LE CARDINAL DE RICHELIEU - ÉTUDE BIOGRAPHIQUE

 

CHAPITRE VIII. — LES LETTRES. - L'ACADÉMIE.

 

 

I. — Richelieu, écrivain et orateur.

 

Richelieu n'était pas un grand écrivain ; il avait des habitudes de raisonnement lentes et compassées, un penchant à l'emphase et à l'abus des figures ; il se complaisait dans l'abondance et le flux du discours. Mais s'il ne sait pas condenser sa pensée ni la parer d'élégance et de grâce, cette pensée est vigoureuse et fière. Sous une phrase molle et diffuse, on sent le nerf et la fermeté de l'idée. A tout moment, du milieu de cette élocution un peu flasque, jaillissent des traits de grandeur et d'énergie. S'il ne vous séduit point par les agréments de la diction, il vous étonne par l'élévation des sentiments et la profondeur du génie ; il est admirable de clarté, de bon sens et d'adresse, dans la discussion, merveilleusement habile à vous faire arriver à une décision sans paraître vous y conduire, à vous imposer sa volonté tout en semblant se ranger à la vôtre[1].

Autre part[2], M. Avenel avait dit : Sans doute, il y a dans les écrits de Richelieu des pensées dont la hauteur vous étonne, dont la flamme vous éblouit, dont le sens profond révèle le grand politique ; sans doute à travers ce style trop souvent diffus, légèrement atteint de l'enflure espagnole et du goût risqué d'Italie, percent çà et là le génie et l'âme de Richelieu ; mais nous ne croyons pas qu'on y trouve deux pages entières belles d'un pur éclat et d'une irréprochable beauté.

Le jugement est vrai, et cependant sévère ; car je ne sais pas, à cette époque, qui écrit mieux que Richelieu, et je suis sûr que nul auteur de ce temps n'eût été capable d'écrire les belles pages que l'on rencontre dans le Testament politique. Jusqu'à Pascal, la prose du Cardinal est encore la meilleure, la plus claire, la plus nerveuse.

Richelieu soigne son style, il se corrige ; il attache une certaine importance à l'orthographe, ce que ne font pas les grands personnages d'autrefois[3]. Il avait à son service plusieurs littérateurs qui revoyaient et corrigeaient ses écrits : Desmarets, Godeau, Chapelain, Gombaud, Bautru, Lescot, évêque de Chartres ; ce dernier était chargé des écrits religieux.

La Lettre déchiffrée (1627) nous apprend que dès lors on remarque le talent d'écrivain du Cardinal, qu'on admire son talent d'orateur, qu'il aime la poésie et s'y livre volontiers, que ses vers sont clairs, purs et coulants, que ses livres de controverse ont le plus grand succès. Quelques-unes de ses lettres donneront une idée juste de sa manière d'écrire, et on lira avec plaisir celles que nous citons ici.

 

A Malherbe.

(En réponse à l'envoi de l'Ode adressée au Roi allant châtier la rébellion des Rochellois.)

15 mars 1628.

Monsieur, j'ai vu vos vers qui font voir que M. de Malherbe[4] est et sera toujours lui-même, tant qu'il plaira à Dieu le conserver. Je ne dirai pas seulement que je les ai trouvés excellents, mais bien que personne de jugement ne les lira qui ne les reconnaisse et avoue tels. Les meilleurs esprits vous doivent cet hommage d'approuver tout ce qui vient du vôtre comme parfait. Je prie Dieu que, d'ici à trente ans, vous nous puissiez donner de semblables témoignages de la verdeur de votre esprit, que les années n'ont pu faire vieillir qu'autant qu'il fallait pour l'épurer entièrement de ce qui se trouve quelquefois à redire en ceux qui ont peu d'expérience. Pour vous donner lieu de passer ce temps commodément, j'écris de bonne encre à M. d'Effiat[5] louchant le mémoire que vous m'avez envoyé, et lui fais connaître que le Roi a tant d'inclination à favoriser les gens de mérite qu'assurément il ferait contre son intention si vos affaires étaient sans recommandation en son esprit. Assurez-vous que j'embrasserai tous vos intérêts comme les miens propres, et que personne n'est plus que moi, etc.

 

Au comte de Cramail[6].

(Après le combat de Veillane.)

13 juillet 1630.

Moins de lignes que vous n'avez reçu de coups vous témoigneront la joie que j'ai que les ennemis aient donné plus de besogne à votre tailleur que d'emploi à votre chirurgien. Je prie Dieu qu'en pareilles rencontres vous ayez toujours plus à dépendre (dépenser) en étoffes qu'en onguents, et que, pour l'avantage du service du Roi et la gloire de ceux qui en ont tant acquis en cette occasion, il s'en trouve souvent de pareilles.

 

Au comte de Charost[7].

(Mestre de camp du régiment de Picardie.)

13 juillet 1630.

Brave Charost, l'honneur de ta race, ces trois mots te feront connaître l'estime qu'on fait de deçà les monts du courage qu'en ces dernières occasions tu as témoigné au champ de Mars, et te donneront lieu de faire savoir de ma part à la valeur de Rambures[8] qu'il n'y a personne qui en fasse plus de cas que moi, ni qui désire plus vous témoigner à tous deux que je suis véritable esclave de votre vertu martiale.

 

Portrait du duc d'Enghien, en 1639.

(Le duc d'Enghien, le futur Grand Condé, est alors âgé de dix-huit ans. Le Cardinal, en écrivant au prince de Condé, lui fait de son fils le portrait suivant[9].)

Je commencerai cette lettre par les bonnes qualités de M. le duc d'Enghien, qui sont telles que vous en devez demeurer content. Il a beaucoup d'esprit, de discrétion et de jugement. Il est crû de plus de deux doigts et croîtra encore, autant qu'on peut juger, de beaucoup. Le respect qu'il a pour vous paraît en toutes ses actions. Je crois qu'il sera de votre prudence de lui choisir cet hiver un vieux gentilhomme bien expérimenté en la guerre[10], et lui donner avec lui plus de liberté en sa conduite. Pour la campagne qui vient, ma pensée est que vous ne voudrez pas qu'il la passe sans la voir, et que vous devez lui permettre de la voir avec le plus vieux maréchal de France qui commande les armées du Roi, afin qu'il sache mieux l'instruire en ce que doit savoir un prince de sa qualité.

Les Mémoires du cardinal de Richelieu sont, avec sa correspondance, la source principale de l'histoire du règne de Louis XIII, bien qu'ils ne soient pas toujours d'une scrupuleuse exactitude et exempts de partialité. Ainsi, dans la première partie des Mémoires, intitulée Histoire de la Mère et du Fils, Richelieu est souvent et volontairement injuste envers le connétable de Luynes. Malgré tout, leur ensemble constitue une œuvre trop importante pour ne pas en parler avec détail.

Richelieu nous apprend[11] qu'une de ses premières pensées, en arrivant aux affaires, fut d'écrire l'histoire de son temps.

Sire, dit-il, lorsqu'il a plu à V. M. me donner part au maniement de ses affaires, je me proposai de n'oublier aucune chose qui pût dépendre de mon industrie pour faciliter les grands desseins qu'Elle avait, aussi utiles à l'État que glorieux à sa personne.

