L'ÉGLISE ET L'ÉTAT EN FRANCE

TOME PREMIER — DEPUIS L'ÉDIT DE NANTES JUSQU'AU CONCORDAT (1598-1801)

 

LA COMPAGNIE DU TRÈS-SAINT-SACREMENT.

 

 

L'Eglise française a certainement donné au monde un très noble spectacle, pendant les cinquante premières années du XVIIe siècle. Elle s'est d'elle-même et par ses propres forces réformée, disciplinée, instruite et moralisée, et s'est remise à un si haut degré de gloire qu'elle ne paraît avoir été, à aucune époque, plus puissante sur les âmes ni plus respectée des autres nations. Elia a pris à cœur de se faire aussi grande par l'ardeur de sa charité que par les lumières de sa foi, et elle a combattu la misère privée et publique avec un dévouement si admirable et une persévérance si héroïque, que le monde n'en avait point encore vu de pareils. Ces justes hommages, aucun homme de bonne foi ne saurait les lui refuser.

Mais personne, non plus, ne voudrait soutenir que l'Eglise de France ne s'est jamais trompée et que son œuvre ait été toujours et en tous points parfaite, ce qui ne s'est jamais dit, en aucun temps, d'aucune œuvre humaine.

Il est certain que l'œuvre catholique du XVIIe siècle prête par plus d'un point à la critique, et comme l'idée religieuse est, de toutes, celle qui a le don de passionner le plus les hommes, on ne s'étonnera pas qu'elle ait engendré, en même temps que les plus hautes vertus, les erreurs les plus étranges et les abus les plus monstrueux. C'est le propre de la passion d'entraîner l'homme aux extrêmes, dans le mal comme dans le bien.

Les idées sont, comme les corps, sujettes à des maladies, qui les déforment, les empoisonnent et finissent par les changer en des vices du tout contraires aux vertus qu'elles paraissaient d'abord représenter.

Le catholicisme français du XVIIe siècle a eu ainsi ses maladies mentales et morales ; nous nous proposons de les étudier, ici, avec la même impartialité que nous croyons avoir apportée à l'étude de ses bienfaits.

L'histoire de la Compagnie du Très-Saint-Sacrement nous servira à montrer comment le sens de la charité peut se pervertir sous l'influence du fanatisme et dégénérer logiquement en une abominable hypocrisie. Nous emprunterons celte leçon à l'excellent livre de M. Raoul Allier — La Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l'autel. La Cabale des dévots, 1627-1666, Paris, Colin, 1902, in-8° —, calqué presque tout entier lui-même sur le ms. 14.489 du fonds français de la Bibliothèque nationale, intitulé Annales de la Compagnie du Saint-Sacrement, par le comte Marc-René de Voyer d'Argenson.

La Compagnie du Saint-Sacrement, que nous appellerons désormais, pour plus de brièveté, la Compagnie, eut pour fondateur un grand seigneur très mystique, le duc de Ventadour.

Catholique très fervent et ennemi redouté des protestants, qu'il avait fièrement combattus en 1623 et 1628, le duc s'était fiancé, en 1619, à Marie-Liesse de Luxembourg-Pinei, alors âgée de huit ans, et l'avait épousée en 1623, lorsqu'elle en eut douze. Il vivait avec elle comme avec une petite sœur et, tandis qu'il avait toutes les idées d'un prêtre, la jeune duchesse prenait insensiblement toutes celles d'une religieuse.

Au mois de mai 1627, le duc sentit tout à coup la clarté se faire en son esprit et confia à un religieux, aussi mystique que lui, le grand dessein qu'il avait formé pour la plus grande gloire de Dieu. Enthousiasmé par son projet, il ne songea plus qu'à s'y consacrer corps et, âme et encouragea fort les dispositions de sa femmes embrasser la vie religieuse. Le 24 septembre 1628, les deux époux se présentèrent ensemble à l'église des Carmélites d'Avignon et firent vœu de transformer leur très pur amour conjugal en le très pur amour angélique. Le 19 septembre de l'année suivante, la duchesse entrait comme novice au Carmel d'Avignon, où elle prit le voile en 1634. Le duc resta provisoirement dans le siècle, puis finit par entrer dans les ordres en 1641 ; mais l'accomplissement de son grand dessein fut désormais l'unique passion de sa vie.

L'idée de M. de Ventadour était, il faut le reconnaître, et très grande et très belle. Il avait remarqué que les innombrables œuvres catholiques déjà établies, et qui allaient tous les jours en se multipliant, avaient la tendance naturelle à se spécialiser ; les unes s'occupant d'enseignement, les antres s'adonnant à la contemplation, celles-ci à la prédication, celles-là au secours des malades ; cependant leurs efforts manquaient de cohésion et n'obtenaient pas tous les effets qu'ils auraient pu produire avec une meilleure direction. M. de Ventadour songea à créer une sorte de Comité central des œuvres religieuses, une manière d'état-major général de l'armée spirituelle, qui dresserait les plans de campagne et ferait donner chaque troupe sur les points les plus menacés.

