LES DUCS DE GUISE ET LEUR ÉPOQUE

 

Étude historique sur le seizième siècle

TOME PREMIER

CHAPITRE III. — DÉBUT DU RÈGNE DE HENRI II.

 

 

1547-1550.

 

Madame d'Estampes donne les bagues du roy François à madame de Valentinois, et sort par la porte dorée[1]. Cruelle humiliation, la blonde souveraine qui présidait à la table des dames, dans le palais de Fontainebleau, qui avait tous les honneurs et tous les pouvoirs d'une reine, qui s'était plu durant dix ans à encourager les railleries contre Diane de Poitiers, à déjouer ses desseins, à la soumettre à ses caprices, devait maintenant se présenter devant cette ennemie, remettre les bijoux entre ses mains, obtenir de pouvoir se retirer sans être maltraitée. Quand, sous les yeux de toute la Cour, il fallut sortir par la porte dorée et cacher ses larmes, elle dut songer avec amertume a la pauvre comtesse de Châteaubriant qu'elle avait fait exiler autrefois, qu'elle avait contrainte de rendre les joyaux, mais qui, du moins, les lui avait renvoyés brisés, sans être obligée de s'abaisser devant elle. Elle comprenait aussi que cet affront ne suffirait pas à assouvir la haine froide de Diane et son désir lentement amassé de vengeance. Elle était sans recours dans la main de la femme dont elle avait gêné la cupidité, critiqué la beauté et offensé l'orgueil. Elle entendait vaguement proférer des reproches d'intelligences secrètes avec l'Espagne, des menaces de procès en haute trahison où seraient enlacés ceux qui s'étaient attachés à sa fortune ; elle sentait préparer une persécution savante ; elle dut, d'abord, sur les ordres de son ennemie, rejoindre en Bretagne son mari, Jean de Brosses. Diane confiait ainsi à la grossièreté de ce mari avili, le soin de l'épuiser d'outrages et de vexations, supplice choisi autrefois pour madame de Châteaubriant.

Diane venait d'être créée duchesse de Valentinois, à l'avènement du nouveau Roi, et de prendre la place qu'occupait la duchesse d'Étampes à la tête de la table des dames. Elle avait près de cinquante ans. Vieille comme elle est, dit un ambassadeur, le Roi, qui l'a aimée, est encore son amoureux et son amant. Il la voit chaque jour, une heure et demie[2]. Sa beauté restait assez parfaite pour inspirer les sculpteurs, et faire le désespoir de la Reine[3]. Henri II se parait des emblèmes de Diane : Le Roi a un pourpoint de cuir blanc, brodé de deux croissants d'or et d'une H entre deux D. Les Suisses et les Écossais de la garde avaient le même chiffre sur leurs uniformes ; on le grava sur les palais et sur les médailles[4], avec une profusion si outrageante pour la Reine, que de récents historiens, ne comprenant pas qu'elle ait pu tolérer cette humiliation publique, ont supposé que la lettre royale était liée par deux C pris par erreur pour deux D. Si Catherine feignit de le croire, aucun des contemporains ne s'y est trompé, et les croissants semés parmi les chiffres ne pouvaient guère laisser de doute sur l'allusion mythologique au nom de Diane. Henri II avait été transformé par Diane et, pour ainsi dire, remodelé à son gré. Avant de la connaître, il avait le teint pâle et presque livide, et une telle gravité que plusieurs de ceux qui étaient à la Cour assuraient ne l'avoir jamais vu rire une seule fois[5]. Quelques années après, il était devenu gai et avait les joues fraîches, rompait des lances, passait des heures entières aux jeux de paume ou de ballon[6], courait le cerf deux ou trois fois la semaine ; C'étoit à franchir un grand fossé plein d'eau où il se plaisoit le plus[7], et personne à la Cour ne sautait avec autant de légèreté. D'une ignorance extraordinaire à une époque où les lettres étaient en honneur, surtout parmi les gens de guerre, il savait tout au plus lire et écrire[8]. En imitation de Charles-Quint, il imagina de se faire appeler Majesté[9], mais son règne se peut dire le règne du connestable, de madame de Valentinois et de M. de Guyse, non le sien[10]. Il livra en effet toute l'administration, toute la direction politique, et même tous les revenus du royaume à ceux qui avaient recherché sa faveur sous le règne de son père, et qui l'entouraient à son avènement : ils estoient quatre qui le dévoroient comme un lyon sa proie, sçavoir le duc de Guyse, qui avoit six enfants qu'il fit très-grands ; le connestable avec les siens ; la duchesse de Valentinois avec ses filles et gendres, et le mareschal de Saint-André, qui estoit entouré de grand nombre de nepveux et d'aultres parents, tous pauvres[11].

Claude de Guise agissait plus par ses fils que par lui-même dans la Cour, où il faisait seulement de rares apparitions. Le véritable favori était son fils aîné, François le Balafré, gouverneur de Savoie et de Dauphiné, compagnon des jeux du Roi qui le choisissait comme un de ses adversaires à la paume. Un jour, le Roi quitta la partie en le voyant atteint au visage par une balle qu'il avait manquée et qui lui avait fendu la lèvre[12]. François établissait solidement son crédit, en faisant donner des compagnies de gendarmerie à ses gentilshommes et en protégeant près du Roi ceux qui invoquaient son intercession ; la dame de Bavay lui demanda son appui, plaçant en lui l'espoir de recouvrer sa fille qui si meschamment et malheureusement luy avoit esté ravie par Rolle. Il n'avait pas trente ans, et il s'était déjà formé sans bruit une clientèle dévouée, qui s'unissait à celle de son père pour soutenir les prétentions de la maison de Guise. Dans un voyage de la Cour en Savoie, à Chambéry, comme on vouloit marcher en cérémonie, chacun tenant son rang selon sa qualité, il survint un petit différend entre lui et le chef de la famille de Bourbon, Antoine de Vendôme. Gomme premier prince du sang, Antoine marchait le premier dans toutes les entrées, après le poisle du Roy, et seul de son rang. Il fut esbahy de voir à sa main gausche le jeune François de Guise, et lui dit : — Mon compaignon, tenons-nous rang en ce pays-ci ?Oui, monsieur, répond François, et plus qu'en aultre pays de France, car estant cestuy-cy de nouvelle conqueste, duquel je suis gouverneur et lieutenant général pour le Roy, Sa Majesté m'a commandé de marcher ainsy. — Je le dis, mon compaignon, répliqua Antoine, parce que tout ce que pourroit faire le chef de vostre maison seroit d'estre en ma main. — Je le pense bien, monsieur, en la France ; mais, hors le royaume, vous seriez après luy, parce qu'il est souverain, et vous ne l'estes pas, ains sujet et vassal de la couronne de France, et M. de Lorraine, ne tient son estat que de Dieu et de l'espée. Antoine ne jugeait pas que l'on fût hors de France, puisque l'on était en pays de nouvelle conqueste, et voulut se retirer, mais il fiit rappelé par le Roi[13] ; les assistants estimèrent seulement que le jeune François de Guise estoit fort esclave des honneurs et de la gloire, et ne comprirent pas encore ce que recelait de dangers et de troublés cette prétention de supprimer, avec les privilèges des princes du sang, tout l'intervalle qui séparait de la couronne.