Dieu ayant béni mes intentions jusques à tel point que la vertu et le bonheur de V. M., qui ont étonné le siècle présent, seront en admiration à ceux de l'avenir, j'estimai que les glorieux succès qui lui sont arrivés m'obligeaient à lui faire son histoire, tant pour empêcher que beaucoup de circonstances, dignes de ne mourir jamais dans la mémoire des hommes, ne fussent ensevelies dans l'oubli, par l'ignorance de ceux qui ne les peuvent savoir comme moi, qu'afin que le passé servît de règle à l'avenir. Peu de temps après avoir eu cette pensée, je me mis à travailler, croyant que je ne pouvais commencer trop tôt ce que je ne devais finir qu'avec ma vie. J'amassai non seulement avec soin la matière d'un tel ouvrage, mais, qui plus est, j'en réduisis une partie en ordre et mis le cours de quelques années quasi en l'état auquel je prétendais le mettre au jour.

J'avoue qu'encore qu'il y ait plus de contentement à fournir la matière de l'histoire qu'à lui donner la forme, ce ne m'était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s'était fait qu'avec peine. Comme je goûtais la douceur de ce travail, les maladies et les continuelles incommodités auxquelles la faiblesse de ma complexion s'est trouvée sujette, jointe au faix des affaires, me contraignirent de l'abandonner pour être de trop longue haleine[12].

La première partie des Mémoires, longtemps attribuée à Mézerai[13], a paru, en 1731, à Amsterdam, sous le titre de Histoire de la Mère et du Fils. Elle comprend l'histoire de dix années, 1610-1619. La collection des papiers de Richelieu, conservée aux Archives des Affaires étrangères, prouve que l'ouvrage est bien du Cardinal.

Une lacune de quelques mois existe entre la fin de cette première partie et le reste des Mémoires. M. Ranke a eu la chance de trouver le manuscrit dans le fonds de Saint-Germain, à la Bibliothèque nationale, et il l'a fait connaître dans un mémoire qu'il a adressé à l'Académie des Sciences morales et politiques[14]. Les Mémoires publiés dans les collections Petitot et Michaud et Poujoulat, commencent après le fragment retrouvé par Ranke, et finissent en 1638.

Presque tous les papiers du Cardinal se trouvent aux Archives du ministère des Affaires étrangères, à l'exception de quelques copies des Mémoires qui sont à la Bibliothèque nationale et qui contiennent quelques fragments encore inédits des Mémoires.

Les Affaires étrangères possèdent deux manuscrits des Mémoires. Le premier manuscrit, en neuf volumes, est le manuscrit original, ou plutôt le brouillon de cet ouvrage. Pour les sept années qu'il contient (1624-1630), il est plus complet, et renferme les documents que l'on devait mettre à la fin des volumes comme pièces justificatives. — Le second manuscrit, en huit volumes, comprend les années 1610-1638 ; c'est la mise au net du manuscrit précédent, et celui qui a servi aux éditions de Petitot et de Michaud et Poujoulat. Il est incorrect, renferme des non-sens et manque souvent des pièces auxquelles il renvoie, et qui se trouvent dans le premier manuscrit.

Les matériaux préparés pour les années 1639-1642 sont aussi aux Affaires étrangères, où ils forment dix volumes in-folio : quelques parties seulement sont rédigées. Il y a évidemment à refaire une édition complète et soignée des Mémoires, car les éditions publiées ont trop de lacunes et de fautes.

Les Mémoires de Richelieu, dit M. Avenel, ont été composés de son vivant, dans son cabinet, par des gens à lui, avec des matériaux qu'il avait préparés pour cet usage ; mais le travail n'a pas été revu par lui et il contient de nombreuses fautes. Dès son arrivée aux affaires, Richelieu, en vue d'écrire l'histoire de son ministère, rassembla toutes les pièces importantes, les lettres qu'il écrivait, celles qu'on lui adressait, plusieurs morceaux rédigés d'après ses ordres par plusieurs écrivains, quelques documents imprimés, tels que des articles de la Gazette ou du Mercure dont il était l'auteur. Tous ces papiers, classés chronologiquement, avec beaucoup d'ordre, dans des portefeuilles ou des coffres, ont pour la plupart servi de base aux Mémoires et y sont entrés. Richelieu préparait, fondait ces pièces dans un projet de narration générale et y ajoutait des réflexions. Les secrétaires mettaient au net, en donnant à l'ensemble le caractère d'une narration suivie. Quelquefois le Cardinal écrivait une ou deux pages sur certains événements.

L'œuvre, qui a une grande valeur historique, n'en a pas au point de vue littéraire. Le procédé de la rédaction s'y est opposé. Presque toujours ce sont des lettres qu'on a transformées en récits, au milieu desquels on a intercalé des documents importants. Çà et là il y a des traits vigoureux, des portraits dessinés de main de maître, mais presque partout le style est lourd et se traîne. On ne trouve dans les Mémoires rien autre chose que l'histoire du ministère du Cardinal : rien sur sa vie privée. C'est une histoire en réalité bien plus que des Mémoires[15].

Il a paru, pendant la Fronde, en 1648, un Journal de M. le cardinal-duc de Richelieu qu'il a fait durant le grand orage de la Cour en l'année 1630 et 1631. Une partie de ces notes, fort curieuses, est certainement du Cardinal, et les Frondeurs publièrent ce journal, hostile à Anne d'Autriche, évidemment pour attaquer la régente[16].

Le plus beau livre du Cardinal est à coup sûr son Testament politique. Le style en est généralement net, élevé, nerveux comme les pensées qu'il exprime, et on y rencontre souvent de très belles pages. Nous avons déjà dit qu'obligé de renoncer à écrire ses Mémoires, Richelieu s'était décidé à composer son Testament politique : nous citons ici la fin de la lettre adressée à Louis XIII, où le ministre dit au Roi quel est son but en rédigeant ce dernier ouvrage[17].

Étant réduit en cette extrémité de ne pouvoir faire en ce sujet ce que je désirais avec passion pour la gloire de votre personne et pour l'avantage de votre État, j'ai cru qu'au moins je ne pouvais me dispenser de laisser à V. M. quelques mémoires de ce que j'estime le plus important pour le gouvernement de ce royaume, sans en être responsable devant Dieu.

Deux choses m'obligent à entreprendre cet ouvrage. La première est la crainte et le désir que j'ai de finir mes jours avant que le cours des vôtres se termine. La seconde est la fidèle passion que j'ai pour les intérêts de V. M., laquelle me fait non seulement désirer de la voir comblée de prospérité durant ma vie, mais me fait souhaiter ardemment d'avoir lieu d'en pouvoir voir la continuation, lorsque le tribut que chacun doit payer à la nature m'empêchera d'en pouvoir être le témoin.

Cette pièce verra le jour sous le titre de mon Testament politique, parce qu'elle est faite pour servir après ma mort à la police et à la conduite de votre royaume, si V. M. l'en juge digne ; parce qu'elle contiendra mes derniers désirs à cet égard, et qu'en vous la laissant, je consigne à V. M. tout ce que je lui puis léguer de meilleur quand il plaira à Dieu m'appeler de cette vie. Elle sera conçue en termes les plus courts et les plus nets qu'il me sera possible, tant pour suivre mon génie et ma façon d'écrire ordinaire, que pour m'accommoder à l'humeur de V. M. qui a toujours aimé qu'on vînt au point en peu de mots, et qui fait autant d'état de la substance des choses qu'Elle appréhende les longs discours dont la plupart des hommes se servent pour les exprimer.