La Compagnie se donna pour premier objet de faire honorer partout le Saint-Sacrement et procurer qu'on lui rende tout le culte et le respect qui sont dus à Sa divine Majesté. Les confrères s'engageaient à donner les premiers l'exemple de la piété, à assister tous les jours à la messe, à avoir chez eux dans leur oratoire quelque tableau ou image, qui leur rappellerait sans cesse leur engagement d'honorer spécialement le Saint-Sacrement. S'ils rencontraient le viatique dans la rue, ils devaient descendre de cheval ou de carrosse et l'accompagner jusque chez te malade. Ils s'engageaient à reprendre avec fermeté et courage tous ceux qui parleraient mal devant eux des choses de la religion. Ils promettaient de tout faire pour élever leurs familles dans les mêmes sentiments.

A cette première obligation, toute de piété et de dévotion, s'ajoutait le devoir de discipline, si étroitement formulé qu'on pourrait y reconnaître l'influence de la Société de Jésus. La Compagnie insistait avec force sur la subordination des membres entre eux et de tous ensemble à l'égard du supérieur et directeur, par le seul titre de la charité, qui ne rend pas moins soumise leur obéissance volontaire que celle dont on s'acquitte par vœu dans les congrégations régulières.

Elle ne voulut pas délimiter le champ de son action, mais au contraire l'étendre à toutes les œuvres et à toutes les formes de la charité : Elle prétendit à secourir les pauvres, les vieillards, les infirmes et les malades ; à distribuer les consolations spirituelles à tous ceux qui en avaient besoin ; à retirer du vice ou de l'erreur tous ceux qui y croupissaient, à les réveiller à la vie, spirituelle et morale et à les conduire au salut. Rien ne lui fut étranger de ce qui pouvait restreindre l'empire du mal et augmenter dans le monde la somme du bien — tel qu'elle l'entendait.

Ce fut une institution de combat, animée d'un intense esprit de. prosélytisme et dirigée par des hommes que le monde avait formés, dès longtemps, aux tâches les plus épineuses de la politique et de la diplomatie.

Les premiers associés de M. de Ventadour furent le capucin Philippe, l'abbé de Grignan, qui fut plus tard évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, puis d'Uzès ; Henri de Pichery, maître d'hôtel ordinaire du roi ; le jésuite Suffren, confesseur de Marie de Médicis ; le marquis d'Andelot, lieutenant général de Champagne ; François de Coligny, son fils ; Zamet de Saint-Pierre, neveu de l'évêque de Langres ; Gédéon de Vic, maréchal de camp ; le P. de Condren, général de l'Oratoire ; Jean de Galard-Béarn, ambassadeur de France à Rome ; les évêques de Bazas et de Saint-Fleur.

On voit par ces noms que nous n'avions pas tort de comparer la Compagnie à un état-major. Elle resta très aristocratique et très choisie, au moins dans sa direction. Mais elle s'affilia tous ceux qui pouvaient la servir et en qui elle pouvait avoir pleine confiance ; elle eut parmi ses affiliés des bourgeois, des marchands, des gens de justice et d'affaires, qui l'aidèrent puissamment de leurs conseils et de leur bourse.

Elle rayonna sur toute la France. On lui connaît cinquante-trois succursales dans les provinces. On a publié les registres des compagnies particulières de Bordeaux, Limoges, Grenoble et Marseille. Clermont avait la sienne dès 1649.

Mais ce qui lui donne sa physionomie propre et la distingue de toutes les œuvres que nous connaissons, c'est le mystère dont elle s'est entourée pendant toute sa carrière, c'est le secret inviolable gardé par tous ses membres sur toutes ses opérations.

La Compagnie du Saint-Sacrement fut une société secrète, une véritable puissance occulte, dont les contemporains purent soupçonner l'existence, mais ne connurent jamais l'organisation.

Il parait presque incroyable qu'une société ait pu vivre quarante ans, avoir son siège à Paris et ses succursales dans les plus grandes villes du royaume, tenir chaque mois des réunions, correspondre avec ses agents et se mêler d'affaires innombrables, sans que l'autorité royale, ou même l'autorité religieuse, aient connu de science certaine les statuts, l'organisation et le fonctionnement de cette société. Et cependant, il en fut ainsi. L'archevêque de Paris ignora toujours l'existence de la Compagnie du Saint-Sacrement. Le roi ne la connut pas davantage. Les contemporains ne parlent jamais que de la cabale des dévots, donnant à entendre par là qu'ils attribuaient aux intrigues des dévots mille faits singuliers qu'ils ne s'expliquaient pas autrement que par leur intervention, mais ils ne savaient pas comment cette intervention se produisait ni quels étonnants ressorts les dévots pouvaient faire jouer.