Les projets du second fils, promu cardinal à vingt-trois ans, étaient encore plus vastes ; après avoir échoué dans sa prétention de prendre le titre de cardinal d'Anjou[14], le cardinal Charles demanda au Roi, le 15 novembre 1547, à être aidé dans une entreprise sur le royaume de Naples[15], où l'appelaient, disait-il, les partisans de la maison d'Anjou : ils me bailleront gens et argent et me mettront dans ledit royaume pour le bailler à un de mes frères ; il voulait que le Roi lui assurât l'appui du Grand Seigneur, ou pour le moins du roi d'Alger, qui pourraient prêter quarante ou cinquante galères. Tandis qu'il s'efforçait d'attirer une invasion de musulmans dans l'Italie méridionale, le jeune cardinal s'occupait de faire désigner comme pape au prochain conclave son oncle Jean, le premier cardinal de Lorraine.

Ainsi, l'idée fixe des fils est encore l'agrandissement de la maison : comme leur père, ils ne perdent de vue un seul instant ni leurs intérêts, ni leurs prétentions. Aussi libre dans ses opinions et dans ses mœurs que son oncle le cardinal Jean, le cardinal Charles avoit l'esprit prompt et subtil, le langage et la grâce, avec de la majesté et le naturel actif et vigilant[16]. Il était doué d'une telle vivacité d'intelligence que les ministres étrangers[17] s'étonnaient de le voir deviner où ils voulaient en venir, aussitôt qu'ils avaient ouvert la bouche ; d'une mémoire si merveilleuse qu'il n'oubliait aucun détail des affaires de l'Europe dont il se faisait constamment rendre compte ; enfin de talents de séduction qui lui gagnaient les dévouements. Ces extraordinaires qualités étaient gâtées par une cupidité qui ne reculait pas pour se satisfaire devant les moyens déshonnêtes et une duplicité qui le faisait considérer comme ne disant jamais la vérité[18]. La liberté de ses mœurs, et les relations intimes qu'il entretenait avec les luthériens d'Allemagne, ne donnaient pas confiance dans sa sincérité religieuse : On le tenoit, dit Brantôme, pour fort hypocrite en sa religion. Sans s'entourer des novateurs, comme son oncle, il affecta d'assister Ramus dans son procès devant le Parlement[19]. Il aimait les artistes et les poètes. C'est lui qui fit venir de Bourges et qui prit pour page un jeune homme aux cheveux dorés, sourd, hardi, élégant, fils d'un monnoyer du Roi ; il lui fit donner plus tard une compagnie de gendarmerie et lui céda une des tours de son château de Meudon ; c'était le capitaine Ronsard, qui acquit plus de gloire par ses vers que par son épée[20]. On voit dans la salle des gardes de l'archevêché de Reims un portrait du cardinal Charles de Lorraine, peint en 1547 ; il avait vingt-trois ans : sa figure longue, fatiguée, son menton proéminent, semblent indiquer un épicurien spirituel, nerveux, irascible. Archevêque de Reims à neuf ans, il parvint à réunir peu à peu dans ses mains autant de bénéfices que son oncle[21].

Cet homme heureux et léger, dont le caractère se retrouvera en partie dans son neveu Henri, le troisième duc de Guise, ne fut ni aimé, ni estimé[22]. Les pamphlets ne tarissent pas en railleries sur le contraste entre sa témérité orgueilleuse dans le conseil et ses terreurs trop vives pour être dissimulées dans les moments de danger. Bien qu'intimement uni toute sa vie avec lui, son frère le Balafré passait pour se méfier de ce génie turbulent et insatiable : Aussy a-t-il dict plusieurs fois de luy : Cet homme enfin nous perdra[23].

À côté des Guises, qui tenaient tant de sièges épiscopaux, les gouvernements de Bourgogne, Champagne, Savoie et Dauphiné, les charges de général des galères et de colonel général de la cavalerie, et vingt compagnies de gendarmerie, on voyait la maison de Montmorency possédera la fois les offices de connétable, de grand maître de la maison du Roi, d'amiral, de colonel général de l'infanterie, les gouvernements de Guyenne, Languedoc, Isle-de-France et trente compagnies de gendarmerie[24]. Dès que François Ier est enterré, le connétable de Montmorency est mandé du roi Henri. Il luy avait donné plusieurs prudents conseils secrets pendant qu'il se contenoit sagement relégué en sa maison[25]. Il était le seul vieux capitaine de cette jeune cour, et ne retrouvait parmi ses anciens rivaux de Fontainebleau que le duc de Guise pour balancer sa faveur. Mais la confiance, poussée jusqu'à la tendresse, de Henri II pour le connétable, qu'il nommait son compère, témoignait d'une inclination naturelle[26] que le duc de Guise n'avait pas su conquérir. On se demandait même si le Roi ne préférait pas son compère à Diane, et l'hésitation dura quelques jours ; mais aujourd'hui, écrit l'ambassadeur vénitien[27], on reconnaît que Madame est aimée davantage.

Le vieux courtisan sut profiter de la confiance du Roi pour prendre la direction des affaires ; il essaya d'en détourner l'esprit peu capable d'application de son jeune maître, et l'encouragea à continuer ses exercices violents de chasse, de jeu de paume, de tournois, en lui persuadant qu'il éviterait ainsi l'obésité, que le Roi redoutait beaucoup[28]. Il se risqua même, dans son ardeur à écarter Henri II de l'administration du royaume, jusqu'à lui chercher des distractions d'une autre nature, et à lui faciliter des entretiens secrets avec une fille d'honneur de la Reine. C'était une Écossaise, très-jeune et blonde, dont les charmes offraient un contraste avec ceux de la duchesse de Valentinois. Au bout de quelque temps, cette enfant devint enceinte : Madame s'en plaignit vivement, et le Roi n'obtint qu'avec difficulté son pardon[29]. Mais le connétable ne put faire oublier sa complicité dans cet outrage à la favorite, et Henri II eut le chagrin de voir naître une inimitié acharnée entre les deux personnes qu'il aimait le plus. Presque tous les courtisans prirent le parti de Madame, et à leur tête les jeunes Guises, qui soutenaient en elle la belle-mère de leur Frère Claude d'Aumale, et refusaient de tolérer le ton hautain, l'autorité provocante du connétable[30]. La duchesse de Valentinois et les Guises rappelaient qu'à l'époque où Charles-Quint traversa la France, le connétable lui avait montré les lettres des princes allemands qui offraient à François Ier de s'unir avec lui contre l'Empereur. Un homme comme Charles-Quint ne pouvait laisser échapper les bénéfices d'une pareille confidence ; il se hâta de faire connaître aux princes allemands que le roi de France lui avait communiqué leurs lettres, excita leur indignation contre un monarque capable de trahir ainsi leur confiance, et les gagna comme auxiliaires dans la guerre qu'il nous déclara quelques mois plus tard. Légèreté coupable ou criminelle complaisance pour un empereur qu'il croyait l'ami de François Ier, c'était un acte qui dénotait l'incapacité politique et l'étroitesse d'esprit du connétable. Sa tête de soldat n'avait compris que la révolte des capitaines contre leur empereur, et il s'était cru grand mainteneur de discipline, et grand défenseur de l'ordre établi, en livrant ainsi les alliés de la France à son implacable ennemi. Les souvenirs de cette triste méprise furent réveillés avec d'autant plus d'à-propos, que ces mêmes princes allemands accréditaient des ambassadeurs près de Henri II, afin de lui demander de nouveau l'appui de la France contre Charles-Quint, et de voir si l'on trouverait chez le fils plus de fidélité aux alliances que ne leur en avait témoigné François Ier. Ces envoyés furent accueillis au milieu de fêtes somptueuses. Après un repas, qui se prolongea plusieurs heures, le bal commença, où la Royne et toutes les dames, filles de la Royne et autres damoiselles se trouvèrent ornées, parées et si richement accoutrées, avec tant de grâces et de beautés que ces Allemands demeurèrent comme ravis de chose si rare, si admirable et non accoustumée en leurs régions[31].

