ÉCONOMIE POLITIQUE DES ROMAINS

 

LIVRE TROISIÈME — AGRICULTURE - PRODUITS

CHAPITRE II. — État physique de l’Italie[1].

 

Je me propose, dans ce chapitre, de traiter la question de la salubrité de l’air et des lieux, d’indiquer, dans les différentes époques de l’histoire, quels cantons furent soumis à l’action de l’air contagieux nommé aujourd’hui aria cattiva, quels autres en furent toujours exempts ; de rechercher si la nature physique, la composition géologique du sol, si les volcans, les gaz, exercent une influence quelconque sur ce phénomène ; d’établir enfin avec précision les progrès de ce fléau en Italie, depuis la fondation de Rome jusqu’à nos jours ; et si la nature du mal, la composition même des éléments fugaces de l’air délétère nous reste inconnue, malgré les efforts qu’ont faits les sciences pour en pénétrer les secrets, il peut être encore utile de rassembler les faits, les observations, les circonstances éparses dans un grand nombre de siècles et de chercher à en tirer les inductions les plus probables.

La grande cause de l’insalubrité de plusieurs cantons de l’Italie, notamment des maremmes de Toscane, de celles des Etats de Rome et de Naples, de certaines parties du Piémont, de la Lombardie et de l’Etat de Venise est due, non à la composition minéralogique, mais à la configuration physique du sol et à l’élévation de la température pendant l’été et l’automne. Ces deux circonstances sont aussi signalées par M. de la Marmora[2] comme la cause principale de l’insalubrité des lieux de la. Sardaigne dits intempérieux. On peut même avancer, comme proposition générale, que l’intensité du fléau croit dans les lieux bas en raison directe de la latitude et de la température. Une autre cause de l’action de l’intempérie sarde ou de la malaria de l’Italie sur le corps humain, est due à la grande différence qui s’établit entre le maximum de la température diurne et celui de la température nocturne. Tous ceux qui ont parcouru ces contrées pendant l’époque indiquée ont pu reconnaître comment une journée d’une chaleur accablante et sèche est souvent suivie d’une nuit très froide, accompagnée d’une rosée si abondante qu’elle traverse les habits les plus épais et que la terre paraît arrosée par une forte pluie. Que le sol soit primitif, secondaire ou tertiaire, qu’il soit granitique, calcaire, volcanique, argileux ou siliceux, qu’il soit le produit du feu, des eaux de la mer ou de l’eau douce des fleuves, il est en général salubre, si la forme du terrain permet l’écoulement des eaux, et insalubre dans le cas contraire.

M. Brocchi, de l’Institut de Milan, physicien et minéralogiste très habile, a, dans un excellent ouvrage sur l’état physique du sol de Rome[3], fait de nombreuses recherches, des expériences exactes et souvent périlleuses sur la nature de l’aria cattiva des environs de Rome[4], et, s’il n’a pas découvert le principe d’où dérive sa qualité délétère, il en a fait connaître les éléments, et surtout il a pulvérisé une foule d’hypothèses hasardées qu’avaient fait naître la découverte des gaz et la décomposition de leurs parties constituantes.

Il a prouvé[5] que ce n’est pas le gaz hydrogène sulfuré qui infecte l’air et cause les maladies endémiques de Rome et de ses environs, puisque beaucoup de cantons de l’Italie où ce gaz s’exhale en grande quantité sont très salubres ;

Que le gaz hydrogène sulfuré, mêlé au gaz acide carbonique, n’en est pas la cause ; car la vallée d’Amsancto, célèbre par ses mofettes citées dans Virgile, en exhale avec une abondance extrême, ainsi que les bains d’eaux hydrosulfurées. Les canaux de Venise sont dans le même cas : on pourrait y ajouter les bords du lac à Enghien ; et la santé des habitants de ces divers cantons n’en éprouve aucun effet nuisible.

Le gaz hydrogène carburé n’y contribue pas non plus, témoins Sassuolo, dans le duché de Modène, Pietra-Mala, Barigozzo en Toscane, et Maccalube, près de Girgenti, en Sicile, où ce gaz s’élève du sol en émanations abondantes, sans nuire aucunement à la santé des habitants.

