LES PRISONS DU MONT SAINT-MICHEL

 

CHAPITRE X. — LE CARPENTIER ET MATHURIN BRUNEAU.

 

 

Le décret du 6 juin 1811. Les prisonniers durant les Cent Jours. Les cours prévôtales. — Le Mont au point de vue pénitentiaire les directeurs des prisons de 1817 à 1864. Le décret du 2 août 1817. Nouvelles mutilations dans l'abbaye-forteresse le récit de Walsh. — L'état du Mont de 1820 à 1824 d'après le docteur Ledain, détenu politique le régime des prisonniers vêtements, literie et alimentation malades et blessés. — Le mouvement de la population pénitentiaire en 1820, 1821, 1822 et 1823. — L'épidémie typhique de 1820 l'eau au Mont Saint-Michel sources et citernes. Le système Pasteur employé au moyen fige : la grande citerne à filtre. L'eau des toits ; l'intoxication saturnine ; manifestations pathologiques ; troubles intestinaux, nerveux et visuels. Le travail des condamnés répartition des salaires le denier de poche ou comptant à la main. — L'incarcération de Mathurin Bruneau de Saint-Malo à Rouen, de Rouen à Gaillon, de Gaillon au Mont la prétendue tentative d'évasion du faux Louis XVII. Le dauphin fait des sabots. Sa mort, son autopsie, son acte de décès. — Le Carpentier au Mont. Sa détention dans la tour Perrine. La visite de l'abbé Manet ; les notes sur Le Carpentier données par le directeur de la maison centrale. Changement d'attitude de l'ex-conventionnel. Racontars divers les aumôniers de la prison. Mort de Le Carpentier, son acte de décès ; le mystère de sa tète. Un bocal introuvable.

 

A partir du 21 avril 1796, le Mont Saint-Michel fut destiné non seulement à recevoir des détenus politiques, mais encore et surtout des prisonniers de droit commun, ce qui augmenta considérablement le nombre des incarcérés. L'administration centrale de la Manche, effrayée par l'audacieuse évasion de Jacques des Touches de la maison d'Avranches, demanda le 23 pluviôse an VII (11 février 1799)[1] à la Police Générale d'employer des précautions multiples et journalières afin d'empêcher l'évasion de plusieurs Chouans exécrables, détenus dans les cachots du Mont Saint-Michel.

Si la période révolutionnaire offre pour l'histoire pénitentiaire du Mont un intérêt assez grand, rien de saillant ne se produisit à ce sujet du commencement du dix-neuvième siècle à 1811. Un décret impérial, rendu le 6 juin de cette année, fit du Mont Saint-Michel une maison de correction. Elle fut organisée administrativement sur des bases nouvelles. De 1811 à la chute du Premier Empire, des prisonniers de guerre y furent enfermés, la volonté, de Napoléon remplaçant les lettres de cachet. Aux Cent Jours, le Mont reçut de nouveaux prisonniers dont l'histoire a gardé quelques noms Lemoine, Chadaysson, Chastellay et Le Houssaye, un grand jeune homme blond, molle créature plutôt faite pour les loisirs de la vie ecclésiastique qu'il finit par adopter. En 1814, les prisonniers étaient environ 200 les hommes travaillaient dans la salle des Chevaliers, les femmes dans le réfectoire des Moines l'abbé des Mons, curé de Cherbourg, qui visita le Mont cette année-là, constata les déprédations que l'on avait fait subir au monument. On venait de vendre les stalles du chœur ; les boiseries étaient démolies, les bas-reliefs étaient mutilés. Le pauvre prêtre raconte qu'il sortit l'âme brisée de douleur et les yeux remplis de larmes[2].

Les cours prévôtales, établies par l'ordonnance du 20 décembre 1815, y envoyèrent quelques condamnés ils n'y demeurèrent que fort peu de temps et il ne faut pas, croyons-nous, ajouter grande foi à ce passage extrait de l'étude du docteur Ledain : Une maison centrale a été organisée au Mont Saint-Michel, à l'instar de celle de Melun et de Fontevrault. C'est aussi un lieu de retraite pour les criminels condamnés aux travaux forcés à perpétuité et qui, vu leur grand âge et leurs infirmités, étaient extraits des bagnes. On y conduisait, enfin, tous les condamnés à la déportation pour quelque cause que ce fût. Pendant mon séjour en 1822, 1823 et 1824, cette prison était encore peuplée d'un grand nombre de déportés que les cours prévôtales de 1816 y avaient entassés[3].

Le 2 août 1817, la prison du Mont Saint-Michel s'appela d'un nom nouveau ; un décret la constituait Maison de force et la destinait à recevoir des individus des deux sexes, contre lesquels avait été prononcée la peine des travaux forcés. Le même décret prescrivait d'y détenir, jusqu'à leur départ pour une destination définitive, les individus ayant encouru la peine de la déportation. La maison avait à sa tête un directeur. Voici, tout d'abord, non seulement à titre documentaire, mais afin de permettre de suivre mieux certains événements, la liste des directeurs de la maison centrale du Mont depuis 1817 à 1864 :

M. Duruisseau (1817-1827).

M. Bouvier (1827-1828).

M. Martin Deslandes (1828-1832).

M. de la Rochette (1832-1833).

M. Martin Deslandes (1833-1835).

M. le baron Morat (avril 1835-septembre 1835).

M. Prat (1835-1836).

M. Deschamps (1836-1838).

M. Theurier (1838-1841).

M. Bonnet (1841-1842).

M. Le Blanc (1842-1844).

M. Lespinasse (1844-1845).

M. Marquet de Vasselot (1845).

M. Régley (1846-1850).

M. Marquet (1850-1851).

M. Durand (avril 1851-novembre 1851).

M. Modot (20 novembre 1851-17 mars 1852).

M. Chappus (17 mars 1852-mai 1852).

M. Bail (mai 1852-25 janvier 1853).

M. Peigné (25 janvier 1853-31 mars 1858).

M. A. Marquet (1858-1864).

La garde du Mont fut confiée à la 43e compagnie des vétérans, dépendant de Cherbourg.