Pour les fêtes seulement, la duchesse de Valentinois cédait le premier rang à la Reine. Catherine de Médicis semblait absorbée par le soin de ses enfants, qu'affligeaient des infirmités étranges[32] : les membranes muqueuses du nez se dessèchent chez son fils aîné, François, et quelques années plus tard chez Henri ; ces deux enfants sont couverts d'abcès à la face[33] ; François en meurt à dix-sept ans ; Henri est malade et infirme toute sa vie ; Charles et le plus jeune fils, Hercule, meurent de maladies inconnues, l'un à vingt ans, l'autre à trente ; les deux filles aînées, Elisabeth, reine d'Espagne, et Claude, duchesse de Lorraine, meurent avant vingt-huit ans ; la dernière fille seule, Marguerite, était fraîche et saine.

Henri II avait eu toujours une véritable répugnance pour la chambre de sa jeune femme ; il n'y pénétrait que sur les instances de sa vieille favorite. C'était Madame qui l'exhortait à y dormir[34]. De son côté, la Reine s'efforçait de conserver les bonnes grâces de Diane par des flatteries ingénieuses, par des visites assidues, par les éloges adroits de sa beauté, qu'elle avait le courage de faire devant le Roi[35]. Elle ne réussissait pas constamment à dompter les révoltes de sa dignité ni à cacher ses larmes. Le jeune Tavannes reçut une fois la confidence de ses douleurs secrètes et offrit d'aller couper le nez de la duchesse de Valentinois pour mettre fin à ses sortilèges[36]. La jeune Reine pouvait croire cependant qu'elle n'avait pas besoin de faire mutiler le visage d'une rivale âgée de cinquante ans, pour lutter de beauté avec elle ; comme tous les Médicis, elle avait, il est vrai, la bouche trop grande, les yeux gros et ronds[37] ; elle rappelait le pape Léon X, son oncle, d'une manière saisissante pour tous ceux qui l'avaient vu. Mais on ne peut admettre qu'elle ait pu passer pour laide ; les portraits d'elle, à cet âge, lui donnent une grâce naïve, qui semble prédire toute sa puissance dans l'art de la séduction, et une innocence souriante, qui ne parait pas encore de la fausseté ; elle devait avoir déjà ce que l'on admira avec tant de bruit, quelques années plus tard, la main parfaite, un bras de statue, et la plus belle jambe de toute la Cour. Déjà aussi elle avait son sourire enchanteur et sa voix musicale, sonore, ces deux charmes qui la rendirent si redoutable dans les négociations où elle discutait en personne.

La réserve discrète, la sorte de soumission dans laquelle elle était tenue, lui permit, du moins, de ne pas se trouver mêlée au déchaînement des cupidités durant les premières années du règne. La nouvelle Cour avait hâte de recevoir ou d'extorquer des dons. A chaque avènement, le fisc percevait des droits pour la confirmation de tous les offices du royaume, des charges vénales, des immunités ou privilèges de corporations. Le produit de cet impôt fut abandonné à Diane en pur don ; elle en tira la valeur de quatre millions de notre monnaie actuelle[38]. Elle reçut aussi le château de Chenonceaux, qui avait été confisqué sur les biens de Semblançay ; ce château sera sa rançon dans quelques années ; en le cédant à Catherine, elle apaisera ses royales rancunes. Un de ses gendres, Claude, fils du duc de Guise, reçut en cadeau toutes les terres vacantes du royaume[39] ; l'autre gendre, Robert de la Marck, voulut être maréchal de France ; on enleva le bâton au maréchal de Biez, qui fut dépouillé de son office, condamné à mort pour concussion, puis gracié quand Diane eut vu son gendre nommé maréchal à sa place. Pour que François de Guise, le Balafré, qui venait d'être fait grand veneur, pût être en même temps grand chambellan, il fallut dépouiller de ce titre le petit duc de Longueville. Non content de saisir dans l'héritage de cet enfant cette charge, qui était depuis cent vingt ans dans sa famille, François de Guise se fit nommer administrateur de ses biens. Il aurait voulu aussi être grand maître de la maison du Roi, mais Montmorency, qui jouissait de ce titre, n'était pas d'humeur à se laisser dépouiller comme un mineur : cette charge assurait l'autorité sur tous les gentilshommes et tous les gardes qui se trouvaient à la Cour ; les ordres, dans les résidences royales, étaient donnés par le grand maître. François de Guise eut beau faire remarquer que le titre de grand maître ne pouvait être uni à celui de connétable, que ces deux dignités étaient incompatibles et donnaient trop de pouvoir h un sujet, on le laissa dire, et a cette époque Montmorency put se défendre avec succès contre son jeune rival. Le Roi s'efforça de les réconcilier en les comblant d'un don énorme ; il leur abandonna, en une seule fois, à François de Guise, au connétable et au maréchal de Saint-André, les deux décimes du clergé, impôt qui produisait, selon l'ambassadeur vénitien, huit cent mille francs, ou près de dix millions de notre monnaie[40].

Ce maréchal de Saint-André a joué toute sa vie le rôle de lien entre Guise et Montmorency, de manière à profiter de la faveur des deux et à s'enrichir des débris qu'il pouvait recueillir entre eux. C'étoit un fin et rusé courtisan, d'entendement vif, d'entregent fort agréable, de beaucoup de valeur, adroit aux

armes[41]. Il est un curieux exemple de ces courtisans qui se sont mêlés à toutes les grandes affaires et ont amassé des richesses considérables, sans qu'il soit possible de leur attribuer une part directe dans les événements. Ce n'était pas une mauvaise spéculation que de s'attacher en même temps aux Guises et aux Montmorencys, car il ne leur échappoit non plus qu'aux hirondelles les mouches, état, dignité, évesché, abbaye, offices, qui ne fust incontinent englouti, et avoient pour cet effet gens apostés pour leur donner advis de tout ce qui mouroit parmi les titulaires[42].

Mais a quoi bon se quereller pour se partager des charges de cour, des gouvernements, des pensions ? Le trésor royal n'était pas inépuisable : on découvrit des moyens de s'enrichir encore après qu'on se le serait partagé. On imagina d'inventer des coupables pour leur vendre le pardon ; on transforma la justice en instrument d'extorsion. Ce trafic avait déjà été exercé, sous le règne précédent, par le connétable de Montmorency, qui avait échangé contre des écus d'or sa protection pour le mari de la comtesse de Châteaubriant, accusé de s'être approprié les fonds recueillis par les États de Bretagne pour la canalisation de la Vilaine. On combina un système d'intelligences anciennes et secrètes avec l'Espagne, et l'on enferma dans ces obscures accusations tous ceux qu'avait enrichis le caprice de la duchesse d'Etampes. La défense n'était pas malaisée : le coupable prétendu n'avait d'autre plaidoirie à présenter, que la cession d'un château ou d'une terre à tous ceux qui jouissaient de la faveur de Henri II. Le plus compromis de tous, Bossut de Longueval, secrétaire de la duchesse d'Étampes, cessa d'être inquiété dès qu'il eut cédé au jeune cardinal de Lorraine le château de Marchais[43]. Le plus considérable des anciens partisans de la duchesse d'Étampes, le cardinal de Meudon, obtint sa grâce en cédant au même cardinal de Lorraine son château de Meudon. Aussi avide de châteaux que d'évêchés, le jeune Lorrain se fit donner encore les châteaux de Dampierre et de Chevreuse pour assurer contre toute poursuite Duval, le trésorier de l'épargne. Il réussit aussi à dépouiller le cardinal de Tournon des charges de chancelier de l'ordre et de maître de la chapelle du Roi, comme s'il avait voulu qu'il n'y eût plus d'autres cardinaux français à la Cour que les deux cardinaux de Lorraine, son oncle Jean et lui[44].

