La Grèce (de 1300 à 480 av. J.-C.)

 

CHAPITRE V

 

 

DE 538 A 529 Av. J.-C. - Cyrus à Babylone. - La Bible refaite. - Aggée, Zacharie, Esdras, Néhémie, Malachie. - Les psaumes. - Mort de Nabuchodonosor. - Bellabarisrouk, Evilmérodach, Nergalsarossor, Bellabarisrouk II, Nabonahid. - Balthazar. - Cyrus Christos. - Chute de Babylone. - Cyrus manque à sa mission. - Départ des Juifs pour Jérusalem. - Zérobabel et Jésus. - Mort de Cyrus.

 

BABYLONE, l’antique et grande cité des Akkads, très riche et très corrompue, idolâtre jusqu’à la répugnance, pleine de l’esprit asiatique, paresseuse au delà de toute mesure, excitait depuis longtemps les convoitises. Les Juifs qui y vivaient hâtaient sa ruine en accentuant davantage la corruption des Babyloniens, en signalant aux Mèdes, en même temps, la faiblesse et la richesse de Babel. Rangez les bataillons contre Babylone, avait crié Jérémie, faites avancer la cavalerie comme un essaim de sauterelles aux ailes redressées ; appelez les peuples à inaugurer la guerre contre elle, les rois de la Médie, leurs capitaines et leurs satrapes, et tous les pays de leur domination, c’est-à-dire, principalement, l’Arménie, le Pont et la Colchide.

La richesse de Babylone provenait surtout du trafic qui s’effectuait entre l’Orient et l’Occident, par l’intermédiaire des marins du golfe Persique et des commerçants de la Phénicie, et qui passait par Térédon et Tadmor (Palmyre), laissant aux mains des gens de Babel de continuels droits de passage. Babylone n’était cependant pas un entrepôt, parce que nul n’y éprouvait ce sentiment de sécurité définitive qui est indispensable aux œuvres du négoce. On considérait les rois de Babylone comme des chefs de bandes toujours prêts à se transporter. L’empire d’Assyrie n’était guère qu’une fiction. On pouvait méditer la ruine de Babylone et prévoir le déplacement du trafic qui l’enrichissait.

Les juifs n’avaient pas cette préoccupation. L’idée que leurs nabis suivaient, c’était la réédification de Jérusalem, la reconstitution du peuple d’Israël, et ils refaisaient la Bible dans ce but. L’impossibilité de rien créer, caractéristique de l’Israélite, fit que les auteurs du Livre nouveau empruntèrent aux croyances et aux lois des races vivant à Babylone, des articles pour le code d’Israël. La divinité juive, omnipotente, y fut décrétée : Élohim avait été le dieu des Hébreux ; Jéhovah devint le dieu des juifs, mélange de l’Ormuzd iranien et de l’Indra védique, mais soutenu de privilèges et sanctionné de peines énumérées. Mais ce dieu, qui n’était que le Jahvé sumérien, le dieu Gal, le dieu qui est, indiscutable, les peuples seront forcés de l’aller chercher à Jérusalem, qui l’exploitera comme un monopole. — En ces jours-là, annonce Zacharie, il y aura que dix hommes de toute langue et nation saisiront le pan de l’habit du Juif, en disant : Nous irons avec vous, car nous avons entendu que Dieu est avec vous.

Les successeurs d’Ézéchiel, formant ou continuant le collège des nabis, se disputeront les formules du code nouveau, subissant chacun des influences diverses, et la Bible ne nous parviendra qu’avec des disparates et des contradictions. Revenus à Jérusalem, Aggée et Zacharie, réagissant contre Ézéchiel et Isaïe II, créant le judaïsme, consommeront la fin d’Israël. Pour eux, la réédification matérielle du Temple primera tout. Esdras et Néhémie croiront mettre le sceau à l’œuvre hébraïque en l’antidatant de douze siècles, en y insérant la coutume d’Israël, en donnant une Loi. Et Malachie sapera l’intention d’Esdras et de Néhémie en utilisant la Loi, devenue dominante, au profit exclusif du sacerdoce. Le dernier prophète d’Israël n’aura que la préoccupation des revenus du culte, du produit des offrandes.

