I, Sir T. Smith to Sir N. Throgmorton, 17 october.

[55] VARILLAS, t. I, p. 323.

[56] D'AUBIGNÉ, p. 158 : ... aux tranchées, reçut une arquebusade. Voltaire, notes de la Henriade : Il mourut en....

[57] VARILLAS, t. I, p. 338.

[58] Cette fin tragique rappela le coup de lance dans l'œil de Henri II et l'abcès à l'oreille de François II, et fit dire dans les pamphlets huguenots :

Par l'œil, l'espaule et l'oreille

Dieu a faict en France merveille.

Par l'oreille, l'espaule et l'œil

Dieu a mis trois rois au cercueil.

Par l'œil, l'oreille et l'espaule

Dieu a tue trois rois en Gaule.

[59] CASTELNAU.

[60] CASTELNAU.

[61] CASTELNAU.

[62] D'AUBIGNÉ, p. 158 ; VARILLAS, p. 325.