Il semble tout d'abord inexplicable qu'une association qui ne se proposait que des fins spirituelles ou charitables, ait cru de son intérêt da se dissimuler aussi complètement.

Ne peut-on honorer au grand jour le Saint-Sacrement ? Est-il nécessaire de se cacher pour secourir les malades, pour évangéliser les foules, pour combattre le vice ou l'hérésie ? Pourquoi toute cette ombre ? Pourquoi tout ce mystère ?

C'est que les hommes qui prirent, les premiers, la direction de la Compagnie étaient des politiques et apportèrent dans leur œuvre l'esprit tortueux et compliqué que leur avait donné la vie de Cour. La Cour est le pays de l'intrigue, le pays où le fou du roi seul a le droit de dire la vérité ; où les visages mentent comme les paroles, où nul ne peut se vanter de posséder un ami, où, sous des apparences courtoises, se dissimulent mal les ambitions féroces et les convoitises effrénées. Dans un milieu pareil, celui-là seul pourra prétendre à quelques succès qui saura observer, se taire, dissimuler ses sentiments, cacher ses désirs, se pousser à travers ceux qui montent et miner le crédit de ceux qui lui font obstacle. Si dévot qu'il fût, M. de Ventadour connaissait les mœurs et habitudes de la Cour et les transporta naturellement, presque sans y songer, dans la Compagnie. Il eut autour de lui des politiques, comme lui, des hommes de gouvernement qui connaissaient tout le prix du secret en affaires et qui trouvèrent très simple d'appliquer en matière spirituelle ou charitable ce qu'ils avaient toujours pratiqué dans le gouvernement ou l'administration.

Et voilà le grand mot léché La Compagnie ne fut pas autre chose qu'une administration. Administration savante, laborieuse, active, toute faite en vue du but à atteindre, mais corrompue et gâtée, dès le jour de sa naissance, par son principe politique, par l'idée même, que se firent ses premiers chefs, de ses devoirs et de ses droits.

Le secret leur parut si bien être la condition suprême du succès qu'ils apportèrent au choix des membres un soin extrême, pour se. garder d'être surpris, et qu'ils distinguèrent soigneusement les simples membres d'avec les officiers, seuls initiés à toute la politique de la Compagnie. Les membres, soit à Paris, soit en province, devaient faire abstraction de leur personnalité et obéir à l'impulsion qu'ils recevaient d'en haut. Les officiers renouvelés, il est vrai, tous les trois mois, mais toujours choisis dans un petit cercle très restreint, gouvernaient seuls la Compagnie et réglaient ses mouvements, sans autre contrôle que celui qui pouvait résulter de la discussion à huis clos. Quelques hommes, ne relevant que de leur seule conscience, mettaient en branle toute la formidable machine et la menaient au gré de leur volonté et de leurs passions. Là était peut-être le secret de leur puissance et de leur succès, là aussi était le danger.

Les officiers de la Compagnie étaient, en effet, de véritables fanatiques, qui tenaient pour incontestable la fameuse maxime : Hors de l'Eglise point de salut, et qui, dans leur dévorante charité, estimaient de leur devoir rigoureux d'employer tous les moyens en leur pouvoir, si étranges, si violents, si cruels, si atroces qu'ils pussent être, pour garder à l'Eglise toutes ses brebis fidèles, pour lui ramener toutes ses brebis égarées.

Si nous avions à juger ces hommes, nous devrions les absoudre de tout blâme, puisqu'ils ont cru très sincèrement agir au mieux pour le salut de leurs frères. Nous ne les jugeons pas, nous voulons seulement marquer les conséquences terrifiantes auxquelles devait aboutir leur conception de la charité.

Ils crurent que l'aumône et la bienfaisance constituent, au profit du bienfaiteur, un droit sur la conscience de la personne secourue. Ils crurent que l'aumône devait être un instrument de moralisation et un moyen direct de ramener les brebis au bercail. — On ne peut, en vérité, leur en faire un crime, car la plupart des hommes ont encore aujourd'hui la même idée ; mais nous n'hésitons pas à dire que cette idée est une erreur complète, une erreur abominable, qui entraîne avec elle les conséquences les plus mauvaises et les plus immorales. La charité est un étroit devoir du chrétien, qui doit, suivant son pouvoir, donner à manger à ceux qui ont faim, à boire à ceux qui ont soif et vêtir ceux qui sont nus, parce que ces pauvres sont ses frères et qu'à ce titre seul il leur doit secours et assistance ; mais sa charité perd immédiatement tout mérite et dégénère en une odieuse tyrannie, si, pour prix du pain, du vin ou de l'habit qu'il donne, il s'arroge le droit de contrôler la conduite de son frère, de lui donner des conseils qu'on ne lui demande pas, de le morigéner, de le contraindre, de lui défendre telles ou telles actions, de lui commander telle ou telle attitude. Cela n'est plus de la charité, c'est de l'oppression, c'est de la violence, c'est une leçon de bassesse et d'hypocrisie. La Compagnie du Saint-Sacrement est tombée dans cette erreur. Elle a fait de l'aumône un moyen de gouvernement.