La promulgation d’un code nouveau était nécessaire, les Israélites, — Ézéchiel l’a déclaré, — n’ayant pas voulu suivre les ordonnances, ni pratiquer les ordres de l’Éternel, préférant les lois des autres peuples. La coordination en un livre unique des lois et des préceptes que Babylone avait reçus de l’Égypte, du Touran et de l’Iran, pouvait donner un bon ensemble. Une collection d’œuvres poétiques, arrêtée seulement après la promulgation de la loi, et publiée comme un recueil d’œuvres hébraïques traditionnelles, devait, d’autre part, impressionner ceux que la pure rigidité de la loi laissait indifférents. Au temps de David déjà, les lettrés d’Israël, et le roi lui-même sans doute, avaient recueilli des ouvres littéraires de l’antique Chaldée, des morceaux que les poètes de Sirpula avaient chantés jadis. Ces poésies, gravement psalmodiées sur les bords de l’Euphrate quarante siècles avant la captivité de Babylone, bien avant David par conséquent (4500 av. J.-C.), furent insérées dans la Bible sous le titre de Psaumes et attribuées à David, comme Néhémie, sans hésiter, avait attribué à Moïse le code nouvellement rédigé et promulgué. C’était le sacerdoce s’affirmant. — Que les prêtres se parent pour le triomphe, dit un des psaumes, et que les fidèles chantent de joie.

Le roi de Babylone, Nabuchodonosor, devenu fou, s’étant cru dieu, mangeant de l’herbe comme un bœuf, — comme le bœuf Apis, le dieu de l’Égypte, — mourut (561) laissant le pouvoir à l’archimage Bellabarisrouk, le chef de la caste des Chaldéens. Évilmérodach, le fils de Nabuchodonosor, éloigna l’usurpateur qui avait pris le titre de roi, et manifesta sa bienveillance envers les Juifs, en ouvrant la prison où gémissait Jéchonias, le roi de Juda, qu’il admit à sa table, lui disant de bonnes paroles, lui assignant un siège au-dessus du siège des rois internés à Babel. Dans son palais, somptueux et immense, le roi d’Assyrie avait installé comme eunuques des membres de la famille de David.

Évilmérodach mourut (559) assassiné par Nergalsarossor, le fils de l’archimage Bellabarisrouk. Dès son avènement, Nergalsarossor fut magnifique ; on admira les statues d’argent qu’il avait fait placer dans les différents sanctuaires de la pyramide du tombeau de Bel. Il mourut après quatre ans de règne (555), dans une bataille livrée à l’est de Babylone contre les Perses de Cyrus, ou les Élamites ?

Le fils de Nergalsarossor, Bellabarisrouk II, — le Laborosoarchod de Bérose, — encore enfant, fut vite supplanté par le chef de la caste des Chaldéens, Nabonahid, le Lœbynète d’Hérodote. Ce chef des prêtres devenu roi de Babylone s’accuse, dans une inscription, d’avoir longtemps péché contre la grande divinité, l’invoquant pour le prolongement de sa propre existence, et surtout pour obtenir que son fils Belsarossor, — Bel-Sar-Ousour, le Balthazar de la Bible hébraïque — lui succède sans compétition.

La faiblesse des Babyloniens était arrivée à un tel point, que les Juifs, ouvertement, appelant Cyrus, annonçaient la ruine de Babel, ce colosse aux pieds d’argile. La ville n’était défendue que par des astrologues : Qu’ils se lèvent donc, qu’ils te sauvent, ceux qui compassent le ciel et observent les étoiles ; qui, à chaque nouvelle lune, t’apprennent ce qui doit arriver.