Le Balafré ne resta pas étranger à ces spéculations. S'il fit rendre à la dame de Bavay la fille qui lui avait été enlevée, il assura l'impunité au ravisseur en se faisant céder par lui les terres du comté de Varay[45] ; il sauva également du châtiment de ses crimes le comte de Grignan, gouverneur de Provence, qui avait brûlé vingt-cinq villages et égorgé la totalité de leurs habitants suspects d'hérésie. Grignan n'eut même rien à payer, et ne fut astreint qu'à rédiger un testament qui léguait à François de Guise l'universalité de ses biens, parmi lesquels figuraient les terres des victimes. La succession ne fut ouverte qu'en 1563 ; François de Guise était mort, l'influence de sa maison momentanément éclipsée, et le Parlement de Toulouse annula le testament[46].

Les seules personnes qui ne purent acheter la clémence furent celles qui avaient blessé l'orgueil de la duchesse de Valentinois. Le secrétaire des finances Bayard, seigneur de La Font, fut jeté dans un donjon et retenu enfermé jusqu a sa mort, en punition d'avoir fait rire les dames du cercle de la duchesse d'Etampes sur les charmes surannés de Diane de Poitiers. Mais la victime la plus illustre avait été désignée par le Roi lui-même. Dans l'intention de mieux torturer dans son exil et dégrader, selon les règles de la chevalerie, la malheureuse femme que son père avait aimée pendant vingt ans, le Roi lui suscita un champion qui pût être vaincu et dégradé publiquement. Afin de l'accabler à la fois sous la condamnation d'un combat judiciaire et sous la douleur de voir déshonorer et tuer le chevalier qu'elle avait préféré, il fit revivre les vieilles formes du jugement de Dieu, et convoqua toute la cour à Saint-Germain pour assister au duel de Jarnac et de la Châtaigneraie.

Gui Chabot, comte de Jarnac, neveu de l'amiral Chabot de Brion, avait fait ses premières armes comme volontaire en Italie en 1544[47]. Jeune, grand, élégant, il se livrait à de telles dépenses à la cour de François Ier et suffisait à entretenir un si grand faste qu'on le regardait comme enrichi par les dons secrets de la duchesse d'Étampes. Henri, encore dauphin, l'interrogea sournoisement pour lui faire avouer ces faveurs et perdre ainsi l'ennemie de Diane ; il prétendit que Jarnac lui avait répondu qu'il tiroit de grosses sommes de Madeleine de Puiguyon, la seconde femme de son père, le gouverneur d'Aunis. Jarnac nia avoir tenu ce propos. A cette époque, les princes du sang eux-mêmes n'éprouvaient aucun scrupule à recevoir des dons de la main des femmes qu'ils aimaient. Gondé, quelques années plus tard, se fit donner un château par la maréchale de Saint-André, car enfin toute grande dame, pour son bonneur, doit donner, soit peu ou prou, soit argent, soit bagues ou joyaux[48]. Jusque sous le règne de Louis XIV[49], cette dégradante coutume a souillé les gens dont l'honneur était le plus scrupuleux sur tous-les autres points. Mais s'il n'était pas honteux de recevoir des terres ou des pièces d'or, il était malhonnête de publier de quelle main on les tenait ; il était infâme surtout, comme il le serait aujourd'hui, de sauver, par crainte d'un danger personnel, la réputation de la favorite du Roi en compromettant celle de la femme de son propre père. Qu'il fût ou non l'amant de la duchesse d'Étampes, le comte de Jarnac ne pouvait, sans déshonneur, avouer ni feindre des relations avec Madeleine de Puiguyon. Il est vrai qu'une confidence faite au Dauphin pouvait s'excuser par la foi dans la discrétion de ce prince ; mais Henri se plaisait précisément à répéter ces sortes de scandales par une habitude de mesquine perfidie, qu'adopta également son fils Henri III, en la poussant au point de se faire des ennemies de toutes les femmes et de sa sœur même.

Ce qui était grave surtout dans les idées de l'époque, c'est que Jarnac avait nié le propos que le Dauphin lui prêtait ; il y avait démenti, l'affront le plus cruel pour le temps. Le mal n'était pas de mentir, mais de se laisser dire qu'on avait menti ; on ne devait rien céder à personne, et le plus grand éloge qui pût s'adresser à deux adversaires était : Tous deux estoient hauts à la main, qui ne vouloient céder d'un point l'un à l'autre, tous deux pointilleux, harnieux et scalabreux[50]. Au milieu de ces incidents, François Ier était mort. Le nouveau roi ne pouvait appeler Jarnac en combat singulier ; il prit pour champion un duelliste robuste et redouté, le comte de la Châtaigneraie, exigea que le combat fût public, devant toutes les dames, trois mois après la mort de son père, et assigna comme lieu de la rencontre la terrasse de son château de Saint-Germain.

Ce fut une fête. La noblesse accourut des provinces voisines. En réalité, on comprenait que Jarnac était attaqué comme le chevalier de la duchesse d'Étampes, et que la Châtaigneraie représentait la nouvelle favorite. Les romans de chevalerie habituaient les imaginations à ces combats ; chacun se réjouissait de voir, non plus une lutte simulée, un simple tournoi entre compagnons, mais un duel à mort, dont le vaincu serait déshonoré. François de Guise s'avança comme le parrain de la Châtaigneraie ; il était suivi de trois cents gentilshommes vêtus à ses couleurs, qui remplissaient un côté de la lice. Un Bourbon osa se présenter comme le parrain de Jarnac : le duc Antoine de Vendôme, le frère aîné du vainqueur de. Cérisolles, était le seul qui n'hésitât pas à se compromettre contre une cabale si puissante, que dirigeaient le Roi, la duchesse de Valentinois, les Guises. Henri II refusa durement d'accorder un tel parrain à Jarnac, et il ne lui laissa, pour débattre contre François de Guise les conditions du combat, qu'un gentilhomme de la famille disgraciée et oubliée de Bonnivet, le comte de Boisy. Heureusement Jarnac trouva un défenseur plus puissant et plus écouté dans le juge même du camp, le connétable. Montmorency n'était nullement tenté de voir grandir un nouveau favori ; il craignait que l'un de ses neveux fût dépouillé de la charge de colonel général de l'infanterie, convoitée par la Châtaigneraie, et difficile à défendre contre lui s'il la réclamait avec le prestige acquis dans une lutte si solennelle ; il concéda donc, malgré François de Guise, toutes les conditions qui pouvaient égaliser les chances des deux adversaires. Les femmes prirent place sur les estrades, les trompettes sonnèrent une fanfare. Le combat commença. Jarnac, frêle, mais souple, comprit qu'il serait promptement lasse par son ennemi si la lutte se prolongeait ; il se baissa et le frappa au jarret du tranchant de sa lame, en un point que ne couvraient pas des plaques d'acier. La Châtaigneraie tomba, perdit son sang. Jarnac se retira, pour ne pas irriter le Roi en complétant sa victoire, et ne parla pas d'emporter, selon l'usage, l'épée du vaincu.