Malheureusement, cette augmentation considérable de population pénitentiaire fit continuer l'œuvre, si préjudiciable au monument, de sa désaffectation, œuvre commencée en 1811. De nouveaux ateliers furent créés ; d'affreuses cloisons détruisirent l'harmonie des plus belles pièces ; les hommes furent parqués dans la salle des Chevaliers et les femmes dans le réfectoire des Moines ; l'église abbatiale fut transformée en une filature de coton, la sacristie en cuisine. Ce fut lamentable et cet état de choses qui dura jusqu'en 1863 et dont on trouve encore de nombreuses traces, provoqua l'indignation des littérateurs et des artistes. Ch. Nodier s'écriait : Le chant des saintes solennités y est remplacé par le cri aigu de la scie, le sifflement du rabot et le retentissement de la cognée. Walsh, dans un article de revue[4] s'exprimait ainsi : Le Mont Saint-Michel où les rois allaient en pèlerinage, tenaient d'augustes assemblées et distribuaient des récompenses chevaleresques, est livré à des détenus. Là où il y avait de la sainteté et de la gloire, on a mis le crime, et la honte. Vous figurez-vous ces malfaiteurs et ces prostituées, dans ces vastes salles, sous ces beaux cloîtres où les disciples du vénérable Robert venaient méditer en paix et chanter les louanges du Seigneur ? Voilà de ces grandes dérisions de la fortune qui font saigner le cœur. En 1818, on comptait de 700 à 800 détenus l'abbaye était vraiment saccagée.

Sur cette triste période et plus particulièrement de 1820 à 1824, nous avons puisé quelques renseignements, dans les notes prises par un détenu politique, M. H. Ledain, docteur en médecine, condamné dans l'affaire du général Berton. Il fut détenu deux ans (1822 et 1823) au Mont Saint-Michel. M. Duruisseau, directeur de la maison centrale, le documenta utilement[5].

A cette époque, le cellier et l'aumônerie, c'est-à-dire les deux salles de l'étage inférieur de la Merveille, servaient d'ateliers aux tisserands, aux filassiers et aux fileuses de laine à la traînée le Petit et le Grand Exil avaient été divisés en petites chambres séparées par des corridors étroits. Elles servaient de dortoirs. Le réfectoire des Moines était aussi aménagé en dortoir, tandis que la nef et le transept avaient été convertis en ateliers seul le chœur était réservé aux cérémonies du culte. La crypte de l'Aquilon fut divisée en dix cachots ; on réserva seulement un couloir étroit entre les deux rangs de cellules pour faire communiquer la salle ainsi transformée et appelée la Pénitencerie avec les salles basses du château. C'est à cette époque que fut détruit l'autel de la Sainte Vierge, qui avait été édifié en 1156.

Le cloître et la plate-forme dite Beauregard étaient utilisés, le premier, comme préau, la seconde comme cour de promenade. Jusqu'en 1833, le parapet de Beauregard permettait aux prisonniers de voir le merveilleux panorama de la baie ; à cette date on l'exhaussa de plusieurs pieds ; sous Beauregard se trouvait un autre préau. Les conditions d'hygiène dans lesquelles vivaient les détenus laissaient fort à désirer, malgré la bonne volonté du directeur Duruisseau. Les ateliers renfermaient un trop grand nombre de travailleurs bien éclairés, ces ateliers manquaient d'ouvertures opposées, aussi ne pouvait-on les aérer convenablement. Les ateliers souterrains étaient humides et étroits. Les lampes à huile nécessaires, pendant l'hiver, de trois heures et demie de l'après-midi jusqu'à l'extinction des feux, fonctionnaient mal ; leur fumée viciait l'air et empestait les salles.

La saison froide, novembre à avril, était très pénible pour les prisonniers : Peu vêtus le jour, mal couverts la nuit, ils sentent vivement l'impression du froid. Les lieux qu'ils habitent sont ou mal chauffés ou même ne le sont pas du tout. Ajoutez aussi que la nature peu substantielle de leurs aliments, développant peu de chaleur intérieure, les rend encore bien plus sensibles à l'influence du froid et, surtout, du froid humide. Quelques ateliers sont chauffés par des poêles mais il faut que le froid soit bien rigoureux pour que les entrepreneurs se décident à les allumer. Leur intérêt particulier est même alors le motif qui les porte à accorder aux détenus travailleurs cet adoucissement à leurs maux ; car, celui qui passe la moitié de son temps à souffler dans ses doigts ne fait pas beaucoup d'ouvrage. Il n'y a jamais de feu dans les dortoirs, cependant les détenus y passent la plus grande partie de la journée et ils y sont continuellement les jours de fêtes et les dimanches[6].