La connaissance des hommes est la grande affaire des politiques ; ils tâchent à deviner les secrètes pensées de ceux à qui ils ont affaire, de les deviner, de les percer, et ils s'entourent de toutes sortes de renseignements pour connaître, le plus exactement qu'il se peut, le plus grand nombre d'hommes possible. Toute administration vit de surveillance, et, il faut bien le dire, d'espionnage. C'est une triste nécessité de notre condition humaine, que les gouvernements honnêtes cherchent à restreindre et que les autres tendent au contraire à développer. La Compagnie du Saint-Sacrement n'a vécu que d'espionnage et de délation. Elle a été un immense comité de renseignements, prêt à accueillir toutes les dénonciations, et à poursuivre, par des voies détournées et occultes, la perte de tous ceux qu'elle estimait trop ouvertement hostiles à la religion.

Telles sont les tares originelles qui ont fait de la Compagnie du Saint-Sacrement une société si singulière, où se mêlent de façon si bizarre et si intime le sacré et le profane, l'admirable et l'odieux, le sublime et l'abject. Son histoire est un bon sujet de méditation à proposer aux esprits simplistes, qui jugent tout d'un mot et sont aussi prompts à la condamnation qu'à l'éloge. Cette histoire, si prodigieusement mêlée de bien et de mal, est un véritable cas de conscience historique.

Nous ne pouvons entrer dans le détail de toutes les opérations de la Compagnie, nous choisirons seulement quelques-uns des actes les plus marquants de sa carrière, qui nous permettront de la prendre sur le fait et de la voir à l'œuvre dans la réalité même.

La misère était terrible dans la France de Louis XIII, les grosses dépenses des guerres, l'état arriéré de l'agriculture et de l'industrie, la mauvaise répartition des tailles, le passage incessant des gens de guerre laissaient le pays languissant, ruiné et presque désespéré. La Compagnie accomplit de véritables miracles ; innombrables furent les pauvres qui reçurent d'elle secours et réconfort, mais leur amendement spirituel fut toujours le but principal de ses efforts, elle estima toujours que l'aumône devait être un encouragement à bien penser et à pratiquer.

La vue continuelle que l'on aura comme la fin principale de cette assemblée, ainsi que de toute aumône chrétienne, sera de ramener incessamment les pauvres à l'esprit et aux devoirs de la religion... Si l'on rencontre des pauvres qui ne soient pas suffisamment instruits aux principes de la foi, ou qui négligent de s'acquitter de leurs devoirs, on les avertira que, s'ils ne changent, on les abandonnera : comme en effet, si dans le mois suivant, ils ne se sont fait instruire et qu'ils ne rapportent le témoignage de celui qui les aura catéchisés, on leur refusera l'aumône jusques à ce qu'ils aient satisfait à ce que dessus. (Ordre à tenir dans la paroisse de Saint-Sulpice, pour le soulagement des pauvres honteux, 1652.)

Si les indifférents étaient délibérément abandonnés à leur malheureux sort, les scandaleux, les impies et les hérétiques étaient activement recherchés et poursuivis par la Compagnie.

Elle déployait une extrême énergie contre les Madeleines non repenties qui pullulaient dans Paris. Elle avait commencé par venir au secours de celles qui marquaient vouloir revenir au bien ; mais ses ressources ne suffisant pas à nourrir toutes ces pécheresses, qui souvent retournaient au péché, sitôt qu'elles avaient été secourues, la Compagnie entreprit de créer pour elles une maison de refuge ; elle ne put parvenir à réunir les fonds nécessaires et ne songea, dès lors, qu'à leur faire rude guerre et à les traquer partout où elle le pouvait. A Saint-Sulpice, par exemple, elle réussit à gagner à ses vues le bailli de la paroisse. Une enquête de moralité était faite sur toute personne qui venait s'installer dans le quartier ; sur la dénonciation des confrères, le bailli intervenait, de la manière la plus simple et la plus expéditive. Il se présentait de bon matin au domicile de la brebis galeuse, l'emmenait en chemise, avec une seule cotte et en pantoufles dans ses prisons, donnant en proie à ses sbires tout ce qu'elle avait dans sa chambre et la gardait quinze jours prisonnière, au pain et à l'eau, la mettant ainsi hors d'état de faire du mal jusqu'à ce qu'elle fût remise en équipage, ce qui allait loin, et l'empêchait d'ailleurs de revenir sur la paroisse, aussi bien que celles qui en entendaient parler et qui craignaient pareil traitement.

