La Grèce (de 1300 à 480 av. J.-C.)

 

CHAPITRE XIII

 

 

La Grèce préhistorique. - Fables et légendes. - Période héroïque. - Titans et Amazones. - L’Iliade et l’hymne à Cérès. - Les Pélasges. - Jupiter, Hercule, Apollon et Vénus. - Colons en Grèce : Égyptiens, Phéniciens, Babyloniens et Libyens. - Neptune et Pallas. - Les Grecs. - Les Hellènes : Achéens, Éoliens, Ioniens, Doriens.

 

ENCORE moins connue que ne l’était l’Égypte avant Champollion, et la Chaldée avant Oppert, la Grèce préhistorique attend ses inventeurs. Je suis surpris en avançant, a dit Quinet, de voir que tout est à dire dans cette antiquité lointaine. Beaucoup de choses ont été dites, cependant ; mais si peu de choses ont été vues !

La lecture, l’analyse des auteurs grecs non contemporains des époques étudiées, et des auteurs latins, — Diodore, Strabon, Plutarque, Arrien, Cornélius Nepos, — furent pendant longtemps les uniques sources vers lesquelles les historiens se dirigèrent, poussés par la soif de connaître et le désir de raconter. Les Grecs, qui semblent avoir eu le dédain de l’exactitude, donnaient leurs fables comme vraies, et l’œuvre du grand Homère, la plus historique pourtant, se lisait avec rapidité, comme une fiction. Nul ne questionnait les monuments bâtis, et il n’y avait presque pas de géographie grecque. On discute encore l’emplacement d’Ithaque. Pas un regard n’allait au delà de l’Olympe, au nord.

Chateaubriand, lord Byron et Pouqueville nous firent aimer les Grecs ; depuis eux, jusqu’à Egger, la Grèce historique, religieuse et artistique est demeurée notre constante préoccupation.

A. Bœckh, O. Muller, Leake, Clinton, Thirlwahl, Letronne, Raoul Rochette, Philippe le Bas et Brunet de Presle ont étendu le champ des recherches.

Le comte d’Arundel, Nicolas Fréret, Chandler, lord Elgin, Nointel, l’abbé Barthélemy, Larcher, de Sainte-Croix, Lévesque, Gail et d’Anville, ont préparé l’étude de la Grèce réelle, par l’examen et l’appréciation des œuvres antiques. Xénophon, Thucydide et Hérodote, mieux lus, devinrent des chroniqueurs ; Homère, Eschyle, Sophocle et Euripide, enfin compris, furent considérés comme des historiens. La chronologie, discutée, détermina les époques.

Nous savons presque suffisamment ce qu’étaient l’Égypte et la Chaldée dix mille ans avant notre ère ; pour la Grèce, au delà de l’an 776 avant Jésus, nous n’avons eu longtemps que des conjectures.

De l’ensemble des fables, des légendes et des traditions recueillies, trois faits surgissaient, dominants, et que l’on consentait à admettre comme certains. L’expédition des Argonautes, les deux guerres de Thèbes et la destruction de Troie, formaient une période dite héroïque, inscrite entre l’an 2000 et l’an 1600 avant notre ère. Mais que d’obscurités et de complaisances dans l’ornementation de ces faits ? et quelle acceptation du fabuleux dans la trame historique ? L’esprit semblait s’émouvoir à l’idée de la recherche et de la découverte du vrai, tant les féeries consacrées étaient adorables. Et comme les poètes des premiers temps, dans leurs récits. imagés, n’ayant que peu la préoccupation des origines, n’avaient pas nommé les ancêtres des Grecs, les Pélasges, et n’avaient parlé de leurs chefs primitifs que comme des héros venus de l’Orient, on se contentait paresseusement de cette indication vague, tandis qu’on adoptait, avec une frissonnante satisfaction, et les Titans, ces aïeux des aïeux qu’exaltent les hymnes orphiques, et les Amazones intrépides, ces vierges se nourrissant de chair, suivant Eschyle.