On donnait aux prisonniers une livre et demie de pain par jour ; ce pain était composé de deux parties de froment et d'une de seigle. Ils recevaient en outre, matin et soir, une ration de soupe, sorte de brouet fort clair, dont la composition variait. Des fécules de pois, de fèves, de haricots, des pommes de terre, en formaient la base avec du beurre et de la graisse. Le premier dimanche de chaque mois, on donnait de la soupe grasse et de la viande. Vers 1830, la ration fut augmentée les prisonniers reçurent journellement deux livres de pain de pur froment. Ils furent autorisés aussi à prendre des suppléments à la cantine, en prélevant de petites sommes sur leurs salaires. Ceux-ci étaient des plus modestes le gain moyen quotidien était de 0 fr. 15, payable à la fin de la semaine, soit 0 fr. 90 ; une réserve de 0 fr. 45 était portée au compte du détenu qui la touchait intégralement à sa sortie.

Tous les détenus du Mont Saint-Michel étaient vêtus de la même manière, veste et pantalon de laine brune, béret plat de même couleur. Les déportés et les détenus politiques, les prisonniers pour délit de presse, pour cris ou propos séditieux avaient le même costume que les condamnés de droit commun. Toutefois, à partir de 1835, l'administration permit aux condamnés politiques de porter des habits ordinaires, qu'ils payaient de leurs propres deniers.

Chaque détenu couchait seul dans un lit à galiote, garni d'un matelas de laine et d'une couverture de coton, extrêmement mince. En hiver, ils pouvaient demander une couverture supplémentaire. Pendant la nuit, les gardiens de service faisaient des rondes, toutes les deux heures, dans les dortoirs, et visitaient grilles et serrures. Cette mesure fut l'objet de nombreuses réclamations, les prisonniers, ayant besoin de repos, se plaignaient d'être troublés et réveillés par ces visites ; elles furent considérées comme nécessaires et maintenues.

Un ou plusieurs baquets étaient disposés dans les dortoirs et dans les ateliers ; il en résultait des émanations fétides que signalaient tous les inspecteurs mais le mal était sans remède[7].

Les maladies étaient fréquentes et plusieurs épidémies firent de nombreuses victimes. Cependant la question sanitaire n'était pas négligée, comme on l'a prétendu ; Barbès est allé jusqu'à dire qu'il n'y avait pas d'infirmerie.

L'infirmerie du Mont se trouvait au sud-est de la maison centrale où elle était parfaitement isolée des autres bâtiments. Elle offrait toutes les conditions de salubrité que l'on peut désirer dans une maison de ce genre, tout en conservant les dispositions commandées pour la garde des détenus. Tout auprès se trouvait la prison des femmes ; elle occupait les anciens bâtiments où Robert de Torigni avait installé l'hôtellerie composée de trois étages voûtés. Les bâtiments n'avaient point d'assises solides et déjà, en 1618, des écroulements s'étaient produits des travaux de consolidation avaient été exécutés, mais ils avaient été insuffisants. En 1817, un soir d'hiver, les prisonnières entendirent un craquement formidable ; elles n'eurent que le temps de se retirer dans les voussures des portes communiquant avec le Plomb du Four. Elles virent alors les métiers de tissanderie descendre doucement jusqu'au bas du rocher. Elles n'eurent d'autre mal que celui de la peur.

Le personnel se composait d'un médecin, d'un chirurgien et d'un pharmacien ; des prisonniers intelligents et de bonne conduite étaient choisis comme infirmiers. Il n'y avait pas de salle de bains ; mais l'établissement disposait d'une baignoire, dans laquelle était plongé tout nouvel arrivant. Parmi les nouveaux venus, il y avait de nombreux galeux ; ils étaient isolés dans une des trois salles de l'infirmerie. On appelait cette salle la chambre des Bas Bretons. Les galeux étaient soumis à des frictions de pommade soufrée et on leur donnait comme boisson une tisane de patience ou de bardane. Les teigneux aussi étaient légion. On leur rasait la tête et on leur couvrait le cuir chevelu, brossé au savon noir, avec des cataplasmes émollients[8]. La tuberculose était fréquente ; les cadavres étaient le plus souvent autopsiés et il n'était pas rare que le chirurgien conservât des pièces anatomiques intéressantes, surtout quand les détenus décédés avaient joui d'une certaine notoriété ; nous reviendrons sur ce sujet à propos du conventionnel Le Carpentier et de l'imposteur Mathurin Bruneau.

La mortalité était assez considérable au Mont Saint-Michel ; en 1820, la mortalité en France était de 1 décès pour 39,7 ; or d'après une statistique établie par le docteur Ledain pour la maison centrale du Mont, la mortalité s'éleva à 1 p. 8 en 1820, à 1 p. 15 en 1821, à 1 p. 19 en 1822.

Voici le tableau établi par ce praticien :

MOUVEMENT DE LA POPULATION DE LA MAISON CENTRALE DE DÉTENTION ET DE DÉPORTATION DU MONT SAINT-MICHEL, EN 1820-1821-1822-1823.

Le pourcentage, très élevé, de 1820, s'explique par une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit au Mont, durant les deux premiers trimestres de cette année-là. Elle semble avoir épargné la population civile les décès pour cette catégorie ne dépassèrent pas la moyenne de 7 pour une population de 300 âmes.