L'issue inattendue du combat, la colère mal dissimulée du Roi, la déception des femmes, qui auraient voulu voir le vaincu achevé et désarmé, le départ précipité de Diane et des Guises, mirent un tel désordre dans cette foule, que le peuple, attiré autour de la terrasse de Saint-Germain par ce concours de grands seigneurs, put se précipiter sur le festin préparé pour célébrer le triomphe de la Châtaigneraie, se partager les mets et enlever l'argenterie. La Châtaigneraie mourut quelques jours après, en déchirant de ses mains sa blessure. Jarnac servit longtemps à la tête de sa compagnie de gendarmerie : il pénétra l'un des premiers dans Saint-Quentin, à travers l'armée espagnole, lorsqu'elle assiégea cette place en 1557, et défendit une des onze brèches, à l'heure de l'assaut, avec une telle obstination que les ennemis par les autres endroits étant entrés dans la ville, et qui desjà saccageoient et brusloient partout, les vinrent prendre et deffaire par derrière, avant qu'ils pensassent monstrer visage[51]. Guéri des blessures reçues à cet assaut, il reparut au siége de la Rochelle, en 1568, mais ne put jamais se relever de sa disgrâce ; sa famille était assez oubliée pour qu'un siècle plus tard on considérât comme un événement extraordinaire le mariage de l'héritière des Rohans avec un de ses membres.

Dans ce duel fameux, François de Guise avait vu soutenir par Antoine de Bourbon l'adversaire de celui dont il s'était déclaré le parrain. Pour la seconde fois, depuis l'entrée à Chambéry, il rencontrait devant lui ce duc pauvre et ambitieux. La maison de Bourbon n'était pas encore relevée du désastre qu'elle avait subi par la disgrâce du connétable ; il ne restait plus que la branche de la Marche ; le duc de Vendôme, frère d'Antoinette, duchesse de Guise, était mort jeune en laissant six enfants qui furent élevés par les soins de leur oncle, François, le premier cardinal de Bourbon. Leur tante, la duchesse de Guise, ne les considéra jamais que comme des ennemis ; mais le cardinal de Bourbon prit soin de leur fortune avec une telle tendresse, qu'on l'accusa de les avoir enrichis du bien temporel, de son archevêché de Sens, de son évêché de Laon, de ses abbayes de Saint-Denis, Sainte-Colombe et autres bénéfices que tenoit le dict seigneur, presque aussi bien partagé que les Lorrains en dignités ecclésiastiques. Il fit couper les futaies de ses terres d'Église, et l'on disait de lui : Il a bien sceu jouer des hauts bois et si n'estoit ménestrier[52]. Le second des fils du duc de Vendôme, le duc d'Enghien, remit un moment sa famille en éclat par la victoire de Cérisolles, mais sa mort subite la priva bientôt de son crédit. L'aîné, Antoine duc de Vendôme, s'efforça d'y suppléer h force d'obstination et d'audace ; il défendit ses droits de premier prince du sang, plutôt par vanité que par fermeté. Quant aux deux plus jeunes frères, ils n'étaient pas beaucoup plus comptés à la Cour que des impies gentilshommes ; l'un d'eux, Jean, comte de Soissons, se fit tuer, à trente ans, à la bataille de Saint-Quentin ; l'autre, qui n'avait que dix-sept ans a l'avènement de Henri II, obtint bientôt l'alliance des Montmorencys et devint le rival le plus redoutable du duc de Guise : c'était Louis de Bourbon, premier prince de Condé.

L'aîné ne tarda pas à se trouver de nouveau le compétiteur de François de Guise ; cette fois, il ne s'agissait plus d'une dispute de préséance, ni d'un intérêt à prendre dans un duel ; les deux rivaux se disputaient la main de la nièce de François Ier.

La sœur de ce roi, Marguerite de Valois, n'avait eu qu'une fille, Jeanne d'Albret, de son mariage avec Henri II, roi de Navarre, fils de Jean d'Albret et de Catherine de Foix, que Ferdinand le Catholique avait dépossédés de leur royaume en 1512. Jeanne d'Albret, après avoir obtenu l'annulation de son mariage avec le duc de Clèves, était recherchée par l'empereur Charles-Quint, qui voulait l'unir à son fils Philippe, afin de consacrer sa possession de la Navarre, et d'acquérir, par l'annexion du Béarn, une entrée toujours ouverte et une frontière avancée au milieu de la France méridionale. Le roi de France, qui la vit demandée en mariage au même moment par Antoine de Bourbon et par François de Guise, la pressa d'accepter un des deux prétendants pour déjouer les espérances de l'Empereur. La jeune fille avait vingt ans, un caractère viril, autant d'intelligence que sa mère, avec plus de fermeté et moins d'éclat. Elle ne se cacha pas pour déclarer qu'elle ne consentirait jamais à devenir, en épousant François de Guise, la belle-sœur d'une fille de la duchesse de Valentinois[53]. La fière princesse offrait ainsi en dot a l'autre prétendant la haine de Diane, de ses filles, et des Guises ; elle ne remarquait pas qu'Antoine de Bourbon avait plus de courage que de cœur, et plus d'ambition que de tête.

Inférieur à Jeanne d'Albret en intelligence et en volonté, il hésita tout à coup et sembla reculer au moment où le jour du mariage était déjà fixé. L'Empereur, qui ne renonçait pas à ses projets, avait imaginé de dissuader Antoine de Bourbon d'un mariage avec une jeune fille déjà épousée par le duc de Clèves ; bien que toutes les cérémonies eussent été publiques, huit ans auparavant, quand la jeune fille n'avait que douze ans, les agents de l'Espagne firent croire un moment à Antoine de Bourbon que le mariage avait été consommé. Au bout de quelques jours, cet esprit vacillant changea de nouveau ; le mariage fut enfin célébré, et le chef de la famille de Bourbon devint l'héritier de la couronne dé Navarre.

François de Guise épousa presque au même moment Anne d'Este, fille du duc de Ferrare et petite-fille de Louis XII. Hercule II, duc de Ferrare, était le mari de Renée de France[54], fille de Louis XII ; Anne d'Este, leur fille, avait dix-huit ans en 1549 ; elle était la plus belle de la cour, possible quand je dirois de la chrestienté ne mentirois-je[55]. Le Roi paya la dot d'Anne d'Esté, mais ne lui donna pas le titre de petite-fille de France.

Un titre de ce genre était porté par une jeune fille dont le mariage fut célébré dans le même temps. Diane, légitimée de France, qui passait pour la fille de Henri II et de Philippe Duc, fut unie à Horatio Farnèse, duc de Castro, dont le père était fils naturel du pape Paul III. Le Roi cherchait toujours l'alliance du Saint-Siège et croyait l'assurer par ce mariage entre bâtards, oubliant que Paul III avait déjà quatre-vingts ans, que le futur Pape ne porterait aucun intérêt aux descendants de ce vieillard, et que lui-même avait déjà vu, malgré sa propre union avec une nièce de pape, son père abandonné par la cour apostolique, dès qu'un Médicis avait cessé d'y régner.