Cyrus entendit l’appel des juifs, et fort de la jalousie de Jéhovah-Çébaôt, il accourut avec ses Perses, les Mèdes et les Élamites groupés sous son commandement. Les prophètes d’Israël célébraient déjà leur victoire : — L’Arc d’Élam obéit à l’Aigle venu de l’Orient. — Ce sont les bataillons sacrés, les ministres de la colère divine qui viennent, avec la mission de détruire Babel. — Cyrus marchera sur les satrapes comme sur de la boue, il les pétrira du pied comme le potier pétrit l’argile. — Cyrus est l’oint du Seigneur, l’exécuteur de ses desseins. — C’est l’Éternel qui le suscite ; il est l’oint par excellence, il est le Messie (Mas’îah). — Les Grecs, traduisant littéralement l’expression, le nommeront Christos.

La vision d’Isaïe avait été nettement formulée : Pareil à l’ouragan quand il éclate au Midi, cela vient du désert, du pays redoutable. Le ravisseur ravit, le destructeur détruit ! Élance-toi, Élam ! Serrez, Mèdes ! Je vais faire cesser les soupirs.

L’armée de Cyrus venait de l’est, par les montagnes, et l’on entendait à Babel le bruit tumultueux des empires et des nations rassemblés. La cavalerie mède, lente et lourde, protégeant les convois d’ânes et de chameaux, descendait vers Babylone, deux à deux, suivie des archers de l’Élam et des Perses portant leur longue épée : Sus aux Chaldéens ! avait crié Jérémie. Épée ! sus à toute cette cohue d’étrangers, pour qu’ils deviennent des femmes ! Épée ! Sus à ses trésors, pour qu’ils soient pillés ! Épée ! Sus à ses canaux, pour qu’ils se dessèchent ! Car c’est un pays d’idolâtres.

Nabonahid, sorti pour arrêter Cyrus, subit une rapide défaite, revint à Babylone pour s’y enfermer. La rencontre avait sans doute épouvanté les Babyloniens et impressionné les soldats de Cyrus : L’un et l’autre ils se regardent stupéfaits ; leurs faces sont pâles, dit un texte.

Les larges murailles de Babel, ses portes toutes hautes, d’airain, verrouillées de fer, n’étaient pas suffisantes ; ne protégeaient pas assez les trésors enfouis dans les lieux secrets. Nabonahid laissa donc à son fils Balthazar le soin de défendre la première enceinte de la ville assyrienne, et il s’en fut, lui, se barricader dans sa citadelle de Borsippa. L’arrivée des Perses sous les murs de la ville n’effraya pas le peuple de Babylone qui se croyait en sûreté et continuait à vivre joyeusement : On dresse la table, on étend le tapis, on mange, on boit...

Babylone, investie, étant très approvisionnée et capable de résister longtemps au blocus des Perses, Cyrus fit détourner les eaux du fleuve qui traversait la ville et, par le lit mis à sec, de nuit, jeta ses troupes dans la cité. Les lueurs de l’incendie, le bruit des portes brisées, les clameurs des messagers allant annoncer au roi la catastrophe, firent une panique épouvantable. Balthazar surpris à sa table fut égorgé. Nabonahid se rendit à Cyrus, qui le fit transporter en Carmanie.

La chute de Babylone, si rapide, véritablement imprévue, étonna le monde : Au cri, Babel est prise ! la terre trembla et l’écho en retentit parmi les nations.

Ce qui avait été dit à la chute de Jérusalem, les moqueries dont on avait accablé le peuple d’Israël succombant, les imprécations qui avaient été proférées, les insultes par lesquelles, lâchement, la haine universelle s’était assouvie, furent rééditées par les prophètes en pleine revanche : Babel était une coupe d’or dans la main de l’Éternel, elle enivrait la terre entière, les nations buvaient de son vin, aussi les nations furent-elles en délire... Soudain, Babel tombe et se brise !... L’enfer, le Séôl, dans ses profondeurs, s’émut de la chute de Babel : — Tous les princes de la terre, tous les rois des nations, élèvent la voix et disent : Toi aussi, Babel, tu t’es donc évanouie comme nous ?... Ton faste est descendu dans la tombe, avec le son de tes guitares ; sous toi, les vers forment ta litière ; la vermine est ta couverture... Descends de ton trône pour t’asseoir dans la poussière, vierge, fille de Babel ! Assieds-toi i terre, fille des Chaldéens. Désormais on ne t’appellera plus la Délicate et la Voluptueuse. Prends les meules et va moudre la farine. Ote ton voile, retrousse ta robe, découvre tes jambes ! Que ta nudité soit découverte, qu’on voie ta honte ! ... — Et le prophète ajoute : Je tirerai vengeance, je n’épargnerai personne.