Si mon ombre, qui paraîtra dans ces Mémoires, peut, après ma mort, contribuer quelque chose au règlement de ce grand État, au maniement duquel il vous a plu me donner plus de part que je n'en mérite, je m'estimerai extrêmement heureux. Pour parvenir à cette fin, jugeant avec raison que le succès qu'il a plu à Dieu donner, par le passé, aux résolutions que V. M. a prises avec ses plus fidèles créatures, est un puissant motif pour la convier à suivre les avis que je lui veux donner pour l'avenir, je commencerai cet ouvrage en lui mettant devant les yeux un tableau raccourci de ses grandes actions passées, qui la comblent de gloire et peuvent être dites, à juste titre, le fondement solide de la félicité future de son royaume[18]....

Le Testament politique traite du clergé, des monastères et de l'obéissance que l'on doit au Pape, des lettres et de l'enseignement, auxquels il assigne une des premières places, de la noblesse, des moyens d'arrêter les duels, du Tiers-État, de la justice et de ses désordres, des officiers des finances, du peuple, de l'État, dont la raison doit être la seule règle, du Roi, de sa Maison, de ses conseillers. Tiennent ensuite des chapitres consacrés à la politique proprement dite, aux frontières, à l'armée, à la marine, au commerce, à l'économie politique. Toutes les questions politiques, administratives et militaires sont abordées et résolues, au point de vue de la monarchie absolue, raisonnable et honnête, avec une hauteur et une sûreté de jugement qui étonnent par ce temps de bavardage des politiciens.

La première édition du Testament politique parut en 1688. Foncemagne en a donné une excellente en 1764, dans laquelle il réfuta l'opinion que Voltaire avait émise sur l'authenticité du Testament politique. Voltaire soutenait que ce livre n'était pas l'œuvre du Cardinal : Foncemagne prouva qu'il était son ouvrage, et l'opinion de Foncemagne a passé à l'état de certitude absolue depuis que M. Gabriel Hanotaux a publié[19] les Maximes d'État et fragments politiques du cardinal de Richelieu[20].

La collection des Lettres, instructions et papiers d'État du cardinal de Richelieu, publiée par M. Avenel[21], est aussi à mentionner comme l'une des œuvres principales du grand ministre. On le trouve encore là tout entier : politique, diplomate, administrateur, organisateur militaire, en action cette fois, non plus en théorie comme dans le Testament[22].

L'abbé de Joly[23] attribue à Richelieu les ouvrages historiques suivants :

Relation fidèle de tout ce qui s'est passé en Italie l'an 1630, entre les armées de France et celles de l'Empereur, du roi d'Espagne et du duc de Savoie. Paris, 1631, in-8°.

Relation de ce qui s'est passé pendant le séjour du Roi à Dijon et depuis qu'il en est parti jusqu'au 8 avril 1631. 1631, in-8° et in-4°.

Remontrance à Monsieur par un Français de qualité. 1631, in-8°.

Relation du siège et de la reddition d'Arras. Paris, 1640[24].

La duchesse d'Aiguillon fit imprimer les œuvres religieuses de son oncle en 1646[25]. Lescot, évêque de Chartres, l'abbé de Bourzéis, Chapelain et Desmarets furent chargés de cette publication, qui fut faite avec beaucoup de soins. La duchesse eut aussi l'intention de faire achever la rédaction des Mémoires du Cardinal et de les publier. Elle s'adressa à Patru, qui ne consentit à entreprendre cette tâche longue et difficile qu'à la condition d'obtenir pour son travail une rente viagère de 3.000 livres[26]. Le projet fut abandonné, et, en 1705, tous les papiers du Cardinal furent enlevés à la famille par ordre de M. de Torcy, ministre des Affaires étrangères, et enfouis dans les cartons de son ministère jusqu'à nos jours.

Richelieu fut un orateur de grande réputation. Nous avons déjà parlé de son discours de 1615[27] et donné un extrait de cette célèbre harangue qui commença sa fortune politique.

En 1634, au lit de justice tenu le 18 janvier, le Cardinal fit un discours qui eut un grand retentissement[28] : la Gazette du 21 janvier en rendit compte ainsi qu'il suit :

L'éloquence sans pareille de Son Éminence et la parfaite connaissance qu'il a de cette matière lui en rendit le discours si facile et si agréable à ceux qui l'écoutaient, que tandis qu'il dura on ne vit jamais une telle attention, dont les yeux de toute l'assemblée fixement arrêtés sur lui, leurs oreilles attachées à sa parole et leurs corps immobiles étaient des signes certains ; comme leur approbation unanime, éloignée de tout soupçon de flatterie, le fut de leur ravissement, tel que cette grande et célèbre audience ne se pouvait lasser de l'entendre, et ne trouva rien à dire en cet excellent discours que sa brièveté, bien qu'il eût duré près d'une heure.

Comme un ministre de nos jours, Richelieu était venu devant le Parlement, non pas rendre compte de son administration, mais la faire connaître en en faisant l'apologie en même temps que celle du Roi, derrière lequel il s'abritait. Il réfuta les reproches faits à son gouvernement par ses ennemis ; il repoussa le blâme qu'on avait lancé contre ses alliances avec les États protestants ; il défendit les mesures sévères qu'il avait prises contre la Reine-Mère et Monsieur ; il déclara que le Roi ne désirait que la paix et le soulagement du peuple. Il affirma que la main de Dieu était visible dans la conduite et dans le succès des affaires.

Richelieu est un esprit novateur et moderne ; il crée la presse et se sert de la publicité comme moyen d'action ; il parle à une grande assemblée, et, tout en faisant son panégyrique, il cherche à convaincre, par sa puissante parole, ceux qui l'écoutent. Ce besoin de publicité et de faire connaître sa politique ainsi que les raisons qui le font agir, est un fait unique dans notre ancienne histoire ; c'est bien la mise en pratique de la maxime du Testament politique : la raison seule doit être la règle de la monarchie.

 

II. Protection et bienveillance du Cardinal envers les gens de lettres.

(Extrait d'Aubery.)

 

Dans la lettre de remercîment qu'il écrivit de Lyon à Messieurs de Sorbonne qui l'avaient élu Proviseur de leur Maison, environ le même temps qu'il fut créé cardinal, et l'avaient préféré, étant absent, à plusieurs autres qui briguaient avec empressement ce même honneur, il leur témoigna qu'il avait reçu plus de joie de cette nouvelle que de celle de sa promotion au cardinalat.

Ayant une parfaite connaissance de la poésie et des Muses françaises, il s'y divertissait volontiers, et se plaisait souvent de fournir les sujets et de travailler lui-même aux comédies nouvelles, en l'une desquelles, qui n'a pas été imprimée, il y avait jusqu'à 500 vers de sa façon. Tellement que ne jugeant pas cette étude indigne de lui, ni incompatible avec les affaires, il fit représenter au Roi qu'une des plus glorieuses marques de la félicité d'un État était que les lettres y fussent en honneur aussi bien que les armes, et qu'il ne lui restait plus, après avoir fait tant d'exploits mémorables, que d'ajouter les choses agréables aux nécessaires et l'ornement à l'utilité, en contribuant aux progrès de l'éloquence française.