Ces mariages à la cour se célébraient au milieu d'une série de fêtes dans lesquelles les gentilshommes se consolaient par des galanteries de ces quatre longues années de paix. Nous estions lors de loysir en nostre garnison, et n'ayant rien à taire, il le faut donner aux daines. En ce temps-là, je portois gris et blanc d'une dame de qui j'estois le serviteur lorsque j'avois le loysir[56]. François de Guise figura parmi les tenants du tournoi qui fut donné pour célébrer, en 1549, rentrée solennelle du Roi et de la Reine à Paris : là, on eut le plaisir de voir les cérémonies anciennes observées, tous les tenants blessez[57]. Tavannes, qui eut les plus brillantes passes d'armes, brisait soixante lances par jour. Au milieu des cérémonies de l'entrée royale, deux jeunes gentilshommes se prirent de querelle si publiquement, qu'ils résolurent de renouveler le spectacle du duel de Jarnac. Mais le Roi, qui n'aimait pas ce souvenir, refusa de leur donner le camp ; ils eurent recours au gendre de Diane, le maréchal de la Marck, qui leur fit bailler le camp hors du royaume, dans la principauté de Sedan.

Le baron des Guerres et le seigneur de Fendilles, les deux champions, arrivèrent à Sedan[58], très-bien accompagnés de leurs parents et amis, parrains et confidents, et ledit sieur de Fendilles ne voulut jamais entrer dans le camp, tant il estoit bravache et fendant, qu'il n'eût veu un feu allumé, et une potence pour y attascher et brusler son ennemy après sa victoire, tant espéroit-il en avoir boii marché. De premier abord. Fendilles donna un grand coup de son espée à travers la cuisse dudit baron, qui lui fit une telle ouverture à cause de la largeur de l'espée, que le sang en sortit en si grande abondance, qu'il commençoit desjà à diminuer de la force dudit baron qui, en prévoyant son inconvénient, s'avisa d'aller aux prises et à la lutte, y ayant esté très-bien dressé par un petit prestre breton, et ayant aussitôt porté son homme par terre, et le tenant soubs luy, n'ayant ne l'un ne l'autre nulles armes offensives, car elles leur estoient désemparées des mains pour mieux se servir de la lutte, parquoy le baron eut recours aux mains et aux poings dont il en donnoit de très-grands coups à son ennemy, et cependant cela n'estoit rien, et de tant plus s'alloit-il affoiblissant de la playe et de son sang qui lui couloit fort toujours. La fortune voulut que le combat estant en tels termes de suspension, un eschafFaut qui estoit là tout auprès du camp vinst à se rompre et tomber, où il y avoit force dames et damoiselles, gentilshommes et autres qui s'y estoient mis pour voir le cruel passe-temps. De sorte que la confusion s'en ensuivit si grande, tant par la chute dudit eschafFaut et par les cris, les plaintes et le mal que se faisoient et enduroient les damoiselles, si bien qu'on ne sçavoit a quoi s'amuser ou de voir la fin du combat, ou aller secourir ces pauvres créatures, se blesans, se pressans et s'estouffans si misérablement les unes les autres ; cependant sur ce grand esclandre, tintamarre et trouble, y eut quelques-uns des amis et parents du baron des Guerres qui, prenant l'occasion h propos, se mirent à crier : Jetez-lui du sable dans les yeux et la bouche ; ce qu'ils n'eussent osé faire sur la vie, sans cet escandale de cet eschaffaut rompu, d'autant que par les lois du camp cela est fort deffendu. Pour fin, le baron, amassant du sable, ne faillit d'en jeter dans la bouche et les yeux de son ennemi, si bien qu'il fut contraint de se rendre, ce disant les partisans du baron, dont crièrent : Il se rend. Ceux de Fendilles disent que non...

Tant de divertissements, tant de largesses, tant de pensions appesantissaient la charge de l'impôt. Au milieu d'une promenade triomphale dans l'Italie du nord y qu'il avait entreprise comme une fastueuse prolongation à son entrée dans la ville de Paris, Henri II apprit que les impôts de gabelle avaient tellement accablé ses sujets de Guyenne et de Saintonge, qu'un soulèvement de ces deux provinces venait d'amener de graves désordres. Le comte de Monneins, lieutenant du Roi en Guyenne, avait été assassiné par lu populace de Bordeaux ; les bureaux de la ferme, en Saintonge, avaient été pillés, et le sel jeté dans les ruisseaux.

François de Guise fut chargé de commander les soldats que le Roi envoya en Saintonge pour rétablir son autorité. Il eut l'humanité de pacifier le pays sans massacres et sans cruauté, et le bon sens de s'en faire honneur. Il raconte lui-même qu'il avait pu réduire la Saintonge sans néanmoins y punir rigoureusement ces rebelles, comme fit depuis le connestable à ceux de Bordeaux[59].

En Guyenne, au contraire, la répression fut atroce. A l'approche du connétable, les séditieux s'étaient dispersés. La municipalité de Bordeaux envoya jusqu'à Langon un navire drapé d'or aux armes de Montmorency, pour fléchir par ce présent et par la perspective des plaisirs d'un voyage sans fatigue sur le fleuve le terrible connétable qui proférait des menaces effroyables contre la ville. L'ordre établi avait été troublé ; c'était à ses yeux le plus grand des crimes. Il répondit qu'il n'entrerait à Bordeaux que par la brèche, et parla d'abandonner la ville à force et à pillage, ce qui mit les habitants en grand espouvantement, principalement les femmes et les filles. François de Guise l'avait rejoint avec ses troupes de Saintonge ; ils entrèrent ensemble à Bordeaux. Durant un mois, ce ne furent que pendus, décapités, roués, empallés, desmembrés à quatre chevaux et bruslés, mais trois d'une façon dont nous n'avions jamais ouy parler, qu'on appeloit mailloter ; on les attacha par le milieu du corps, sur l'eschaffaut à la renverse, sans estre bandés, ayant les bras et jambes délivrés et en liberté, et le bourreau, avec un pilon de fer, leur rompit et brisa les membres, sans touscher à la teste ni au corps[60]. Les plus jeunes des habitants furent à cause de leur jeunesse seulement fouettés. Tous les survivants, hommes et femmes, furent contraints d'aller s'agenouiller devant le cadavre en décomposition du comte de Monneins, qui avait été exhumé, et de faire publiquement amende honorable pour le crime commis ; cette repoussante cérémonie était surtout pénible pour les jeunes filles qui étaient épiées par les soldats, suivies et soumises aux traitements les plus grossiers : Vieilleville se fit beaucoup d'ennemis dans l'armée, et passa pour un caractère bizarre, parce qu'il protégea contre les outrages les filles et les nièces du conseiller au Parlement de Bordeaux, chez lequel il était logé. Il dut Faire prendre les armes à sa compagnie pour les sauver du viol. Plusieurs semaines après les exécutions, les jurats et les conseillers du Parlement espérèrent que le connétable était adouci, et osèrent lui demander de restituer à un armateur de la ville le Montréal, navire de trois cents tonneaux qui avait été abandonné aux soldats pour être dépecé et brûlé. Montmorency leur répondit : Et qui estes-vous, messieurs les sots, qui me voulez contreroller et me remonstrer ? Vous estes d'habiles veaux d'estre si hardis d'en parler. Si je faisois bien, j'enverrois tout à ceste heure faire dépecer vos maisons au lieu du navire[61].