Israël fut impitoyable à la Babel tombée, esclave et nue. Le roi, privé de sépulture, jeté sous un linceul de morts égorgés par le fer, est comme une charogne foulée aux pieds. L’Éternel, satisfait, en colère contre tous les peuples, ayant achevé son œuvre, terminé son labeur, dissout l’armée céleste désormais inutile et roule le ciel comme un scribe d’Égypte ferait de son papyrus. L’hypocrisie asiatique domine cette effervescence des prophètes délivrés d’une grande peur : Nous avons voulu guérir Babel, mais elle n’a pas voulu l’être. Laissez-la !

Les Perses, malheureusement, victorieux, entraient à Babylone avec la faiblesse aryenne, c’est-à-dire l’irréflexion, la confiance en soi, la bonté sotte. Cyrus et son fils Cambyse songeant à se concilier leurs nouveaux sujets, se prirent à honorer publiquement les dieux de Chaldée, en même temps qu’ils écoutaient avec coin plaisance les séduisantes plaidoiries des juifs pour la réédification de Jérusalem.

Or, pendant qu’il condescendait à entendre les juifs, le roi des Perses et des Mèdes relevait les temples de Babel abattus, rendait hommage aux divinités asiatiques, donnait ce spectacle imprévu d’un Achéménide polythéiste. Les prêtres de Babylone chantèrent la piété, la grandeur et la gloire de Cyrus.

L’exaltation des nabis dépassait toute mesure : Réjouissez-vous, cieux ! Poussez des cris, profondeurs de la terre ! Montagnes, éclatez de joie ! Toi, forêt, avec tous tes arbres ! Car l’Éternel rachète Jacob ; il manifeste sa gloire en Israël ! Ce n’est plus Cyrus qui a pris et détruit Babylone, mais Jéhovah, personnellement : Moi, l’Éternel, j’ai fait tout cela ! Et Jéhovah, par sa bouche, après avoir dicté son rôle à Cyrus : — Il rebâtira ma ville (Jérusalem) et relâchera mes exilés, sans rançon et sans présent, — le récompense, suivant l’usage, en lui distribuant le bien d’autrui : Je donne l’Égypte comme rançon, Kous et Sebâ. Ainsi que Jérémie, jadis, avait signalé aux Chaldéens les trésors de Tyr bons à prendre, de même Isaïe II disposait, au profit des Perses, des richesses de la vallée du Nil, jusqu’à Kous et Sebâ, c’est-à-dire jusqu’à l’Éthiopie, au sud extrême.

Cinquante-deux années après le sac de Jérusalem les juifs obtenaient donc de Cyrus, du chef des Aryens, la possibilité de retourner en Judée, à Jérusalem, pour y relever le temple de ses ruines. Et l’on chantait le grand psaume prophétique : La pierre rejetée par les architectes est devenue la principale de l’angle. C’est par l’Éternel que cela s’est fait. C’est chose admirable à nos yeux.

Dans le texte que donne Esdras de l’édit (536) par lequel Cyrus fit les Juifs libres, le roi des Perses reconnaît que le dieu du ciel, Jéhovah, lui a ordonné de rebâtir le temple à Jérusalem, en Judée. Favorisant l’exode, Cyrus veut que sur la route les gens de chaque endroit aident les Juifs avec de l’argent, de l’or, du bétail et d’autres biens, outre le don volontaire pour le temple de Dieu. Et ayant désigné Sasbasar, un Israélite, comme gouverneur de la Jérusalem nouvelle, il lui fit restituer les vases du temple, d’or et d’argent, que Nabuchodonosor avait emportés.