C'est pourquoi il fit expédier au mois de janvier 1635 des Lettres du Grand-Sceau, par lesquelles S. M. autorisait dorénavant les assemblées qui se feraient pour cela sous le nom de l'Académie française ; limitait le nombre des personnes qui en seraient à quarante, et l'en nommait chef et protecteur, avec pouvoir d'ordonner ce qu'il trouverait à propos pour les nouveaux officiers et les statuts ou règlements nécessaires.

L'on a remarqué que les trois officiers[29], avec M. de Boisrobert, lui étant venus présenter les projets de statuts, n'entendirent jamais mieux parler que le Cardinal fit en cette rencontre[30]. Il répondit à la harangue de celui qui portait la parole comme s'il l'eût vue longtemps auparavant et qu'il eût eu le loisir de se préparer sur tous les chefs, et presque sur tous les mots qu'elle contenait. Il parla premièrement pour l'Académie en général, puis aux quatre députés, et enfin à chacun d'eux, mais si à propos et avec tant de grâce, de civilité, de majesté et de douceur, qu'il les ravit tous en admiration.

Il se fit laisser les statuts pour les voir et les renvoya quelque temps après, les ayant tous approuvés et signés, à la réserve d'un seul qui lui sembla trop à son avantage, par lequel chacun des académiciens promettait de révérer la vertu et la mémoire de Monseigneur leur Protecteur. Il désira que cet article fût ôté, et la Compagnie ordonna qu'il le serait, pour obéir à S. Ém., mais qu'il en serait fait mention dans les registres.

Il sera encore bon de remarquer ce qui se passa au remercîment que lui alla faire M. de Vaugelas, sur ce qu'il lui avait plu de lui commettre le principal soin du nouveau dictionnaire français, et de lui faire pour cela rétablir une ancienne pension de 2.000 livres dont il n'était plus payé. Car on dit que le voyant entrer dans sa chambre, il s'avança avec cette majesté douce et riante qui l'accompagnait presque toujours, et lui dit : Eh bien, Monsieur, vous n'oublierez pas du moins dans le dictionnaire le mot de Pension. Sur quoi Vaugelas, lui faisant une profonde révérence, lui repartit, avec autant de présence d'esprit que de ressentiment : Non, Monseigneur, et moins encore celui de Reconnaissance.

Dans l'opinion qu'il avait que les Lettres ne contribuaient pas moins à la réputation d'un État que les Armes faisaient à sa sûreté, il ne put souffrir qu'un Français comme M. de Saumaise[31] fût l'ornement des pays étrangers, et qu'il y rendît le service qu'il devait à sa patrie. C'est pourquoi lui ayant fait offrir de grands appointements, en cas qu'il voulût revenir en France, l'on croit que M. de Saumaise les eût infailliblement acceptés, s'il eût pu être assuré de la continuation de la fortune et de la vie de notre Mécénas.

Il ne savait point de personnes signalées, soit en la poésie, en l'histoire ou dans quelque art que ce fût, qu'il ne fût bien aise d'obliger, et à qui effectivement il ne donnât 400.600.900, 1.000 et jusqu'à 1.200 livres de pension. J'en ai recouvré une liste assez exacte et y ai remarqué entre plusieurs autres MM. de Silhon[32], Chapelain[33], Faret[34], Scudéry[35], Colletet[36], Baro[37], Rotrou[38], L'Estoile[39], Tristan[40], Corneille[41], Benserade[42], La Mothe le Vayer[43], Du Chêne[44], Mézerai[45], Duret[46], Baudier[47]. Et certes, si autrefois les Lacédémoniens avant que de combattre sacrifiaient aux Muses, afin que leurs beaux exploits fussent dignement écrits, il semblait que notre Cardinal eût à peu près la même pensée et témoignât faire cas des personnes capables de publier avantageusement ses belles actions.

Il prenait même un soin particulier de leurs pensions, voulant qu'ils en fussent payés exactement dès les premiers jours de l'année et sans aucun déchet. C'est pourquoi, se devant faire un décri[48] des monnaies sur la fin du mois de janvier, S. Ém. s'avisa, pour leur sauver le dommage qu'ils en eussent pu souffrir, d'enjoindre au sieur Des Bournais, son premier valet de chambre, qui avait soin des pensions, d'en différer le paiement jusqu'à ce qu'il lui dit. Cependant la plupart étant allés, au terme ordinaire, pour recevoir leurs pensions, furent extrêmement surpris de la réponse que leur fit Des Bournais, qu'ils eussent un peu de patience, et eurent peur que ce ne fût pas tant un délai de peu de jours qu'un retranchement pour toujours. Mais l'a larme n'ayant duré que jusqu'à la fin du mois, ils reçurent cette singulière marque de bonté, avec de nouveaux ressentiments et d'extraordinaires témoignages de reconnaissance.

Et souvent il ne se contentait pas des pensions et des gratifications ordinaires qu'il leur faisait, mais il en ajoutait encore d'extraordinaires et les comblait de nouveaux bienfaits, selon les sujets ou les rencontres qui le pouvaient mériter.

Feu M. Colletet lui étant allé porter, à Ruel, une certaine pièce comique qu'il lui avait ordonnée, M. le Cardinal s'arrêta sur deux vers entre autres, qu'il se fit relire exprès, et lui dit que ces deux vers seuls valaient bien 50 pistoles. Ce qu'ayant pris d'abord pour un compliment, M. Colletet reconnut dans la suite qu'il y avait quelque chose de plus, et en reçut effectivement avant que de partir un rouleau de 50 pistoles qu'il lui donna de sa main.

L'anecdote à laquelle Aubery fait allusion est celle-ci.

Colletet avait été chargé de faire le prologue de la comédie des Tuileries. Lorsque le poète vint lire ses vers au Cardinal, celui-ci admira surtout la description du rond d'eau et fut enthousiasmé d'y voir

La cane s'humecter de la bourbe de l'eau,

D'une voix enrouée et d'un battement d'aile

Animer le canard qui languit auprès d'elle.

Il voulut que Colletet remplaçât le premier vers par celui-ci :

La cane barboter dans la bourbe de l'eau,

mais Colletet résista et une correspondance sérieuse s'engagea à ce sujet entre le poète et le ministre[49].

Tout grand homme a ses petitesses ou ses travers.

Richelieu se servit des gens de lettres et des érudits pour les besoins de sa politique, et établir, sur des faits bien constatés, ses opinions et ses projets.

En 1631, il employa Dupuy et Godefroy, historiographes du Roi, à de grands travaux d'histoire, à faire des recherches sur les brouilleries entre les rois et leurs frères, et leurs mères, et sur le maintien (soutien) que les rois ont donné à leurs ministres contre ceux qui les ont choqués (attaqués)[50]. Il préparait alors des moyens de défense et de procédure contre Gaston. En 1635, au moment de la déclaration de guerre à l'Espagne, il fait rechercher tous les documents relatifs à l'histoire des guerres de François Ier et de Henri II contre Charles-Quint. Ce fut l'évêque de Chartres, M. de Valençay, avec qui le Cardinal était très lié, qui fit ce travail[51]. En 1641, Godefroy fut chargé de rassembler des documents sur la Lorraine, que le Roi entendait gardera[52]. Pierre Dupuy, le savant archiviste, était l'un des principaux érudits dont se servait le Cardinal. Il rassembla aussi des documents sur la Lorraine pour en justifier la prise de possession. Dupleix travailla aussi pour le Cardinal[53].