A l'époque où se terminaient ces expéditions, la famille de Guise fut frappée par la mort du duc, et presque en même temps par celle de son frère Jean, le premier cardinal de Lorraine. Le duc était à Fontainebleau ; il se sentit malade, déclara qu'on l'avait empoisonné, et se fit transporter à Joinville. C'est de là que la duchesse écrivait à François de Guise : Mon fils, mon amy, si fortune me faict ce tort de me l'oster, je feray avec les gens de bien que j'ay icy le mieux que je pourray, et vous advertiray de tout ; car, mon amy, après Dieu, je ne puis avoir espoir et consolation que de vous autres mes enfants. Je ne puis estre sans douleur tant grande qu'en vérité j'en ay ce que j'en puis porter. Vostre bonne mère, Anthoinette[62].

François prit après la mort de son père le titre de duc de Guise ; quelques jours plus tard, le cardinal Jean, qui revenait de Rome, succomba dans le trajet ; son neveu Charles prit son titre de cardinal de Lorraine ; il s'approprie tous les meubles de l'oncle qui estoient précieux, laisse toutes les dettes d'iceluy, qui estoient immenses, à ses créanciers, pour y succéder par droit de banqueroute[63].

Bien qu'il obtint ainsi plus de trois cent mille livres de rente, c'est-à-dire près de quatre millions de francs de revenu, le nouveau cardinal de Lorraine imita le désordre du premier, et évita comme lui de payer ses dettes, dont le chiffre devint considérable[64].

Ainsi, la disparition des deux chefs de la maison de Guise ne diminua pas son autorité. Le second duc de Guise et le second cardinal de Lorraine avaient plus de tête, plus d'activité, plus de valeur que ceux qu'ils remplaçaient. Ils étaient appuyés par leurs frères, ambitieux comme eux, et habiles à leur créer des partisans ; l'un d'eux, celui qui était le gendre de Diane, devint duc et pair, et prit le titre de duc d'Aumale que quittait son aîné à la mort de son père ; un autre reçut le titre de cardinal de Guise, que laissait son frère Charles pour prendre celui de cardinal de Lorraine. Rien n'est abandonné ; il reste des frères et de jeunes enfants pour recueillir les plus minces portions de l'héritage et pour accroître le trésor commun, depuis les deux duchés-pairies jusqu'à la dernière abbaye. Le plus jeune frère est déjà grand prieur de France et général des galères. Tous vivent dans l'union la plus intime, et s'entendent comme en un concert de convoitises, pour l'accroissement continuel de leur maison. C'est en rêvant sa grandeur que s'étaient fait tuer les frères du premier duc de Guise ; les frères du duc François sont prêts à se sacrifier également pour la même cause. Le duc d'Aumale lui-même, bien que pair de France comme son aîné, ne cherche pas à détacher ses intérêts des siens, à former une maison rivale ; c'est la maison de Guise seule qu'il soutient et veut élever ; les idées de chacun des frères ont un centre unique où elles aboutissent. Chaque matin, les quatre plus jeunes se rendent chez le cardinal de Lorraine, le suivent au lever de leur frère aîné ; de là, tous les six se rendent ensemble chez le Roi.

Le nouveau duc de Guise prit une part active à l'organisation de l'armée que levait Henri II pour appuyer les villes d'Allemagne révoltées contre Charles-Quint. La jeune cour, lasse de la paix, réclamait des conquêtes et de la gloire : le Balafré allait mettre au service de la France ses grandes qualités de commandement et ses talents militaires.

 

 

 



[1] TAVANNES, Mémoires, édit. Petitot, p. 408.

[2] ALBERI, Relazioni veneti, t. IV, p. 78 ; Lorenzo CONTARINI, 1551 : Elle fut aimée du roi François, et de quelques autres, et en dernier lieu du Dauphin, il quale l'ha amata ed ama e gode cosi vecchia corne è.

[3] Un historien anglais (WHITE, Massacre of S. Bartholomew, p. 27) remarque que dans ces dernières années, une statue a été élevée en France à Diane de Poitiers, et il ajoute avec une affectation de pudeur prétentieuse : It is painful to see a noble nation so déficient in self respect as to make idols of the mistresses of their sovereigns. Si les maîtresses de Charles II étaient les belles personnes que l'on croit, il vaudrait mieux voir leurs statues dans les parcs de Londres que leurs arrière-bâtards à la Chambre des lords.

[4] Giovanni CAPELLO, dans BASCHET, la Diplomatie vénitienne, page 443.

[5] Matteo DANDOLO, dans BASCHET, la Diplomatie vénitienne, p. 430.

[6] Lorenzo CONTARINI, dans BASCHET, p. 434.

[7] BRANTÔME, Hommes illustres.

[8] CONTARINI dans BASCHET, p. 438.

[9] PASQUIER, Recherches de la France, liv. VII, chap. V.

[10] TAVANNES, Mémoires, édit. Didier, p. 137.

[11] VIEILLEVILLE, Mémoires, par Vincent CARLOIX, édit. Didier, p. 60.

[12] Giovanni CAPELLO, Diario del viaggio. Voir BASCHET, la Diplomatie vénitienne, p. 445.

[13] VIEILLEVILLE, Mémoires, p. 80.

[14] MARLOT, Histoire de l'église de Reims, t. II, p. 786 ; Père ANSELME, Histoire généalogique.

[15] BOUILLÉ, Histoire des ducs de Guise, t. I, p. 179.

[16] Michel DE CASTELNAU, Mémoires, p. 407.

[17] Jean MICHIEL, Relation publiée par TOMMASEO dans les Documents inédits de l'histoire de France, 1. 1, p. 458 : Oltre che stia d'un ingegno maraviglioso et d'uno spirito tanto vivo che non s'apre a fatica la bocca per parlargli, che ha subito inteso dove si vuol arrivare ; e ch'ablai ancora felicissima memoria, e sia accompagnato d'una molto grave e grata presenza, e oltra qucste parti dotato d'un grandissimo e raro dono della lingua e del parlare... ma d'una ingordigia inestimabile, con nome di valersi anco di vie poco oneste.

[18] Jean MICHIEL, Relation publiée par TOMMASEO dans les Documents inédits de l'histoire de France, t. I, p. 458 : Oltre questo, d'una gran duplicità, di dir poche volte il vero ; e tenuto per persona prontissima all' offendere, come vendicativa ; e come invidiosa, tarda al beneficare. Voir aussi Giovanni SORANZO, Relaz. amb. ven, ALBERI, p. 441, anno 1558 : Licenziosissimo per natura, ingordigia inestimabile, gran duplicità.

[19] GUILLEMIN, le Cardinal de Lorraine, p. 25, 453, 455, le présente comme partisan de la liberté illimitée de penser.

[20] DE SAULCY, Académie des inscriptions et belles-lettres, 25 juin 1875.

[21] Charles de Guise, né le 17 février 1524, reçut la même année l'abbaye de Moustier-la-Celle à Troyes, en 1548 celle de Moustier-Neuf à Poitiers, qu'il garda jusqu'en 1552. Archevêque de Reims en 1538, consacré en 1545, cardinal en 1547, il obtint l'évêché de Metz en 1550 et le résida l'année suivante. Il recueillit dans la succession de son oncle, le cardinal Jean, les abbayes de Cluny, Fécamp et Marmoutiers ; il posséda celle de Cormery de 1548 à 1565, de Saint-Martin de Laon en 1550, de Saint-Remy de Reims en 1557, de Saint-Denis en France, de Monstier en Der, de Saint-Urbain à Châlon ; il céda l'abbaye de Marmoutiers à Jean de la Rochefoucauld moyennant dix mille livres de pension (Père ANSELME, Histoire généalogique). On raconte (BOUILLÉ, t. III, p. 2) qu'ayant appris que le pape Paul IV blâmait ces cumuls de bénéfices, il se serait joyeusement déclaré prêt à permuter tous les siens contre celui dont jouit Sa Sainteté.