L’annonce du départ pour Jérusalem produisit peu d’enthousiasme. Les pauvres, les petits, accoururent à la voix des nabis ; mais ceux qui avaient profité de la grande bienveillance du roi d’Assyrie, qui s’étaient bien installés à Babylone, préféraient y demeurer. Et parmi les petits encore, les anciens habitants du royaume de Juda furent les seuls très décidés. C’est pour cela que l’histoire, à dater de ce moment, cesse de parler des- Hébreux et des Israélites pour ne s’occuper que des Judéens, des juifs. Ces derniers seuls, en effet, ou à peu près seuls, partirent avec l’intention de réédifier le temple de l’Éternel et de poursuivre la restauration des institutions monarchiques.

La première caravane fut conduite par Zérobabel, gouverneur civil, et Jésus, — Jéhosoua, Josué, Jésus, — chef de la communauté religieuse. Ce Jésus était le petit-fils du dernier grand-prêtre d’Israël tué par ordre de Nabuchodonosor. Les documents se contredisent quant au nombre des émigrants, les chiffres donnés variant entre vingt-neuf mille et quarante-deux mille ; ils s’accordent à signaler la prépondérance des familles sacerdotales, prêtres, sacrificateurs et lévites. Beaucoup d’éléments étrangers, mêlés à la foule partie, devaient, à Jérusalem, avoir une influence sur les manifestations de l’esprit juif. Il est probable, notamment, que tous les esclaves emmenés n’étaient même pas de race asiatique. Dans sa nomenclature des classes en exode vers Jérusalem, Esdras cite, en un ordre rigoureux, les prêtres, les lévites, les chantres, les portiers (du temple), les serfs, les esclaves, les non-juifs et les familles sacerdotales. L’émigration ne se composant en somme que de pauvres gens, des tribus de Juda et de Benjamin surtout, — ceux qui ne voulaient pas quitter leurs biens, dit Josèphe, étant restés à Babylone, — l’aristocratie se forma des chefs, des prêtres, des prophètes et des vieillards (pères).

La reconstruction de Jérusalem où les Juifs allaient s’organiser en peuple, et la conservation de Babylone où les Perses ne pouvaient que se corrompre au contact des Chaldéens, furent les deux grandes fautes de Cyrus, irréparables. Si bien, que sa personnalité elle-même, pour ainsi dire, s’effaça, disparut, et que l’histoire ne nous dit presque rien du vainqueur après la prise de Babylone. Xénophon parle du conquérant administrant ses domaines ; Hérodote et Ctésias le voient, barbare, écrasant des révoltes, allant mourir tragiquement, huit ans après la chute de Babel (529), chez les Touraniens-Massagètes que commandait la reine Thomyris.

Cyrus, mort, fut enseveli à Pasargades. Sur sa tombe, cinq piliers monolithes, énormes, furent dressés. La figure du roi, sculptée, symbolisa son âme royale, quatre fois ailée, admise à siéger parmi les êtres célestes. L’inscription dit simplement, non sans grandeur : Moi, je suis Cyrus le roi, Achéménide.

L’empire de Cyrus, à la fin, comprenait la Perside et la Susiane, par droit d’héritage ; l’Iran jusqu’à l’Inde, par droit d’élection ; l’Asie-Mineure et Babylone, par droit de conquête ; la Syrie jusqu’à la Méditerranée, l’Égypte et l’Arménie, par droit de suzeraineté consentie. A l’idée fédérative, toute aryenne, s’était substituée dans l’esprit de Cyrus l’idée impériale, toute asiatique, aussitôt qu’il eut pris Babel. Il s’imaginait ainsi grandir sa personnalité, tandis qu’il mentait à son but, dénaturait son œuvre, trahissait à la fois et l’Iran et Zoroastre. L’empire du roi des rois, immense, avait pour limites : à l’orient, l’Indus ; au nord, l’Iaxartés, la mer Caspienne, le Caucase et le Pont-Euxin ; à l’ouest, la Méditerranée, l’Égypte ; au sud, la mer des Indes et le golfe Persique. Mais au centre de cet empire, à Babylone, le vainqueur, le maître, Cyrus, classé dans la hiérarchie chaldéenne, entouré, pressé, jusqu’à l’étouffement, de serviteurs et de fonctionnaires impériaux, innombrables, avait été le prisonnier des Asiatiques et la dupe des Juifs.