 

III. — Fondation de l'Académie française.

 

L'Académie française, dit Pellisson[54], n'a été établie par édit du Roi qu'en l'année 1635, mais on peut dire que son origine est de quatre ou cinq ans plus ancienne. Ceux qui la commencèrent ne pensaient presque à rien moins qu'à ce qui en arriva depuis. Environ l'année 1629, quelques particuliers logés en divers endroits de Paris, ne trouvant rien de plus incommode dans cette grande ville que d'aller fort souvent se chercher les uns chez les autres sans se trouver, résolurent de se voir un jour de la semaine chez l'un d'eux. Ils étaient tous gens de lettres et d'un mérite fort au-dessus du commun : M. Godeau, maintenant évêque de Grasse, qui n'était pas encore ecclésiastique, M. de Gombauld, M. Chapelain, M. Conrart, M. Giry, feu M. Habert, commissaire de l'artillerie, M. l'abbé de Cérisy, son frère, M. de Serizay et M. de Malleville. Ils s'assemblaient chez M. Conrart, qui s'était trouvé le plus commodément logé pour les recevoir et au cœur de la ville, d'où tous les autres étaient presque également éloignés. Là ils s'entretenaient familièrement, comme ils eussent fait en une visite ordinaire, et de toutes sortes de choses, d'affaires, de nouvelles, de belles-lettres. Que si quelqu'un de la Compagnie avait fait un ouvrage, comme il arrivait souvent, il le communiquait volontiers à tous les autres, qui lui en disaient librement leur avis ; et leurs conférences étaient suivies, tantôt d'une promenade, tantôt d'une collation qu'ils faisaient ensemble. Ils continuèrent ainsi trois ou quatre ans, et comme j'ai ouï dire à plusieurs d'entre eux, c'était avec un plaisir extrême et un profit incroyable. De sorte que quand ils parlent encore aujourd'hui de ce temps-là, et de ce premier âge de l'Académie, ils en parlent comme d'un âge d'or, durant lequel avec toute l'innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l'amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant.

Ils avaient arrêté de n'en parler à personne ; et cela fut observé fort exactement pendant ce temps-là. Le premier qui y manqua fut M. de Malleville : car il n'y a point de mal de l'accuser d'une faute qu'un événement si heureux a effacée. Il en dit quelque chose à M. Faret, qui venait alors de faire imprimer son Honnête homme, et qui, ayant obtenu de se trouver à une de leurs conférences, y porta un exemplaire de son livre qu'il leur donna.

Il s'en retourna avec beaucoup de satisfaction, tant des avis qu'il reçut d'eux sur cet ouvrage que de tout ce qui se passa dans le reste de la conversation. Mais comme il est difficile qu'un secret que nous avons éventé ne devienne tout public bientôt après, et qu'un autre nous soit plus fidèle que nous ne l'avons été à nous-mêmes, M. Desmarets et M. de Boisrobert eurent connaissance de ces assemblées, par le moyen de M. Faret. M. Desmarets y vint plusieurs fois et lut le premier volume de l'Ariane, qu'il composait alors. M. de Boisrobert désira aussi d'y assister, et il n'y avait point d'apparence de lui en refuser l'entrée ; car, outre qu'il était ami de la plupart de ces messieurs, sa fortune même lui donnait quelque autorité et le rendait plus considérable. Il s'y trouva donc, et quand il eut vu de quelle sorte les ouvrages y étaient examinés, et que ce n'était pas là un commerce de compliments et de flatteries où chacun donnait des éloges pour en recevoir, mais qu'on y reprenait hardiment et franchement toutes les fautes jusqu'aux moindres, il en fut ravi de joie et d'admiration.

Il était alors en sa plus haute faveur auprès du cardinal de Richelieu, et son plus grand soin était de délasser l'esprit de son maître, après le bruit et l'embarras des affaires, tantôt par ces agréables contes qu'il fait mieux que personne du monde, tantôt en lui rapportant toutes les petites nouvelles de la Cour et de la ville, et ce divertissement était si utile au Cardinal, que son premier médecin, M. Citois, avait accoutumé de lui dire : Monseigneur, nous ferons tout ce que nous pourrons pour votre santé ; mais toutes nos drogues sont inutiles, si vous n'y mêlez un peu de Boisrobert.

Parmi ces entretiens familiers, M. de Boisrobert, qui l'entretenait de tout, ne manqua pas de lui faire un récit avantageux de la petite assemblée qu'il avait vue, et des personnes qui la composaient : et le Cardinal, qui avait l'esprit naturellement porté aux grandes choses, qui aimait surtout la langue française, en laquelle il écrivait lui-même fort bien, après avoir loué ce dessein, demanda à M. de Boisrobert si ces personnes ne voudraient point faire un corps et s'assembler régulièrement, et sous une autorité publique. M. de Boisrobert ayant répondu qu'à son avis cette proposition serait reçue avec joie, il lui commanda de la faire et d'offrir à ces Messieurs sa protection pour leur Compagnie, qu'il ferait établir par lettres patentes, et à chacun d'eux en particulier son affection, qu'il leur témoignerait en toutes rencontres.

La Compagnie, après quelques hésitations, accepta la protection que lui offrait le Cardinal, augmenta le nombre de ses membres en s'adjoignant quelques personnages importants, tels que Servien et le garde des sceaux Séguier, organisa son administration et prit le nom d'Académie française. Ainsi constituée, l'Académie écrivit au Cardinal pour le prier de vouloir bien lui accorder son puissant patronage. Richelieu répondit à cette demande en faisant expédier en janvier 1635 les lettres patentes du Roi, qui établissaient l'Académie française. Elles avaient été rédigées par Conrart, secrétaire de la Compagnie[55].

L'embellissement de la langue, comme dit la Gazette, n'était pas le seul motif qui avait fait agir le Cardinal : il aimait les lettres et connaissait leur puissance ; il était bien aise de faire un groupe de quarante littérateurs, en général dévoués à sa personne et choisis parmi les plus considérables, de s'appuyer sur eux et de se servir de leur opinion ou de leur plume pour se défendre contre les attaques dont il était l'objet.