La Compagnie avait créé dans chaque paroisse des assemblées de charité, qui ignoraient son existence, mais suivaient son inspiration et lui dénonçaient toutes les impiétés qui pouvaient se commettre dans l'étendue de la paroisse. On savait ainsi qui travaillait le dimanche ou les jours fériés, qui donnait à boire ou à manger pendant les offices, qui n'observait pas les jours maigres et le carême. La Compagnie appelait l'attention de l'autorité sur les marchands impies, sur les cabaretiers scandaleux, sur les bouchers qui vendaient de la viande les jours maigres. Les protestants avaient le droit de se fournir de viande aux boucheries de Charenton ; la Compagnie fit tant et si bien qu'elle leur fit retirer ce privilège et les obligea à venir s'approvisionner aux boucheries de l'Hôtel-Dieu (1658). Une amende de 300 livres punissait les bouchers assez imprudents pour vendre de la chair les jours d'abstinence.

Les anciennes lois de la monarchie condamnaient les blasphémateurs à des peines très rigoureuses ; mais, depuis François Ier, ces lois n'avaient pas été renouvelées et étaient peu à peu tombées en désuétude. En 1633, la Compagnie eut avis qu'un insigne blasphémateur était prisonnier pour ses impiétés et que M. de la Neuve était son rapporteur. Aussitôt elle députa vers M. le chancelier pour empêcher qu'on ne tirât cette affaire du Parlement et chacun sollicita les juges de sa connaissance pour les convier à faire une justice exemplaire de ce malheureux, qui, après de grandes longueurs de procédure, fut à la fin condamné et exécuté en Grève, le 28 janvier 1639. (Annales de la Compagnie, p. 22.)

La Compagnie ne fut probablement pas étrangère à l'édit que le roi lança, au mois de mai 1629, contre les blasphémateurs publics de Dieu, de la Vierge ou des saints. Ils étaient condamnés à l'amende jusqu'à la quatrième récidive, au pilori pour la cinquième ; à la sixième fois, on leur coupait la lèvre supérieure ; à la septième, la lèvre de dessous ; à la huitième, ils avaient la langue arrachée.

La Compagnie chargea des particuliers de convier le lieutenant civil et le prévôt des marchands à se servir de l'ordonnance pour empêcher les jurements qui se faisaient tous les jours à la Grève et sur les autres ports de la rivière.

En 1649, un misérable déiste fut mis à la Bastille, et, comme il ne pouvait payer sa dépense, il en serait bientôt sorti si la Compagnie n'eût fourni à sa subsistance pour empêcher sa mise en liberté. Mais, ajoute d'Argenson, comme les méchants trouvent toujours trop de protection parmi le monde, il fut à la fin mis en liberté.

L'édit de Louis XIII fut renouvelé par Louis XIV, en 1651 et 1655, et, de cette dernière date à l'année 1661, on ne compte pas moins de onze arrêts du Parlement rendus contre les blasphémateurs. L'un d'eux est pendu et étranglé pour avoir juré le saint nom de Dieu en jouant aux cartes et aux quilles. D'autres sont condamnés aux galères, un autre est condamné à faire amende honorable, à avoir les deux lèvres fendues, à être rompu vif, puis brûlé ; ses cendres devaient être jetées au vent. C'est ce que l'on appelait alors venger Dieu.

Les protestants n'étaient pas vus d'un meilleur œil que les blasphémateurs par la Compagnie. Le F. Philippe, l'un de ses premiers membres, ne pouvait songer sans horreur aux années du règne d'Henri IV : L'erreur et l'impiété étaient alors si communes et si fécondes, que les actions brutales de la plupart des Français donnaient une si grande horreur de vivre aux gens de bien, qu'ils désiraient plutôt la mort qu'ils ne faisaient la vie. Le huguenot était comme le maître, tout tremblait sous les menaces de son insolence et à peine le pauvre religieux et l'homme catholique reconnaissaient-ils son couvent et sa paroisse. La furie des uns avait tout renversé et la douceur des autres avait cédé à leur rage.

La Compagnie se donna pour tâche de surveiller les religionnaires et d'observer leurs séductions, dogmatismes, prêches, assemblées, hôpitaux, écoles, profanations, irrévérences, sollicitations de domestiques, transgressions des fêtes et autres délits semblables. Elle engagea les curés de paroisse à lui signaler tous les faits de ce genre dont ils pourraient avoir connaissance. Sous son impulsion, les comités de paroisse rivalisèrent de fanatisme. A Saint-Nicolas, on dresse des listes de tous les délits imputables aux huguenots, on engage les propriétaires à ne pas leur louer leurs maisons. A Saint-Etienne-du-Mont, on informe sur le fait d'un protestant qui s'est avisé de donner des leçons de grec et de latin. On cherche, en dépit de l'Edit de Nantes, à leur fermer l'accès des corps de métier. Une huguenote ayant acheté au roi un brevet de maîtresse lingère, on incite la corporation à ne pas la recevoir, on l'oblige à plaider, on gagne ses juges pour qu'ils ne rapportent point son procès, on la trahie ainsi de quartier en quartier pendant sept ans, et, quand on apprend que le rapporteur va conclure en sa faveur, ou l'entoure, on lui promet de lui rembourser tous les frais qu'elle a faits et on obtient qu'elle se désiste. Il ne sera pas dit qu'une huguenote aura été admise dans la, corporation des lingères de Paris.