[22] Jean MICHIEL, édition TOMMASEO, t. I, p. 458 : Odio universale conceputo contra lui.

[23] L'AUBESPINE, Histoire de la Cour de Henri II. Le même auteur dit encore : Le duc de Guise (le fils), grand chef de guerre et capable de servir son pays, si l'ambition de son frère ne l'eût prévenu.

[24] TAVANNES, Mémoires, p. 137.

[25] TAVANNES, Mémoires, p. 136.

[26] TAVANNES, Mémoires, p. 137.

[27] ALBERI, Relazioni veneti, 1860. Lorenzo CONTARINI, t. IV, p. 78.

[28] ALBERI, Relazioni veneti, 1860. Lorenzo CONTARINI, t. IV, p. 78. Voir aussi BASCHET, la Diplomatie vénitienne, p. 436.

[29] ALBERI, Relazioni veneti, 1860. Lorenzo CONTARINI, t. IV, p. 78, et BASCHET, p. 438.

[30] ALBERI, Relazioni veneti.

[31] VIEILLEVILLE, Mémoires, liv. IV.

[32] François, né en 1543, mort en 1560 ; roi sous le nom de François II en 1559 ;

Élisabeth, née en 1545, morte en 1568 ; reine d'Espagne en 1559 ;

Claude, née en 1547, morte en 1575 ; duchesse de Lorraine en 1559 ; elle doit son nom au duc Claude de Guise dont la femme fut marraine de cette enfant (L'ESTOILE, t. I, p. 13) ;

Louis, né en 1548, mort en 1550 ;

Charles, né en 1550, mort en 1574 ; roi sous le nom de Charles IX en 1560 ;

Alexandre, né en 1551, mort en 1589 ; roi en 1574 sous le nom de Henri III ;

Marguerite, née en 1553, morte en 1615 ; reine de Navarre en 1578 ;

Hercule, né en 1534, mort en 1584 ; duc d'Alençon et duc d'Anjou ;

Victoire et Jeanne, deux jumelles nées et mortes en 1556.

[33] MARTHA FREER, Henry III king of France, t. I, p. 5.

[34] BASCHET, la Diplomatie vénitienne ; CONTARINI, p. 474.

[35] BASCHET, la Diplomatie vénitienne ; CONTARINI, p. 474.

[36] TAVANNES, Mémoires, édit. Petitot, t. XXIV, p. 183 : Les factions de Montmorency et de Guise croissent ; madame de Valentinois tient le milieu et esloigne la Royne des affaires, et de son mary, encores qu'elle n'eust rien de beau par dessus elle, non sans soupçon de sortilège. La Royne s'en plaint au sieur de Tavannes qui offre couper le nez à madame de Valentinois ; la Royne le remercie, se résout à patience.

[37] SURIANO : Gli occhi grossi proprii alla casa de' Medici. Voir H Giovanni CAPELLO, Documents inédits, publiés par TOMMASEO, t. I, p. 372.

[38] CONTARINI, dans BASCHET, la Diplomatie vénitienne, p. 436.

[39] Henri MARTIN, Histoire de France, t. VIII, p. 366.

[40] CONTARINI, dans BASCHET.

[41] L'AUBESPINE, Archives curieuses de l'histoire de France, t. III. Il ajoute : Il porte pénitence pour une grosse... qui le travaille le reste de sa vie. D'Albon de Saint-André était de la maison des dauphins de Viennois.

[42] VIEILLEVILLE, Mémoires.

[43] Ce château, situé près de Notre-Dame de Liesse (Aisne), devint la principale habitation de la famille de Guise. Il appartient aujourd'hui au prince de Monaco, qui t’a fait restaurer et meubler dans le style du seizième siècle ; les portraits des principaux personnages de la maison de Guise et de leurs contemporains y sont réunis.

[44] Jusqu'à la mort de son oncle Jean, le cardinal Charles portait le titre de cardinal de Guise, qu'il transmit  son frère Louis, évêque de Troyes, promu cardinal en 1552.

[45] BOUILLÉ, Histoire des ducs de Guise, t. I, p. 199.

[46] Arrêt du 27 mars 1563. Voir Henri MARTIN, Histoire de France, t. VIII, p. 371.

[47] MONTLUC, Commentaires, édit. Petitot, p. 14.

[48] BRANTÔME, Dames galantes, discours II.

[49] MOLIÈRE, l'École des femmes, acte 1, sc. I :

L'un amasse du bien dont sa femme fait part

A ceux qui prennent soin de le faire cornard.

Voir aussi dans SAINT-SIMON, t. IV, p. 246, le portrait du comte de Marsan, extrêmement petit homme, trapu, qui n'avoit que de la valeur, du monde, beaucoup de politesse et du jargon de femmes aux dépens desquels il vécut tant qu'il put. Ce qu'il tira de la maréchale d'Aumont est incroyable. Cette coutume était encore si répandue au dernier siècle, qu'on voit un homme à bonnes fortunes se faire un mérite de n'avoir jamais reçu d'argent des femmes qui l'avaient aimé (Marquis DE VALFONS, Mémoires.)

[50] BRANTÔME, les Duels, p. 213, édit. de Leyde, 1722.

[51] RABUTIN, Commentaires, édit. Didier, p. 542, 562, 563.

[52] Claude HATON, Mémoires, t. I, p. 45.

[53] MARTHA FREER, Life of Jeanne d'Albret, p. 73-77.

[54] Hercule II, duc de Ferrare, de Modène et de Reggio, épousa eu 1527 Renée de France et mourut en 1558. Renée mourut en France en 1571. Ils eurent deux fils et quatre filles : Alphonse II, qui succéda à son père ; Louis, cardinal de Ferrare, opposé aux Guises ; Anne d'Este, duchesse de Guise, née en 1531, mariée en 1549, veuve en 1563, remariée en 1566 à Jacques de Savoie, duc de Nemours, morte en 1607 ; Lucrèce, duchesse d'Urbin ; Marfise, marquise de Carrare ; Bradamante, comtesse Bevilacqua. Voir SAINT-SIMON, Mémoires, t. XI, p. 165.

[55] BRANTÔME, Hommes illustres, M. d'Imbercourt, édit. Panthéon, p. 211 ; cependant, un historien des Guises dit quelle était un peu bossue. On ignore d'après quel document ; les portraits n'en laissent rien soupçonner et justifient le témoignage de Brantôme. Le mariage fut célébré le 4 décembre 1549.

[56] MONTLUC, Commentaires, édit. Petitot, t. XXI, p. 232.

[57] TAVANNES, Mémoires, édit. Didier, p. 152.

[58] BRANTÔME, les Duels, édit. de 1722, Leyde, p. 3.

[59] GUISE, Mémoires-journaux, p. 5.

[60] VIEILLEVILLE, Mémoires, p. 84 et suiv.

[61] BRANTÔME, Hommes illustres, t. I, p. 317.

[62] GUISE, Mémoires-journaux, p. 31.

[63] L'AUBESPINE, Histoire particulière de la cour de Henri II.

[64] DE THOU, Histoire naturelle, livre VI.