Cependant, le fait pélasgique, dramatisé, était positif dans la légende de l’enlèvement des femmes athéniennes par les Lemniens, d’abord, et ensuite dans le massacre des enfants qui en résultèrent, crime qualifié d’épouvantable à cause de la communauté d’origine. L’allusion à cette atrocité prit la forme proverbiale : s’abandonner aux œuvres de Lemnos, signifia, commettre des actes odieux.

Plusieurs siècles après l’expédition des Argonautes, Homère donnait au monde l’Iliade (1000 av. J.-C.), cet irrécusable témoignage d’une vie grecque antérieure. Et nous avons, en outre, belle à lire, retrouvée par Ruhnkenius, l’hymne à Cérès, le plus ancien des monuments grecs écrits, véritable document védique, aryen par sa simplicité et sa sincérité. Les fouilles de Mycènes, surprenantes, dues à Schligmann, ont enrichi le fond des études nouvelles.

Nous savons donc exactement, par Homère, les mœurs des grands Grecs avant la chute de Troie ; nous pouvons apprécier la puissante intelligence de quelques aristocraties, par l’examen des monuments ; nous surprendrons et nous apprendrons le peuple, nous mettrons à nu les cerveaux des premiers Grecs, en étudiant les hymnes, qui ne sont en réalité que leurs pensées et leurs aspirations fixées.

Une belle aube blanche, qui est la promesse d’un jour plein de soleil, éclaire déjà tout ce merveilleux trop assombri. On distingue bien, maintenant, la succession historique des groupes principaux passés en Grèce : les Pélasges ou Lélèges, les Grecs et les Hellènes ; et dans le groupe hellénique, on sait qu’il faut distinguer les Achéens, les Éoliens, les Ioniens et les Doriens. Pendant longtemps, le nom de Grecs couvrit tout cet ensemble ; cette confusion est désormais aussi impossible, que l’est devenue, au point de vue historique, la confusion des Hébreux (Ibris), des Israélites, des Judéens, des Samaritains et des juifs.

A l’origine (2000 av. J.-C.), les Pélasges occupaient la Grèce, mais une Grèce qui comprenait une partie de l’Asie-Mineure et de l’Italie. Ils fondaient Mycènes, Tyrinthe, Argos, Sicyone et Orchomène, après avoir défriché le sol autour des premiers groupements. Eschyle qualifie Argos de terre pélasgienne. — Cette terre est habitée par la race des Pélasges, dit le roi, dans les Suppliantes.

Ces Pélasges ignoraient ou dédaignaient les briques et les bois ; ils construisaient, avec des blocs énormes, bruts ou travaillés, simplement apportés et posés, sans ciment, des murs, des masses de maçonnerie dans lesquelles ils ménageaient de longues galeries, aux voûtes de la forme ogivale. L’ogive était taillée dans la pierre elle-même ; elle ne résultait pas de la pose des matériaux. L’air et le jour pénétraient dans ces galeries, par des portes répétant la ligne des voûtes, l’ogive. De Salonique jusques en Acarnanie, on peut voir des ruines de ces habitations colossales, relativement basses, ténébreuses, où les Pélasges rentraient le soir, comme font les fourmis longues et minces.

Homère parle fièrement des tribus pélasgiques, habiles à lancer la pique, à manier l’épée de Thrace, aux clous d’argent. Leur gouvernement, tout à fait aryen, communal, laissait aux femmes une influence considérable. Le père de famille, prêtre et roi, commandait à l’autel et au foyer, a dit Eschyle. Les grandes délibérations étaient publiques, chaque citoyen y participant au nom d’un droit absolu. Les étrangers admiraient la rapidité avec laquelle les Pélasges concevaient les choses, exprimaient un avis et prenaient une décision. On vantait hautement leur hospitalité.

Ces Pélasges, surtout agriculteurs, avaient adopté le bœuf comme signe monétaire. Leurs villes, solidement bâties, lourdement défendues, étaient faites pour résister aux sièges. Des travaux souterrains, encore remarquables, amenaient à la ville des eaux lointaines, au moyen de conduites formées de pierres jointes, non cimentées. Lorsque des maisons de briques crues vinrent s’ajouter aux habitations primitives, les Pélasges surent fabriquer une chaux devenue nécessaire, et ils colorièrent gaiement, alors, leurs maisons. Des tisseurs, des teinturiers et des potiers constituèrent la première industrie pélasgique. Des poids de lave servaient aux pèsements délicats.