Quant au gaz acide carbonique, il se dégage sans cesse des eaux acidulées, de celles qui ont la propriété de former des tufs calcaires, des cuves où on foule le raisin, et ni les habitants, ni les ouvriers qui vivent dans cette atmosphère, n’en sont incommodés, ou, du moins, n’y contractent les fièvres que produit l’aria cattiva.

Pour le gaz azote, supposé qu’il ; se formât dans les lieux bas et malsains, comme il est, ainsi que le gaz hydrogène, plus léger que l’air, il s’élèverait à mesure qu’il se forme, et les lieux les plus élevés seraient alors plus insalubres, ce qui est tout à fait contraire à l’expérience.

Certainement tous ces gaz, surtout l’hydrogène sulfuré, sont délétères ; mais, mêlés à l’air libre dans l’atmosphère, s’ils ne sont pas entièrement innocents, du moins ils ne produisent pas de bien funestes effets sur l’économie animale.

Du reste ces gaz, dans les circonstances où ils sont nuisibles, le sont également aux animaux et aux hommes, tandis que les miasmes de l’aria cattiva n’attaquent que ceux-ci, et épargnent les troupeaux de chevaux, de bœufs, de chèvres et de moutons qui y paissent et y parquent dans la saison la plus dangereuse.

M. Brocchi prouve encore que ces miasmes délétères ne sont pas des exhalaisons produites par le sol volcanique ; car la maremme toscane, la belle vallée de Riéti, arrosée par le Vélino, plusieurs cantons de l’Apouille, la côte de la Calabre, de Reggio à Tarente, l’autre côte sur la Méditerranée, surtout vers le golfe de Sainte-Euphémie, les environs du lac de Pérouse et de Ravenne, sont aussi malsains que la maremme de Rome, et n’offrent pas la moindre trace de matières volcaniques. Il prouve aussi[6] que l’humidité seule et les variations de la température dont on accuse le climat de Rome ne peuvent être la cause de ses fièvres endémiques.

L’opinion la plus générale et la plus fondée est que l’insalubrité dépend d’effluves particulières qui se développent des eaux stagnantes et des terrains marécageux, et que ces effluves sont d’une nature putride, et le produit des substances organiques végétales ou animales qui se développent dans ces marais.

La constitution naturelle du sol des cantons ravagés par l’aria cattiva prouve que ce fléau exerce surtout son influence sur les lieux où les eaux ont un écoulement lent et difficile, ou bien sont tout à fait stagnantes. L’agro Romano, dit Brocchi[7], n’est point une plaine égale et unie, mais il est parsemé de pentes, d’éminences, de gibbosités entre lesquelles gisent des enfoncements qui, dans l’hiver, deviennent facilement autant de mares.

Vous retrouvez la même configuration du sol dans le territoire de Viterbe, dans une grande portion du patrimoine de Saint-Pierre, dans cette partie de l’Apouille déjà citée, dans la maremme toscane ; dans toutes ces contrées il y a également des eaux stagnantes. Or, avec une disposition pareille, il arrive que, durant les pluies surabondantes de l’hiver et de l’automne, et encore plus s’il s’y joint le débordement des torrents et des rivières, l’eau s’accumule dans les parties les plus basses, où elle reste stationnaire faute de canaux de dérivation ou de pente suffisante. Les premières chaleurs du printemps et de l’été n’ont pas la force de faire évaporer l’humidité dont le sol est profondément pénétré, mais elle ne disparaît que lentement et progressivement, de manière que tous ces enfoncements, bien que secs en apparence, sont autant de centres d’exhalaisons qui s’en dégagent incessamment dans les mois les plus chauds. Ainsi la campagne de Rome, les marais Pontins et tous les cantons déjà mentionnés n’offrent point dans l’été d’espaces remplis de fange, ni de mares ou de marais, et n’en sont pas moins insalubres.

La cause du mauvais air de l’agro Romano ne pouvant, vu la configuration du sol, être exclusivement détruite, serait au moins diminuée si le sol était tout entier mis en culture. La terre étant alors remuée et rendue meuble, l’eau des pluies serait absorbée par une plus grande superficie et pourrait être plus promptement évaporée dans les premières chaleurs, au lieu que, dans l’état actuel, la plus grande partie du sol restant inculte, ces éminences et ces collines sont revêtues d’une épaisse couche de gazon, laquelle s’oppose à la filtration des eaux, qui, en ne faisant que passer sur les pentes, se rassemblent dans les lieux bas intermédiaires, où elles deviennent stagnantes.    J.