Si l'on connaît quelque huguenot besogneux, on l'assiste ; mais on lui fait entrevoir qu'il faut qu'il se convertisse pour que l'assistance continue. S'il se convertit, on lui donne une gratification, sans se douter qu'il n'est pire simonie que ce commerce des âmes.

Si quelque huguenot est malade, on lui dépêche de bons dévots, qui entreprennent, malgré lui et ses proches, de le convertir et de le sauver.

On cherche par tous les moyens à restreindre les dernières libertés accordées aux huguenots. On les pourchasse de poste en poste, sans paix ni trêve.

Dans les dernières années de sa longue carrière, la Compagnie s'intéresse à la Mission royale du pays de Gex, dirigée par M. d'Aranthon, évêque de Genève. Elle applaudit à la destruction des temples, elle trouve de l'argent pour les singuliers missionnaires qui assiègent le chevet des mourants et n'épargnent aux esprits faibles ni les vexations ni les menaces.

Non seulement la Compagnie poursuivait de ses haines vertueuses les scandaleux, les blasphémateurs et les hérétiques ; mais elle s'attaquait aussi — et peut-être avec un redoublement de colère — aux catholiques qui s'écartaient sur quelque point de la pure orthodoxie.

Nous verrons prochainement la part considérable prise par la Compagnie à la querelle janséniste, nous nous contenterons aujourd'hui d'examiner son rôle dans l'affaire du compagnonnage et dans le procès de l'illuminé Morin.

Le bon Henri, un charitable cordonnier, dont la Compagnie avait favorisé les pieuses entreprises, avait surpris entre les ouvriers qui peuplaient les ateliers des signes d'intelligence qui leur permettaient de se reconnaître et de se grouper ; il avait deviné qu'il existait entre eux des liens secrets, absolument semblables d'ailleurs à ceux qui rattachaient entre eux les membres de la Compagnie. Il avait tout aussitôt tenu pour suspectes ces associations, qu'il croyait avoir découvertes, et avait fait part de ses soupçons à ses supérieurs spirituels. On l'avait engagé à continuer ses investigations, à réunir des éléments de preuves, et un jour arriva où le dossier de l'affaire fut assez complet pour que la Compagnie pût se faire une idée exacte de ce dont il s'agissait.

Les compagnons d'un très grand nombre d'industries formaient entre eux des associations secrètes, qui leur permettaient souvent de combattre avec succès l'omnipotence patronale et d'obtenir des avantages qu'ils n'eussent jamais obtenus s'ils étaient restés isolés.

Ces associations, qui remontaient très loin, avaient été à l'origine parfaitement publiques ; le clergé les avait bénies et protégées ; puis, comme il lui est arrivé trop souvent, il s'était rangé du côté des riches et des puissants et avait déclaré les associations ouvrières illicites. Elles avaient continué, et les gens simples qui les composaient avaient cru pouvoir, sans crime, les recommander eux-mêmes à la protection divine. Des cérémonies d'initiation, inspirées du baptême chrétien et de la messe, étaient célébrées par les dignitaires des compagnonnages et témoignaient presque toujours chez eux d'un vif sentiment religieux. Mais la Compagnie vit dans ces cérémonies des rites diaboliques, et dans les compagnonnages des associations infernales, contre lesquelles elle chercha immédiatement à armer le bras séculier. Elle commença par faire condamner le compagnonnage par la Sorbonne. Le 21 septembre 1645, la Faculté de théologie déclara le serment prêté par les associations ouvrières plein d'irrévérence et répugnant à la religion et n'obligeant en aucune façon ceux qui l'avaient ci-devant fait.

En juin 1646, elle obtint de l'archevêque de Paris un monitoire contre le compagnonnage ; on engageait tous ceux qui connaîtraient quelque fait nouveau au sujet des associations ouvrières à le déclarer sous peine d'excommunication.

Le 14 mars 1655, la Sorbonne lança une nouvelle condamnation contre les compagnons, déclarant qu'en leurs pratiques il y a péché de sacrilège, impureté et blasphème contre les mystères de la religion. Le serment prêté par les compagnons ne les lie point ; ils sont au contraire obligés en conscience de déclarer ces pratiques aux juges ecclésiastiques, et même, si besoin est, aux séculiers qui y peuvent donner remède. Ils ne peuvent demeurer dans ces associations sans péché mortel.