Leur culte, ils le célébraient sur des hauteurs, au plein air, sous le ciel, comme les Perses. La déesse des champs, Cérès (Démèter), fut leur principale divinité. De petites vaches en terre cuite, couvertes d’ornements peints en rouge, noir, ou jaune foncé, imitées des figurines égyptiennes, servaient aux Pélasges à manifester leurs sentiments religieux. Le Jupiter pélasgique trônait à Dodone, la terre des Molosses, la Dôdôné enveloppée d’hiver, dont parle Homère, où le chêne croissait.

Lorsque la diète de Delphes, affirmant le pouvoir sacerdotal en Hellénie, voudra subjuguer les Hellènes, les Pélasges de Scyros se moqueront de l’impuissance des prêtres nouveaux, absolument et par les mêmes moqueries qu’employèrent, en Hindoustan, les Aryas des Sept-Rivières, ridiculisant les brahmanes qui coassaient comme des grenouilles dans les marais.

Les Hellènes nommèrent les Pélasges, les Vieux ; — les Grecs, ce seront les jeunes, — Jaones, Yavanas. — Ces Grecs, aux mœurs nouvelles, tout autres, ne comprendront pas la langue des Pélasges, Hérodote l’a constaté. On croit retrouver, actuellement, les anciens Pélasges, dans la «forte et loyale race des Chkipétars, batailleurs terribles, mercenaires au service des Turcs. Il serait mieux, sans doute, d’aller à leur recherche en Ithaque, cette nourrice des hommes vaillants et vertueux. Homère vante les belliqueux Lélèges. Il y aurait peut-être une distinction ethnographique à faire entre les Lélèges et les Pélasges, les premiers plus ardents, plus grossiers, et ce seraient alors ces Pélasges dont parle Curtius, et qui, après Platées, s’en furent, pirates, troubler la sécurité des mers.

Venus de l’Asie, ou autochtones, les Pélasges sont le fond aryen, primitif, du monde grec ; les Lélèges, de même origine, avaient subi de fâcheux contacts, déjà, vers l’an 2000 avant notre ère.

Après les Pélasges ou Lélèges, et avant les Hellènes, il y eut, en Grèce, un mouvement de peuples qu’il importe de considérer.

A ce moment, les Pélasges détenaient la Grèce proprement dite, au nord, tandis que la Morée, ou Péloponnèse, soudée à la Grèce continentale par l’isthme de Corinthe, était envahie d’émigrants. L’ensemble du groupe humain qui va résulter du contact des Pélasges et de Lélèges avec les hommes, de races diverses, venus du côté de la mer, va constituer « le monde grec » nouveau. Jupiter et Hercule ont déjà la face aryenne, forte et franche, et le crâne brachycéphale, qu’ils conserveront ; Apollon et Vénus, immigrés, asiatiques, demeureront dolichocéphales.

Ce sont des Égyptiens, des Phéniciens, des Babyloniens et des Libyens, qui vont peupler la Grèce méridionale, toute ouverte. L’intervention de ces hommes remuants, actifs, ambitieux, tourmentés, aptes à toutes les œuvres de la chair, et surtout curieux, va stimuler le calme pélasgique, aryen, très fort, très bon, enthousiaste, mais lent à s’émouvoir, à se donner..

Venus sur leurs nefs aux noirs rameurs, les Égyptiens, — les Éthiopiens pour mieux dire, — épouvantèrent les Pélasges, d’abord. — Le Nil (Neilos) dit Eschyle, ne nourrit pas une race semblable à celle d’Inakhos. — D’après le grand tragique, ceux qui vinrent, étaient des « nomades habitant la terre voisine de l’Éthiopie, et voyageant sur des chameaux ». Cécrops en Attique, Cadmus à Thèbes, Danaüs à Argos, représentent bien l’Égypte. La vache de Mycènes, — Héra, — prend la forme d’Isis ; le roi argien, devenu souverain de l’Égypte, y est adoré partout sous le nom de Sérapis ; et quoi de plus égyptien que le sphinx d’or et les symboles du commandement ?