Les rizières du Piémont, de la Lombardie, qui exigent des eaux stagnantes pour leur culture, infectent l’air de cantons jusque-là salubres. L’atmosphère des grands lacs agités par les vents, ou pourvus d’un émissaire suffisant pour que l’eau se renouvelle, est ordinairement très saine. Le contraire existe pour ceux qui, étant sujets à se déborder, laissent dans leurs extrémités de petites mares. Tels sont le lac de Trasimène, le lac Fucin dans l’Abruzze, et un coin du lac de Côme nommé il Piano di Colico.

La conclusion naturelle de ce fait, que l’eau stagnante est la cause de l’aria cattiva, était que ces eaux devaient céder à l’atmosphère quelque principe morbifique particulier[8].

Moscati[9] assure avoir trouvé que la base des exhalaisons contagieuses des fièvres noso-comiche est une vapeur aqueuse tenant en dissolution un mucus animal où réside le principe délétère.

M. Ozanam[10], médecin français, qui a quelque temps séjourné à Milan, ajoute que Moscati, ayant condensé sur les parois de globes de verre remplis de glace les vapeurs exhalées des rivières où l’air est malsain, vit, au bout de quelques jours, surnager à la surface du fluide une substance muqueuse qui exhalait une odeur très fétide.

M. Brocchi a voulu répéter avec soin ces expériences ; il a choisi les heures de la nuit, et près de la basilique de Saint-Laurent, hors des murs, à ¾ de mille hors de la porte Esquiline, une petite vallée flanquée de hauteurs, occupée en partie par un champ de cannes (arundo donax).

Presque tous les habitants avaient déserté ce lieu, connu pour être l’un des plus malsains des environs de Rome, et ceux qui y étaient restés attestaient par leur teint qu’ils étaient en proie aux fièvres produites par l’aria cattiva.

M. Brocchi y a passé quatre nuits en septembre 1818, l’une des années les plus meurtrières du siècle sous ce rapport. Un jeune homme sain et robuste, qu’il y amena la première fois pour porter ses instruments, y ayant dormi quelque temps, fut saisi d’une fièvre intermittente qui lui dura plusieurs semaines.

Lui-même eut une violente attaque de fièvre éphémère, qui, dit-il, me fit sentir pour la première fois ce que c’était que la fièvre.

Enfin, sans entrer dans le détail des expériences faites, avec un soin et une exactitude scrupuleuse[11], avec l’hygromètre, le thermomètre et l’électromètre, dans divers états de l’atmosphère, calme et orageuse, sereine, nuageuse et pluvieuse, ou agitée par les vents, il a trouvé une petite quantité d’une substance blanche, et en apparence muqueuse, qui se déposait au bout d’un ou deux jours et exhalait, après un certain temps, une odeur fétide.

Des matières animales et végétales mises en putréfaction, distillées et éprouvées par les réactifs, n’ont donné qu’un résultat semblable.

Cependant l’air des lieux infects de Saint-Laurent, le 25 septembre, contenait les mêmes éléments et dans les mêmes proportions que les autres airs, salubres ou non, analysés par les physiciens, c’est-à-dire 79 parties de gaz azote et 21 de gaz oxygène[12].

M. Brocchi a opéré sur une quantité de vapeurs atmosphériques qui, réduites en eau, ont fourni un poids de plus de. deux livres. Il conclut que, malgré ces diverses expériences, on ne serait pas autorisé à nier que les eaux stagnantes communiquent à l’air un principe particulier, parce qu’il pourrait être en dose si faible, ou si subtil et si fugace, qu’il échappât aux méthodes d’investigation employées par lui.

On sait que les chimistes ne trouvent, à l’analyse, aucune différence entre l’air vicié des salles de spectacle ou l’air d’un temps orageux et l’air pur et respirable, et pourtant les deux premiers agissent notablement sur l’organisation humaine.

Beaucoup de considérations, dit M. Brocchi, tendent à faire supposer que l’aria cattiva se développe des substances organiques putréfiées ; d’abord de voir l’air constamment vicié dans les lieux où les eaux s’écoulent difficilement, et autour des marais, des rizières, des mares, où l’on fait rouir le chanvre. Je dois, dit-il, insister sur trois circonstances qui nie paraissent vérifiées par des faits si constants et si certains qu’on pourrait les réduire en autant d’axiomes.