Cette épidémie eut pour cause la mauvaise qualité des eaux, accumulées dans des citernes auprès d'immondes latrines. Or, la maison centrale usait uniquement de ces réservoirs. Les sources, peu abondantes d'ailleurs, de l'extérieur étaient réservées aux Montois. La fontaine Saint-Aubert[9], à laquelle les chroniqueurs donnent une origine miraculeuse, est la principale source à laquelle puisait la population civile ; cette eau est légèrement saumâtre, à cause de sa proximité avec la mer qui, aux 'grandes marées, entourait presque la margelle, surmontée d'un tourillon conique qui la protégeait.

On s'approvisionnait aussi, très peu, à la fontaine Saint-Symphorien, auprès de la Tour Boucle, sous les remparts de l'est ; mais cette source n'est guère qu'un suintement du rocher. Les Montois l'employaient aussi comme eau miraculeuse : Elle était, rapporte dom Huynes, très guérissable aux yeux. Les traces d'oxyde de fer que cette eau laisse sur le roc d'où elle filtre et son goût un peu styptique, laissent supposer qu'elle contient des sels ferrugineux ; elle pourrait donc être utile dans certaines ophtalmies et dans quelques autres affections où, d'après la pharmacopée des moines, les eaux martiales sont indiquées.

Enfin, on en apportait par barriques de la rive d'Ardevon et de Moidrey ; son prix de revient était fort élevé, en raison de la distance qu'il fallait parcourir pour la puiser et des difficultés qu'on éprouvait à faire passer sur les tangues molles des voitures lourdement chargées.

Au contraire, l'eau des citernes du Mont était abondante, à cause de la quantité d'eau tombant annuellement au Mont et de la surface des toits de recueillement. Ces citernes avaient été l'objet d'une préoccupation constante de la part des architectes de l'abbaye-forteresse ; il fallait bien, en cas de siège ou de blocus, être assuré d'avoir une eau en quantité suffisante et hors des atteintes de l'ennemi. On comptait trois citernes la plus importante était celle de Sollier ; elle mesurait 15 pieds de long, 11 de large, 15 de profondeur et, d'après les moines, elle contenait 82 tonneaux, le pied cube étant de 16 pots. Construite en 1508, sous Guillaume de Lamps, elle a été restaurée, il y a une vingtaine d'années. On l'aperçoit en montant le large escalier à paliers successifs, qui côtoie le croisillon sud de l'église abbatiale, dans la partie inférieure où se trouvait la chapelle Saint-Martin. Cette citerne est surmontée de plusieurs arcatures à trèfles, reposant sur un socle renforcé de gracieux contreforts.

Les travaux de restauration ont fait aussi découvrir un troisième réservoir, d'une date incertaine. Il se trouvait tout auprès du petit jardin attenant à l'abside de la basilique et du passage conduisant des substructions de la Merveille à la salle des Gardes. Cette citerne avait 7 mètres de largeur, 7 mètres de longueur et 9 mètres de profondeur. Elle constituait un véritable filtre : Elle était à moitié comblée de quartz et de sable en couches superposées et alternées. Au beau milieu, une colonne cylindrique mesurant 0 m. 23 de diamètre, en granit soigneusement taillé, descendait jusqu'au fond. Dans les deux premières assises étaient ménagées, en quinconces, de petites fenêtres étroites et garnies de lames de plomb. L'eau des gouttières arrivant des réservoirs filtrait au travers du quartz et du sable, y perdait ses impuretés et remontait dans le puits cylindrique. Pasteur n'eût pas mieux imaginé pour enrayer la marche des microbes. Autour des parois de la citerne, une épaisse couche d'argile avait été tassée entre deux parements de granit pour empêcher toute filtration dans les bâtiments circonvoisins[10].

L'eau des citernes était donc la boisson habituelle des détenus du Mont Saint-Michel. Les infiltrations des matières contenues dans des fosses peu étanches, accumulées par une population de 700 personnes (condamnés et fonctionnaires), provoquèrent plusieurs épidémies dont la plus violente fut celle de 1820. L'eau avait, au dire du docteur Ledain une odeur et un goût détestables. Elle provoquait aussi des coliques de plomb. Quelques édifices étaient bien couverts d'ardoises, de tuiles ou de pierres plates ; mais la plupart étaient garnis de feuilles de plomb : ce métal avait été très employé au moyen âge et plusieurs couvertures, de ce genre, avaient même été faites au dix-septième et au dix-huitième siècles elles s'oxydaient rapidement sous la double action delà chaleur solaire et de l'humidité. Cela explique les accidents saturnins dont souffraient fréquemment les détenus et que les médecins d'alors ne soupçonnaient pas. Ils prenaient pour de vulgaires entérites des troubles intestinaux produits certainement par l'ingestion de sels de plomb. De là, l'aspect jaunâtre de la peau, le liséré bleu gris sur le bord des gencives, les troubles dyspeptiques et même nerveux, les troubles de la motilité et enfin l'amblyopie et l'amaurose dont l'origine était inconnue des médecins du pénitencier. Cette intoxication produisit aussi des paralysies qui déroutaient les hommes de l'art, mais qui, aujourd'hui, sont parfaitement connues[11].