Ces Égyptiens, ce sont les Aithiopiens irréprochables d’Homère. La femme cornue, Io, la malheureuse vierge vagabonde, c’est Isis, la vierge aux cornes de vache, harcelée par le taon. L’Égyptienne adorable est venue en Hellénie comme esclave, comme gardienne du seuil de Héra, et Zeus, le Jupiter pélasgique, s’en est épris. La Junon hellénique, Héra, impérieuse, jalouse, lance contre Io le bouvier Argos, né de Gaia, né de la terre, autochtone, Pélasge défendant ses dieux : Ô Io, ô jeune fille, s’écrie Prométhée, tu as trouvé un fiancé cruel. Le fils du Zeus pélasgique et de l’Égyptienne Io, — le noir Épaphos, — aura la terre qu’arrose le Nil au large cours. Or la terre qu’arrosait le Nil, alors, c’était toute la terre. La fabulation est donc ici un trait d’histoire positive. Sur la terre grecque méridionale, le premier croisement fut l’Égypto-Pélasgique, et le contact s’étendit de l’extrême sud, du cap Matapan, jusques en Thessalie, au nord.

Les Phéniciens vinrent ensuite, à leur tour, donner aux Pélasges, aux Lélèges et aux Égyptiens, mélangés, — aux Grecs, — l’art nécessaire de l’utilisation fructueuse des choses. Ils importèrent sur le sol grec, comme un produit, et en leur qualité d’intermédiaires, les idées et les instruments des civilisations assyrienne et égyptienne qu’ils détenaient. C’est eux qui amenèrent le dieu Bès d’Égypte, frère du Melkart tyrien, idée et forme premières de l’Hercule. Les patèques sculptés sur l’avant des navires phéniciens, semblables au dieu Phtah de Memphis, débrouilleur du chaos, préparaient le boiteux Vulcain. Ils avaient avec eux, en nombre, des ouvriers, des trafiquants et des artistes. Les maçons de Phénicie ont mis la main aux dernières constructions pélasgiques. Les sculpteurs d’Assyrie et d’Égine obéirent, au même moment, et malgré la distance, aux mêmes inspirations. Au double point de vue de l’art et de la religion, Mycènes et Babylone se trouvent en parallélisme parfait. Il y a, par les rivages grecs, un trait de relations constantes maintenant, et grâce aux Phéniciens, entre toute l’Asie et l’extrémité septentrionale de l’Europe. Le même bronze et le même jade ornent les armes des guerriers chaldéens et des guerriers scandinaves. En Assyrie, on échange des produits de toutes sortes avec le safran qui altère, c’est-à-dire l’ambre de la Baltique. Le système métrique babylonien, importé en Grèce, sert aux mesurages.

L’influence libyenne fut peut-être la plus importante, car elle impressionna les esprits, et mit son sceau, pour ainsi dire, sur les cœurs. Tandis que l’Égypte, un peu trop éthiopienne, donnait aux Grecs cette sérénité calme, mesurée, réfléchie, et très habile, d’où procéderont les philosophes, et que la Phénicie importait en Grèce l’esprit mercantile et disputeur qui ne la quittait jamais, les Libyens, demeurés Aryens, qui n’étaient d’ailleurs que d’anciens Pélasges émigrés, revenaient avec des fables consolantes, vraisemblables, et des mythes admirablement définis, presque des ancêtres : Neptune, si complet, et Pallas, la Pallas Athénée déjà, née en exil, aux pays libyens, vers les bords du Triton.

Les deux villes principales de ce monde nouveau, Thèbes et Argos, ne reçurent pas absolument le même germe. En pleine terre d’Apis, — ce sont les mots d’Eschyle, — les habitants de Thèbes furent tout de suite ces Béotiens calmes, très intelligents, dont le type ne se modifia plus, véritables habitants des bords du Nil, transportés, très doux, persévérants, tenaces, mais excitant les moqueries. Argos, plus aryenne, ayant déjà dans ses murs des hommes, des chefs, des maîtres sans doute, qui n’étaient ni des Pélasges, ni des Lélèges, ni des Phéniciens, apparaît dès son commencement avec un caractère particulier, problématique. Cependant, les filles de Danaüs sont bien libyennes.