1° Le degré de virulence de l’aria cattiva, dans les lieux vraiment marécageux, est en raison directe de la chaleur qui y règne dans les mois de l’été, toutes les autres conditions étant égales. Plus le climat est chaud et plus pernicieuse est l’influence des eaux stagnantes, et vice versa. Il paraît que cela arrive parce que les substances organiques plongées dans l’eau doivent acquérir un plus haut degré de putréfaction quand la température est plus élevée.

2° Dans les pays insalubres, qu’on ne peut pas nommer proprement marécageux, l’insalubrité augmente bien plus quand, dans l’été, les journées chaudes alternent avec les pluvieuses, comme on le voit dans l’agro Romano et les autres maremmes. Or, il est évident que cette alternative de chaleur et d’humidité favorise beaucoup la fermentation putride des corps organiques là où, les eaux n’ayant qu’un lent écoulement, la terre reste toujours imbibée.

3° Dans les lieux ci-dessus nommés l’air est beaucoup moins pernicieux quand l’été se trouve chaud et sec. L’eau dont la terre s’est imprégnée pendant les pluies de. l’automne, de l’hiver et du printemps précédents, s’évapore mieux dans ce cas, et, faute d’humidité, les matières organiques se dessèchent au lieu de se putri6er. L’été chaud et sec de 1820, qui alla à 31° Réaumur, n’amena que trois mille fiévreux à l’hôpital du Saint-Esprit, tandis qu’il y en fut porté six mille dans les trois mois de juillet, août et septembre de l’année 1818, qui fut soumise à ces alternatives[13].

Si toutes ces circonstances semblent appuyer la conjecture que l’essence de l’aria cattiva consiste en miasmes de nature putride, qui se dégagent des eaux mortes ou des terrains marécageux, il en est d’autres, dit M. Brocchi, qui méritent l’attention particulière des physiciens. On observe, par exemple, qu’un des moyens conseillés depuis longtemps pour désinfecter l’air, est l’usage des fumigations aromatiques qui opèrent comme antiseptiques. Un autre préservatif peut se tirer des acides végétaux, tels que le vinaigre réduit en vapeur sur des lames de fer rougies. On regarde enfin comme le plus actif de tous le chlore, qui a la faculté particulière de décomposer les substances organiques, surtout les matières animales. Enfin l’action du feu est très puissante, et on pourrait dire qu’il opère seulement en cela comme instrument destructeur, en brûlant et consumant la matière qui cause l’infection de l’atmosphère[14].

J’ajouterai à cet exposé des moyens employés pour combattre les effets de l’aria cattiva deux séries de faits observés, soit par moi-même en Italie, soit par mon père, en France, pendant une période de dix années.

En allant de Rome à Naples, le 22 juillet 1811, j’avais été frappé du teint hâve et jaune, des chairs œdémateuses de la population fixée dans la campagne de Rome et les marais Pontins. J’entrai dans leurs maisons ; nulles précautions contre ce fléau : une paillasse étendue par terre, point de rideaux, enfin tout l’abattement d’hommes qui se sentent destinés à succomber sous le mal et n’ont même pas la force de songer à leur conservation. Je visitai, en allant à Naples, les marais de Minturne et la maremme de Cumes et de Liternum (aujourd’hui Patria) ; voici l’aspect général du pays tel que je l’ai décrit sur les lieux dans mon journal. Des dunes de sable ou de tuf volcanique, obstruant l’écoulement des eaux, et couvertes de gazon grossier ou d’arbrisseaux rabougris ; à côté, de vastes marais ou des flaques d’eau stagnantes qui étendent leurs eaux pourries entre la mer et les lieux habités ; partout des broussailles, des masses de joncs et de carex remplies de reptiles, de vers et d’insectes ; un silence morne, interrompu seulement par les sifflements des moustiques et les coassements des grenouilles ; un air lourd et malsain, un rivage sans ports, une campagne sans arbres : telle est la physionomie particulière de ces lieux, qui présentent, en petit, l’aspect sauvage des steppes marécageux de l’Asie ou des llanos de l’Orénoque.