Le Mont recevait, de temps en temps, la visite des inspecteurs des services pénitentiaires ils signalaient, avec une louable constance, le mauvais état des lieux ; mais le gouvernement, faute de crédits, ne pouvait entreprendre de travaux importants. Les rapports nous apprennent seulement l'état de délabrement qui régna jusqu'en 1821. Le 2 novembre 1823, M. Barbé-Marbois publiait un rapport sur l'état matériel des prisons dans les départements du Calvados, de l'Eure, de la Manche, de la Seine-Inférieure et de la maison de correction de Gaillon[12] ; il ne consacre qu'une vingtaine de lignes au Mont Saint-Michel ; elles ne nous apprennent rien de particulier. M. Barbé-Marbois constate seulement que, depuis 1821, année de sa dernière inspection, le château a reçu diverses améliorations. Ce rocher, dit-il, sert toujours de prison à ceux qui ont été condamnés à la déportation pour délits appelés politiques. Les partis vainqueurs y ont, tour à tour, enfermé leurs ennemis. Tel qui fut banni il y a vingt-cinq ans par une faction triomphante peut être aujourd'hui juge de ceux qui le bannirent autrefois. Mais quel est celui qui, échappé aux misères de l'exil ou seulement témoin de nos malheurs, ne pensera pas qu'il est des occasions où une longue détention doit apaiser la justice elle-même ? C'est ce sentiment humain et bienfaisant qui a dicté les actes de la clémence souveraine, dont sept déportés prisonniers ont été depuis peu l'objet. D'autres sollicitent la même grâce.

Les rapports de ce même fonctionnaire nous donnent quelques renseignements sur l'emploi du temps des détenus et sur la répartition du prix de leur travail. Les condamnés se levaient à 5 heures en été, à 7 heures en hiver ; ils se couchaient à 7 heures en été, à 9 heures en hiver ; deux heures étaient consacrées aux repas et aux récréations ; douze heures restaient donc pour le travail.

De 1817 à 1830, aucun événement important ne se produisit dans la maison ; mais elle reçut de très nombreux détenus de droit commun. Deux d'entre eux méritent, cependant, d'être étudiés : Mathurin Bruneau et Le Carpentier.

Le 9 décembre 1815, la police de Saint-Malo arrêtait un individu âgé d'environ trente ans, qui s'était présenté chez plusieurs notables de cette ville pour solliciter des secours. Il prétendit s'appeler Charles de Navarre, prit dans une lettre le titre de Dauphin de France et affirma, le 16 de ce même mois, au lieutenant de police, qu'il était le petit échappé du Temple, le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

L'histoire de ce faux Louis XVII est trop connue pour que nous la rapportions ici[13] ; l'odyssée de cet aventurier se termina le 19 février 1818, à Rouen. Le tribunal de police correctionnelle condamna Bruneau à cinq années d'emprisonnement pour escroqueries, à deux années pour injures aux magistrats dans l'exercice de leurs fonctions et à 3.000 francs d'amende. Le jugement portait qu'à l'expiration de sa peine, le condamné serait mis à la disposition du gouvernement.

Mathurin Bruneau fut d'abord dirigé de la maison de Bicêtre, de Rouen, sur celle de Gaillon, où il entra le 30 mai 1818 ; mais les fidèles du faux Louis XVII ne l'avaient pas abandonné et correspondaient même avec lui à l'aide d'émissaires ou par des moyens détournés ; le gouvernement résolut de le faire interner dans une prison plus éloignée de Paris et plus discrète. Il fut transféré au Mont Saint-Michel le 25 mai 1821[14].

Quelques auteurs ont prétendu que Mathurin Bruneau jouissait au Mont des avantages, bien minces d'ailleurs, des détenus politiques. C'est une erreur ; il fut immédiatement versé au quartier des condamnés de droit commun. Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement, puisqu'il avait été condamné pour escroqueries et outrages à l'audience envers des magistrats. Un écrivain prétend aussi que Bruneau condamné à 10 ans de réclusion, n'avait plus que quelques mois pur avoir purgé sa peine, lorsqu'il mit à exécution un projet d'évasion. Il réussit à descendre à l'aide d'une longue corde, par la fenêtre de sa prison située à soixante pieds du sol, mais il fut arrêté par les douaniers à l'instant où il allait sortir du bourg[15]. Cette phrase contient, tout d'abord, une erreur sur la nature et la durée de la peine prononcée de plus, la tentative d'évasion n'est mentionnée nulle part dans les dossiers concernant Bruneau. La vérité est que cet individu se signala au Mont par ses excentricités ; c'était d'ailleurs un déséquilibré et un alcoolique. Il fallut sévir plusieurs fois contre lui, pour l'obliger à travailler finalement, après avoir passé dans les ateliers de tissage et de menuiserie, il fut spécialisé dans l'équarrissage des pièces de bois pour la confection des sabots son atelier se trouvait dans la salle des Chevaliers. Il s'enorgueillissait, parait-il, de travailler sous des voûtes aussi nobles. Il ne cessait de répéter à ses camarades : Nous voulons et ordonnons que vous nous traitiez avec le respect dû à notre race. Sinon, mille noms d'une pipe ! je vous fiche à pourrir ici, la pelle au derrière, quand j'en sortirai restauré ! Une chanson fut faite sur lui et elle rappelait l'ancien métier du faux Louis XVII.