Ces groupements se dessinaient vers l’an 2000 ou 1700 avant notre ère. Entre l’an 1500 et l’an 1300, le groupe grec, formé d’un mélange de Pélasges, de Lélèges, d’Égyptiens et de Libyens, avec des Phéniciens occupant le fond des criques, tenant les îles, est assez compacte, assez audacieux, assez fort, pour supplanter la marine marchande phénicienne proprement dite qui, seule, jusqu’alors, avait trafiqué dans l’Archipel. Cette révolution, .très grave, amena des destinées imprévues, extraordinaires, dont nous ressentons encore les conséquences : Chassés de la Méditerranée orientale, les Phéniciens allèrent du côté de l’ouest, virent et passèrent le détroit de Gibraltar, s’en furent aux îles Cassitérides, en Grande-Bretagne, pour y prendre l’étain qu’ils expédièrent aux Hellènes et aux Italiotes.

Une colonie de ces émigrants forcés s’arrêta à Tharsis, en Espagne, pour en exploiter le sol très riche. A ce même moment, des Grecs, — groupe où les Pélasges dominaient, — allaient en Colchide s’emparer de la Toison d’or ; tandis que d’autres, passés en Libye, s’y mélangeaient aux Aryens qui y étaient venus, jadis, d’Italie et de Crète, formant cette coalition Libyo-Pélasgique dont les pharaons furent menacés.

Pendant que les Grecs s’emparaient ainsi du trafic maritime dans la Méditerranée orientale, et se répandaient au loin, intervenant à main armée dans les querelles, un autre mouvement de peuples, plus important encore, se manifestait sur le territoire même de la Grèce. Une « peuplade guerrière », jusqu’alors cantonnée en Thessalie, au nord, s’était levée, descendant au sud, voulant des terres et des ports. Cette peuplade, qui comprenait quatre tribus, — les Achéens, les Éoliens, les Ioniens et les Doriens, — c’était les Hellènes, ayant Hermès pour dieu.

Ainsi, sur le sol grec, trois groupes : les Pélasges, avec Jupiter ; les Grecs, avec Apollon ; les Hellènes, avec Mercure. Les divins Pélasges, les hommes de la terre noire, les enfants des chênes, autochtones, ou venus de Pamire, — qu’importe ? — envahis, furent aussitôt absorbés ; ceux qui vivaient en Achaïe et dans la Phtiotide, se trouvaient déjà mélangés aux Hellènes. La Hellas, la Sainte Hellas d’Hésiode, s’affirmait par l’invasion, venue du nord.

Des quatre tribus helléniques, les Achéens, — race innombrable et courageuse, dit Homère, et dont les cheveux étaient longs et les yeux noirs, — formaient, semble-t-il, sinon le groupe principal, au moins le plus en vue. Ils devaient dominer dans le Péloponnèse, donner aux Hellènes Agamemnon et Ménélas.

Grands buveurs, mêlant le vin vieux dans les cratères, les Achéens étonnaient les Lélèges, et probablement aussi les Éoliens, qui les entouraient. Les Éoliens, répandus plutôt à l’ouest, devaient donner Achille, Podalire, Machaon, Philoctète, Ulysse, Nestor et Ajax. Les Ioniens, volontairement obscurs à l’origine, se dirigèrent vers l’Attique et l’Eubée, marchant aux aurores, pour devenir des Athéniens. Les Doriens, silencieux, hésitants, ne devant convoiter que plus tard le Péloponnèse, campaient aux environs de l’isthme de Corinthe.

Les Hellènes donc, à ce moment, étaient une coalition d’Achéens, d’Éoliens, d’Ioniens et de Pélasges. Des royautés diverses s’étaient affirmées sur quelques points du territoire envahi. L’histoire commençait pour ces Grecs nouveaux.