Maintenant, au milieu d’un pays tel que celui-là, tout à fait semblable à l’agro Romano et aux maremmes toscanes dont l’insalubrité est fatale aux habitants des villes et des cantons voisins qui y passent et y dorment quelque temps, j’ai vu une race de pêcheurs, forte, active et robuste, le teint cuivré, rouge, tirant sur la couleur d’acajou. Je suis entré dans leurs villages, dans leurs maisons ; toujours, même dans les plus grandes chaleurs, du feu allumé au milieu de leurs huttes, remplies constamment d’une fumée épaisse qui n’a d’issue que par une porte basse et étroite. Tous les lits, élevés au-dessus du sol, sont entourés d’une moustiquaire de toile épaisse et serrée, qui les entoure et les isole complètement du reste de l’atmosphère. Le feu et la fumée sont entretenus avec soin toute la nuit. J’ai repassé dans ces mêmes lieux à la fin de septembre, et j’y ai observé les mêmes signes de santé dans cette population, tandis que, parmi celle des marais Pontins, de la campagne et même de plusieurs portions de Rome, les fièvres, produit de l’aria cattiva, avaient augmenté progressivement dans cette même période.

Voici l’autre fait exactement observé. Un beau-frère de mon père, le comte de Narcé, avait une terre et un château située dans la vallée marécageuse de l’Authion, petite rivière d’un cours très lent, qui se jette dans la Loire à une lieue d’Angers. Cette vallée basse est divisée en prairies humides, dont le foin très abondant est mêlé de joncs, de carex, et en cultures de chanvre, plante qui y parvient à une très grande élévation. Il y a parmi ces cultures beaucoup de marécages communaux, remplis de canards sauvages, de hérons, de judelles, de bécassines et autre gibier d’eau. L’air y est lourd, infesté de moustiques et chargé de brouillards épais. Tous les ans, de 1773 à 1785, mon père y allait passer l’été et l’automne. Les maîtres, pendant l’été, pour se délivrer des insectes tipulaires, faisaient toujours entretenir dans leurs chambres des fumigations de plantes aromatiques, et couchaient sous une moustiquaire exactement fermée. Les domestiques ne prenaient pas ces précautions ; tous les ans, dans l’automne et l’été, ils étaient attaqués de la fièvre des marais, tandis que les maîtres en étaient exempts. Ces différences ont été observées avec soin pendant plus de dix années consécutives.

Depuis, la culture a gagné ; les prés humides ont été saignés ; une compagnie s’est formée pour dessécher les marais communaux, et la salubrité de cette vallée a fait des progrès continuels.

La science a poursuivi ses recherches sur la nature de l’air des marais depuis 1818, époque des expériences de M. Brocchi, et des faits positifs[15] ont prouvé que la qualité délétère de l’air des marais, des maremmes, l’aria cattiva de l’Italie, la fièvre jaune de l’Amérique, devaient être attribuées aux miasmes produits par la putréfaction des matières animales ou végétales. Dans tous les cas et chez plusieurs espèces d’animaux vivants, l’absorption, par les veines ou le tissu cellulaire, du putrilage animal ou végétal, a produit les mêmes symptômes, des crises, des altérations tout à fait semblables aux effets de l’air des marais, de l’aria cattiva et des lieux infectés par le vomito negro[16].

 

 

 



[1] Voyez cap. XXVIII, p. 232 à 254, des Osservazioni storic. ed. econom. sulle campagne et l’annona di Roma de M. N.-M. Nicolaï, in-4°, 1803.

[2] Voyage en Sardaigne, t. I, p. 138, ss., 2e éd., 1839.

[3] In-8°, Roma, 1820, avec 3 cartes géognostiques.

[4] Saggii di experienze sull’ aria cattiva de’ contorni di Roma, p. 250.

[5] P. 252-254.

[6] Page 258.

[7] Page 256.

[8] Voyez Brocchi, p. 259, qui donne de nombreux exemples.

[9] Compend. di cogniz. veterin., p. 81.

[10] Hist. méd. des malad. épidém., t. I.

[11] Voyez p. 262 à 281.

[12] Page 277.

[13] Brocchi, page 279.

[14] Page 280.

[15] Voyez le Mém. de M. Gaspard sur les maladies purulentes et putrides, Journal de Physiologie de M. Magendie, t. II, p. 13-27, janvier 1822.

[16] Voyez Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, t. II, p. 763-765, éd. in-4°, liv. V, ch. XII.