Armée de ces sentences, et ayant réussi à créer un nouveau délit jusqu'alors inconnu, la Compagnie dénonça les associations ouvrières à tous les curés de paroisse, fit dissoudre leurs réunions, les traqua jusque dans l'enclos du Temple, où ils étaient à l'abri de la juridiction de l'archevêque, et ne cessa jusqu'à son dernier jour de les persécuter.

Une histoire plus significative encore, et qui nous parait bien résumer tout l'esprit de la Compagnie, est la poursuite d'un pauvre illuminé appelé Morin, dont le cas relevait bien plutôt de a médecine que de la justice.

Simon Morin était né vers 1622 à Richemont, près d'Aumale, dans le pays de Caux. Commis chez le trésorier de l'extraordinaire des guerres, puis écrivain copiste, il fit la connaissance de quelques illuminés dont les doctrines le séduisirent et, à la suite d'une rafle de police, fut emprisonné à l'officialité de Paris. Les juges d'Eglise le trouvèrent surtout faible d'esprit et le remirent en liberté.

Pendant qu'il était en prison, une demoiselle Malherbe, qui visitait les prisonniers, avait été touchée de sa patience. et de sa résignation et fut sa première disciple. Redevenu libre, il prêcha ses doctrines, fit impression sur quelques esprits simples, et ses succès lui valurent une nouvelle incarcération. Il fut arrêté le 28 juillet 1644 et conduit à la Bastille, où il resta vingt et un mois.

En 1647, il publia ses Pensées, dédiées au Roi. Naïve et simple déposition que Morin fait de ses pensées aux pieds de Dieu, les soumettant au jugement de son Eglise très sainte, à laquelle il proteste tout respect et obéissance, avouant que, s'il y a du mal, il est de lui ; mais, s'il y a du bien, il est de Dieu et lui en donne toute gloire. Suppliant très humblement toutes personnes, de quelque condition qu'elles soient, de le supporter un peu pour Dieu, à cause de la vérité qu'il a à dire, et pour laquelle il encourrait la condamnation de Dieu, s'il se taisait. — (Avec approbation, 1677, in-8°, 176 pages.)

Sa doctrine était celle des Frères du libre esprit, qui depuis le Moyen-Age n'avait pas disparu. Il y a trois règnes : celui du Père, qui correspond à la loi de Moïse ; celui du Fils, ou de la Grâce ; celui du Saint-Esprit, ou de la Gloire. Dieu gouvernera désormais les âmes par des moyens purement intérieurs, sans qu'il soit besoin de pratiques extérieures, de culte, de sacrements, ni de l'intermédiaire de l'Eglise.

Morin était si persuadé de la vérité de sa doctrine, qu'il alla lui-même offrir ses pensées au curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, et quand le prêtre lui demanda de qui il tenait sa mission, il répliqua que sa mission était encore beaucoup plus certaine que celle du curé, le curé l'ayant reçue des hommes, et lui la tenant de Jésus-Christ incorporé dans sa propre personne.

Le curé de Saint-Germain dénonça à la police l'inoffensif rêveur, qui se cacha sous un faux nom dans une maison de l'île Notre-Dame, avec sa femme et ses enfants.

Arrêté pour la troisième fois et ramené à la Bastille, il en sortit encore, le 7 février 1649, après avoir signé une rétractation formelle de ses erreurs. Quatre mois plus tard, il la renouvela encore pour plus de sûreté.

Au fond, il n'avait pas renoncé à ses idées ; mais la Compagnie veillait et le fit prendre sur la dénonciation d'un controversiste de bas étage, nommé Jean Beaumais, qui avait feint de vouloir être de la secte et de vouloir être instruit. Comme la Bastille n'en voulait plus, on le remit à l'officialité, où la Compagnie le fit retenir longtemps, nourri des aumônes du coffret, dit d'Argenson.

Au mois d'août 1630, elle fit avertir l'assemblée générale du clergé de ce qu'elle avait fait, et lui laissa entendre que, pour un don une fois fait de 1.000 à 1.200 livres, elle n'entendrait plus parler de Morin, ni de François d'Oches, son complice.

Quand la Compagnie eut l'argent, elle voulut obtenir un châtiment public et fit transférer Morin à la Conciergerie. Le Parlement se refusa à envoyer le pauvre homme en place de Grève et le fit mettre aux Petites-Maisons, d'où une nouvelle rétractation le tira en 1656.

A peine libéré, Morin recommença à dogmatiser. A force de prêcher que l'esprit du Christ peut être en tout homme, il avait fini par croire que le Christ vivait réellement en lui. En 1661, il composa un livre sur sa doctrine et eut la hardiesse de le jeter, un jour, dans le carrosse du roi.