Il faut reprendre le métier,

Nom d'un sabot, c'est rude ![16]

 

Mathurin Bruneau ne dégrossit pas longtemps le hêtre ; il mourut le 26 avril 1822, ainsi que le constate la pièce suivante que nous avons copiée sur les registres de l'état civil de la commune du Mont Saint-Michel[17].

L'an mil huit cent vingt-deux, le six avril à six heures du soir.

Par devant nous, Jean-Étienne Chénier, maire et officier de l'état civil de la commune du Mont Saint-Michel, canton de Pontorson, département de la Manche ;

Sont comparus les sieurs Étienne-Marie Mottay, secrétaire-greffier de la maison centrale de ce lieu, âgé de cinquante-quatre ans, et René-Louis Turgot, concierge ; âgé de vingt-six ans, tous deux domiciliés en cette commune, lesquels nous ont déclaré que le nommé Bruneau, Mathurin, né à Vézins le dix mai dix-sept cent quatre-vingt-quatre, il n'existe point d'autres renseignements — est décédé aujourd'hui à six heures du matin en cette commune ; et ont les déclarants signé avec nous le présent acte après lecture.

Signé : CHÉNIER, TURGOT, MOTTAY[18].

 

Mathurin Bruneau mourut d'une attaque d'apoplexie, provoquée très probablement par une artériosclérose d'origine alcoolique. M. Hédouin, médecin de la maison centrale, pratiqua l'autopsie. Il observa un amincissement considérable du pariétal gauche à sa partie antérieure, non loin de la réunion avec le pariétal droit et le frontal. Les camarades d'atelier de Bruneau déclarèrent qu'il se plaignait souvent d'une douleur très vive dans cette partie de la tête. Il y portait très souvent la main d'un geste machinal. Ledain déclare avoir vu la coupe circulaire du crâne de Bruneau et Fulgence Girard a également parlé de cette pièce anatomique conservée, dit-il, à la pharmacie de la maison centrale : Le crâne de Mathurin Bruneau est celui d'un homme saillant (sic), mais prédisposé à la folie la partie supérieure de ce crâne est extraordinairement développée ; les traits de son caractère étaient la persévérance et la force de croyance et de volonté. Le front est renversé ; de la poésie, mais point d'observation, point de métaphysique. On remarque près du front un amincissement de l'os, tel qu'on reconnaîtrait au travers la couleur d'un objet[19].

Un autre personnage fut écroué au Mont le 6 novembre 1820. Le 6 mars de cette année, le conventionnel Le Carpentier comparaissait devant la cour d'assises de Coutances sous l'accusation d'avoir voté la mort de Louis XVI, d'avoir accepté l'acte additionnel et d'être rentré en France, contrairement aux dispositions de la loi du 12 janvier 1816, lui interdisant l'accès du royaume. Il fut condamné, le 15 mars 1820 à la déportation et fut transféré au Mont, le 6 novembre de cette année. On ne sait rien de bien précis sur l'endroit même où il fut enfermé il est probable que la cellule qu'il occupait se trouvait dans la Tour Perrine, où il était facile d'exercer une surveillance rigoureuse c'eût été une dérogation au règlement parce que ces cellules étaient réservées aux politiques et que Le Carpentier était un condamné de droit commun mais l'ancien conventionnel avait été signalé comme dangereux à l'administration pénitentiaire et il est probable que celle-ci avait pris contre lui des mesures sévères.

Peu de temps après son incarcération, Le Carpentier fut aperçu, au Mont, par une de ses anciennes victimes, cet excellent abbé Manet, de Saint-Malo, celui-là même qui s'était caché dans un grenier de la cité corsaire, lorsque le farouche représentant terrorisait le pays, en 1794. C'est au Mont, écrit l'abbé Manet, qu'après l'avoir observé du haut des greniers où nous étions cachés, marchant en triomphateur dans nos rues aux jours de sa toute-puissance, nous l'avons vu en 1821, le front humilié dans la poussière, en attendant les honneurs de la déportation, ramper au milieu de bandits qui pouvaient converser librement, tandis qu'il n'avait pas la permission d'adresser une seule parole aux gens du dehors[20].

Cependant, dès le début, Le Carpentier avait accepté son triste sort avec résignation. A la date du 30 septembre 1821, le directeur de la maison centrale, M. Marin-Duruisseau écrivait dans un rapport au ministre de l'Intérieur : Le Carpentier se conduit bien et saisit toutes les occasions de se rendre utile. Le régicide chante en ce moment les louanges de l'auguste famille des Bourbons.

C'est une tradition, dans l'Avranchin, d'affirmer que Le Carpentier subit, au Mont Saint-Michel, une véritable évolution religieuse, mais qu'il persévéra dans ses sentiments hostiles à la maison royale, contrairement à l'affirmation de Marin-Duruisseau. M. de Brachet ne met pas en doute la conversion du farouche ennemi des prêtres[21] : On raconte, dit-il, que Le Carpentier s'attira par une conduite exemplaire la bienveillance de l'aumônier de la prison et les habitants du Mont eurent, dès lors, ce spectacle édifiant, mais assurément peu banal l'ancien persécuteur acharné de la religion et de ses ministres, le destructeur sacrilège des églises et des chapelles, servait la messe avec recueillement et mettait tout son zèle à remplir très exactement les diverses fonctions d'un enfant de chœur. Si assidu qu'il fût à tous les offices, il était cependant un jour chaque année, où l'ancien conventionnel fuyait l'église avec horreur c'était quand revenait le 21 janvier, le sanglant anniversaire de la mort de Louis XVI. Alors, sans doute, le souvenir du meurtre qu'il avait contribué puissamment à faire commettre par ses écrits et son intervention haineuse à la Convention, ravivait ses remords et peut-être son repentir. Le vieillard sombre et silencieux se confinait tout le jour dans sa cellule, seul avec ses pensées, à l'abri des regards curieux ou hostiles de tous ceux qui l'entouraient. Puis, quand la date fatale était passée, il retournait à ses occupations ordinaires et celles-là n'avaient rien que de fort louable.