 

IV. — Le Cid.

 

L'un des Cinq Auteurs, Corneille, fit représenter sur le théâtre de Mondory, à la fin de 1636, la tragédie du Cid, dont il avait emprunté le sujet à l'Espagnol Guilhem de Castro[56]. La beauté de la tragédie de Corneille, son incomparable supériorité sur toutes celles qui l'avaient précédée, lui valut un immense succès au théâtre, au Louvre, au Palais-Cardinal, où elle fut représentée deux fois. Anne d'Autriche fut enchantée de cette tragédie qui glorifiait l'Espagne et mettait l'un de ses héros sur un admirable piédestal poétique. Tout au contraire Richelieu fut mécontent : Louis XIII venait de déclarer la guerre à l'Espagne ; il avait défendu les duels[57], et Corneille faisait, en vers magnifiques, l'apologie du duel et soulevait l'opinion en faveur de la patrie du Cid. Sa tragédie semblait être une protestation contre la politique de Louis XIII et du Cardinal. Rien de plus naturel donc que le mécontentement de Richelieu contre Corneille. Que Richelieu, qui avait la faiblesse de vouloir être aussi auteur dramatique, ait éprouvé quelque sentiment jaloux devant le succès éclatant du Cid, c'est possible, probable même ; qu'il ait ri aux plaisanteries de Boisrobert, à celle-ci surtout : Rodrigue, as-tu du cœur ?Je n'ai que du carreau, on peut l'admettre ; mais il est inadmissible que la jalousie soit la seule raison de son mécontentement.

Nul n'a mieux compris et raconté l'histoire de cette querelle littéraire que Michelet ; aussi lui empruntons-nous les pages suivantes :

Le Cid, présenté comme une imitation de l'espagnol, allait droit à la Reine. Il fut représenté chez elle au Louvre. Richelieu fut surpris. Cet incident si grave échappa à sa surveillance.

Le coup parti, tout fut fini ; impossible d'y revenir. Dès la première représentation, les applaudissements, les trépignements, les cris, les pleurs, un frénétique enthousiasme. Joué au Louvre, joué à Paris, joué chez le Cardinal, qui le subit sur son théâtre, supposant très probablement que sa désapprobation souveraine, toujours si redoutée, tuerait la pièce, ou tout au moins verserait aux acteurs, aux spectateurs, une averse de glace ; que les uns n'osant bien jouer, ni les autres applaudir, le Cid périrait morfondu.

Phénomène terrible ! Chez le Cardinal même et devant lui, le succès fut complet. Acteurs et spectateurs avaient pris l'âme du Cid. Personne n'avait plus peur de rien. Le ministre resta le vaincu de la pièce, aussi bien que don Sanche, l'amant dédaigné de Chimène.

Contre cette erreur du public, le tout-puissant ministre, n'ayant nulle ressource en la force, fut obligé de faire appel au public même, au public des lettrés contre celui des illettrés, aux écrivains contre la cour et la ville ignorantes.

Richelieu s'adressa donc à l'Académie française, qu'il venait de créer : dans une séance solennelle d'ouverture qu'il fit chez lui, le 10 juillet 1637, il dénonça le Cid à l'assemblée.

L'Académie naissante, dit Michelet, ne se souciait nullement de débuter par contredire l'opinion. Il fallut les ordres précis, et même une menace brutale du ministre, pour qu'elle obéît : Je vous aimerai comme vous m'aimerez, dit-il. Évidemment il menaçait de supprimer leurs pensions.

On sait le jugement faible et froid, médiocre, parfois judicieux, parfois timidement complaisant, que l'Académie publia, et l'insultante critique du ridicule capitan Scudéry et les lâches injures de Mairet, jusque-là maître de la scène, qui s'avoua jaloux et releva encore par là le succès de Corneille.

Aurait-on pu en 1637, après le Cid, ce qu'on avait pu en 1626, punir de mort l'obstiné duelliste revenu pour se battre sous les croisées du Roi ? Non, l'édit était aboli, la scène avait vaincu les lois ; sur Richelieu planait Corneille.

La campagne s'ouvrait. De quel cœur la noblesse allait-elle se battre contre les descendants du Cid, ces Espagnols aimés et admirés. Français et Espagnols allaient penser également que l'ennemi n'était qu'à Paris, l'ennemi commun, Richelieu.

Et nous savons que beaucoup de gens, la famille du Roi surtout, étaient de cet avis.

 

V. — La Gazette et la publicité.

 

Richelieu n'aimait pas seulement les lettres pour l'agrément et la culture de l'esprit, mais aussi pour l'utilité que ses intérêts et son gouvernement pouvaient en retirer.

Il se servit des écrivains pour diriger l'opinion, pour se défendre ou attaquer ses ennemis, pour faire l'apologie de son gouvernement. Après avoir, au début de sa carrière politique, pris part à la rédaction de divers bleuets, il fonda la Gazette, la dirigea et travailla souvent à sa rédaction. Il employa le Mercure françois, revue historique et politique[58], à la publication de documents qu'il voulait faire connaître au public. Il fit aussi imprimer de nombreux livrets contenant des déclarations graves contre Gaston, ou contre d'autres personnages compromis dans les conspirations et les intrigues sans cesse renaissantes contre l'État.

En réalité, c'est Richelieu qui a créé la presse en France, mais une presse non libre et entièrement à ses ordres.

Il faisait même débiter, au Pont-Neuf, qui était alors un grand centre d'affaires et un lieu de promenade très fréquenté, il y faisait débiter, par ses agents, les nouvelles qu'il voulait répandre.

La Gazette parut en 1631. Son fondateur fut Théophraste Renaudot, médecin à Paris, mort en 1653. Renaudot dirigeait son journal à l'aide des nombreuses correspondances que son ami d'Hozier, le célèbre généalogiste, avait en France et à l'étranger. Le Cardinal, qui comprit tout de suite de quelle utilité lui pouvait être, pour agir sur l'opinion, la Gazette, encouragea Renaudot, soutint son entreprise et lui envoya de nombreuses communications. La Gazette a duré jusqu'en 1792, et la collection compte 162 volumes.

Le premier numéro, de quatre pages, parut le 30 mai 1631 ; le format est petit in-4°. La Gazette était hebdomadaire, mais Renaudot publiait très souvent des suppléments. Le siège de la rédaction et de la vente était au Bureau d'adresse, au Grand-Coq, rue de la Calandre[59].

Nous croyons devoir publier, pour faire connaître le ton de la presse naissante, la dédicace au Roi que Renaudot mit en tête du premier volume de son journal.

 

Dédicace de la Gazette de France au Roi.

Sire, c'est bien une remarque digne de l'histoire, que dessous soixante-trois rois, la France, si curieuse de nouveautés (nouvelles), ne se soit point avisée de publier la Gazette ou recueil par chaque semaine des nouvelles tant domestiques (de France) qu'étrangères, à l'exemple des autres États et même de tous ses voisins. Mais ce ne peut être sans mystère qu'elle ait attendu pour ce faire le vingt et unième an du règne de V. M., célèbre par les avantages qu'elle a remportés sur tous ses ennemis et par la prospérité de ceux qu'il lui a plu favoriser de sa protection et bienveillance.

Jusques ici l'heur (le bonheur) et la valeur de V. M., Sire, ont mis les affaires de ce royaume à un point qui sert de panégyrique éternel et d'apologie effective au Premier Ministre de votre État, chacun reconnaissant que V. M., par ses divins conseils, est plus absolue chez soi, plus chérie de ses alliés, redoutée de ses ennemis et respectée de tout le monde, bref s'est acquis plus de gloire au près et au loin que tous ses devanciers ensemble. Ce sont les louanges que la vérité tire aujourd'hui des bouches autrefois les plus venimeuses que les pères racontent à leurs enfants et dont les compagnies s'entretiennent pour en conserver la mémoire.