Après ce coup d'éclat, il disparut et l'on eût peut-être perdu sa trace si un autre illuminé, tout aussi fou pour le moins, mais du bon parti, ne se fût chargé de le retrouver. Des Maretz de Saint-Sorlin n'avait pas publié de Pensées, mais, dans ses Avis du Saint-Esprit au Roi, s'était donné comme l'envoyé du ciel pour faire une réformation universelle, et avait promis au roi et au pape une armée de 144.000 dévoués, qui détruiraient les Turcs, les jansénistes et les athées. Ce fut ce dément qui donna la chasse à ce fou.

Il parvint à découvrir sa retraite, capta sa confiance par des flatteries, le fit parler, et le livra à la police le 18 février 1662 :

M. Grandin, docteur de Sorbonne et membre de la Compagnie, l'examina au point de vue de la foi.

Le roi fut intéressé au procès, qui fut poursuivi devant le Châtelet, puis devant le Parlement.

Le 13 mars 1663, le Parlement confirma la condamnation, et M. de Lamoignon, membre de la Compagnie, demanda à Morin s'il était écrit quelque part que le Nouveau Messie passerait par le feu. Morin répondit en s'appliquant les paroles du prophète : Tu m'as examiné par le feu et aucune iniquité n'a été trouvée en moi.

Le 14 mars, il fut brûlé en place de Grève ; quatre de ses complices furent battus de verges et marqués à l'épaule devant son bûcher. Sa femme et son fils furent bannis de Paris et de sa vicomté.

Ce fut une des plus éclatantes, mais des dernières victoires de la Compagnie. Elle s'occupait de tant d'œuvres, elle mettait la main à tant d'affaires, elle avait tant de confidents et d'agents que c'était miracle si son secret n'était pas encore connu de tout le monde.

Les magistrats, les gens en place, les simples particuliers avaient comme un vague soupçon de se trouver enveloppés dans une vaste intrigue, dont ils n'apercevaient pas tous les fils, mais dont ils constataient journellement la puissance. Il leur semblait que le sol fût miné sous leurs pas, et l'espionnage organisé par la Compagnie commençait à ôter toute franchise et toute sécurité aux relations sociales.

Comme on ne connaissait ni les statuts ni les délibérations de la Compagnie, et que le bien qu'elle faisait l'était par le moyen d'intermédiaires et de tierces personnes, on n'était point porté à lui en attribuer le mérite, et l'on chargeait, au contraire, la Cabale des dévots de tous les faits de rigueur et d'arbitraire, de tous les dénis de justice que l'on voyait se produire chaque jour.

Une sourde irritation commençait à se manifester contre les gens qui affectaient trop de dévotion et de rigorisme. Molière o3a mettre les faux dévots à la scène dans Tartuffe et dans Don Juan.

On a voulu voir dans Tartuffe la satire de la Compagnie : c'est une erreur. Tartuffe est un sinistre gredin, de mœurs relâchées, les confrères du Saint-Sacrement ont été en général de sincères croyants et des hommes de mœurs irréprochables. Tartuffe est un composé d'éléments disparates ; il y a en lui du janséniste, il y a du jésuite, il y a du papelard et de l'effronté. Molière a réuni en lui toutes les outrances, toutes les bassesses, toutes les grimaces, qui font de l'hypocrisie le plus laid et le plus répugnant de tous les vices ; mais son personnage est une création littéraire et non un portrait.

L'audace de Molière eut en France un immense retentissement. Elle soulagea la conscience publique, elle donna un corps, un nom, au vague sentiment de malaise qui pesait sur les esprits. La France comprit d'instinct que Tartuffe était cet ennemi caché, qu'elle ne pouvait surprendre, mais qu'elle avait deviné.

Juste au moment où montait contre elle le cri public, la Compagnie eut l'imprudence d'attirer sur elle l'attention et bientôt la colère de Colbert. Elle prit parti contre lui pour Fouquet. Elle contrecarra ses projets pour diminuer le nombre des moines, pour reculer à 25 ans l'âge canonique de l'ordination, pour alléger la liste des fêtes chômées. Lamoignon alla jusqu'à dire à Colbert que c'étaient là de petites idées, bonnes pour une République helvétique, et qu'il ferait tort à un royaume chrétien de se régler là-dessus.

Mais on ne put ébranler le crédit de Colbert auprès du roi, et la Compagnie, sentant qu'elle allait être forcée de sortir du mystère qui la protégeait, se dispersa sans bruit : Les officiers jugèrent qu'il était de la prudence de ne se plus assembler. Ils crurent que Dieu n'avait plus leur service agréable par cette voie et qu'il fallait céder à l'orage en attendant qu'il plût à la divine Providence de faire renaître des jours de calme et de liberté.