L'abstention de Le Carpentier aux offices du 21 janvier est expliquée d'une tout autre façon par certains de ses panégyristes. Il ne voulait pas, disent-ils, prier pour le repos de l'âme de celui qu'il avait toujours considéré comme le bourreau du peuple et le plus odieux des tyrans. Mais nous avons entendu dire aussi par des vieillards dont le souvenir remontait à l'époque où Le Carpentier était détenu au Mont qu'il n'y avait pas un mot de vrai dans cette anecdote. Le Carpentier, esprit dissimulé et pratique, aurait tout simplement cherché à capter les bonnes grâces de l'abbé Doré, aumônier de la maison centrale[22] : cela lui aurait valu certaines douceurs, notamment une amélioration dans l'ordinaire ; ce que l'on peut tenir pour constant c'est la bonne conduite du condamné. Elle finit par lui valoir un petit emploi dans l'administration pénitentiaire. En 1828, le directeur l'attacha aux écritures du greffe et l'ancien conventionnel devint un gratte-papier la plume qui avait rédigé tant de factums haineux, qui avait signé tant d'arrêts de mort, enregistrait l'entrée dans les magasins de la maison des sacs de haricots et des ballots d'étoupe Le Carpentier ne profita pas longtemps de cette situation, si enviée de ceux qui avaient des lettres et il s'en trouvait plusieurs dans la maison centrale il mourut, très probablement d'une affection pulmonaire ou cardiaque, le 28 janvier 1829[23]. On ouvrit son cadavre et sa tête fut, dit-on, conservée dans la pharmacie du Mont. Fulgence Girard affirme l'avoir vue : Elle présente un beau front et le développement phrénologique le plus régulier ; cette enveloppe du principal siège de l'âme atteste bien l'harmonieux épanouissement du cerveau d'un sage.

Tout le monde ne souscrira pas au jugement que porte sur lui l'auteur que nous venons de citer, mais il serait bien difficile de s'inscrire en faux contre l'examen phrénologique qui a motivé une si belle appréciation post mortem une nouvelle étude anatomique est tout à fait impossible. La tête de Le Carpentier est allée rejoindre, on ne sait où, le crâne de Mathurin Bruneau, si tant est que ces pièces aient jamais été détachées du corps de ces tristes personnages.

M. de Brachet, qui a consacré toute une monographie à la vie et à l'œuvre du conventionnel, n'a pas éclairci ce mystère. Il paraîtrait que les Pères de Pontigny, qui remplacèrent en 1876 les missionnaires diocésains établis au Mont par Mgr Bravard, héritèrent de ce dépôt sinistre. Après la laïcisation du Mont, ils n'auraient pas emporté les têtes et les crânes des condamnés de marque. Ils les auraient confiées à un habitant du Mont, dont le fils aurait dit son secret à M. de Brachet. Après tout, ce petit mystère historique ou légendaire n'a rien de passionnant ; nous laisserons sans plus, la tête de Le Carpentier macérer dans l'alcool d'un bocal, au fond de l'armoire du discret habitant de la petite ville du Mont Saint-Michel. Souhaitons pour lui qu'il la vende très cher à un collectionneur d'Amérique.

 

 

 



[1] A cette époque sévit, au Mont, une épidémie, de fièvre typhoïde probablement, puisqu'on l'attribuait à l'eau. La mortalité était si grande qu'on fut obligé d'ajouter 20 feuillets au registre des décès.

[2] Recherches historiques de M. des Mons, curé de Cherbourg, Ms. du Grand séminaire de Coutances. L'abbé des Mons avait eu beaucoup de peine à obtenir un laissez-passer du sous-préfet d'Avranches.

[3] Cependant la détention d'Émile Babeuf ne saurait être mise en doute. Émile Babeuf, fils de François Noël, avait repris, en les modifiant sensiblement, les doctrines de son père sur le communisme. Envoyé au Mont Saint-Michel par Napoléon Ier, il y fut maintenu par la Restauration et ne recouvra sa liberté qu'à la suite des événements de juillet 1830.

[4] WALSH, Visite au Mont Saint-Michel (Écho de la Jeune France, 1833-1834, p. 128).

[5] Quelques-unes de ces notes ont été publiées dans les Archives générales de médecine, journal complémentaire des sciences médicales, IIe série, t. II, 1833.

[6] D'après les notes du docteur H. Ledain.

[7] Le poète MATHIEU D'ÉPINAL dans la préface de son livre Mes nuits au Mont Saint-Michel (Paris, V. Bouton 1844), a parlé en termes discrets de l'ignoble vaisseau et du meuble infâme. Le baquet inspira même une chanson que son naturalisme ne permet pas de transcrire.