Mais, Sire, la mémoire des hommes est trop labile[60] pour lui fier (confier) toutes les merveilles dont V. M. va remplir le Septentrion et ensuite tout le Continent[61]. Il la faut désormais soulager par des écrits qui volent comme en un instant du Nord au Midi, voire par tous les coins de la terre. C'est ce que je fais maintenant, Sire, d'autant plus hardiment que la bonté de V. M. ne dédaigne pas la lecture de ces feuilles. Aussi n'ont-elles rien de petit que leur volume et mon style. C'est au reste le journal des rois et puissances de la terre. Tout y est par eux et pour eux qui en sont le capital, les autres personnages ne leur servent que d'accessoire.

Ainsi V. M. va prendre le même plaisir (mais à meilleur titre) qu'autrefois Énée se voyant mêlé parmi les autres princes, dans les tableaux que je vais peindre de ses victoires, et ce pendant lui offrir en toute humilité ce recueil de toutes mes Gazettes de cette année, laquelle je finirai par mes prières à Dieu, qu'autant que sa protection est assurée à cet État, elle accompagne partout V. M., qui en est la vie et le bonheur inséparable. Sire, ce sont les vœux et l'espérance de cinquante millions d'âmes[62], et entre elles

Du très humble, très fidèle et très obéissant serviteur et sujet de Votre Majesté,

THÉOPHRASTE RENAUDOT.

Richelieu et Louis XIII dirigeaient réellement la Gazette ; ils donnaient leurs ordres à Renaudot pour parler ou pour se taire[63].

En 1636, le Roi lui ordonne de ne rien dire de ce qui se passait à Corbie, qu'il assiégeait ; en effet, Richelieu travaillait à un mémoire sur ce siège, et le Roi devait le corriger[64]. Le mémoire parut le 15 novembre 1636 dans la Gazette. Le numéro du 17 août 1640 contient une relation succincte du siège d'Arras, qui est aussi l'œuvre du Cardinal[65]. En 1640, Renaudot adressa une requête au Roi[66] pour le prier de commander à ses généraux et officiers de le tenir mieux averti. Il espère, dit-il, que le Roi, qui fait tant d'actions dignes de l'immortalité, ne refusera pas les moyens nécessaires pour les consigner à la postérité avec leurs véritables circonstances. Votre Majesté aime trop la vérité pour ne protéger pas celle que je tâche de débiter tous les jours à ses peuples, qui doit servir de mémoriaux à son histoire, la plus admirable de tous les siècles passés. Il termine en disant que les louanges qu'il publie sont une récompense bien peu coûteuse et bien grande pour des gens d'honneur, et qu'on devrait tenir davantage à lui donner des informations.

Louis XIII écrivit souvent dans la Gazette. Les articles manuscrits du Roi sont conservés au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale[67]. Parmi ces articles nous citerons : l'Entrée dans Nancy, le 26 septembre 1633[68], — l'Arrivée du Roi à Saint-Dizier en 1635[69], — l'article sur le siège de Corbie[70].

Richelieu récompensa Renaudot de ses services en lui donnant 2.000 livres par son testament.

 

VI. Établissements d'instruction fondés par le Cardinal. Ses idées sur l'enseignement. — L'Imprimerie royale.

 

Le cardinal de Richelieu fonda, en 1636, une Académie militaire, qui ne survécut pas à son fondateur. Le préambule de l'acte de fondation de l'Académie royale est d'une grande élévation et atteste combien le Cardinal se faisait une idée juste de l'importance d'une école militaire. Il voulait former dans son Académie un certain nombre de jeunes gentilshommes parfaitement instruits et capables d'être à la fois de bons généraux et d'habiles diplomates, comme l'avait été M. de Guron. Il déclare qu'ayant fait réflexion sur une chose de grande considération : que les armes et les lettres étant germaines et comme inséparables, toutes deux également requises à l'établissement et confirmation (affermissement) des grands empires, les unes pour régir et civiliser le dedans, les autres pour le défendre au dehors, il a créé une Académie royale pour élever de jeunes gentilshommes destinés à devenir officiers et leur donner l'instruction nécessaire.

Le programme des études, qui devaient durer deux ans, consistait à apprendre les mathématiques et les fortifications, les principes de la logique, de la physique, de la métaphysique et de la morale, le tout en langage français et non en latin, qui était encore la langue de l'enseignement, la carte géographique, des notions générales sur l'histoire universelle, et tout au long l'histoire romaine et l'histoire française, enfin l'équitation et l'escrime. Les élèves devaient, au sortir de l'Académie, servir deux ans dans les régiments des Gardes du Roi, ou sur ses vaisseaux, pour compléter leur instruction[71].

En 1640, Richelieu obtint de Louis XIII des lettres patentes portant création, dans la nouvelle ville de Richelieu, d'une Académie et d'un Collège royal en faveur de la noblesse française et étrangère. Le Collège était établi pour y enseigner notre langue par règles ; les sciences devaient aussi, comme à l'Académie militaire, être enseignées en français, ce qui ne se faisait pas encore, malgré les essais tentés par Louis XI, François Ier et le chancelier Michel de l'Hôpital. On y enseignait aussi les langues grecque et latine, les exercices des armes et autres propres à la noblesse[72].

Les idées du Cardinal, en matière d'enseignement, sont assez d'accord avec celles des meilleurs esprits d'aujourd'hui. Les lettres, pensait-il[73], ne doivent pas être enseignées à tout le monde : l'étude des lettres ferait grand tort au commerce, à l'agriculture, au recrutement des soldats, et remplirait la France de chicaneurs. Il faut dans un État plus de maîtres ès arts mécaniques que de maîtres ès arts libéraux pour enseigner les lettres. Il n'y a besoin que de quatre à cinq collèges littéraires dans Paris et deux dans chaque ville archiépiscopale.

En effet, l'enseignement des lettres est un enseignement aristocratique, qui ne s'adresse qu'à la partie de la jeunesse destinée à recruter certaines professions et certaines fonctions. N'y a-t-il pas trop de bacheliers aujourd'hui, trop de chicaneurs et de politiciens ?

Richelieu trouvait qu'il y avait trop de collèges littéraires en France et qu'il fallait en réduire le nombre, et qu'ailleurs que dans les grandes villes il ne fallait que deux ou trois classes pour tirer la jeunesse de l'ignorance grossière, nuisible à ceux mêmes qui destinent leur vie aux armes ou au commerce. Par ce moyen, auparavant que des enfants soient déterminés à aucune condition, deux ou trois ans feront connaître la portée de leurs esprits : en suite de quoi, les bons, qui seront envoyés aux grandes villes, réussiront d'autant mieux, qu'ils auront le génie plus propre aux lettres et qu'ils seront instruits de meilleure main.

Nous sommes aujourd'hui au même point : il faut deux enseignements, quelques grands collèges littéraires, à fortes études, et de nombreux collèges pour l'enseignement scientifique, destinés aux ingénieurs, industriels, agriculteurs et commerçants, qui n'ont nul besoin de grec et de latin.

On ne saurait finir le chapitre des lettres sans parler de l'imprimerie du Louvre. Ce fut encore Richelieu qui fonda, en 1640, l'Imprimerie royale ; elle fut établie au Louvre, et eut pour directeur Sébastien Cramoisy, célèbre imprimeur, qui avait été l'éditeur du discours prononcé par Richelieu aux États-Généraux en 1615. Le 4 juin 1642, Louis XIII visitait la nouvelle imprimerie[74], et la même année Cramoisy publiait une belle édition du livre du Cardinal contre l'écrit adressé au Roi par les quatre ministres[75].