[8] La pharmacie avait été installée auprès de l'ancienne Apothicairerie que les révolutionnaires avaient pillée ; ils n'avaient laissé que deux mortiers de fonte, deux cocmards, une pelle, une bassinoire et un chaudron. Arch. Nat., F¹⁰ 607.

[9] Sous cette voûte est la source qui jaillit sous le baston de l'évêque et pour ce qu'il n'y avait point d'eau en ce lieu, le dict évêque requit Saint-Michel qui lui montra ce lieu, où il frappa de son baston et en yssit eau vive qui servait aux usaiges humains et mesmement était médicinable. DOM JEAN HUYNES, Hist. gén.. Le Neustria Pia dit en parlant de cette fontaine : Non modo usibus humanis neccessarius, sed curandis variis morbis.

[10] Article signé RANULPHE, Ann. Mont Saint-Michel, 1908, p. 257.

[11] Voir notamment l'étude de Mme DÉJERINE-KLUMPKE sur les paralysies saturnines, dans sa thèse sur les Polynévrites en général ; paralysie et atrophie saturnine en particulier. Paris, 1889.

[12] Paris, Firmin Didot, 1824. Bibliothèque du Sénat, brochures sur le système pénitentiaire, 1, table 67. Communication de M. le sénateur Lemarié.

[13] Cf. J. DE SAINT-LÉGER, Était-ce Louis XVII, évadé du Temple ? Paris, 1911, et DE LA SICOTIÈRE, le Faux Louis XVII. Revue des questions historiques, 1882.

[14] Archives nationales. F⁷ 6979, pièce 76.

[15] MARTIAL IMBERT, le Mont Saint-Michel, p. 199.

[16] M. Le Héricher place par erreur cet atelier dans la chapelle Sainte-Anne, chœur de l'église abbatiale.

[17] Actes de l'état civil du Mont Saint-Michel pour l'année 1822, registre déposé au Greffe du Tribunal civil d'Avranches.

[18] Cette pièce fixe d'une façon indiscutable la mort de Bruneau. Ledain la porte par erreur au 21 novembre 1821 et Lanon à 1823.

[19] FULGENCE GIRARD, Le Mont Saint-Michel. Est-il besoin de faire remarquer combien cet examen phrénologique est sujet à caution ? L'os aminci ne serait-il pas tout simplement l'ethmoïde ou os cribleux, ainsi nommé parce que sa lame sup6rieure est percée d'un grand nombre de trous ?

[20] ABBÉ MANET, De l'état ancien de la baie du Mont Saint-Michel, etc., p. 68.

[21] A. DE BRACHET, Le Conventionnel Le Carpentier.

[22] Le curé de la paroisse du Mont (Saint-Pierre) remplissait les fonctions d'aumônier de la Maison centrale. On a conservé le souvenir de l'abbé Michel Reullost, gradué en théologie. Il binait chaque dimanche. Émigré en Angleterre, il y retrouva un ancien curé du Mont, l'abbé Mazier. M. Reullost mourut le 6 novembre 1816, il eut pour successeur l'abbé Doré. Ce prêtre était aumônier de la Maison centrale, au temps où Mathurin Bruneau et Le Carpentier s'y trouvaient détenus. L'abbé Doré était le dévouement en personne. Il contribua beaucoup à l'instruction des petits Montois, aidé dans son œuvre par la veuve Desmaizières. On a prétendu également que Le Carpentier se fit au Mont l'instituteur des jeunes garçons. Un a même dit qu'il avait la spécialité de leur apprendre le catéchisme. C'est une légende qui a permis d'écrire de jolies phrases sur les contrastes. En 1827, les prisonniers du Mont eurent un aumônier spécial dans l'abbé Legros. Il eut pour successeur en 1830 l'abbé Turpin. La révolution de cette année-là eut son contre-coup au Mont Saint-Michel. Le personnel pénitentiaire fut renouvelé. Il parait que l'abbé Turpin eut beaucoup à souffrir en raison de sa position qui l'obligeait à fréquenter des fonctionnaires peu déférents envers la robe dont il était revêtu. De 1834 à 1837, l'aumônerie fut exercée par M. l'abbé Leforestier, de Marchesieux. Il eut pour successeur l'abbé Lecourt de Saint-Loup, que les condamnés politiques ont cherché à rendre-odieux et qui était un excellent prêtre.

[23] Acte de décès extrait des Registres de l'état civil de la commune du Mont Saint-Michel pour l'année 1829. Greffe du tribunal civil d'Avranches :

L'an 1829, le 28 janvier à 9 heures du matin, par-devant nous Jean-Étienne Ménin, maire et officier de l'état civil de la commune du Mont Saint-Michel, canton de Pontorson, département de la Manche, ont comparu les sieurs René-Louis Turgot, gardien-chef, âgé de 33 ans et Victor-Zéphyrin Gaillard, âgé de 37 ans, tous deux domiciliés dans cette commune, lesquels nous ont déclaré que le sieur Jean-Baptiste Le Carpentier de Préfontaine, fils de feu Marin et de feue Suzanne Delalée, âgé de 68 ans, né à Helleville, canton des Pieux, domicilié à Valognes, département de la Manche, est décédé le jour d'hier à 6 heures et demie en notre commune, ainsi que nous nous en hommes assurés et ont les déclarants... etc. Signé : TURGOT, GAILLARD, MÉNIN.