 

 

 



[1] AVENEL, articles sur les mémoires manuscrits de Richelieu, dans le Journal des savants, 1859, p. 316.

[2] Introduction à la correspondance, I, LXI.

[3] Lettres et papiers d'État, VI, 148.

[4] Il avait alors 73 ans.

[5] Surintendant des finances.

[6] Le comte de Cramail ou de Carmaing se mit bientôt à cabaler avec les ennemis du Cardinal et fut embastillé en 1631, après la journée des Dupes.

[7] On devait la victoire de Veillane à l'incomparable bravoure de M. de Charost et de son régiment.

[8] Le régiment de Rambures et celui de Normandie s'étaient également battus avec le plus grand courage à Veillane.

[9] Lettres et papiers d'État, VI, 509.

[10] Ce fut M. de Mégrin.

[11] Dans une lettre adressée à Louis XIII, en décembre 1641, et qu'il a mise en tête du Testament politique.

[12] Les Mémoires du Cardinal ne vont en effet que jusqu'à la fin de 1638. C'est au moment où il arrête la rédaction de ses Mémoires qu'il prend la résolution de rédiger le Testament politique.

[13] Le manuscrit ou pour mieux dire une copie tronquée de cette partie des Mémoires avait été trouvé chez Mézerai.

[14] Séances et travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques, 2e série, t. IX, p. 5-20. 1851.

[15] Tout ce que je dis ici sur les Mémoires du Cardinal est extrait des excellents articles publiés par M. Avenel dans le Journal des Savants, mars et août 1858, février et mai 1859.

[16] Le journal a eu plusieurs éditions accompagnées de pièces.

[17] Voir plus haut.

[18] C'est la Succincte Narration des grandes actions du Roi, dont nous avons donné un extrait, chap. III.

[19] Dans la Collection des documents inédits sur l'histoire de France.

[20] Voir aussi les articles du même auteur dans le Journal des Savants, juillet, août, septembre 1879.

[21] 9 vol in-4°, dans les Documents inédits.

[22] Un premier recueil des lettres du Cardinal avait paru en 1696, 2 vol. in-1 2.

[23] Éloges de quelques auteurs français, 1742.

[24] Elle a aussi paru dans la Gazette.

[25] Ces ouvrages sont indiqués au début du deuxième chapitre.

[26] Comte de BONNEAU-AVENANT, la Duchesse d'Aiguillon, p. 354.

[27] Chapitre premier. — Richelieu parle aussi aux Notables. C'est un orateur politique.

[28] Il fut publié en 1637 par le Mercure français, XX, 5.

[29] Le directeur, le chancelier, le secrétaire perpétuel.

[30] Aux États-Généraux, à l'Assemblée des Notables, au Parlement, le Cardinal avait eu l'occasion de prononcer divers discours, qui lui avaient fait une véritable réputation d'orateur.

[31] Un des grands érudits du XVIIe siècle ; il s'était fixé à Leyde à cause de ses opinions religieuses. Mort en 1658.

[32] Littérateur distingué et conseiller d'État, mort en 1667. L'un des membres de l'Académie française.

[33] Poète, membre de l'Académie ; mort en 1674.

[34] Littérateur, membre de l'Académie, mort en 1646.

[35] Poète, membre de l'Académie, mort en 1667.

[36] Poète, membre de l'Académie, mort en 1659.

[37] Ancien secrétaire de d'Urfé, auteur de plusieurs ouvrages dramatiques, membre de l'Académie, mort en 1650.

[38] Poète dramatique, mort en 1650.

[39] Claude de l'Estoile, poète dramatique, membre de l'Académie, mort en 1651.

[40] Poète dramatique, membre de l'Académie, mort en 1655.

[41] Pierre Corneille, mort en 1684.

[42] Poète et bel esprit, mort en 1691, membre de l'Académie.

[43] Écrivain et philosophe, membre de l'Académie, mort en 1672.

[44] Historien et érudit ; mort en 1640.

[45] Historien, membre de l'Académie, mort en 1683.

[46] Noël Duret, astronome, mort vers 1650.

[47] Michel Baudier, savant historien, mort en 1645. — A ces noms Aubery ajoute encore dix noms de personnages aujourd'hui absolument inconnus, et ne parle pas de Balzac parmi les littérateurs protégés ou récompensés par le Cardinal. Richelieu lui fit donner cependant, avec un brevet de conseiller d'État, une pension de 2.000 livres. La vanité de Balzac ne fut pas encore satisfaite.

[48] Proclamation concernant la réduction des monnaies. Le mot est heureusement tombé en désuétude.

[49] PELLISSON, d'après le récit de Colletet.

[50] Lettres et papiers d'État, IV, 209.

[51] Lettres et papiers d'État, V, 34.

[52] Lettres et papiers d'État, VIII, 373.

[53] MONTCHAL, Mémoires, II, 217.

[54] Histoire de l'Académie française.

[55] Les lettres patentes du Roi ne furent vérifiées au Parlement que le 10 juillet 1637. On lit dans la Gazette (1637, p. 462) : On vérifia en Parlement l'Édit du Roi portant l'établissement de l'Académie française, composée de quarante personnes choisies pour travailler à l'embellissement de la langue sous la protection de Son Éminence.

[56] La pièce de Castro est intitulée las Mocedades del Cid, les jeunesses du Cid.

[57] On ne se doute pas de la fréquence des duels à cette époque. Malgré les peines prononcées contre ceux qui prenaient part à ces batailles meurtrières, il y eut, pendant la régence d'Anne d'Autriche, en huit ans, 940 gentilshommes tués en duel.

[58] Le directeur et l'imprimeur était Étienne Richer, libraire à Paris. Le Mercure, publié avec permission et privilège du Roi, paraissait un an ou deux après les évènements qu'il racontait.

[59] On a placé, en 1884, l'inscription suivante au numéro 6 du quai du Marché-Neuf : Ici s'élevait la maison du Grand-Coq, ouvrant rue de la Calandre et sortant au Marché-Neuf, où Th. Renaudot fonda, en 1631, le premier journal parisien, la Gazette de France.

[60] Labilis, fragile, fugitive.

[61] Renaudot écrivait ceci au moment où Richelieu faisait signer la paix entre la Suède et la Pologne, et allait lancer Gustave-Adolphe sur l'Autriche.

[62] Françaises et alliées de la France.

[63] Lettres et papiers d'État, V, 668 ; VI, 189.

[64] Lettres et papiers d'État, V, 670.

[65] Lettres et papiers d'État, VI, 717.

[66] Gazette, 1640, p. 657.

[67] Fonds Béthune, vol. 9334. — Je trouve aussi une autre indication : Fonds français, vol. 3840.

[68] Gazette, 1633, p. 400.

[69] Gazette, 29 septembre 1635.

[70] Gazette, 14 octobre 1636.

[71] Mercure françois, XXI, 278. — AUBERY.

[72] Gazette, 1640, p. 716.

[73] Testament politique.

[74] Gazette, 1642, p. 40.

[75] Voir au début du troisième chapitre.